compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Martine Filleul,

M. Jacques Grosperrin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article 53 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Financement de la sécurité sociale pour 2023

Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, de financement de la sécurité sociale pour 2023 (projet n° 96, rapport n° 99, avis n° 98).

Vote sur l’ensemble

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que ce scrutin s’effectuera depuis les terminaux de vote. Je vous invite donc à vous assurer que vous disposez bien de votre carte de vote et à vérifier que celle-ci fonctionne correctement en l’insérant dans votre terminal de vote. Vous pourrez vous rapprocher des huissiers pour toute difficulté.

Avant de passer au vote, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote.

J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation du débat décidée par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de sept minutes pour ces explications de vote, à raison d’un orateur par groupe, l’orateur de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.

La parole est à M. Martin Lévrier, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Martin Lévrier. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, le Sénat a entamé il y a huit jours l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, troisième PLFSS depuis l’émergence de la pandémie de covid-19.

Pour la première fois, l’an prochain, le seuil symbolique des 600 milliards d’euros devait être dépassé, en incluant 240 milliards d’euros dédiés à l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) – un niveau historique, en progression de 3,7 % par rapport à 2022.

Ce budget, lors de sa planification, traduisait le choix d’un système de santé renforcé et empreint de justice pour mieux répondre aux attentes de nos concitoyens et de nos professionnels de santé.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale – vous le rappeliez lundi dernier, monsieur le ministre – était un texte d’engagement et d’investissement pour notre système de santé, une première pierre à l’effort de refondation.

Très concrètement, pour les Français qui nous écoutent, ce projet de loi, dans sa version originelle, permettait de trouver plus facilement un médecin traitant, d’attendre moins longtemps aux urgences, de trouver une aide à domicile pour son parent âgé ou en situation de handicap, de bénéficier d’un mode d’accueil pour son enfant, d’être mieux soutenu en tant que famille monoparentale et, enfin, d’effectuer plus facilement ses déclarations Urssaf en tant qu’entrepreneur.

J’aimerais revenir sur deux mesures phares proposées dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

La première est le renforcement du virage préventif, qui trouve une traduction concrète dans la mise en place des rendez-vous de prévention aux âges clés – 20-25 ans, 40-45 ans et 60-65 ans – et dans l’accès facilité à la contraception d’urgence pour les femmes majeures, sans oublier la simplification de l’accès à la vaccination par la multiplication des opportunités vaccinales.

La seconde mesure phare est l’amélioration de la prise en charge des modes d’accueil du jeune enfant, qui permet de répondre aux besoins des familles monoparentales pour les enfants de plus de 6 ans, mais aussi de diminuer le coût du recours à une assistante maternelle pour les parents.

Pour autant, la majorité du Sénat n’a pas été convaincue par ce PLFSS. Si 18 amendements du Gouvernement ont été adoptés au cours de l’examen de ce texte, l’adoption de 96 amendements du rapporteur a contribué à améliorer le projet de loi, mais aussi à en modifier la portée.

Nous avons pu apprécier le professionnalisme de la majorité sénatoriale, qui a rétabli les deux premières parties du PLFSS pour 2023, mais aussi nous réjouir pour nos aînés, entre autres, de l’adoption de l’amendement du Gouvernement n° 1141, visant à majorer la compensation versée aux départements au titre des revalorisations prévues dans le cadre de l’avenant 43 à la convention collective nationale de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile et du complément de traitement indiciaire pour les services d’aide à domicile de la fonction publique territoriale.

Nous avons également pu nous réjouir de l’adoption de l’amendement gouvernemental n° 943, qui vient transformer le système d’information des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

La stratégie d’harmonisation de 2015 a fortement contribué au déploiement d’une première phase de coordination des pratiques professionnelles, à l’automatisation des échanges avec les partenaires des MDPH, à la mise en œuvre de projets structurants, ainsi qu’à la mise à disposition et à la fiabilisation d’indicateurs de pilotage.

Mais ce modèle a atteint ses limites, et il est désormais temps de basculer vers un système d’information unique pour les MDPH.

Enfin, notre groupe et les nombreux Français qui peinent à accéder aux soins peuvent se réjouir de deux améliorations.

La première tient à l’adoption de l’amendement n° 894 rectifié. Par celle-ci, est étendue la condition de durée minimale d’exercice dans un cadre autre que des missions d’intérimaire pour les professionnels de santé mis à disposition auprès d’un établissement de santé en France dans le cadre d’un contrat conclu par une entreprise de travail temporaire établie à l’étranger.

La seconde amélioration réside dans l’ajout par voie d’amendement de l’article 24 quater. Celui-ci prévoit l’expérimentation, pour une durée de trois ans, du versement aux médecins, en complément de la rémunération à l’activité, d’un forfait financé par le fonds d’intervention régional.

Ce forfait permettra de couvrir les frais associés aux sujétions liées aux consultations effectuées dans les zones sous-dotées. Cela semble évident, mais notons que, pour garantir la diversité des territoires investis dans ce dispositif ainsi que leur représentativité, il est précisé qu’au moins l’un des territoires ultramarins y prendra part, ces derniers rencontrant des difficultés accrues d’accès aux soins.

Malheureusement, cette liste non exhaustive d’amélioration ne peut compenser la suppression incompréhensible de l’article relatif à l’Ondam, ou encore la suppression de la dispense du ticket modérateur pour les consultations de prévention postérieures à 25 ans.

Depuis plus de cinq ans, la majorité sénatoriale souhaite introduire par voie d’amendement une réforme paramétrique du régime des retraites. Or la clé du système est fondée sur le pilier de la solidarité intergénérationnelle, c’est-à-dire sur notre régime de répartition.

Le Gouvernement s’est engagé, pour réformer ce régime, à lancer une grande concertation, qui doit tenir compte d’un ensemble de paramètres sociétaux : pénibilité, carrières interrompues, égalité femmes-hommes, travail des seniors.

Tenter de résoudre les faiblesses de notre système en cherchant en priorité son équilibre financier est une approche limitative. Les propositions du rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse, René-Paul Savary, sont intéressantes, mais elles reviennent à inverser le calendrier qui est déjà lancé.

Pourquoi vouloir décider avant d’écouter les riches propositions issues d’un dialogue social ?

M. Marc-Philippe Daubresse. Cela fait dix ans qu’on étudie cette réforme !

M. Martin Lévrier. Telle est la différence entre ce que le Sénat veut intégrer dans le PLFSS et notre vision du dialogue nécessaire à une véritable réforme.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, compte tenu de tous les éléments précédemment cités, le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants s’abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Bernard Jomier. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, ce budget de la sécurité sociale, que nous qualifiions de « peu ambitieux » lors de la discussion générale, est resté plutôt fidèle à cette appréciation.

Je rappelle que c’est la première fois qu’un PLFSS arrive au Sénat après une procédure de 49.3. Notre chambre sera donc la seule à débattre de ce texte de bout en bout. Mais le 49.3 rend nos délibérations incertaines, puisque le Gouvernement aura à lui seul la charge d’écrire le texte définitif. Le rôle du Parlement en est de facto réduit.

Par ailleurs, le régime des irrecevabilités a encore restreint le débat, dans des proportions que nous jugeons excessives. Nous ne pourrons continuer dans cette voie à l’avenir.

Enfin, la semaine a produit des débats parfois éloignés de la réalité légistique. En introduisant des articles sans lien direct avec une loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement a contribué à égarer le sens du texte ; nous le déplorons.

Il devient urgent de présenter un projet de loi de santé, qui tire les leçons de la pandémie et fixe l’engagement des collectivités territoriales dans ce domaine.

Sur le fond, concernant la trajectoire financière, les inquiétudes que nous avions exprimées face à vos choix n’ont pas reçu de réponse claire. Vous présentez un budget social largement en déficit malgré nos propositions en matière de recettes, tout en n’investissant pas suffisamment dans notre système de soins, du moins pas à la hauteur des besoins.

Concernant les exonérations fiscales, nous continuerons de faire des propositions utiles, appuyées sur des études telles que celle du Conseil d’analyse économique, pour supprimer les exonérations coûteuses et inutiles pour l’emploi. L’amendement que nous avons débattu dans cet hémicycle a suscité de riches débats. Nous espérons qu’à l’avenir nous parviendrons à un consensus sur la question dans cette chambre. Il y va de la pérennisation du financement de notre sécurité sociale.

Pis – les professionnels de santé ont du mal à le croire –, l’Ondam est au-dessous de l’inflation. Que les choses soient dites : en cette année de régression de l’épidémie, mais pas de fin de l’épidémie de covid-19, vous faites des économies sur le système de santé.

Le Gouvernement a, certes, porté la progression de l’Ondam à 5,5 % en 2022 par voie d’amendement, et celle du budget des hôpitaux à 3,7 % en 2023. Bien que ces augmentations soient louables, elles sont inférieures à l’inflation, dont je rappelle qu’elle est évaluée entre 6,2 % et 6,5 % cette année, et autour de 5 % en 2023.

Certaines mesures sont positives, bien sûr, comme dans tout PLFSS.

Je pense, par exemple, au dispositif d’exonération lié à l’emploi de travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi (TO-DE), qui serait pérennisé grâce à l’adoption de nos amendements.

Je pense aussi aux deux heures de soutien dédié à l’accompagnement et au lien social pour les personnes éligibles à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).

Je pense enfin au remboursement sans ordonnance du dépistage des infections sexuellement transmissibles (IST) et à la mise en place de consultations de prévention à différents âges de la vie.

Mais le texte ne prévoit rien pour répondre à l’urgence de l’affaissement de notre système hospitalier. Il ne comporte aucune réflexion sur l’Ondam, dont la construction doit être revue en profondeur.

En dépit des propos du ministre de la santé et de la prévention, le Gouvernement s’en tient à une stricte politique de l’offre, au lieu d’entamer la conversion vers une politique des besoins en santé du pays. Le rendez-vous avec la prévention reste ainsi largement esquivé.

Les prédécesseures de M. Braun, Marisol Touraine et Agnès Buzyn, avaient trouvé un consensus sur le tabac pour en réduire la consommation. Alors que son portefeuille s’étend désormais à la prévention, qu’attend M. Braun pour agir plus fortement ?

Nous nous réjouissons que ce soit le Sénat qui ait rétabli la version initiale du texte concernant le tabac à chauffer. Celle-ci n’est certes pas révolutionnaire, mais elle a le mérite d’avoir un impact.

À l’avenir, il serait préférable que le ministre chargé des comptes publics évite de se rendre au congrès des buralistes avant de défendre le PLFSS dans cet hémicycle…

Nous avons le devoir de protéger la jeunesse. C’est pourquoi nous accueillons avec bienveillance les propositions du Gouvernement pour interdire les cigarettes électroniques jetables, ou puffs.

Nous souhaitons que les produits mêlant des arômes à l’alcool ou au tabac soient, eux aussi, progressivement interdits.

Bien que notre amendement visant à aligner la fiscalité de l’alcool sur l’inflation n’ait pas été adopté, je me réjouis de l’avis courageux qu’il a reçu de la rapporteure générale et de la commission.

De même, je salue l’adoption par le Sénat de la taxe sur les prémix à base de bière et de sucre.

Ces votes sont d’autant plus importants que le Gouvernement n’a pas proposé grand-chose en la matière. Même constat sur la santé environnementale, dont les conséquences sur notre système de soins font pourtant consensus.

Concernant la branche autonomie, je note un manque de cadre, d’objectifs et de dispositifs, qui démontre malheureusement une volonté politique trop faible.

Il n’y a toujours pas de loi relative à l’autonomie et au grand âge. C’est un renoncement. Devons-nous nous satisfaire de cette branche à déficit ? Le Gouvernement renonce-t-il à toute ambition forte en la matière ?

Enfin, ce PLFSS a bien failli contenir une réforme des retraites. Celle-ci est en discussion et nous aurons bientôt, semble-t-il, l’occasion d’en débattre.

Comment approuver un budget de la sécurité sociale en décalage avec l’état de notre système de soins et qui poursuit l’esquive sur l’autonomie et le grand âge ? Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain le rejettera.

Depuis six ans, le chef de l’État n’a toujours pas donné de réelle impulsion à notre système social. L’an dernier, j’avais dédié notre vote à l’hôpital public. Cette année, à cette tribune, c’est au personnel soignant que je le dédie.

En 2020, les soignants étaient épuisés, mais fiers d’avoir accompli leur devoir face à la violente épidémie qui nous avait frappés. En 2022, ils sont épuisés et lassés des conditions de travail ou d’exercice qui se dégradent sans cesse. Ils sont au cœur d’un service public essentiel et précieux : nous leur confions l’état de santé de nos concitoyens.

Madame, monsieur les ministres, vous entamez votre première année au sein de grands ministères. Je vous souhaite de porter les thématiques de santé publique, d’accès et de qualité des soins.

Démarquez-vous de cette logique comptable et de la mainmise de Bercy sur nos politiques de santé. À défaut, vos propos volontaires resteront des mots, et nos soignants, eux, renonceront de plus en plus. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – MM. Éric Bocquet et Fabien Gay applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen de ce budget de la sécurité sociale pour 2023. Jugeant ce texte insincère et injuste, nous avions déposé une motion tendant à opposer la question préalable. Après une semaine de débats, le bilan est toujours négatif, d’autant que la majorité sénatoriale l’a alourdi.

Si nous nous réjouissons notamment de l’annulation du transfert à l’Urssaf du recouvrement des cotisations au titre de l’Agirc-Arrco, de la suppression du transfert de charges de 2 milliards d’euros de la branche maladie à la branche famille et du rétablissement de la compensation des exonérations de cotisations de la prime de partage de la valeur, ces modifications ne permettent pas de revenir sur l’équilibre global du PLFSS pour 2023.

Le Gouvernement prévoit une progression des dépenses de la branche assurance maladie de seulement 3,7 %, quand il faudrait que celle-ci soit de 4 % pour tenir compte uniquement de l’évolution naturelle des dépenses de santé.

Chacune et chacun le sait ici : la hausse de 4,1 % du budget des hôpitaux demeure au-dessous du niveau de l’inflation, estimée par la Banque de France à 4,7 % pour 2023. Les affirmations d’autosatisfaction du ministre Attal n’y changent rien. C’est la première fois que l’Ondam est inférieur à l’inflation. C’est d’autant plus grave que certaines estimations prévoient une inflation à 6 %, ce qui revient à réaliser entre 1 et 2 milliards d’euros de coupes drastiques aux dépens de l’hôpital public.

Ainsi, vous allez une fois encore réduire les dépenses des hôpitaux, ce qui va entraîner des fermetures de lits d’hospitalisation, de services et d’hôpitaux de proximité dans tous les territoires.

Comment ne pas être en colère, révolté de constater que le groupe Les Républicains et le Gouvernement sont incapables de faire l’autocritique de l’échec des politiques de réduction des dépenses de santé ? (M. François Bonhomme proteste.) Cela fait trente ans que notre système de santé est gangrené par votre logique libérale mortifère !

Nous en voyons les résultats : des décennies de coupes budgétaires ont imposé un travail de plus en plus pénible à l’hôpital ; des organisations maltraitantes qui usent les personnels et dégradent la qualité des soins.

Les personnels du secteur de la santé et du médico-social sont pourtant profondément attachés au service public et à la qualité de la prise en charge des patientes et des patients. Mais après une période aussi éreintante que la covid-19 et les sacrifices personnels que ces professionnels ont consentis, l’absence de reconnaissance du Gouvernement a fait déborder le vase.

Désormais, même les plus convaincus du sens de l’intérêt général quittent le navire, parce qu’ils ont le sentiment d’être en contradiction avec leurs valeurs lorsque, faute de lits et de personnel suffisant, ils réalisent un tri des malades et laissent des heures entières des personnes âgées sur les brancards.

Comme le souligne le collectif Inter-Hôpitaux dans une tribune publiée dans Le Monde il y a quelques jours, « cette dégradation de la situation hospitalière risque d’aboutir à la disparition de pans entiers d’activités et de savoir-faire, dont l’hôpital public est le seul opérateur. La crise de la pédiatrie aujourd’hui préfigure ce qui arrivera demain pour l’ensemble de l’hôpital public ».

Face à cette situation, le Gouvernement et la droite sénatoriale préfèrent maintenir les internes une année supplémentaire en stage dans des cabinets médicaux ou dans des hôpitaux pour cacher la misère, plutôt que de financer la santé à la hauteur des besoins.

Cette situation n’est pourtant pas inexorable, et il n’est pas utopiste de trouver les 5 milliards d’euros nécessaires au recrutement de 100 000 professionnels et à la valorisation des métiers de l’hôpital.

Le Gouvernement aurait pu décider, par exemple, de ne pas créer 5 milliards d’euros supplémentaires d’exonérations de cotisations sociales pour 2023, ou encore de financer les 18 milliards de dépenses liées au covid-19 plutôt que de les faire peser sur le budget de la sécurité sociale.

Cette volonté politique vous fait défaut, car elle va à l’encontre de votre projet politique de recul social. Si vous ne l’avez pas fait, c’est parce que vous voulez déstructurer l’hôpital public au profit du privé et fixer un panier de soins minimaliste au-delà duquel la prise en charge sera assurantielle.

Tout au long de l’examen de ce PLFSS, nous avons pu constater un accord de fond entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale : ils ont rejeté de concert tous nos amendements sur de nouvelles recettes, refusant notamment de supprimer les exonérations de cotisations patronales sur les bas salaires ou de revenir sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui pèse lourdement sur le budget de la sécurité sociale.

La droite sénatoriale a même ajouté de nouvelles exonérations de cotisations sociales pour les médecins retraités qui continuent d’exercer.

Surtout, vous avez adopté l’amendement n° 102 rectifié, visant à reculer l’âge de départ à la retraite à 64 ans et à allonger la durée de cotisation à 43 annuités. Infondée, injuste, une telle disposition va à l’encontre de l’aspiration des 70 % de Françaises et de Français qui défendent une retraite à 60 ans pour toutes et tous.

Vous avez le mérite de la constance, mes chers collègues ; le Gouvernement s’apprête à vous emboîter le pas, annonçant la présentation d’une réforme similaire, tout aussi rétrograde, en janvier prochain.

La proximité idéologique de la majorité sénatoriale avec le Gouvernement a frisé la duplicité (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), notamment, mes chers collègues, lorsque vous avez refusé d’adopter un certain nombre d’amendements visant à appliquer les préconisations de la mission d’information sénatoriale sur le contrôle des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), afin de réguler le fonctionnement de ces derniers.

Ce PLFSS pour 2023 est un rendez-vous manqué pour les personnels hospitaliers, qui attendaient des mesures en rupture avec les choix antérieurs afin d’améliorer leurs conditions de travail.

C’est un rendez-vous manqué pour la médecine de ville, les centres de santé, les personnels des Ehpad, les aides à domicile et toutes celles et tous ceux qui prennent soin.

Mais c’est aussi un rendez-vous manqué pour reprendre la main sur la maîtrise publique de la production de médicaments. Madame, monsieur les ministres, la semaine dernière, j’ai remis au ministre de la santé et de la prévention, François Braun, notre proposition de loi portant création d’un pôle public du médicament et des dispositifs médicaux. L’heure est à agir en ce sens, car nous ne sommes pas au bout des ruptures de stock.

J’ai été alertée par l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament sur les risques de pénurie d’un antibiotique courant. Une telle pénurie frappe déjà les États-Unis. Or comme vous le savez bien, il peut y avoir un effet domino sur l’ensemble des antibiotiques.

Quelles mesures allez-vous prendre à court, moyen et long termes pour combattre ce phénomène structurel ? Pourquoi refuser de tirer les enseignements de la crise de la covid-19 ? Pourquoi vous obstinez-vous à poursuivre et à amplifier les mêmes politiques, dont l’échec est patent ?

Pour l’ensemble de ces raisons, les sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, qui ont défendu un autre projet de société que le vôtre pendant tous les débats, voteront contre ce PLFSS pour 2023. (Marques de mécontentement sur des travées des groupes RDPI et Les Républicains.) Mes chers collègues, il n’y a que la vérité qui blesse ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Frédérique Puissat et M. Guillaume Chevrollier applaudissent également.)

M. Olivier Henno. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, avant d’aborder ce PLFSS, son contenu, ses forces et ses faiblesses, je souhaite souligner sa forte portée symbolique.

Je le dis sans réserve : la qualité de nos débats – sans être d’accord sur tout –, entre les groupes, mais aussi avec les ministres, honore la République.

Sur le terrain, dans l’opinion et même dans la sphère médiatique, les éloges sur nos travaux fleurissent.

Mme Laurence Cohen. Que d’autosatisfaction !

M. Olivier Henno. Entendez-vous les mêmes remarques que moi, mes chers collègues ? « Les débats au Sénat sont plus intéressants à suivre que ceux de l’Assemblée nationale. » « Vous travaillez bien, au Sénat. » « Heureusement qu’il y a le Sénat. »

Ces remarques ne sont pas le fruit du hasard. Elles sont fondées, et même méritées.

L’examen du PLFSS est l’occasion de souligner la place, le rôle et la responsabilité du Sénat au moment précis où le cocktail fait d’une majorité relative et de groupes extrémistes et populistes puissants fragilise l’Assemblée nationale.

Oui, mes chers collègues, c’est le moment du Sénat ! La majorité sénatoriale est parfaitement à la hauteur de ses responsabilités. En cette période si particulière – permettez-moi de le constater –, le groupe Union Centriste et son président Hervé Marseille ont toute leur place en son sein.

En tant que chef de file du groupe Union Centriste sur ce PLFSS, je peux témoigner que le Sénat a trouvé toute sa place dans le monde parlementaire post-cumul et post-loi de 2017 pour la confiance dans la vie politique.

Celles et ceux qui ont emprunté la dialectique du « nouveau monde » pour nous ringardiser, en justifiant parfois en chuchotant notre disparition programmée, sont à présent les premiers à vanter nos mérites. Prenons ce bénéfice, chers collègues !

Les sénateurs ne se contentent pas, comme je l’ai parfois entendu de manière pernicieuse à l’époque, de rencontrer les maires comme les visiteurs médicaux rencontraient autrefois les médecins. (Sourires.) Non, les sénateurs ne se contentent pas de faire des relations publiques auprès des élus pour assurer leur réélection.

Bien sûr, les sénatrices et les sénateurs représentent les territoires et les collectivités territoriales, et, au premier rang, les hussards de la République que sont les maires.

Mais ils sont mieux que cela : des législateurs à part entière, qui font la loi animés par l’intérêt général et le bien commun. Pour preuve, si certains regardent parfois de l’autre côté de l’Atlantique pour justifier une modification de notre Constitution, nous, sénateurs, nous ne devons pas regarder vers les États-Unis pour trouver des arguments en faveur du bicamérisme. (Mme la présidente de la commission des affaires sociales approuve.) Ces arguments, ces fondements, nous les trouvons ici et maintenant.

Pardonnez-moi ce propos un peu long, mes chers collègues, mais je l’avais sur le cœur.

Je souhaite à présent mettre en avant le travail de la commission des affaires sociales, en particulier de sa présidente, Catherine Deroche, et de la rapporteure générale, Élisabeth Doineau.

J’avais salué l’année dernière votre première fois réussie, madame la rapporteure générale. La seconde fut également de très bonne facture.

Madame, monsieur les ministres, vous accordez une importance particulière à une meilleure prévention et proposez la mise en place de rendez-vous de prévention. Nous saluons cette proposition, mais, avec Jocelyne Guidez, nous considérons qu’il s’agit d’une mise de départ, car la prévention ne peut se résumer à trois rendez-vous dans la vie d’une personne.

Vous donnez la priorité au « vieillir à domicile ». Le virage domiciliaire est une priorité et nous le soutenons. Mais, en l’espèce, les moyens d’accompagnement tels que l’APA ne sont plus soutenables pour les départements. Avec Valérie Létard, nous appelons de nos vœux une réforme des concours de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).

Dans cette attente, le Sénat, sur l’initiative du groupe Union Centriste, a adopté un amendement tendant à accélérer le déploiement des deux heures de temps social prévues dans le texte tant pour les personnels des services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad) que pour les bénéficiaires de l’APA. Surtout, l’adoption de cet amendement permet de limiter la part de dépenses à la charge des départements au titre de l’APA.

Sur cette question comme sur tant d’autres, il n’est plus acceptable que l’État décide et que les collectivités locales doivent se contenter de payer.

J’en viens au volet familial.

Le refus par le Gouvernement de revaloriser de moitié l’allocation de soutien familial en faveur des parents isolés est l’une des rares lueurs de ce PLFSS pour la branche famille.

Pour le reste, le transfert à la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) de la charge des indemnités journalières de congé postnatal ne trouvait aucune justification. Une telle mesure démontre le manque d’ambition du Gouvernement en matière de politique familiale et le refus de revenir à l’universalité des allocations familiales, qui passe par la suppression de leur modulation.

Pour nous, la politique familiale n’est pas une politique sociale : c’est bien une politique familiale.

Il convient d’ailleurs de s’atteler à la création de places de crèches – nous en avons discuté, monsieur le ministre. C’est une attente des familles, mais aussi une mesure indispensable pour assurer l’égalité hommes-femmes et accroître l’employabilité.

Enfin, je veux insister sur deux mesures qui améliorent amplement ce PLFSS.

La première est l’annulation du transfert à l’Urssaf des cotisations de retraite complémentaire de l’Agirc-Arrco. La défense du paritarisme est dans l’ADN du groupe Union Centriste et dans celui de la majorité sénatoriale. Nous sommes les défenseurs du dialogue social, non par dogmatisme, mais parce que les retraites Agirc-Arrco sont bien gérées par les partenaires sociaux.

La seconde mesure, importante, est celle qui porte sur les retraites. Elle démontre notre volonté de préserver le modèle français redistributif en maîtrisant la part des redistributions sociales.

Pour conclure, j’aborderai une question qui me tient à cœur. Notre système de santé est en train de craquer – je le dis haut et fort. Il souffre au moins autant du manque de moyens que de la suradministration ou de la surbureaucratisation, un mal bien français. (Murmures sur les travées du groupe SER.)

Je prendrai un dernier exemple. Conscients de la pénurie de médecins que connaît notre pays, nous avons voté à l’unanimité la fin du numerus clausus. Malheureusement, les conséquences de cette décision sont décevantes et ses effets se font attendre. Nous n’allons former que 13 % de médecins supplémentaires ; c’est ridicule ! À qui la faute ? À l’administration, au Conseil national de l’ordre des médecins, aux doyens des facultés ? Peu importe ! Une chose est sûre cependant : il est impossible d’en rester là, sous peine de voir la pénurie de médecins d’aujourd’hui s’aggraver demain et après-demain.

Le système est à ce point absurde que nos étudiants les plus brillants sont contraints de se rendre en Roumanie afin d’y être formés, pour revenir exercer en France à la fin de leurs études. Comment comprendre qu’un grand pays comme la France serait moins capable que la Roumanie, ou d’autres pays, de faire évoluer, dans l’intérêt de tous, son système de formation ?

Mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera ce PLFSS, mais nous voulions, au travers de cette intervention, témoigner de la fragilité de notre système de santé et de l’urgence de débattre d’une grande loi Santé. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)