M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Michelle Meunier. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, je m’attarderai plus particulièrement sur la position de notre groupe sur la branche autonomie. Si l’on s’en tient aux quatre articles présentés par le Gouvernement dans ce PLFSS, deux mots suffisent à la caractériser : manque d’ambition.

Nous ressentons un immense décalage entre les attentes de notre société pour le grand âge, exprimées de multiples façons, et la réalité de ce budget.

Quelques dispositions vont néanmoins dans le bon sens. Je pense notamment au renforcement du contrôle financier des Ehpad et de leurs groupes – à cet égard, je salue tout particulièrement le travail de Bernard Bonne –, ou à l’introduction d’un accompagnement au lien social pour les personnes âgées dépendantes jusqu’à deux heures, ce qui est une manière de reconnaître les vertus de l’attention au-delà du seul soin physiologique. Cependant, ces dispositions, avec la poursuite de la refonte tarifaire des soins à domicile, ne changeront pas le paysage de la perte d’autonomie, loin de là. Le rapporteur Philippe Mouiller ne porte pas une analyse différente de la mienne, et je le sais très attaché lui aussi à l’examen d’une vraie grande loi relative au grand âge et à l’autonomie.

Le chantier majeur, toujours repoussé par le Gouvernement, reste la convergence des politiques de l’âge et du handicap, pour mettre fin aux injustices face à des incapacités similaires survenues à différentes périodes de la vie.

Les amendements socialistes portant sur la levée des seuils d’âge ou la prestation universelle de compensation ont été jugés irrecevables, et cela rend encore plus impérieux le besoin d’un texte d’ambition dans ce domaine.

Au-delà des missions de cette branche, nous ne pouvons pas passer sous silence la situation alarmante du médico-social. Ces métiers peinent à attirer, on y rencontre toujours des personnels exclus du Ségur, et les aides-soignantes s’y épuisent plus que les travailleurs du BTP : c’est la Cour des comptes qui le souligne, notant qu’une hausse des effectifs serait bénéfique pour le budget de la branche accidents du travail. C’est tout dire ! Face à ce constat, votre intention d’embaucher 3 000 personnes cette année en Ehpad, dans une perspective de 50 000 recrutements durant le quinquennat, surprend et ne suscite que de la déception : cela représente à peine un demi-poste par établissement !

À ces besoins criants s’ajoute désormais la prise en compte de l’inflation. Les établissements alertent sur les coûts des fluides : votre gouvernement ne pourra pas s’en sortir en proposant de mettre un col roulé à toutes les personnes âgées de nos Ehpad… Il n’y aura pas assez de personnel pour cela ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

Les socialistes prennent la mesure de ces enjeux. Nous savons qu’il faut augmenter la part de dépenses publiques et nous proposons d’y consacrer des contributions nouvelles, par exemple assises sur les dividendes ou sur les bénéfices des Ehpad privés. Avec ces moyens nouveaux, nous avons pour objectif de remédier au manque de places et aux délais insupportables : non, il n’est pas normal en France d’être sur une liste d’attente pour entrer en foyer d’accueil médicalisé ni de devoir patienter deux ans pour être suivi en centre médico-psychologique. Les soignants s’épuisent, les aidants désespèrent, les familles attendent : agissons ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames les ministres, mes chers collègues, je souhaiterais évoquer la cinquième branche de la sécurité sociale, dont l’objectif de dépenses pour 2023 s’élève à 37,3 milliards d’euros, en augmentation de 5,3 % par rapport à l’année précédente, afin de répondre aux besoins croissants de financement.

Je tiens à souligner deux points importants : l’un concerne la prévention, l’autre la possibilité de vieillir à domicile.

D’abord, le PLFSS pour 2023 accorde une importance particulière à une « meilleure prévention », avec la mise en place de « rendez-vous de prévention » à certains âges clés de la vie, sans obligation toutefois.

Chez les adultes de 60-65 ans, ce rendez-vous permettra de prévenir les maladies chroniques, les troubles de la vision, les fragilités ou la perte d’autonomie. J’ai déposé un amendement visant à repérer les aidants lors de ces rendez-vous et à prévenir les conséquences de la situation d’aidant sur leur état de santé.

Ensuite, le PLFSS pour 2023 donne priorité au « vieillir à domicile », le plus longtemps possible, pour les personnes âgées en perte d’autonomie.

« Vivre, c’est vieillir, rien de plus », écrivait Simone de Beauvoir dans LInvitée. Rappelons que 90 % des Français souhaitent vieillir et être accompagnés dans leur vieillissement ou leur handicap à domicile.

Afin de répondre à cette attente de la société civile, quelques mesures phares ont été prises.

L’article 33 vise ainsi à sécuriser la réforme de la tarification des services de soins infirmiers à domicile, qui devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2023. Aussi, 4 000 places supplémentaires seront créées.

L’article 34 permet au département de compléter, voire dépasser le plafond des plans d’aide personnalisée à l’autonomie par deux heures d’accompagnement et de temps social, lorsque cela est nécessaire.

Même si cette mesure constitue une avancée importante, dans l’intérêt des professionnels, ainsi que des personnes âgées, les sénateurs de l’Union Centriste regrettent profondément la restriction de son périmètre aux seuls bénéficiaires de l’APA, excluant de facto les bénéficiaires de la prestation de compensation du handicap.

Par ailleurs, les plans d’aide actuellement tendus des bénéficiaires de l’APA ne permettant pas de répondre en tout ou partie aux gestes de la vie quotidienne dont ils ont besoin, il est à craindre que ces heures ne se limitent à répondre aux besoins vitaux des personnes âgées, au détriment du lien social, pourtant nécessaire. Par conséquent, nous nous interrogeons sur la soutenabilité de son financement par les départements.

Malgré les besoins grandissants de la population en matière de recours aux services à la personne, le secteur, à forte intensité de main-d’œuvre, est confronté à de vives tensions dans les recrutements sur l’ensemble des métiers. Ce sont 1 million d’emplois qui sont à pourvoir d’ici à 2030 !

Toutefois, le PLFSS pour 2023 ne contient aucune mesure à application immédiate pour ce secteur. Le texte présente des éléments positifs, comme le « bouclier inflation » et le « bouclier énergie » ; il faudra élargir ce dernier aux services à domicile, pour lesquels les factures d’essence pèsent lourdement, surtout dans les territoires ruraux.

Pour améliorer la prise en charge des personnes âgées dans les Ehpad, ce projet de loi prévoit plusieurs mesures : revalorisations salariales, actualisation des coupes Pathos, déploiement de centres de ressources territoriaux, simplification des modalités de financement de l’habitat inclusif. L’aide à la vie partagée est une bonne solution, qui retardera les entrées dans les Ehpad.

Par ailleurs, les Ehpad bénéficieront de 3 000 aides-soignants et infirmiers supplémentaires en 2023. Même si ces annonces vont dans le bon sens, une réflexion sur les problèmes rencontrés par le secteur s’avère nécessaire : attractivité, formation, validation des acquis de l’expérience, postes vacants. Comment donner envie à des femmes et des hommes de s’engager dans les services d’aide à domicile, de devenir auxiliaire de vie ou infirmier en pratiques avancées en gériatrie ?

Nous saluons enfin l’inscription du « bien vieillir » dans les travaux du Conseil national de la refondation, avec trois axes dédiés : adapter la société au vieillissement, promouvoir la citoyenneté des personnes âgées et le lien social, revaloriser les métiers. Dix ateliers de concertation sont prévus dans dix départements de métropole et d’outre-mer. La feuille de route issue de la concertation sera présentée en mai 2023.

Je profite de cette occasion pour mettre l’accent sur la participation des aidants à ces échanges et la nécessité d’améliorer les mesures en faveur du répit, qui jouent un rôle important dans la lutte contre l’isolement social des personnes âgées ou handicapées.

S’agissant des aidants, les articles 34 bis et 34 ter du PLFSS pour 2023, que le Gouvernement a choisi de retenir lors de son usage de l’article 49.3 de la Constitution, traitent de l’élargissement de la durée et de l’indemnisation du congé de proche aidant, ainsi que de l’identification des moyens d’élargir l’allocation journalière du proche aidant (Ajpa) aux aidants des personnes malades du cancer. Ce que le Gouvernement propose, sur ces sujets, c’est de nous remettre des rapports. Je soutiendrai le maintien de ces articles dans le texte, puisque c’est une demande que j’exprime moi-même depuis plusieurs années.

L’article 35 ter, issu de l’adoption d’un amendement, ouvre une expérimentation permettant la création d’un véritable parcours d’accompagnement harmonisé des aidants familiaux, parcours qui pourrait notamment passer par la prise en charge d’une consultation médicale spécifique.

Rappelons aussi qu’une politique de l’autonomie ne se réduit pas au grand âge et au « bien vieillir ». Sur le champ du handicap, le PLFSS encourage la transformation des établissements médico-sociaux et promeut les démarches inclusives.

Nous nous réjouissons de l’augmentation des moyens budgétaires : près de 70 millions d’euros destinés à développer l’offre pour le public atteint de troubles du spectre de l’autisme. Je préférerais parler de troubles du neurodéveloppement, afin de mieux prendre en charge le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) et les troubles « dys ».

L’article 33 quater organise la revalorisation annuelle du tarif plancher, qui passera à 23 euros en 2023. L’article 35 bis, issu d’un amendement du Gouvernement, crée un parcours de rééducation et de réévaluation des enfants en situation de polyhandicap ou de paralysie cérébrale.

Enfin, nous regrettons la non-présentation, par le Gouvernement, d’une loi consacrée au grand âge et l’absence de projections pluriannuelles indispensables pour relever les défis de cette branche.

Mes chers collègues, le secteur médico-social souffre du contexte d’inflation et de la crise du recrutement. Des oubliés du Ségur de la santé mettent en cause une forte inégalité de traitement. Le temps des constats et des propositions est révolu. Il est l’heure d’agir sur le terrain, d’y déployer un plan d’action, des dispositifs d’urgence et des modalités concrètes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin et M. Daniel Chasseing applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Alain Milon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Milon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames les ministres, mes chers collègues, notre système de santé vit depuis quelques années une crise sans précédent.

Alors qu’au XXe siècle il faisait figure de référence mondiale, nous devons constater désormais son inadaptation totale face aux défis de la transition écologique, de la transition démographique et de la transition technologique. Les différentes réformes mises en place depuis quelques dizaines d’années n’ont pas permis de reconstruire notre système de santé à la hauteur de ces enjeux, malgré la bonne volonté de chacun de leurs auteurs.

Le PLFSS pour 2023, monsieur le ministre, est à l’exemple des précédents.

Il ne présente aucune réforme majeure, il modifie à la marge les modalités d’exercice de certains professionnels de santé et continue de mélanger les genres : loi de financement et loi d’organisation de la santé sur le territoire national. C’est évidemment la meilleure façon d’entretenir la confusion ! En sus, cette fois, l’application de l’article 49.3 de la Constitution met en doute, dans mon esprit, la volonté du Gouvernement de respecter la légitimité du Parlement.

J’étais naïvement persuadé qu’avec cette nouvelle mandature et avec le constat que nous faisons tous, vous alliez présenter un projet qui aurait remis la santé sur les rails.

Pourquoi ne pas avoir eu la volonté, dès ce PLFSS, de refonder la gouvernance de la santé en proposant, par exemple, une loi de programmation sanitaire sur la durée du mandat présidentiel ?

Pourquoi ne pas émettre au moins un signe de votre volonté de fixer une stratégie de santé fondée sur l’évaluation des besoins et l’établissement d’objectifs sur cinq ans ?

Pourquoi ne pas développer une vraie politique de gouvernance autonome démocratique de l’hôpital ? J’avais en son temps, à la demande du président Gérard Larcher, fait des propositions au Président de la République… Elles sont restées lettre morte.

Pourquoi ne pas marquer votre volonté de mettre en place une vraie démocratie sociale et sanitaire au centre du fonctionnement de l’hôpital et de rééquilibrer le management entre la médecine et l’administration ?

Pourquoi ne pas permettre la mise en place des patients experts qui apporteraient aux soignants l’expertise des malades ?

Pourquoi ne pas assurer aux professionnels libéraux qu’ils soient garants des missions territoriales de santé ?

Pourquoi ne pas proposer une restructuration de la permanence des soins ambulatoires, afin de garantir la pertinence des urgences hospitalières ?

Pourquoi ne pas réviser les ordonnances Debré de 1958 pour permettre un meilleur ancrage territorial des hôpitaux ?

Je pourrai continuer la liste des pourquoi, mais j’entends votre réponse, monsieur le ministre : « Tout cela sera discuté dans le cadre du Conseil national de la refondation… »

Mme Émilienne Poumirol et M. Bernard Jomier. Eh oui !

M. Alain Milon. Or, monsieur le ministre, il y a urgence et les conclusions de ce conseil n’interviendront que l’an prochain. Il faudra ensuite des mois et des mois pour élaborer les lois qui en découleront. Nous aurons alors encore perdu un an ou deux et vous serez contraint, une fois de plus, de mettre des rustines, comme vous le faites actuellement pour la pédiatrie.

J’aimerais revenir sur un point plus particulier : le financement.

Notre modèle solidaire impose un financement solidaire, c’est-à-dire dont les ressources et les dépenses respectent le caractère solidaire : payer selon ses moyens, recevoir selon ses besoins. Cette règle s’applique pour la sécurité sociale, mais pas pour les assureurs privés.

Pratiquement tous les pays développés qui disposent d’un modèle universel ont un payeur unique de type solidaire. Ce système est garant de la liberté des acteurs et de l’indépendance professionnelle des soignants.

Notre système à deux étages est structurellement coûteux et défaillant – selon des publications, 5,6 % de la dépense totale contre 2,8 % pour l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). C’est un système très peu efficace dans la couverture du risque et inégalitaire, favorable aux actifs – mais pas tous, en particulier les indépendants – ; défavorable aux inactifs, en particulier les retraités.

Dans les faits, seul le financeur public supporte le vrai risque. Seul le financeur public garantit le libre choix de son professionnel de santé et l’indépendance professionnelle des soignants.

On le voit dans la mise en place des réseaux en matière d’optique ou de certains centres de soins dentaires – la liste serait longue –, mais nous pouvons constater, avec le financement assurantiel privé, une diminution de l’équité d’accès aux prestations de santé.

Il serait nécessaire, selon moi, que l’on revoie complètement le système de financement de la santé. À l’instar d’autres pays en Europe, les assurances complémentaires devraient devenir supplémentaires et chacun d’entre nous devrait savoir combien coûte la santé. Ce serait d’ailleurs une façon, pour le Parlement, de fixer chaque année le tarif de base des organismes complémentaires de santé.

Si j’en reviens au PLFSS tel qu’il s’impose à nous, celui-ci fait état d’une nette amélioration des comptes avec un déficit à 7,3 milliards d’euros, contre près de 18 milliards d’euros en 2022.

Première constatation, combien de temps notre système peut-il vivre encore avec de tels déficits ? Deuxième constatation, le Haut Conseil de la santé publique a émis des doutes sur la sincérité de ce PLFSS, puisque celui-ci s’appuie sur des prévisions macroéconomiques excessivement optimistes.

Les recettes pour 2023 sont surestimées. Quant aux dépenses, elles me semblent sous-estimées, surtout au niveau de l’Ondam soins de ville, enregistrant une augmentation de 0,5 point par rapport à son niveau d’avant la pandémie de covid-19, alors que l’inflation était pratiquement nulle à cette époque.

J’espère que l’estimation des dépenses liées au covid-19 correspondra à la réalité et que ces dépenses ne seront pas non plus sous-évaluées. Mais on voit bien que d’autres épidémies arrivent. L’exemple de la bronchiolite montre à quel point nous avons l’obligation de réussir, cette fois, les réformes nécessaires.

Je ne voudrais pas entrer dans le détail de ce PLFSS. Nous aurons toute cette semaine pour nous exprimer sur les différents articles du texte, sanctionné par l’usage du 49.3.

Je voudrais néanmoins m’appesantir un instant sur la branche famille. Si mes souvenirs sont bons, chaque branche a été créée indépendamment des autres ; chaque branche a sa fonction propre et doit occuper intégralement cette fonction.

Depuis des années, au nom de je ne sais quel principe, les différents gouvernements, quelle que soit leur tendance politique, ont ponctionné allègrement la branche excédentaire des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP).

Cette fois, vous allez plus loin encore, en profitant des excédents de la branche famille pour imposer à celle-ci le remboursement du congé de maternité, soit 2 milliards d’euros, évidemment insuffisants pour équilibrer les comptes de la branche maladie.

Pourquoi, monsieur le ministre, ne pas avoir relancé la politique de natalité avec ces excédents ? Depuis 2014, les familles ont subi : la modulation des allocations familiales, dont l’effet cumulé atteint à ce jour 4 milliards d’euros ; la suppression du complément de libre choix d’activité majoré ; la modulation de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant – la fameuse Paje – ; l’alignement du montant du plafond de l’allocation de base sur le complément familial. Il y avait, vous le voyez, beaucoup à faire pour améliorer la politique de natalité !

Je viens de vous exprimer mon désenchantement et mon angoisse de voir notre système devenir obsolète, faute de réforme en profondeur.

Au moment du mouvement des gilets jaunes, j’avais dit à la ministre Agnès Buzyn qu’il fallait éviter le mouvement des gilets bleus et des blouses blanches. La crise du covid-19 est passée par là, mais la réalité nous rejoint de nouveau : il est grand temps de réagir ! En effet, comme le chantait Barbara : le temps qui passe ne se rattrape guère, le temps perdu ne se rattrape plus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC, RDSE, INDEP et SER.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, je regrette que le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées ne soit plus présent dans l’hémicycle au moment où nous parlons de solidarité. Le PLFSS, ce n’est pas que l’assurance maladie !

Je vais, en particulier, enchaîner avec les propos tenus à l’instant par mon collègue sur la ponction effectuée sur la branche famille.

Celle-ci a désormais atteint l’équilibre ; elle est même excédentaire, ce qui donne au Gouvernement des marges considérables pour relancer une politique familiale adaptée, moderne, compatible avec la volonté des familles. Or, il profite de cet excédent pour faire un petit jeu comptable, dont j’imagine bien qu’il a été conçu par les cerveaux de Bercy, le ministère des finances ayant aussi tutelle sur le PLFSS – le jour où nous avons accepté cela, nous avons commis une énorme erreur.

À la question de savoir où prendre l’argent pour assurer les dépenses du PLFSS, Bercy répond : il n’y a qu’à le prendre à la famille, et ce n’est pas tout à fait neutre. En effet, on ne réfléchit pas à Bercy comme on réfléchit aux ministères de la santé ou des solidarités. Or il n’est pas neutre de transférer la prise en charge des indemnités journalières de l’assurance maladie à la branche famille. La politique familiale est une politique fondée sur le choix : les familles ont le choix du mode de garde, le choix de prendre des congés familiaux, notamment pour l’éducation à travers la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE)… En transférant les dépenses liées au congé post-accouchement, on rapproche celui-ci du congé de paternité qui, lui, est bien naturellement pris en charge par la branche famille.

J’alerte l’hémicycle, et, au-delà, les associations familiales, sur le fait que les indemnités journalières post-accouchement sont versées, non pas au titre d’un congé pour s’occuper de l’enfant, mais au titre d’un congé nécessaire pour la santé de la mère et la protection maternelle. (Mme Émilienne Poumirol applaudit.) En alignant le financement de ce dernier sur celui du congé de paternité, on le fait donc entrer dans la catégorie des congés à option et l’étape suivante, je l’imagine aisément, c’est de demander aux parents lequel des deux prendra le congé post-accouchement ! Il me semble important d’attirer l’attention sur ce point.

Je veux aussi parler brièvement de la déconjugalisation de l’allocation de soutien familial, l’ASF.

J’ai aujourd’hui l’exemple d’une mère de famille veuve avec deux enfants, qui gagne 1 000 euros par mois de pension d’invalidité, auxquels s’ajoutent 300 euros de revenus. La caisse d’allocations familiales (CAF) lui réclame 5 000 euros de trop-perçu au titre de l’ASF, au motif qu’elle a un homme dans sa vie, lui-même gagnant le Smic et ayant un enfant à charge. La CAF considère que cet homme est supposé prendre en charge les enfants de cette femme seule !

Déconjugaliser l’allocation de soutien familial, c’est une exigence pour les familles monoparentales, pour les mères, pour la lutte contre leur solitude et, tout simplement, pour leur capacité à avoir un niveau de vie correct. (M. François Braun, ministre, semble marquer son étonnement.)

Votre attitude, monsieur le ministre, me laisse penser que vous ne connaissez peut-être pas le dossier… (Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée, sexclame.) Je vous le confirme, quand une mère de famille monoparentale a une nouvelle relation amoureuse, on lui supprime son allocation de soutien familial, au motif qu’elle n’est plus seule et que le nouvel homme de sa vie est supposé financer l’entretien de ses enfants. Ce n’est pas normal ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Braun, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la rapporteure générale, je ne vais pas réagir à l’ensemble des remarques formulées, car l’occasion me sera donnée, au cours des débats, de revenir à votre convenance sur chacun des points et de compléter des informations discutables.

Je tiens toutefois à dire que je suis sensible à ce que Mme la rapporteure générale a exposé s’agissant de la nécessaire rectification de l’Ondam 2022. Cette rectification, proposée dans le texte initial, n’a pas été retenue par l’Assemblée nationale. Je suis de toute évidence favorable à son rétablissement : c’est un élément essentiel pour la crédibilité du PLFSS pour 2023, et qui garantira un financement nécessaire pour le système de santé en 2022.

Toutefois, pour aller plus loin que le simple rétablissement proposé par Mme la rapporteure générale, le Gouvernement présente un sous-amendement tendant à ajouter encore 600 millions d’euros au sous-objectif concernant les établissements de santé, donc à l’Ondam 2022 dans son ensemble.

Il s’agit de financer les engagements pris pour assurer le bon fonctionnement des établissements de santé dans la période actuelle de crise et d’épidémies hivernales, ainsi qu’une partie des engagements relevant de mes dernières annonces concernant les établissements en tension, particulièrement les services de pédiatrie – bien qu’étant régulièrement à leur contact, je les assure une fois de plus de mon soutien le plus complet face à la difficile crise qu’ils traversent. Il faut, certes, appliquer un traitement symptomatique immédiat, mais nous démarrons également avec eux des travaux sur le traitement de fond, travaux qui aboutiront, comme je l’avais annoncé, à l’organisation d’assises de la santé de l’enfant au printemps et à l’établissement d’une feuille de route pour les années à venir autour de la santé de l’enfant.

Ces crédits supplémentaires permettront notamment de soutenir financièrement les agents travaillant la nuit et en soins critiques, en particulier les puériculteurs et auxiliaires de puériculture.

La rectification de l’Ondam des établissements de santé permettra aussi de rendre solvables les établissements de santé ayant déployé des mesures de la mission flash de l’été dernier. Je pense notamment aux mesures relatives aux heures supplémentaires et au temps additionnel.

Le relèvement de l’Ondam 2022 serait donc porté à 9,7 milliards d’euros par rapport au montant voté dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Par cette décision, le Gouvernement matérialise de nouveau sa détermination à consacrer tous les moyens nécessaires au bon fonctionnement des établissements de santé.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Je ne serai pas longue, mais je voudrais dire quelques mots sur la stratégie macroéconomique sous-tendant ce PLFSS, laquelle a fait l’objet de nombreux questionnements et remarques, notamment de la part de Mme la rapporteure générale.

Je souhaite tout d’abord préciser que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a rendu un avis positif sur le scénario macroéconomique des textes financiers cet automne. Les prévisions de croissance et d’inflation pour 2022 ont été jugées – et j’emploie les mots du HCFP – « crédibles », tout comme la prévision d’inflation pour 2023. La prévision de croissance pour cette même année a, elle, été jugée « un peu élevée », mais le Haut Conseil des finances publiques relève également la « grande incertitude » qui entoure ces prévisions et concerne tous les pays développés. La prévision de masse salariale pour 2023, en hausse de 5 %, a également été jugée « plausible ».

C’est donc un tableau plutôt nuancé qui est dressé. J’indique que l’été dernier, alors que nous avions déjà ce débat, qui me semble important, le HCFP avait pour le coup estimé la prévision de croissance à 2,5 % pour 2022 un peu élevée. Aujourd’hui, l’Insee nous signale qu’avant même de comptabiliser le quatrième trimestre de cette année, nous avons atteint ce niveau !

Je rappelle aussi que la France est sortie un peu plus rapidement de la crise que ses voisins, retrouvant dès la fin de l’année 2021 un niveau de production d’avant-crise, le « quoi qu’il en coûte » ayant notamment contribué à maintenir l’investissement à un niveau dynamique. Ainsi, selon la dernière note de conjoncture de l’Insee, datant du mois d’octobre, l’investissement des entreprises devrait croître d’au moins 2,8 % en 2022. Le climat des affaires, quant à lui, également mesuré par l’Insee, reste un peu supérieur à la norme, avec un indicateur à 102, contre 100 en moyenne. Les créations d’emplois s’élèvent à 220 000 au premier semestre, comme j’ai déjà eu l’occasion de le signaler.

Par ailleurs, les textes financiers qui vous sont soumis cet automne, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce soit le PLF, le PLFR ou encore le PLFSS, comportent justement des mesures pour atteindre le niveau de 1 % de croissance en 2023, avec, notamment, le maintien d’un soutien vigoureux aux entreprises, mais aussi aux collectivités territoriales face aux effets de l’inflation. Comme vous le savez, ce soutien s’est illustré, d’abord, par l’adoption d’un filet de sécurité énergétique de 430 millions d’euros en 2022 et de 1,5 milliard d’euros en 2023 pour les collectivités, mais aussi par la poursuite du bouclier tarifaire pour les ménages, qui représente une masse financière de 100 milliards d’euros et permettra d’éviter une dépense allant de 160 à 175 euros par mois et par foyer français.

Au moment où nous nous parlons, mesdames, messieurs les sénateurs, l’économie française continue donc, malgré les difficultés, à résister. C’est à l’aune de ces hypothèses et de cette réalité macroéconomique que nous avons fondé les grands arbitrages et équilibres du PLFSS. Notre vision de la conjoncture n’est ni optimiste – encore moins démesurément optimiste – ni pessimiste : elle reflète bien, semble-t-il, l’état de notre pays.