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Dossier législatif : proposition de loi sur le déroulement des élections sénatoriales
Article 1er

Déroulement des élections sénatoriales

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme le président. L’ordre du jour appelle, à la demande de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, les explications de vote et le vote sur la proposition de loi sur le déroulement des élections sénatoriales (proposition n° 46, texte de la commission n° 154, rapport n° 153).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du règlement du Sénat.

Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.

Texte élaboré par la commission

Mme le président. Je donne lecture du texte élaboré par la commission.

proposition de loi sur le déroulement des élections sénatoriales

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi sur le déroulement des élections sénatoriales
Article 1er bis (nouveau)

Article 1er

Larticle L. 306 du code électoral est ainsi modifié :

1° Les mots : « à L. 52-3 » sont remplacés par les mots : « et L. 52-3 » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de second tour, larticle L. 49 nest pas applicable entre la proclamation des résultats du premier tour et louverture du second tour. »

Article 1er
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Article 2

Article 1er bis (nouveau)

À la première phrase du troisième alinéa de larticle L. 52-4 du code électoral, les mots : « à la date du » sont remplacés par le mot : « au ».

Article 1er bis (nouveau)
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 2

La présente loi est applicable sur tout le territoire de la République.

Vote sur l’ensemble

Article 2
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 quinquies de notre règlement, au rapporteur de la commission, puis au Gouvernement pendant sept minutes et, enfin, à un représentant par groupe pendant cinq minutes.

La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Marseille applaudit également.)

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par François-Noël Buffet vise un objectif clair et précis : remédier aux difficultés constatées lors du scrutin sénatorial du mois de septembre 2020, afin de garantir, à l’avenir, le bon déroulement des élections sénatoriales.

Comme vous le savez, la loi du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral a étendu aux élections des sénateurs l’ensemble des règles applicables aux autres scrutins en matière de propagande électorale.

Cette loi est entrée en vigueur au mois de juin 2020, si bien que les élections du 27 septembre 2020 ont été le premier scrutin concerné par son application.

Ce scrutin a toutefois révélé deux types de difficultés : des interdictions relatives, d’une part, à la communication des résultats, d’autre part, à la propagande électorale.

Je rappelle que l’article L. 49 du code électoral interdit de mener toute action de propagande la veille et le jour du scrutin, tandis que l’article L. 52-2 du même code interdit de communiquer les résultats de l’élection en métropole, avant la fermeture du dernier bureau de vote sur le territoire métropolitain.

L’application de ces deux articles s’est révélée problématique dans le cas des élections sénatoriales. Ce sont les seules élections – c’est leur singularité –, où peuvent avoir lieu deux tours de scrutin dans la même journée ; c’est le cas dans les circonscriptions où l’élection se déroule au scrutin majoritaire, qui correspondent aux circonscriptions où sont élus un ou deux sénateurs – cinquante-deux, à l’échelle nationale. Le premier tour de scrutin est ainsi ouvert de huit heures trente à onze heures, tandis que le second tour est ouvert, le cas échéant, de quinze heures trente à dix-sept heures trente.

Dans ces départements, les candidats qualifiés pour le second tour se sont donc trouvés, en 2020, dans une situation pour le moins incongrue, puisqu’il leur était strictement interdit de faire campagne entre les deux tours !

Par ailleurs, dans les départements concernés par le scrutin majoritaire, l’embargo sur les résultats imposé jusqu’à dix-sept heures trente a semblé tout aussi incompatible avec la nécessité de communiquer les résultats du premier tour dès la fin de la matinée, en tout état de cause avant l’ouverture du second tour de scrutin. Ainsi, même quand l’élection avait été acquise dès le premier tour, les résultats ne pouvaient pas être communiqués.

Dans ces conditions, il n’a donc guère été surprenant que, en dépit de l’embargo posé et des actions de communication menées à cette fin, des « fuites » dans les résultats aient été constatées avant dix-sept heures trente, qui émanaient de sites internet, de réseaux sociaux et d’organes de presse locale.

Ainsi, la commission des lois a jugé que les aménagements ponctuels aux modalités de propagande et de communication des résultats étaient bienvenus. C’est du reste ce que vise à permettre cette proposition de loi, d’abord en dérogeant à l’article L. 49 du code électoral pour la seule période de l’entre-deux-tours, ce qui paraît être une mesure de bon sens. Ainsi, les candidats qualifiés pour le second tour seraient de nouveau autorisés à faire campagne – distribuer des tracts, envoyer des messages, procéder à des appels téléphoniques en série ou encore tenir des réunions électorales durant cette période…

Du reste, la commission a souligné que cette disposition ne remettrait nullement en cause l’interdiction de mener des actions de propagande, laquelle continuerait de prévaloir non seulement la veille de l’élection dans chaque circonscription, ainsi que durant toute la journée de l’élection pour les départements concernés par le scrutin proportionnel, mais également le matin du jour de l’élection pour ceux qui sont concernés par le scrutin majoritaire.

La commission a également noté que la dérogation visée ne remettrait pas davantage en cause l’interdiction d’introduire tardivement des éléments nouveaux de polémique électorale, prévue par l’article L. 48-2 du code électoral.

Ensuite, il paraît pertinent de rétablir la possibilité de communiquer les résultats en métropole dès leur proclamation, indépendamment du fait que des bureaux de vote soient encore ouverts dans d’autres départements métropolitains. La communication des résultats pourrait ainsi s’effectuer de nouveau au fil de l’eau, ainsi qu’on l’observait avant le scrutin de 2020.

Enfin, nous avons souhaité clarifier la question du remboursement des dépenses à visée électorale engagées durant la période de l’entre-deux-tours par les candidats qualifiés pour le second tour.

La lettre actuelle de l’article L. 52-4 du code électoral ne permet pas, en effet, de considérer comme des dépenses électorales celles qui sont engagées le jour même de l’élection. En toute rigueur, les dépenses engagées durant l’entre-deux-tours des élections sénatoriales ne sont donc pas éligibles au remboursement forfaitaire de l’État.

C’est pourquoi nous avons estimé qu’il était indispensable d’adapter la rédaction de l’article L. 52-4 du code électoral à la spécificité du scrutin sénatorial, l’objectif étant de garantir, sans ambiguïté, l’éligibilité au remboursement des dépenses engagées entre les deux tours de scrutin, lorsque ceux-ci ont lieu le même jour.

Bien évidemment, l’éligibilité au remboursement ne signifie pas le remboursement effectif : il reviendra in fine à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) de vérifier, lors de l’examen des comptes de campagne, que la dépense en question revêt bien un caractère électoral et qu’elle s’accompagne des justificatifs requis.

Mes chers collègues, voilà les dispositions du texte de la proposition de loi, tel qu’il est issu des travaux de la commission. Il permettra de garantir le bon déroulement des élections sénatoriales à venir.

En toute logique, ce texte a vocation à entrer en vigueur avant la prochaine échéance électorale du mois de septembre 2023, qui visera, comme vous le savez, à renouveler cent soixante-dix sénateurs de la série 1. Il reviendra, bien sûr, au ministère de l’intérieur d’intégrer le changement des règles induit aux futurs circulaires et guides prévus à l’attention des candidats et des services des préfectures.

Dans ces conditions, chers collègues, la commission des lois vous propose d’adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Maryse Carrère et M. Jean-Yves Roux applaudissent également.)

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd’hui à l’occasion de l’examen de la proposition de loi sur le déroulement des élections sénatoriales, dont l’auteur est M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Ce texte a reçu un avis unanimement favorable en commission.

Je veux vous dire, au regard de mes nouvelles fonctions, toute l’importance que j’attache à la qualité de nos relations, que nous mettons au service des collectivités, des territoires et de nos concitoyens.

Je crois profondément au dialogue, à la possibilité de s’accorder sur les meilleurs compromis et à la nécessité de dégager des consensus. Cette proposition de loi, qui a été présentée en commission, où elle a été adoptée à l’unanimité, en offre d’ores et déjà une bonne occasion !

Ce texte porte sur un sujet sensible, qui touche à la mécanique même de notre démocratie. Il se fonde aussi sur un constat que nous partageons tous : l’inadéquation entre les modifications issues de la loi du 2 décembre 2019 et les particularités du scrutin sénatorial dans notre pays, notamment dans les départements concernés par le scrutin majoritaire à deux tours.

C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable sur l’ensemble des dispositions de cette proposition de loi. Celles-ci permettront de lever l’interdiction de la communication des résultats avant la fermeture du dernier bureau de vote sur le territoire métropolitain et de faire campagne entre les deux tours des sénatoriales, lorsque c’est applicable.

Ce sont des mesures de bon sens, qui permettent de corriger les difficultés et les ambiguïtés constatées lors de la première mise en œuvre de ces modifications, à l’occasion du scrutin de 2020.

La communication des résultats dans les départements à scrutin majoritaire, dont le premier tour a été conclusif, a tardivement été repoussée en fin de journée, alors même que les résultats fuitaient déjà dans les médias.

Par ailleurs, l’impossibilité de faire campagne entre les deux tours a présenté le risque de remettre en cause la sécurité juridique des élections sénatoriales, comme a pu le montrer la récente jurisprudence du Conseil constitutionnel.

En définitive, l’objectif est de prendre pour les élections sénatoriales les dispositions qui sont les plus adaptées à leur spécificité, donc aux réalités de nos territoires.

Sur la levée de l’interdiction de la communication des résultats, le Gouvernement n’émet aucune réserve, puisque cela ne risque pas de créer un précédent pour d’autres types de scrutins.

De plus, à propos de la levée de l’interdiction de faire campagne entre les deux tours, je dirai que rendre inapplicable l’article 49 du code électoral ne doit pas, pour autant, conduire à une politisation excessive de l’entre-deux-tours, afin de préserver la neutralité du vote.

C’est pourquoi nous proposons simplement de réitérer aux candidats les dernières recommandations de mesure et de retenue, de niveau infraréglementaire, comme c’était le cas auparavant.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je crois que ces ajustements techniques sont les bienvenus, à l’horizon du prochain scrutin sénatorial. Je suis convaincue qu’ils susciteront une large adhésion de votre part, au-delà de tout débat passionnel.

Cette proposition de loi va dans le sens de l’intérêt général de notre démocratie et d’une juste prise en compte des caractéristiques du Sénat, la chambre des territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Jean-Claude Requier et Yves Détraigne applaudissent également.)

Mme le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Hervé Marseille. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour débattre d’une spécificité du Sénat, car, en matière électorale, la Haute Assemblée en offre toujours quelques-unes !

Contrairement à l’élection de nos collègues députés, deux modes de scrutin continuent de subsister pour élire les membres de notre assemblée, même si, au fil des réformes, les départements soumis au scrutin majoritaire sont de moins en moins nombreux.

Des dérogations aux règles du code électoral régissant la propagande ont existé, mais elles ont largement disparu depuis les dispositions issues de la loi du 2 décembre 2019, puisque celles-ci visent à rendre applicables aux élections sénatoriales l’ensemble des règles de propagande de droit commun.

Jusqu’en 2014, les élections sénatoriales avaient encore une autre particularité : elles n’étaient toujours pas soumises aux dispositions relatives aux comptes de campagne. Depuis le renouvellement du mois de septembre 2014, nous sommes, là encore, entrés dans le droit commun.

Nous le voyons bien, les particularités sénatoriales en matière électorale subsistent, mais elles se font de plus en plus rares.

La proposition de loi de François-Noël Buffet, dont je tiens, à mon tour, à saluer l’initiative, est une invitation à nous plonger dans l’organisation des élections sénatoriales, à la veille du prochain renouvellement prévu au mois de septembre 2023.

Le rapporteur nous a précisément expliqué en quoi la loi du 2 décembre 2019, présentée sur l’initiative de notre collègue Alain Richard et dont le rapporteur était Arnaud de Belenet, comportait quelques lacunes, ou plutôt quelques difficultés d’application, notamment en ce qui concerne les dispositions relatives à la propagande entre les deux tours dans les départements soumis au scrutin majoritaire.

En effet, il était peu pertinent de continuer à interdire toute propagande entre les deux tours. Grâce au texte que nous nous apprêtons à voter, mes chers collègues, les candidats qualifiés pour le second tour seront de nouveau autorisés à distribuer des tracts, envoyer des messages ou encore tenir des réunions électorales entre les deux tours.

Le deuxième objet de la proposition de loi est d’aménager la règle de l’embargo sur les résultats.

Rappelons-nous que, au mois de septembre 2020, lors du dernier renouvellement sénatorial, nous avons vécu, au Sénat, une séquence assez lunaire : quasiment tout le monde avait connaissance des résultats, au fur et à mesure de la proclamation des candidats élus, mais, ici même, nous ne devions pas en parler – c’était motus et bouche cousue, jusqu’à la fermeture du dernier bureau de vote ! Tout cela était d’une grande hypocrisie…

Grâce au texte adopté en commission, les résultats des premiers tours de scrutin pourraient de nouveau être communiqués dès la fin de la matinée, tandis que les résultats des seconds tours de scrutin et ceux des scrutins à la représentation proportionnelle pourraient être de nouveau diffusés au fur et à mesure de leur remontée depuis les départements.

Je tiens à saluer encore une fois l’initiative de François-Noël Buffet, ainsi que la qualité du travail accompli par la commission des lois sous l’égide de son rapporteur, Stéphane Le Rudulier. Ce dernier nous a permis d’ajouter, en commission, une utile précision sur le sort des dépenses engagées entre les deux tours de scrutin, en cas de journée électorale unique. Il s’agit d’une précision sur l’éligibilité au remboursement des dépenses liées au traditionnel déjeuner républicain d’entre-deux-tours pour les départements au scrutin majoritaire. Madame la ministre, nous vous avons entendue, nous ne faisons pas de politique au Sénat, surtout entre les deux tours : n’exagérons rien ! (Rires au banc des commissions. – Mme la ministre déléguée rit également.)

Tout en conservant les nécessaires spécificités du scrutin sénatorial, l’adoption de ce texte sera de nature à sécuriser juridiquement les prochaines élections en évitant des contentieux inutiles relatifs à la propagande, aux dépenses de campagne entre les deux tours et à la diffusion des résultats.

Sans surprise, le groupe Union Centriste votera en faveur de cette proposition de loi, tout en appelant l’attention du Gouvernement sur la nécessité d’inscrire au plus tôt ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE.)

Mme le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est évidemment utile à la vie des démocraties d’adapter et de corriger les règles électorales face aux difficultés ou aux évolutions qu’elles rencontrent dans leur mise en œuvre. Certes, les ajustements techniques ne suffiront jamais à redynamiser la culture citoyenne, mais ils sont tout de même impératifs.

Notre groupe salue donc l’initiative de François-Noël Buffet, qui participe à la préservation de la singularité du scrutin sénatorial.

La loi du 2 décembre 2019 d’Alain Richard a déjà comblé quelques lacunes des règles relatives à la propagande des élections sénatoriales en prévoyant des renvois au code électoral. Ces ajustements étaient bienvenus.

Cela étant, même si je n’étais pas directement concernée, nous avons constaté que le renouvellement du mois de septembre 2020 s’était heurté à des limites dans l’application au scrutin sénatorial de règles de droit commun relatives à la propagande électorale et à la communication des résultats.

Nous avons ainsi relevé deux limites, qui ont déjà été soulignées par les orateurs précédents.

En premier lieu, les règles applicables en matière de propagande électorale aux autres scrutins ont été étendues aux élections des sénateurs. Cela a conduit à un ensemble d’interdictions portant sur la diffusion de tracts, sur l’achat de publicités commerciales dans la presse, ou encore sur la figuration de la photographie sur le bulletin de vote.

En second lieu, l’embargo sur les résultats a été imposé jusqu’à la fermeture du dernier bureau de vote dans le territoire métropolitain, soit à dix-sept heures trente. Cet embargo est apparu en contradiction avec la nécessité de communiquer les résultats du premier tour de scrutin dès la fin de la matinée, donc avant l’ouverture du second tour de scrutin.

Au regard de ces observations, nous sommes donc pleinement favorables aux corrections proposées par l’auteur de cette proposition de loi, puisqu’elles tendent à aménager ces deux dispositifs, afin qu’ils s’accordent mieux aux spécificités du scrutin sénatorial.

La commission des lois a complété l’ensemble des mesures par des ajustements prévoyant d’adapter les règles de financement des dépenses électorales à la spécificité du scrutin sénatorial, visant à rendre éligibles au remboursement les dépenses engagées entre les deux tours de scrutin lorsque ceux-ci ont lieu le même jour.

Tout est à retenir, pourvu que l’on préserve ce qui fait la particularité du Sénat.

La singularité du scrutin sénatorial est l’essence même de notre assemblée. Elle contribue à ce que nous soyons moins exposés aux fluctuations et aux engouements électoraux, parfois volatils.

Ce mode de désignation justifie aussi que, en plus de participer à l’expression de la volonté générale, nous assumions notre rôle constitutionnel de représentation des territoires.

Tous ces mécanismes se reflètent dans nos travaux. Nos désaccords peuvent être profonds ; ils sont toujours débattus avec sérieux. La rigueur ne nous empêche pas d’être vigoureux, mais toujours dans le respect de la diversité des opinions.

Pour conclure mon propos, je citerai un court extrait du rapport présenté le 3 août 1874 par le député Antonin Lefèvre-Pontalis sur ce qui allait devenir la loi du 24 février 1875 instituant le Sénat de la IIIe République : « Une nation est livrée à toutes les surprises et à toutes les aventures, quand les volontés de la majorité numérique des citoyens peuvent faire la loi […]. Il ne faut pas que, si le suffrage universel est tenté de sacrifier les intérêts de la stabilité et de la conservation nécessaire à l’existence d’une société, il puisse faire tout ce qu’il veut. […] Telle est, dans une société démocratique comme la nôtre, l’importance ; il y a plus, telle est la nécessité d’un Sénat. » À quelques mois du renouvellement de notre hémicycle, ces quelques mots m’ont semblé pleins de justesse.

Pour toutes les raisons évoquées, notre groupe votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC. – MM. Guy Benarroche et Marc Laménie applaudissent également.)

Mme le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Agnès Canayer. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par François-Noël Buffet que nous examinons aujourd’hui permet d’adapter certaines dispositions du code électoral aux spécificités des élections sénatoriales.

Le rythme régulier des consultations électorales est le signe de la vitalité démocratique. La légitimation de la représentation nationale par la désignation de ses membres au scrutin universel est la base de toute République.

La République française tient aussi sa force de l’équilibre de ses pouvoirs. Sous la Ve République, le bicaméralisme est au cœur de cet équilibre, avec un Parlement composé de deux chambres différentes, complémentaires et désignées toutes les deux au scrutin universel.

La particularité du mode de scrutin sénatorial, outre son caractère indirect, est qu’il assure un renouvellement partiel de ses membres, gage de continuité de nos institutions. Or, lors des dernières élections de la série 2 du 27 septembre 2020, certaines dispositions du code électoral sont apparues comme peu adaptées aux spécificités de la désignation des sénateurs, notamment pour ceux qui sont élus au scrutin majoritaire – 52 circonscriptions étaient concernées en 2020.

En effet, l’organisation des deux tours de scrutin en une seule journée, pour l’élection au scrutin majoritaire, n’est pas compatible avec l’interdiction de faire campagne, aussi bien la veille que le jour même de l’élection.

La deuxième inadéquation entre le code électoral en vigueur et les élections sénatoriales concerne l’annonce des résultats, qui doivent demeurer sous embargo jusqu’à la fermeture du dernier bureau de vote, soit dix-sept heures trente.

Troisième inadéquation, la comptabilisation des frais de campagne ne peut s’étendre à la journée électorale unique, comme l’a souligné Hervé Marseille.

Ces inadaptations sont également liées à la complexification croissante du code électoral ces dernières années. En 2010, la commission des lois du Sénat regrettait déjà la « sédimentation de législations nouvelles » au sein du code électoral et sa perte de cohérence. Malgré la tentative de « recodification » engagée en 2007, le chantier demeure inabouti.

Aussi, la proposition de loi examinée ce jour vise à garantir le bon déroulement des prochaines élections sénatoriales en aménageant les règles de droit commun.

Avec bon sens, elle tend d’abord à autoriser la communication progressive des résultats à l’échelon métropolitain depuis le département dès la fin de la matinée pour le premier tour et, au fur et à mesure pour le second tour, ainsi que pour les scrutins à la proportionnelle.

Il est ensuite proposé de lever l’interdiction absurde aux candidats de faire campagne entre les deux tours de scrutin ayant lieu le même jour, bien éloignée de la pratique, notamment dans les circonscriptions concernées par le scrutin majoritaire. Dans l’optique de ces aménagements ponctuels, une observation pertinente a été soulevée par la commission – notamment par son rapporteur –, qui souhaite maintenir l’interdiction d’introduire tardivement des éléments nouveaux de polémique électorale qui pourraient altérer la sincérité des résultats.

Enfin, sur la proposition de notre rapporteur et dans la logique des aménagements proposés, la garantie de l’éligibilité au remboursement des dépenses engagées entre les deux tours de scrutin dans le cas de la journée électorale unique a été inscrite dans la proposition de loi, par souci de sécurité juridique.

Si la campagne électorale pour les élections sénatoriales est particulière, en raison du mode de désignation spécifique, le bon déroulement du scrutin doit être assuré.

Force est de constater que, si les élus municipaux qui remplissent, pour le compte de l’État et toujours bénévolement, ces formalités de vote ont un véritable savoir-faire en la matière, il n’en est pas toujours de même pour les services de l’État, qui, à chaque scrutin sénatorial, démontrent assez facilement leurs faiblesses organisationnelles.

Alors, madame la ministre, n’hésitez pas à transmettre aux préfectures concernées par le scrutin de 2023 un guide électoral, simple et plein de bon sens, pour faciliter le vote des élus locaux obligés de se déplacer à la préfecture !

Pour toutes ces raisons, mon groupe votera cette proposition de loi, adoptée en commission. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – MM. Guy Benarroche et Yves Détraigne applaudissent également.)

Mme le président. La parole est à M. Alain Marc, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Alain Marc. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que la campagne des prochaines élections sénatoriales approche, nous nous penchons aujourd’hui sur les conditions de ce scrutin.

Trop mal connue par nos concitoyens, mais aussi par les pouvoirs publics, cette élection se déroule selon des modalités particulières. Le Sénat est, en effet, la seule assemblée élue selon deux modes de scrutin différents : majoritaire et proportionnel.

Cela peut sembler étrange, mais cette différence s’explique facilement par la diversité de nos territoires : le département des Hauts-de-Seine, département très urbanisé, n’a pas grand-chose à voir avec celui de l’Aveyron, bien plus rural et beaucoup moins peuplé.

Il est logique que tous les départements n’élisent pas leurs sénateurs de la même manière.

En plus d’être renouvelé par moitié tous les trois ans, le Sénat connaît les seules élections dont les premier et second tours ont lieu dans la même journée.

Ajoutons à cela que nous sommes élus par de grands électeurs, et il est clair que ce ne sera pas évident pour tous les citoyens.

Ces modalités spécifiques rendent les réformes périlleuses. La loi du 2 décembre 2019 s’y est risquée. Si le travail d’Alain Richard est à saluer, quelques difficultés sont apparues « à l’usage », lors du scrutin de 2020.

Ainsi, que les élections sénatoriales aient été soumises à l’interdiction de faire campagne dans l’entre-deux-tours peut paraître anodin, mais cela a tout de même donné lieu à une décision du Conseil constitutionnel en la matière. Un déjeuner avec des élus locaux a été assimilé à une réunion électorale, avec les conséquences qui lui sont attachées. (Sourires.)

Si l’écart de voix était suffisamment important pour que la validité du scrutin ne soit pas remise en question, il est clair qu’une telle situation doit être sécurisée. En effet, avant la loi du 2 décembre 2019, il n’était pas interdit aux candidats qualifiés pour le second tour de faire campagne dans l’entre-deux-tours.

Si la proposition loi de François-Noël Buffet acquiert force de loi, il sera de nouveau possible de tenir une réunion électorale, de distribuer des tracts ou encore d’appeler ou d’écrire aux grands électeurs dans l’entre-deux-tours. Les dépenses de campagne de l’entre-deux-tours seront également éligibles au remboursement.

L’autre sujet révélé par les élections de 2020 concerne la publication des résultats. La loi de 2019 a imposé, pour la communication des résultats de la métropole, d’attendre la fermeture de l’ensemble des bureaux de vote de celle-ci.

Cela a bousculé les habitudes en la matière, sans que ces nouvelles règles se justifient pour ces élections particulières que sont les élections sénatoriales. Au reste, le dernier scrutin a donné lieu à un grand nombre de fuites sur les réseaux sociaux, mais aussi par une presse accoutumée à diffuser les résultats à mesure que ceux-ci étaient acquis.

Le texte que nous examinons aujourd’hui prévoit que l’on revienne aux règles précédentes, permettant de publier les résultats des départements dès que ceux-ci seront connus.

Ces dispositions emportent, me semble-t-il, l’assentiment général. Les groupes de notre assemblée s’y sont montrés favorables et le Gouvernement a apporté son soutien à l’adoption de ce texte lors de la procédure de législation en commission.

Afin que ces quelques correctifs soient appliqués à temps pour les prochaines élections, nous devons agir vite. Il reviendra au Gouvernement d’inscrire au plus vite cette proposition à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale.

En plus de nous permettre de mettre en lumière un scrutin trop méconnu de la plupart de nos concitoyens – ils n’y participent pas tous –, ce texte peut être l’occasion d’une réflexion plus profonde.

Alain Richard a maintes fois appelé l’attention sur le fait que le code électoral était de moins en moins praticable. En 2019, nous avons pu constater que la législation en la matière résultait d’une sédimentation de réformes et manquait d’une vision d’ensemble cohérente.

Il est temps d’envisager une refonte du code électoral pour donner à notre législation davantage de lisibilité et de simplicité. Je suis convaincu que cela améliorera son application, diminuera le nombre de contentieux et, accessoirement, simplifiera la vie de tout le monde.

L’ensemble des membres de mon groupe votera, bien sûr, en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées des groupes RDPI, RDSE, UC et Les Républicains.)