Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Marie Mercier, M. Jean-Claude Tissot.

1. Procès-verbal

2. Questions d’actualité au Gouvernement

situation en iran (i)

M. Patrick Kanner ; Mme Élisabeth Borne, Première ministre ; M. Patrick Kanner.

problèmes de déploiement de la fibre et abandon du réseau cuivre

M. Éric Gold ; M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications.

pollution du fleuve tavignanu par un stockage de déchets en corse

M. Paul Toussaint Parigi ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

concessions hydroélectriques françaises

M. Daniel Chasseing ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

effets des délestages sur les télécommunications

M. Patrick Chaize ; M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications ; M. Patrick Chaize.

lobbying des frères musulmans auprès de l’union européenne

Mme Nathalie Goulet ; Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; Mme Nathalie Goulet.

reste à charge du compte personnel de formation (I)

M. Éric Bocquet ; Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels ; M. Éric Bocquet.

postes de police chinois clandestins en france

M. André Gattolin ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer.

pénurie de médicaments

Mme Corinne Imbert ; M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention ; Mme Corinne Imbert.

reste à charge du compte personnel de formation (II)

Mme Corinne Féret ; Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels ; Mme Corinne Féret.

situation en iran (II)

Mme Isabelle Raimond-Pavero ; Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; Mme Isabelle Raimond-Pavero.

remise en cause des festivals d’été par les jeux olympiques

M. Laurent Lafon ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer ; M. Laurent Lafon.

dispositif maprimerénov’

Mme Béatrice Gosselin ; M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement ; Mme Béatrice Gosselin.

objectif « zéro artificialisation nette » et soutien aux petites communes

M. Jean-Jacques Lozach ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

moyens humains de la sncf

M. Marc Laménie ; M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports ; M. Marc Laménie.

difficultés de mise en œuvre des zones à faibles émissions mobilité

M. Olivier Henno ; M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports ; M. Olivier Henno.

3. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard

4. Communication d’un avis sur un projet de nomination

5. Orientation et programmation du ministère de l’intérieur. – Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer

Texte élaboré par la commission mixte paritaire

Vote sur l’ensemble

M. Loïc Hervé

M. Jérôme Durain

Mme Catherine Di Folco

M. Dany Wattebled

M. Guy Benarroche

M. Alain Richard

M. Jean-Claude Requier

Mme Éliane Assassi

Adoption définitive, par scrutin public n° 107, du projet de loi dans le texte de la commission mixte paritaire.

6. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Marie Mercier,

M. Jean-Claude Tissot.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

situation en iran (i)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Ils avaient 23 ans. Ils sont morts pendus, l’un d’eux en public, condamnés par le régime des mollahs iraniens pour crime de guerre contre Dieu. Ils avaient un nom : Mohsen Shekari, Majid Reza Rahnavard. En leur mémoire, j’aimerais que le Sénat respecte quelques instants de silence.

Nous pouvons craindre qu’ils ne soient que les premiers d’une longue liste. En effet, le régime iranien a annoncé avoir condamné, via une justice expéditive, neuf autres personnes à la peine capitale dans le cadre des manifestations déclenchées par la mort de Mahsa Amini.

La répression s’abat, aveugle, violente, sanglante. Depuis le début de la contestation, plusieurs milliers de personnes ont été arrêtées ; plusieurs centaines sont mortes ; 400 viennent d’être condamnées à des peines pouvant aller jusqu’à dix ans de prison. Les séides du régime veulent écraser un mouvement populaire dans lequel les femmes sont en première ligne et qui a l’émancipation pour but.

« Femme, Vie, Liberté ! » : ce slogan est porteur des espoirs d’un peuple. Nous devons être à la hauteur de cet espoir.

Le 9 novembre dernier, ma collègue Marie-Arlette Carlotti vous interpelait pour demander que la France exige l’exclusion de l’Iran de la commission de la condition de la femme des Nations unies. Malgré le retard, je suis heureux que votre gouvernement ait fini par écouter cette juste revendication. Cette exclusion est actuellement en débat à New York.

Certes, des sanctions ont été prises par l’Union européenne. Certes, les condamnations internationales existent. Mais sont-elles suffisantes devant l’ampleur de la répression ? Mes chers collègues, un baril de pétrole vaut-il plus que le sang d’un manifestant ?

Aussi, ma question est simple : alors que le peuple iranien se bat pour les droits humains, comment la France peut-elle l’aider ? Comment la France peut-elle agir, au sein de l’Union européenne, pour que la répression cesse et que la jeunesse iranienne, éprise de liberté, remporte son combat de lumière contre l’obscurantisme ? (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président Patrick Kanner, « Femme, Vie, Liberté ! » : ce slogan est né en Iran, mais il en a très vite dépassé les frontières. Ces trois mots sont un symbole puissant et un appel à la liberté.

En Iran, le régime dénie leurs droits aux femmes. Il les cible pour ce qu’elles sont. L’oppression que subissent les femmes ne date pas de la mort tragique de Mahsa Amini. Elle s’incarne dans les lois du pays : port du voile obligatoire, mariage précoce dès la puberté, interdiction de l’avortement, crimes d’honneur, etc. En Iran, devant les tribunaux, la parole d’une femme vaut la moitié de celle d’un homme.

Face à la négation de ces droits humains, un mouvement de protestation est né. Celui-ci ne faiblit pas : il s’est étendu à toute une partie de la jeunesse et se poursuit depuis maintenant deux mois, malgré la répression violente, qui a fait plus de 500 morts, dont des dizaines d’enfants. Au moins 15 000 personnes ont été arrêtées. Deux Iraniens ont déjà été condamnés à mort et exécutés à la suite de leur participation aux manifestations. Ce mouvement se poursuit malgré l’emprisonnement de toujours plus de journalistes.

Le Président de la République a eu l’occasion de dire notre admiration, notre respect et notre soutien à celles et ceux qui défendent les droits fondamentaux en Iran. Qu’il me soit permis, au nom du Gouvernement, de leur rendre hommage, de leur dire que nous sommes avec eux.

Face à la gravité de la situation, la France n’est pas impassible. Nous agissons, monsieur le président Kanner, de manière forte, ferme et résolue. Avec nos partenaires européens, nous avons envoyé lundi dernier, pour la quatrième fois, un signal puissant d’unité et de fermeté aux autorités iraniennes.

Nous avons encore élargi la liste des personnes et entités faisant l’objet de mesures restrictives en y ajoutant vingt membres du régime, ainsi que la radiotélévision iranienne Irib.

Nous prenons des sanctions significatives : gel des avoirs, interdiction de pénétrer sur le territoire de l’Union et interdiction de mettre des fonds ou des ressources économiques à la disposition des personnes et entités concernées.

Notre ligne est claire : nous mettrons tout en œuvre pour que le régime iranien sorte de sa logique de répression.

Nous avons ainsi adopté, voilà deux jours, de nouvelles conclusions du Conseil de l’Union européenne sur l’Iran, qui établissent un cadre d’action européen d’une grande fermeté.

Enfin, nous soutenons les aspirations démocratiques du peuple iranien. La ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Catherine Colonna, a remis samedi, avec son homologue allemande, le prix franco-allemand des droits de l’homme à Mahsa Amini et aux femmes iraniennes.

Nous poursuivrons ces efforts sans nous laisser intimider. Le régime cible nos ressortissants ; certains d’entre eux sont détenus dans des conditions inacceptables. Nous continuons d’exiger leur libération. Ceux qui se trouvent en Iran, ou qui envisagent de s’y rendre, s’exposent à des risques de détention arbitraire. Je veux donc ici renouveler mon appel à la plus grande vigilance.

Monsieur le président Kanner, je le redis, la France est et restera aux côtés de toutes celles et de tous ceux qui combattent pour la liberté, pour les droits humains. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes SER et UC.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.

M. Patrick Kanner. Le Sénat a soutenu l’Arménie ; le Sénat a soutenu l’Ukraine : nous voulons aussi soutenir le peuple iranien dans son combat pour la liberté. J’aimerais qu’un jour celui-ci puisse faire siennes les paroles du beau poème de Paul Éluard, Liberté, écrit en 1942, et dire enfin : « Liberté, j’écris ton nom. » (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et UC. – Mme Marie-Pierre Richer applaudit également.)

problèmes de déploiement de la fibre et abandon du réseau cuivre

M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Alain Cazabonne applaudit également.)

M. Éric Gold. Monsieur le ministre, malgré des efforts notables pour le déploiement de la fibre, pas une semaine ne passe sans que les élus locaux soient sollicités pour des dysfonctionnements : chantiers techniques abandonnés, coupures fréquentes liées au réseau aérien, travail bâclé sur les raccordements, refus d’installer le cuivre dans une construction neuve qui ne bénéficie pas encore de la fibre, abonnement prélevé sans que l’habitation soit raccordée, déception par rapport au débit, etc. Les motifs de ce mécontentement général sont innombrables.

L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) vient d’ailleurs de publier les résultats d’une analyse de terrain, qui confirme la situation. Elle relève notamment des défauts dans l’état des câblages et la présence de raccordements en « plats de nouilles ».

Ces constats sont partagés par l’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel (Avicca), présidée par notre collègue Patrick Chaize, qui dénonce des opérateurs faisant trop souvent appel aux sous-traitants, sans vérifier la qualité ni la pérennité des installations. Entre 15 % et 20 % des abonnés seraient ainsi touchés par un dysfonctionnement.

Monsieur le ministre, nous sommes encore loin de l’objectif annoncé d’une couverture 100 % fibre sur l’ensemble du territoire en 2022. Les chiffres du déploiement cachent d’importantes disparités territoriales entraînant, pour certains, une double peine.

En effet, en parallèle de ce déploiement souvent insatisfaisant, le réseau cuivre est progressivement abandonné, et donc mal entretenu, y compris dans les territoires qui n’ont toujours pas la fibre et où les délais de dépannage peuvent être de plusieurs mois.

Cette situation, qui pénalise des territoires déjà fragiles, emporte des conséquences potentiellement critiques. Je pense, par exemple, à la téléassistance, qui ne peut fonctionner qu’avec un réseau efficient.

Monsieur le ministre, comment l’État entend-il agir vis-à-vis des opérateurs qui n’ont pas tenu leurs engagements ? Est-il prévu de mieux informer les élus, commune par commune, et de remettre à niveau le service après-vente du réseau cuivre, qui continue de jouer un rôle essentiel dans certains territoires ? (Applaudissements sur les travées du RDSE – MM. Alain Richard, Alain Cazabonne et Stéphane Demilly applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Monsieur le sénateur Gold, je partage évidemment votre constat concernant les défauts de qualité dans le déploiement de la fibre, ce qui place parfois nos concitoyens dans des situations intenables.

Ces difficultés sont le fruit de plusieurs facteurs.

Je pense d’abord à la rapidité de ce déploiement : en dix ans, la France est devenue le pays le plus avancé en matière de fibre avec 77 % des locaux raccordables.

C’est ensuite lié au fait que les réseaux de fibre ont été historiquement mal dimensionnés, notamment les premiers d’entre eux, déployés voilà dix ans.

C’est enfin dû à un nombre trop important, comme vous l’avez souligné, de niveaux de sous-traitance, même si cette pratique s’est fortement réduite.

Face à l’accroissement des difficultés, qui remontent de toutes parts, et en particulier des élus locaux, le Gouvernement et l’Arcep ont saisi la filière télécom, qui a formulé fin septembre des engagements articulés autour de trois axes : le renforcement de la qualité des interventions avec une certification des compétences minimales requises pour les raccordements finaux ; la transmission, par les opérateurs commerciaux, de leurs plannings d’intervention et le partage des comptes rendus d’intervention, de manière à répondre plus rapidement aux pannes éventuelles ; enfin, la reprise des infrastructures dégradées, qu’il s’agisse des points de mutualisation ou des réseaux vieillissants ou mal dimensionnés.

Plusieurs opérateurs ont déjà notifié leur plan de reprise de 1 000 points de mutualisation, soit 450 000 locaux. Le Gouvernement veille à la mise en œuvre de ce plan, sous le contrôle de l’Arcep. Des points de suivi réguliers ont lieu en présence des associations d’élus.

Pour autant, le déploiement de la fibre et le projet d’arrêt de commercialisation du cuivre ne doivent pas se traduire par une baisse de qualité de service ou une exclusion de certains de nos concitoyens. La qualité du réseau cuivre doit être maintenue en attendant sa fermeture technique. L’État ne transigera pas sur ce point. Notre message est clair : pas de dépose du cuivre tant qu’une solution fibre n’est pas proposée aux usagers.

Sachez, monsieur le sénateur, que je veille personnellement à ce que cette transition s’accompagne par ailleurs des garanties nécessaires de disponibilité, de qualité et d’« abordabilité » pour tous nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

pollution du fleuve tavignanu par un stockage de déchets en corse

M. le président. La parole est à M. Paul Toussaint Parigi, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Paul Toussaint Parigi. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et porte sur un écocide annoncé que l’État ne peut ignorer au regard de l’ampleur de la menace qu’il fait peser sur notre région.

Je parle du projet du centre d’enfouissement de Giuncaggio, aux abords immédiats du deuxième plus grand fleuve de Corse : le Tavignanu, classé zone Natura 2000 et zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique.

Ce projet fou, c’est le stockage et l’enfouissement de 120 000 tonnes de terres amiantifères et de 70 000 tonnes de déchets ménagers par an sur trente années, un affouillement des sols abyssal dans une zone géologique instable, les pieds dans l’eau, où d’importants glissements de terrain ont déjà été observés !

Experts, géologues, hydrobiologistes confirment et signent : le risque majeur de destruction de cet écosystème aurait des conséquences dramatiques pour la santé humaine et les générations à venir.

Le Tavignanu irrigue toute la plaine orientale, dont l’agriculture diversifiée, de qualité, labellisée et connue mondialement pour sa production d’agrumes, constitue un inestimable réservoir de biodiversité au cœur duquel l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) abritent un précieux conservatoire génétique des agrumes d’Europe et d’ailleurs.

Mettre en péril l’alimentation en eau potable de toute une région, détruire le cœur agricole de la Corse, hypothéquer la santé humaine des générations futures : voilà les enjeux dont il est question, monsieur le ministre. Il s’agit d’un acte criminel en devenir qui se joue aujourd’hui sous nos yeux.

Depuis six ans, nous demandons l’interdiction totale de ce projet. Malgré un arrêté initial de refus du préfet Alain Thirion, en 2016, et les prescriptions du préfet François Ravier en 2019 pour minimiser les risques du projet, le combat juridique continue.

Ma question est simple : saurez-vous, au nom du devoir supérieur de l’État, protéger la vie et les écosystèmes, être à nos côtés pour interdire les logiques mercantiles qui hypothèquent notre territoire et sacrifient la terre que, demain, nous léguerons à nos enfants ? (Applaudissements sur les travées du GEST – Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Marie-Arlette Carlotti applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Parigi, je vous remercie de votre question. Vous braquez les projecteurs sur la situation très complexe, depuis 2015, de la gestion des déchets en Corse.

Un tiers des déchets produits sur l’île sont triés et orientés vers le continent. Les deux tiers restants, soit 160 000 tonnes, doivent être traités localement. Or les deux installations de stockage existantes ne peuvent accueillir que 100 000 tonnes de déchets par an.

Dans cette situation, la société Oriente Environnement a demandé, en 2016, l’autorisation de stocker des déchets le long du fleuve Tavignanu, sur un site qui présente des risques potentiels d’affaissement. Le préfet a refusé d’accorder cette autorisation, mais le tribunal administratif a annulé cette décision. En 2020, le préfet a décidé d’autoriser, après avis de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris), un stockage partiel. En novembre 2022, le tribunal administratif a exigé que nous accordions une autorisation complète de stockage.

Ce sujet est bien évidemment problématique : l’autorité de la chose jugée et la situation que vous décrivez en termes de risques, que les autorités préfectorales ont elles-mêmes soulignée, s’affrontent directement. Plus largement, la question se pose de la gestion des déchets en Corse. Voilà quelques jours, j’aurais dû accompagner le ministre Gérald Darmanin lors d’un déplacement en Corse, puisque cette question fait partie des sujets que nous devons aborder avec les élus insulaires. Ce rendez-vous a été reporté aux premières semaines de l’année 2023. Je ne fuirai pas mes responsabilités et j’irai à la rencontre des élus. (M. Paul Toussaint Parigi marque son approbation.)

Je soutiens bien évidemment la position du préfet, tout comme je fais miennes les inquiétudes exprimées par les élus locaux et ai parfaitement conscience des risques qu’ont pointés de nombreux acteurs. Nous devons trouver une solution. Nous allons nous y atteler dans les prochaines semaines. (Applaudissements sur les travées du RDPI – M. Joël Guerriau applaudit également.)

concessions hydroélectriques françaises

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Daniel Chasseing. Monsieur le ministre, les entreprises en détresse dans nos territoires nous écrivent que le coût de l’énergie a été multiplié par quatre ou cinq.

Certes, le dispositif de soutien de l’État aux entreprises a évolué, mais cela reste insuffisant pour bon nombre d’entre elles qui comptent plus de dix salariés. Nous craignons des fermetures.

À l’avenir, la solution réside dans l’augmentation de notre production d’énergie et la diversification de nos sources énergétiques. Nous venons d’examiner un projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, réfléchissons au développement d’une filière nucléaire d’avenir et nous apprêtons à nous prononcer sur une nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie.

Le 17 novembre dernier, Mme la Première ministre a évoqué un travail prochain dont l’objectif sera « de relancer rapidement les investissements dans les barrages, sans nécessiter une remise en concurrence ». Qu’en est-il ?

En Corrèze, et il en va de même dans de nombreux territoires, le projet de station de transfert d’énergie par pompage-turbinage (Step) de Redenat, avec un pompage en heures creuses dans la Dordogne, stagne depuis des décennies. Il permettrait de répondre aux pics de consommation en turbinant à la demande, d’éviter de manquer d’électricité et de réduire les coûts.

Mais voilà, EDF n’est pas en position d’investir dans ce projet, en grande partie à cause de l’ouverture à la concurrence des concessions hydroélectriques imposée par l’Europe. Pourtant, plus que jamais, monsieur le ministre, l’énergie est une question de souveraineté pour notre pays. Où en sont ces dossiers ? Qu’en est-il des discussions engagées avec Bruxelles ? À quoi pouvons-nous nous attendre concernant les demandes de prorogation des concessions ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Chasseing, vous avez bien posé les termes du débat : l’hydroélectricité est la première source d’énergie renouvelable dans ce pays, avec 26 gigawatts, et nous pouvons nous féliciter des investissements qui ont été réalisés par nos grands anciens dans ce domaine.

Il y a à la fois une volonté gouvernementale rappelée par la Première ministre et une situation complexe, compte tenu des perspectives d’ouverture à la concurrence et, plus encore, du précontentieux engagé par l’Union européenne sur l’absence de mise en concurrence pour le renouvellement des concessions d’hydroélectricité.

La volonté du Gouvernement de faire en sorte de favoriser des énergies renouvelables et de nous appuyer sur celles qui ont fait leurs preuves, comme l’hydroélectricité, est totale.

Je veux saluer le Sénat, qui, en votant l’article 16 quinquies de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, a notamment validé un processus qui devrait nous permettre de contourner cette difficulté. Cet article prévoit en effet que les dispositions sur les investissements pour assurer la pérennité d’un ouvrage hydroélectrique pourront être réalisées sans mise en concurrence. Tel est le chemin que nous souhaitons suivre.

Vous avez également cité l’entreprise dont nous avons besoin, à savoir EDF. La nomination d’un nouveau président-directeur général, la discussion de sa feuille de route, la caractérisation d’une stratégie qui est à la fois celle du Gouvernement et celle de l’entreprise, avec la perspective de la nationalisation, nous permettent d’avoir un alignement d’astres pour pouvoir relancer ce sujet.

La route est semée d’embûches, mais l’enjeu de souveraineté et de maîtrise de notre énergie commande que nous trouvions des solutions.

Je sais votre attachement à ce sujet, vous l’avez évoqué avec moi tout au début du mois de juillet, lors de notre première rencontre. Je peux vous l’assurer, notre détermination est totale pour dépasser ces obstacles précontentieux et relancer ce dont nous avons besoin, c’est-à-dire une production française d’énergies renouvelables, qui nous permette de tenir le choc et d’offrir à nos entreprises et à nos ménages des tarifs compétitifs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)

effets des délestages sur les télécommunications

M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Patrick Chaize. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la crise énergétique nous amène à revoir nos organisations domestiques comme professionnelles, afin d’adapter nos consommations aux ressources disponibles. Vous nous annoncez cependant, depuis quelques jours, des phases de délestage des réseaux. Ces coupures locales, limitées dans le temps, impacteront l’ensemble des usagers : ménages, entreprises et services publics.

Les réseaux de communications électroniques, qui ont pourtant prouvé leur caractère indispensable durant les phases de confinement, seront également touchés.

Je souhaite donc attirer l’attention du Gouvernement sur le cas spécifique des réseaux de téléphonie mobile, qui acheminent notamment les appels d’urgence. En effet, en cas de coupure même momentanée, les numéros d’urgence, y compris le 112, ne seront pas accessibles sur des pans entiers de nos territoires.

Je pense notamment aux secteurs moins denses, qui ne sont desservis que par un seul pylône. Tout défaut d’alimentation électrique entraînerait alors une impossibilité d’accéder au service, les antennes n’étant pas considérées comme des « équipements prioritaires ».

De surcroît, les éléments les plus structurants du réseau pourraient être aussi concernés. La coupure de certaines antennes aura des répercussions sur le réseau national. Par exemple, les opérateurs pourraient être dans l’incapacité d’assurer des missions de sécurité intérieure.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, ma question est double : quelles garanties pouvez-vous nous donner sur l’acheminement des numéros d’urgence vers les centres de régulation en tout temps et en tout point du territoire ?

M. Patrick Chaize. Envisagez-vous de donner un statut de réseau essentiel aux réseaux de communication ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Maurey applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Chaize, permettez-moi d’abord de saluer l’immense travail des salariés d’EDF, qui mettent notre pays sur la bonne voie, ainsi que l’esprit de responsabilité des Français, puisque Réseau de transport d’électricité (RTE) nous annonce une diminution de presque 10 % de la consommation électrique la semaine dernière par rapport aux années précédentes, dans notre pays.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. La continuité des appels d’urgence que vous évoquez repose sur le 112, qui a l’avantage d’être mutualisé entre tous les opérateurs. Nous œuvrons depuis cet été à limiter au maximum les conséquences d’éventuels délestages sur les réseaux de télécommunications et, donc, sur ces appels d’urgence.

Il s’agit d’un travail inédit et titanesque du fait de la nature et des choix historiques d’organisation des réseaux en France. Il suppose de déterminer l’impact croisé des 60 000 points d’alimentation du réseau électrique avec les 110 000 équipements télécoms, dont 80 000 antennes et 30 000 équipements structurants qui leur permettent de communiquer entre elles.

Je rappelle par ailleurs que, même en l’absence de délestage, le réseau télécom n’est pas infaillible et que chaque antenne, dans notre pays, tombe en panne pour raison technique ou en cas d’intempéries en moyenne une fois par an.

M. François Bonhomme. Contrairement aux bougies…

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. À la demande du Gouvernement, les opérateurs ont ainsi déjà pris des mesures importantes. Ils ont renforcé dès cet automne l’alimentation de plus de mille nœuds et cœurs de réseau, en les équipant de batteries supplémentaires. Je veille à ce que ces batteries soient testées désormais chaque mois.

Ils ont considérablement réduit par ailleurs les délais de transmission de la carte de couverture du 112, afin que le ministère de l’intérieur puisse déployer des moyens de secours additionnels en cas de besoin.

Par ailleurs, en cas de délestage, nous demanderons aux opérateurs de réquisitionner tous les équipements mobiles disponibles, ainsi que les équipes d’astreinte, afin de renforcer la résilience du 112. Nous veillerons également à ce que tous les opérateurs effectuent des simulations pour prioriser les antennes à préserver et renforcer ainsi la résilience du 112 sur la base du travail réalisé cet automne par les préfets et Enedis.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour garantir l’accès aux numéros d’urgence des Français en cas de délestage, mais aussi pour garantir la résilience du réseau télécom ces prochaines années. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour la réplique.

M. Patrick Chaize. J’entends votre réponse, monsieur le ministre. Je ne nie pas vos échanges avec les opérateurs, mais reconnaissez qu’ils sont un peu tardifs, d’autant que je ne suis pas persuadé que le délestage soit vraiment la solution.

Plutôt que des mesures punitives, je pense que des actions « récompenses », par exemple sur les tarifs, seraient plus vertueuses.

Les territoires ruraux seront pénalisés. Attention à ce que les zones délestées ne soient pas, une fois de plus, les zones délaissées. (Oh ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)

lobbying des frères musulmans auprès de l’union européenne

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Parlement européen, à la demande du groupe Renaissance et, donc, de votre gouvernement, a obtenu le vote d’un amendement faisant état de sa préoccupation au vu des subventions versées aux associations liées aux Frères musulmans, qui pourraient être mieux contrôlées.

Cela pourrait être une bonne nouvelle, mais pourquoi proposez-vous à Strasbourg ce que vous refusez ici ? Avec notre groupe, nous dénonçons depuis longtemps ces anomalies, et le mot est faible ! Je pense notamment à une question d’actualité au Gouvernement sur le même sujet, posée le 24 novembre 2021 sans aucun résultat.

Plus récemment, le Gouvernement a retoqué, pour la troisième année consécutive, plusieurs amendements au PLF visant à contrôler les financements des associations. Nous parlons de 2 millions d’euros environ. Quand serez-vous plus vigilants concernant ces financements ? Il ne suffit pas de s’indigner de la campagne du Conseil de l’Europe pour la diversité en Europe faisant figure une jeune fille voilée ! Il aurait fallu faire en sorte que cette campagne ne soit pas lancée !

Une telle indignation aura été efficace, si l’on en juge par l’affiche de la campagne de l’Unicef, que je tiens à vous montrer. (Mme Nathalie Goulet brandit laffiche en question.) On y voit, pour la promotion de la Journée mondiale de l’enfance, une jeune fille voilée. Se préoccuper, s’indigner, condamner, ce n’est pas suffisant ! Quand allez-vous assécher les financements des Frères musulmans, leur interdire tout financement public et les inscrire sur la liste des organisations terroristes ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Mme Catherine Colonna, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Madame la sénatrice Goulet, la protection de nos institutions contre les ingérences étrangères est nécessaire à l’intégrité de nos démocraties. Cela requiert en effet de la vigilance. Croyez bien que le Gouvernement est mobilisé et actif pour que les institutions européennes intègrent bien le risque de telles ingérences, quelles qu’elles soient, et défendent notre socle commun de valeurs.

Avec Gérald Darmanin et Laurence Boone, j’ai personnellement saisi à ce sujet la Commission européenne et le Haut Représentant, voilà plusieurs mois. Je l’ai fait de nouveau auprès de Josep Borrell mi-septembre, si ma mémoire est bonne. Nous continuerons donc, madame la sénatrice, de mettre en avant le sujet, notamment pour un suivi plus fin des activités des associations financées par l’Union européenne, afin qu’aucune d’entre elles ne promeuve sous influence des agendas à rebours de nos objectifs d’intégration, d’émancipation citoyenne et d’égale dignité entre les femmes et les hommes.

L’inscription, que vous proposez, des Frères musulmans sur la liste européenne des organisations terroristes n’est pas possible, madame la sénatrice, car cette organisation ne répond à aucun des critères fixés par les règles européennes. Cela ne change rien cependant à notre détermination à préserver le bon fonctionnement de notre démocratie française et européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.

Mme Nathalie Goulet. Madame la ministre, l’Autriche a inscrit les Frères musulmans sur la liste des organisations terroristes, et les États-Unis y pensent. Il faut exiger des réponses de la commission. Vous le savez très bien, les millions d’euros qui circulent sont véhiculés par le Qatar, qui protège les Frères musulmans, lesquels gangrènent notre République. Ils espionnent nos boîtes, nourrissent des think tanks. Nous devons en finir avec une certaine naïveté et exiger des réponses de la part de la Commission européenne. C’est le minimum ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

reste à charge du compte personnel de formation (i)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 10 juillet 2018, lors de l’examen, ici même, du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, notre groupe était intervenu sur l’article 1er, en émettant la critique suivante : « D’un compte personnel de formation abondé en heures, nous passons donc à un compte abondé en euros.

« Si le nombre d’heures prises en charge par le compte personnel de formation diminue, il est à parier que les formations les plus longues et les plus coûteuses devront faire l’objet d’un financement complémentaire reposant essentiellement sur le salarié ».

Dimanche, à l’Assemblée nationale, a été adopté un amendement au projet de loi de finances pour 2023, qui prévoit de contraindre les salariés à prendre en charge de 20 % à 30 % du coût de la formation.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Mauvaise idée !

M. Éric Bocquet. Nous avions donc raison d’alerter, voilà quatre ans, sur les risques de faire peser sur les salariés le prix des formations professionnelles.

C’est d’autant plus injuste que cette mesure est uniquement justifiée par un souci d’économie budgétaire, qui est décidément l’alpha et l’oméga de vos choix budgétaires.

Madame la ministre, ma question est double : la subvention de l’apprentissage a coûté 4 milliards d’euros à l’État. Ce désengagement organisé des entreprises au financement de l’apprentissage vous conduit, de fait, à réduire le droit à la formation.

Premièrement, allez-vous revenir sur ces subventions indues, qui opposent formation professionnelle et formation continue des salariés ?

Deuxièmement, allez-vous enfin accroître le contrôle des organismes de formation, qui accumulent une rente engendrée par les coûts exorbitants des formations proposées, au détriment des salariés de notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de linsertion et du ministre de léducation nationale et de la jeunesse, chargée de lenseignement et de la formation professionnels. Monsieur le sénateur Bocquet, j’ai écouté avec attention ce que vous venez de dire, et je crois que c’est tout le contraire ! (Rires sur les travées des groupes SER et CRCE. – Mme Éliane Assassi sexclame.)

M. David Assouline. Si vous le dites…

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée. Rendre le système plus juste et plus efficace, combattre les fraudes, régulariser les dérives et toujours associer la formation à un projet professionnel d’avenir : telle est notre ambition.

Je le rappelle, le Gouvernement a porté ces derniers mois un certain nombre de mesures pour améliorer la qualité de la formation, ce qui a conduit à éliminer environ deux tiers des certifications, dont l’intérêt n’était pas avéré pour l’évolution professionnelle de nos concitoyens.

Il a également œuvré à évincer des plateformes les organismes de formation qui ne satisfaisaient pas les exigences attendues.

Par ailleurs, depuis octobre, nous avons débattu et adopté une loi portée par votre collègue Martin Lévrier et visant à lutter contre le démarchage abusif et les fraudes.

Il s’agit à présent de faire en sorte que chaque bénéficiaire s’engage de manière active dans sa formation avec une participation financière. Mais nous voulons que ce soit juste. (Ah ! sur les travées des groupes SER et CRCE.) C’est la raison pour laquelle les demandeurs d’emploi en seront dispensés, tout comme les salariés qui ont coconstruit un projet professionnel avec leur employeur via un abondement.

C’est sur ces bases d’efficacité et d’équilibre que s’ouvriront les concertations avec les partenaires sociaux, les parlementaires et les acteurs de la formation, afin de déterminer le niveau de cette participation et son plafonnement.

Je suis convaincue que la formation est une clé essentielle dans les parcours professionnels. Cette responsabilité de l’individu ne doit pas être un frein à l’accès à la formation. Nous y serons attentifs. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour la réplique.

M. Éric Bocquet. Madame la ministre, votre réponse est loin d’être rassurante.

En 2018, le directeur de cabinet de Muriel Pénicaud disait aux partenaires sociaux qu’il n’y aurait pas de problème de financement, car les cotisations patronales seraient augmentées en conséquence s’il le fallait.

Mais vous venez de nous expliquer un autre choix : c’est la première fois dans notre histoire sociale que nos concitoyens devront financer eux-mêmes l’accès à un droit acquis ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)

postes de police chinois clandestins en france

M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Joël Guerriau applaudit également.)

M. André Gattolin. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

L’ONG Safeguard Defenders, qui œuvre pour la défense des droits humains à l’échelle internationale, vient de publier un rapport mettant en évidence l’existence de 110 postes illégaux de police chinois répartis dans plus de cinquante pays.

Ces postes viseraient à contrôler, à réprimer, voire à extrader, hors de tout cadre légal, des citoyens chinois vers leur pays d’origine. L’accusation est grave, très grave, mais le rapport en question est étayé par de très nombreux documents et témoignages sur ces pratiques illégales opérées hors du territoire chinois.

En France, ce sont pour l’instant quatre postes illégaux de ce type qui ont été dénombrés à Paris, à Noisy-le-Grand et à Aubervilliers.

Surveillance des établissements taïwanais, ouïgours et tibétains, pressions exercées sur des citoyens chinois réfugiés en France, contrôle politique de la diaspora, etc. La liste des activités illicites dénoncées par l’ONG est longue.

Interrogés, plusieurs responsables chinois ont reconnu l’existence de ces postes, en arguant que ceux-ci se limiteraient à des services d’assistance à leurs concitoyens de type consulaire.

Menées sans autorisation, de telles activités sont de toute façon illégales au regard du droit international. Si les faits dénoncés par l’ONG sont avérés, ce serait une atteinte très grave à notre souveraineté et même une forme nouvelle de séparatisme, opérée sur notre sol par des agents illégaux d’une puissance étrangère.

Aujourd’hui, tous les pays européens concernés par cette enquête, à l’exception de la Grèce et de la Hongrie, ont déjà officiellement diligenté une enquête sur ces pratiques inquiétantes.

Monsieur le ministre, entendez-vous diligenter une enquête de ce genre en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe INDEP. – Mme Jacqueline Eustache-Brinio applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur Gattolin, la France ne peut en aucun cas accepter des atteintes à sa souveraineté. Elle entend lutter avec une extrême vigueur contre les influences étrangères sur son sol et n’acceptera pas que les règles internationales qui prévoient l’accueil de ces ressortissants viennent détériorer nos bonnes relations avec certains États, qu’il s’agisse de la Chine ou de tout autre État.

La direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) est à l’écoute des révélations de cette organisation non gouvernementale. Elle a d’ailleurs travaillé en amont de ces révélations. Je lui ai demandé d’accentuer son enquête de renseignements. Vous le comprendrez, ce n’est pas dans cette enceinte que je pourrai en détailler les résultats.

Si vous le souhaitez, je vous invite à vous rapprocher de la délégation parlementaire au renseignement, dont les travaux sont couverts par le secret de la défense nationale, pour bénéficier de toutes les informations. Il convient au préalable qu’elles soient demandées par le président du Sénat, de l’Assemblée nationale ou de la délégation.

Pour tous les pays extrêmement agressifs en matière de contre-influence sur notre sol, le Président de la République a demandé, voilà plus de quatre ans, des moyens renforcés pour la DGSI. J’aurai l’occasion, si vous le souhaitez, dans le cadre de la délégation au renseignement, de les détailler.

Je tiens à vous rassurer, la France n’acceptera jamais ce genre de pratiques, qui restent à confirmer, pour ce qui concerne les quatre postes français évoqués par cette ONG. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)

pénurie de médicaments

M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Corinne Imbert. Ma question s’adressait à Mme la Première ministre et concerne notre souveraineté sanitaire, car le sujet est à la fois économique et sanitaire.

Les pénuries de médicaments et de dispositifs médicaux durent depuis des années. Toutefois, aujourd’hui, le niveau des manquants a atteint des sommets. C’est du jamais vu ! Paracétamol et amoxicilline continuent de faire l’actualité, et le ministère impose des contingentements.

Mais, aujourd’hui, c’est aussi l’un des acteurs mondiaux des industries de santé, le dernier fabricant français de poches de perfusion pour les hôpitaux, qui est en redressement judiciaire et qui cherche un repreneur. Et si aucun repreneur n’est trouvé d’ici le 5 janvier prochain, alors l’entreprise risque de fermer définitivement. Les hôpitaux s’inquiètent : ils n’avaient pas besoin de cela. Comment demain pourront-ils s’approvisionner en poches de perfusion ? C’est un nouveau symbole de notre indépendance sanitaire qui est en danger.

Comment expliquez-vous cette situation, monsieur le ministre, et que comptez-vous faire ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et CRCE. – Mme Victoire Jasmin et M. Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Corinne Imbert, les causes de ces pénuries de médicaments sont multiples. La crise de la covid engendre une augmentation des prescriptions : +13 % pour le paracétamol, par exemple.

Des problèmes se posent aussi quant aux principes actifs ; on mesure là tout l’intérêt d’en rapatrier la production en Europe et en France, dans le cadre du plan France 2030 notamment.

Il existe aussi des difficultés de production ou de distribution : ainsi la production de Doliprane pédiatrique, qui se fait essentiellement en Allemagne, a-t-elle été récemment perturbée par un mouvement social chez Sanofi. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.) Ce mouvement ayant pris fin récemment, nous allons pouvoir retrouver nos stocks.

Cette situation, vous le savez, n’est pas propre à la France : elle concerne l’ensemble du territoire européen, voire s’étend au-delà. En ce qui concerne l’amoxicilline, la pénurie est nationale, liée à un défaut de production.

Notre système de surveillance, piloté par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), nous permet, d’une part, d’être alertés très tôt : pour la plupart des produits, l’alerte est donnée dès lors que nos stocks diminuent en dessous d’un mois de couverture des besoins : cela ne veut pas dire que nous n’en avons plus, mais que les stocks sont extrêmement bas. Elle nous permet, d’autre part, d’identifier les causes, donc de mener des actions ciblées en fonction du médicament : interdiction d’exporter pour les grossistes lorsque les médicaments sont en France ; distribution plus équitable sur le territoire national via, là aussi, les grossistes-répartiteurs ; modification des modalités de prescription en officines, les pharmaciens dispensant le strict nécessaire et pouvant être autorisés à déconditionner les boîtes.

Nous travaillons aussi avec les sociétés scientifiques sur l’élaboration d’alternatives, puisqu’il n’est pas envisageable, bien entendu, que l’on ne puisse pas traiter l’ensemble des Français.

Vous le savez, le plan France 2030 va nous permettre de rapatrier les productions en France, tout du moins en Europe, et ainsi de faire de la France un pays souverain pour ce qui concerne nos produits de santé. À cet effet, l’Agence de l’innovation en santé a été dotée d’un budget plus que substantiel.

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Il n’a pas répondu !

Mme Laurence Cohen. Le pôle public du médicament, voilà la solution !

M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour la réplique.

Mme Corinne Imbert. Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre réponse, mais vous n’avez répondu que sur les pénuries de médicaments : vous n’avez pas abordé la question des difficultés des fabricants français, et en particulier de celles que rencontre le dernier fabricant français de poches de perfusion.

La pandémie a déjà révélé que la fusion, pour former Santé publique France, de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires avec d’autres agences nous avait fait perdre toute capacité d’anticipation d’une crise sanitaire. Vous avez voulu une filière française des masques ? Cela risque de virer à la déroute… Retrouver notre indépendance sanitaire, nous y sommes évidemment favorables : c’est nécessaire et indispensable, d’autant plus dans l’actuel contexte international.

Mais commençons par ne pas perdre le peu d’indépendance qui nous reste ! Je pense à ce fabricant de poches de perfusion, mais aussi à l’Établissement français du sang, qui est en difficulté et mérite toute l’attention du Gouvernement. Des hôpitaux ont une dette à son égard, monsieur le ministre, comme l’a confirmé une audition organisée ce matin même par la commission des affaires sociales ! Je ne veux pas que notre système de santé soit sacrifié sur l’autel de Bercy. (M. le ministre le conteste.)

Ne hochez pas la tête, monsieur le ministre, c’est la réalité : cela nous a été confirmé ce matin même au cours d’une audition organisée par la commission des affaires sociales !

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de lartisanat et du tourisme. Et c’est Casimir qui a fait la T2A ?

Mme Corinne Imbert. Les pénuries sont insupportables et toute perte de notre indépendance sanitaire serait inacceptable. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur des travées des groupes UC, SER et CRCE. – MM. Daniel Chasseing et Daniel Salmon applaudissent également.)

Mme Laurence Cohen. Commission d’enquête !

reste à charge du compte personnel de formation (ii)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Corinne Féret. Pour répondre aux difficultés qu’il a lui-même créées, le Gouvernement vient, par voie d’amendement au projet de loi de finances pour 2023, d’instaurer un reste à charge pour les salariés qui mobilisent leur compte personnel de formation (CPF).

Sur le fond, tout d’abord, les Français qui utiliseront leur CPF pour financer une action de formation, un accompagnement vers la validation des acquis de l’expérience (VAE) ou un bilan de compétences se verront désormais appliquer une franchise. Seules deux possibilités d’exonération du ticket modérateur sont prévues.

En somme, on est très – très – loin de ce que le Gouvernement nous survendait en 2018 avec la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, lorsqu’il prétendait vouloir « libérer les salariés et leur offrir plus de droits ». Il faut le dire : c’en est fini du CPF, dispositif construit par les partenaires sociaux en vue de permettre aux salariés de construire leur parcours professionnel.

Votre mesure est totalement injuste ; elle éloignera encore davantage de la formation les salariés aux petites rémunérations, qui, souvent, sont déjà ceux qui y ont déjà le moins accès. Les mêmes que vous voulez faire travailler jusqu’à 65 ans, vous voulez les faire payer pour se former, c’est-à-dire pour rester dans l’emploi !

Quant à la forme, ensuite, on ne décide pas comme ça, un week-end, en pleine nuit, de remettre en question la formation professionnelle, et ce à coups de 49.3, sans avoir échangé avec les partenaires sociaux !

Alors que ces derniers vous ont remis très récemment des propositions concrètes, madame la ministre, vous engagez-vous à les écouter enfin et à mettre en œuvre des mesures justes de régulation du CPF permettant de concilier équilibre financier et développement des compétences ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE – Mme Valérie Létard applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de linsertion et du ministre de léducation nationale et de la jeunesse, chargée de lenseignement et de la formation professionnels. Madame la sénatrice, de quoi s’agit-il ? Il s’agit de revenir à l’esprit du compte personnel de formation (M. Hussein Bourgi et Mme Monique Lubin sexclament.), en commençant par impliquer davantage les bénéficiaires du CPF dans leurs choix de formation, pour en faire un acte réfléchi, lié à un projet professionnel.

Cette disposition s’intègre dans une logique globale. Je le disais tout à l’heure, elle est défendue par le Gouvernement depuis plusieurs mois et vise à corriger des dérives et des fraudes relatives au système de formation professionnelle. Des dispositions dont le Parlement a déjà eu à connaître et à débattre ont d’ailleurs été adoptées.

Nous nous sommes notamment inspirés, madame la sénatrice, des propositions faites dans votre propre rapport sur la soutenabilité financière de France compétences, corédigé avec vos collègues Frédérique Puissat et Martin Lévrier, où vous recommandiez la mise en place d’un reste à charge pour l’utilisateur du compte personnel de formation.

Pour ces raisons, le Gouvernement a déposé, au début du mois de novembre, en première lecture à l’Assemblée nationale, un amendement visant à mettre en place un mécanisme de régulation du compte personnel de formation dans l’attente de la fin des négociations avec les partenaires sociaux. Le Sénat a modifié ce texte pour poser directement le principe d’un reste à charge. En seconde lecture, le Gouvernement a souhaité proposer un amendement d’équilibre posant le principe d’une participation du titulaire, mais aussi des cas d’exonération pour les demandeurs d’emploi et en cas d’abondement par l’employeur.

C’est sur cette base que les concertations vont désormais s’engager avec les partenaires sociaux, avec les parlementaires et avec les acteurs de la formation, afin de s’assurer que la participation de la personne ne constitue pas une barrière à la mobilisation des droits.

Mme Monique Lubin. Drôle de concertation !

M. Fabien Gay. On devra payer pour ses droits !

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour la réplique.

Mme Corinne Féret. Madame la ministre, sans vouloir être désagréable, je sais très bien ce qu’il y a dans notre rapport sénatorial. Vous ne sauriez déformer ainsi nos écrits !

Mmes Cathy Apourceau-Poly et Michelle Meunier. Exactement !

Mme Corinne Féret. Non, nous n’avons décidément pas les mêmes valeurs. Pour moi, le dialogue social, c’est la concertation, c’est l’écoute, c’est l’échange, c’est la recherche de solutions avec les partenaires sociaux ! Une fois de plus, vous avez fait les choses sans eux, alors qu’ils ne sont pas opposés à des mesures permettant d’améliorer le système actuel.

Où est la justice sociale dans ce que vous imposez ? Nulle part ! Vous ne voulez rien coconstruire : vous voulez obliger les salariés à tirer un trait sur leurs droits sociaux et à payer pour se former. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

situation en iran (ii)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Raimond-Pavero, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Isabelle Raimond-Pavero. Madame la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, depuis la mort de Mahsa Amini aux mains de la police des mœurs au motif qu’elle ne portait pas correctement son voile, le vent de révolte qui souffle sur l’Iran ne faiblit pas. Malgré la férocité de la répression, le cri « Femme, Vie, Liberté ! » résonne toujours plus fort dans les rues du pays.

À ces trois mots qui incarnent tout ce que la charia tente d’étouffer depuis quarante ans, le régime des mollahs réagit de la seule façon qu’il connaît : par la brutalité et la terreur. La reprise des pendaisons publiques vient rappeler au monde à quelle barbarie est prêt le pouvoir iranien pour se maintenir en place.

Les témoignages poignants recueillis au Sénat lors d’une conférence organisée en soutien au peuple iranien ont montré à quel point la violence faisait partie de la nature profonde de ce régime.

Malgré tout, ils sont toujours aussi nombreux, femmes et hommes, à continuer de braver la peur, à se lever pour briser les carcans imposés par la révolution islamique, à se battre pour des valeurs qui sont aussi les nôtres, et dont nous nous prétendons régulièrement les défenseurs.

La France, comme l’Europe, reste à cet égard dans une forme de retrait de moins en moins compréhensible. Aux condamnations de principe et aux messages de solidarité envers le peuple iranien n’ont ainsi succédé que des sanctions d’une surprenante faiblesse.

Madame la ministre, concrètement, quelles initiatives le Gouvernement entend-il prendre pour apporter un soutien au soulèvement populaire iranien et pour accentuer la pression internationale sur les dignitaires du régime ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDPI. – M. Patrick Kanner et Mme Cécile Cukierman applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Mme Catherine Colonna, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Madame la sénatrice Raimond-Pavero, oui, le mouvement de protestation se poursuit en Iran. La répression violente se poursuit également : 500 morts, dont des dizaines d’enfants.

On a vu aussi avec horreur survenir les premières exécutions. Ce lundi, les ministres des affaires étrangères des vingt-sept pays de l’Union européenne en ont demandé l’arrêt immédiat : l’exécution de manifestants ne peut tenir lieu de réponse aux aspirations de la jeunesse, c’est une évidence.

Mme la Première ministre l’a rappelé, la France continue d’agir de manière résolue. Il n’y a aucun retrait ni recul, madame la sénatrice. Lundi, un nouveau train de sanctions européennes a été adopté, qui cible notamment la police des mœurs impliquée dans la répression des manifestations et la radiotélévision iranienne. Il ne saurait y avoir d’impunité pour les responsables de violations des droits fondamentaux, et, vous le savez, c’est la quatrième fois que les Européens, cet automne, adoptent des sanctions contre l’Iran – et ils continueront, si nécessaire.

Les Européens ont aussi adopté, lundi, de nouvelles conclusions du Conseil, très complètes, sur l’Iran, qui constituent un cadre d’action d’une grande fermeté face à la politique qui est actuellement menée par la République islamique d’Iran. Ce cadre, nous l’utiliserons pleinement, comme Mme la Première ministre vous l’a indiqué.

Par ailleurs – je l’ai dit en audition, la semaine dernière, devant la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, et je vous le confirme –, la France votera en faveur du projet de texte portant exclusion de l’Iran de la Commission de la condition de la femme des Nations unies,…

Mme Catherine Colonna, ministre. … les droits de la femme, comme chacun le sait, faisant partie des droits de l’homme. J’ajoute que ce texte devrait être adopté aujourd’hui même.

M. Didier Marie. Il faut rappeler notre ambassadeur !

Mme Catherine Colonna, ministre. Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, nous continuons d’agir en soutenant résolument cette pulsion de vie qui se manifeste en Iran. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Raimond-Pavero, pour la réplique.

Mme Isabelle Raimond-Pavero. Madame la ministre, l’Iran est à un tournant de son histoire ; la France, l’Europe, la communauté internationale doivent se mobiliser. Il est temps qu’elles se montrent à la hauteur du courage des manifestants iraniens. Notre pays, fidèle à son histoire et à ses valeurs, doit être à l’avant-garde ; c’est ce que nous ont demandé, au Sénat, les résistants iraniens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – MM. Daniel Chasseing et Patrick Kanner applaudissent également.)

remise en cause des festivals d’été par les jeux olympiques

M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Laurent Lafon. Monsieur le ministre de l’intérieur, voilà quelques semaines, vous annonciez ici même, au Sénat, que des festivals devront être annulés durant l’été 2024 à cause des jeux Olympiques.

Cette annonce a provoqué de nombreuses réactions d’incompréhension.

La semaine dernière, avec une trentaine de sénateurs et sénatrices membres de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, nous avons publié, dans le journal Le Monde, une tribune pour dire que les JO ne peuvent se faire au détriment des nombreuses manifestations sportives, culturelles, festives, qui ont lieu traditionnellement partout en France tout au long de l’été.

Dans une interview publiée aujourd’hui dans le journal Le Parisien, Mme la ministre de la culture a précisé que des solutions avaient été trouvées avec tous les grands festivals, en tout cas ceux qui recourent aux unités de force mobile. Tant mieux !

Néanmoins, de nombreuses questions demeurent.

Quid des grands événements festifs qui se déroulent chaque année durant l’été dans certaines régions françaises ? Je pense en particulier au Sud-Ouest et à des fêtes comme celles de Bayonne ou de Dax.

M. Max Brisson. Très bien !

M. Laurent Lafon. Quid de la surveillance des plages assurée jusqu’à présent par des CRS ?

Quid des nombreux événements dont les organisateurs ont besoin de recourir à des sociétés privées de sécurité ? On le sait, l’organisation des JO va massivement faire appel à de telles sociétés : plus de 15 000 emplois doivent être créés pour répondre aux seuls besoins des jeux Olympiques. Ces sociétés pourront-elles couvrir à la fois les besoins des JO et ceux des événements qui doivent se déroulent en province ? Dans ces conditions, monsieur le ministre, pourquoi ne pas compléter le dispositif en recourant à l’armée ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur et des outre-mer. Monsieur le président Lafon, les jeux Olympiques à Paris, c’est une fois par siècle ; et les jeux Olympiques à Paris avec une cérémonie d’ouverture organisée en dehors d’un stade, c’est une fois tous les 3 000 ans, parce que personne ne l’a jamais fait ! La réussite des jeux Olympiques et des jeux Paralympiques de Paris, qui auront lieu durant l’été 2024, est d’intérêt général, et je sais que vous y êtes particulièrement sensible.

Je rappelle d’ailleurs que l’année 2024 marquera aussi le 80e anniversaire du débarquement de Normandie, ce qui veut dire qu’au mois de juin également les forces de sécurité intérieure seront intensément mobilisées, pour protéger notamment les chefs d’État qui assisteront à ce grand événement.

Avec la ministre de la culture et la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques, nous avons proposé non pas l’annulation des événements, mais leur décalage dans le temps. Nous avons été en partie entendus : ainsi le Tour de France n’arrivera-t-il pas, en 2024, à Paris le 28 juillet, mais à Nice le 21 juillet. Voilà une mesure qui nous paraît conforme à l’intérêt général et propice à ce que puisse être organisé malgré tout un Tour de France en 2024. Je pourrais aussi citer le festival des Vieilles Charrues, qui se déroulera du 11 au 14 juillet et non du 18 au 21 juillet, ou celui d’Avignon – Mme la ministre de la culture a eu l’occasion d’évoquer ces décalages de dates.

Vous voyez que, dans notre pays, il est possible de discuter, en concertation avec tous les acteurs du monde sportif et culturel, et du monde festif en général, pour que pareils événements se tiennent, mais dans des conditions telles qu’elles exigent – chacun doit le comprendre – que 45 000 policiers et gendarmes soient mobilisés pour les jeux Olympiques de Paris, depuis leur cérémonie d’ouverture jusqu’à leur cérémonie de clôture.

M. David Assouline. Et l’armée ?

M. Gérald Darmanin, ministre. En ce qui concerne l’armée, elle est déjà très largement mobilisée. Si, par exemple, l’armée n’était pas chargée de sécuriser le site d’où partiront les bateaux sur la Seine, ce sont trente unités de force mobile qu’il nous faudrait utiliser. L’armée sera aussi chargée, sous l’autorité de la Première ministre, de la surveillance aérienne, qu’il s’agisse de la lutte anti-drones ou de la lutte contre le survol de nos événements par des avions.

Mais l’armée n’est pas faite pour le maintien de l’ordre ! Voilà plus d’un siècle que nous avons spécialisé un certain nombre de policiers et de gendarmes dans l’exercice de ces missions ; ce n’est pas pour les confier à la va-vite à des militaires.

M. le président. Il faut conclure !

M. Gérald Darmanin, ministre. Quant au recours aux services de sécurité privée, nous aurons l’occasion d’en reparler. Je précise seulement que nous avons procédé, avec le ministre du travail, à un certain nombre de démarches dont l’issue très positive nous permet d’aborder avec confiance la perspective d’un déploiement de ces services partout sur le territoire national. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour la réplique.

M. Laurent Lafon. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour ces éléments de réponse.

Nous n’avons pas bien compris la façon dont la question des festivals avait été abordée jusqu’à présent : vous faites une annonce, et quelques semaines plus tard on nous dit qu’en définitive des solutions ont été trouvées. Dont acte, et tant mieux !

Mais, pour éviter que ces difficultés ne se reproduisent, nous souhaiterions notamment qu’au niveau des territoires et avec les élus locaux vous fassiez un inventaire précis des manifestations prévues et nous donniez un aperçu des solutions concrètes qui pourront être trouvées dans un contexte – on le sait, vous l’avez rappelé – qui sera exceptionnel, compte tenu de l’organisation d’une manifestation aussi importante que les jeux Olympiques.

En la matière, le dialogue avec les élus locaux nous semble essentiel. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Christian Cambon. Très bien !

dispositif maprimerénov’

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Béatrice Gosselin. « Avec MaPrimeRénov’, c’est mieux chez moi, mieux pour ma planète », dit le slogan de présentation de cette aide au financement des travaux de rénovation énergétique calculée en fonction des revenus et du gain écologique issu des travaux. Il s’agit principalement de travaux d’isolation et de chauffage, qui doivent être effectués par des entreprises labellisées RGE (reconnu garant de l’environnement).

Lorsque votre logement est mal isolé ou équipé d’un mode de chauffage dont le coût augmente de façon exponentielle, vous êtes évidemment intéressé par ce dispositif.

Cliquez sur le site : vous y lirez que cette aide est accessible à tous, propriétaires, copropriétaires, occupants ou bailleurs, qu’elle s’adapte à la situation de chacun et favorise des rénovations ambitieuses.

Cela paraît simple et attractif.

Si, dans de nombreux cas, les démarches aboutissent et les primes sont versées dans un délai raisonnable, certains dossiers connaissent des difficultés importantes et les aides arrivent tardivement, jusqu’à dix mois après la fin des travaux.

Numéro national en 08 injoignable, difficultés pour accéder à l’interface, dossier d’abord accepté, puis refusé (M. François Bonhomme sexclame.) : si l’usager a quinze jours au maximum pour compléter ou corriger un dossier, il peut rester des semaines sans réponse de la part du service MaPrimeRénov’ !

Ainsi, de nombreuses personnes se retrouvent en difficulté financière quand les travaux sont à payer et que l’aide notifiée par l’État se fait attendre.

C’est aussi le cas d’artisans RGE qui remplissent les dossiers pour leurs clients et qui attendent longtemps les paiements des primes, ce qui fragilise ainsi leur trésorerie. Même les référents en préfecture ont des difficultés à avoir des retours des dossiers en souffrance !

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour améliorer ce dispositif et ne pas mettre particuliers et entreprises en difficulté ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.

M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Madame la sénatrice Gosselin, vous avez raison : il existe effectivement un certain nombre de dysfonctionnements, mais ils ne doivent pas masquer les 1,5 million de chantiers réalisés dans le cadre de MaPrimeRénov’, dont 80 % par des ménages modestes. Quand on interroge ces ménages, 66 % d’entre eux n’auraient pas effectué ces travaux sans MaPrimeRénov’.

Oui, nous sommes confrontés à des difficultés. Un certain nombre d’irrégularités, voire de fraudes, ont été constatées. Cela a obligé le Gouvernement à se montrer très attentif et à prendre le temps de réaliser des évaluations. Je puis vous assurer, madame la sénatrice, que tous les services de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) sont extrêmement mobilisés pour régler ces difficultés. Ils ont notamment pris des contacts individuels avec les familles dont les dossiers avancent trop lentement.

J’avais rendez-vous avant-hier avec la Défenseure des droits et nous avons évoqué ensemble un certain nombre de cas dont elle avait eu connaissance. Nous travaillons d’arrache-pied pour régler ces problèmes. C’est tout le sens de ce grand service public qu’est France Rénov’ que nous allons encore faire progresser et améliorer.

Oui, de nombreux travaux ont déjà été réalisés, mais il faut aller plus loin en termes de performance. Nous devons engager des travaux globaux, notamment dans les copropriétés et l’habitat collectif. Car, vous avez raison, il s’agit bien, comme c’est indiqué sur le site, du chantier du siècle. Je puis vous garantir, madame la sénatrice, que le Gouvernement, mon ministère et la Première ministre sont déterminés à avancer sur ce dossier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin, pour la réplique.

Mme Béatrice Gosselin. J’entends bien vos remarques, monsieur le ministre, mais certaines entreprises rencontrent des difficultés de trésorerie : 15 000 euros ou 20 000 euros c’est beaucoup pour de petites entreprises !

L’Anah devrait être intégrée dans le bouquet France Services, ce qui permettrait aux usagers d’obtenir une réponse rapide et efficace. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

objectif « zéro artificialisation nette » et soutien aux petites communes

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Jacques Lozach. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Elle porte sur la mise en œuvre de l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) à l’horizon 2050 et sur la réduction de moitié, d’ici à 2030, du rythme de consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers.

Si nous ne contestons pas les objectifs de sobriété foncière et de préservation environnementale de cette réforme structurante pour nos territoires, des points de crispation demeurent, portant à la fois sur la méthode employée, largement descendante, sur le fond des dispositifs.

Cette première étape du ZAN s’est opérée dans la plus grande confusion, engendrant incompréhension et inquiétude chez beaucoup d’élus.

Le Sénat s’est de nouveau saisi de cette problématique en lançant une mission conjointe de contrôle. La proposition de loi issue de ses travaux doit permettre une évolution rapide du cadre juridique du ZAN et de tendre vers davantage de discernement, de pragmatisme et de bon sens.

Nous attendons ainsi du Gouvernement des engagements clairs.

Nous attendons tout d’abord des engagements clairs en termes de temporalité, avec la révision du calendrier des modifications des documents de planification.

Nous attendons ensuite des engagements clairs sur la gouvernance : une grande partie des élus demeurent écartés des négociations, ce qui est inadmissible. Je rappelle que de nombreux départements restent totalement ou partiellement dépourvus de schémas de cohérence territoriale (Scot), d’où l’absence d’élus siégeant à la conférence des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet). Il faut renforcer la concertation entre région, Scot et bloc communal, en dotant le ZAN d’une gouvernance plurielle, partagée et décentralisée.

Nous attendons enfin des engagements clairs en matière de différentiation, en garantissant la prise en compte des particularités du monde rural et des spécificités territoriales : efforts passés, projet de développement local, spécificités des zones littorales et de montagne. Pour préserver le droit à construire des communes rurales, ne faut-il pas laisser à la libre appréciation de leurs élus une surface minimale garantie par le Scot ? (Mme Sophie Primas proteste.)

Enfin, la logique du ZAN étant celle d’une densification de l’habitat, que pensez-vous de l’opportunité de lancer un programme national et complémentaire de réhabilitation du bâti ancien en centres-bourgs ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Alain Richard applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Lozach, entre la première question au Gouvernement à laquelle j’ai eu l’honneur de répondre dans cet hémicycle sur le ZAN au mois de juillet et aujourd’hui, j’en suis à presque une trentaine d’heures d’échanges avec la chambre haute sur le sujet !

Mme Laurence Rossignol. C’est comme nous avec les maires !

M. Marc-Philippe Daubresse. C’est que le travail était bâclé !

M. Christophe Béchu, ministre. Ma dernière intervention remonte à l’invitation de Valérie Létard juste avant la présentation aujourd’hui de la proposition de loi. J’ai eu l’occasion de rencontrer plusieurs groupes, nous avons même échangé ensemble sur le sujet il y a peu de temps.

J’ai aussi rencontré les associations d’élus et j’attends dans les minutes qui viennent d’apercevoir la fumée blanche du texte que le Sénat va proposer pour amender le dispositif, dans l’esprit d’ouverture dont a fait preuve le Gouvernement depuis le début du mois d’août en suspendant la mise en œuvre des décrets de la fin du mois d’avril.

Je vous rappelle les étapes programmées. Pour ce qui relève du pouvoir réglementaire, la réécriture des décrets est prévue pour le début de l’année prochaine. Nous avons fait travailler les agents de l’urbanisme et les associations de maires pour déterminer la granularité et la manière d’écrire ce qui relève des espaces naturels et agricoles.

La Première ministre a eu des mots extrêmement clairs en clôture du salon des maires, à la fois sur les grands projets d’envergure nationale et sur la garantie rurale. Ce qui nous importe, c’est d’abord de rappeler la nécessité de la sobriété foncière. Je pense que nous en sommes tous convaincus : nous ne pouvons pas continuer à un rythme d’artificialisation qui bouche nos nappes phréatiques, qui crée des îlots de chaleur et qui nous empêche de préserver des espaces agricoles dont nous avons besoin, y compris pour notre souveraineté alimentaire.

Dans le même temps, il nous faut mieux associer les élus. Dans la façon dont le texte a été rédigé, dans les mises en œuvre qui sont envisagées, ce projet suscite aujourd’hui des inquiétudes. Certaines sont fondées, d’autres ne le sont pas. J’en veux pour preuve que des milliers de communes sont déjà en situation de zéro artificialisation nette sans le savoir, qu’elles soient en zone inondable, qu’elles soient cernées par des appellations d’origine contrôlée (AOC) ou qu’elles soient couvertes par le règlement national d’urbanisme (RNU).

M. le président. Il va falloir conclure !

M. Christophe Béchu, ministre. Je me réjouis que nous débattions très bientôt non plus du principe, mais des modalités ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe RDPI.)

moyens humains de la sncf

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour le groupe Les Républicains. (Ah ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Marc Laménie. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé des transports. Elle concerne le volet ferroviaire et l’ensemble des personnels.

Le 14 novembre dernier, vers dix-neuf heures, dans les Ardennes, à Donchery, commune d’un peu plus de 2 000 habitants située sur la ligne SNCF Charleville-Mézières-Sedan, un père de famille et sa fille ont été tués, happés par un train de marchandises en descendant d’un TER.

Ce drame, qui a suscité beaucoup d’émotion dans ce bourg-centre et dans les Ardennes, met en évidence les problèmes de sécurité. Cette gare, située sur l’axe Calais-Bâle à double voie électrifiée, n’est pas équipée de passages souterrains – alors qu’il s’agit d’une demande formulée de longue date par le maire et ses collègues – ni de passages supérieurs. Seuls des pictogrammes indiquent la présence d’un train croiseur pour les voyageurs. Je souligne que cette gare est aussi utilisée par des travailleurs en établissement et service d’aide par le travail (Esat).

Sur l’ensemble du réseau national, plus de 900 traversées de voies pour piétons existent. Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous pour la sécurité des usagers ? Comptez-vous surtout renforcer les moyens humains ? La présence de personnels dans les gares TER est indispensable. Le jour de l’accident, il n’y avait malheureusement pas de contrôleurs ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE. – M. Patrick Kanner et Mme Françoise Férat applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Monsieur le sénateur Laménie, je veux tout d’abord m’associer à l’émotion que vous avez relayée dans l’hémicycle après le drame survenu à Donchery il y a quelques jours, qui a coûté la mort à deux personnes.

Le bureau d’enquêtes et d’analyses chargé des transports terrestres a ouvert une investigation, à ma demande. Nous communiquerons l’ensemble des éléments sur les causes et conditions de ce drame le plus rapidement possible, après les examens nécessaires.

Un certain nombre de mesures doivent être prises au sein de la SNCF, notamment dans les petites gares ou les haltes, comme c’était le cas en l’espèce à Donchery. J’ai demandé au président de la SNCF et au PDG de SNCF Voyageurs de prévoir un ensemble d’actions renforcées au-delà des actions déjà engagées depuis maintenant trois ans en matière de signalisation, d’information en gare, de formation des conducteurs sur les points de danger particuliers, notamment en termes de visibilité.

Je suis disposé à examiner le dossier de Donchery avec vous, monsieur le sénateur, mais quelques centaines de lieux en France sont malheureusement aujourd’hui concernés par des difficultés similaires. Nous avons engagé un travail avec Élisabeth Borne, lorsqu’elle était ministre chargée des transports, pour aménager un certain nombre de passages à niveau, mais nous devons aussi accorder une importance particulière, notamment dans les haltes ferroviaires, à des aménagements ainsi qu’au renforcement des actions de formation et d’information. Je suis prêt à y travailler avec le Sénat et avec vous, monsieur le sénateur, car je connais votre engagement, au-delà de ce drame, sur la question ferroviaire. Je me tiens donc à votre disposition.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour la réplique.

M. Marc Laménie. Je vous remercie de ces informations, monsieur le ministre. Il est réellement important de faire preuve de solidarité. Les moyens humains sont le cheval de bataille de beaucoup de mes collègues, sur toutes les travées. S’il y avait eu un contrôleur dans le train, ce drame aurait été évité. J’ai en mémoire deux accidents auxquels nous avons échappé grâce à la présence de personnels : un train qui a déraillé à cause d’un convoi exceptionnel et un TER qui a heurté aussi il y a quelques années un convoi exceptionnel. C’est un combat collectif. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)

difficultés de mise en œuvre des zones à faibles émissions mobilité

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Henno. Les zones à faibles émissions (ZFE) sont une idée européenne séduisante, mais dont l’application est particulièrement complexe. J’y vois une incohérence environnementale, une injustice sociale, une fracture territoriale, voire générationnelle, et un choix industriel incertain.

J’y vois une incohérence environnementale tout d’abord, car il me paraît excessif de faire peser sur le seul citoyen automobiliste la responsabilité du réchauffement climatique ou des émissions de particules dans les villes. Il ne faudra pas longtemps avant que l’on ne dise que le responsable du réchauffement climatique, c’est la mobylette de l’ouvrier !

J’y vois ensuite une injustice sociale, car ce sont les plus modestes qui sont impactés. Il suffit d’aller dans les quartiers pour constater que les véhicules ont des vignettes 4 et 5 !

J’y vois également une fracture territoriale, voire générationnelle, car ce sont les habitants des campagnes, ceux de la ruralité et du périurbain, qui sont concernés. Ainsi, un couple de retraités qui a depuis plusieurs années une Clio diesel ne peut plus aller voir ses enfants en ville.

J’y vois enfin un choix industriel incertain, car l’industrie automobile européenne n’est pas prête à une mutation aussi rapide vers les véhicules électriques : 30 % de cette industrie est en danger.

Quelle est votre vision des ZFE, de leur application et de leurs conséquences ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Sébastien Meurant applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Monsieur le sénateur Henno, permettez-moi de revenir d’un mot sur l’objectif des zones à faibles émissions.

Elles ne sont pas en soi une volonté d’empêcher toute une partie de notre population d’accéder aux centres urbains. Ces zones sont nées d’une nécessité constatée et votée par le Parlement il y a quelques années dans deux textes législatifs : la loi d’orientation des mobilités et la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

Ces deux textes visent à mettre en place progressivement – j’insiste sur ce point – dans quarante-trois métropoles françaises de plus de 150 000 habitants des zones en laissant aux collectivités locales concernées une très grande flexibilité. C’est un outil entre les mains des collectivités locales, qui doit être adapté à la réalité de chacune des métropoles et des agglomérations.

Le calendrier de mise en place de ces zones n’est pas prédéfini, sauf pour les métropoles dépassant les normes de qualité de l’air. Il s’agit précisément de réduire les effets de ces émissions sur la qualité de l’air afin d’éviter les plus de 45 000 morts dus chaque année à cette pollution.

La flexibilité s’étend aussi aux modalités de circulation décidées par chacune des collectivités, avec une différenciation importante qui sera précisée et définie par les métropoles.

L’État jouera un rôle d’accompagnement pour parer aux risques que vous identifiez à juste titre, monsieur le sénateur, qu’ils soient sociaux, générationnels ou territoriaux. C’est la raison pour laquelle nous avons déployé progressivement en lien avec les métropoles des aides pour que la mise en place des ZFE s’opère le mieux possible : aides à l’acquisition de véhicules, bonus écologique, prime à la conversion.

Nous avons décidé dans le projet de loi de finances pour 2023 soumis au Sénat et à l’Assemblée nationale de porter à 7 000 euros le bonus pour les ménages les plus modestes. Nous avons aussi décidé – c’était une idée de plusieurs sénatrices et sénateurs – d’expérimenter un prêt à taux zéro dans les zones à faibles émissions de deux métropoles. Nous sommes prêts à étendre cette mesure dans les prochains mois, selon des modalités que nous examinerons ensemble.

Nous devrons bien évidemment renforcer nos accompagnements et travailler avec les métropoles, mais le dispositif est flexible et il est entre les mains de ces collectivités. C’est à elles qu’il revient de décider du calendrier le plus adapté possible. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour la réplique.

M. Olivier Henno. Monsieur le ministre, je ne doute pas de votre bonne foi ni de votre bonne volonté. Permettez-moi néanmoins quelques observations. Il ne faudra pas longtemps avant que les ZFE ne deviennent des « zones à forte exclusion ». (Exclamations sur les travées du groupe RDPI.) Il y a dans cette écologie culpabilisante une obsession de la communication et un mépris social plutôt qu’un souci du bien public. C’est quand même la France des « clopes » et du diesel que l’on regarde encore de haut. (Mêmes mouvements. – M. Frédéric Marchand sagace.) Il y a dans tout cela un germe de « gilets jaunes » ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 11 janvier 2023, à quinze heures.

3

Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire

M. le président. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer la présence dans la tribune d’honneur d’une délégation de six parlementaires de la Chambre des Conseillers du Royaume du Maroc, présidée par le docteur Mohammed Zidouh, président du groupe d’amitié Maroc-France à la Chambre des Conseillers. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

Notre collègue Christian Cambon, président du groupe d’amitié France-Maroc, est présent à leurs côtés.

Lors de l’entretien que nous avons eu un peu plus tôt aujourd’hui, nous avons évoqué les principales étapes de leur séjour à Paris et en Normandie, qui leur permettront de s’entretenir avec M. le ministre Olivier Becht, à la veille d’un déplacement au Maroc de Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Ils devraient également découvrir les travaux de recherche et développement menés par EDF en matière de nucléaire et d’énergies renouvelables, et enfin visiter les chantiers navals à Cherbourg.

Cet accueil témoigne de la relation privilégiée qui nous lie au Royaume du Maroc, et de notre attachement profond à une amitié ancienne, qui, dans sa dimension parlementaire, s’exprime avec une force particulière. Même lorsque quelques tensions ont pu apparaître dans la relation bilatérale, nous avons su garder intacte cette capacité d’écoute et de dialogue qui est la marque des amitiés sincères. Le jumelage en cours entre nos assemblées et le dynamisme des relations entre nos groupes d’amitié respectifs en sont la parfaite illustration.

Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, chers collègues, permettez-moi de souhaiter à nos amis membres de la Chambre des Conseillers du Maroc la plus cordiale bienvenue au Sénat de la République française. (Applaudissements.)

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)

PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Communication d’un avis sur un projet de nomination

Mme la présidente. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi ordinaire n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis défavorable – dix voix pour, seize voix contre – sur la nomination de M. Boris Ravignon à la présidence du conseil d’administration de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).

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Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur
Discussion générale (suite)

Orientation et programmation du ministère de l’intérieur

Adoption définitive des conclusions d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (texte de la commission n° 164 rectifié, rapport n° 163).

La parole est à M. le rapporteur.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur
Article 1er

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ne boudons pas notre plaisir : le projet de loi dont nous discutons de manière ultime, que vous avez longuement préparé et mûri à la suite du Beauvau de la sécurité, monsieur le ministre, et qui a été fortement enrichi par notre débat lors de son premier passage au Sénat, est un bon texte. Il a réuni une très large majorité dans les deux chambres du Parlement en faveur de la forte augmentation des moyens engagés pour nos forces de sécurité intérieure.

L’Assemblée nationale, lors de l’examen de ce texte, a retenu une grande partie de nos apports et les a prolongés. C’est donc logiquement que nous sommes parvenus à un accord en commission mixte paritaire.

Je veux saluer l’esprit qui a prévalu lors de nos échanges, avec mon collègue Loïc Hervé, bien sûr, mais aussi avec notre homologue de l’Assemblée nationale, Florent Boudié. Cet état d’esprit a permis d’aboutir à une solution qui préserve pour l’essentiel les dispositions que nous avions adoptées au Sénat. La commission mixte paritaire a ainsi entériné la plupart des modifications proposées, dans le rapport annexé, par les deux chambres.

Il me revient de vous présenter les grandes lignes du texte. Cette présentation sera complétée par mon collègue Loïc Hervé.

Avec ce texte, le ministère de l’intérieur bénéficiera de 15,3 milliards d’euros supplémentaires pour les cinq années à venir, ce qui lui permettra de donner à nos forces de sécurité les moyens d’assurer leurs missions. La première traduction de ces moyens renforcés figure dans le projet de loi de finances pour 2023.

Je ne reviendrai pas sur les trois objectifs principaux du texte, qui ont longuement été explicités par le ministre. Au Sénat, nous nous étions attachés à garantir à nos concitoyens l’accessibilité des démarches et le bon accueil par les forces de sécurité. Nous avions également prêté une attention particulière aux modalités de répartition et d’installation des 200 nouvelles brigades de gendarmerie et aux concertations indispensables que vous avez entamées, monsieur le ministre, avec les élus locaux. J’y étais, donc j’en témoigne !

L’ensemble de ces points ont été repris par l’Assemblée nationale, qui a prolongé nos apports, notamment pour renforcer la lutte contre la cybercriminalité. Nous avons donc, en commission mixte paritaire, décidé de reprendre largement le texte tel qu’il a été adopté par les députés, sous réserve de quelques modifications.

L’une de ces modifications essentielles concernait – vous le savez, mes chers collègues – les garanties permettant de préserver le rôle de la police judiciaire dans le cadre de la réforme de l’organisation de la police nationale. J’ai donc présenté un amendement visant à reprendre ces garanties que nous voulions voir inscrites dans le rapport d’orientation, comme nous en étions convenus avec le ministre lors de la première lecture.

Nous avons choisi de réinscrire ces garanties dans un amendement qui a été approuvé, pour l’essentiel, par la commission mixte paritaire, chaque mot ayant été pesé au trébuchet pour obtenir l’adhésion de tous.

Ainsi, nous avons écrit dans le rapport annexé que, dans le cadre de cette réforme, les magistrats conserveront le libre choix du service enquêteur, et que ce service devra rester sous l’autorité des procureurs et des juges lors des enquêtes. Nous avons également prévu que les affaires sensibles continuent d’être traitées par la police judiciaire (PJ). Enfin, du fait du développement exponentiel de la délinquance organisée, qui dépasse les frontières départementales, il nous a semblé utile de prévoir des structures zonales sans changer l’actuelle cartographie territoriale.

S’agissant des articles du projet de loi visant à adapter les prérogatives dont disposent les forces de sécurité intérieure dans la lutte contre les cybermenaces, l’Assemblée nationale a prolongé nos apports, et a en particulier insisté sur le bon traitement des infractions commises à l’encontre d’un système de traitement automatisé des données.

Nous avions eu ici un débat important sur l’encadrement des cyber assurances, à l’article 6, qui vise à conditionner le remboursement des pertes et dommages. Nous nous sommes accordés sur un délai de soixante-douze heures suivant la connaissance par la victime de l’atteinte dont elle a fait l’objet. La commission mixte paritaire a prévu un délai de trois mois pour l’entrée en vigueur de cette nouvelle obligation, le temps pour les assurés d’en prendre connaissance.

Nous avons voulu modifier aussi certains des articles additionnels qui avaient été intégrés par l’Assemblée nationale. Nous avons finalement conservé les droits nouveaux d’assistance des victimes par un avocat, mais nous sommes en revanche revenus sur les articles 6 bis, 6 bis B et 6 bis C, qui reprenaient des dispositions superfétatoires.

Nous avons également conservé la demande d’un rapport portant sur la protection des collectivités territoriales et des entreprises, et sur la vulnérabilité de celles-ci aux intrusions numériques. Nous sommes, en contrepartie, tombés d’accord pour supprimer la plupart des autres demandes de rapports, conformément à la jurisprudence traditionnelle du Sénat.

Concernant l’amendement que j’avais présenté, relatif à l’amélioration de la réponse pénale pour les violences faites aux élus, les refus d’obtempérer et les rodéos urbains, l’Assemblée nationale a tout à fait suivi notre point de vue et l’a même enrichi avec des peines complémentaires permettant de rendre ces sanctions plus efficaces. Je m’en réjouis.

La rédaction commune du texte que nous vous proposons d’adopter aujourd’hui me semble équilibrée, efficace et à la hauteur des enjeux auxquels doivent faire face police, gendarmerie et sécurité intérieure. Nous attendons donc avec sérénité un vote positif, qui permettra de répondre à ces nouveaux enjeux de sécurité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Alain Richard applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur et des outre-mer. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, ainsi s’achève le long chemin emprunté par le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi). Je remercie très sincèrement l’ensemble des sénateurs qui ont contribué à l’élaboration de ce texte.

Vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, ce texte a été coconstruit avec les deux chambres du Parlement. Je voudrais saluer votre travail, ainsi que celui de Loïc Hervé. Le lien que vous avez établi avec les rapporteurs de l’Assemblée nationale, en particulier avec Florent Boudié, a été constructif.

Le Gouvernement n’a rien à retirer du texte élaboré par la commission mixte paritaire, sur lequel il n’a d’ailleurs présenté aucun amendement, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat.

Je me réjouis que nous nous soyons mis d’accord sur le rapport annexé, qui prévoit le fonctionnement du ministère de l’intérieur – dans l’acception la plus large qui soit – sur cinq ans. Une partie des crédits que vous allez débloquer seront évoqués lors du débat sur l’immigration – nous en avons eu un écho hier. Nous disposons ainsi de la définition de ce que nous voulons faire pendant cinq ans au ministère de l’intérieur : après avoir défini les menaces, y consacrer les moyens budgétaires et humains nécessaires, en expliquant comment nous parviendrons à les vaincre.

Ce point est important. Seuls les militaires disposaient de ce type de programmation, quand le ministère de l’intérieur répondait cahin-caha, parfois assez mal, au temps long. Il s’agit en effet d’un ministère de l’urgence, et cette nécessité de l’urgence empêchait de donner les moyens adéquats aux policiers, aux gendarmes, aux pompiers, aux agents de sécurité civile et aux agents de préfecture pour répondre aux problématiques d’aujourd’hui et de demain.

Je ne reviendrai pas sur la réforme de la police nationale, en particulier de la police judiciaire, mais c’est dans cet esprit, monsieur le rapporteur, que je veux construire le travail à venir.

J’ai d’ailleurs proposé à son président de venir devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, car je suis à la totale disposition des députés. Une fois que les sénateurs Nadine Bellurot et Jérôme Durain auront rendu leur rapport, que parallèlement les députés Ugo Bernalicis et Marie Guévenoux auront fait de même, et que l’inspection générale de l’administration de la justice (Igaj) aura également rendu le sien, je viendrai aussi présenter les textes réglementaires – car, vous le savez, il s’agit d’une réforme entièrement réglementaire – devant la commission des lois du Sénat.

Je vous expliquerai alors ce que j’ai repris de ces rapports et j’échangerai avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour construire cette réforme de la police nationale non pas contre les personnes, mais pour le service public de la sécurité, conformément au très bon compromis que vous avez su définir avec vos collègues de l’Assemblée nationale.

Par ailleurs, monsieur le président de la commission des lois, j’ai proposé à l’Assemblée nationale de mettre en place un comité de suivi parlementaire du texte que vous allez sans doute adopter dans quelques instants. Je propose que la première réunion ait lieu à la fin de janvier.

Si vous en êtes d’accord, vous désignerez les membres de ce comité en respectant la pluralité des opinions et organiserez, avec vos amis de l’Assemblée nationale, une réunion qui pourrait se tenir tous les trois mois à Beauvau, au Sénat ou à l’Assemblée nationale. Je m’y rendrai avec l’ensemble des directeurs d’administration de mon ministère pour vous présenter les tableaux de suivi des transformations et le niveau d’acceptation de ces évolutions. Je vous indiquerai quelle utilisation directe, conforme aux engagements que j’ai pris, est faite des crédits que vous avez alloués et qui sont confirmés dans le projet de loi de finances (PLF), et comment nous respectons les amendements, notamment ceux d’origine parlementaire.

Ce comité de suivi parlementaire, qui se réunira tous les trois mois, permettra de suivre l’application de la loi de programmation, ce qui est normal puisque l’on doit ces informations au Parlement. Il s’agira aussi pour nous de recevoir des conseils, d’entendre des remarques, voire des suggestions de correction. Cela se justifie, car, une fois la Lopmi votée, la vie reprendra ses droits ainsi que, pour nous tous, notre travail quotidien…

Dans cet esprit de concorde, je conclurai la discussion sur ce texte important en remerciant les policiers, les gendarmes, les agents de préfecture, les sapeurs-pompiers et les militaires pour le travail qu’ils accomplissent au quotidien.

Ces moyens ont été votés quasi unanimement. Et même ceux qui ne les ont pas votés y ont mis un peu de leur cœur, à l’instar de Mme la présidente Assassi. (Sourires. – Mme Éliane Assassi acquiesce.) Je sais que nous soutenons tous par l’esprit, si ce n’est par le vote, les agents du ministère de l’intérieur.

M. le rapporteur Daubresse a eu la gentillesse de dire que j’avais entamé les réunions de concertation sur les brigades de gendarmerie. D’une manière générale, s’agissant de la sécurité de nos concitoyens, je crois que chacun lors de ce débat parlementaire a été respecté, a pu faire entendre sa voix et accorder au ministre de l’intérieur, quel qu’il soit au cours du présent quinquennat, des moyens très importants qu’il saura utiliser à bon escient. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et UC.)

Mme la présidente. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte, en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur

TITRE Ier

OBJECTIFS ET MOYENS DU MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur
Article 2

Article 1er

Le rapport sur la modernisation du ministère de l’intérieur annexé à la présente loi est approuvé.

RAPPORT ANNEXÉ

INTRODUCTION

Transformer l’institution pour être à la hauteur des attentes des citoyens : telle est l’ambition qui fédère l’ensemble des agents et forces du ministère de l’intérieur pour les cinq prochaines années. La loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI) fixe une trajectoire à cette ambition jusqu’en 2027 grâce à des moyens humains, juridiques, budgétaires et matériels inédits.

Ce texte est dabord une loi de transformation numérique, qui saisit toutes les opportunités offertes par les nouvelles technologies pour améliorer le service rendu au citoyen, grâce à des démarches simples, pratiques et accessibles à tous, quel que soit leur lieu de vie. Cette modernisation ne sera possible qu’en offrant aux agents du ministère de l’intérieur les outils numériques et la formation pour en tirer pleinement profit. Travailler en mobilité, accéder depuis le terrain aux ressources utiles, aller vers les citoyens – notamment les plus fragiles –, mener à bien les grands projets numériques qui simplifieront la vie de tous les agents du ministère et des citoyens ne sera plus l’exception, mais le quotidien.

Le cyberespace constitue en outre un nouvel espace à investir : non seulement les menaces de la « vie réelle » trouvent, pour la plupart, leur prolongement dans le cyberespace, mais le numérique est de surcroît le théâtre de l’émergence de risques nouveaux. Au sein d’un ministère de l’intérieur chef de file en matière de lutte contre la cybercriminalité, les forces de sécurité intérieure seront ainsi davantage présentes dans le cyberespace, pour protéger les Français et les institutions des menaces nouvelles. Ces actions contribueront à répondre à la première des attentes des citoyens, à savoir des résultats à la fois rapides et visibles de l’action de l’État.

Efficacité et proximité seront au cœur de la mission de sécurité pour ces cinq prochaines années. Pour affirmer cette présence, de nouvelles implantations du ministère mailleront le territoire, relais de ces forces présentes au plus près des citoyens et relais de l’État au cœur des départements. Préfets et sous-préfets à la tête des services de l’État local devront continuer à travailler avec les forces vives des territoires, au premier rang desquels les élus et les collectivités territoriales, les entreprises, les associations et les services publics afin de construire des projets de développement au plus près du terrain et d’affermir le continuum de sécurité. Articulation approfondie avec le réseau France services, fonds d’ingénierie locale et moyens renforcés pour affronter plus facilement les crises graves renforceront l’action du réseau préfectoral au service des Français.

Policiers et gendarmes seront davantage sur le terrain et verront leur présence doublée sur la voie publique d’ici 2030. Face à la délinquance et aux menaces persistantes – violences liées au trafic de drogue, violences intrafamiliales et sexuelles, atteintes aux biens, etc. – l’insécurité ne peut reculer que grâce à des policiers et des gendarmes présents là où il faut et quand il le faut, dotés de nouveaux outils juridiques et numériques (utilisation de logiciels de retranscription, de nouveaux outils numériques pendant l’enquête, etc.) pour prévenir, enquêter et confondre les délinquants. Le travail en mobilité permettra aux policiers et aux gendarmes de passer moins de temps au commissariat ou à la caserne et davantage sur la voie publique.

Cette action résolue va de pair avec un effort sans précédent pour mieux accueillir et accompagner les victimes. Mais cette ambition de proximité serait incomplète si nos policiers et nos gendarmes n’étaient pas demain davantage à l’image de la population française qu’ils ne le sont aujourd’hui. Mieux formés, exemplaires, ils donneront envie aux jeunes de rejoindre le ministère de l’intérieur de demain, qui s’ouvrira davantage sur la société.

Transformation numérique, efficacité et proximité permettront au ministère de l’intérieur de mieux faire face aux crises et menaces daujourdhui et de demain, au cœur dune société rendue plus résiliente. Les défis sont nombreux tandis que les crises s’enchaînent : les crises sanitaires, climatiques et d’ordre public pourraient être suivies demain, sans pour autant disparaître, de crises cyber, nucléaires, radiobiologiques, biologiques et chimiques (NRBC) ou mélangeant l’ensemble de ces dimensions. Si notre modèle de gestion de crise a fait ses preuves, il sera renforcé à tous les échelons par des moyens humains et technologiques, pour faire de la France une référence européenne, et structuré par des responsabilités mieux définies pour lui donner une véritable capacité d’anticipation. Cette mutation est d’autant plus nécessaire dans la perspective des grands événements (coupe du monde de rugby, jeux olympiques et paralympiques) qu’accueille la France et qui vont concentrer sur notre pays l’attention du monde entier.

Au-delà des crises, notre société devra également être plus robuste dans sa réponse à toutes les formes de délinquance et de criminalité, du terrorisme et de la criminalité organisée jusqu’aux actes de « petite délinquance ». La présence renforcée sur la voie publique des policiers et des gendarmes va de pair avec des moyens d’investigation renforcés et une procédure pénale drastiquement simplifiée, afin de mettre hors d’état de nuire les délinquants. La hauteur des attentes envers nos policiers et gendarmes se traduira, pour eux, par une formation et un accompagnement au quotidien renforcés ainsi que par une revalorisation ciblée sur les missions les plus difficiles ou exposées. Les citoyens ont eux aussi envie de s’engager et de contribuer à la protection de notre Nation, notamment par l’intermédiaire des réserves ou du volontariat. Cette loi saisit pleinement cette chance pour fédérer autour de causes qui réunissent nos concitoyens.

La loi prévoit des moyens sans précédent pour concrétiser cette ambition : le budget du ministère de l’intérieur sera augmenté de 15 milliards d’euros sur la période 2023-2027 pour la mise en œuvre de ces mesures nouvelles.

Une réforme de la gouvernance des investissements sera mise en œuvre. Un comité ministériel des investissements, présidé par le ministre de l’intérieur, sera institué pour examiner, pour chaque projet d’investissement majeur, la satisfaction du besoin opérationnel, la stratégie de maîtrise des risques, le coût global de l’investissement, intégrant en particulier les coûts d’exploitation et de maintenance, ainsi que la faisabilité financière d’ensemble. Le comité ministériel pourra s’appuyer, s’agissant des principaux projets d’investissement, sur l’avis d’un comité financier interministériel, associant le ministère chargé du budget, qui procédera à un examen contradictoire de la soutenabilité financière desdits projets de même que, chaque année, de la programmation pluriannuelle. Le renforcement du pilotage des investissements doit notamment permettre, sous la responsabilité du ministre de l’intérieur, d’assurer la cohérence d’ensemble des décisions ministérielles en matière d’investissement, de maîtriser les coûts, les délais et les spécifications des projets d’investissement majeurs mais aussi de favoriser la recherche de mutualisations et de partenariats.

1. Une révolution numérique profonde

L’élan numérique à l’horizon 2030 doit permettre de remettre le numérique au cœur de l’activité du ministère de l’intérieur.

Cette impulsion vise d’abord à répondre aux menaces cyber, nouveau territoire de délinquance de masse, où les victimes ne savent pas vers qui se tourner ni comment se protéger. Les investissements permettront d’améliorer significativement la qualité du service rendu par l’administration aux citoyens dans ce domaine, mais aussi de transformer le service public rendu par l’ensemble du ministère pour une plus grande efficacité dans la lutte contre la cyberdélinquance.

Il s’agit par ailleurs de créer les conditions favorables à une plus grande ouverture des données au profit des citoyens et acteurs économiques afin de stimuler la création, par la société civile ou le tissu industriel, de nouveaux services et d’activités créatrices de valeur, tout en veillant au strict respect de la réglementation en matière de traitement des données personnelles et en rendant compte de ces traitements de la manière la plus transparente qui soit.

Dans son organisation, le ministère devra rendre plus lisible la production de services numériques pour les forces de l’ordre, avec une agence du numérique des forces de sécurité intérieure. Le policier et le gendarme de demain seront « augmentés » grâce à des outils numériques mobiles tant pour la procédure pénale que pour leurs missions de sécurité.

L’utilisation des nouvelles technologies dans les domaines de la sécurité ne peut faire l’économie d’une acceptation de la société civile. La loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur est donc l’occasion de poser les bases de la nouvelle relation que le ministère souhaite construire avec la société civile sur ces sujets et de mettre en place les instances de gouvernance, de contrôle et de discussion adéquates.

La transformation numérique irrigue également tous les champs de la relation aux citoyens ; chaque procédure administrative devra être accessible en ligne tout en conservant un contact humain personnalisé pour ceux qui n’ont pas accès aux nouvelles technologies.

1.1. Un ministère chef de file de la lutte contre la cybercriminalité

La cyberdélinquance est en constante augmentation depuis plusieurs années, avec des taux de progression des faits constatés allant de 10 % à 20 % dune année sur lautre selon le type dinfraction.

Par ailleurs, aujourdhui, plus de deux tiers des escroqueries trouvent leur origine ou sont facilitées par internet. En 2019, la moitié des individus de 15 ans ou plus déclaraient avoir connu des problèmes de cybercriminalité au cours de lannée précédente (notamment un renvoi vers un site frauduleux). En 2020, une entreprise sur cinq déclare avoir subi au moins une attaque par rançongiciel au cours de lannée et 58 % des cyberattaques ont eu des conséquences avérées sur lactivité économique, avec des perturbations sur la production dans 27 % des cas (Données Opinion Way pour le Club des experts de la sécurité de linformation et du numérique, décembre 2020 – janvier 2021).

Le ministère de lintérieur a un rôle clé à jouer sur le sujet de la cybercriminalité. Les volets relatifs à l’anticipation et à la prévention ainsi qu’à la réponse opérationnelle doivent constituer le cœur de l’action du ministère. De fait, le risque dune crise systémique existe : après la crise sanitaire, la prochaine crise de grande ampleur pourrait être d’origine numérique. Le niveau de dépendance à la technologie en laisse deviner l’impact (La réponse à ce constat sera traitée dans le troisième axe, consacré à la gestion de crise). Parallèlement, se révèle une opportunité pour le développement et la consolidation dun nouveau marché aux leviers de croissance très importants. Il s’agit avant tout de développer une autonomie stratégique française afin de ne pas dépendre des seules technologies étrangères.

1.1.1. Sensibiliser et prévenir

Afin d’apporter une réponse à la hauteur de l’enjeu, l’objectif doit être de sensibiliser 100 % des entreprises et des institutions aux risques que représente la cybercriminalité. Sur l’ensemble des actions de sensibilisation ou de prévention cyber réalisées auprès des entreprises et institutions, le ministère de l’intérieur proposera de mettre à disposition son maillage pour venir en appui de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI). La présence du ministère de l’intérieur dans l’ensemble des territoires permettra ainsi la diffusion des messages de sensibilisation et des bonnes pratiques. Dans cette perspective, les équipes préfectorales seront également formées à la prévention de la cybercriminalité et à la lutte contre cette menace.

Parallèlement, et aux fins de casser le modèle économique des cyberdélinquants, les clauses de remboursement des rançons par les assurances contre les cyberattaques seront mieux encadrées et les paiements de rançons devront être déclarés aux forces de sécurité ou à l’autorité judiciaire, afin que les services compétents disposent des informations nécessaires pour poursuivre les auteurs de l’infraction. Ainsi, une clause assurantielle visant à couvrir un tel risque ne pourrait être mise en œuvre que dans la mesure où les forces de sécurité ou l’autorité judiciaire ont été informées par un dépôt de plainte. Cette stratégie consiste à attaquer le modèle de rentabilité de l’écosystème cybercriminel afin de décourager les cyberattaquants. En effet, si la position des services compétents a toujours été de recommander le non-paiement des rançons, la dégradation rapide de la situation appelle une action publique plus déterminée afin de s’assurer que, dans les cas où une rançon a été payée, les autorités compétentes disposent des informations nécessaires pour poursuivre les auteurs de l’infraction. La régulation de la couverture assurantielle du paiement de rançons apparaît ainsi comme nécessaire.

1.1.2. Adapter la réponse opérationnelle

Le cyberespace constitue désormais un nouveau territoire de délinquance de masse, qui impose au ministère de l’intérieur d’opérer une « révolution copernicienne » sur le sujet.

Dans ce contexte, se développent également de véritables mafias cybercriminelles qui se structurent en sous-groupes spécialisés et s’articulent de manière très agile pour organiser des cyberattaques contre des grandes entreprises ou des institutions ainsi que de la grande délinquance financière sur internet.

Si des succès opérationnels récents ont mis fin à une longue période d’impunité, il est nécessaire de renforcer la réponse opérationnelle face à la cybercriminalité. Le travail de renseignement devra être accru sur ces organisations qui peuvent toucher les intérêts fondamentaux de la Nation ou entraîner des dégâts systémiques sur son fonctionnement, en lien avec le travail interministériel réalisé en format « C4 », entité présidée au nom du Premier ministre par le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), au sein de laquelle la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) siège pour le compte du ministère de l’intérieur, aux côtés de l’ANSSI, qui en assure le secrétariat, de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et du commandement de la cyberdéfense (COMCYBER). De nouveaux pans du renseignement criminel seront développés au sein des services spécialisés du ministère de l’intérieur pour mener une politique d’entrave systématique des cyberattaquants sur le territoire national, en lien étroit avec l’ensemble des services partenaires, notamment européens.

Pour concrétiser cette ambition, un plan d’investissement technologique mais également de formation et de recrutement ambitieux au sein des forces de sécurité intérieure sera mis en place, pour aller chercher les meilleurs profils issus de la société civile, notamment les cyberréservistes. Pour renforcer l’efficience du ministère dans la lutte contre la menace cyber, une coopération plus étroite entre les services concernés sera structurée. Celle-ci se traduira notamment par une mutualisation plus importante des investissements techniques et humains à venir, ainsi que par le développement de capacités et d’outils, dont le ministère sera propriétaire, de nature à garantir la souveraineté des opérations techniques effectuées par les services.

Parallèlement, un regroupement des capacités techniques et d’analyse du ministère de l’intérieur en matière cyber auprès du pôle régalien de cyberdéfense implanté à Rennes sera étudié, afin d’améliorer les synergies au sein de l’écosystème interministériel cyber.

Une école de formation cyber interne au ministère de l’intérieur sera mise en place afin de garantir un haut niveau de compétences des policiers et gendarmes dans la durée. La très rapide évolution des chemins d’attaque utilisés et des objets technologiques en jeu (comme les cryptomonnaies) nécessite une formation continue pour l’ensemble des services d’enquête. Cette école de formation du ministère de l’intérieur spécialisée dans la lutte contre la cybercriminalité et faisant intervenir enquêteurs et formateurs extérieurs permettra à la fois d’augmenter significativement le nombre d’enquêteurs formés et de garantir le niveau de connaissance dans le temps.

Par ailleurs, les mêmes conditions de saisie seront appliquées aux avoirs cryptoactifs (cryptomonnaies par exemple) que pour les comptes bancaires : trop souvent, les criminels convertissent le fruit de leurs malversations en cryptoactifs, qui peuvent être plus facilement dispersés et donc dissimulés.

1.1.3. Créer un équivalent numérique de « lappel 17 » et recruter 1 500 cyberpatrouilleurs supplémentaires

Les victimes de cette nouvelle délinquance ne sont pas préparées à ce risque et ne savent pas vers qui se tourner, du fait notamment du caractère inédit de cette menace et de la multiplicité des acteurs.

Un équivalent numérique de « lappel 17 » sera donc mis en place afin que chaque citoyen puisse signaler en direct une cyberattaque et être mis immédiatement en relation avec un opérateur spécialisé. Ce « 17 cyber » sera construit en s’appuyant sur les outils existants, qu’il s’agisse de la plateforme numérique d’assistance aux victimes (cybermalveillance.gouv.fr), qui permet notamment la mise en relation des victimes avec des prestataires d’accompagnement, des centres de réponse aux incidents régionaux, en cours de création, des dispositifs PHAROS et Perceval ainsi que de l’ANSSI. Le « 17 cyber » permettra ainsi d’éviter aux citoyens d’avoir à s’orienter dans ce dispositif de réponse à incidents : au contraire, ils seront pris en charge et bénéficieront de conseils immédiats et rassurants.

En outre, 1 500 nouveaux cyberpoliciers et cybergendarmes seront formés et déployés pour mieux lutter contre la cybercriminalité. Ils pourront notamment être recrutés parmi les réservistes.

Enfin, afin de renforcer la lutte contre les contenus répréhensibles en ligne, les signalements sur la plateforme PHAROS seront encouragés. Un bilan semestriel de l’activité issue des signalements sera mis en place pour sensibiliser et entretenir la démarche citoyenne de signalement. Chaque bilan rendra compte du nombre de signalements, regroupés par catégories, transmis au cours du semestre par la communauté de contributeurs à PHAROS et fera état du nombre de demandes de retrait de contenus illicites transmis par PHAROS aux opérateurs de plateforme en ligne pendant la même période. Le bilan sera partagé par courrier électronique avec la communauté de contributeurs de PHAROS et publié sur le site internet-signalement.gouv.fr.

1.2. Enrichir « lidentité numérique » des citoyens

L’identité numérique du citoyen, développée depuis 2017, constitue désormais le pivot de nouvelles perspectives au sein du ministère de l’intérieur, et plus largement pour le développement de services à l’usager qui réclament un haut niveau de confiance.

1.2.1. Le numérique au service des citoyens

L’effort de dématérialisation et d’accessibilité des démarches dématérialisées sera poursuivi avec, comme illustration, la dématérialisation de la procuration de vote, qui permettra de remplacer progressivement le nécessaire passage devant une autorité habilitée (officier de police judiciaire ou adjoint de police judiciaire). L’usager gardera la possibilité de se rendre au commissariat de police, à la brigade de gendarmerie ou dans un tiers lieu autorisé par arrêté du préfet pour établir sa procuration mais n’y sera plus contraint. La demande en ligne, possible depuis le 6 avril 2021, date de la mise en service de la téléprocédure Maprocuration, pourra suffire.

Cette mesure s’appuie sur le déploiement d’une identité numérique régalienne de niveau élevé, portée par le programme « France identité numérique », qui s’appuie sur l’outil France Connect.

Le développement de ces nouveaux outils et services numériques au sein du ministère de l’intérieur va de pair avec le renforcement de la politique de cyberdéfense du ministère afin de garantir un haut niveau de sécurité.

1.2.1. Un contact humain pour chaque procédure dématérialisée

Afin d’améliorer l’accompagnement des usagers lors de leurs démarches en ligne et de réduire la fracture numérique, chaque téléprocédure devra être dotée d’un moyen d’accompagnement effectif et adapté à tous les usagers.

Le recours croissant aux téléprocédures et la suppression des démarches en présentiel à un guichet ne suppriment pas le besoin d’accompagnement des usagers. L’accompagnement physique, par exemple dans les espaces France services au sein desquels le ministère de l’intérieur est engagé, restera donc la solution privilégiée pour les populations les plus fragiles en difficulté avec les outils numériques ou avec la langue française ou les moins bien renseignées sur les possibilités de contact à distance. Le présentiel constitue pour de nombreuses personnes le mode de contact le plus sûr, qui leur garantit que l’agent en face d’elles pourra les aider et prendre en compte leur demande. Le réseau des points d’accueil numérique (PAN) des préfectures et sous-préfectures sera ainsi consolidé, par le déploiement de PAN+ qui accompagneront l’usager pour l’ensemble des démarches des préfectures. L’accompagnement par téléphone ou par « chatbot » directement sur les sites des téléprocédures permettra de rassurer immédiatement l’usager et d’échanger avec lui en temps réel, à la différence d’un échange par courriel avec des réponses souvent différées. Les agents mobilisés dans ces services seront formés à l’accueil et à l’accompagnement des personnes en situation de handicap, quelle que soit leur situation de handicap.

1.3. Doter nos forces de sécurité dun équipement à la pointe du numérique

L’équipement numérique offre de réelles opportunités aux policiers et gendarmes pour gagner en efficacité et donc mieux réaliser leurs missions au service des Français. La mise à disposition de ces nouvelles technologies a déjà largement été initiée depuis 2017, avec notamment le déploiement des caméras-piétons. Celle-ci doit s’accélérer, tout en tenant compte du risque que l’addition de l’ensemble des matériels et systèmes se fasse sans cohérence, multipliant à la fois le poids et les interactions homme-machine. Le défi consiste donc à bâtir un véritable modèle cohérent de policier, gendarme ou pompier « augmenté » par le recours à des technologies de pointe.

Par ailleurs, comme pour la technologie cyber, un écosystème français « souverain » est prêt à produire ces matériels et doit être soutenu.

1.3.1. Une agence du numérique pour les forces de sécurité intérieure

Afin de porter cette orientation stratégique de forces de sécurité « augmentées », l’agence du numérique des forces de sécurité intérieure, constituée des divers services existants et mise en place pour porter l’ensemble de ces projets, nouera des partenariats avec le secteur industriel pour permettre l’émergence d’un écosystème français.

L’agence sera placée sous contrôle du directeur général de la police nationale et du directeur général de la gendarmerie nationale – qui seront donc responsables de chaque euro investi – et budgétairement alimentée par leurs programmes. En lien avec le nouveau secrétaire général adjoint du ministère de l’intérieur chargé de la transformation numérique (cf. partie 1.4), elle sera chargée de faire converger les visions du numérique entre les deux directions générales et d’étudier systématiquement, pour chaque nouveau projet mené par l’une ou l’autre des directions générales, la possibilité d’en faire un projet commun.

Irriguée par des ingénieurs et des représentants des deux forces, formés à haut niveau sur le numérique et la conduite de projets, l’agence développera des outils numériques au service du terrain et de l’opérationnel. Cette agence devra particulièrement réfléchir à l’exosquelette du policier et du gendarme de demain, ainsi qu’à la parfaite interconnexion de l’ensemble des systèmes d’information mobilisés. Une démarche capacitaire commune sera consolidée entre cette agence et la direction générale de la sécurité intérieure et chargée de développer les capacités opérationnelles de très haut niveau dans l’espace numérique et les capacités classifiées de défense, afin de rationaliser et de mutualiser les travaux conduits de part et d’autre. Une démarche de concertation sera également mise en œuvre avec l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale et le commandement de la cyberdéfense du ministère des armées.

Au sein de l’agence, une cellule d’innovation et un laboratoire de recherche et développement sur l’utilisation des nouvelles technologies dans les domaines de la sécurité permettront de dédier une partie de ses ressources à l’innovation.

1.3.2. Policier, gendarme, pompier et agent « augmentés »

Engagé sur des interventions du quotidien, le policier ou le gendarme agit dans un environnement marqué par une menace physique variée qui nécessite une interconnexion avec de nombreux systèmes d’information et de communication. Il doit, tout à la fois, faire face à la menace, exploiter ses systèmes d’information et de communication et réaliser ses missions de sécurité au contact de la population. Aujourd’hui, « l’augmentation » du gendarme ou du policier consiste en l’adjonction de systèmes et d’équipements autour de son corps, multipliant le poids et les interactions homme-machine, ce qui n’est pas satisfaisant.

À l’horizon 2030, l’objectif est d’intégrer les moyens de protection, d’action et d’interaction dans un ensemble cohérent, adapté à la morphologie du policier ou du gendarme et facilitant son engagement. La protection pourra être optimisée et assurée grâce à de nouvelles technologies (textiles intelligents capables de mieux résister et de thermoréguler, casque allégé, biocapteurs sur l’état physiologique). De même, les capacités pourront être « augmentées » grâce à un exosquelette ou répartiteur de charge, interconnecté avec les moyens numériques présents et à venir (moyens radio, NEO, PC Storm, caméra-piéton, etc.) et grâce à l’emport d’une capacité d’énergie. Enfin, les développements auront pour objectif l’amélioration de l’ergonomie et la simplification d’emploi des outils (commande vocale, alerte automatique via des capteurs).

Les principales acquisitions à venir dans ce domaine portent sur la généralisation annoncée des nouvelles caméras-piétons et léquipement dès 2023 des véhicules des forces de sécurité intérieure en caméras embarquées, ainsi que sur les postes mobiles (par exemple pour la prise de plainte à domicile actuellement expérimentée), les terminaux numériques type Néo et le réseau radio de pointe (RRF). L’équipement en caméras-piétons et en caméras embarquées répond aux impératifs de transparence dans l’action des forces de sécurité, de pacification des interventions sur la voie publique, de dissuasion et d’amélioration de l’efficacité des missions de police, notamment par le recueil d’informations utiles aux procédures.

Cette réflexion ne concerne pas uniquement les forces de sécurité intérieure mais aussi l’ensemble des autres agents du ministère de l’intérieur. Autrefois cantonné à l’ordinateur fixe et aux logiciels bureautiques, l’environnement numérique de travail doit aujourd’hui s’entendre comme un écosystème faisant l’interface entre l’agent et les systèmes d’information. Les nouvelles capacités de mobilité, les nouveaux outils collaboratifs et le traitement automatisé du langage permettent une transformation forte de cet environnement et une augmentation tout aussi forte de l’efficience de l’agent, y compris en mobilité sur le terrain. Les nouveaux moyens numériques devront aussi permettre une meilleure interaction avec l’usager et surtout transformer les relations avec les usagers en offrant un service proactif. Dans le même esprit, l’analyse des données permise par lintelligence artificielle permet un usage renforcé et plus intelligent des données.

Avec le pacte capacitaire entre l’État, les collectivités territoriales et les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), l’État accompagnera également les investissements innovants visant l’utilisation de nouvelles technologies au bénéfice opérationnel des sapeurs-pompiers, permettant de mieux anticiper et agir sur les situations de crise, en concertation avec les financeurs. La collaboration du ministère avec les SDIS sera également renforcée et structurée en matière d’innovations technologiques, pour développer les réflexions stratégiques et prospectives, grâce notamment à la mise en réseau de référents sur les territoires. Le Gouvernement étudie l’opportunité de la création d’une seconde base pour les Canadair et autres aéronefs de la sécurité civile ainsi que d’un prépositionnement de détachements couvrant l’intégralité du territoire sur des sites dotés de maintenance légère, au regard du risque en matière d’incendie. Le Gouvernement étudie également l’opportunité d’une coopération transfrontalière entre la Corse et la Sardaigne afin de créer une force méditerranéenne de lutte contre les incendies.

Ces efforts supposent aussi de développer une politique dachat davantage orientée vers linnovation en favorisant l’acculturation des services du ministère aux enjeux de l’innovation et en favorisant l’émergence d’un réseau de partenaires extérieurs, dans le respect des règles de la commande publique. Cet élan est donc l’occasion de définir la feuille de route ministérielle pour la mise en œuvre des actions visant à transformer la fonction achat du ministère de l’intérieur afin qu’elle devienne un vecteur d’innovation autour de plusieurs axes stratégiques, dont la mesure de la performance opérationnelle et économique de l’innovation au sein du ministère ou encore la mise à disposition d’ingénieurs de l’armement au sein de la direction de l’évaluation de la performance, de l’achat, des finances et de l’immobilier (DEPAFI).

1.3.3. Réseau radio du futur

Le programme Réseau radio du futur (RRF) répond au triple objectif d’assurer la sécurité de nos concitoyens, d’offrir un système commun à l’ensemble des forces et de moderniser les équipements radio en dotant les forces d’un unique équipement individuel de communication, multifonctions. Ce programme vise à doter l’ensemble des services chargés de la protection de nos concitoyens d’un système de communication mobile à très haut débit (4G puis 5G), multimédia, interopérable, prioritaire, résilient et sécurisé. Il constituera le continuum de sécurité et de secours.

Le réseau radio du futur devra remplacer les réseaux radio bas débit (INPT et RUBIS) vieillissants n’offrant plus des fonctionnalités alignées avec les outils numériques actuels. À terme, le RRF prévoit d’équiper 300 000 abonnés chargés des missions de protection des populations et de gestion des crises et catastrophes issus de plus de trente entités utilisatrices différentes réparties entre plusieurs ministères et instances publiques et privées (opérateurs d’importance vitale [OIV] et associations agréées de sécurité civile). La loi modifie le code des postes et des communications électroniques pour la mise en œuvre de ce réseau.

Le réseau radio du futur concerne notamment les acteurs de la sécurité et des secours suivants : les services préfectoraux, la police nationale, la gendarmerie nationale, les services d’aide médicale urgente, les services départementaux d’incendie et de secours, les services du ministère des armées concourant à la protection du territoire national, les services du ministère de la justice, les douanes, les polices municipales, certains opérateurs d’importance vitale des secteurs de l’énergie et du transport ainsi que les associations nationales de sécurité civile.

1.3.4. Assurer le déploiement de loutil mutualisé de gestion des alertes des services dincendie et de secours

Le projet en cours de développement par l’agence du numérique de la sécurité civile (ANSC) permettra la mutualisation et l’interopérabilité de la gestion des alertes et des opérations de l’ensemble des services d’incendie et de secours.

Le projet est cofinancé par les services d’incendie et de secours et par le ministère de l’intérieur. Il permettra en effet un pilotage plus efficace des secours par les préfets de département et une coordination plus rapide par les préfets de zone et par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC). Il permettra le développement d’un système de collecte et de routage intelligent des communications (SECOURIR) d’urgence (18 et 112), par décloisonnement des plaques de communication (communication en réseau plus agile et réactive), et limitera les risques de congestion et de panne, exportable des SDIS vers l’ensemble des acteurs de la sécurité et du secours.

La construction d’un centre de service à l’ANSC permettra aux utilisateurs des services de bénéficier d’un support utilisateur réactif et d’une supervision dédiée cohérente avec les contraintes opérationnelles.

1.4. Ériger la fonction numérique au rang de priorité stratégique au sein du ministère de lintérieur

Toutes les opportunités offertes par le numérique ne sont pas pleinement exploitées au ministère de lintérieur, alors que celles-ci pourraient faciliter considérablement l’exercice de ses missions : analyse de données, open data, intelligence artificielle ou encore blockchains.

La conduite de grands projets numériques constitue lun des principaux défis pour le ministère de l’intérieur. Il n’est plus envisageable d’engager des projets numériques d’ampleur qui ne seraient pas conduits à leur terme, du fait de problèmes de gouvernance, de conception du projet ou de manque de ressources humaines. Par ailleurs, les directions générales métiers sont trop peu responsabilisées sur les sujets numériques, alors même que de leur implication dépend le succès des projets.

Cette ambition de livrer plus rapidement les projets numériques et de transformer les métiers pour une plus grande efficacité d’action dans l’application des missions va de pair avec l’objectif d’ouverture des données du ministère de l’intérieur.

1.4.1. Faire du numérique une fonction stratégique en repensant son organisation

Le numérique sera désormais confié à un secrétaire général adjoint du ministère de lintérieur, afin que cet enjeu soit incarné au plus haut niveau et bénéficie de tous les leviers permettant une réelle transformation des métiers. Il s’agit de repenser le modèle pour améliorer la capacité à créer, innover et opérer dans la durée.

En lien avec l’agence du numérique des forces de sécurité intérieure, ce nouvel acteur aura pour mission de mettre en place une organisation moderne, agile et intégrée tournée vers linnovation. Cette démarche nécessite d’impliquer très fortement les métiers, de développer des pôles de compétences (data, intelligence artificielle) pour des projets modernes et de faire prendre en compte les phases de projet et d’exploitation par une même équipe maîtrisant parfaitement les applications d’une sphère métier.

Les équipes du secrétaire général adjoint chargé du numérique auront aussi une activité d’appui et de conseil pour venir en soutien des projets structurels du ministère et favoriser la transformation numérique. Elles inciteront au passage à une approche par service ou par produit afin de garantir l’évolution et la modernisation des services plutôt que leur changement au fil des cycles, ce qui nécessite de mettre en place l’organisation permettant le passage du « mode projet » au « mode produit ».

Par ailleurs, une activité daudit des grands projets numériques sera créée afin de contrôler dans la durée la bonne exécution des projets structurants du ministère et d’anticiper les risques associés à ces projets.

1.4.2. Attirer, recruter et former

Afin de faire émerger de véritables filières numériques professionnalisées au ministère de l’intérieur, des fonctionnaires et contractuels de haut niveau seront recrutés pour ré-internaliser les compétences techniques nécessaires à la conduite de projets. Cela permettra de moins dépendre des prestataires extérieurs et de travailler de concert avec les directions métier sur les projets les plus importants du ministère.

Cet effort est estimé à 300 équivalents temps plein (ETP) – auxquels s’ajoutent 100 ETP pour l’agence du numérique – et requiert un plan de formation et de mentorat ainsi que l’assouplissement de règles permettant d’assurer une plus grande attractivité des métiers du numérique au ministère de l’intérieur pour les contractuels.

Attirer les talents du numérique nécessite de proposer des conditions de travail attractives (matériel, télétravail) et des mécanismes managériaux adaptés à ces profils (libération des énergies, capacité à créer, à proposer, à développer), tout en proposant des parcours interministériels de carrière attractifs en vue d’une fidélisation des meilleurs. La diversification des filières de recrutement (écoles, alternance, éditeurs de logiciels) gagne à être renforcée par des partenariats avec les écoles d’ingénieurs.

La formation au numérique devra concerner à la fois ces nouveaux recrutements, les experts numériques du ministère de l’intérieur, les directeurs et l’ensemble des autres agents du ministère. Devront être mis en place des plans de formation et de mentorat ambitieux et leur suivi : plan de formation continue pour les profils en tension, mentorats ouverts aux cadres supérieurs et directeurs généraux, opérations d’acculturation au numérique des managers des directions métiers et parcours de formation pour permettre des passerelles vers le numérique. Au sein de la sphère de la sécurité intérieure, il s’agira de mutualiser les parcours de formation au numérique afin de créer une culture commune et de diversifier les filières de recrutement de la police nationale en augmentant la proportion d’ingénieurs pour irriguer l’agence du numérique sur les sujets techniques et liés à l’exploitation des données.

1.4.3. De nouvelles interfaces avec la société civile, le tissu industriel et le monde académique

Le ministère de lintérieur et la société civile doivent entretenir une relation apaisée sur lutilisation de la technologie au sein du ministère. À cette fin, la société civile joue un rôle dans le suivi et le contrôle des technologies employées, grâce notamment à l’ouverture des codes sources et algorithmes utilisés. L’agence du numérique pilotera ainsi une politique douverture des données et des sources par défaut, qui favorise la création de nouveaux services et d’activités créatrices de valeur au profit des citoyens et des entreprises.

De surcroît, une attention particulière sera portée aux solutions de protection de la vie privée dès la conception (privacy by design), qui consistent à proposer des outils numériques nativement protecteurs des libertés individuelles. L’agence du numérique a donc vocation à intégrer des compétences juridiques et des compétences spécialisées dans le privacy by design, potentiellement alimentées par des chercheurs, afin de développer des solutions répondant parfaitement aux besoins opérationnels tout en préservant les libertés individuelles et en le prouvant.

En matière de partenariats industriels, le ministère devra s’investir dans la construction de relations étroites avec les industriels français de confiance et tirer profit de leurs centres de formation spécialisée sur les sujets technologiques de pointe. Cela peut se traduire par des mobilités croisées, voire par la mise en place d’un mécanisme de réserve inversée, consistant dans le cadre de la formation continue à envoyer les équipes techniques du ministère de l’intérieur rejoindre les grands industriels français pendant une période donnée pour s’inspirer de leurs méthodes et de leurs outils de travail et pour développer des compétences sur des sujets techniques. Sont également envisageables des laboratoires communs de recherche et développement avec des industriels, des universitaires et des juristes, sur des projets technologiques de pointe. L’approche sous forme de laboratoire permettra en outre de s’assurer de la parfaite adaptation de ces technologies aux besoins opérationnels des forces. En cohérence avec les efforts internes au ministère de l’intérieur, il s’agit en outre d’inciter les industriels français à avancer sur le privacy by design et à en faire un élément différenciant dans leur stratégie commerciale.

Le ministère devra aussi nouer des partenariats privilégiés avec le monde académique en s’investissant notamment dans des travaux de thèses ou de post-doctorat ou en s’associant à des chaires. L’effort portera en matière de recherche et développement sur l’utilisation des nouvelles technologies dans le domaine de la sécurité, notamment en matière de cybersécurité, mais aussi dans le champ des sciences sociales.

Focus : tirer pleinement parti des opportunités offertes par le numérique outre-mer

Le numérique est un enjeu essentiel pour les territoires ultramarins, par les opportunités offertes en matière de rapprochement entre les services de l’État et la population ou encore de besoins opérationnels des services du ministère dans ces territoires particulièrement exposés. En même temps, la mise en place d’outils numériques performants et adaptés est un défi majeur, dans des régions parfois difficiles d’accès du fait de l’insularité, de l’immensité du territoire ou du caractère enclavé de certaines régions.

Un effort de remise à niveau de larchitecture des réseaux outre-mer sera engagé avec, comme objectif, la numérisation des réseaux tactiques communs aux forces pour renforcer leur capacité opérationnelle, en substitution aux réseaux anciens devenus obsolètes. Le déploiement du projet « Réseau radio du futur » s’inscrit dans cet effort. Sont plus particulièrement concernées la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et la Guyane, qui n’ont pas pu bénéficier du passage à l’état de l’art technologique comme l’ont fait ces dernières années les Antilles, La Réunion et Mayotte.

D’autre part, les chantiers numériques de proximité, visant à rapprocher ladministration du citoyen et à doter les agents du ministère de lintérieur doutils performants, seront déployés de manière adaptée et rapide outre-mer. Les possibilités offertes sont particulièrement adaptées à ces territoires ultramarins, où les enjeux d’accès aux services publics sont prégnants : téléprocédures permettant de mener ses démarches depuis chez soi ou en mobilité ; application unique « Ma sécurité » permettant la prise de plainte en ligne, le suivi de celle-ci et l’échange direct avec des policiers ou des gendarmes ; audition ou prise de plainte en visioconférence ou à domicile ; équipement des policiers et gendarmes en matériels de pointe (caméras-piétons, caméras embarquées, tablettes Néo, ordinateurs portables, etc.).

Le déploiement des projets numériques du ministère outre-mer fera l’objet d’une feuille de route et d’un suivi spécifique. Cette feuille de route sera élaborée après concertation avec les parlementaires et les élus locaux de l’ensemble des territoires ultramarins concernés.

2. Plus de proximité, de transparence et dexemplarité

En 2030, la présence des policiers et gendarmes sur le terrain sera doublée grâce à un recrutement massif de policiers et de gendarmes, à la transformation numérique, à une meilleure gestion des effectifs et du temps de travail, à la suppression des tâches périphériques et à la simplification des procédures.

Cet effort de proximité portera dabord sur les zones éloignées des services publics. De nouvelles brigades de gendarmerie seront créées dans les territoires ruraux et périurbains ; les sous-préfectures seront, en articulation avec le réseau France services, les lieux des démarches du quotidien pour les citoyens. La présence renforcée des policiers et gendarmes sur la voie publique donnera de nouvelles marges de manœuvre opérationnelles, qui seront mises à profit grâce à un commandement présent de manière continue sur le terrain et à une réorganisation de la police nationale par filières.

La répartition territoriale entre police et gendarmerie sera adaptée selon des critères qualitatifs, afin de mieux correspondre à la réalité des territoires et à la nécessité d’améliorer le service rendu à la population. Cette adaptation sera réalisée après un processus de concertation avec les représentants des acteurs de chaque territoire, en particulier les parlementaires, les associations départementales de maires et les conseils départementaux.

Dans chaque département sera signé par les responsables locaux de la police nationale et de la gendarmerie nationale, sous l’égide des préfets et après consultation des élus locaux, un protocole de coopération opérationnelle entre les deux forces visant à améliorer leur coordination dans une logique de continuité territoriale de zones contiguës, à réagir aux situations urgentes et exceptionnelles, à identifier et combattre des phénomènes de délinquance communs et à optimiser l’emploi de services ou de capacités spécifiques.

La proximité passe aussi par une amélioration qualitative du contact avec les forces de sécurité. Le parcours des victimes sera amélioré, avec un traitement plus efficace et transparent des plaintes. L’accueil des usagers sera modernisé : rénovation immobilière, mais surtout adaptation aux besoins des usagers, simplification et numérisation des démarches, tout en gardant systématiquement un accompagnement physique. Cette attention portera en particulier sur les plus fragiles, notamment les victimes des violences intrafamiliales et sexuelles : fichier de prévention des violences intrafamiliales, doublement des effectifs dédiés (4 000 contre 2 000 en 2022), densification du maillage territorial en accueils spécialisés, création de postes d’intervenants sociaux en police et gendarmerie, triplement de l’amende pour outrage sexiste et sexuel.

Les citoyens pourront ainsi compter sur des forces de lordre plus présentes et plus accessibles, mais qui doivent aussi leur ressembler : si les agents du ministère de l’intérieur sont représentatifs de tous les milieux sociaux, il n’en est pas de même de la diversité de la population. Des dispositifs de recrutement seront mieux ciblés sur les quartiers populaires ainsi que sur les territoires ruraux, les concours du ministère de l’intérieur seront refondus pour élargir le recrutement. Le ministère veillera également à assurer la promotion de ses dispositifs de recrutement dans les territoires ultramarins. De meilleures possibilités de promotion interne seront ouvertes aux agents les plus méritants.

La transparence et lexemplarité de laction des policiers et gendarmes seront mieux garanties. Le travail des inspections sera conforté, notamment en utilisant les nouvelles possibilités permises par l’intelligence artificielle, et rendu plus lisible pour les citoyens. Lorsque des agents du ministère se seront rendus coupables de comportements inacceptables, les sanctions seront alourdies.

Suivant les conclusions du rapport de la Cour des comptes de février 2022 sur la formation des policiers, la transparence et l’exemplarité de l’action de la police nationale et de la gendarmerie nationale seront garanties par une formation initiale et continue de haut niveau.

Le ministère de lintérieur contribuera à la redynamisation des territoires ruraux et des villes moyennes en y installant certains services relevant de ladministration centrale.

Le ministère de lintérieur souvrira à de nouveaux partenariats de sécurité animés par la nouvelle direction unique du continuum de sécurité. Ces partenariats s’appuient sur des moyens renforcés, avec le triplement des crédits dédiés au cofinancement des projets de vidéoprotection des collectivités. Le ministère de lintérieur souvrira également au monde de la recherche et de linnovation (think tanks, universités) tout en renforçant sa capacité propre de prospective, pour anticiper les enjeux et menaces de demain.

Enfin, des moyens nouveaux seront dévolus aux forces de sécurité intérieure, qu’il s’agisse de nouveaux matériels plus performants (véhicules, tenues, armements, équipements de protection) mais aussi innovants (caméras-piétons, caméras embarquées, drones, robots d’intervention de déminage) ou encore d’un immobilier à même de leur permettre d’accomplir leurs missions dans de bonnes conditions, de répondre aux besoins de formations et de mieux accueillir les usagers.

Dans un souci de transparence et d’accessibilité du droit, le ministère de l’intérieur peut organiser des consultations ouvertes sur ses projets de décret sur son site internet.

2.1. Faire du renforcement de la présence dans la ruralité une nouvelle politique à part entière

2.1.1. Le maillage territorial des forces de sécurité sera renforcé en priorité dans les territoires ruraux et périurbains

Jusquen 2017, les quinquennats précédents ont été marqués par le recul de lÉtat dans les territoires, avec la disparition de nombre d’implantations de services publics : 500 brigades de gendarmerie fermées en 15 ans, 20 commissariats fermés depuis 2008, 10 arrondissements supprimés et 9 jumelés depuis 2014. Ce recul s’est également traduit par la fermeture de guichets (préfectures et sous-préfectures) alors qu’en parallèle les procédures de délivrance de titres ont été largement dématérialisées. Si cette dématérialisation des procédures a constitué un progrès pour nombre de citoyens, qui peuvent désormais réaliser nombre de démarches sans se déplacer, les personnes éloignées du numérique conservent le besoin d’un accompagnement humain.

Les dernières années démontrent aussi que le besoin de sécurité nest pas lapanage des métropoles : les territoires périurbains et ruraux connaissent une augmentation des violences aux personnes – principalement des violences non crapuleuses, des violences sexuelles et des violences intrafamiliales.

Partant de ce constat, l’État a inversé cette dynamique de recul des services publics et renforcé sa présence. Plus de 2 000 espaces France services ont été créés depuis 2018, dans tous les départements, pour permettre aux citoyens de réaliser leurs démarches de proximité et de bénéficier d’un accompagnement physique personnalisé. La diminution des effectifs des services locaux de l’État a été stoppée et le niveau départemental, celui de la proximité, a été revalorisé. Enfin, les effectifs des forces de sécurité ont été augmentés : chaque département compte aujourd’hui davantage de policiers et de gendarmes qu’il y a cinq ans. Les services de l’État vont continuer de renforcer leur présence et leur efficacité dans les cinq années à venir, en particulier dans les zones périurbaines et rurales, notamment celles connaissant une importante dynamique démographique.

S’agissant d’un service public essentiel, le ministère de l’intérieur pose ici un principe clair qu’il s’engage à respecter : aucun commissariat ou brigade de gendarmerie ne pourra être fermé sans que le maire de la commune siège du commissariat ou les maires des communes du périmètre d’intervention de la brigade territoriale soient préalablement consultés.

Ces décisions de fermeture donnent lieu à une consultation des parlementaires concernés.

Deux cents brigades de gendarmerie nouvelles seront créées, sous la forme dimplantations nouvelles ou de brigades mobiles. Les brigades mobiles consistent, pour les gendarmes, à « aller vers » les citoyens, notamment ceux qui sont les moins enclins à se déplacer dans une brigade de gendarmerie (jeunes, victimes de violences intrafamiliales, personnes âgées, isolées, etc.). Ces unités seront équipées de postes mobiles avancés – par exemple des véhicules de grande capacité – qui permettront grâce aux outils numériques de mobilité (tablettes NEO, ordinateurs portables) d’apporter des réponses aux citoyens. Les départements ayant expérimenté ces nouvelles brigades ont plébiscité ce dispositif, qui rapproche les gendarmes de la population dans des territoires où l’empreinte des services publics est faible ou insuffisante.

Le choix des territoires d’implantation de ces nouvelles brigades sera effectué selon des critères objectifs liés à la population, aux flux, aux risques locaux, à la délinquance et aux délais d’intervention, à l’issue d’un diagnostic partagé avec les autorités administratives et judiciaires ainsi qu’avec les élus.

Ce choix donne lieu à une concertation entre les élus locaux et les services du ministère. Ces derniers communiquent aux élus un état des lieux de la situation sécuritaire sur le territoire concerné. Après communication de ces informations, un délai raisonnable est accordé aux élus locaux pour transmettre leurs observations sur les constats effectués ainsi que pour communiquer leurs propositions, notamment sur les lieux d’implantation des brigades.

Afin de garantir la soutenabilité des dépenses des collectivités territoriales liées à la construction de bâtiments destinés à accueillir des brigades, leurs modalités de financement seront adaptées, le cas échéant par l’adoption de dérogations aux règles comptables et budgétaires des collectivités territoriales. Le dispositif de soutien financier sera par ailleurs renforcé.

Au regard des spécificités des problèmes de sécurité rencontrés par ces territoires, une attention particulière sera apportée dans le choix d’implantation de ces nouvelles brigades en outre-mer.

Dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant un bilan d’étape de la création de ces nouvelles brigades.

Dans la police nationale, un effort particulier sera fait pour renforcer les unités généralistes de police secours : les effectifs supplémentaires seront dirigés en priorité vers ces fonctions de terrain, notamment les effectifs de « police secours » et les personnels travaillant de nuit, qui verront leur rémunération revalorisée.

Chaque année, le Gouvernement publiera les chiffres des évolutions nettes des effectifs de police et de gendarmerie dans chaque département.

2.1.2. Le pilotage des services de lÉtat sera renforcé au plus près des territoires et de leurs besoins

En plus des 2 055 espaces France services existants en février 2022, de nouvelles sous-préfectures seront labellisées France services.

Le pilotage unifié et cohérent de ces moyens renforcés est confié aux préfets. Afin que ce pilotage se fasse au plus près des territoires et en tenant compte de leurs enjeux spécifiques, le réseau préfectoral sera affermi, pour mieux prendre en charge le besoin de proximité et d’appui territorial des communes périurbaines ou rurales de l’arrondissement chef-lieu. Préfectures et sous-préfectures seront plus ouvertes qu’avant à nos concitoyens et aux entreprises, avec des points d’accueil numérique (PAN) « augmentés », les « PAN+ », pour aider les citoyens à réaliser leurs démarches, des guichets uniques pour les acteurs économiques permettant de réunir plusieurs services, d’expliquer les réformes prioritaires du Gouvernement et de veiller à ce qu’elles bénéficient à chacun. Les préfets et sous-préfets verront rappeler les spécificités de leur métier dans le cadre de la réforme de la haute fonction publique.

Parallèlement, dans le cadre de la poursuite de la dématérialisation des démarches et des titres, le ministère de lintérieur veillera à maintenir un contact physique de proximité pour chaque procédure numérique, afin d’accompagner les usagers qui ne sont pas à l’aise avec le numérique, mais aussi pour les procédures dont le cas particulier ne peut être résolu par la voie numérique.

2.2. Relocaliser certains services de ladministration centrale du ministère de lintérieur au bénéfice des territoires ruraux et des villes moyennes

Lancrage territorial du ministère de lintérieur sera aussi renforcé à travers la relocalisation de certains services de ladministration centrale dans des villes moyennes et des territoires ruraux.

Ce mouvement concernera plus de 1 400 fonctionnaires issus de lensemble des grandes directions du ministère de lintérieur. Il a deux objectifs principaux : d’une part, renforcer la présence de services publics au plus près des usagers et, d’autre part, améliorer les conditions de vie au travail des agents.

Le choix de ces nouvelles implantations est le fruit d’un appel à candidatures ouvert à l’ensemble des territoires, hors Île-de-France et grandes métropoles régionales, intéressés par l’accueil de ces services.

Ces relocalisations permettront de nouvelles synergies entre les différents services du réseau territorial du ministère de l’intérieur (préfectures et sous-préfectures, directions départementales interministérielles, services de la police nationale et de la gendarmerie nationale).

L’installation de services à vocation nationale sur l’ensemble du territoire exploitera pleinement les opportunités offertes par le travail à distance au bénéfice des services centraux et territoriaux du ministère.

Elle permettra également de dynamiser la politique immobilière de l’État dans les villes concernées, au bénéfice du développement et de l’attractivité des territoires concernés.

2.3. Doubler la présence de nos forces de lordre sur le terrain dici 2030

Les citoyens attendent des forces de sécurité quelles soient plus présentes et visibles sur le terrain, avec un effet rassurant pour la population et un effet dissuasif pour les délinquants. Mais si le quinquennat écoulé a permis la création de 10 000 postes supplémentaires de policiers et de gendarmes, leur présence sur la voie publique demeure insuffisante : policiers et gendarmes ne passent que 37 % de leur temps sur la voie publique, du fait de la lourdeur de la procédure pénale, d’outils numériques insuffisamment performants et de tâches administratives chronophages.

Le doublement de la présence des forces de sécurité sur la voie publique en dix ans annoncé par le Président de la République implique donc une transformation profonde : faire de la présence sur la voie publique la règle et la présence en commissariat ou en brigade l’exception.

2.3.1. Lobjectif de doublement de la présence des forces de lordre sur la voie publique impose dactiver un ensemble de leviers complémentaires

Deux réformes importantes ont dores et déjà été actées : la suppression des cycles horaires chronophages des unités de voie publique, effective au 1er février 2022, ainsi que la réforme des modalités daffectation des effectifs de police au 1er janvier 2023, pour pouvoir positionner plus facilement les effectifs là où sont les besoins.

Les policiers et gendarmes seront de plus en plus « nomades », grâce à léquipement numérique mobile qui leur permettra de réaliser le maximum de tâches en extérieur lors des patrouilles. Les tablettes « Néo » ont déjà permis d’importants gains de temps et d’efficacité, qui seront amplifiés avec le déploiement en cours de la deuxième génération de tablettes, ainsi qu’avec une dotation massive en ordinateurs portables. Ces outils permettent l’accès à l’ensemble des ressources utiles en mobilité, que ce soit pour mieux renseigner les usagers, appréhender les situations d’intervention avec un maximum d’informations (profil des parties prenantes, position des autres patrouilles grâce à un outil de cartographie), recueillir de l’information (consultation de fichiers, prélèvements biométriques) ou encore gagner du temps (outil de retranscription écrite de la parole, procédure pénale numérique – cf. ci-après) et réduire les déplacements sans plus-value opérationnelle par la rédaction des procédures en mobilité ou la réalisation de prélèvements directement sur le terrain. D’importants investissements seront consentis pour mettre à niveau les réseaux de télécommunications afin de supporter ces nouveaux outils technologiques et de permettre une disponibilité optimale des applications, ainsi que pour la maintenance de ces nouveaux outils.

Le recours aux réserves opérationnelles de la gendarmerie et de la police sera accru, puisqu’elles passeront en cinq ans de 30 000 aujourd’hui à 50 000 réservistes pour la gendarmerie nationale et de 6 000 à 30 000 réservistes pour la police nationale. Afin de maintenir l’engagement et la motivation des réservistes, une cible minimale d’emploi de 25 jours par an et par réserviste est fixée. Ce renforcement de la réserve opérationnelle permettra à des jeunes de se former et de s’ancrer dans la vie professionnelle par un service – rémunéré – au profit de la Nation. Des passerelles avec les autres réserves de la garde nationale, les réserves communales de sécurité civile, l’éducation nationale, l’enseignement supérieur, la recherche et le service national universel seront créées. Les réserves opérationnelles de la gendarmerie et de la police seront pleinement investies dans le service national universel.

Aux fins d’emploi des réservistes, la direction générale de la gendarmerie nationale et la direction générale de la police nationale développeront des partenariats avec les autres administrations ou les entreprises chargées d’une mission de service public. Ces conventions fixeront notamment les conditions d’emploi de ces personnels et les modalités de la prise en charge financière de l’emploi des réservistes.

La compensation financière des heures supplémentaires sera privilégiée plutôt que le retour sous forme de récupérations, qui affaiblit la présence des policiers sur la voie publique. Le Président de la République a par ailleurs demandé louverture dune discussion sociale sur laugmentation du temps de travail au sein des forces de sécurité intérieure.

Les forces de sécurité seront recentrées sur le cœur de leur mission de sécurité, par la substitution aux personnels actifs de personnels administratifs, par la mise en place de la fonction d« assistant denquête de police et de gendarmerie » et par labandon des tâches périphériques. Le mouvement de substitution aux personnels actifs de personnels administratifs sera relancé, notamment pour les missions de contrôle aux frontières (couplé à l’automatisation) ou pour certaines missions relatives au fonctionnement des centres de rétention administrative (CRA). Les futurs assistants d’enquête de police et de gendarmerie se verront ainsi confier des tâches actuellement exercées par les personnels actifs, afin de permettre à ces derniers de se concentrer sur leur cœur de mission, notamment les enquêteurs.

Les policiers et les gendarmes nassureront plus de missions périphériques : les extractions judiciaires devront finir d’être transférées au ministère de la justice, les policiers et gendarmes devront être libérés de la police des audiences ou encore de la garde des détenus hospitalisés. Les missions d’escorte ou de garde de bâtiments officiels seront réétudiées et externalisées lorsque leur exercice peut être assuré par d’autres que les policiers ou les gendarmes. La télécommunication audiovisuelle sera privilégiée pour certains actes denquête (exemple : enregistrement de plainte) ou pour les auditions (exemple : pour les auditions par le juge de la liberté et de la détention des étrangers placés en CRA afin d’éviter les transferts et gardes chronophages).

La procédure pénale sera simplifiée (cf. infra).

Pour mesurer l’effectivité de l’ensemble de ces mesures, un suivi statistique de l’effort sera réalisé, avec un compte rendu annuel. Afin d’atteindre l’objectif de doublement de la présence sur la voie publique en dix ans, l’effort sur 2023-2027 devra représenter une hausse de 50 % du nombre d’heures de présence sur la voie publique des policiers et des gendarmes, par rapport à l’année de référence 2021. Ces gains quantitatifs de présence sur la voie publique donneront de nouvelles marges de manœuvre opérationnelle, au service de priorités fixées au plus près du terrain.

2.3.2. La police nationale réformera son organisation pour un pilotage de proximité plus efficace

La mise en place dun commandement opérationnel des forces 24h/24 et 7j/7 permettra un meilleur pilotage des effectifs présents sur le terrain, en fonction des priorités définies, et visera à pallier les difficultés pouvant être observées sur certaines interventions délicates.

Au niveau départemental, le pilotage en fonction des priorités sera affirmé par la généralisation des directions uniques de la police nationale, appelées directions départementales de la police nationale (DDPN), sous réserve des spécificités de la police judiciaire. Le directeur unique de la police pourra allouer les forces en fonction des priorités opérationnelles : sécurité du quotidien, démantèlement des trafics, lutte contre l’immigration clandestine. L’état-major mutualisé qui en découle facilitera les rationalisations d’organisation et le renforcement de la présence sur la voie publique. Une organisation en filières au niveau local concentrera ainsi sous l’autorité du préfet et du procureur de la République des fonctions jusqu’ici trop éclatées et sera plus lisible pour les partenaires de la police nationale participant du continuum de sécurité.

La réforme sera mise en œuvre en s’appuyant sur les conclusions de la mission d’information sur l’organisation de la police judiciaire menée par la commission des lois du Sénat, de la mission d’information sur la réforme de la police judiciaire dans le cadre de la création des directions départementales de la police nationale menée par la commission des lois de l’Assemblée nationale et de la mission confiée à l’inspection générale de l’administration, à l’inspection générale de la police nationale et à l’inspection générale de la justice relative au bilan des expérimentations déjà menées dans les territoires. Enfin, les représentants du personnel de la police nationale, issus des élections professionnelles de décembre 2022, seront obligatoirement consultés. Aucun policier affecté à la direction centrale de la police judiciaire ne sera conduit, par cette réforme, à changer de direction ou de mission sans son accord.

Cette réforme garantira une filière judiciaire plus efficace afin de répondre tant aux enjeux de la délinquance de proximité qu’aux graves menaces liées à la criminalité organisée. Conformément aux articles 12 et 12-1 du code de procédure pénale, les magistrats conserveront le libre choix du service enquêteur. Cette réforme s’effectuera sans modifier la cartographie des services exerçant des missions de police judiciaire au sein de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) : le maillage territorial actuel sera maintenu et adapté aux évolutions des bassins de délinquance, aucun service de police judiciaire n’étant supprimé. Les offices centraux seront conservés et confortés par des antennes locales. Les offices centraux et l’échelon zonal seront privilégiés pour le traitement de la criminalité organisée, complexe ou présentant une particulière gravité. Pour assurer ses missions, l’échelon zonal de la police judiciaire disposera de moyens humains et budgétaires propres afin de garantir le bon traitement de ces infractions graves et complexes.

Cette réforme de léchelon territorial saccompagne dune réforme de ladministration centrale, qui décloisonnera son fonctionnement en passant d’une organisation en « tuyaux d’orgue » à une direction générale fondée sur des filières par métiers (sécurité et ordre public ; police judiciaire ; renseignement territorial ; frontières et immigration irrégulière) et une fonction soutien consolidée. Cette intégration se traduira par un site unique de la direction générale de la police nationale à l’horizon des cinq prochaines années.

2.4. Mettre la victime au centre de lattention

Le parcours pour les victimes sera refondu, depuis laccueil jusquau suivi de la plainte. L’application mobile commune à la police et à la gendarmerie « Ma sécurité », qui est déployée depuis le premier trimestre de l’année 2022, donne accès à de nombreux télé-services : au-delà de la pré-plainte en ligne déjà disponible, l’application permettra à partir de 2023 de déposer une plainte en ligne mais également, à terme, d’effectuer le suivi de cette plainte. Aujourd’hui, plaignants et victimes ne sont pas suffisamment bien informés de l’évolution du traitement de leur plainte et se rendent dans les commissariats ou les brigades pour demander où en est leur affaire. Avec « Ma sécurité », le citoyen pourra déposer une plainte en ligne, puis suivre le traitement de cette plainte en temps réel, en étant informé de certains « moments-clés » des suites données. L’application « Ma sécurité » permettra aussi d’effectuer des actes de signalement ou d’interagir par messagerie instantanée avec des policiers ou des gendarmes formés au numérique. Cet outil numérique, vecteur de rapprochement entre la population et les forces de l’ordre de proximité, permettra la diffusion d’informations et de notifications et sera accessible pour toutes les personnes en situation de handicap. Des opérations de communication seront menées afin de faire connaître plus massivement l’application « Ma sécurité » auprès de la population.

Afin de déterminer les conséquences réelles de la mise en œuvre de modalités numériques de dépôt des plaintes, un rapport d’évaluation portant sur le dépôt de plainte en ligne et le dépôt de plainte par un moyen de télécommunication audiovisuelle sera effectué afin de mesurer, notamment, l’implication en termes de temps de travail que représentera pour les professionnels de la police et de la gendarmerie cet accroissement des plaintes dématérialisées.

Par ailleurs, les spécificités des situations des victimes seront mieux prises en compte. Grâce aux postes informatiques mobiles, dont le nombre sera doublé dès 2022, de plus en plus de démarches seront possibles hors les murs des services de police et de gendarmerie (auditions, plaintes). La prise de plainte hors les murs, déjà expérimentée dans plusieurs territoires, sera généralisée. Elle sera notamment proposée aux femmes victimes de violence et aux élus victimes de violences ou de menaces ainsi qu’aux autres victimes d’infractions pénales, après appréciation par les forces de l’ordre de la difficulté de la victime à se déplacer dans un commissariat ou une unité de gendarmerie.

Cette logique d« aller vers » va de pair avec un effort particulier en faveur de dispositifs plus adaptés au sein des unités : la création de 19 nouvelles maisons de confiance et de protection de la famille d’ici la fin de l’année 2023 permettra de généraliser ce dispositif à l’ensemble du territoire (cf. infra). À compter de cette date, il sera maintenu au minimum une maison de confiance et de protection de la famille dans chaque département.

Le traitement rapide de la plainte est ainsi indissociable de l’amélioration de l’accueil de la victime, qu’il s’agisse de la priorisation du traitement des plaintes pour les faits les plus graves, par exemple les violences intrafamiliales et sexuelles, ou, à l’inverse, d’une orientation de la plainte vers une médiation pour les incivilités du quotidien qui minent la vie de nos concitoyens.

Les accueils physiques des brigades et des commissariats seront modernisés : la brigade et le commissariat de 2030 ne ressembleront en rien à ceux d’aujourd’hui, ce qui vaut en particulier pour les espaces d’accueil. Un effort conséquent en termes de confidentialité, d’ergonomie et d’accessibilité dans les accueils des brigades et casernes sera réalisé. Mais, au-delà des efforts nécessaires en termes immobiliers, il s’agira de généraliser la prise de rendez-vous en ligne et d’accentuer le déploiement de bornes d’accueil et la diffusion vidéo de contenus pour optimiser les temps d’attente. L’utilisation d’un robot d’accueil va même être expérimentée dans certains territoires. Plus systématiquement qu’aujourd’hui, la pratique dite de l’« usager mystère » (« mystery shopping ») sera développée afin de s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue.

Il faut également que les victimes bénéficient dun suivi de leur affaire : un ensemble de propositions émises par le ministère de la justice permettra d’améliorer l’information de la victime tout au long de sa procédure.

Dans la prise en charge des victimes, une attention particulière sera portée aux enfants, dans le cadre des procédures les impliquant directement, en tant que victimes (violences, notamment sexuelles) ou indirectement (violences intrafamiliales par exemple). Le maillage des salles Mélanie, implantées dans les services de police et de gendarmerie et permettant de faciliter le recueil de la parole de l’enfant dans le respect des obligations légales et réglementaires (enregistrement audiovisuel), doit continuer à se développer sur l’ensemble du territoire, en métropole comme en outre-mer. Ce dispositif de proximité est complémentaire des unités d’accueil pédiatrique des enfants en danger qui permettent une prise en charge globale judiciaire, médicale et médico-légale des enfants pour les situations les plus graves et complexes et dont le développement doit être également soutenu.

Par ailleurs, les brigades de protection des familles de la police nationale et les maisons de protection des familles de la gendarmerie (créées en 2021) doivent poursuivre leur montée en puissance (à la fois en nombre et en effectif) pour une meilleure prise en charge de ce contentieux de masse. Les policiers et gendarmes de ces services spécialisés, mais également les enquêteurs à l’accueil des commissariats et des brigades doivent bénéficier de formations adaptées à ces publics vulnérables. Enfin, des policiers et gendarmes spécialement formés interviendront également en milieu scolaire pour des actions de prévention contre les violences sexuelles et sexistes, le harcèlement (notamment en ligne), les usages numériques à risque, etc.

2.5. Mieux lutter contre les violences intrafamiliales et sexuelles

2.5.1. Les moyens de lutte contre les violences intrafamiliales seront encore renforcés

Grande cause du quinquennat, la lutte contre les violences faites aux femmes demeure un enjeu majeur : sous l’effet notamment de la libération de la parole, les violences intrafamiliales sont devenues un contentieux de masse, qui représente 45 interventions par heure pour les services de police ou de gendarmerie.

La lutte contre ces violences demeure une priorité constante du ministère de l’intérieur : 298 unités spécialisées et maisons de confiance et de protection des familles ont été mises en place et continuent de se déployer (cf. supra) ; les services de police et de gendarmerie comptent 1 973 enquêteurs dédiés et 2 562 référents violences intrafamiliales, désignés à l’été 2021, au sein des commissariats et brigades ; 90 000 policiers et gendarmes, ainsi que la totalité des élèves policiers et gendarmes, ont été formés depuis le Grenelle des violences conjugales.

Les victimes de violences sexuelles et intrafamiliales sont au cœur de la refonte du « parcours victime » et la montée en puissance des moyens se prolongera dans la présente loi d’orientation et de programmation. Le nombre denquêteurs affectés à la lutte contre les violences intrafamiliales au sein des unités spécialisées sera doublé au cours des cinq prochaines années, passant de 2 000 à 4 000 enquêteurs. Une attention particulière sera portée aux femmes en situation de handicap et aux victimes de violences dans les couples de même sexe, notamment dans la formation des agents et l’accompagnement des victimes.

Afin d’apporter un meilleur accompagnement aux victimes partout sur le territoire, un financement pérenne sera prévu pour la création d’au moins 200 postes d’intervenants sociaux supplémentaires en police et gendarmerie, dispositif qui dépend aujourd’hui de financements croisés de l’État et des collectivités territoriales, avec des niveaux d’effort malheureusement disparates selon les territoires. Le ministère de l’intérieur s’engagera en outre dans la voie d’un déploiement généralisé des intervenants sociaux au sein des commissariats de la police nationale et des groupements de la gendarmerie nationale et encouragera pour cela l’établissement de conventions entre l’État, les départements et, le cas échant, les communes concernées relatives à la mise à disposition de travailleurs sociaux aux côtés des forces de l’ordre.

En complément de l’office central pour la répression des violences faites aux personnes, sera créé un office de police judiciaire spécialisé dans la lutte contre les violences faites aux mineurs.

Un fichier de prévention des violences intrafamiliales sera créé afin d’empêcher la réitération de faits de violence, de prendre en compte les signaux de dangerosité et de sécuriser les interventions des policiers et des gendarmes.

Les associations pourront accompagner plus efficacement les femmes victimes de violences, en organisant le dépôt de plainte dans leurs locaux et en signalant les faits dont elles ont connaissance aux forces de lordre.

La plateforme arrêtonslesviolences.gouv.fr doit être une référence en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, et plus particulièrement la plateforme nationale d’aide aux victimes (PNAV). Une campagne de communication à destination du public sera lancée pour développer la visibilité de cet outil et sensibiliser chaque citoyenne et citoyen.

2.5.3. Les violences sexuelles et sexistes seront mieux détectées et plus sévèrement réprimées

Notamment en matière de violences sexuelles, le cadre denquête sera modifié afin de doter les enquêteurs doutils procéduraux plus adaptés à des infractions présentant par nature un caractère de particulière complexité : les techniques spéciales d’enquête et le recours à la garde à vue dérogatoire seront ainsi étendus aux homicides et viols sériels. Cela permettra de doter les enquêteurs d’outils adaptés à la poursuite d’infractions.

En matière d’outrage sexiste et sexuel, la France a été pionnière en pénalisant cette infraction. Mais la persistance de tels faits, notamment dans l’espace public, incite à aggraver cette pénalisation, en qualifiant l’outrage sexiste et sexuel de délit et en prévoyant que l’amende forfaitaire délictuelle lui sera applicable. Il est toutefois nécessaire de poursuivre la lutte contre l’outrage sexiste et sexuel simple. C’est la raison pour laquelle, malgré sa suppression dans cette loi, la contravention de 5e classe d’outrage sexiste et sexuel sera créée par décret. La circulaire d’application du 3 septembre 2018 de la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes était venue préciser que le champ d’application de l’outrage sexiste comprenait aussi l’espace privé tel un espace de travail. Il faut désormais interroger l’extension de ce champ d’application à l’espace numérique, tout en laissant le temps au ministère de l’intérieur d’appréhender cette extension et les moyens qui seront nécessaires à la prise en charge par ses services de l’outrage sexiste et sexuel dans l’espace numérique.

Les effectifs des forces de sécurité intérieure dans les transports en commun seront doublés, en particulier aux horaires où ces agressions sont le plus souvent constatées. En effet les femmes y sont encore trop souvent victimes d’agressions, notamment pendant leurs trajets domicile-travail.

L’opportunité d’accompagner la mise en œuvre du dispositif « Demandez Angela » pourrait être étudiée. À cet effet, des plans de partenariat entre les forces de l’ordre et les acteurs économiques et associatifs locaux pourraient être mis en place. Une campagne de communication à destination du public pourrait être lancée pour développer la visibilité de cet outil et sensibiliser chaque citoyenne et citoyen.

Le ministère de l’intérieur a un rôle clé à jouer dans le renforcement des moyens de lutte contre le gamma hydroxy butyrate, plus communément appelé « drogue du violeur », qui s’utilise généralement par versement dans les verres ou par injection avec une seringue.

La lutte contre les mutilations sexuelles imposées sera également mise au cœur de la lutte contre les violences sexuelles en France.

2.5.3. Renforcer la lutte contre les discriminations

La lutte contre le racisme, l’antisémitisme, la haine anti-LGBT et tout type de discrimination demeure une priorité constante du ministère de l’intérieur.

Depuis 2021, la plateforme d’assistance aux victimes de violences sexistes et sexuelles est étendue aux signalements d’actes discriminatoires et de cyberharcèlement. Des policiers spécialement formés traitent par le biais de messageries instantanées les signalements des internautes et orientent les victimes vers un dépôt de plainte.

Au sein des commissariats et des brigades, une attention particulière est portée à l’accueil des victimes avec la poursuite du déploiement d’un réseau de référents spécialisés sur l’ensemble du territoire national. Les associations sont encouragées à se saisir de la possibilité d’organiser des permanences en vue de faciliter les dépôts de plaintes.

Le ministère poursuit son effort de formation des forces de l’ordre, notamment dans le cadre de la formation initiale des élèves policiers et gendarmes et des plans de formation continue, en partenariat avec les associations de lutte contre les discriminations et la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT. Des ressources sont mises à la disposition des agents pour améliorer la caractérisation et la répression des actes discriminatoires et pour garantir l’exercice des droits des victimes.

Ainsi, dans un souci de meilleure prise en charge des spécificités des victimes, il convient de développer la présence des officiers LGBT+, qui existent déjà à Bordeaux ou à Paris, chargés d’accueillir les plaintes et les déclarations des victimes comportant une circonstance anti-LGBT+. Les officiers de liaison LGBT+ sont en lien permanent avec les victimes et les associations LGBT+. Ils assurent le lien avec les référents LGBT+ dans les commissariats et gendarmeries et peuvent animer des sensibilisations à destination des agents chargés de recevoir les plaintes.

Une attention particulière sera apportée aux recommandations du rapport de la mission de lutte contre les discriminations dans l’action des forces de sécurité intérieure, remis par M. Christian Vigouroux en juillet 2021, et à la mise en œuvre de ces recommandations.

Des enquêteurs spéciaux sont aussi mobilisés dans la lutte contre la haine sur internet et traitent notamment les signalements de contenus à caractère haineux ou discriminatoire sur la plateforme « PHAROS ». Des policiers et des gendarmes spécialement formés interviennent en milieu scolaire pour des actions de prévention des actes discriminatoires et de la haine en ligne, en particulier dans le cadre du « permis internet ».

En matière de prévention interne, un réseau de référents de promotion de l’égalité et de la diversité assure des actions de sensibilisation à destination des agents, dans le cadre des labellisations « égalité professionnelle entre les femmes et les hommes » et « diversité ». Une cellule d’écoute est ouverte à l’ensemble des agents de la police nationale et de la gendarmerie nationale témoins et victimes de discriminations pour orienter, conseiller et faciliter la prise en charge des victimes.

Par ailleurs, le peu de textes du code pénal ciblant exclusivement les actes antireligieux empêche le service statistique ministériel de la sécurité intérieure de produire des statistiques sur ces faits. Celui-ci ne peut fournir qu’une statistique générale sur les actes xénophobes, racistes ou antireligieux dans leur globalité. Les chiffres du renseignement territorial, sur lesquels se fonde la communication gouvernementale, n’intègrent de plus pas les actes antireligieux sur internet. Les atteintes à la laïcité ainsi que les actes antireligieux numériques doivent être traités différemment par les services.

2.6. Sassurer que le ministère de lintérieur ressemble davantage aux Français, notamment à la jeunesse

L’image de nos forces de sécurité est aujourd’hui dégradée auprès des jeunes (La confiance police-population en 2021 : le décrochage des 18-24 ans, Cevipof), quand elles disposent parallèlement d’un très fort soutien parmi les autres classes d’âge. La ressemblance fait partie des leviers qui peuvent permettre de créer la confiance : or, si les agents du ministère de l’intérieur sont relativement jeunes et représentatifs de tous les milieux sociaux, ils ne reflètent pas pour autant la diversité de la population française. Il existe pourtant un chemin pour offrir aux jeunes des quartiers des perspectives de réussite républicaine, via l’incorporation parmi les personnels du ministère de l’intérieur, et expérimenter ainsi une approche inédite afin de le rapprocher de la population.

Il est donc nécessaire de renforcer le lien de confiance entre la police et la population, en particulier dans les quartiers populaires ou qui ont une population jeune. Le ministère doit être lui-même un exemple « d’ascenseur social ».

Cent « classes de reconquête républicaine », destinées prioritairement aux élèves décrocheurs, seront créées dans les quartiers de reconquête républicaine (QRR) et dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) pour préparer aux concours de la fonction publique et du ministère de l’intérieur en particulier (policier, gendarme, pompier, administratif) ou pour inciter les jeunes à s’engager dans les réserves opérationnelles. Dans ce même objectif, un dispositif sera expérimenté dans les territoires ruraux afin de susciter l’ambition scolaire des élèves et de les inciter à intégrer les forces de sécurité intérieure.

Cet effort sera complété par la mise en place d’actions ciblées de recrutement dans les territoires prioritaires, relayées par les préfets à légalité des chances, afin d’encourager les recrutements de policiers adjoints, de gendarmes adjoints volontaires ou de sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires. Les partenariats avec les établissements pour l’insertion dans l’emploi (EPIDE) et les écoles de la deuxième chance seront renforcés. Les partenariats avec les plates-formes d’insertion des conseils départementaux seront développés.

En complément, pour donner toute sa place à la méritocratie, les concours du ministère de lintérieur seront réformés pour neutraliser les biais de recrutement.

Par ailleurs, le ministère de lintérieur amplifiera le plan « 10 000 jeunes » mis en place en 2021, qui a permis de proposer 10 000 stages, apprentissages et alternances à de jeunes actifs. Le fort succès enregistré (95 % de l’objectif sur deux ans atteint en moins d’un an) incite à reconduire et à amplifier le dispositif pour les années à venir. Des modules d’immersion dans les services seront proposés aux élèves de troisième scolarisés dans des établissements en QRR.

Le ministère prendra également toute sa place dans la réinsertion des jeunes délinquants, en fléchant prioritairement ses dispositifs vers des jeunes ayant pu commettre des actes de petite délinquance.

La focalisation trop importante sur les centres éducatifs fermés nuit aux autres solutions plus limitées mais parfois plus efficaces et territorialisées. Les centres éducatifs fermés peuvent être efficaces pour permettre une prise en charge renforcée hors cadre pénitentiaire mais nécessitent une conjonction de facteurs de réussite qui s’avèrent difficiles à réunir. En partenariat avec le ministère de la justice, le ministère de l’intérieur travaillera à la mise en place d’une méthodologie d’évaluation des résultats des mesures mises en œuvre et à la réorientation des moyens prévus pour la création de nouveaux centres éducatifs fermés vers les dispositifs existants plus adaptés aux besoins de terrain.

Au-delà de l’intégration dans les effectifs du ministère de l’intérieur, il s’agit enfin de proposer aux agents du ministère de l’intérieur des perspectives d’évolution en interne ; des cours du soir (« classes Beauvau ») destinés aux agents volontaires seront proposés pour faciliter l’ascension sociale des personnels.

Enfin, l’extension des réserves du ministère de l’intérieur (gendarmerie et police), la consolidation du modèle du volontariat chez les sapeurs-pompiers et la création de la réserve préfectorale devront s’accompagner de la possibilité de servir des « causes » au sein même du ministère (environnement, violences intrafamiliales, etc.), car celles-ci constituent aujourd’hui les principales sources d’engagement de la population française, et singulièrement de sa jeunesse.

Afin d’améliorer l’attractivité des métiers de la police et de la gendarmerie, une grande campagne conjointe de recrutement sera menée sur les cinq années à venir et particulièrement ciblée sur les plus jeunes.

La volonté dattractivité du ministère se matérialise à différents niveaux dâge et de scolarité : parcours d’engagement citoyen au sein de la gendarmerie nationale dès 11 ans ; jeunes réservistes citoyens pour les 18-25 ans ; amélioration du statut des cadets de la République, renommés « apprentis policiers » puisque les candidats pourront bénéficier dès 18 ans de la formation pour préparer le concours de gardien de la paix et verront leur rémunération alignée sur celle des policiers adjoints ; développement de la filière professionnelle « métiers de la sécurité intérieure » dans les lycées, en lien avec l’éducation nationale ; possibilité d’effectuer des missions de soutien, et non uniquement opérationnelles, en tant que réservistes.

Le recrutement initial sera élargi pour rechercher les compétences dont manquent les forces de lordre : profils scientifiques (ingénieurs) et non exclusivement juridiques, titulaires de doctorats ou contractuels aux ressources rares. Dans le cadre de la réforme actuelle de la haute fonction publique, la venue d’autres fonctionnaires par la voie du détachement sur les postes d’encadrement sera facilitée. Des voies d’accès basées sur les acquis de l’expérience seront créées et les concours seront réformés pour intégrer de nouvelles options permettant d’élargir le vivier de recrutement.

2.7. Garantir la transparence et lexemplarité de laction des forces de lordre

Les modes daction des forces de lordre font régulièrement lactualité, avec la montée des enjeux autour des questions de maintien de lordre et lintérêt pour les interventions de police qui « tournent mal ». Parallèlement, la demande sociale d’exemplarité dans le comportement des forces de sécurité s’accroît et s’exprime à travers une revendication d’indépendance et de transparence de la manière dont celles-ci sont contrôlées. Des mesures fortes prises lors du Beauvau de la sécurité sont déjà en cours de mise en œuvre, comme la publication des rapports des inspections, le renforcement de la formation en matière de déontologie des policiers et gendarmes ou encore l’instauration au sein de l’inspection générale de la police nationale (IGPN) d’un comité d’évaluation de la déontologie de la police nationale, incluant des représentants de la société civile.

Afin de garantir la transparence et l’exemplarité de l’action des forces de l’ordre, il s’agira de dissiper tout doute sur la légitimité du travail des inspections, de mieux contrôler l’action des forces de l’ordre en sanctionnant fermement les dérives éventuelles et d’ouvrir davantage le ministère sur l’extérieur pour agir en transparence et combler son déficit d’image.

Collège de déontologie

Un collège de déontologie sera institué auprès du ministre de lintérieur. Il sera composé de quatre professionnels et de trois personnalités extérieures qualifiées, dont un magistrat de l’ordre judiciaire et un universitaire. Il sera présidé par un membre du Conseil d’État, désigné sur proposition du vice-président du Conseil d’État.

Il participera à l’adaptation et à l’actualisation du code de déontologie et prendra en compte l’action des référents déontologues placés auprès du secrétaire général, du chef de l’inspection générale de l’administration, du directeur général de la police nationale, du directeur général de la sécurité intérieure et du directeur général de la gendarmerie nationale. Il conduira des réflexions sur l’éthique et la déontologie dans l’ensemble des domaines de compétence du ministère de l’intérieur et formulera toute proposition de nature à en assurer la promotion. Il rendra des avis et des recommandations sur des dossiers complexes.

Suivi des signalements effectués auprès des inspections générales

Les plateformes de signalements gérées par lIGPN et linspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) seront modernisées afin de favoriser les signalements, notamment en temps réel, et de permettre leur usage en mobilité (sur téléphone portable et tablette). Pour l’IGPN, ces investissements devraient également permettre de disposer d’un outil offrant un meilleur suivi des dossiers soumis. La direction générale de la police nationale (DGPN) et la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) vont par ailleurs se doter d’un outil de suivi des sanctions.

Linspection générale de ladministration sera cosaisie plus fréquemment dans le cadre des missions d’inspection des forces (IGGN et IGPN) afin d’apporter une expertise complémentaire.

Sanctionner sévèrement les fonctionnaires de police et gendarmes condamnés pour certains faits

Les fonctionnaires de police et gendarmes condamnés définitivement à une peine d’emprisonnement pour des faits de violences intrafamiliales, des infractions à la législation sur les stupéfiants ou des faits de racisme ou de discrimination feront l’objet d’une exclusion définitive.

Évaluation des cadres

Lévaluation des cadres de la police nationale sera renforcée par des évaluations dites « à 360° » comme elles se pratiquent pour les emplois préfectoraux via le conseil supérieur de l’appui territorial et de l’évaluation (CSATE).

2.8. Mieux piloter le continuum de sécurité

Les forces de sécurité intérieure ne peuvent couvrir seules efficacement lintégralité du spectre de la délinquance, qui va de lincivilité aux crimes les plus graves. Il existe donc un besoin de partenariats plus poussés aux niveaux local et central, avec l’ensemble des acteurs publics et privés du continuum, tout comme la nécessité de rendre plus lisibles les instances et les outils correspondants, notamment les contrats de sécurité intégrés qui constituent un cadre de pilotage important des politiques de sécurité pour les maires, les préfets et les procureurs de la République.

De nombreuses compétences ont été récemment ouvertes aux polices municipales et aux gardes champêtres dans de précédentes lois (loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés, loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure). Les polices municipales et les gardes champêtres jouent un rôle essentiel, aux côtés des forces de sécurité intérieure, pour la sécurité des citoyens.

Toutefois, une expansion supplémentaire des pouvoirs des polices municipales et des gardes champêtres connaît désormais une limite de nature constitutionnelle.

Pour mieux couvrir l’ensemble du spectre de l’insécurité, en s’appuyant sur des partenaires renforcés et plus mobilisés, l’animation des partenariats se structurera davantage.

Une direction unique des partenariats chargée de lanimation du continuum de sécurité et du pilotage des partenariats avec les polices municipales, les gardes champêtres, la sécurité privée, les professions exposées à des menaces particulières de délinquance, les industriels fournisseurs de moyens et l’ensemble des acteurs qui concourent à la coproduction de sécurité sera créée au ministère de l’intérieur. Elle unifiera, sous l’autorité du ministre de l’intérieur, la politique de l’État en direction de ces acteurs et coordonnera leur action dans le cadre de conventions nationales, dont elle assurera le suivi et l’évaluation en lien avec les échelons locaux, notamment les communes.

Les crédits dédiés au financement d’équipements de sécurité présentent un puissant effet de levier pour accélérer les projets des collectivités en la matière. Ainsi, les crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR) consacrés à la vidéoprotection seront triplés au cours des cinq années à venir et viendront cofinancer les projets portés par les collectivités territoriales, notamment des audits des éventuelles failles de sécurité présentes dans les caméras déjà installées.

2.9. Ouvrir davantage le ministère de lintérieur sur la société

Malgré les rationalisations engagées récemment, la fonction de prospective et danticipation est insuffisamment structurée au sein du ministère de lintérieur, alors que l’anticipation des crises et des enjeux de sécurité et la connaissance de notre environnement donnent pourtant à ces réflexions une importance vitale. En outre, la fonction internationale demeure scindée en deux au sein du ministère de lintérieur, ne permettant pas de tirer suffisamment parti du réseau des attachés de sécurité intérieure (ASI), alors même que les politiques de sécurité ne peuvent se mener aujourd’hui sans considérer le cadre européen et mondial.

Le ministère de lintérieur souvre encore trop peu au monde extérieur, notamment à celui de la recherche, alors que ses ressources pourraient permettre de mieux mesurer le sentiment de sécurité sur le temps long, d’analyser les ressorts de la relation police-population, d’outiller les décideurs publics sur les politiques de sécurité et de mieux tirer toutes les conséquences de ce que peuvent nous apprendre les sciences comportementales. Avoir un temps d’avance sur les criminels, mieux anticiper les crises, donner une dimension plus stratégique à la coopération européenne et internationale sont des objectifs prioritaires des prochaines années.

2.9.1. Unifier le pilotage de laction européenne et internationale au sein du ministère

La présente loi dorientation et de programmation sera loccasion dunifier le pilotage de laction européenne et internationale du ministère au sein d’une direction, la direction des affaires européennes et internationales, notamment pour ce qui concerne la promotion et l’influence françaises, la coordination des activités de coopération non opérationnelles (les activités opérationnelles restant du ressort de la direction de la coopération internationale de sécurité – DCIS – et de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises s’agissant de la sécurité civile), la défense des intérêts industriels français et la recherche de financements européens et internationaux. L’importance toujours croissante des enjeux européens et internationaux pour les politiques exercées par le ministère de l’intérieur commande en effet ce pilotage unifié, qui permettra de mobiliser dans une vision plus stratégique les réseaux du ministère, qu’il s’agisse des experts nationaux détachés ou des attachés de sécurité intérieure.

2.9.2. Ouvrir le ministère sur le monde de la recherche

Les partenariats avec le monde de la recherche sont plus ou moins actifs au sein du ministère. S’ils sont très nourris au sein de la gendarmerie nationale, ils sont conçus d’une manière plus limitée au sein de la police nationale, où ils sont portés par l’École nationale supérieure de police (ENSP), qui dispose de deux structures de recherche. De nouveaux partenariats seront donc développés entre la police nationale et la recherche, sous l’égide de la future académie de police. Afin de mieux organiser la demande de recherche, l’académie disposera d’un conseil scientifique, qui validera les appels à projets, et son numéro 2 sera un chercheur. Le ministère fidélisera un certain nombre de chercheurs autour des thématiques de sécurité, en finançant des travaux de court terme ou de plus long terme et en les cadençant de sorte à pouvoir nourrir la politique publique de leurs résultats. Une politique d’ouverture des données (cf. supra), facteur clé de succès pour multiplier les travaux, sera menée. Les financements du ministère permettront de lancer des projets de recherche et de financer des thèses et des post-doctorants (jusqu’à cinquante).

Le collège des experts de la sécurité civile, largement ouvert au monde universitaire, complétera la capacité d’analyse et de projection dans le temps long du ministère, notamment pour adapter les outils de la résilience collective face aux conséquences des évolutions climatiques.

2.9.3. Structurer la fonction prospective et anticipation

Il s’agit enfin de structurer de manière explicite une véritable fonction prospective et anticipation, qui sera portée par l’Institut des hautes études du ministère de l’intérieur (IHEMI). Pour cela, la priorité sera mise sur les champs de sécurité, la gestion de crise et la résilience, d’une part, sur la société, les institutions et territoires, d’autre part. L’offre de service sera étoffée pour être plus rapidement mobilisable par l’autorité ministérielle. De nouveaux partenariats autour de la prospective seront développés, dans le domaine de la recherche (avec une communauté d’experts de la prospective), mais aussi avec des partenaires privés et la société civile.

2.10. Matériel du quotidien

Pour assurer leurs missions sur le terrain, policiers et gendarmes seront dotés sur la durée de la loi de programmation de matériels performants et modernisés.

Premier acheteur civil de l’État avec près de 4 milliards d’euros de dépenses par an, faisant travailler près de 70 000 fournisseurs, le ministère de l’intérieur se doit d’être exemplaire dans son utilisation de la commande publique. Tous les leviers en sa possession seront ainsi mobilisés afin de mettre en œuvre une politique d’achat responsable et orientée vers les productions françaises, dans le strict respect des règles de la commande publique, afin de conjuguer satisfaction des besoins des services et accessibilité des entreprises françaises : meilleure information des entreprises du tissu local, utilisation des marchés réservés aux structures de l’économie sociale et solidaire, application de clauses sociales et environnementales, allotissement, etc. L’ensemble des matériels seront acquis dans une démarche d’achat responsable à travers la labellisation « relations fournisseurs & achats responsables » (conforme à la norme ISO 20400). Les matériels acquis seront ensuite mieux contrôlés, grâce à la mobilisation du centre de recherche et d’expertise de la logistique (CREL) du ministère de l’intérieur, dont les moyens seront renforcés pour en faire un laboratoire de pointe pour le ministère.

2.10.1. Des véhicules « augmentés »

La modernisation des moyens mobiles des forces de sécurité intérieure a été largement engagée : entre 2017 et 2022, la moitié des véhicules ont été renouvelés. Cet effort se poursuivra durant toute la durée de la présente loi d’orientation et de programmation, avec un objectif de renouvellement annuel de 10 % de la flotte, dans une logique de verdissement de la flotte. Des véhicules supplémentaires seront acquis pour remettre à niveau les services spécialisés en maintien de l’ordre, en intervention et nautiques (renforcement des moyens nautiques et réaménagement de la brigade fluviale de la préfecture de police de Paris).

Les structures de maintenance seront remises à niveau et la maintenance préventive sera développée, grâce à l’analyse des données recueillies dans les véhicules et par des missions mobiles sous forme de « camions-ateliers » qui se rendront directement auprès des forces.

2.10.2. Des tenues modernisées et adaptées

Donnant suite à une demande des policiers et de leurs représentants, la modification de l’habillement des policiers a été actée dans le cadre du « Beauvau de la sécurité ». Plusieurs écoles de mode et de design ont travaillé sur une nouvelle tenue pour la police nationale, composée d’un calot, d’un nouveau polo et d’un nouvel uniforme. Les premières tenues ont été déployées dès le début de l’année 2022 dans les unités. L’habillement et l’équipement de certains effectifs spécialisés de la police feront également l’objet d’un effort budgétaire. Des tenues plus adaptées et protectrices seront attribuées en dotation initiale à certaines unités de la gendarmerie – gendarmes mobiles, peloton de surveillance et d’intervention, brigades territoriales, unités de sécurité routière.

2.10.3. Des matériels renouvelés

Pour le renouvellement des armements et matériels de la police et de la gendarmerie, l’accent sera mis sur certaines catégories de matériel. Les gendarmes seront notamment dotés sur cinq ans de nouvelles armes lourdes, de packs de vision nocturne, de moyens en intervention spécialisée ainsi que d’équipements de protection balistique. Les policiers seront dotés en nouveaux armements (exemple : pistolets à impulsion électriques ou PIE) et en équipements de protection modernisés, en housses tactiques modulaires, en nouveaux matériels d’analyse et de détection (kits pour stupéfiants) et en équipements lourds de police technique et scientifique.

2.10.3. bis (Supprimé

2.10.4. Drones

L’espace aérien est un domaine très réglementé et qui nécessite une grande technicité pour le couvrir efficacement. Les moyens aériens du ministère de l’intérieur (hélicoptères, avions) demeurent incontournables dans les missions de secours à personne, de lutte contre les feux de forêt, de sécurité publique, de lutte contre l’immigration irrégulière et de transport de personnes ou de matériels (cf. 3). Si l’émergence de nouveaux matériels, tels que les drones, fait naître des menaces nouvelles qui nécessitent d’adapter la réponse opérationnelle (lutte anti-drones, cf. 3.), leur utilisation par les forces de sécurité ouvre également de nouvelles opportunités, notamment dans l’appui opérationnel aux missions de sécurité publique et de sécurité civile ainsi que dans le recueil de renseignements (ordre public, surveillance des frontières, etc.).

Un programme d’acquisition de drones sera lancé afin d’équiper les forces de sécurité et de secours. Ces matériels seront adaptés aux missions différentes qu’ils seront amenés à remplir mais feront l’objet d’un achat puis d’une maintenance et d’une formation des pilotes mutualisés entre les différentes forces du ministère – police, gendarmerie, sapeurs-pompiers.

2.11. Une politique immobilière à la hauteur des projets et des besoins quotidiens du réseau

L’immobilier du ministère de l’intérieur représente des millions de mètres carrés de bâti et plus de 20 000 implantations dans toute la France, ce qui en fait un acteur foncier incontournable.

La création dune structure dédiée à la gestion et à lentretien de ce patrimoine constituera une réforme d’ampleur qui répond à un triple objectif de mise à niveau de l’immobilier du ministère, de professionnalisation de la gestion et de qualité dans la durée de l’entretien courant et de la maintenance. Il s’agit également de rendre possible la recherche de recettes nouvelles et innovantes à consacrer à l’immobilier, en déléguant la gestion à un organisme dédié.

Cette structure permettra en outre d’organiser l’atteinte d’objectifs ambitieux de réduction de la consommation d’énergie au sein du ministère de l’intérieur à l’horizon 2030, grâce à une rénovation énergétique d’ampleur.

Cette réforme implique également, et sans attendre, de professionnaliser la fonction immobilière au sein du ministère de lintérieur grâce des outils de gouvernance et à un suivi des ressources humaines (RH) renforcé des agents chargés de ces missions. La professionnalisation implique également de fixer des objectifs de performance aux services de ce ministère en ce qui concerne l’exhaustivité des informations permettant de connaître le parc immobilier.

Il sera nécessaire de déterminer et présenter un tendanciel de dépenses dinvestissement sur les projets immobiliers structurants du ministère de l’intérieur. Cette mesure permettra l’établissement d’une vision d’ensemble des projets majeurs à venir et en assurera le financement à court et moyen termes. Elle favorisera la prévision des dépenses immobilières d’investissement du ministère au profit d’une meilleure programmation et conduite des opérations. Elle intègrera une estimation des dépenses de fonctionnement et des économies induites par ces investissements. Elle permettra de donner un cadre pluriannuel partagé pour les principales opérations immobilières du ministère, favorisant la lisibilité des autorisations annuelles de crédits décidées en lois de finances.

Pour la gendarmerie nationale en particulier, il est indispensable de fournir aux gendarmes et à leurs familles des conditions de logement décentes et conformes aux normes actuelles. À cette fin, un montant annuel de 200 millions d’euros sera affecté à la reconstruction de casernes et aux réhabilitations et restructurations de grande envergure et un montant annuel de 100 millions d’euros aux travaux de maintenance.

Par ailleurs, le ministère continue de programmer la restructuration des ensembles immobiliers de son administration centrale afin de rationaliser les surfaces occupées. L’installation des services « support » du ministère de l’intérieur dans une implantation domaniale dédiée, à l’horizon de la fin de l’année 2026, permettra de mettre fin à un bail coûteux (33 millions d’euros par an actuellement). Il convient également de préparer, d’accompagner et de tirer les conséquences sur le parc central des relocalisations de services hors de l’Île-de-France et des grandes métropoles régionales (1 500 postes concernés). La combinaison de ces deux projets doit permettre d’optimiser les occupations de sites centraux et de concentrer les moyens sur l’entretien du patrimoine, qui restera occupé et densifié.

Le ministère de l’intérieur renforcera son partenariat avec les élus communaux pour proposer aux maires et aux adjoints au maire des formations à la fonction d’officier de police judiciaire.

Le regroupement de lensemble des services centraux de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) sur un site unique constitue également une transformation majeure à l’appui des missions de ce service en matière de lutte contre le terrorisme et de défense des intérêts fondamentaux de la Nation. En dehors d’un gain immédiat d’espace et du renforcement des conditions de sécurité pour les agents, le nouveau site permettra de satisfaire de manière durable les besoins immobiliers de la DGSI, en intégrant les évolutions humaines et techniques à venir.

Focus : des moyens innovants pour protéger les territoires doutre-mer

Les territoires d’outre-mer sont confrontés à des menaces, extérieures et intérieures, à des degrés divers : immigration clandestine, notamment à Mayotte ou en Guyane ; trafics divers, notamment de stupéfiants, à Mayotte, aux Antilles, à La Réunion ou en Guyane ; orpaillage illégal en Guyane ; pêche illicite non déclarée et non réglementée (INN) en Guyane ; enjeux de criminalité et de délinquance dans tous les territoires ultramarins. La présente loi devra permettre d’investir dans des moyens, tant matériels qu’humains, pour faire face à ces menaces.

Pour faire face aux menaces extérieures, l’émergence de « frontières intelligentes » est un enjeu majeur.

Seront ainsi déployés aux frontières des outre-mer de nouveaux outils technologiques pour lutter contre les trafics ou encore l’immigration irrégulière : des bagages X pour mieux lutter contre le trafic de stupéfiants et les flux financiers illégaux ; du matériel d’observation et de surveillance (jumelles à visée nocturne, caméras longue distance) ; des moyens nautiques supplémentaires ; des scanners à conteneurs dans les grands ports maritimes ou des scanners portatifs dans les gares maritimes ; des radars de surveillance, des scanners corporels (adaptés au phénomène des « mules ») et des équipes cynotechniques contribueront à une lutte plus efficace contre le trafic de stupéfiants. Le recours aux drones de surveillance sera développé.

En matière de lutte contre la délinquance, les territoires d’outre-mer bénéficieront de l’augmentation des effectifs de réservistes, des cadets de la police nationale et de la gendarmerie nationale dans les outre-mer, qui correspond à l’objectif de doublement de la présence des policiers et gendarmes sur la voie publique d’ici 2030. En matière de moyens financiers, le triplement des crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR) permettra de soutenir plus massivement l’effort d’équipement des communes pour leur police municipale et en dispositifs de vidéo-protection.

En matière d’ordre public, la création de onze nouvelles unités de forces mobiles renforcera la capacité à projeter des forces localement, mais aussi des matériels adaptés (blindés) pour faire face à des événements d’importance, notamment en matière d’ordre public.

3. Mieux prévenir les menaces et les crises futures

La loi d’orientation et de programmation dote les forces d’un cadre juridique et des outils numériques qui leur permettent de se concentrer sur l’essentiel de leurs missions, avec une fonction investigation revalorisée pour apporter des réponses plus rapides à nos concitoyens victimes et pour sanctionner plus efficacement les délinquants, grâce à la création d’assistants d’enquête de police et gendarmerie, à des moyens mis sur l’aboutissement d’une procédure numérique et à la remise à niveau des équipements de la police technique et scientifique.

Affronter les crises à venir oblige à informer nos concitoyens sur les risques et les moyens d’y faire face et à développer leur culture du risque. Il s’agit aussi de replacer le ministère de l’intérieur comme l’organisateur incontournable de la gestion de crise au sein d’une cellule interministérielle de crise (CIC) « augmentée ». S’agissant des moyens, l’ambition consiste à remettre à niveau les capacités (« plan COD », pacte capacitaire des services d’incendie et de secours prenant en compte une meilleure répartition des moyens proportionnés aux risques par un maillage territorial et des capacités équilibrés, communication de proximité par les préfectures, logistique de crise), renforcer les moyens nationaux (flotte aérienne, réseau radio du futur, formations militaires de la sécurité civile, service du déminage) et revaloriser le volontariat via la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance (NPFR) des sapeurs-pompiers volontaires, se doter des cadres juridiques et technologiques permettant de faire face aux grands événements à venir (coupe du monde de rugby et jeux olympiques) et renforcer notre réponse opérationnelle aux subversions violentes par la création d’unités très mobiles rapidement projetables en tout point du territoire.

Pour atteindre ces objectifs, les outils de formation des forces, comme annoncé dans le cadre du « Beauvau de la sécurité », seront remis à niveau : augmenter la formation initiale, la renforcer sur le volet judiciaire, augmenter le temps de formation continue, créer une véritable académie de police. Mais également accompagner les policiers et gendarmes, pour mieux tenir compte de la difficulté des conditions d’exercice du métier, et renforcer l’attractivité et les réseaux de soutien. Tirant le constat du nouveau contrat opérationnel auquel sont confrontés les sapeurs-pompiers comme principaux acteurs de la sécurité civile, la modernisation nécessaire de l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers sera engagée.

3.1. Pour faire face à la délinquance du quotidien, renforcer la fonction investigation

La réponse pénale constitue une attente forte des Français. Or la qualité des enquêtes incombe aux agents du ministère de l’intérieur. La filière investigation connaît par ailleurs une forte désaffection malgré un besoin croissant, en particulier dans la police : le nombre d’officiers de police judiciaire (OPJ) en police en poste aujourd’hui est de 17 000 contre un besoin estimé à 22 000 exerçants. Cette désaffectation s’explique notamment par la complexification de la procédure pénale, la crainte d’une mise en cause personnelle en cas de défaillance sur une procédure médiatique, etc. Des premières réponses ont été apportées pour rendre la filière plus attractive : les OPJ bénéficieront d’une accélération de carrière ; la prime qui leur est versée a été revalorisée de 20 % (de 1 080 euros à 1 296 euros par an) et elle sera réservée à compter de décembre 2022 à ceux qui sont sur un poste d’OPJ exerçant pour en renforcer l’incitation. La simplification de la procédure pénale reste un enjeu majeur pour l’attractivité et la performance de la filière investigation judiciaire. Alors que tous les acteurs de la chaîne pénale font le constat commun d’une crise de la filière judiciaire qui doit faire face non seulement à une judiciarisation et à des contentieux de masse croissants, mais aussi à une attente légitime de célérité et de qualité, et dans l’objectif de démultiplier le nombre dOPJ sur le terrain, pour traiter mieux et plus rapidement les procédures, il nous faut mieux former, simplifier la procédure pénale et concentrer le temps des policiers et des gendarmes sur le cœur du métier dinvestigation.

3.1.1. Former plus dofficiers de police judiciaire (OPJ)

Lensemble des nouveaux policiers et gendarmes seront formés aux fonctions dOPJ, en intégrant un socle commun à la formation initiale et en prévoyant le passage de lexamen à lissue de la scolarité et de la période de stage (et non plus après trois ans). L’objectif est de disposer de 2 800 OPJ en 2023 – année de mise en place du nouveau dispositif – contre 1 200 en 2021. Cette formation élèvera le niveau juridique de l’ensemble des nouveaux policiers et gendarmes et valorisera ces fonctions, qui souffrent aujourd’hui d’un déficit d’image.

Pour cela, l’article 16 du code de procédure pénale évoluera de sorte à permettre aux jeunes policiers et gendarmes sortant d’école et ayant achevé leurs stages de passer immédiatement l’examen d’OPJ, sans attendre les trois années d’exercice prévues actuellement.

Enfin, le recours à la réserve opérationnelle sera également utilisé pour les services d’enquête avec les OPJ retraités.

3.1.2. Alléger le formalisme procédural et simplifier la procédure pénale

Le développement des logiciels de retranscription (de type speech to text) permettra d’alléger le formalisme écrit de la procédure pénale et ainsi opérer un gain de temps sur la retranscription d’actes tels que constatations, perquisitions, exploitations vidéo.

Le recours à la télécommunication audiovisuelle mérite d’être développé pour certains actes d’enquête, dont les auditions des victimes majeures dans des dossiers ciblés (atteintes aux personnes exclues), avec pour double objectif d’offrir un accueil numérique personnalisé rapide à la victime et de permettre un gain de temps au profit des actes d’investigation. Plusieurs articles du code de procédure pénale doivent donc être modifiés.

Par parallélisme avec ce qui se pratique pour les élèves officiers de la police et les élèves commissaires, la qualité d’agent de police judiciaire sera attribuée aux élèves officiers de la gendarmerie nationale durant leur scolarité en formation initiale afin qu’ils puissent être en posture active durant leurs stages en unité territoriale. Les prérogatives des agents de police judiciaire seront par ailleurs renforcées afin qu’ils puissent mieux concourir aux investigations conduites par les officiers de police judiciaire, sous le contrôle de ces derniers.

Des assistants denquête de police et de gendarmerie seront créés afin de recentrer les OPJ sur leur cœur de métier. Au total, sur dix ans, 3 273 assistants d’enquête pour la gendarmerie et 4 387 pour la police, avec pour objectif d’absorber 50 % du temps d’OPJ consacré à la procédure. Ces assistants d’enquête (qui ne seront pas un corps nouveau mais des agents de catégorie B habilités devant l’autorité judiciaire) assureront les tâches administratives liées aux investigations : ils pourront consulter les fichiers de police, réaliser les « avis » (avis avocat, avis famille, avis consulat, etc.), effectuer des convocations, rédiger certains actes comme des réquisitions auprès des opérateurs téléphoniques, sous le contrôle des OPJ et APJ. Pour ces missions, des articles du code de procédure pénale seront modifiés. D’autres missions leur seront confiées sans habilitation judiciaire particulière : gestion administrative et orientation des dossiers, gestion administrative du déroulé des gardes à vue, gestion des scellés, traitement des procédures « étrangers » avec les préfectures, etc. Pour les besoins de leurs différentes tâches, les assistants d’enquête pourront être mobilisés en dehors des heures habituelles de bureau. À cette fin, ils pourront effectuer des heures supplémentaires et des prises de service en horaires décalés.

Afin d’en simplifier la consultation et de faciliter les recherches simultanées dans les différents systèmes d’information, le ministère de l’intérieur engagera une réflexion sur la possibilité technique et juridique d’interconnecter les fichiers mis à la disposition des forces de sécurité, en particulier le fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ), le fichier national des empreintes génétiques (FNAEG) et le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED).

En complément, les moyens de la police technique et scientifique (PTS) sont renforcés : développer les outils permettant d’intégrer immédiatement des éléments de procédure en mobilité, moderniser les laboratoires (industrialisation des process analytiques simples, renouvellement permanent du parc analytique « industriel » à hauteur de 10 % par an, sanctuarisation du projet SMARTLAB 2022), adopter une démarche de système de management de la qualité et créer un nouveau laboratoire de police scientifique.

Les amendes forfaitaires délictuelles (AFD) sont étendues. Des travaux sont en cours pour qu’en cas de non-paiement de l’amende, en sus des méthodes de recouvrement aujourd’hui mises en œuvre, le ministère des comptes publics puisse saisir les sommes dues sur les revenus des personnes concernées.

Pour accompagner ces dispositions législatives, des moyens nouveaux pour lAgence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI) sont nécessaires afin de déployer sur les cinq années ces nouvelles amendes.

D’autres mesures de simplification, plus techniques, sont nécessaires pour rendre plus efficace le travail des OPJ au quotidien :

– supprimer la réquisition des services de police technique et scientifique par les services de la police nationale ;

– créer une disposition légale prévoyant la présomption d’habilitation des agents à accéder aux fichiers de police ;

– appliquer les techniques spéciales d’enquête au délit d’abus de faiblesse en bande organisée, afin de faciliter le travail des enquêteurs dans la lutte contre les dérives sectaires ;

– recourir aux techniques spéciales d’enquête pour les fugitifs recherchés pour des faits de criminalité organisée ;

– étendre les autorisations générales de réquisitions ;

– étendre la liste des actes que les enquêteurs sont autorisés à accomplir, avec l’autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, lors des enquêtes sous pseudonyme.

Enfin, pour simplifier le travail des enquêteurs, les cadres denquête seront repensés, en lien avec le ministère de la justice.

Mieux intégrer le fonctionnement police-justice

Alors que la suppression du rappel à la loi par OPJ a été votée dans la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire et que nous devons relever le défi de son efficace remplacement par des mesures alternatives, en particulier par l’avertissement pénal probatoire par le procureur ou son délégué créé par cette même loi, il nous apparaîtrait particulièrement cohérent et efficace de positionner des délégués du procureur dans les commissariats et les gendarmeries, gage de célérité et de crédibilité de la réponse pénale aux incivilités du quotidien.

Il s’agit également de permettre de rapprocher le travail concret des magistrats et des forces de sécurité intérieure. Grâce à une expérimentation en cours en 2022, des délégués du procureur ont commencé à se rendre dans plusieurs commissariats. Ce travail conjoint de délégués du procureur mais aussi de magistrats en commissariat permettra d’apporter des réponses pénales plus rapides et de construire un partenariat plus étroit sur certains types de faits et délits.

Enfin, la modernisation et la transformation de l’organisation de la police judiciaire sont engagées avec notamment la création de l’Office anti-stupéfiants (OFAST) le 1er janvier 2020, adossé à un plan national de lutte contre les stupéfiants. Afin de continuer à conforter la plus-value apportée par les offices, il s’agit désormais de renforcer leur coordination ainsi que leur dimensionnement.

3.2. Nous armer face aux crises de demain, hybrides et interministérielles

Les crises auxquelles nous ferons face dans les prochaines années seront de plus en plus inattendues (cyberattaques, perte d’alimentation électrique, crises majeures simultanées) et hybrides ; elles n’entreront plus dans les « cases » de la sécurité civile, de l’ordre public, etc. En particulier, la dépendance aux réseaux et aux nouvelles technologies renforce notre vulnérabilité collective. D’autre part, le réchauffement climatique va multiplier les risques pour nos concitoyens ; les attentes de nos concitoyens concernant la prévision et la gestion de ces risques vont donc légitimement croître. Demain, nous devrons mieux anticiper les menaces et les crises ; mieux informer et préparer nos concitoyens, pour renforcer la culture du risque ; mieux protéger les Français des risques naturels, technologiques ou encore des attaques malveillantes.

3.2.1. Anticiper et prévenir les risques

Afin de permettre au ministère de l’intérieur chargé de la gestion des crises de mieux piloter le « continuum de la sécurité » (civile ou publique) et d’influer sur les moyens d’agir en amont, dans l’objectif de réduire les risques à la source, l’anticipation des crises doit être étendue à l’ensemble des politiques de prévention face aux risques majeurs. Des mesures concrètes seront prises pour faire face à la crise climatique, face à laquelle les forces de l’ordre ont un rôle à jouer, notamment en renforçant leurs actions de prévention, de contrôle et de répression des atteintes à l’environnement, en augmentant leurs moyens financiers et effectifs dédiés et en assurant une formation et sensibilisation transversales de toutes les forces de police sur ce sujet et ses enjeux.

Pour ce faire, sera institutionnalisé un collège technique coprésidé par le ministère chargé de la gestion des crises et par le ministère chargé de la prévention des risques, sous l’égide du SGDSN et composé de représentants des ministères chargés de l’agriculture, de l’alimentation, de l’urbanisme, de l’environnement, de l’énergie et des transports, pour conduire les travaux d’étude d’impact en matière de gestion des crises sur les risques majeurs : réduction de la vulnérabilité, définition des dispositifs collectifs de protection, analyse de l’après-crise permettant d’identifier les conditions de la diminution du risque pour l’avenir dont le retour d’expérience permet de tirer les leçons d’une action et d’affiner la connaissance des phénomènes.

Une coopération plus structurée entre le ministère de l’intérieur, les opérateurs de l’État ayant un rôle dans la prévision des événements majeurs et les collectivités territoriales constitue également un axe de modernisation de la politique publique de la gestion des crises.

3.2.2. Bâtir un centre interministériel de crise 2.0

Le ministre de l’intérieur est le ministre de la gestion des crises sur le territoire national. Conformément à la circulaire du Premier ministre n° 6095/SG du 1er juillet 2019 relative à l’organisation gouvernementale pour la gestion des crises majeures, le Premier ministre s’appuie sur un dispositif gouvernemental dénommé « cellule interministérielle de crise » (CIC) et confie en principe la conduite opérationnelle de la crise au ministre de l’intérieur lorsque la crise a lieu sur le territoire national.

Pour appuyer la gestion de crise, un nouveau centre interministériel de crise devra être créé, plus grand, mieux équipé, avec une salle de situation intégrant l’ensemble des forces, armée en continu, et être doté d’un directeur permanent du centre de crise. Le directeur du centre de crise aura pour mission, lorsque la CIC n’est pas activée, de planifier, de recruter et de former les volontaires des ministères qui armeront les salles, de développer un outil intégré de gestion de crise des préfectures jusqu’à la CIC, d’organiser un pilotage des crises par la donnée. En appui, le développement d’outils et de réseaux à la pointe de la technologie, permettant des communications fluides entre ministères ainsi qu’avec les préfectures, nécessite des investissements continus et le développement d’applicatifs intégrés de gestion de crise, permettant d’associer tous les décideurs et de fournir une vision agglomérée des différents outils existants. Placé dans un bâtiment ad hoc, il doit comprendre les services qui y concourent dans leur diversité et pouvoir basculer en mode de gestion de crise à tout moment.

La CIC doit en conséquence être dotée d’un état-major permanent auquel s’adossent les états-majors de toutes les forces de sécurité intérieure. Cette nouvelle posture nécessite la construction de la CIC de demain, plus grande, plus connectée, plus résiliente, conçue avec le SGDSN à la suite d’un travail interministériel et dotée d’un outil intégré de gestion des crises allant du poste communal de sauvegarde (PCS) des communes jusqu’à la CIC en passant par les centres opérationnels départementaux (COD) et de zone (COZ). Ce service de la direction des crises devra rassembler tous les états-majors de toutes les directions générales du ministère de l’intérieur et être localisé place Beauvau.

La gestion des crises de demain implique le recours accru à l’intelligence artificielle et aux outils numériques d’aide à la décision pour exploiter la multitude de données numériques collectées auprès de toutes les forces de sécurité intérieure (FSI), des périmètres ministériels, des opérateurs privés et des réseaux sociaux. Cette approche intégrée de la gestion des données reste compatible avec le maintien d’une organisation en métiers des forces de sécurité intérieure, opérateurs et périmètres ministériels.

3.2.3. Professionnaliser et consolider la chaîne de la gestion des crises

La complexité des interactions, l’augmentation des menaces sur les systèmes d’information, les nouveaux risques liés au dérèglement climatique font craindre l’apparition de nouvelles crises plus graves, plus fréquentes, plus multiples et donc plus incertaines. Notre incapacité à y répondre de façon suffisamment efficace serait également facteur d’aggravation par l’enchaînement des phénomènes, la survenue de « crises dans la crise », menaçant l’ordre public et sapant l’autorité des pouvoirs publics. Cette situation serait alors susceptible de créer une crise de confiance du citoyen envers l’autorité chargée de le protéger, entraînant le pays dans une crise démocratique aux conséquences incontrôlables.

Est ainsi à redouter la conjonction de phénomènes pouvant engendrer des crises plus graves, plus soudaines, plus complexes et plus systémiques nécessitant d’adapter la réponse des pouvoirs publics.

Cette aggravation des crises, dans leur intensité comme dans leur fréquence, nécessite l’adaptation de nos organisations existantes, en lien avec le SGDSN, autour de plusieurs principes d’action :

– clarifier et renforcer les pouvoirs du préfet en cas de crise :

Acte positif du préfet de zone, décidé en anticipation ou en réaction à un phénomène d’une particulière gravité et affectant la sécurité des populations, l’autorisation donnée au représentant de l’État dans le département lui permet d’affirmer immédiatement l’unité de commandement sur l’ensemble des services et établissements publics de l’État, et d’éviter la gestion de crises en silo, pour les affaires directement liées à la crise.

– piloter les crises par la donnée :

Le pilotage de la crise par la donnée pourra également impliquer l’interopérabilité des données issues du maintien de l’ordre public, de la prévention des risques, des canaux d’alertes des différents ministères et opérateurs publics et privés et des informations provenant des réseaux sociaux.

– mettre à disposition de la CIC une plateforme de services assurés par le ministère de l’intérieur :

Ces services reposeraient sur une logistique de crise (chaîne interministérielle cohérente de logistique de crise avec stockage stratégique, manœuvre de ventilation sur le territoire national, distribution « au dernier kilomètre » permettant d’atteindre tous les citoyens) ; la communication de crise, en lien étroit avec le service d’information du gouvernement (SIG) ; les outils numériques de la gestion des crises pilotés par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) ainsi que la direction du numérique ; la formation des cadres dirigeants à la gestion des crises ; l’information du public en situation de phénomène majeur à travers la cellule interministérielle d’information du public et d’aide aux victimes (INFOPUBLIC) installée pour le compte du Premier ministre place Beauvau et qui relève de la DGSCGC pour sa gestion et son animation, avec l’appui du secrétariat général du ministère de l’intérieur pour les fonctions support.

3.2.4. Renforcer les préfets dans la gestion des crises

À la lumière des crises récentes, où l’autorité préfectorale a été en première ligne du fait de son expertise des situations exceptionnelles rencontrées, de sa capacité à incarner l’unité de l’action de l’État et du lien opérationnel avec les collectivités territoriales, il importe de renforcer le pilotage de la gestion des crises autour des préfets dans les territoires pour assurer une coordination pleine et entière de la gestion de crise : mise en sécurité des biens et des personnes, organisation des moyens de secours, fonctionnement des institutions et continuité des services publics, préservation de l’environnement.

Pouvoirs des préfets

En l’état, les dispositions relatives aux pouvoirs des préfets en période de crise dans l’ordonnancement juridique actuel sont peu mobilisées ou diversement interprétées. Une disposition générale au sein du code de la sécurité intérieure prévoit une autorité élargie du préfet sur l’ensemble des services déconcentrés des administrations civiles de l’État et établissements publics de l’État ayant un champ d’action territorial.

Rénovation des centres opérationnels départementaux (COD) des préfectures

Le centre opérationnel départemental (COD) constitue l’équipement immobilier support de référence pour la gestion locale de crise. Compte tenu de la vétusté de nombreux centres de crise départementaux et de leur inadaptation physique et technologique, une rénovation complète de l’ensemble des centres opérationnels départementaux de préfecture permettra de disposer de tous les atouts pour faire face à des situations de crise de toute nature. Cette mise à niveau implique des travaux de rénovation de grande ampleur (avec le cas échéant des relocalisations) ou des travaux d’équipement. D’après une enquête réalisée au second trimestre de l’année 2021, plus d’une cinquantaine de départements sont concernés, à des degrés divers. Les départements accueillant des épreuves des jeux olympiques seront traités en priorité. Le coût moyen de rénovation d’un COD est estimé à 400 000 euros. La DGSCGC assurera une prestation de conseil sur les équipements et les outils.

Renforcer les services communication des préfets

La diffusion d’informations, fondées ou non, est devenue instantanée avec le développement des réseaux sociaux. Les analyses développées par les décideurs, les décisions prises, voire les moyens déployés sont immédiatement discutés et critiqués. Il convient donc d’être en mesure d’apporter une parole à la fois rapide et d’un haut niveau de technicité et pour cela :

– renforcer les services de communication des préfectures ;

– attirer des experts de la communication à même d’assurer le porte-parolat du préfet, doter les services d’un budget propre et d’un bon niveau d’équipement technique ;

– renforcer drastiquement le plan de formation et le rendre obligatoire pour les préfets, les sous-préfets, les chargés de communication et les cadres du cabinet ou d’astreinte : prise en main et veille des réseaux sociaux, réflexes durant les astreintes, attitude à tenir en situation de crise.

Colonnes de renfort préfectorales

Pour bénéficier d’un appui immédiat dans la gestion de crises, des colonnes de renfort pourront être envoyées en préfecture, composées de différentes compétences en fonction des besoins : veille et communication, logistique, réserve préfectorale. Composée d’agents expérimentés (préfets et sous-préfets en retraite) et de cadres de l’administration territoriale de l’État volontaires, cette réserve préfectorale permet de préserver la réactivité d’équipes préfectorales par un renfort temporaire et de progresser de front sur plusieurs thématiques distinctes ou complémentaires dans une phase sensible.

3.2.5. Penser la gestion de laprès-crise

Au-delà de la protection des personnes et des biens, le ministère de l’intérieur se doit d’être présent sur l’ensemble du continuum de la crise et de gérer les suites immédiates de l’événement pour accélérer le retour à la normale. La prise en charge des situations immédiatement « post crise » a pour objectif le rétablissement des fonctions fondamentales pour les territoires (circulation, réseaux, etc.) et l’acheminement de moyens de première nécessité pour rétablir la situation (moyens zonaux et nationaux, chaîne logistique). À ce stade de la gestion de crise, le ministère de l’intérieur devra toujours disposer de la capacité d’agréger l’ensemble des compétences et des expertises. Il doit, au niveau des moyens nationaux, étendre la panoplie des outils et réponses à disposition pouvant être projetés (gestion des plans de secours, tentes, groupes électrogènes, moyens aériens renforcés, bâches, hôpital de campagne, engins de travaux publics, etc.).

Dans le droit fil de la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dite loi Matras (qui conçoit le préfet comme directeur des opérations et non uniquement directeur des opérations de secours), les préfets disposeront de moyens opérationnels et pourront recourir aux personnels d’administrations (y compris agences, opérateurs et services qui ne sont pas en temps normal sous l’autorité du préfet, hors armée) et d’entreprises privées grâce au pouvoir de réquisition à leur disposition.

Des modalités de préfinancement par des fonds ad hoc de l’État, plus souples en première instance, seront proposées. La création d’un fonds de concours permanent, doté de fonds de l’État ou d’opérateurs d’assurances, pourrait être étudiée à cet effet pour assurer le paiement des prestations aux entreprises réquisitionnées, les premiers secours aux sinistrés ou le financement exceptionnel des moyens de l’État.

3.2.6. Développer la culture du risque chez nos concitoyens

Trop souvent le citoyen n’a pas connaissance du champ et de la nature des mesures de prévention et d’anticipation ou le rôle des autorités intervenantes. Or, « toute personne concourt par son comportement à la sécurité civile » (article L. 721-1 du code de la sécurité intérieure). Pour donner corps à ce principe, l’information sur les risques sera renforcée par une politique d’exercices réguliers, associant non seulement les élus locaux mais aussi, au maximum, la population. Le développement d’un citoyen acteur de sa mise en sécurité et de la protection d’autrui se comprend dans la complémentarité d’un volet de formation à la prévention des risques et aux comportements en cas d’événement et d’un volet d’une journée nationale de sensibilisation et de prise de conscience collective des enjeux. Ces deux volets doivent à terme permettre une gestion plus efficace de la crise par des comportements adaptés de la population.

Afin de renforcer cette culture de la prévention, conformément à la stratégie nationale de résilience, une « journée nationale » dédiée aux risques majeurs et aux gestes qui sauvent, sur le modèle déjà pratiqué au Japon, sera instaurée chaque année. L’ensemble de la population participera ainsi à un exercice grandeur nature de prévention d’une catastrophe naturelle ou technologique d’ampleur. Cette démarche va de pair avec une information sur les postures à adopter en cas de crise et les gestes qui sauvent, pour toute la population sans exception et dans tous les milieux (scolaire, professionnel, médico-social). Tous les jeunes et tous les actifs devront être formés aux gestes de premier secours en dix ans, avec une formation continue tout au long de la vie pour conserver les bons réflexes.

Les actions d’information prévues dans les administrations publiques, les établissements et entreprises privés ou les établissements d’enseignement intégreront notamment des exercices et seront organisées, dans toute la mesure du possible, à la date de la journée annuelle de la résilience prévue le 13 octobre.

Au-delà de cette information, il s’agira de renforcer le volontariat dans les associations agréées de sécurité civile, chez les sapeurs-pompiers et au travers des réserves communales de sécurité civile en multipliant les initiatives et les appels aux volontaires, grâce notamment au « brevet de secourisme » destiné aux jeunes et aux actifs.

Le déploiement du réseau FR-Alert, totalement opérationnel fin 2022, permet aussi de doter le ministère de l’intérieur d’un outil puissant de gestion de crise, qui viendra porter à haut niveau les moyens dont disposent les préfets pour alerter, informer et protéger les populations. FR-Alert représente une des ruptures technologiques majeures en matière de gestion et de communication de crise. Désormais, sans intermédiaire, la puissance publique peut s’adresser immédiatement et directement aux citoyens.

3.2.7. Renouveler la flotte dhélicoptères, compléter la flotte aérienne pour plus de polyvalence

Le ministère de l’intérieur dispose de moyens aériens indispensables à la conduite de ses missions du quotidien et de l’exceptionnel. Il renforcera la cohérence de ces flottes ministérielles et le niveau de mutualisation. Cette mutualisation sera permise par une plus grande cohérence des gammes des machines achetées s’agissant des hélicoptères et devra viser une maintenance complètement mutualisée, des formations communes et une meilleure prise en compte des enjeux de sécurité aérienne. Un comité stratégique des moyens aériens permettra de traiter de manière transverse ces sujets et de s’assurer de la polyvalence des nouveaux achats envisagés. L’efficacité de ce comité sera évaluée à mi-LOPMI pour évaluer la nécessité de pousser plus loin la mutualisation des dispositifs.

S’agissant des moyens héliportés, le renouvellement des flottes sera conduit dans le respect des missions de sécurité civile, d’une part, et de sécurité publique, d’autre part, mais avec l’objectif d’une convergence des nouvelles machines, socle de l’interopérabilité et de la maintenance commune des flottes du ministère. Ainsi, les hélicoptères vieillissants des flottes du ministère seront remplacés dans les cinq prochaines années et au-delà, ce qui représente un effort d’investissement considérable (36 machines en cinq ans). Ils seront complétés par les dix hélicoptères de transports lourds (H 160), dont la livraison s’échelonnera jusqu’en 2026, destinés au transport des unités d’intervention spécialisées des forces de sécurité intérieure.

S’agissant des avions, la cible de la flotte d’avions bombardiers d’eau de type CL515 « Canadair » se situe à 16 appareils. Ainsi, l’achat et le renouvellement de la flotte des 12 avions CL415 « Canadair » par 16 avions bombardiers d’eau amphibie (ABE) du même type doivent être programmés pour faire face à ces enjeux. Parmi ces 16 ABE, 2 seront financés à 100 % dans le cadre du programme RescUE pour la création d’une flotte européenne. L’augmentation de la flotte par l’acquisition de 4 aéronefs supplémentaires devra s’accompagner de la création de postes de pilotes et copilotes constituant les équipages et d’un travail de fond sur les conditions d’exercice de ce métier et sur l’attractivité des postes au sein de la sécurité civile. Ainsi douze postes de personnels navigants devront être créés pour accompagner la mesure.

3.2.8. Bâtir le hub européen de sécurité civile à Nîmes

Parallèlement, alors que le réchauffement climatique accroît l’intensité du risque de feu de forêt et l’élargit à de nombreux territoires européens, il convient désormais d’envisager la flotte d’avions comme un outil à vocation nationale et le fer de lance d’une réponse européenne. L’Europe de la sécurité civile est une réalité opérationnelle. La France a montré son volontarisme et sa compétence en la matière. Ainsi, dans le cadre du mécanisme européen de protection civile, la France arme 18 des 118 modules européens. Être à la fois capable d’aller porter assistance et de recevoir, le cas échéant, une assistance de nos voisins européens constituait un défi désormais relevé. Mais l’approfondissement de ce mécanisme, auquel la DGSCGC continuera d’apporter toute son énergie, est un impératif face à l’intensification des crises, à leur multiplication et à leur caractère transfrontalier.

Ainsi, la base aérienne de Nîmes-Garons doit changer de dimension et devenir un pôle européen de sécurité civile. Dans ce cadre, elle peut devenir un véritable hub de sécurité civile permettant de rassembler, en un seul lieu, une partie des moyens existants et d’ériger un pôle de référence agrégeant les différentes fonctions aériennes et logistiques. À terme, Nîmes-Garons pourrait ainsi :

– accueillir les avions et le groupement hélicoptères de la DGSCGC ;

– héberger une part des réserves nationales ;

– regrouper l’ESCRIM (élément de sécurité civile rapide d’intervention médicalisée) actuellement basé au sein de l’unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile de Brignoles (UIISC 7) et du SDIS du Gard, en lien avec la métropole de Nîmes ;

– accueillir, à terme, une unité militaire de la sécurité civile ;

– agréger, dans une logique de cluster économique, des entreprises et des start-ups innovantes dans le domaine de la sécurité civile.

Cette « centralité nîmoise » viendra consolider un réseau territorial adossé à la fois à des bases hélicoptères permanentes rénovées et des pélicandromes capables, sur tout le territoire national et en tant que de besoin, de soutenir la projection des moyens de lutte contre les feux d’espaces naturels sur l’ensemble du territoire. Le volet européen, prioritairement orienté sur la lutte contre les feux de forêt, doit déboucher sur l’obtention d’importants crédits européens dans cette perspective. Des études de faisabilité devront être réalisées en ce sens.

3.2.9. Prépositionner des moyens outre-mer

Ce souci de cohérence territoriale, pour que chaque Français puisse être effectivement protégé, impose de positionner l’État comme le garant de la protection civile des territoires ultramarins. Les outre-mer constituent en effet un point de focalisation opérationnelle particulier en raison de leur exposition à des risques spécifiques (cyclones), à des risques extrêmes (sismique) et à d’importants défis logistiques. La question du pré-positionnement des moyens de la réserve nationale, sur la plaque Antilles-Guyane comme dans l’océan Indien, doit permettre aux autorités locales, en cas de crise majeure, de disposer des moyens de première réponse avant l’arrivée de secours nationaux ou internationaux (cf. focus ci-après).

Préparer cette réponse en identifiant les risques et en planifiant les procédures, prépositionner du matériel et des hommes, anticiper la projection de moyens de secours massifs en cas de catastrophes sont parmi les priorités de la DGSCGC pour les territoires ultramarins.

Les moyens zonaux, rattachés à d’autres ministères, pourraient aussi être formés et mobilisés en cas d’événement extrême, tels que les effectifs du ministère des armées. Dans le cas d’aléas qui affecteraient les sites de positionnement de moyens nationaux (de la sécurité civile ou d’autres acteurs français de la sécurité-défense), le stationnement temporaire de ces contingents sur des territoires localisés dans la région, français ou sous souveraineté d’autres États, pourrait apparaître comme une solution. Cette disposition entraînerait la signature d’accords bilatéraux ou multilatéraux et impliquerait des dynamiques interministérielles (ministère de l’intérieur, ministère de l’Europe et des affaires étrangères et ministère des armées).

3.2.10. Cofinancer les pactes capacitaires des SDIS

La qualité de la couverture territoriale de la sécurité civile passe par l’affirmation du pacte capacitaire et l’enracinement des états-majors interministériels de zone qui permettront à l’État, en concertation avec les collectivités territoriales, d’impulser une stratégie de rationalisation, de mutualisation et d’interopérabilité efficiente entre services nationaux et services d’incendie et de secours, dotés de moyens homogènes adaptés aux risques des territoires. La démarche de renforcement et de redéploiement des moyens pour les forces de secours prévue par la présente loi de programmation prendra en compte les spécificités insulaires et ultramarines.

Dans cet objectif, il conviendra, à la lumière du retour d’expérience des événements climatiques extrêmes de l’année 2022, d’encourager la réouverture, si nécessaire, de centres de secours là où le risque a évolué et de créer des centres de première intervention dotés d’une réponse de proximité spécifique dans les massifs exposés au risque de feux de forêts et d’espaces naturels.

De même, s’agissant d’un service public essentiel, l’inscription dans la loi de la subordination de toute fermeture d’un centre d’incendie et de secours à la consultation préalable du maire de la commune siège sera envisagée.

Le pacte capacitaire sera l’outil pour couvrir l’ensemble des départements, quelle que soit la surface de leur SDIS, avec des moyens technologiques optimisés, armés par des personnels formés et entraînés. Articulée autour des états-majors interministériels de zone consolidés, coordonnée par des systèmes d’information performants, la réponse de sécurité civile se fera ainsi plus souple et plus réactive. Le pacte capacitaire constitue ainsi un outil majeur de modernisation de la réponse opérationnelle de la sécurité civile ainsi que la garantie d’une couverture territoriale plus complète et plus efficiente. Il doit être articulé avec une augmentation durable de l’enveloppe d’aide à l’investissement structurant des services départementaux d’incendie et de secours.

Dans ce but, l’impulsion financière de l’État est cruciale et doit être ciblée sur des projets d’investissements stratégiques au sein des zones de défense et de sécurité. Des financements dédiés sont ainsi prévus pour créer un effet de levier et participer à l’effort de mutualisation des moyens exceptionnels entre SDIS, effort porteur d’économies collectives.

Le ministère de l’intérieur entame des négociations avec le ministère de l’économie et des finances afin d’exonérer du malus écologique les véhicules affectés aux services départementaux d’incendie et de secours et aux forces de sécurité intérieure. Il est envisagé de modifier le code général des impôts en ce sens.

3.3. Renforcer notre réponse opérationnelle face à la subversion violente

La mise en œuvre, à partir de 2007, de la révision générale des politiques publiques (RGPP) a conduit la DGPN et la DGGN à faire porter sur les unités de force mobile (UFM) leffort des réductions deffectifs demandé : pour la police nationale, en a résulté la réduction de l’effectif de chaque unité de compagnies républicaines de sécurité (CRS) (- 1 500 ETP entre 2007 et 2014) sans diminuer le nombre des unités (60) ; pour la gendarmerie nationale, la diminution du nombre des escadrons de gendarmerie mobile (de 123 à 108 entre 2007 et 2015) et la réduction de l’effectif de chaque unité (- 2 300 ETP entre 2007 et 2015), avec en parallèle une diminution des missions extérieures. Or, depuis quelques années, le maintien de lordre évolue face aux nouvelles subversions violentes : il ne s’agit plus seulement d’encadrer des manifestations revendicatives mais d’être capable de stopper des casseurs ou d’intervenir pour mettre fin à des affrontements violents entre bandes ou communautés, dans des temps très brefs et sous le regard des médias et des smartphones. À compter de 2017, le potentiel des deux forces a été progressivement renforcé (+ 600 ETP), mais les forces disponibles ne sont pas toujours suffisantes pour intervenir très rapidement en tout point du territoire.

3.3.1. Création de onze nouvelles unités de forces mobiles

Onze nouvelles unités de forces mobiles (UFM) seront créées à brève échéance, pour venir renforcer les dispositifs liés aux grands événements des années à venir (coupe du monde de rugby de 2023, jeux olympiques de 2024). Rapidement projetables, sur le modèle de la CRS 8 pour la police nationale et du dispositif d’intervention augmenté de la gendarmerie nationale (DIAG), y compris outre-mer, elles pourront faire face à des affrontements violents dans un temps très court, avec des moyens spécifiques. Ces nouvelles UFM permettront d’assurer les besoins en formation et une meilleure disponibilité opérationnelle pour couvrir l’ensemble des besoins sur le territoire.

3.3.2. Un investissement massif dans la formation des forces au maintien de lordre

Les effectifs chargés du maintien de l’ordre seront mieux formés : un centre de formation spécialisé en maintien de l’ordre en milieu urbain sera créé en région parisienne et, parallèlement, le centre d’entraînement des forces de Saint-Astier (Dordogne) sera rénové, en créant de nouveaux espaces d’entraînement et en se mettant en capacité d’accueillir davantage de stagiaires.

3.3.3. Des moyens exceptionnels pour organiser la sécurité des jeux olympiques

Vingt-cinq millions d’euros ont d’ores et déjà été prévus dans le cadre du plan de relance afin de financer des expérimentations technologiques de sécurité en vue des jeux olympiques et paralympiques de 2024 et de la coupe du monde de rugby de 2023. Plus largement, quatre types d’investissements doivent être réalisés dans la perspective des jeux olympiques :

– un plan cybersécurité, pour augmenter la résilience des services du ministère ;

– des moyens de lutte anti-drones pour Paris (cérémonie d’ouverture et épreuves) et les villes accueillant des épreuves. Il s’agit d’acquérir des équipements permettant la détection, le brouillage et la neutralisation des drones malveillants et de bâtir la capacité de mise en œuvre tout en s’assurant de leur parfaite intégration dans les dispositifs de protection et de sécurité aériennes mis en œuvre par les armées ;

– des moyens pour les centres de commandement de la préfecture de police et de la coordination nationale pour la sécurité des jeux olympiques (CNSJ) ;

– d’autres équipements, de nature diverse, permettant aux forces d’être parées à tous les risques dans la perspective de cet événement majeur.

Par ailleurs, dans la perspective des grands événements internationaux à venir, une attention particulière sera portée aux effectifs de la police aux frontières déployés aux frontières aériennes, afin d’atteindre les objectifs de temps d’attente définis par le comité interministériel du tourisme du 26 juillet 2017. Ces temps sont, au maximum, de trente minutes pour les ressortissants européens et de quarante-cinq minutes pour les non-européens.

3.3.4. Une lutte renforcée contre les groupuscules violents, notamment dextrême droite et dextrême gauche

La lutte contre les groupuscules violents, notamment d’extrême droite et d’extrême gauche, doit se poursuivre au cours des prochaines années. Le ministère de l’intérieur s’attachera à renforcer sa vigilance sur leur formation et leurs actions.

Une coordination entre les différents services de renseignement nationaux et européens sera mise en œuvre.

Les services de renseignement s’attacheront à suivre les membres des groupuscules dissous, et particulièrement les anciens membres des forces armées ou de sécurité intérieure impliqués dans des groupuscules violents.

Les services de police mettront à la disposition des élus locaux un guide méthodologique présentant les instruments juridiques mobilisables par l’autorité administrative et des conseils pratiques pour prévenir les troubles à l’ordre public susceptibles d’être causés par des groupes radicaux violents.

Le partenariat et les échanges avec l’autorité judiciaire seront renforcés pour lutter contre la reconstitution de groupuscules dissous.

3.4. Mieux sécuriser nos frontières

L’espace frontalier doit faire l’objet d’une gestion plus intégrée et mieux coordonnée, qui tire tous les bénéfices des moyens innovants de contrôle et de surveillance.

Permettre lintervention des garde-frontières de FRONTEX

Une véritable intégration du corps des garde-frontières de FRONTEX à la gestion des frontières extérieures de la France nécessite de les doter de prérogatives alignées sur celles de la police aux frontières. L’article 82 du règlement UE 2019/1896 (Frontex) prévoit explicitement la possibilité pour un État membre « hôte » d’accueillir le déploiement de garde-frontières européens à ses frontières extérieures et de les faire bénéficier d’un port d’arme, de recourir à la force conformément au droit national et de leur laisser consulter ses bases de données nationales aux fins de surveillance des frontières.

Moyens innovants pour la surveillance des frontières

Les policiers seront dotés de moyens innovants pour opérer la surveillance des frontières :

– généralisation des drones de surveillance, dotés de matériels spécifiques (vision nocturne, dispositifs de détection thermique) ;

– caméras infra-rouges et thermiques ;

– mise en place de systèmes de lecture automatisée des plaques d’immatriculation (LAPI) sur les points de passage frontaliers afin de lutter contre les filières organisées ;

– moyens mobiles adaptés à l’environnement (motoneiges, buggys) ;

– généralisation des postes mobiles sous forme de véhicules équipés d’aubettes (moyens de contrôle documentaires et de détection de fraudes, actuellement expérimentés à la frontière belge).

La mission de contrôle aux frontières et certaines missions des CRA seront confiées à d’autres agents publics que des policiers. Les policiers ainsi libérés seraient redéployés dans des compagnies interdépartementales projetables aux frontières pour assurer les missions de surveillance humaines et éviter le recours aux forces mobiles non spécialisées.

Frontières fluides

Afin de rendre les contrôles aux frontières plus fluides, des outils modernes sont financés :

– recours systématique au sas PARAFE (système de passage automatisé aux frontières extérieures) ;

– généralisation des titres de voyage biométriques, avec reconnaissance mutuelle dans toute l’UE et capacité de contrôle des données biométriques associées ;

– mise en œuvre du règlement européen instaurant le système entrée-sortie (contrôle des ressortissants de pays-tiers en court séjour), avec prise systématique de biométrie et enregistrement du franchissement de frontière alimentant le fichier européen entrées / sorties (EES) ;

– utilisation de lunettes ou casques de réalité « augmentée » pour l’interrogation des fichiers.

Coopération européenne

Enfin, l’engagement dans la coopération européenne aux frontières sera concrétisé par :

– la création de nouvelles brigades mixtes de lutte contre l’immigration irrégulière (qui existent avec l’Allemagne et l’Italie) avec les policiers d’États frontaliers, appuyées par les technologies innovantes ;

– la mise à niveau de l’architecture des systèmes d’information français, afin de les rendre interopérables sur le modèle européen pour mettre en œuvre les règlements européens, tout en assurant la confidentialité des données et en veillant à leur ergonomie pour les forces (mission de la direction du numérique) ;

– la formation des agents de police étrangers en France dans la future académie de police ;

– la création d’un centre technique pluridisciplinaire chargé de la recherche & développement, piloté par les forces de sécurité intérieure et par la délégation ministérielle aux partenariats, aux stratégies et aux innovations de sécurité (DPSIS), tout en s’appuyant sur les directions du ministère.

Le Gouvernement étudiera l’opportunité d’une coopération transfrontalière opérationnelle entre la Corse et l’Italie, visant à améliorer la coordination des forces de police et des douanes françaises et italiennes, dans le but de lutter efficacement contre les phénomènes de braconnage et de pêche industrielle dans les espaces protégés et les réserves naturelles transfrontaliers.

Renforcer la protection de notre souveraineté à nos frontières à Mayotte

Le ministère de l’intérieur établira une nouvelle feuille de route relative à la protection des frontières du Département de Mayotte.

Le ministère s’engagera dans une nouvelle démarche tendant à définir les grandes orientations permettant de lutter contre l’immigration clandestine dans le Département de Mayotte.

Le ministère établira un état des lieux de la situation de la sécurité sur le territoire de Mayotte, notamment en raison de la progression de l’immigration clandestine.

Il appuiera notamment la tenue d’un nouveau recensement de la population, en association avec les services compétents de l’Institut national de la statistique et des études économiques.

Le ministère de l’intérieur déploiera l’ensemble des moyens budgétaires, logistiques et humains permettant de garantir la protection des frontières du Département de Mayotte.

Le bilan sera communiqué aux élus locaux et aux parlementaires élus à Mayotte et donnera lieu à une concertation.

Sur le fondement de cette concertation, le ministère s’engage dans une démarche permettant la mise en œuvre des évolutions législatives et réglementaires nécessaires à la protection des frontières de Mayotte et à la lutte contre l’immigration clandestine.

3.5. Mieux former nos forces

Le système de formation des forces doit évoluer avec la complexité des enjeux, le développement de nouveaux outils et le regard que la société porte sur elles. En effet, le temps de formation initiale est aujourdhui trop bref pour former complètement les policiers et gendarmes à ce qui les attend sur le terrain. Les outils de formation sont datés et peu mutualisés entre forces ; or aujourd’hui rien ne s’oppose à ce que des modules de formation continue soient ouverts à l’ensemble des forces. Le renforcement de la formation initiale et continue des policiers et des gendarmes nécessite de repenser les parcours des formations, de les rendre plus accessibles et de remettre à niveau les capacités de formation, en mutualisant les outils de la police et de la gendarmerie. Il s’agira d’intégrer des formations relatives à la déontologie et à l’éthique à partir de cas pratiques permettant de raisonner sur la déontologie « en actes ». La création d’un délit d’outrage sexiste et sexuel aggravé nécessite un accompagnement des forces de l’ordre et des magistrats. Les situations relevant du délit peuvent être difficiles à déterminer et le risque de requalification n’est pas à ignorer. Un renforcement de la formation sur cette infraction et les infractions concurrentes est donc indispensable afin de minimiser les risques de requalification.

Pour l’exécution de leurs missions, les forces de sécurité sont détentrices de prérogatives de puissance publique qui peuvent impacter les libertés individuelles. C’est la raison pour laquelle le code de la déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale rassemble, entre autres, les règles déontologiques que doivent observer les forces de sécurité dans l’exercice de leurs fonctions. Clé de voûte de l’équilibre démocratique dans l’exercice de leurs missions par les forces de sécurité, ces dernières sont tenues de maîtriser ce code. Cela nécessite donc un renforcement des formations relatives à la déontologie mais aussi à l’éthique, dans le cadre tant des formations initiales que des formations continues.

S’agissant des sapeurs-pompiers professionnels, la cohérence et le maillage du dispositif de formation coproduit entre l’État et les collectivités territoriales seront renforcés, d’une part, par le développement d’une plateforme numérique permettant de dématérialiser et de fluidifier les processus administratifs, de mutualiser l’ingénierie pédagogique et de faire converger les outils de simulation et, d’autre part, par des investissements structurants et mutualisés au niveau supra-départemental. Au plan national, est prévue la mise en place d’un pôle d’excellence agrégeant les différentes forces de sécurité civile, intégré au réseau européen et délivrant des formations de haut niveau au sein du réseau des écoles de service public (RESP) ou de l’Institut national du service public (INSP).

3.5.1. Renforcer la formation initiale

Doublement du temps de formation initiale

La formation initiale des élèves policiers et gendarmes augmente de quatre mois, passant de huit à douze mois. Certaines thématiques seront approfondies au cours de la formation : déontologie, relation police/population, aspect rédactionnel des missions. Dans les deux forces, cela permettra de s’assurer que les compétences nécessaires sont acquises, soit par construction de nouveaux modules de formation, soit en densifiant ceux qui existent (maintien de l’ordre, déontologie, par exemple).

Par ailleurs, l’incorporation des élèves titulaires du concours d’entrée dans la police ou dans la gendarmerie se fera dans les six mois suivant le résultat du concours, afin d’éviter des délais d’incorporation trop longs qui entraînent la perte de certains titulaires du concours qui se réorientent.

Création de nouvelles écoles

Plusieurs nouvelles écoles et centres de formation seront créés d’ici 2027 :

– une école de formation cyber, présentée dans la première partie du présent rapport ;

– pour tirer la formation vers le haut, une académie de police sera installée, pour coordonner la formation des policiers, renforcer les outils de formation des nouvelles filières. Elle comprendra un pôle d’excellence pour l’investigation ;

– un centre de formation au maintien de l’ordre en conditions urbaines sera créé en Île-de-France, pour former les forces mobiles ;

– une école de la police scientifique, dans le cadre de la consolidation d’une filière commune à la police nationale et à la gendarmerie nationale, avec une capacité d’accueil d’une centaine de stagiaires. La structure ad hoc remettra à plat la scolarité – formation initiale et continue – pour correspondre aux besoins en matière de PTS ;

– une école de police sera créée en Île-de-France pour tenir compte des besoins liés aux campagnes de recrutement ;

– une nouvelle offre de formation interservices spécialisée en matière de renseignement est proposée à ses partenaires par la DGSI, ayant vocation à bénéficier aux personnels affectés à la DGSI, au service central du renseignement territorial (SCRT) de la DGPN, à la direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP) et à la sous-direction de l’anticipation opérationnelle de la DGGN. Elle permettra de partager les compétences et d’harmoniser les pratiques professionnelles entre tous les agents, quel que soit leur statut (policiers, agents contractuels, gendarmes, agents administratifs), concourant à la mission de renseignement. Cette offre de formation sera construite par la DGSI et les services bénéficiaires concernés pour répondre à leurs besoins opérationnels. Elle fera l’objet d’échanges avec la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT) et l’académie du renseignement. Elle pourra en outre bénéficier au service national du renseignement pénitentiaire (SNRP).

3.5.2. Mieux former tout au long de la carrière

Formation continue augmentée de 50 %

La formation continue sera augmentée de 50 % pour préserver l’adéquation entre les compétences et les missions tout au long de la carrière ; elle pourra avoir lieu dans des centres régionaux, mutualisés entre policiers et gendarmes pour ce qui concerne les formations techniques ou juridiques. La montée en puissance de la formation continue suppose de mettre à niveau la capacité de formation du ministère, qu’il s’agisse des formateurs, de l’immobilier, des équipements spécifiques (stands de tir) ou encore des outils de formation numérique, permettant de proposer aussi des modules en « distanciel ».

Les personnels administratifs, techniques et scientifiques bénéficieront pleinement de cet effort de formation, notamment sur le volet des formations techniques obligatoires. Les officiers supérieurs de la gendarmerie ayant vocation à occuper des responsabilités départementales suivront une scolarité de type « cycle d’études supérieures », destinée à tous ceux ayant réussi le concours de l’École de guerre.

Dans une optique de rapprochement des forces et de rationalisation, les outils de formation continue seront mutualisés. Cette mutualisation ne saurait se faire ni au détriment des besoins spécifiques des unités en fonction de leur finalité opérationnelle, ni au détriment du volume horaire de ces formations.

Création de centres régionaux de formation

L’effort de rehaussement de la formation se traduira par la création de treize centres régionaux de formation et de centres spécialisés pour les gendarmes et les policiers, afin de faire face à la montée en puissance de la formation initiale et aux besoins augmentés de formation continue.

Les compagnies-écoles existantes seront rénovées et monteront en puissance : deux compagnies supplémentaires à l’école de Fontainebleau, restructuration du camp de Frileuse-Beynes et densification des compagnies de Dijon, Rochefort, Tulle et Châteaulin.

Recrutement de formateurs

Au total, 1 500 formateurs seront recrutés sur cinq ans :

– la gendarmerie nationale créera quinze compagnies d’instruction, armées par 255 ETP pour l’encadrement pédagogique et le soutien ;

– 266 formateurs seront recrutés dans les centres régionaux de formation de la gendarmerie nationale ;

– la police nationale recrutera 182 formateurs pour les écoles et 708 formateurs, ainsi que 77 moniteurs de tir et 21 psychologues.

Plan stands de tir

Pour répondre au besoin de formation accru des policiers et gendarmes en matière de tir, ainsi que des futurs réservistes, de nouveaux stands de tir seront adossés aux centres régionaux d’instruction. Des simulateurs de tir eux aussi partagés avec les policiers viendront compléter cette capacité accrue.

Souvrir vers linternational

L’excellence des policiers et gendarmes passe aussi par une meilleure capacité à communiquer en langue étrangère et à s’insérer dans les dispositifs de coopération européenne.

Le programme POLARIS (Gendarmerie – avec l’Espagne depuis 2018 – à ouvrir : Portugal, Allemagne) sera poursuivi et l’école nationale supérieure de police (ENSP) développera des stages à l’étranger pour les élèves, ainsi que le développement du réseau de formation dispensée aux cadres de police étrangers intégrés dans les promotions.

L’enseignement des langues sera également renforcé en formation initiale et continue, avec des outils de traduction instantanée, le développement de l’offre de formation à vocation régionale et le développement des plateformes de e-formation en vue des grands événements internationaux à venir. L’offre de formation en anglais sera densifiée, visant notamment une excellente capacité d’expression orale professionnelle à destination des cadres supérieurs, et plus généralement des cadres susceptibles d’être retenus pour des affectations à l’international, et assortie d’une sélection dans le cadre de la gestion prévisionnelle des compétences parmi un vivier identifié.

3.6. Des policiers et des gendarmes mieux accompagnés

L’action sociale constitue un levier majeur dans laccompagnement des forces de sécurité intérieure dans l’exercice de leurs missions et dans leur fidélisation. Elle doit être une contrepartie à la modération salariale. La difficulté des conditions dexercice du métier nécessite de disposer d’un accompagnement renforcé au quotidien et pas seulement en circonstances de crise. Les forces de l’ordre se voient assigner des objectifs ambitieux de présence sur la voie publique, de développement du contact avec leur environnement et de traitement des menaces et crises. Outre des conditions matérielles améliorées et une formation renforcée, l’accompagnement et la protection des fonctionnaires et militaires sont au cœur de la mission du ministère de l’intérieur. Mieux soutenir nos policiers et gendarmes dans leur santé physique et psychologique, notamment pour certaines catégories de personnels exposés, et mieux accompagner les familles, suppose un effort important pour la garde des enfants, la gestion des horaires atypiques ou encore la gestion des contraintes liées aux mobilités géographiques.

Les policiers et les gendarmes sont également accompagnés dans leurs demandes de mutation géographiques lorsqu’ils demandent à se rapprocher de leur famille.

L’ensemble de la politique du ministère de l’intérieur sur ces sujets sera consigné dans son bilan social annuel, publié dans les douze mois suivant la clôture de l’année considérée.

3.6.1. Une refonte profonde de la fonction RH dans la police nationale

La rénovation de la politique des ressources humaines des policiers se fera autour de trois grands principes : la valorisation des compétences professionnelles au service des déroulements de carrière, l’affirmation de l’exigence managériale pour l’ensemble des niveaux de l’encadrement, la recherche d’une meilleure articulation entre gestion individualisée des personnels et besoins des services. Elle doit avoir pour ligne de conduite de tourner la fonction RH vers l’agent, alors que les rôles d’explication, de conseil ou d’accompagnement sont aujourd’hui insuffisamment investis par l’administration. L’organisation de la fonction RH de la police nationale, aux niveaux central et déconcentré, sera refondue.

La gestion des ressources humaines sera davantage déconcentrée, en positionnant un échelon de ressources humaines accessible pour tous les agents au niveau zonal, avec des fonctions d’accompagnement et de conseil, ainsi qu’en déléguant au niveau zonal les décisions administratives (actes de gestion).

Les carrières seront plus variées : approche de la carrière par le développement des compétences et de filières professionnelles attractives (exemple de l’investigation), mobilité externe exigée pour l’accès à certaines fonctions (commissaires et officiers), ouverture du corps des commissaires à des profils scientifiques, etc.

Un système d’information ressources humaines (SIRH) rénové, de même que l’instauration d’une politique de maîtrise des risques RH et de contrôle de qualité, améliorera le pilotage des effectifs et des schémas d’emploi, tout en donnant davantage de transparence sur les besoins, les postes disponibles et les compétences attendues. Un nouveau portail agent donnera à chaque agent, où qu’il soit, un accès aux ressources utiles à son déroulement de carrière.

3.6.2. Action sociale

Pour faciliter l’installation et le logement des fonctionnaires du ministère, un effort financier pour la réservation de logements auprès des bailleurs sociaux sera consenti : développement du stock de logements accessibles, utilisation accrue du parc de logement à la disposition de l’État (qui sera prévue dans les contrats de sécurité intégrée passés entre l’État et les collectivités territoriales), création d’une offre de colocation. Cet effort porte tout particulièrement sur les zones les plus tendues, notamment l’Île-de-France, les grandes métropoles et les départements frontaliers.

L’augmentation de l’offre de garde d’enfants concourt également à l’objectif de mieux concilier vie privée et professionnelle : 200 nouvelles places en crèche seront réservées. L’offre de garde d’enfants en horaires atypiques sera développée dans de nouveaux territoires et bénéficiera notamment aux fonctionnaires travaillant de nuit.

3.6.3. Agir sur la qualité de vie au travail

Une action résolue doit également se déployer en faveur de la qualité de vie au travail, du soutien et du soin aux policiers et gendarmes.

Un réseau de nouveaux psychologues du travail, positionnés au niveau zonal, sera mis en place sur cinq ans. Formés à intervenir sur le fonctionnement des collectifs de travail, assistés de vingt réservistes expérimentés pour former des binômes, ils pourront effectuer des audits dans des services aux conditions de travail dégradées.

L’amélioration des conditions de restauration pour les policiers passera par l’harmonisation à la hausse des subventions ministérielles à la restauration administrative, par le développement d’une offre de restauration plus accessible pour les fonctionnaires en horaires atypiques et par la création, la rénovation ou l’équipement d’espaces sociaux de restauration.

Des budgets dédiés seront dégagés pour organiser des actions de cohésion et de prévention (séminaires de service, action de santé et bien-être, équipements sportifs, rencontres entre familles, etc.). Pour la gendarmerie, dans cette même logique de cohésion, les subventions aux cercles mixtes et à la dotation de fonctionnement des unités élémentaires augmenteront.

Les réservistes blessés en service seront indemnisés plus rapidement par les secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’intérieur (SGAMI), afin d’éviter des délais pouvant induire des situations sociales difficiles.

Le service de soutien psychologique opérationnel chargé du soutien individuel et d’actions de debriefing collectives sera renforcé, avec 29 postes supplémentaires dans tout le territoire aux niveaux central et zonal. Il en ira de même avec la médecine statutaire, qui sera renforcée de 10 postes pour assumer la montée en charge de la réserve opérationnelle, ainsi qu’avec la médecine du travail (13 postes supplémentaires). Pour améliorer le suivi des fonctionnaires travaillant de nuit, un complément de traitement sera instauré pour les personnels médicaux intervenant en horaires atypiques.

Le ministère de l’intérieur prendra les mesures qui s’imposent pour prévenir le risque de suicide au sein des forces de sécurité. Cet effort passera notamment par la détection précoce des situations de souffrance, par la communication et l’accès aux dispositifs d’accompagnement psychologique des agents fragilisés et par un travail commun avec les associations mobilisées sur la question du suicide au sein des forces de sécurité.

Un budget consacré à des actions de prévention des addictions sera programmé.

Les moyens dédiés à l’accompagnement à l’emploi des conjoints soumis à une obligation de mobilité seront renforcés à hauteur d’un million d’euros.

Focus : améliorer la résilience des outre-mer exposés à des risques naturels spécifiques

Les territoires ultramarins sont exposés à l’ensemble des risques naturels majeurs, à l’exception du risque d’avalanche.

La surveillance des risques spécifiques aux territoires, ainsi que la prévention en direction des populations, sont primordiales. Ainsi, la conduite de démarches interministérielles similaires à celles du plan séisme Antilles dans d’autres territoires d’outre-mer sera étudiée. Une telle démarche, qui devra être adaptée au contexte de risque local, aura pour objectif notamment le renforcement de la résilience des bâtiments de l’État et la qualité du suivi des points d’importance vitaux. La mise en œuvre d’une journée obligatoire de prévention des risques (« journée japonaise ») sera en outre particulièrement pertinente en outre-mer, sur des territoires surexposés aux risques naturels. Enfin, la création d’un partenariat entre service militaire adapté (SMA) et sécurité civile sera actée, pour renforcer la résilience des populations ultramarines confrontées à des événements extrêmes.

La capacité locale de gestion de crise dans les territoires ultramarins sera renforcée. Des moyens nationaux de sécurité civile, notamment aérotransportables, seront prépositionnés outre-mer, afin de fournir aux autorités locales des moyens de première réponse à la crise, avant l’arrivée de secours nationaux ou internationaux. Seront ainsi prépositionnés des détachements des formations militaires de la sécurité civile (FORMISC) en zone Antilles et dans l’océan Indien. De nouveaux sites de la réserve nationale seront créés à Mayotte, à La Réunion et en Guyane. Enfin, de nouveaux moyens en matière de planification, de formation et d’équipement des services d’incendie et de secours (SIS) seront alloués.

En matière d’ordre public, la création de onze nouvelles unités de forces mobiles renforcera la capacité à projeter des forces localement, mais aussi des matériels adaptés (blindés) pour faire face à des événements d’importance, notamment en matière d’ordre public.

3.7. Crise migratoire

Afin de lutter contre l’immigration clandestine alimentée par un dévoiement du droit d’asile et de favoriser les reconduites à la frontière, le délai moyen de traitement d’un dossier par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) sera abaissé à 60 jours sur la durée de la présente loi de programmation et le nombre de places en centres de rétention administrative sera progressivement porté à 3 000.

Des cellules d’enquête, spécialisées et pluridisciplinaires, seront mises en place pour lutter contre la délinquance des mineurs non accompagnés dans les villes où leur présence est particulièrement importante, comme Paris, Rennes ou Nice, à l’image de la cellule mise en place à Bordeaux depuis 2019.

4. PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE

À titre indicatif, les crédits prévus dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur pourront être ventilés entre les missions et les programmes selon la répartition prévue au tableau ci-après.

 

LFI 2022 + plan de relance

2023

2024

2025

2026

2027

Total 2023- 2027

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

CP

CP

CP

Mission “Administration générale et territoriale de l’État” (hors programme “Vie politique”)

Titre 2

1 860

1 860

2 026

2 026

2 061

2 061

2 088

2 088

2 110

2 136

10 421

Hors titre 2

1 490

1 473

1 895

1 598

2 823

1 810

1 900

2 361

2 456

2 752

10 977

Total

3 351

3 333

3 920

3 623

4 885

3 872

3 988

4 449

4 566

4 888

21 398

Programme “Administration territoriale de l’État”

Titre 2

1 319

1 319

1 433

1 433

1 457

1 457

1 476

1 476

1 492

1 510

7 368

Hors titre 2

606

555

768

557

617

565

627

574

588

604

2 888

Total

1 925

1 874

2 201

1 990

2 074

2 021

2 103

2 050

2 080

2 115

10 257

Programme “Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur”

Titre 2

541

541

592

592

605

605

612

612

619

625

3 053

Hors titre 2

884

918

1 127

1 041

2 206

1 245

1 273

1 787

1 867

2 148

8 088

Total

1 425

1 459

1 719

1 633

2 811

1 850

1 885

2 399

2 486

2 773

11 141

Mission “Sécurités”

Titre 2

11 490

11 490

12 165

12 165

12 563

12 563

12 773

12 773

12 869

12 982

63 353

Hors titre 2

4 530

3 423

4 825

3 608

4 070

3 769

5 063

4 054

4 385

4 607

20 422

Total

16 020

14 913

16 990

15 773

16 633

16 332

17 837

16 827

17 254

17 589

83 775

Programme “Gendarmerie nationale

Titre 2

4 339

4 339

4 633

4 633

4 834

4 834

4 906

4 906

4 973

5 027

24 373

Hors titre 2

2 181

1 555

2 013

1 555

1 845

1 528

2 495

1 596

1 838

1 904

8 422

Total

6 520

5 894

6 646

6 188

6 678

6 361

7 401

6 503

6 811

6 931

32 794

Programme “Police nationale”

Titre 2

7 014

7 014

7 386

7 386

7 579

7 579

7 712

7 712

7 737

7 795

38 208

Hors titre 2

1 805

1 435

1 869

1 539

1 756

1 629

2 041

1 826

1 826

2 029

8 849

Total

8 819

8 449

9 255

8 925

9 335

9 208

9 753

9 538

9 563

9 824

47 058

Programme “Sécurité civile”

Titre 2

137

137

146

146

151

151

155

155

160

161

772

Hors titre 2

492

382

868

439

364

507

419

523

611

560

2 640

Total

629

519

1 014

585

514

658

574

678

770

721

3 412

Programme “Sécurité et éducation routières”

Hors titre 2

52

51

75

74

105

105

109

109

110

113

511

Total

52

51

75

74

105

105

109

109

110

113

511

Mission “Immigration, asile et intégration”

Hors titre 2

2 013

1 931

2 675

2 009

1 598

2 058

1 660

2 074

2 163

2 163

10 468

Total

2 013

1 931

2 675

2 009

1 598

2 058

1 660

2 074

2 163

2 163

10 468

Compte d’affectation spéciale “Contrôle de la circulation et du stationnement routiers” : programmes “Structures et dispositifs de sécurité routière” et “Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers”

Hors titre 2

366

366

366

366

366

366

366

366

366

366

1 831

TOTAL

366

366

366

366

366

366

366

366

366

366

1 831

Agence nationale des titres sécurisés (taxes affectées)

Plafond de taxes affectées

241

241

263

263

286

286

298

298

314

287

1 448

Total

241

241

263

263

286

286

298

298

314

287

1 448

Total

Titre 2

13 350

13 350

14 191

14 191

14 625

14 625

14 862

14 862

14 980

15 118

73 774

Hors titre 2

8 641

7 434

10 024

7 844

9 143

8 289

9 286

9 152

9 684

10 176

45 145

Total

21 991

20 784

24 215

22 034

23 768

22 914

24 148

24 014

24 664

25 294

118 920

Marches annuelles

 

 

+2 224

+1 250

+1 777

+2 130

+2 157

+3 230

+3 880

+4 510

 

Marches annuelles titre 2

 

 

+841

+841

+1 275

+1 275

+1 512

+1 512

+1 630

+1 768

 

Marches annuelles hors titre 2

 

 

+1 383

+410

+502

+855

+646

+1 718

+2 250

+2 742

 

Dont marches annuelles LOPMI

 

 

 

+1 250

 

+2 130

 

+3 230

+3 880

+4 510

 

La somme des arrondis peut différer de l’arrondi de la somme.

Article 1er
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Article 3

Article 2

Les crédits de paiement du ministère de l’intérieur et les plafonds des taxes affectées à ce ministère, hors charges de pensions, évoluent sur la période 2023-2027 conformément au tableau suivant :

 

Crédits de paiement et plafonds des taxes affectées hors compte d’affectation spéciale « Pensions »

(En millions deuros)

2022 (pour mémoire)

2023

2024

2025

2026

2027

Budget du ministère de l’intérieur (hors programme 232)

20 784

22 094

22 974

24 074

24 724

25 354

Le périmètre budgétaire concerné intègre :

1° La mission « Sécurités » : les programmes « Gendarmerie nationale », « Sécurité civile », « Police nationale » et « Sécurité et éducation routières » ;

2° Dans la mission « Administration générale et territoriale de l’État » : les programmes « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » et « Administration territoriale de l’État » ;

3° La mission « Immigration, asile et intégration » : les programmes « Intégration et accès à la nationalité française » et « Immigration et asile » ;

4° Dans le compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » : les programmes « Structures et dispositifs de sécurité routière » et « Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers » ;

5° Les taxes affectées à l’Agence nationale des titres sécurisés.

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES À LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE DU MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR

Chapitre Ier

Lutte contre la cybercriminalité

Article 2
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Article 3 bis

Article 3

L’article 706-154 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « Par dérogation à l’article 706-153, l’officier de police judiciaire peut être autorisé, par tout moyen, par le procureur de la République ou le juge d’instruction à procéder, aux frais avancés du Trésor, à la saisie d’une somme d’argent versée sur un compte ouvert auprès d’un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôts ou d’actifs numériques mentionnés à l’article L. 54-10-1 du code monétaire et financier. » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

a) À la première phrase, après les mots : « du compte », sont insérés les mots : « ou au propriétaire de l’actif numérique » et, après les mots : « ce compte », sont insérés les mots : « ou cet actif » ;

b) À la dernière phrase, après le mot : « compte », sont insérés les mots : « , le propriétaire de l’actif numérique » ;

3° Au dernier alinéa, après le mot : « dépôts », sont insérés les mots : « ou sur des actifs numériques mentionnés à l’article L. 54-10-1 du code monétaire et financier » et, après les mots : « ce compte », sont insérés les mots : « ou à l’ensemble des actifs numériques détenus ».

Article 3
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Article 4

Article 3 bis

I. – Après l’article 323-3-1 du code pénal, il est inséré un article 323-3-2 ainsi rédigé :

« Art. 323-3-2. – I. – Le fait, pour un opérateur de plateforme en ligne mentionné à l’article L. 111-7 du code de la consommation qui restreint l’accès à cette dernière aux personnes utilisant des techniques d’anonymisation des connexions ou qui ne respecte pas les obligations mentionnées au VI de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, de permettre sciemment la cession de produits, de contenus ou de services dont la cession, l’offre, l’acquisition ou la détention sont manifestement illicites est puni de cinq d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.

« II. – Est puni des peines prévues au I du présent article le fait de proposer, par l’intermédiaire de ces plateformes ou au soutien de transactions qu’elles permettent, des prestations d’intermédiation ou de séquestre qui ont pour objet unique ou principal de mettre en œuvre, de dissimuler ou de faciliter les opérations mentionnées au même I.

« III. – Les infractions prévues aux I et II sont punies de dix ans d’emprisonnement et de 500 000 euros d’amende lorsqu’elles sont commises en bande organisée.

« IV. – La tentative des infractions prévues aux I, II et III est punie des mêmes peines. »

II. – L’article 706-73-1 du code de procédure pénale est complété par un 12° ainsi rédigé :

« 12° Délits d’administration d’une plateforme en ligne pour permettre la cession de produits, de contenus ou de services dont la cession, l’offre, l’acquisition ou la détention sont manifestement illicites et délits d’intermédiation ou de séquestre ayant pour objet unique ou principal de mettre en œuvre, de dissimuler ou de faciliter ces opérations, prévus à l’article 323-3-2 du code pénal. »

Article 3 bis
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Article 4 bis A

Article 4

I. – Le titre II du livre Ier du code des assurances est complété par un chapitre X ainsi rédigé :

« CHAPITRE X

« Lassurance des risques de cyberattaques

« Art. L. 12-10-1. – Le versement d’une somme en application de la clause d’un contrat d’assurance visant à indemniser un assuré des pertes et dommages causés par une atteinte à un système de traitement automatisé de données mentionnée aux articles 323-1 à 323-3-1 du code pénal est subordonné au dépôt d’une plainte de la victime auprès des autorités compétentes au plus tard soixante-douze heures après la connaissance de l’atteinte par la victime.

« Le présent article s’applique uniquement aux personnes morales et aux personnes physiques dans le cadre de leur activité professionnelle. »

II (nouveau). – Le I entre en vigueur trois mois après la promulgation de la présente loi.

Article 4
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Article 4 bis B

Article 4 bis A

L’article 323-1 du code pénal est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » et le montant : « 60 000 € » est remplacé par le montant : « 100 000 € » ;

2° Au deuxième alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq » et le montant : « 100 000 € » est remplacé par le montant : « 150 000 € » ;

3° Au dernier alinéa, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « sept » et le montant : « 150 000 € » est remplacé par le montant : « 300 000 € ».

Article 4 bis A
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Article 4 bis CA

Article 4 bis B

I. – À l’article 323-4-1 du code pénal, les mots : « et à l’encontre d’un système de traitement automatisé de données à caractère personnel mis en œuvre par l’État » sont supprimés.

II. – Au 1° de l’article 706-73-1 du code de procédure pénale, les mots : « à caractère personnel mis en œuvre par l’État » sont supprimés.

Article 4 bis B
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Article 4 bis C

Article 4 bis CA

Après l’article 323-4-1 du code pénal, il est inséré un article 323-4-2 ainsi rédigé :

« Art. 323-4-2. – Lorsque les infractions prévues aux articles 323-1 à 323-3-1 ont pour effet d’exposer autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ou de faire obstacle aux secours destinés à faire échapper une personne à un péril imminent ou à combattre un sinistre présentant un danger pour la sécurité des personnes, la peine est portée à dix ans d’emprisonnement et à 300 000 € d’amende. »

Article 4 bis CA
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Article 4 bis

Article 4 bis C

Après le seizième alinéa du 1° de l’article 398-1 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« – les délits d’accès et de maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données prévus au premier alinéa de l’article 323-1 du code pénal ; ».

Article 4 bis C
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Article 5

Article 4 bis

L’article 230-46 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° A Le 3° est ainsi rédigé :

« 3° Acquérir tout contenu, produit, substance, prélèvement ou service ou transmettre tout contenu en réponse à une demande expresse. Lorsque l’objet de l’acquisition ou de la transmission est illicite, l’opération est autorisée par le procureur de la République ou par le juge d’instruction saisi des faits ; »

1° Après le même 3°, il est inséré un 4° ainsi rédigé :

« 4° Après autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction saisi des faits, en vue de l’acquisition, de la transmission ou de la vente par les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions de tout contenu, produit, substance, prélèvement ou service, y compris illicite, mettre à la disposition de ces personnes des moyens juridiques ou financiers ainsi que des moyens de transport, de dépôt, d’hébergement, de conservation et de télécommunication. » ;

2° À l’avant-dernier alinéa, les mots : « au 3° » sont remplacés par les mots : « aux 3° et 4° ».

Chapitre II

Un équipement à la pointe du numérique

Article 4 bis
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Article 6

Article 5

I. – (Supprimé)

II. – Le titre Ier du livre II du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :

1° L’article L. 32 est ainsi modifié :

a) Après le 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :

« 1° bis Communications mobiles critiques à très haut débit.

« On entend par communications mobiles critiques à très haut débit les communications électroniques qui sont émises, transmises ou reçues par les services de sécurité et de secours, de protection des populations et de gestion des crises et des catastrophes et qui présentent les garanties nécessaires à l’exercice de leurs missions en termes de sécurité, d’interopérabilité, de continuité et de résilience. » ;

b) Après le 2° bis, il est inséré un 2° ter ainsi rédigé :

« 2° ter Réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité.

« On entend par réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité un réseau dédié aux services publics mutualisés de communication mobile critique à très haut débit pour les seuls besoins de sécurité et de secours, de protection des populations et de gestion des crises et des catastrophes. Ce réseau est mis à la disposition de ces services dans le cadre des missions relevant de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements, des services d’incendie et de secours, des services d’aide médicale urgente et de tout organisme public ou privé chargé d’une mission de service public dans le domaine du secours. Il est exploité par l’opérateur défini au 15° ter. » ;

c) Après le 15° bis, il est inséré un 15° ter ainsi rédigé :

« 15° ter Opérateur de réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité.

« On entend par opérateur de réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité l’établissement public chargé d’assurer le service public d’exploitation du réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité et de fourniture à ses utilisateurs d’un service de communications mobiles critiques à très haut débit sécurisé destiné à des missions de sécurité et de secours et reposant sur les principes de continuité de service, de disponibilité, d’interopérabilité et de résilience. » ;

2° Le chapitre II est complété par une section 9 ainsi rédigée :

« Section 9

« Dispositions particulières au réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité

« Art. L. 34-16. – I. – Les opérateurs titulaires d’autorisations d’utilisation de fréquences pour établir et exploiter un réseau radioélectrique ouvert au public garantissent la continuité et la permanence des communications mobiles critiques à très haut débit destinées à des missions de sécurité et de secours, de protection des populations et de gestion des crises et des catastrophes entre les services de l’État, les collectivités territoriales ou leurs groupements, les services d’incendie et de secours, les services d’aide médicale urgente et tout autre organisme public ou privé chargé d’une mission de service public dans les domaines de la sécurité et du secours.

« Les opérateurs titulaires d’autorisations d’utilisation de fréquences pour établir et exploiter un réseau radioélectrique ouvert au public font droit aux demandes d’itinérance, sur leurs réseaux, de l’opérateur du réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité. Cette prestation fait l’objet d’une convention communiquée à l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse.

« La convention mentionnée au deuxième alinéa du présent I détermine les conditions techniques et tarifaires de fourniture de la prestation d’itinérance.

« Les différends relatifs aux conditions techniques et tarifaires de la convention mentionnée au présent I sont soumis à l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, dans les conditions prévues à l’article L. 36-8.

« II. – En cas de congestion, afin de garantir l’acheminement des communications mobiles critiques à très haut débit, les opérateurs retenus dans le cadre du marché public visant à répondre aux besoins de l’opérateur de réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité font droit aux demandes d’accès prioritaires de celui-ci aux réseaux ouverts au public interconnectés fondées sur des impératifs de sécurité publique, conformément au règlement (UE) 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert et aux prix de détail pour les communications à l’intérieur de l’Union européenne réglementées et modifiant la directive 2002/22/CE et le règlement (UE) n° 531/2012.

« III. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités de compensation des investissements identifiables et spécifiques mis en œuvre en application du I, à la demande de l’État, par les opérateurs titulaires d’autorisations d’utilisation de fréquences pour établir et exploiter un réseau radioélectrique ouvert au public, sauf dans les cas où ces prestations ont fait l’objet d’un marché public.

« IV. – L’opérateur mentionné au 15° ter de l’article L. 32 et le réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité mentionné au 2° ter du même article L. 32 sont soumis au respect des règles applicables à l’établissement et à l’exploitation des réseaux ouverts au public et à la fourniture au public de services de communications électroniques, à l’exception des règles prévues aux f, f bis, f terghjkn, n bis, n ter et p du I et aux II, V et VI de l’article L. 33-1 et aux articles L. 33-7, L. 33-9, L. 33-12, L. 33-12-1, L. 34 et L. 35 à L. 35-7.

« V. – Le I, à l’exception du dernier alinéa, et le III du présent article ainsi que les définitions utiles à leur application prévues à l’article L. 32 sont applicables en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. »

« Art. L. 34-17. – I. – Un établissement public de l’État a pour objet d’assurer :

« 1° La mise en œuvre et l’exploitation du réseau de communications électroniques des services mutualisés de secours et de sécurité ;

« 2° La fourniture aux utilisateurs de ce réseau d’un service de communications mobiles critiques à très haut débit sécurisé destiné à des missions de sécurité et de secours, de protection des populations et de gestion des crises et des catastrophes, à la demande de l’État, des collectivités territoriales ou de leurs groupements, des services d’incendie et de secours, des services d’aide médicale urgente ou de tout organisme public ou privé chargé d’une mission de service public dans les domaines de la sécurité et du secours.

« II. – L’établissement est administré par un conseil d’administration et dirigé par un directeur. Le président du conseil d’administration et le directeur de l’établissement sont nommés par décret pour une durée de trois ans, renouvelable une fois.

« Le conseil d’administration comprend, outre son président, des représentants de l’État, qui disposent de la majorité des sièges, un représentant des communes, un représentant des départements, des représentants des services d’incendie et de secours et des opérateurs d’importance vitale, une personnalité qualifiée dans les domaines de compétences de l’établissement et un représentant élu du personnel de l’établissement.

« III. – Les ressources de l’établissement sont constituées :

« 1° Des subventions de l’État, des collectivités publiques ou de toute personne publique ou privée ;

« 2° Des rémunérations des prestations et des produits des ventes effectuées dans le cadre de ses missions ;

« 3° Des subventions d’investissement et de fonctionnement versées par les personnes ayant décidé d’utiliser les services fournis par l’établissement ;

« 4° Des emprunts autorisés ;

« 5° Des dons et legs ;

« 6° De toutes les recettes autorisées par les lois et règlements.

« Les conventions conclues entre l’établissement et les services utilisateurs concernés précisent les modalités financières et comptables des rémunérations et subventions mentionnées aux 2° et 3° du présent III.

« IV. – Un décret en Conseil d’État définit les conditions d’application du II du présent article. Il précise notamment la composition du conseil d’administration, les conditions et les modalités de désignation de ses membres, les modalités de fonctionnement du conseil d’administration ainsi que ses attributions et celles du directeur.

« V. – Les biens, droits et obligations transférés à l’établissement le sont à titre gratuit et ne donnent lieu au paiement d’aucune indemnité ni d’aucun droit ou taxe, ni de la contribution prévue à l’article 879 du code général des impôts.

« VI. – Les I à V du présent article sont applicables en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie. »

TITRE III

DISPOSITIONS RELATIVES À L’ACCUEIL DES VICTIMES ET À LA RÉPRESSION DES INFRACTIONS

Chapitre Ier

Améliorer l’accueil des victimes

Article 5
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Article 6 bis A

Article 6

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après l’article 15-3-1, il est inséré un article 15-3-1-1 ainsi rédigé :

« Art. 15-3-1-1. – Toute victime d’une infraction pénale peut déposer plainte et voir recueillir sa déposition par les services ou unités de police judiciaire par un moyen de télécommunication audiovisuelle garantissant la confidentialité de la transmission.

« La victime est avisée de ses droits énumérés à l’article 10-2.

« Le procès-verbal de réception de plainte et le récépissé sont établis et adressés selon les modalités prévues à l’article 15-3-1.

« La plainte par un moyen de télécommunication audiovisuelle ne peut être imposée à la victime.

« Si la nature ou la gravité des faits le justifie, le dépôt d’une plainte par la victime selon les modalités prévues au présent article ne dispense pas les enquêteurs de procéder à une nouvelle audition sans recourir à un moyen de télécommunication.

« Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’application du présent article. Il précise notamment les infractions auxquelles la procédure prévue au présent article est applicable et les modalités d’accompagnement de la victime qui y a recours.

« Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, précise les modalités de traitement des données à caractère personnel issues de la procédure de dépôt de plainte prévue au présent article. » ;

2° La troisième phrase du deuxième alinéa de l’article 706-71 est ainsi rédigée : « Il est dressé un procès-verbal des opérations qui ont été effectuées. »

Article 6
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Articles 6 bis B, 6 bis C et 6 bis

Article 6 bis A

L’article 10-4 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la victime est assistée par un avocat, celui-ci peut, à l’issue de chacune de ses auditions, poser des questions. Il peut également présenter des observations écrites. Celles-ci sont jointes à la procédure. »

Article 6 bis A
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Article 7

Articles 6 bis B, 6 bis C et 6 bis

(Supprimés)

Chapitre II

Mieux lutter contre les violences intrafamiliales et sexistes et protéger les personnes

Articles 6 bis B, 6 bis C et 6 bis
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Article 7 bis

Article 7

I. – Le chapitre II du titre II du livre II du code pénal est ainsi modifié :

1° A La section 4 devient la section 7 ;

1° La section 4 est ainsi rétablie :

« Section 4

« De loutrage sexiste et sexuel

« Art. 222-33-1-1. – I. – Est puni de 3 750 euros d’amende le fait, hors les cas prévus aux articles 222-13, 222-32, 222-33, 222-33-2-2 et 222-33-2-3, d’imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante, lorsque ce fait est commis :

« 1° Par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;

« 2° Sur un mineur ;

« 3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse est apparente ou connue de son auteur ;

« 4° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de son auteur ;

« 5° Par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice ;

« 6° Dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou au transport public particulier ou dans un lieu destiné à l’accès à un moyen de transport collectif de voyageurs ;

« 7° En raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre, vraie ou supposée, de la victime ;

« 8° Par une personne déjà condamnée pour la contravention d’outrage sexiste et sexuel et qui commet la même infraction en étant en état de récidive dans les conditions prévues au second alinéa de l’article 132-11.

« II. – Pour le délit prévu au I du présent article, y compris en cas de récidive, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 600 euros. » ;

2° Les sections 3 bis, 3 ter, 5, 6 et 7 deviennent respectivement les sections 5, 6, 8, 9 et 10 ;

3° L’article 222-44 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa du I, la référence : « 4 » est remplacée par les mots : « 7, à l’exception de la section 4 » ;

b) Au premier alinéa du II, les mots : « 3 ter et 4 » sont remplacés par les mots : « 6 et 7 » ;

4° Au premier alinéa de l’article 222-45, la référence : « 4 » est remplacée par la référence : « 7 » ;

5° À l’article 222-48-2, la référence : « 3 bis » est remplacée par la référence : « 5 » ;

6° La section 5 est complétée par un article 222-48-5 ainsi rédigé :

« Art. 222-48-5. – Les personnes coupables du délit prévu à l’article 222-33-1-1 encourent également les peines complémentaires suivantes :

« 1° La peine de stage prévue aux 1°, 4°, 5° ou 7° de l’article 131-5-1 ;

« 2° La peine de travail d’intérêt général pour une durée de vingt à cent cinquante heures. »

II. – Le titre II du livre VI du code pénal est abrogé.

III. – À l’avant-dernier alinéa de l’article 21 du code de procédure pénale, les mots : « les contraventions prévues à l’article 621-1 » sont remplacés par les mots : « la contravention d’outrage sexiste et sexuel et le délit prévu à l’article 222-33-1-1 ».

IV. – Au premier alinéa du I de l’article L. 2241-1 du code des transports, les mots : « les contraventions prévues à l’article 621-1 » sont remplacés par les mots : « la contravention d’outrage sexiste et sexuel, le délit prévu à l’article 222-33-1-1 ».

V. – Le présent article entre en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la promulgation de la présente loi.

Article 7
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Article 7 ter

Article 7 bis

I. – Le chapitre II du titre II du livre II du code pénal est ainsi modifié :

1° Le paragraphe 2 de la section 1 est ainsi modifié :

a) Au 4° bis des articles 222-12 et 222-13 : les mots : « toute personne chargée d’une mission de service public » sont remplacés par les mots : « une personne chargée d’une mission de service public autre que celles mentionnées à l’article 222-14-5 du présent code » ;

b) Au premier alinéa du I de l’article 222-14-5, les mots : « ou un agent de l’administration pénitentiaire » sont remplacés par les mots : « , un agent de l’administration pénitentiaire ou le titulaire d’un mandat électif public » ;

2° La section 5 est ainsi modifiée :

a) Au deuxième alinéa de l’article 222-47, les mots : « et 222-14-2 » sont remplacés par les mots : « , 222-14-2 et 222-14-5 » ;

b) À l’article 222-48, après la référence : « 222-14-4 », est insérée la référence : « , 222-14-5 ».

II. – À l’article 721-1-2 du code de procédure pénale, après le mot : « publique », sont insérés les mots : « , ainsi que les personnes condamnées à une peine privative de liberté pour une ou plusieurs infractions mentionnées aux articles L. 233-1 et L. 233-1-1 du code de la route, ».

III. – Le code de la route est ainsi modifié :

1° Au I de l’article L. 233-1, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » et le montant : « 15 000 euros » est remplacé par le montant : « 30 000 euros » ;

2° Le IV de l’article L. 236-1 est complété par les mots : « ou lorsque les faits ont été commis dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente » ;

3° Après le 1° de l’article L. 236-3, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :

« 1° bis La confiscation d’un ou de plusieurs véhicules lui appartenant ; ».

Article 7 bis
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Article 8

Article 7 ter

(Supprimé)

Article 7 ter
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Article 9

Article 8

I. – L’article 223-15-2 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’infraction est commise en bande organisée par les membres d’un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à un million d’euros d’amende. »

II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L’article 74-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Si les nécessités de l’enquête pour rechercher la personne en fuite l’exigent, les sections 1, 2 et 4 à 6 du chapitre II du titre XXV du livre IV sont applicables lorsque la personne concernée a fait l’objet de l’une des décisions mentionnées aux 1° à 3° et 6° du présent article pour l’une des infractions mentionnées aux articles 706-73 et 706-73-1. » ;

2° L’article 706-73 est ainsi modifié :

a) Après le 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :

« 1° bis Crime de meurtre commis en concours, au sens de l’article 132-2 du code pénal, avec un ou plusieurs autres meurtres ; »

b) Après le 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :

« 2° bis Crime de viol commis en concours, au sens de l’article 132-2 du code pénal, avec un ou plusieurs autres viols commis sur d’autres victimes ; »

c) Le 20° est ainsi rétabli :

« 20° Délit d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse commis en bande organisée prévu au troisième alinéa de l’article 223-15-2 du code pénal. »

TITRE IV

DISPOSITIONS VISANT À ANTICIPER LES MENACES ET LES CRISES

Chapitre Ier

Renforcer la filière investigation

Article 8
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Article 10

Article 9

L’article 16 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au 2°, les mots : « comptant au moins trois ans de service dans la gendarmerie, » sont supprimés ;

2° Au 4°, les mots : « comptant au moins trois ans de services dans ce corps, » sont supprimés ;

3° Au neuvième alinéa, les mots : « fonctionnaires visés au 4° ne peuvent recevoir l’habilitation prévue à l’alinéa précédent que » sont remplacés par les mots : « gendarmes mentionnés au 2° et les fonctionnaires mentionnés au 4° ne peuvent recevoir l’habilitation prévue au huitième alinéa que, d’une part, s’ils comptent au moins trente mois de services à compter du début de leur formation initiale, dont au moins six mois effectués dans un emploi comportant l’exercice des attributions attachées à la qualité d’agent de police judiciaire, et, d’autre part, ».

Article 9
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Article 11

Article 10

I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L’article 15 est ainsi modifié :

a) Le 3° devient le 4° ;

b) Le 3° est ainsi rétabli :

« 3° Les assistants d’enquête de la police nationale et de la gendarmerie nationale ; »

2° La section 4 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier devient une section 5 ;

2° bis La section 4 est ainsi rétablie :

« Section 4

« Des assistants denquête

« Art. 21-3. – Les assistants d’enquête sont recrutés parmi les militaires du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale, les personnels administratifs de catégorie B de la police nationale et de la gendarmerie nationale et les agents de police judiciaire adjoints de la police nationale et de la gendarmerie nationale ayant satisfait à une formation sanctionnée par un examen certifiant leur aptitude à assurer les missions que la loi leur confie.

« Les assistants d’enquête ont pour mission de seconder, dans l’exercice de leurs fonctions, les officiers et les agents de police judiciaire de la police nationale et de la gendarmerie nationale, aux seules fins d’effectuer, à la demande expresse et sous le contrôle de l’officier de police judiciaire ou, lorsqu’il est compétent, de l’agent de police judiciaire, les actes suivants et d’en établir les procès-verbaux :

« 1° Procéder à la convocation de toute personne devant être entendue par un officier ou un agent de police judiciaire et contacter, le cas échéant, l’interprète nécessaire à cette audition ;

« 2° Procéder à la notification de leurs droits aux victimes, en application de l’article 10-2 ;

« 3° Procéder, avec l’autorisation préalable du procureur de la République ou du juge des libertés et de la détention lorsque celle-ci est prévue, aux réquisitions prévues aux articles 60, 60-3, 77-1 et 99-5 ainsi qu’à celles prévues aux articles 60-1 et 77-1-1 lorsqu’elles concernent des enregistrements issus de système de vidéoprotection ;

« 4° Informer de la garde à vue, par téléphone, les personnes mentionnées à l’article 63-2 ;

« 5° Procéder aux diligences prévues à l’article 63-3 ;

« 6° Informer l’avocat désigné ou commis d’office de la nature et de la date présumée de l’infraction sur laquelle porte l’enquête, en application de l’article 63-3-1 ;

« 7° Procéder aux convocations prévues à l’article 390-1 ;

« 8° Procéder aux transcriptions des enregistrements prévus à l’article 100-5 et au troisième alinéa de l’article 706-95-18 préalablement identifiés comme nécessaires à la manifestation de la vérité par les officiers de police judiciaire ou les agents de police judiciaire.

« En cas de difficulté rencontrée dans l’exécution de ces missions, notamment en cas d’impossibilité de prévenir ou de contacter les personnes mentionnées aux 1° et 4° à 6° du présent article, l’officier ou l’agent de police judiciaire en est immédiatement avisé.

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article, notamment les modalités de l’affectation des assistants d’enquête, celles selon lesquelles ils prêtent serment à l’occasion de cette affectation et celles selon lesquelles ils procèdent aux transcriptions des enregistrements prévus à l’article 100-5 et au troisième alinéa de l’article 706-95-18. » ;

3° Au premier alinéa de l’article 10-2, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou, sous leur contrôle, les assistants d’enquête » ;

4° Le chapitre Ier du titre II du livre Ier est ainsi modifié :

a) Aux premier et dernier alinéas de l’article 60, après la seconde occurrence du mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou l’assistant d’enquête » ;

b) À la première phrase du premier alinéa de l’article 60-1, après la seconde occurrence du mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou, dans le cas prévu au 3° de l’article 21-3, l’assistant d’enquête » ;

c) À la première phrase de l’article 60-3, après la seconde occurrence du mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou l’assistant d’enquête » ;

d) Au deuxième alinéa du I de l’article 63-2, après le mot : « enquêteurs », sont insérés les mots : « ou, sous leur contrôle, aux assistants d’enquête » ;

e) À l’avant-dernière phrase du premier alinéa de l’article 63-3, après le mot : « enquêteurs », sont insérés les mots : « ou, sous leur contrôle, aux assistants d’enquête » ;

f) Au quatrième alinéa de l’article 63-3-1, après la seconde occurrence du mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou un assistant d’enquête » ;

5° Le chapitre II du même titre II est ainsi modifié :

a) L’article 77-1 est ainsi modifié :

– au premier alinéa, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou, sous le contrôle de ces derniers, l’assistant d’enquête » ;

– à la première phrase du troisième alinéa, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou, sous leur contrôle, les assistants d’enquête » ;

b) À la première phrase du premier alinéa de l’article 77-1-1, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou, dans le cas prévu au 3° de l’article 21-3 et sous le contrôle de ces derniers, l’assistant d’enquête » ;

6° La section 3 du chapitre Ier du titre III du même livre Ier est ainsi modifiée :

a) À l’article 99-5, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou, sous le contrôle de ce dernier, l’agent de police judiciaire ou l’assistant d’enquête » ;

b) La première phrase du premier alinéa de l’article 100-5 est ainsi rédigée : « Le juge d’instruction, l’officier de police judiciaire commis par lui ou l’agent de police judiciaire ou l’assistant d’enquête agissant sous le contrôle de cet officier transcrit la correspondance utile à la manifestation de la vérité. » ;

7° À l’article 230, après le mot : « adjoints », sont insérés les mots : « , aux assistants d’enquête de la police nationale et de la gendarmerie nationale » ;

8° Au premier alinéa de l’article 390-1, après le mot : « judiciaire, », sont insérés les mots : « un assistant d’enquête agissant sous le contrôle de l’officier ou de l’agent de police judiciaire, » ;

9° À la première phrase du troisième alinéa de l’article 706-95-18, après le mot : « responsabilité », sont insérés les mots : « ou l’assistant d’enquête agissant sous le contrôle de l’officier de police judiciaire ».

bis. – Au premier alinéa de l’article L. 522-3 du code de la sécurité intérieure, la référence : « 3° » est remplacée par la référence : « 4° ».

II. – Le Gouvernement remet au Parlement, avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la publication du décret mentionné au dernier alinéa de l’article 21-3 du code de procédure pénale, un rapport procédant à l’évaluation de la mise en œuvre du présent article. Cette évaluation porte notamment sur le recrutement et la formation des assistants d’enquête et sur l’adéquation des missions qui leur sont confiées aux besoins des services d’enquête et au respect des droits de la défense.

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Chapitre II

Renforcer la fonction investigation

Article 10
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Article 12 bis

Article 11

I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° A L’article 55-1 est ainsi modifié :

a) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’officier de police judiciaire peut également procéder, ou faire procéder sous son contrôle, aux opérations permettant l’enregistrement, la comparaison et l’identification des traces et indices et des résultats des opérations de relevés signalétiques dans les fichiers mentionnés au deuxième alinéa, selon les règles propres à chacun de ces fichiers. » ;

b) À la première phrase du dernier alinéa, les mots : « du troisième » sont remplacés par les mots : « de l’avant-dernier » ;

1° L’article 60 est ainsi modifié :

a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’ils sont sollicités à cet effet par l’officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de ce dernier, par l’agent de police judiciaire, les services ou organismes de police technique et scientifique de la police nationale et de la gendarmerie nationale peuvent directement procéder à des constatations et à des examens techniques ou scientifiques relevant de leur compétence, sans qu’il soit nécessaire d’établir une réquisition à cette fin. » ;

b) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

– après la référence : « 157 », sont insérés les mots : « ou s’il s’agit d’un service ou organisme mentionné au deuxième alinéa du présent article » ;

– les mots : « ainsi appelées » sont remplacés par les mots : « mentionnées au premier alinéa » ;

1° bis L’article 60-3 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, après la seconde occurrence du mot : « données », sont insérés les mots : « ou de procéder aux opérations techniques nécessaires à leur mise à disposition de l’officier de police judiciaire » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les opérations mentionnées au premier alinéa du présent article peuvent être réalisées par les services ou organismes de police technique et scientifique de la police nationale et de la gendarmerie nationale dans les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l’article 60. » ;

1° ter L’article 76-2 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « de prélèvements externes » sont supprimés ;

b) Au second alinéa, les mots : « , deuxième, troisième et dernier » sont remplacés par les mots : « quatre derniers » ;

2° Le deuxième alinéa de l’article 77-1 est ainsi rédigé :

« Les quatre derniers alinéas de l’article 60 sont applicables. » ;

2° bis L’article 77-1-3 est ainsi modifié :

a) (Supprimé)

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le second alinéa du même article 60-3 est applicable. » ;

3° L’article 99-5 est ainsi modifié :

a) (Supprimé)

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le second alinéa du même article 60-3 est applicable. » ;

4° L’article 154-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « de prélèvements externes » sont supprimés ;

b) (nouveau) Au second alinéa, les mots : « deuxième, troisième et dernier » sont remplacés par les mots : « quatre derniers » ;

4° bis À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 167, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « dernier » ;

4° ter À la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article 230-1, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième » ;

5° Le I de l’article 706-56 est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

– à la première phrase, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou, sous le contrôle de ce dernier, l’agent de police judiciaire » ;

– à la même première phrase, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième » ;

– est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Lorsque l’analyse est demandée aux services ou organismes de police technique et scientifique mentionnés à l’article 157-2, il n’y a pas lieu à prestation de serment et si la demande émane d’un officier de police judiciaire ou d’un agent de police judiciaire, il n’est pas nécessaire d’établir une réquisition à cette fin. » ;

b) Le troisième alinéa est ainsi modifié :

– les mots : « personnes requises » sont remplacés par les mots : « services, organismes ou personnes appelés à réaliser les analyses » ;

– les mots : « , du procureur » sont remplacés par les mots : « ou, sous son contrôle, de l’agent de police judiciaire, ainsi qu’à la demande du procureur ».

II. – À la première phrase du b du 2° de l’article L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième ».

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Article 11
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Article 13

Article 12 bis

I. – À l’article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité, après le mot : « étrangers », sont insérés les mots : « et des demandes de visa ou d’autorisation de voyage prévus aux articles L. 312-1, L. 312-2 et L. 312-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ».

II. – Le chapitre IV du titre III du livre II du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° À la seconde phrase de l’article L. 234-3, après le mot : « nationales », sont insérés les mots : « , par des agents des douanes individuellement désignés et spécialement habilités, pour le seul exercice des missions et interventions qui le justifient, dans le cadre des pouvoirs qui leur sont conférés en application des sections 2, 7 et 7 bis du chapitre IV du titre II du code des douanes, » ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 234-4, les références : « , 4° et 5° » sont remplacées par la référence : « à 6° ».

Article 12 bis
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Article 13 bis

Article 13

I. – Le dernier alinéa de l’article 77-1-1 du code de procédure pénale est remplacé par sept alinéas ainsi rédigés :

« Sans préjudice des instructions et autorisations particulières pouvant être données pour une procédure déterminée, les réquisitions prévues au présent article peuvent faire l’objet d’autorisations du procureur de la République résultant d’instructions générales prises en application de l’article 39-3 et concernant des crimes ou délits punis d’une peine d’emprisonnement, limitativement énumérés par ce magistrat, lorsqu’elles sont nécessaires à la manifestation de la vérité et ont pour objet :

« 1° La remise d’enregistrements issus d’un système de vidéoprotection concernant les lieux dans lesquels l’infraction a été commise ou les lieux dans lesquels seraient susceptibles de se trouver ou de s’être trouvées les personnes contre lesquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elles ont commis ou tenté de commettre ladite infraction ;

« 2° La recherche des comptes bancaires dont est titulaire une personne contre laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre l’infraction, ainsi que le solde de ces comptes ;

« 3° La fourniture de listes de salariés, de collaborateurs, de personnels et de prestataires de services de sociétés de droit privé ou public, lorsque l’enquête porte sur les délits prévus aux articles L. 8224-1 et L. 8224-2 du code du travail ;

« 4° La remise de données relatives à l’état civil, aux documents d’identité et aux titres de séjour concernant la personne contre laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre l’infraction ;

« 5° La remise de données relatives à la lecture automatisée de plaques d’immatriculation, lorsque l’infraction a été commise en utilisant un véhicule et que ces données sont susceptibles de permettre de localiser une personne contre laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre l’infraction.

« Ces instructions générales précisent les réquisitions autorisées selon les infractions retenues, au regard de la nature ou de la gravité de celles-ci. Leur durée ne peut excéder six mois. Le procureur de la République peut les renouveler pour une même durée, les modifier ou y mettre fin avant leur terme. Il est immédiatement avisé de la délivrance des réquisitions réalisées en application de ses instructions générales. Cet avis précise les infractions pour lesquelles la réquisition a été établie. Le procureur de la République peut ordonner que cette réquisition soit rapportée. »

II. – Dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’extension des autorisations générales de réquisition délivrées par le procureur de la République.

Article 13
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Article 14

Article 13 bis

I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au cinquième alinéa de l’article 57-1, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou, sous leur contrôle, les agents de police judiciaire » ;

2° L’article 74 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « avisé », sont insérés les mots : « ou, sous son contrôle, l’agent de police judiciaire » ;

b) La seconde phrase du deuxième alinéa est complétée par les mots : « ou, sous le contrôle de ce dernier, un agent de police judiciaire de son choix » ;

3° À la première phrase du premier alinéa de l’article 74-1, les mots : « , assistés le cas échéant des agents de police judiciaire, » sont remplacés par les mots : « ou, sous leur contrôle, les agents de police judiciaire » ;

3° bis À l’article 76-3, après le mot : « police », sont insérés les mots : « judiciaire ou, sous son contrôle, l’agent de police judiciaire » ;

4° Le premier alinéa de l’article 78-3 est ainsi modifié :

a) À la troisième phrase, le mot : « celui-ci » est remplacé par les mots : « l’officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire » ;

b) À la dernière phrase, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou, sous le contrôle de celui-ci, l’agent de police judiciaire » ;

5° À l’article 97-1, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou, sous le contrôle de celui-ci, l’agent de police judiciaire » ;

6° Au deuxième alinéa de l’article 99-4, après le mot : « police », sont insérés les mots : « judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, l’agent de police judiciaire » ;

7° (Supprimé)

8° À l’article 100-3 et à la première phrase du premier alinéa de l’article 100-4, après le mot : « lui », sont insérés les mots : « ou, sous le contrôle de ce dernier, l’agent de police judiciaire » ;

9° (Supprimé)

II. – Au premier alinéa de l’article L. 813-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, après le mot : « informé », sont insérés les mots : « par l’officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par l’agent de police judiciaire ».

Chapitre III

Améliorer la réponse pénale

Article 13 bis
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Article 14 bis

Article 14

I. – (Supprimé)

bis. – L’article L. 310-5 du code de commerce est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Pour l’infraction mentionnée au 2° du présent article, l’action publique peut être éteinte, y compris en cas de récidive, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 200 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 150 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 450 euros.

« Les dispositions des articles 495-20 et 495-21 du même code relatives à l’exigence d’une consignation préalable à la contestation de l’amende forfaitaire ne sont pas applicables. »

II. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° A (Supprimé)

1° L’article 313-5 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« L’action publique peut être éteinte, y compris en cas de récidive, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 600 euros.

« Les dispositions des articles 495-20 et 495-21 du même code relatives à l’exigence d’une consignation préalable à la contestation de l’amende forfaitaire ne sont pas applicables. » ;

2° L’article 322-1 est ainsi modifié :

a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;

a bis) Au début du second alinéa, est ajoutée la mention : « II. – » ;

b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« L’action publique peut être éteinte, y compris en cas de récidive, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 200 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 150 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 450 euros.

« Les dispositions des articles 495-20 et 495-21 du même code relatives à l’exigence d’une consignation préalable à la contestation de l’amende forfaitaire ne sont pas applicables. » ;

2° bis Le premier alinéa de l’article 322-2 est ainsi modifié :

a) Les mots : « premier alinéa » sont remplacés par la référence : « I » ;

b) Les mots : « deuxième alinéa » sont remplacés par les mots : « premier alinéa du II » ;

2° ter A L’article 322-3 est ainsi modifié :

a) Au premier et aux deux derniers alinéas, les mots : « premier alinéa » sont remplacés par la référence : « I » ;

b) Au premier alinéa, les mots : « deuxième alinéa » sont remplacés par la référence : « II » ;

2° ter Au 7° du I de l’article 322-15, les mots : « premier alinéa » sont remplacés par la référence : « I » ;

3° L’article 431-22 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« L’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 500 €. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 400 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 000 €.

« Les dispositions des articles 495-20 et 495-21 du même code relatives à l’exigence d’une consignation préalable à la contestation de l’amende forfaitaire ne sont pas applicables. » ;

4° L’article 446-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’action publique peut être éteinte, y compris en cas de récidive, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 500 €. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 400 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 000 €. »

II bis. – L’article L. 114-2 du code du patrimoine est ainsi modifié :

1° Après le mot : « pénal », la fin du premier alinéa est supprimée ;

2° Les deuxième à dernier alinéas sont supprimés.

III. – Le code des transports est ainsi modifié :

1° L’article L. 2242-4 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« L’action publique peut être éteinte, y compris en cas de récidive, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 €. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 600 €.

« Les dispositions des articles 495-20 et 495-21 du même code relatives à l’exigence d’une consignation préalable à la contestation de l’amende forfaitaire ne sont pas applicables. » ;

1° bis Le II de l’article L. 3124-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 500 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 400 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 000 euros. » ;

1° ter Le III de l’article L. 3124-7 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 500 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 400 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 000 euros. » ;

1° quater Le III de l’article L. 3124-12 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 500 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 400 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 000 euros. » ;

2° L’article L. 3315-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 500 €. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 400 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 000 €. » ;

3° La section 2 du chapitre II du titre V du livre IV de la troisième partie est complétée par un article L. 3452-11 ainsi rédigé :

« Art. L. 3452-11. – Pour les infractions prévues à la présente section, à l’exception de celles prévues aux articles L. 3452-9 et L. 3452-10, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant :

« 1° De 200 € pour les infractions prévues aux articles L. 3452-7 à L. 3452-8 du présent code ; le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 150 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 450 € ;

« 2° (Supprimé)

« 3° De 500 € pour les infractions prévues à l’article L. 3452-6 ; le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 400 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 000 €. » ;

4° Le chapitre IV du titre VII du livre II de la quatrième partie est complété par une section 5 ainsi rédigée :

« Section 5

« Amendes forfaitaires

« Art. L. 4274-19. – Pour les infractions prévues aux sections 1, 2 et 4 du présent chapitre, à l’exception de celle prévue à l’article L. 4274-15, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant :

« 1° (Supprimé)

« 2° De 300 € pour les infractions prévues à l’article L. 4274-2, au premier alinéa de l’article L. 4274-3, aux articles L. 4274-4 et L. 4274-5, aux quatre premiers alinéas de l’article L. 4274-8 et aux articles L. 4274-10 à L. 4274-11-1, L. 4274-12-1 et L. 4274-13 ; le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 600 € ;

« 3° De 500 € pour les infractions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 4274-3, aux articles L. 4274-6 et L. 4274-7, au cinquième alinéa de l’article L. 4274-8 et aux articles L. 4274-9, L. 4274-12, L. 4274-17 et L. 4274-18 ; le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 400 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 000 €. » ;

5° La sous-section 1 de la section 1 du chapitre II du titre IV du livre II de la cinquième partie est complétée par un article L. 5242-6-6 ainsi rédigé :

« Art. L. 5242-6-6. – I. – Le fait d’adopter, au moyen d’un engin nautique à moteur immatriculé, une conduite répétant de façon intentionnelle des manœuvres constituant des violations d’obligations particulières de sécurité ou de prudence prévues par les dispositions législatives et réglementaires de la présente cinquième partie dans des conditions qui compromettent la sécurité des usagers de la mer ou qui troublent la tranquillité publique est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

« II. – L’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 500 €. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 400 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 000 €. »

IV. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Le I de l’article L. 215-2 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« L’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 600 euros.

« Les dispositions des articles 495-20 et 495-21 du même code relatives à l’exigence d’une consignation préalable à la contestation de l’amende forfaitaire ne sont pas applicables. » ;

2° L’article L. 215-2-1 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« L’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 600 euros.

« Les dispositions des articles 495-20 et 495-21 du même code relatives à l’exigence d’une consignation préalable à la contestation de l’amende forfaitaire ne sont pas applicables. » ;

3° L’article L. 215-3 est complété par un IV ainsi rédigé :

« IV. – Pour les délits mentionnés aux 1° et 2° du I du présent article, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 600 euros. »

V. – Le code de la route est ainsi modifié :

1° et 1° bis (Supprimés)

2° L’article L. 318-3 est complété par un IV ainsi rédigé :

« IV. – Pour l’infraction mentionnée au I, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 200 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 150 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 450 euros. » ;

3° L’article L. 412-1 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« L’action publique peut être éteinte, y compris en cas de récidive, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 800 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 640 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 600 euros.

« Les dispositions des articles 495-20 et 495-21 du même code relatives à l’exigence d’une consignation préalable à la contestation de l’amende forfaitaire ne sont pas applicables. »

bis. – L’article L. 317-8 du code de la sécurité intérieure est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour le délit mentionné au 3°, sauf s’il s’agit d’armes à feu, en cas de remise volontaire de l’arme, des munitions ou des éléments de l’arme à l’agent verbalisateur aux fins de transfert de propriété à l’État et de destruction éventuelle, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 500 €. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 400 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 000 €. »

VI. – Le code du sport est ainsi modifié :

1° L’article L. 332-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour le délit mentionné au premier alinéa du présent article, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 500 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 400 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 000 euros. » ;

2° (Supprimé)

3° L’article L. 332-10 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour le délit mentionné au premier alinéa, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 500 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 400 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 000 euros. »

VII. – Le code de l’environnement est ainsi modifié :

1° L’article L. 428-5 est complété par un IV ainsi rédigé :

« IV. – L’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 500 €. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 400 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 000 €. » ;

2° À l’article L. 554-12, les mots : « premier alinéa » sont remplacés par la référence : « I ».

VIII. – La section 9 du chapitre Ier du titre II du livre II du code de procédure pénale est ainsi modifiée :

1° A, 1° et 2° (Supprimés)

3° Après l’article 495-24-1, il est inséré un article 495-24-2 ainsi rédigé :

« Art. 495-24-2. – Lorsque l’action publique concernant un délit ayant causé un préjudice à une victime est éteinte par le paiement d’une amende forfaitaire délictuelle, la victime peut toutefois demander au procureur de la République de citer l’auteur des faits à une audience devant le tribunal pour lui permettre de se constituer partie civile. Le tribunal, composé d’un seul magistrat exerçant les pouvoirs conférés au président, ne statue alors que sur les seuls intérêts civils, au vu du dossier de la procédure qui est versé au débat. Le procureur de la République informe la victime de ses droits ainsi que, lorsqu’il cite l’auteur des faits devant le tribunal correctionnel, de la date de l’audience. »

VIII bis (nouveau). – À titre expérimental, pour l’infraction mentionnée au I de l’article L. 236-1 du code de la route, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 500 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 400 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 000 euros.

Au plus tard six mois avant la fin de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation afin de déterminer les conditions d’une éventuelle généralisation.

Le présent VIII bis est applicable sur l’ensemble du territoire national.

IX. – Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er janvier 2026, un rapport portant évaluation de la mise en œuvre de la procédure de l’amende forfaitaire délictuelle, pour chacune des infractions auxquelles cette procédure est applicable. L’évaluation identifie les pistes d’amélioration du recouvrement de ces amendes, notamment par la mise en place d’une saisie sur salaire en concertation avec l’employeur de la personne mise en cause.

Article 14
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Article 15

Article 14 bis

Le second alinéa de l’article 222-17 du code pénal est ainsi rédigé :

« La menace de mort, par quelque moyen que ce soit, est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende. »

Chapitre IV

Faire face aux crises hybrides et relevant de plusieurs ministères

Article 14 bis
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Article 16

Article 15

Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Le chapitre V du titre Ier du livre Ier est abrogé ;

2° À la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 742-1, après le mot : « actions », sont insérés les mots : « ou de décisions » ;

3° Après l’article L. 742-2, il est inséré un article L. 742-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 742-2-1. – Lorsque surviennent des événements de nature à entraîner un danger grave et imminent pour la sécurité, l’ordre ou la santé publics, la préservation de l’environnement, l’approvisionnement en biens de première nécessité ou la satisfaction des besoins prioritaires de la population définis à l’article L. 732-1, le représentant de l’État dans le département du siège de la zone de défense et de sécurité peut, si le représentant de l’État dans le département l’estime nécessaire pour assurer le rétablissement de l’ordre public, mettre en œuvre les actions mentionnées au dernier alinéa de l’article L. 742-1 et prévenir et limiter les conséquences de ces évènements, autoriser le représentant de l’État dans le département, à ces seules fins, à diriger l’action de l’ensemble des services et des établissements publics de l’État ayant un champ d’action territorial, qui sont alors placés pour emploi sous son autorité. Le représentant de l’État dans le département prend les décisions visant à assurer le rétablissement de l’ordre public, à mettre en œuvre les actions mentionnées au même dernier alinéa ou à prévenir et à limiter les conséquences de ces événements, après avis de l’autorité compétente de l’établissement public placé sous son autorité en application du présent article.

« La décision du représentant de l’État dans le département du siège de la zone de défense et de sécurité est prise pour une durée maximale d’un mois. Elle détermine les circonscriptions territoriales à l’intérieur desquelles elle s’applique. Elle peut être renouvelée, dans les mêmes formes, par période d’un mois au plus, si les conditions l’ayant motivée continuent d’être réunies. Il est mis fin sans délai à la mesure dès que les circonstances qui l’ont justifiée ont cessé. »

TITRE V

DISPOSITIONS RELATIVES À L’OUTRE-MER

Article 15
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Article 17

Article 16

I. – Au premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale, les mots : « l’ordonnance n° 2022-478 du 30 mars 2022 portant partie législative du code pénitentiaire » sont remplacés par les mots : « la loi n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur ».

II. – À l’article 711-1 du code pénal, les mots : « l’ordonnance n° 2022-478 du 30 mars 2022 portant partie législative du code pénitentiaire » sont remplacés par les mots : « la loi n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur ».

III. – Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° A Au premier alinéa des articles L. 285-1, L. 286-1 et L. 287-1, la référence : « n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure » est remplacée par la référence : « n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur » ;

1° BA (nouveau) Au premier alinéa des articles L. 344-1, L. 345-1, L. 346-1 et L. 347-1, la référence : « n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure » est remplacée par la référence : « n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur » ;

1° B Au premier alinéa de l’article L. 545-1, la référence : « n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés » est remplacée par la référence : « n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur » ;

1° L’article L. 765-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, la référence : « n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels » est remplacée par la référence : « n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur » ;

b) Au 4°, après le mot : « publique », est insérée la référence : « , L. 742-2-1, » ;

2° Après le 23° de l’article L. 765-2, il est inséré un 23° bis ainsi rédigé :

« 23° bis L’article L. 742-2-1 est ainsi rédigé :

« “Art. L. 742-2-1. – Lorsque surviennent des événements de nature à entraîner un danger grave et imminent pour la sécurité, l’ordre ou la santé publics, la préservation de l’environnement, l’approvisionnement en biens de première nécessité ou la satisfaction des besoins prioritaires de la population définis à l’article L. 732-1, le haut-commissaire de la République en Polynésie française peut, pour assurer le rétablissement de l’ordre public, mettre en œuvre les actions mentionnées au dernier alinéa de l’article L. 742-1 et prévenir les conséquences de ces évènements, diriger l’action de l’ensemble des services et des établissements publics de l’État ayant un champ d’action territorial, qui sont alors placés pour emploi sous son autorité. Le haut-commissaire de la République en Polynésie française prend les décisions visant à assurer le rétablissement de l’ordre public, à mettre en œuvre les actions mentionnées au même dernier alinéa ou à prévenir et à limiter les conséquences de ces événements, après avis de l’autorité compétente de l’établissement public placé sous son autorité en application du présent article.

« “La décision du haut-commissaire de la République en Polynésie française est prise pour une durée maximale d’un mois. Elle détermine les circonscriptions territoriales à l’intérieur desquelles elle s’applique. Elle peut être renouvelée, dans les mêmes formes, par période d’un mois au plus, si les conditions l’ayant motivée continuent d’être réunies. Il est mis fin sans délai à la mesure dès que les circonstances qui l’ont justifiée ont cessé.” ; »

3° Au premier alinéa de l’article L. 766-1, la référence : « n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels » est remplacée par la référence : « n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur » ;

4° Après le 24° de l’article L. 766-2, il est inséré un 24° bis ainsi rédigé :

« 24° bis L’article L. 742-2-1 est ainsi rédigé :

« “Art. L. 742-2-1. – Lorsque surviennent des événements de nature à entraîner un danger grave et imminent pour la sécurité, l’ordre ou la santé publics, la préservation de l’environnement, l’approvisionnement en biens de première nécessité ou la satisfaction des besoins prioritaires de la population définis à l’article L. 732-1, le haut-commissaire chargé de la zone de défense et de sécurité Nouvelle-Calédonie peut, pour assurer le rétablissement de l’ordre public, mettre en œuvre les actions mentionnées au dernier alinéa de l’article L. 742-1 et prévenir et limiter les conséquences de ces événements, diriger l’action de l’ensemble des services et des établissements publics de l’État ayant un champ d’action territorial, qui sont alors placés pour emploi sous son autorité. Le haut-commissaire prend les décisions visant à assurer le rétablissement de l’ordre public, à mettre en œuvre les actions mentionnées au même dernier alinéa ou à prévenir et à limiter les conséquences de ces événements, après avis de l’autorité compétente de l’établissement public placé sous son autorité en application du présent article.

« “La décision du haut-commissaire chargé de la zone de défense et de sécurité Nouvelle-Calédonie est prise pour une durée maximale d’un mois. Elle détermine les circonscriptions territoriales à l’intérieur desquelles elle s’applique. Elle peut être renouvelée, dans les mêmes formes, par période d’un mois au plus, si les conditions l’ayant motivée continuent d’être réunies. Il est mis fin sans délai à la mesure dès que les circonstances qui l’ont justifiée ont cessé.” ; »

5° L’article L. 767-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, la référence : « n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels » est remplacée par la référence : « n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur » ;

b) Au 3°, après la référence : « L. 742-1, », est insérée la référence : « L. 742-2-1, » ;

6° L’article L. 768-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, la référence : « n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels » est remplacée par la référence : « n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur » ;

b) Au 3°, après la référence : « L. 742-1 », est insérée la référence : « L. 742-2-1, ».

IV. – Avant le dernier alinéa de l’article L. 194-1 du code des assurances, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’article L. 12-10-1 est applicable dans les îles Wallis et Futuna dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. »

V. – L’article 55 ter du code des douanes est applicable dans les îles Wallis et Futuna.

VI. – (Supprimé)

VII. – Le titre IV du livre II du code de la route est ainsi modifié :

1° L’article L. 243-2 est ainsi modifié :

a) (Supprimé)

b) Au second alinéa, la référence : « L. 233-1, » est supprimée ;

c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L’article L. 233-1 est applicable en Nouvelle-Calédonie dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. » ;

2° L’article L. 243-3 est ainsi modifié :

a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’article L. 236-1 est applicable en Nouvelle-Calédonie dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. » ;

b) (nouveau) À la fin du second alinéa, les mots : « l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs » sont remplacés par les mots : « la loi n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur » ;

3° L’article L. 244-2 est ainsi modifié :

a) (Supprimé)

b) Au second alinéa, la référence : « L. 233-1, » est supprimée ;

c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L’article L. 233-1 est applicable en Polynésie française dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. » ;

4° Après le premier alinéa de l’article L. 244-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’article L. 236-1 est applicable en Polynésie française dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. » ;

5° L’article L. 245-2 est ainsi modifié :

a) (Supprimé)

b) Au second alinéa, la référence : « L. 233-1, » est supprimée ;

c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L’article L. 233-1 est applicable dans les îles Wallis et Futuna dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. » ;

6° L’article L. 245-3 est ainsi modifié :

a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’article L. 236-1 est applicable dans les îles Wallis et Futuna dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. » ;

b) (nouveau) À la fin du second alinéa, la référence : « l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs » est remplacée par la référence : « la loi n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur ».

VIII. – La quatrième ligne du tableau du second alinéa des articles L. 832-1, L. 833-1, L. 834-1, L. 835-1 et L. 836-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :

 

«

L. 813-1 à L. 813-4

L. 813-5

La loi n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur

L. 813-6 à L. 814-1

».

IX. – Aux articles L. 721-1, L. 722-1 et L. 723-1 du code de justice pénale des mineurs, les mots : « l’ordonnance n° 2022-478 du 30 mars 2022 portant partie législative du code pénitentiaire » sont remplacés par les mots : « la loi n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur ».

X. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° La douzième ligne du tableau du second alinéa de l’article L. 275-2 est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

 

«

L. 215-1

Résultant de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance

L. 215-2 à L. 215-3

Résultant de la loi n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur

» ;

2° La quinzième ligne du tableau du second alinéa de l’article L. 275-5 est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

 

«

L. 215-1

Résultant de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance

L. 215-2 à L. 215-3 

Résultant de la loi n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur

» ;

3° La douzième ligne du tableau du second alinéa de l’article L. 275-10 est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

 

«

L. 215-1

Résultant de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance

L. 215-2 à L. 215-3

Résultant de la loi n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur

».

XI. – L’article 31 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité est ainsi modifié :

1° Les 2° et 3° sont ainsi rétablis :

« 2° L’article 17-1 est applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.

« Pour son application à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, la référence à l’article L. 312-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est supprimée ;

« 3° Le II de l’article 36 est applicable en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna dans sa rédaction résultant de la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés. » ;

2° Le dernier alinéa est supprimé.

XII. – Le 3° du I de l’article L. 950-1 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’article L. 310-5 est applicable dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur ; ».

XIII (nouveau). – Le code des transports est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa de l’article L. 5762-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’article L. 5242-6-6 est applicable en Nouvelle-Calédonie dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. » ;

2° Après le deuxième alinéa de l’article L. 5772-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’article L. 5242-6-6 est applicable en Polynésie française dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. » ;

3° Après le quatrième alinéa de l’article L. 5782-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’article L. 5242-6-6 est applicable à Wallis-et-Futuna dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. » ;

4° L’article L. 5792-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’article L. 5242-6-6 est applicable dans les Terres australes et antarctiques françaises dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. »

Article 16
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Articles 18 et 19

Article 17

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 décembre 2023, deux rapports d’évaluation des politiques publiques en matière de cybersécurité.

Un premier rapport évalue la protection des collectivités territoriales et leur vulnérabilité aux intrusions numériques. Des recommandations pour mieux les protéger, validées par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, sont proposées.

Un second rapport évalue la protection des entreprises, en examinant la possibilité de subordonner le remboursement d’une assurance contre les risques de cyberattaques au recours par la victime à un prestataire informatique labellisé. Ce rapport comporte un avis et des préconisations de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information et du groupement d’intérêt public « Action contre la cybermalveillance » sur les exigences minimales de l’éventuelle labellisation des prestataires.

Article 17
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Articles 18 et 19

(Supprimés)

Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.

Le vote est réservé.

Vote sur l’ensemble

Articles 18 et 19
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Loïc Hervé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme Marc-Philippe Daubresse vous l’a indiqué, la commission mixte paritaire, réunie le 1er décembre dernier, est parvenue assez rapidement à un accord sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. En tant que rapporteur, je me suis plus particulièrement intéressé à l’article 5, relatif au Réseau radio du futur (RRF), puis aux articles 7 à 16 du projet de loi.

L’Assemblée nationale a amélioré et enrichi le texte sans remettre en cause les apports du Sénat, ce qui a facilité nos discussions et l’élaboration d’un texte de compromis.

Concernant le délit d’outrage sexiste, l’Assemblée nationale a souhaité le rebaptiser « outrage sexiste et sexuel », ce qui correspond mieux à la réalité de cette infraction. Elle a en outre élargi le champ de ce délit pour qu’il englobe tous les outrages commis à l’encontre d’un mineur, alors que nous avions visé les seuls mineurs de 15 ans et moins. La commission mixte paritaire a approuvé cette évolution.

S’agissant des assistants d’enquête, l’Assemblée nationale a élargi le vivier de recrutement sans abaisser le niveau d’exigence, ce qui nous a semblé aller également dans le bon sens.

L’Assemblée a approuvé l’extension des autorisations générales de réquisition, qui allégeront la tâche des procureurs, en prévoyant qu’un rapport d’évaluation soit réalisé dans un délai de deux ans.

C’est sur la question des amendes forfaitaires délictuelles (AFD) que le dialogue avec nos collègues députés a finalement été le plus nourri.

Vous vous en souvenez, le Sénat avait rejeté la proposition du Gouvernement d’autoriser le recours à l’AFD pour tous les délits punis de moins d’un an d’emprisonnement, ce qui correspondait à un total de 3 400 infractions. En effet, si elle convient pour la répression de certaines infractions, l’amende forfaitaire ne nous avait pas paru adaptée à un si grand nombre de délits, soit en raison de considérations opérationnelles, soit parce qu’une amende forfaitaire ne constitue pas à nos yeux une réponse pénale suffisamment forte.

Nous avions donc opté pour une approche au cas par cas, en élargissant, en commission puis en séance publique, la liste des infractions pour lesquelles l’AFD est autorisée. L’Assemblée nationale n’a pas remis en cause notre approche, mais elle a voulu aller un peu plus loin, ce qui nous a posé un problème pour certaines infractions, comme le tapage nocturne, le refus de se soumettre à un contrôle routier ou encore l’entrée dans une enceinte sportive dans le but de troubler le bon déroulement d’une compétition.

Nous avons obtenu que la liste soit quelque peu resserrée. Ainsi, en ce qui concerne le délit de port d’une arme blanche, l’amende forfaitaire délictuelle ne pourra être appliquée que si l’auteur de l’infraction remet volontairement son arme à l’agent verbalisateur.

Nous avons également limité le recours à l’AFD en cas de récidive : dans certains cas, un passage devant le tribunal nous paraît en effet nécessaire.

Au total, une fois la loi entrée en vigueur, la procédure de l’amende forfaitaire sera applicable à vingt-sept nouvelles infractions et, pour six d’entre elles, l’amende pourra être appliquée même en cas de récidive.

Je veux à présent évoquer d’un mot l’article 14 bis du texte, qui avait été inséré par le Sénat sur l’initiative de notre collègue Pierre-Antoine Levi, avant d’être supprimé par l’Assemblée nationale. Un compromis a été trouvé en commission mixte paritaire, qui maintient l’esprit de la mesure, mais en la recentrant sur les seules menaces de mort ; cette disposition, qui s’inspire du témoignage de certains procureurs, facilitera les poursuites. La commission des lois est preneuse des retours des parquets sur ce sujet.

Je termine en me félicitant que la commission mixte paritaire ait validé notre choix consistant à instaurer, à l’article 15, l’unité du commandement en cas de crise, l’agence régionale de santé (ARS) étant placée sous l’autorité du préfet. Le Parlement peut se féliciter de cette disposition, fondée sur l’une des grandes leçons de la pandémie de covid ; les prochaines crises nous montreront à quel point cette mesure est pertinente.

Je ne peux que me réjouir, monsieur le ministre, de la façon dont nous avons travaillé avec vous, avec vos services et avec nos collègues de l’Assemblée nationale en vue d’arriver à un accord. La Lopmi est attendue de nos forces de sécurité, qui pourront bénéficier de moyens renforcés et de nouveaux outils juridiques pour agir plus efficacement. Marc-Philippe Daubresse et moi nous félicitons de cet accord important avec les députés et l’ampleur du vote, la semaine dernière, à l’Assemblée nationale montre que cet accord était largement soutenu.

Les sénateurs du groupe Union Centriste voteront pour les conclusions de la commission mixte paritaire et j’invite nos collègues des autres travées à faire de même. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jérôme Durain. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi d’entamer mon propos en saluant les deux rapporteurs pour leur travail. Nos collègues ont défendu avec conviction et fermeté les positions du Sénat en commission mixte paritaire, ce qui a pesé dans l’appréciation du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sur le texte soumis à notre vote.

M. Jérôme Durain. Je salue également la disponibilité du ministre et le remercie de la qualité de nos échanges. Je n’insisterai pas davantage sur ce point, de crainte qu’il n’utilise ces compliments lors de controverses futures avec certains de mes camarades du Palais-Bourbon… (Sourires.)

M. Loïc Hervé. C’est Noël !

M. Jérôme Durain. Je rappelle tout d’abord la position initiale de notre groupe, en première lecture, sur le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.

Nous avions évidemment salué l’important effort budgétaire consenti par l’État. Cela permettra de répondre aux demandes des citoyens et des élus locaux sur le terrain. Relayant ces demandes quand cela est nécessaire, nous estimons cohérent de soutenir la programmation de 15 milliards d’euros.

Nous nous sommes en outre félicités des quelques avancées contenues dans le rapport annexé, notamment les dispositions insérées dans le texte grâce à l’adoption des amendements de nos collègues Patrick Kanner, Laurence Harribey, Gisèle Jourda et Olivier Jacquin sur la sécurité civile ou la gendarmerie.

Nous avons observé avec intérêt que les recommandations de notre collègue Conconne ont également été suivies : les dispositions nécessaires à l’application et à l’adaptation outre-mer de ce projet de loi ont été inscrites directement dans le texte, ce qui a permis la suppression de l’habilitation du Gouvernement à le faire par ordonnance.

Nous avons évidemment soutenu la proposition d’une meilleure protection des élus contre les violences qu’ils doivent parfois subir. Je profite de l’occasion pour saluer le maire de Montcenis, en Saône-et-Loire, ainsi que le personnel de sa commune, qui ont eu le malheur de vivre un épisode pénible la semaine dernière, lorsqu’ils ont reçu des menaces de mort.

Pour autant, même si nous avons voté pour le projet de loi en première lecture, tout ne nous convenait pas dans ce texte.

Ainsi en était-il des AFD, dont le champ avait été trop étendu à notre goût.

Le texte manque également d’avancées sur le rapprochement entre police et population ; je profite de cette intervention pour regretter la suppression à l’Assemblée nationale de l’indicateur de performance budgétaire que le Sénat avait inséré dans le projet de loi de finances pour 2023, à propos des discriminations commises ou subies par les forces de l’ordre. J’espère que M. le ministre tiendra sa parole et nous aidera à rétablir cette disposition prochainement.

Les discussions sur la police judiciaire ne nous rassuraient pas franchement, non plus que les membres de l’Association nationale de police judiciaire.

Pour parler de manière euphémique, je dirai que l’Assemblée nationale n’a pas vraiment amélioré notre texte. Les discussions en commission mixte paritaire étaient donc très attendues. Elles se sont révélées décevantes à plusieurs égards.

En particulier, le recours aux amendes forfaitaires délictuelles nous semble trop large dans ce texte et la possibilité de les utiliser en cas de récidive comporte des risques. Je retiens néanmoins que l’AFD a été supprimée pour certaines infractions peu compatibles avec la reconnaissance des faits, qui est au cœur de l’efficacité de cette transaction pénale ; je pense notamment au refus de contrôle.

Nous regrettons également la suppression des articles 6 bis – possibilité pour les victimes de déposer plainte depuis leur domicile ou dans les locaux d’une association d’aide aux victimes –, 6 bis B – expérimentation de la mise en place de brigades de gendarmes et de policiers mobiles ayant pour objectif de recueillir les plaintes des victimes de violences conjugales en territoire rural – et 6 bis C – droit des victimes d’être prises en charge par une personne formée aux discriminations liées à l’identité de genre ou à l’orientation sexuelle.

Malgré tout, du positif est sorti de la commission mixte paritaire. La suppression de l’article sur la circonstance aggravante en cas de violence gratuite nous semble par exemple bienvenue ; elle donnera moins de travail au Conseil constitutionnel !

Je pense aussi à la conservation de certaines avancées du rapport annexé : notre groupe se félicite par exemple de la rédaction de compromis trouvée sur la police judiciaire.

Avoir porté les revendications de tous ceux qui ont exprimé leur inquiétude sur la réforme de la police nationale s’est révélé positif.

Le rapport annexé ne règle pourtant pas tout et nous saisissons la balle au bond ! Puisque le ministre a proposé à l’Assemblée nationale, à la suite de notre demande, la création d’un comité de suivi de la loi de programmation du ministère de l’intérieur – vous l’avez encore indiqué tout à l’heure, monsieur le ministre –, nous lui demandons d’inscrire le suivi des moyens budgétaires de la police judiciaire au programme de ce comité de suivi.

Au total, le texte issu de la commission mixte paritaire nous semble meilleur que celui qui a été adopté à l’Assemblée nationale et il n’est pas fondamentalement différent de celui que le Sénat a adopté, que notre groupe avait voté. Ainsi, ce projet de loi, perfectible, mais attendu par les forces de l’ordre et par nos concitoyens, notamment pour ce qui concerne les moyens budgétaires, sera donc adopté avec les voix du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe UC. – Mme Marie Mercier applaudit également.)

M. Loïc Hervé. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Di Folco, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Di Folco. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Les Républicains se réjouit du caractère conclusif de la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 1er décembre dernier.

Cela faisait plusieurs années que le Sénat appelait de ses vœux une loi de programmation sur la sécurité. La dernière en date remonte à la loi du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2), qui déterminait les moyens des services de sécurité pour la période 2011-2013. Cela fait tout de même dix ans…

Si l’on ne comprend pas bien ce qui a pu contrarier l’adoption de ce projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur dès le premier quinquennat du Président Macron, nous nous félicitons néanmoins de son adoption imminente.

Néanmoins, mes chers collègues, l’ambition est forte, mais la tâche sera rude ! Personne ne l’ignore, la France se prépare à accueillir d’importants événements sportifs, dont les enjeux sécuritaires sont considérables, qu’il s’agisse de la coupe du monde de rugby de 2023 ou des jeux Olympiques de l’été 2024. Ainsi, les 15 milliards d’euros supplémentaires budgétés sur cinq ans ne seront pas de trop…

Toutefois, nous tenons à exprimer deux craintes.

D’une part, il ne faudrait pas que ces moyens viennent à s’évaporer en cours de route. Le Sénat sera particulièrement attentif au suivi du déploiement des crédits au cours des années à venir.

D’autre part, ces crédits ne devront pas non plus être happés par les enjeux sécuritaires de 2023 et 2024. Les Français auront encore besoin d’être protégés au lendemain des jeux Olympiques.

Par ailleurs, comme l’a dit l’un de nos collègues de la commission des lois lors de l’examen des crédits de la mission « Sécurités » du budget pour 2023, « le doublement des effectifs sur la voie publique […] n’aura de sens que si les effectifs des services […] qui traitent les [infractions] sont augmentés de manière proportionnelle ». Nous y veillerons également.

Je ne reviens pas dans le détail sur les dispositions du texte, nos deux rapporteurs l’ayant fait de leurs interventions. Je souhaite simplement conclure en formant le vœu que la réforme de l’organisation de la police nationale, notamment celle de la police judiciaire, qui vous occupera particulièrement au début de l’année prochaine, monsieur le ministre, soit conduite dans le plus grand consensus possible.

Le groupe Les Républicains tient à saluer la qualité du travail de nos deux rapporteurs, Marc-Philippe Daubresse et Loïc Hervé. Une grande partie de notre groupe se prononcera en faveur de ce texte, dans la rédaction issue de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dany Wattebled, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (M. Michel Canévet applaudit.)

M. Dany Wattebled. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me félicite que la commission mixte paritaire ait conduit à un accord sur ce texte, qui concerne l’ensemble du ministère de l’intérieur pour une période de cinq ans. Ce consensus, qui honore les deux assemblées parlementaires, traduit la ferme volonté de la représentation nationale de donner un cadre permettant de renforcer les moyens humains, financiers et technologiques des forces de l’ordre dans leur mission de protection.

Ce projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur est la traduction en chiffres et en actes de la considération de la République pour nos forces de sécurité.

Par ce texte, nous consacrons une hausse du budget du ministère de l’intérieur de 15 milliards d’euros sur cinq ans. Cette hausse inédite est indispensable pour assurer à chaque instant la sécurité de nos concitoyens face à une délinquance protéiforme : fraudes, trafics, rodéos urbains ou encore atteintes aux biens et aux personnes.

Cette hausse est aussi primordiale pour améliorer le travail quotidien des agents du ministère de l’intérieur et le rendre plus efficace, au service de la protection des Françaises et des Français, en leur donnant la possibilité de déléguer certains travaux chronophages.

En effet, la tâche des forces de l’ordre est immense. Chacun de nous le sait, la délinquance ne cesse de se renforcer, elle devient de plus en plus violente et de plus en plus technologique. Oui, il y a beaucoup à faire, mais ce texte ambitieux constitue véritablement une première réponse à la hauteur des enjeux de la sécurité d’aujourd’hui et de demain.

Tout d’abord, je me félicite que le projet de loi renforce considérablement les moyens humains des forces de l’ordre en créant 8 500 postes et 200 nouvelles brigades de gendarmerie. Cela permettra de doubler la présence policière sur le terrain.

Ce texte permet également de doter nos forces de sécurité d’instruments modernes, grâce au développement des outils informatiques et numériques, car moderniser, c’est mieux armer la France et la police pour affronter les nouvelles menaces. Les cyberattaques mettent nos institutions, nos collectivités territoriales, nos entreprises et nos établissements publics et privés dans des situations d’extrême vulnérabilité. Je pense notamment aux cyberattaques portées contre les établissements de santé, qui ne cessent de se multiplier : à Villefranche-sur-Saône en 2021, à Vitry-le-François et à Corbeil-Essonnes cette année ou encore à Versailles, il y a une semaine…

Je suis également satisfait que ce renforcement des moyens de nos forces de l’ordre s’accompagne d’une amélioration de la réponse pénale. Trop souvent, nous avons le sentiment que la réponse judiciaire ne permet pas d’agir sur la délinquance du quotidien. Or la réponse pénale se doit d’être ferme et efficace.

Avant de conclure, je tiens à saluer à cette tribune le courage et le sens du devoir de ces femmes et de ces hommes, gendarmes ou policiers, qui ont choisi de consacrer leur vie professionnelle et personnelle à la protection de nos concitoyens.

Ce texte propose des avancées, que nous n’avions pas connues depuis de nombreuses années et qui permettront de répondre aux attentes des forces de l’ordre en matière de lutte contre la criminalité, une criminalité qui se développe désormais sur de nouveaux terrains. Ce texte prend également en compte les légitimes exigences de nos concitoyens, qui aspirent à une plus grande sécurité.

Vous l’aurez compris, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guy Benarroche. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici à nouveau réunis pour déterminer la trajectoire du ministère de l’intérieur et les moyens que nous souhaitons lui allouer.

Ce texte avait pour particularité de nous présenter, au travers du rapport annexé à l’article 1er, la vision gouvernementale de la sécurité et la tranquillité publiques pour les prochaines années.

Nos prises de parole et nos propositions nous ont permis de défendre le projet du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires pour la sécurité de notre pays, un projet cohérent. L’aspect le plus marquant de ce texte, c’est la continuité de la politique envisagée, plus répressive que protectrice. Or cet aspect, quoique essentiel, ne doit pas pour autant conduire à négliger l’importance du lien des forces de l’ordre avec les citoyens et la nécessaire confiance de tous envers celles-ci.

Cette dimension obère également un autre aspect essentiel : l’immense souffrance au travail de nos forces de l’ordre. Nous avons ainsi pu exposer l’objectif partagé d’une police bénéficiant de meilleures conditions de travail, d’une meilleure formation, de moyens financiers, humains, mobiliers et immobiliers satisfaisants, dans le but d’exercer correctement ses missions auprès de la population, avec la population et pour la population.

Oui, nous soutenons l’action de la police républicaine, en ce que celle-ci est au service de toute la population, non seulement des Français à l’aise avec le numérique, mais encore des 13 millions de Français qui souffrent d’illectronisme. L’accès égal pour tous au service public, y compris le service public de la police, doit prévaloir et l’accueil des citoyens par un agent formé, l’interaction humaine de manière générale, doit rester une option pérenne.

Nous sommes donc d’accord avec vous, monsieur le ministre, pour donner de meilleurs équipements aux forces de l’ordre, qui exercent clairement leurs fonctions dans des conditions matérielles souvent insuffisantes, voire indécentes. Toutefois, nous souhaitons vous mettre en garde, à la suite de notre collègue Thomas Dossus, contre l’idée d’un policier « augmenté ». Un policier dûment équipé, oui, mais un policier augmenté, à quel coût et dans quel but ?

Nous regrettons par ailleurs que ce texte n’ait pu permettre de discuter de la modification de la doctrine du maintien de l’ordre. Je pense en particulier à l’usage des lanceurs de balles de défense (LBD), des drones, des lacrymos, de la technique de la nasse ou d’autres techniques d’interpellation que nous jugeons dangereuses.

Nous regrettons également que ce texte ne contienne aucune avancée sérieuse sur la réforme de l’inspection générale de la police nationale (IGPN). Le besoin de sécurité des citoyens exige aussi la transparence de l’action de la police : il faut mieux gérer les dérives violentes, donner une nouvelle dimension à l’IGPN, mais il faut également accroître la transparence sur les données de la police, leur publication et leur transmission, notamment aux élus locaux.

Une telle réforme nous paraît bien plus nécessaire, plus attendue de nos concitoyens, que la prétendue réforme de la police judiciaire. Se rappeler que le citoyen est au cœur de tout, telle a été, en permanence, notre boussole.

Nous regrettons en outre que, malgré le soutien exprimé par le Gouvernement dans cet hémicycle, la commission mixte paritaire n’ait retenu aucune des propositions de généralisation de certains mécanismes ayant fait leurs preuves, comme les agents de liaison LGBT+ ou les formations au cyberharcèlement.

Nous regrettons enfin que nos propositions d’amélioration des droits de la défense, alimentées par les rapports de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), du Syndicat de la magistrature ou des avocats, n’aient pas toujours trouvé une oreille attentive ; je pense par exemple à l’interdiction de la reconnaissance faciale.

Nos inquiétudes sur les droits des justiciables n’ont pas été dissipées par nos discussions relatives à l’amende forfaitaire, un outil certes utile, d’un point de vue comptable ou cyniquement mathématique, mais dont l’efficacité pour la réponse pénale n’est que peu étudiée. L’opportunité de poursuivre, qui appartient d’habitude au juge, est à nouveau niée. L’application de ce dispositif à des infractions commises autour des stades semble constituer une réponse inadaptée aux difficultés de gestion subies lors des événements du Stade de France, par exemple.

Enfin – n’y voyez aucun reproche à destination de nos forces de l’ordre –, l’utilisation de ce mécanisme semble très, très variable selon les territoires…

Cette mise à l’écart du monde judiciaire, sans réelle réflexion sur le continuum police-justice, nous semble être une erreur. Penser la police sans la justice, c’est une erreur, de même que penser la sécurité sans les acteurs du cœur des territoires.

Nous sommes d’accord avec vous pour reconnaître la nécessité d’augmenter les moyens des forces de l’ordre, mais nous sommes en désaccord profond sur la façon de les employer au mieux. Nous avons soutenu l’augmentation du budget prévue à l’article 2, mais nous aurions aimé être mieux entendus lorsque nous avons proposé d’améliorer les conditions de travail des forces de l’ordre et leurs relations avec les usagers.

En effet, notre groupe a promu plus d’avancées sur les conditions de travail des forces de l’ordre ; je pense à l’accompagnement des agents par des psychologues ou à la sanctuarisation des formations au tir.

Le besoin de sécurité des citoyens porte aussi sur leur environnement : c’est pourquoi nous avons de nouveau proposé des pistes pour le développement d’une réelle police environnementale. Comme Jacques Fernique l’a souligné, les gardes champêtres exerçant au sein de la brigade verte devraient être clairement distingués des autres services de police.

Le besoin de sécurité des citoyens à l’échelon local concerne aussi la gestion du risque d’incendie, amplifié par l’inaction climatique du Gouvernement. Nous remercions les membres de la commission mixte paritaire d’avoir conservé la proposition de notre collègue Monique de Marco sur les besoins d’une deuxième base de Canadair.

Nous aurions aimé pouvoir discuter d’autres mesures ou de visions tout aussi importantes, comme la gestion des frontières.

Mes collègues et moi avons rappelé à maintes reprises combien les forces de l’ordre étaient au cœur de notre pacte républicain ; ce sont elles qui endossent le rôle de protection de notre population et qui doivent assurer la tranquillité publique.

Les craintes que nous avions exprimées au début de l’examen de ce texte ont malheureusement été confirmées et les modifications apportées par la majorité sénatoriale n’ont fait que les amplifier. L’orientation du ministère de l’intérieur proposée par la commission mixte paritaire ne nous paraît ni convaincante ni justifiée ; nous ne pouvons donc pas nous y associer et nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Loïc Hervé. J’y ai presque cru !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour le groupe RDPI. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Alain Richard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi touche à sa fin après un parcours et un travail législatifs sérieux et méthodiques. Je crois que pouvoir le constater est une satisfaction.

Outre, naturellement, nos vastes mérites, cet aboutissement positif doit beaucoup à la concertation ample et transversale qui l’a précédé. Elle a été menée, je le pense, de façon sincère et de bonne foi, nous permettant de mieux nous informer sur les choix à soutenir.

Le projet de loi issu des travaux de la commission mixte paritaire met donc en œuvre des objectifs d’intérêt public majeurs, que je veux souligner : l’amélioration de l’accueil du public, le renforcement de la lutte contre la cybercriminalité, qui, nous le savons tous, est un péril croissant, une lutte plus efficace contre les violences intrafamiliales et sexistes, et la proximité des forces sur le territoire, à travers tant les commissariats que les brigades de gendarmerie. À mon sens, ce dernier souci a été bien exprimé par le ministre, et nous le partageons.

Dans les volumes de crédits prévus dans cette programmation, nous retrouvons des outils techniques d’avenir, aussi bien pour les missions d’enquête que pour les interventions, en particulier au travers du réseau Radio du futur. Ces objectifs, nous semble-t-il, sont les bons.

De manière transversale, les apports de ce projet de loi – j’en ai cité quelques-uns – doivent signifier de réels progrès dans les conditions de travail des agents et leur sécurité. En effet, nous savons bien que les missions auxquelles ils font face quotidiennement, avec notre soutien moral, sont à la fois éprouvantes et dangereuses. Nous tenons absolument à ce que l’ensemble des agents poursuivent leur vie professionnelle en ayant le sentiment d’être soutenus par leur hiérarchie et par les autorités publiques, Parlement comme Gouvernement, source de motivation. Il me semble que ces éléments de progrès, implicites, mais contenus dans le projet de loi, sont très importants.

Bien sûr, nous saluons aussi les mesures d’efficacité introduite dans la chaîne pénale. Elles ont fait l’objet de délibérations entre, d’une part, les membres du Gouvernement – et l’on sait bien qu’un accord en leur sein n’est pas toujours immédiat – et, d’autre part, les deux chambres du Parlement, avec une participation très large.

Il nous semble donc que les améliorations qui vont ainsi être apportées à toute une série d’actes de procédure rendront plus efficace la mission de rétablissement de la paix publique.

À mon tour, je veux souligner le bon choix d’équilibre trouvé, après mûre délibération, quant à la liste des cas où s’appliquent les amendes forfaitaires, à savoir des délits pour lesquels elles s’avèrent une sanction adaptée et ne heurtant pas de principe d’équité ni de droits de la défense. Dans le dispositif, nous savons bien qu’il reste toujours, à la fin, la possibilité pour la personne sanctionnée de revenir à un traitement judiciaire si elle le préfère.

Par conséquent, et cela n’est pas une surprise, nous allons bien entendu contribuer au très large vote en faveur de ce projet de loi. Je crois que nous le devons en partie au Gouvernement lui-même, lequel avait proposé un texte clair, par lequel il a su nous convaincre. C’est donc, nous semble-t-il, un aboutissement mérité pour le Gouvernement, et en particulier pour M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI – M. Loïc Hervé applaudit également.)

M. Gérald Darmanin, ministre. Merci !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 12 août 1789, face à l’Assemblée nationale qui élabore notre future Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, Jean-Joseph Mounier, député du tiers état représentant, lors des États généraux, le Dauphiné, déclare : « La véritable liberté n’est que la sûreté des biens et des personnes ; cette sûreté n’a point d’autres fondements que le respect des lois. […] C’est la nécessité d’établir des lois et de les exécuter. »

Si, actuellement, nous parlons de sécurité plutôt que de sûreté, nous chérissons toujours autant nos libertés. Celles-ci ne peuvent s’exprimer pleinement que dans une société qui voit ses règles communes respectées. Nous n’avons donc aucune pudeur à affirmer combien le travail de la police et de la gendarmerie nationale est précieux !

C’est dans cet état d’esprit que s’est forgée mon opinion sur ce projet de loi de programmation, qui, pour l’essentiel, semble convaincant.

Les moyens budgétaires augmentent ; les perspectives indiquées dans le rapport sont bonnes.

Le Sénat a su corriger quelques aspects du texte pour qu’il soit mieux équilibré – j’y reviendrai notamment en parlant de l’amende forfaitaire délictuelle.

Nous avons aussi ajouté certains dispositifs particuliers qui sont les bienvenus. Je pense, par exemple, à celui de l’article 14 bis, qui supprime la nécessité de réitération ou de formalisation des menaces de mort pour encourir une sanction pénale. Je pense également à l’article 10 bis, qui permettra de reconnaître la qualité d’agent de police judiciaire aux élèves officiers de la gendarmerie nationale.

En bref, de manière générale, le groupe RDSE a toujours salué les apports de ce projet de loi. Cela étant, il a aussi fait preuve de réserves qui n’ont, hélas ! pas toutes été pleinement dissipées à l’issue du travail législatif.

Une première source de réserves a trait à l’amende forfaitaire délictuelle. Les dispositions du projet de loi initial ont vite été corrigées par notre hémicycle. Ce fut un ajustement heureux, et nous nous réjouissons de le retrouver dans le texte de la commission mixte paritaire. La liste des infractions susceptibles de faire l’objet d’une amende forfaitaire est strictement encadrée, et, mieux encore, la Haute Assemblée a pris soin de renforcer les droits des victimes en leur préservant la possibilité de se porter partie civile.

Une deuxième réserve touche à la suppression de la condition d’ancienneté appliquée aux policiers et gendarmes pour se présenter à l’examen d’officier de police judiciaire (OPJ). Nous peinons toujours à être convaincus. Notre groupe croit aux bienfaits de l’expérience, surtout dans ces métiers où la gravité des décisions et des actes est parfois vertigineuse.

Une troisième réserve est liée à la création des assistants d’enquête. Sur le principe, nous n’y sommes pas hostiles. Cela peut être une bonne chose, mais tout dépendra des modalités de mise en place. Je reprendrai quelques-unes des interrogations qu’avaient émises mes collègues Maryse Carrère et Nathalie Delattre au cours de nos débats : qu’en sera-t-il de leur formation et de leur encadrement, de leur rémunération, ou encore de leur répartition ? Espérons donc que tout soit fait pour que ce nouveau corps de métier soit effectivement en mesure d’apporter le soutien attendu à la police judiciaire.

Cela m’amène enfin à dire un mot sur la réforme en cours de notre police. Beaucoup de mes collègues ont relayé les inquiétudes qui entourent ce projet ; certes, il y en a dans nos territoires, mais je dirai seulement que la critique n’est pas unanime. Au cours de certaines auditions, j’ai pu entendre des voix en faveur des changements annoncés. Toujours est-il que cette réforme tend à diviser, et pourrait conduire à des ruptures. De ce point de vue, c’est regrettable.

Le Sénat a bien fait de rappeler la nécessaire prise en compte des spécificités de la police judiciaire dans le cadre de la réforme de l’organisation de la police nationale. Il faut que le Gouvernement trouve le moyen de rassurer les agents préoccupés par ces bouleversements à venir, ne serait-ce que pour ménager ces hommes et ces femmes qui œuvrent quotidiennement à la sécurité de nos concitoyens et au bien public de notre nation.

Ces remarques n’ôtent pas à ce projet de loi ses qualités, que je rappelais dans mon propos introductif. Notre groupe y sera donc très favorable. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Laurent Burgoa applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte issu des travaux de la commission mixte paritaire ne nous invite pas à modifier notre opposition à cette Lopmi.

M. Loïc Hervé. Quel dommage !…

Mme Éliane Assassi. C’est dommage, oui…

À bien des égards, ce texte est, selon nous, un marqueur de choix politiques qui privilégient le répressif en ignorant la prévention et la dissuasion.

En prônant, effectivement, le tout-répressif par la systématisation et la simplification de la procédure, nous ne faisons pas honneur aux professions de la sécurité, auxquelles je suis très attachée, pour diverses raisons que je n’évoquerai pas à cette tribune.

Il est intéressant de constater que, selon le ministère de l’intérieur, un policier hyperéquipé, et non un policier de proximité, serait fédérateur et ouvrirait des vocations. Je ne partage pas cet idéal de suréquipement et de « sur-répression ». Cette conception froide des missions de nos policiers et de nos gendarmes, mais également des victimes et des mis en cause, n’est pas acceptable.

Sur le plan procédural, comme j’ai eu l’occasion de le souligner, nous dénonçons l’extension des autorisations générales de réquisition. La simplification de la procédure pénale induit un affaiblissement des droits de la défense. Une telle autorisation dessert les droits fondamentaux du mis en cause. L’imprécision n’est au service ni de la présomption d’innocence ni du droit au respect de la vie privée. La régularité de la procédure pénale risque ainsi d’être remise en cause par de telles réquisitions générales.

De plus, la généralisation à vingt-neuf délits de l’amende forfaitaire délictuelle privera les justiciables des garanties fondamentales qu’offre la procédure pénale. Par un tel procédé, la Lopmi déléguera aux agents de police une fonction qui relève en principe de l’autorité judiciaire, comme l’a souligné la CNCDH, mais également le Conseil d’État, dans son avis du 10 mars dernier.

Certes, la commission mixte paritaire a eu la sagesse de limiter la liste des infractions pouvant faire l’objet d’amendes forfaitaires délictuelles ; pour notre part, nous aurions préféré, je dois le dire, qu’il ne soit tout simplement pas possible d’y recourir.

Par ailleurs, l’abaissement des exigences dans le recrutement des OPJ conduira inévitablement à des manquements procéduraux, et, finalement, à des irrégularités qui feront tomber des procédures. Cette mesure, monsieur le ministre, desservira la sécurité que vous promouvez.

Nous le répétons, la responsabilité nécessite l’expérience. De même, mettre en place la fonction d’assistant de police et de gendarmerie n’est pas un gage d’efficacité. La procédure pénale, même dans son aspect le plus infime, nécessite vigilance et rigueur.

À l’issue de son passage au Sénat et à l’Assemblée nationale, la Lopmi continue de nous présenter une conception en mode dégradé, dirai-je, du fonctionnement de la police. Je souhaite d’ailleurs, monsieur le ministre, vous alerter une nouvelle fois, à l’orée de probables mouvements sociaux d’ampleur en réponse au projet de recul de l’âge de départ à la retraite…

M. Gérald Darmanin, ministre. Ah bon ?

Mme Éliane Assassi. J’ai bien précisé « probables ».

Donc, je souhaite vous alerter sur la nécessité de la mise en place d’une nouvelle doctrine de maintien de l’ordre, fondée sur l’apaisement et non sur la tension.

Enfin, en ce qui concerne la police judiciaire, la Lopmi demeure l’antichambre de la réforme à venir portant sa départementalisation, une départementalisation synonyme d’intrusion du pouvoir exécutif dans les procédures pénales. Une nouvelle rédaction de l’alinéa 150 du rapport annexé ne suffira pas à éteindre la colère vive qui s’exprime au sein de la magistrature, des barreaux et des enquêteurs de la police judiciaire. Les garanties d’indépendance offertes sont trop faibles.

Par conséquent, cette Lopmi n’est pas à la hauteur des enjeux humains et procéduraux de notre ère, comme en témoigne la décision de la commission mixte paritaire de supprimer l’article 6 bis prévoyant des référents formés à la lutte contre les discriminations au sein des commissariats et des gendarmeries. La commission mixte paritaire brandit le fait que le rapport annexé reprend l’article.

M. Loïc Hervé. Ce qui est objectivement vrai.

Mme Éliane Assassi. Je ne dis pas le contraire, mais vous savez comme moi que la disposition n’aura dès lors plus de valeur normative.

Être moderne ne se résume pas à se doter d’équipements numériques ; être moderne, c’est tendre l’oreille, agir de façon inventive et demeurer au service de l’intérêt général par la proximité. La Lopmi n’est pas innovante malgré ses apparences très robotiques. Nous voterons donc contre ce texte.

M. Loïc Hervé. Quel dommage !

Mme la présidente. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 107 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 316
Contre 27

Le Sénat a adopté définitivement. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur
 

6

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 15 décembre 2022 :

À onze heures :

Nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2023, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution (texte n° 203, 2022-2023).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-sept heures vingt-cinq.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER