M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 1043 rectifié.

Mme Monique Lubin. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Nos collègues proposent de supprimer l’ensemble de l’article.

Pour ma part, je présenterai par la suite un amendement visant à supprimer seulement une partie de ses dispositions, en conservant les précisions votées cet été au sujet des modalités de compensation de la réduction de cotisations sociales des travailleurs indépendants au moyen de la TVA. En effet, ces dispositions ne doivent pas être supprimées.

J’émets donc un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. L’article 10 transfère le financement des indemnités journalières liées au congé maternité postnatal à la branche famille, conformément à une recommandation de la Cour des comptes.

Ce transfert ne vient pas entamer la détermination du Gouvernement s’agissant de la politique familiale, puisque le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte, notamment, la linéarisation, c’est-à-dire l’égalisation, du reste à charge pour l’accueil des jeunes enfants. Cette mesure prend d’ailleurs en compte une partie des préoccupations exprimées par les auteurs des amendements au sujet des familles les plus modestes.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements de suppression.

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.

M. Alain Milon. Plutôt qu’une suppression globale de l’article, je voterai l’amendement de Mme la rapporteure générale. En effet, il me semble important que ces 2 milliards d’euros soient utilisés au sein de la Cnaf, et non pas ailleurs.

Sous la mandature de M. Hollande a été mise en place la modulation des allocations familiales. Cette mesure a entraîné, depuis 2014, un amoindrissement des recettes versées aux familles de près de 4 milliards d’euros : ce n’est pas rien, tout de même !

La suppression du complément de libre choix d’activité majoré a également été mise en œuvre, ainsi que la modulation de cette allocation de base, essentielle, qu’est la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje). De plus, l’alignement du montant du plafond de l’allocation de base sur le complément familial a été acté. Les excédents de la branche famille que nous connaissons actuellement auraient pu servir à compenser ces financements réduits pour les familles et à réinstaurer une véritable politique de natalité.

Quoi qu’il en soit, transférer la charge de ces 2 milliards d’euros de financement de la branche maladie à la branche famille ne suffira pas, malheureusement, à rééquilibrer les comptes. Malgré ce transfert, les prévisions de déficit de la branche maladie s’élèvent tout de même à près de 7 milliards d’euros. À titre de comparaison, le déficit prévu pour 2022 s’élevait à 6 milliards d’euros ; en ajoutant les 7 milliards d’euros dont nous parlons, la dette se creuse donc de 13 milliards d’euros.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Olivier Henno, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. Même s’il n’a pas encore été défendu, je voterai moi aussi l’amendement de Mme la rapporteure générale, plutôt que ces amendements de suppression. Le débat étant déjà ouvert, je vais exposer, en tant que rapporteur pour la branche famille, les raisons pour lesquelles il faut revenir sur le transfert prévu par cet article.

Certes, quelques lueurs d’espoir sont visibles, vous y avez insisté, monsieur le ministre : les évolutions apportées à la CMG en ce qui concerne les familles monoparentales, l’allocation de soutien familial (ASF) revalorisée de 50 %, etc. Malgré tout, l’ambition du Gouvernement est limitée en matière de politique familiale, alors même que la branche famille est excédentaire de 3,5 milliards d’euros.

M. Olivier Henno, rapporteur. Cet excédent diminuerait de 500 millions d’euros d’ici à deux ou trois ans du fait des mesures faisant l’objet de nos discussions.

Dans le même temps, on veut afficher certaines ambitions, avec l’hypothèse d’un retour sur la modulation des allocations familiales ou de celle de la création d’un service public de la petite enfance. Je crains que l’argent ne vienne à manquer pour assumer de telles ambitions.

Mme Laurence Cohen. Il n’y aura pas d’argent !

M. Olivier Henno, rapporteur. Pourtant, la création de places de crèche est indispensable. Non seulement elle relève de l’évidence en matière d’égalité entre hommes et femmes, mais le manque de places de crèches constitue l’un des principaux freins au retour à l’emploi, un sujet sur lequel je travaille avec notre collègue Frédérique Puissat.

Au moment où il s’agira de concrétiser les ambitions, les moyens manqueront. Voilà un paradoxe, pour ne pas dire une contradiction !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Pour compléter les propos de M. Henno, je rappelle que, une fois ce transfert réalisé – si le Parlement l’agrée – et l’égalisation du complément de libre choix du mode de garde actée, quelque 2,6 milliards d’euros seront transférés à la branche famille. Mais celle-ci resterait excédentaire à hauteur de 700 millions d’euros.

Par ailleurs, le transfert de ces fonds représente une mise en cohérence avec l’inscription dans le texte du financement du congé paternité qui, lui aussi, est financé par la branche famille.

Enfin, il s’agit de transférer le financement non pas de l’ensemble de la dépense entourant la naissance, mais uniquement de la partie post-natale.

En dépit, si je puis dire, de ce transfert de 2 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent les 600 millions d’euros d’excédents en moins à prévoir, la branche reste donc excédentaire à hauteur de 700 millions d’euros, tout en assurant une meilleure cohérence d’ensemble.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. J’entends votre comparaison avec le congé de paternité, monsieur le ministre, mais ce n’est pas du tout la même chose ! Le congé postnatal relève d’un problème de santé pour la femme qui accouche.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Quand bien même la mère, en restant chez elle, pourrait s’occuper de son enfant, l’enjeu est bien sanitaire.

Pour cette raison, nous souhaitons que le congé postnatal continue de relever de la branche maladie.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 720, 788 et 1043 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 42, présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéas 4 à 8, 12, 14, 16 à 20 et 24

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet amendement a pour objet de supprimer le transfert de charges de 2 milliards d’euros de la branche maladie à la branche famille. En effet, comme cela a déjà été dit, la Cnaf se retrouverait chargée de mener une politique ambitieuse avec un montant de ressources assez faible.

La présidente de la Cnaf, Mme Isabelle Sancerni, a eu l’occasion d’envoyer aux uns et aux autres un courrier du conseil d’administration. Si ses membres se montrent favorables aux mesures de ce PLFSS en matière de petite enfance, ils estiment anormal de transférer ces 2 milliards d’euros au prétexte que cette branche serait excédentaire. Ils considèrent même leur situation actuelle comme fragile, estimant que le service aux familles est dégradé. Ils souhaitent avoir les moyens de mettre en œuvre la prochaine convention d’objectifs et de gestion (COG), qui est actuellement en négociation.

Face aux difficultés importantes qui s’annoncent, il faut prendre en compte l’ensemble des propositions émises par mes collègues, et, par conséquent, laisser ces 2 milliards d’euros sur la branche famille, car c’est une nécessité.

La Cnaf, reprenant le discours que nous tenons depuis de nombreuses années, prévient que la politique familiale en France n’est pas assez ambitieuse. Il faut y mettre des moyens, et ponctionner 2 milliards d’euros par le biais de ce transfert ne va pas dans le sens de cette ambition.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Je tiens à rappeler de nouveau que ce transfert n’entame en rien la détermination du Gouvernement à mener une politique familiale ambitieuse.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Si, puisque vous amputez le budget !

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Le doublement du congé de paternité n’est pas tout à fait rien ! De même, l’égalisation du complément de libre choix du mode de garde constitue une mesure pleine d’intérêt.

La caisse reste excédentaire, ce qui lui permettra de mener des politiques de soutien aux familles. Le sénateur Henno a rappelé tout à l’heure notre ambition de mettre en œuvre un service public de la petite enfance : c’est l’horizon qui nous guide et nous n’y renonçons pas, quand bien même ce projet, structurant, nécessiterait plusieurs années de travail.

J’y insiste, ce transfert n’entame pas la possibilité pour la Cnaf et pour le pays de poursuivre la construction d’une politique familiale ambitieuse.

M. Jean-François Husson. Ce n’est pas très convaincant !

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Monsieur le ministre, il y a une embrouille ! Si notre sécurité sociale est divisée en branches, c’est bien pour distinguer les politiques : d’un côté la santé, de l’autre la famille. La politique familiale ne se confond pas forcément avec la politique sociale, des divergences apparaissant par exemple quand il s’agit de favoriser la natalité.

Si vous attribuez moins de charges à la branche famille, si vous réduisez ses responsabilités, vous lui allouez moins de recettes. Modifier les recettes pour mener une politique conforme aux objectifs se comprend, mais pas ponctionner 2 milliards d’euros sur la branche famille ni prélever 1 milliard d’euros sur la branche accidents du travail-maladies professionnelles pour attribuer ces sommes à la branche maladie. Autant supprimer les branches : ce sera plus facile !

Je le répète, tout cela relève de l’embrouille. Le ministre de la santé, hier, a annoncé au cours de notre discussion 400 millions d’euros de dépenses supplémentaires. Ce serait extraordinaire, s’il y avait vraiment des recettes supplémentaires ! Il s’agit en fait d’une simple réaffectation de fonds : rien ne change. Au-delà de ces effets d’annonce, l’hôpital ne disposera pas globalement de plus d’argent. Et c’est exactement la même chose, ici, pour les familles.

Nous nous opposons au transfert prévu par l’article, au nom du maintien des branches de notre sécurité sociale. À l’heure où l’on en crée une de plus, à savoir la branche autonomie, autant ne pas ponctionner les unes pour financer les autres : sinon, il s’agit d’un jeu à somme nulle, qui relève de la simple tuyauterie budgétaire et ne saurait répondre aux préoccupations de nos concitoyens.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Il est dur d’entendre par deux fois le ministre affirmer qu’il restera encore près de 800 millions d’euros pour la politique familiale à la suite de ces ponctions, qui sont contestées sur toutes les travées.

Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des réformes ayant conduit aux excédents que soulignait Alain Milon. J’ai eu l’occasion de mentionner la dernière en date, celle de la PreParE : elle a cantonné le congé parental à deux ans maximum pour un parent et un an pour l’autre, en consacrant à cette politique une somme forfaitaire complètement ridicule. Il paraît que vous aviez calculé dès l’étude d’impact de cette réforme que la Cnaf allait réaliser 1 milliard d’euros d’économies !

Revenir sur cette réforme, ou plutôt cette contre-réforme de la PreParE mettrait de facto la branche famille en déficit, puisque son excédent sera de 800 millions d’euros, selon vous, quand la PreParE a permis d’économiser 1,1 milliard d’euros.

Il n’est donc pas raisonnable de dire qu’il n’est pas porté atteinte à une politique familiale dynamique au motif qu’il resterait encore quelques miettes, surtout quand les pères ne demandent pas la PreParE à laquelle ils ont droit pendant un an, en raison de son montant ridicule.

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.

M. Alain Milon. Monsieur le ministre, j’entends bien votre argumentation relative aux excédents de la branche famille. Mais je rejoins les propos de René-Paul Savary : en 1945, les branches ont été créées avec des définitions et des missions extrêmement précises. Dans mon intervention d’hier, j’ai rappelé que la branche AT-MP était, depuis des années déjà, ponctionnée trop allègrement par les gouvernements successifs…

Si l’on y prête attention, la natalité en France en 2020 était inférieure à celle de 1945. Depuis une bonne dizaine d’années, elle diminue progressivement. Par conséquent, il faut réaliser un effort sur la politique familiale et de natalité, pour redresser la courbe avant que nous ne retrouvions dans la même situation que l’Allemagne et que nous soyons obligés de faire venir une population étrangère pour faire le travail qui ne peut plus être fait par des Français.

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Bien des choses ont été dites. Je pense moi aussi qu’il faut conserver des branches répondant à des missions propres : tel est le sens du budget de la sécurité sociale.

Je sais bien, monsieur le ministre, que nous ne sommes pas très intelligents, mais vous nous expliquez que vous allez ôter 2 milliards d’euros à la branche famille tout en conservant les mêmes ambitions… Mais moins, c’est moins ! Comment voulez-vous conserver les mêmes ambitions en perdant 2 milliards d’euros ? Vous nous prenez pour des idiots !

Tout de même, 2 milliards d’euros en moins, c’est 2 milliards d’euros en moins ! Qu’est-ce que cela signifie, « les mêmes ambitions » ? Il y a tant à faire sur la branche famille ! Expliquez-moi comment vous imaginez ne pas revenir sur vos ambitions avec tout cet argent en moins…

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Mettons les choses en perspective : n’allons pas dire que la France n’a pas de politique familiale ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Les dépenses de la branche famille représentent 50 milliards d’euros pour 2022, auxquels il faut ajouter 5 milliards d’euros si le Parlement adopte ce texte.

Des projets méritent d’être menés. J’ai mentionné tout à l’heure l’horizon que représente le service public de la petite enfance : c’est une vraie et grande politique familiale.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous en entendons parler depuis longtemps !

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. J’entends les arguments qui ont été développés, mais la branche famille conserve des capacités d’action.

Quant aux transferts interbranches, y a-t-il eu seulement dans ce pays une majorité qui, par le passé, n’y a jamais procédé ?

M. Bernard Bonne. Ce n’est pas une raison !

M. Alain Milon. De la branche famille vers la branche santé, jamais !

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. C’est une réalité. La sécurité sociale est permanente, mais les besoins de chaque branche évoluent.

M. Bernard Jomier. Quel baratin !

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Ce transfert, je le répète, n’entame pas la capacité d’action de la branche famille, dans le cadre d’une politique familiale qui, dans notre pays, reste ambitieuse, comme en témoignent les 5 milliards d’euros ajoutés par ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Moins 2 milliards d’euros !

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Le budget passe ainsi de 50 à 55 milliards d’euros.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Les explications sont lapidaires…

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 42.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 43 est présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.

L’amendement n° 726 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.

L’amendement n° 833 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 21 et 22

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme la rapporteure générale, pour présenter l’amendement n° 43.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet amendement a pour objet de supprimer le principe de non-compensation à la sécurité sociale du coût de la prime de partage de la valeur, principe qui est prévu aux alinéas 21 et 22 de l’article.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 726.

Mme Raymonde Poncet Monge. Les alinéas 21 et 22 visent à supprimer la compensation des exonérations de cotisations qui est appliquée à la prime de partage de la valeur. Pourtant, celle-ci représente une perte de recettes massive pour les comptes de la sécurité sociale.

Au premier trimestre de 2019, le salaire moyen par tête (SMPT) a augmenté de 2,7 % sur un an, soit la plus forte augmentation depuis neuf ans selon l’Insee. Mais si l’on exclut de la masse salariale les 2,2 milliards d’euros perçus par les salariés au titre de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa), remplacée depuis juillet 2022 par la prime de partage de la valeur, le SMPT n’aurait progressé que de 1,3 % sur un an. La progression serait ainsi inférieure à celle des trimestres précédents ou suivants, confortant la forte présomption d’effets d’aubaine importants.

Les employeurs ne sont pas incités à augmenter les salaires de leurs employés ; ils accordent en substitution des primes non soumises à impôts ni à cotisations.

En outre, cette prime est loin de toucher de manière uniforme et égalitaire les travailleurs : je vous renvoie aux statistiques disponibles, mes chers collègues.

Il ne revient pas à la sécurité sociale de financer une mesure qui désincite à l’augmentation des salaires, lesquels, pourtant, assurent les recettes du système. Cet amendement vise donc à maintenir la compensation par l’État du manque à gagner pour les comptes de la sécurité sociale que représente la prime de partage de la valeur.

En outre, cette compensation avait été adoptée par le Parlement cet été, à l’occasion de l’adoption de la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

Pour conclure, il existe une politique délibérée – j’insiste sur ce dernier mot – d’exonérations et d’exemptions d’assiette totalement non compensées, pour conduire au constat que les caisses sont vides ou déficitaires et justifier, ensuite, la nécessité de baisser les dépenses publiques.

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 833.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement vise à supprimer la non-compensation par le budget de l’État de la prime de partage de la valeur.

Depuis le 1er juillet 2022, les employeurs peuvent verser à leurs salariés une prime de partage de la valeur exonérée de cotisations et contributions sociales, dans la limite de 3 000 euros et jusqu’à 6 000 euros pour les entreprises ayant mis en place un dispositif d’intéressement ou de participation.

Lors de l’examen de la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, notre collègue député communiste Pierre Dharréville avait fait adopter un amendement visant à préciser que les exonérations afférentes à la prime de partage de la valeur seraient intégralement prises en charge par l’État, conformément à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale.

Comme l’a rappelé notre collègue Puissat, nous lisons à page 32 du rapport sur la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat : « L’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, de valeur organique, prévoit déjà la compensation par l’État de toute mesure de diminution des recettes de la sécurité sociale adoptée en dehors d’une loi de financement de la sécurité sociale.

« De plus, jusqu’à présent, le Gouvernement a toujours affirmé que les primes exceptionnelles de pouvoir d’achat n’auraient pas été versées en l’absence de dispositions législatives et n’avaient donc pas de “coût direct” pour la sécurité sociale. Il a encore adopté la même approche dans l’étude d’impact annexée au présent projet de loi. Pour ces deux raisons, cet amendement, pour sympathique qu’il soit dans son principe, n’aura pas d’effet opérationnel ».

Dès lors, cette disposition est une honte pour le Gouvernement, qui ne respecte ni les parlementaires, ni la démocratie, ni les assurés sociaux. Ces derniers vont payer eux-mêmes la prime de partage de la valeur. Désormais, avec ce gouvernement, il n’y a plus ni partage ni valeur !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Il serait bien difficile pour le Gouvernement de donner un avis favorable à ces amendements de compensation de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, la Pepa, aussi appelée « prime patron » ou « prime Macron ». En effet, elle a été conçue pour ne pas se substituer aux salaires ou à toute autre forme de rémunération.

Si nous donnions un avis favorable à un amendement visant à compenser la Pepa, cela voudrait dire que nous accepterions le principe selon lequel cette prime se substitue à des modes de rémunération.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Eh oui ! C’est prouvé.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Nous ne l’acceptons pas, car ce dispositif n’a pas été conçu pour cela.

Mme Raymonde Poncet Monge. Augmentez les salaires !

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Pour réagir à présent aux commentaires portant de manière générale sur la compensation par l’État de la sécurité sociale, il est exagéré de dire qu’elle n’existe pas : pour l’année 2022, quelque 64 milliards d’euros seront compensés. Ce montant est en croissance : pour 2023, si le Parlement adopte ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, le montant s’élèvera à 68 milliards d’euros, soit 4 milliards d’euros supplémentaires.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 43, 726 et 833.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 10, modifié.

(Larticle 10 est adopté.)

Article 10
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023
Article 11

Après l’article 10

M. le président. L’amendement n° 1065 rectifié, présenté par Mme Meunier, MM. Jomier et Kanner, Mmes Lubin, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin, Le Houerou, Poumirol et Rossignol, MM. Chantrel et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Mérillou, Redon-Sarrazy et Stanzione, Mmes Artigalas et Briquet, MM. Cozic et Marie, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mme Préville, MM. Sueur et Tissot, Mme Carlotti, MM. Devinaz, Gillé, Kerrouche, Temal et J. Bigot, Mme Bonnefoy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 137-41 du code de la sécurité sociale est complété par un III ainsi rédigé :

« III. – Il est institué une contribution de solidarité de la finance pour l’autonomie au taux de 1 %, assise sur les revenus distribués au sens des articles 109 et 120 du code général des impôts. »

La parole est à Mme Michelle Meunier.

Mme Michelle Meunier. Hier soir, nous avons débattu de l’instauration d’une redevance solidaire assise sur les revenus des Ehpad privés à but lucratif, au bénéfice de la branche autonomie. L’amendement visant à instaurer cette mesure a été rejeté.

Dans la même logique, à savoir trouver des moyens supplémentaires pour la branche autonomie, nous vous proposons ce soir un amendement qui tend à créer une contribution de 1 % assise sur les revenus des capitaux mobiliers.

On la sait, la cinquième branche de la sécurité sociale qu’est la branche autonomie a été créée sans financement pérenne. Nous connaissons les besoins dans ce domaine. Le rapport Libault de 2019, tout comme le rapport que j’ai commis avec Bernard Bonne, faisait état d’un besoin de financement annuel de 6 milliards d’euros à partir de 2024 : c’est déjà demain ! Le besoin s’élève même à 9 milliards d’euros à partir de 2030.

Par conséquent, nous proposons via cet amendement une contribution assise sur les revenus des capitaux mobiliers, tels que dividendes, obligations et bons de capitalisation, émis en France et hors de France. Le rendement de cette contribution serait de 1,5 milliard d’euros annuels. Si le compte n’y est pas, il s’agit d’une première pierre pour abonder cette branche.

Cette contribution servira à s’occuper de nos aïeux, de nos parents et peut-être aussi un jour de nous, tant dans les établissements qu’à domicile.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. J’entends la préoccupation de notre collègue. Nous la partageons.

Cependant, le lien entre l’assiette de la contribution de solidarité que vous créez et le risque financé est assez mince… Il ne sera pas possible de donner un avis favorable à cette proposition.

De plus, une fraction de la CSG sera dédiée au financement de la branche autonomie, à partir de 2024.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. L’avis est également défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Je trouve intéressant cet amendement visant à créer une contribution de 1 % assise sur les revenus des capitaux mobiliers.

Toutefois, nous n’allons pas le voter, car, depuis l’origine, notre groupe est opposé à la création de cette cinquième branche. Nous considérons que le vieillissement n’est pas un risque supplémentaire ; il fait partie de la vie. On naît, on vieillit, on meurt… Il n’est nul besoin de créer une cinquième branche.

Nous sommes minoritaires sur cette position, mais nous ne pouvons pas voter le financement d’une branche que nous refusons.