Mme le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Stéphane Ravier. Le Gouvernement est frappé par une inflation de son incompétence, et ce sont les Français, une fois de plus, qui en paieront le prix.

Mme le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Nathalie Delattre. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les inquiétudes exprimées à la fin de l’année 2022 et les plans de délestage annoncés dans la presse constituent une piqûre de rappel – s’il en fallait une ! – quant à la vulnérabilité de notre approvisionnement en énergie.

Nous échapperons probablement aux coupures cet hiver, grâce aux efforts des Français, qui réduisent leur consommation d’énergie, au redémarrage de nombreux réacteurs durant le mois en cours et aux températures clémentes des trois dernières semaines. Mais pour combien de temps ?

La période qui commencera en 2050 correspond au moment où nous espérons atteindre la neutralité carbone et où nous devrons fermer les réacteurs nucléaires en fonction. Elle sera déterminante pour préserver nos conditions d’existence et participer à la lutte contre le changement climatique.

Nous sommes donc au tournant de la sortie progressive de l’ère des énergies fossiles, sortie qui, au regard du retard pris, s’annonce abrupte.

Elle implique notamment de décarboner tous les secteurs, à commencer par celui de l’énergie, et ainsi de doubler notre production d’électricité. Les différents exercices de prospective récents, le rapport Transition(s) 2050 de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) ou Futurs énergétiques 2050 de Réseau de transport d’électricité, entre autres, permettent d’éclairer le débat public et la représentation nationale.

Tous les scénarios présentent de fortes incertitudes quant à la disponibilité des technologies, au contexte social, géopolitique et macroéconomique, aux besoins en formation ou au financement.

Dans tous les cas, le groupe RDSE soutient de longue date un mix énergétique diversifié, combinant nucléaire, énergies renouvelables (EnR) et hydrogène, afin de garantir la stabilité du système électrique, lequel doit demeurer pilotable.

En outre, la prolongation, dans le cadre du scénario « N03 » favorisé par la commission des affaires économiques, du fonctionnement des centrales actuelles jusqu’à l’âge de 60 ans, alors que celles-ci ont été conçues pour une durée de quarante ans, bien qu’elle soit souhaitable, ne saurait être considérée comme acquise.

Aussi, il faut aller vite et relancer un nouveau programme nucléaire. Après l’examen d’un projet de loi consacré à l’accélération des énergies renouvelables, on ne peut que se réjouir du retour en grâce de l’atome, à la fois en France et sur la scène internationale.

En pariant sur le nucléaire, en confirmant ses choix historiques, qui lui ont permis de produire une électricité largement décarbonée, la France ne fait pas cavalier seul.

Cependant, le temps long de la construction des réacteurs implique de prendre dès à présent des décisions, pour compter sur une première mise en service en 2035 et un parc de quatorze EPR en 2050.

Cette accélération ne doit pourtant pas être synonyme d’escamotage de la démocratie participative ou représentative ou encore des règles de sécurité et de sûreté.

C’est bien cela que garantit ce projet de loi, en facilitant la construction de nouveaux réacteurs sur les sites existants ou dans leur proximité immédiate, afin de s’assurer de l’acceptabilité des projets. C’est ainsi le cas de la centrale du Blayais, dont je défends la candidature à l’accueil d’une paire d’EPR, avec nombre de maires, d’entreprises et d’habitants de ce territoire girondin.

J’ai déposé un amendement visant à ce que les études de faisabilité concernant la construction de ces réacteurs soient rendues dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, afin de donner de la visibilité à ce territoire qui dispose de tous les atouts pour les recevoir. Examiné en commission, celui-ci a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. J’en prends acte.

Nous le savons, les défis de la filière nucléaire ne reposent pas seulement sur les démarches administratives. Le projet de loi ne produira qu’un gain de temps mineur, certes non négligeable : un raccourcissement des délais de cinquante-six mois, selon le rapporteur au fond.

Des obstacles plus importants nous attendent, qui sont de plusieurs ordres : délais industriels ; solutions à trouver aux problèmes de construction apparus sur le chantier de Flamanville ; formation et maintien des compétences ; sécurité d’approvisionnement en uranium dans un contexte géopolitique peu prévisible ; réchauffement climatique, qui soulève la question du refroidissement des centrales ; gestion des déchets ; revalorisation du combustible ; financement ; ou encore effets de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) sur la situation d’EDF.

Il s’agit d’un défi industriel considérable pour une filière qui se tient prête à le relever. Aussi est-il dommage, alors que le débat public est en cours s’agissant de la construction de deux EPR à Penly et du programme du nouveau nucléaire, que nous ne disposions pas de plus d’informations concernant le financement de ce dernier. De même, il est regrettable que nous ne disposions pas, à ce jour, de la liste des sites d’implantation des huit EPR supplémentaires prévus.

Enfin, si l’on ne peut, quel que soit le scénario choisi, lever les incertitudes technologiques et financières, levons au moins les incertitudes politiques et juridiques. Le groupe du RDSE votera donc en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)

Mme le président. La parole est à Mme Sophie Primas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui ne peut masquer la responsabilité du Gouvernement et de sa majorité dans le déclin de notre filière nucléaire.

M. Stéphane Le Rudulier. Elle est lourde !

Mme Sophie Primas. Fin 2022, au moment même où, plus que jamais, nous avions besoin de cette source d’énergie pour faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine, la moitié de nos réacteurs était encore à l’arrêt, symptôme apparent d’une situation moins visible, mais structurellement grave.

En réalité, jusqu’au discours de Belfort, tenu fort opportunément à la toute fin du précédent quinquennat, à revers de la politique menée jusque-là, le Gouvernement a totalement délaissé la filière du nucléaire. Il est même allé, ne l’oublions pas, jusqu’à céder les capacités de production de turbines nucléaires d’Alstom, dans une bataille géoéconomique et géopolitique épique.

Madame la ministre, vous indiquez ce matin, dans Le Figaro, que, au cours du premier quinquennat, vous aviez consolidé la filière,…

M. François Bonhomme. Il faut le dire vite !

Mme Sophie Primas. … via Areva et Framatome.

M. Jean-François Rapin. Cela ne correspond à aucun projet !

Mme Sophie Primas. C’était tout de même bien le minimum ! Fallait-il aussi fragiliser ces deux acteurs industriels majeurs ?

Vous affirmez avoir alloué, depuis trois ans, avec France Relance et France 2030, de fortes sommes au nucléaire.

Mme Sophie Primas. Rappelons pourtant les chiffres : 470 millions d’euros pour France Relance et 1,2 milliard d’euros pour France 2030.

Aurai-je la cruauté de rappeler que nous avons voté, dans le projet de loi de finances pour 2023, plus de 50 milliards d’euros de boucliers énergétiques de tous ordres pour soutenir notre économie, sans aucun investissement à la clé ? 50 milliards d’euros d’eau sur le sable en un an, contre 1,5 milliard d’euros pour semer l’énergie de demain… Le compte n’y est pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Le Gouvernement a poursuivi la politique de fermeture des réacteurs existants décidée lors du quinquennat précédent, sans rien remettre en cause de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015 ; il a acté quatorze arrêts de réacteurs en vingt ans et exécuté Fessenheim dès 2020 !

M. François Bonhomme. Tout à fait !

Mme Sophie Primas. Ce gouvernement, qui fait aujourd’hui du nucléaire un élément central de la transition énergétique avec la sobriété et les EnR, a fait preuve d’un attentisme regrettable et coupable. Les occasions étaient nombreuses, mais il n’a pas pris la décision de construire de nouveaux réacteurs…

M. François Bonhomme. Surtout pas !

Mme Sophie Primas. … lors de la révision de notre planification énergétique nationale, dans la loi de 2019 relative à l’énergie et au climat, non plus que dans la programmation pluriannuelle de l’énergie de 2020.

La loi de 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets n’a été qu’une nouvelle occasion manquée.

Mme Sophie Primas. Je me souviens des lourdes difficultés, voire des sarcasmes, auxquelles nous nous sommes heurtés dans cet hémicycle pour faire adopter un principe pourtant de bon sens : l’interdiction de toute nouvelle fermeture de réacteur, sauf motif de sûreté, en l’absence d’étude d’impact sur la sécurité de notre approvisionnement énergétique et sur les émissions de gaz à effet de serre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je me souviens que la ministre de l’énergie d’alors…

M. François Bonhomme. Où est-elle passée ?

Mme Sophie Primas. … avait même qualifié, au banc du Gouvernement, le travail de notre commission de « ni fait ni à faire » !

Certes, le discours a changé, mais les annonces de Belfort, concernant, notamment, les six EPR 2, restent en deçà des besoins.

Le scénario « N03 » de RTE exige la construction de quatorze EPR 2, ainsi qu’une production de 4 gigawatts issue de SMR. De plus, ce scénario ne prend pas en compte le risque de non-prolongation des réacteurs au-delà de 60 ans – cela peut arriver –, non plus que les besoins en électricité qui pourraient naître de la réindustrialisation des territoires ou du développement de l’hydrogène.

M. François Bonhomme. Cela fait beaucoup !

Mme Sophie Primas. Certes, le discours a changé, mais la situation de notre parc nucléaire demeure préoccupante. La fermeture de la centrale de Fessenheim nous a privés d’une puissance de 1,8 gigawatt, soit l’équivalent de 1 800 éoliennes, représentant une économie de CO2 de 10 millions de tonnes.

Surtout, ce manque d’ambition vis-à-vis du nucléaire a asphyxié une filière qui, se croyant en déclin, n’a plus attiré ni les talents en nombre suffisant ni le volume d’investissements nécessaire.

Mme Sophie Primas. En témoigne, par exemple, la baisse de 70 millions d’euros du budget du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) entre 2017 et 2021, ainsi que l’arrêt coupable du projet Astrid en 2019.

M. Bruno Sido. Eh oui !

Mme Sophie Primas. Les Français ne doivent pas être éblouis par l’avalanche soudaine de projets de loi relatifs à l’énergie, au risque d’oublier les conséquences délétères de cette politique de l’abandon.

RTE n’a-t-il pas placé la France en situation de « vigilance particulière » jusqu’en 2024 en matière de sécurité d’approvisionnement ? L’Ademe évoque, quant à elle, une « érosion tendancielle » de la production nucléaire depuis dix ans, et l’Autorité de sûreté nucléaire, un système électrique « sans marge ».

Il est donc urgent d’agir, au-delà du texte de simplification proposé. Le Gouvernement doit lancer la construction effective des réacteurs, les six annoncés comme les huit qui sont à l’étude ; il doit aussi proposer un modèle de financement, car le groupe EDF ne peut assumer seul le coût des EPR 2, qui atteindra au bas mot 46 milliards d’euros pour les six premiers d’entre eux.

M. Ronan Dantec. C’est l’estimation la plus basse !

Mme Sophie Primas. Il doit, de surcroît, préparer un plan d’attractivité des métiers et des compétences pour garantir la main-d’œuvre nécessaire aux EPR 2, soit 30 000 emplois pour les six premiers. Je sais que vous êtes engagée sur ce dossier, madame la ministre.

Enfin, et surtout, la recherche et le développement doivent être soutenus pour renforcer nos capacités d’innovation et d’attractivité, notamment en ce qui concerne les réacteurs de quatrième génération ou la poursuite du projet Iter. En effet, mes chers collègues, l’énergie du XXIIe siècle s’invente aujourd’hui et, comme l’a dit notre excellent rapporteur, « le nucléaire de demain ne sera pas celui d’hier ».

C’est donc à ces conditions que la relance du nucléaire pourra être réalisée et notre souveraineté retrouvée, car le nucléaire est un levier de souveraineté énergétique.

Certes, j’entends l’argument avancé par nos collègues s’agissant de la dépendance à l’uranium. Il est juste. Pour autant, il est aussi valable pour les EnR, qui nécessitent des terres rares pour les aimants d’éoliennes, par exemple.

La réponse à ces dépendances envers des ressources non disponibles sur notre territoire se trouve dans la recherche, dans le bouillonnement de l’innovation, dans l’optimisation et dans le recyclage de ces matériaux.

Le nucléaire est une énergie qui offre aux Français et à nos entreprises un coût d’électricité inférieur à celui que pratiquent d’autres pays européens, au point que nos amis allemands en font un sujet. Il est un levier indispensable de transition énergétique, avec des émissions n’excédant pas 6 grammes par kilowattheure.

Son développement ne s’oppose pas à celui des énergies renouvelables, nous devons mettre un terme à ces batailles qui relèvent du passé. Au contraire, toute production décarbonée est bonne à prendre pour atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050, adopté sur l’initiative de notre commission dans la loi de 2019 relative à l’énergie et au climat !

Le développement de l’énergie nucléaire est sans doute, par ailleurs, l’une des conditions du développement de l’hydrogène, qui pourrait être produit à grande échelle à partir de l’électricité de nos réacteurs.

Oui, madame la ministre, notre commission a transformé ce texte technique en affirmation d’une volonté politique pour réussir enfin la relance de l’énergie nucléaire, pour donner ce signal tant attendu depuis plus de dix ans.

Au-delà de la simplification normative, nous avons souhaité dessiner une véritable trajectoire de relance, pour un nucléaire plus abondant, plus sûr, plus rapide et plus innovant.

Nous ne pouvions nous résoudre à indiquer, comme vous le faisiez dans le texte d’origine, qu’il faut « accélérer l’installation de nouveaux réacteurs, accélérer la prolongation des centrales actuelles », tout en actant les prochaines fermetures de douze anciens réacteurs actifs. Il s’agit bien d’une contradiction flagrante !

Cette coordination juridique d’une cohérence politique et de l’affirmation d’une ambition énergétique devait être opérée ; à défaut, rien, dans ce projet de loi, ne ferait sens.

Le groupe Les Républicains prendra donc ses responsabilités et votera ce texte, parce qu’il aura été enrichi par la commission des affaires économiques. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme le président. La parole est à M. Franck Menonville. (M. Jean-Louis Lagourgue applaudit.)

M. Franck Menonville. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, un grand Lorrain, Pierre Messmer, alors Premier ministre, déclarait en 1974 : « Notre grande chance, c’est l’énergie électrique d’origine nucléaire. » Malheureusement, trop d’années d’inaction, d’hésitation, d’atermoiements et de renoncements, trop de choix stratégiques souvent guidés par des opportunités politiques court-termistes, puis sacrifiés au profit de coalitions de circonstances, ont fragilisé ce fleuron industriel.

Tout cela a conduit au désinvestissement dans la filière et à un affaiblissement continu d’EDF, qu’il vous revient aujourd’hui de relancer, madame la ministre.

Ce texte est nécessaire, car il est urgent d’agir pour remettre en marche notre filière nucléaire. Il comporte deux grands volets.

Le premier volet porte sur la simplification des procédures réglementaires et administratives liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites existants ; le second a trait au fonctionnement des installations. Ce projet de loi pose en définitive le cadre d’une accélération procédurale.

Je veux saluer le travail de précision effectué par la commission des affaires économiques sur ce texte très technique, tout particulièrement celui de son rapporteur, Daniel Gremillet, dont nous connaissons à la fois la compétence et l’engagement majeur et constant. Ce texte n’est qu’une étape avant l’important projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC), que nous examinerons dans le courant de l’année 2023.

Je me félicite tout particulièrement de la suppression de l’objectif de réduction à 50 % du nucléaire dans le mix énergétique que notre commission a imposé et que le groupe Les Indépendants – République et Territoires avait porté au travers de plusieurs amendements. En 2016, Ségolène Royal défendait l’objectif de baisser de 75 % à 50 % la part du nucléaire à l’horizon 2025… Nous sommes en 2023. Elle a été une orfèvre en matière de déplanification énergétique ! Quelle absence de réalisme, quel manque de vision !

Ce texte renforce utilement la place des collectivités territoriales. À ce titre, je salue particulièrement l’amendement qui tend à exclure les nouveaux réacteurs du décompte du « zéro artificialisation nette » au regard de l’ampleur des projets. Il s’agit d’une mesure protectrice pour nos collectivités.

Malgré toutes ces avancées notables, le chemin est encore long. Le vrai défi de demain sera technologique, industriel, financier et, bien sûr, humain.

La filière d’excellence doit ainsi absolument retrouver son attractivité ; la montée en compétences et en main-d’œuvre est l’un des principaux défis de la relance du nucléaire. Il nous faut absolument défendre une vision de long terme à ce sujet. Dans les dix ans à venir, entre 10 000 et 15 000 recrutements sont prévus dans la filière nucléaire, EDF prévoyant d’embaucher de 8 000 à 9 000 personnes dès la période 2022-2024 pour assurer ce processus.

Le nucléaire porte le triple objectif de souveraineté énergétique, d’indépendance de la Nation et de décarbonation de nos modes de vie. Nous devons néanmoins apprendre de nos échecs passés, comme l’EPR de Flamanville, l’abandon des projets Superphénix et Astrid ou encore l’arrêt de Fessenheim, et en tirer les enseignements.

Enfin, permettez-moi de m’exprimer en tant que conseiller régional du Grand Est et sénateur de la Meuse. Avec la Haute-Marne, notre département, cher Gérard Longuet, accueille le projet Cigéo de stockage des déchets nucléaires français. Madame la ministre, je sais que vous êtes particulièrement engagée sur ce dossier.

Ce projet, assis sur le travail d’un laboratoire expérimental, vise à sécuriser durablement les déchets. Il concourt pleinement à la crédibilité et à l’acceptation du nucléaire, au travers d’une maîtrise totale de la filière. Il s’inscrit dans un temps très long et laisse la porte ouverte aux innovations futures. Cela doit nous inspirer.

Madame la ministre, le chemin est encore long et les défis très nombreux. Cependant, les derniers résultats concernant la fusion sont très encourageants. Ce texte constitue une première étape pour la relance du nucléaire, laquelle est absolument nécessaire, car elle conditionne notre avenir industriel, économique et social.

Fort de ces constats, et prêt à prendre toute sa part dans ce nouveau défi, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. Ronan Dantec. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Ronan Dantec. Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, il était une fois le nucléaire français !

J’ai un peu hésité sur la qualification de cette aventure industrielle unique au monde : « épopée », « odyssée » ?… Finalement, « conte de fées » me semble convenir le mieux, tant cette histoire fait appel au merveilleux : une merveille technologique, une merveille économique et, chapitre plus récent, sous les augures du mage Jancovici, une merveille écologique.

Tout est dit, mais il reste de petits « mais ». Les vrais amateurs le savent bien, de Charles Perrault aux frères Grimm, la fin d’un conte est souvent tragique et ne ressemble pas toujours à un dessin animé de Walt Disney. La faillite retentissante d’Areva en est une malheureuse illustration dans le conte de fées nucléaire français.

Parlons, certes, de merveille technologique, mais, concernant notre nucléaire, quelques pannes sans gravité – de simples corrosions de tuyaux de circuits de refroidissement – ont tout de même abouti à une situation remarquable : l’intermittence de notre parc nucléaire a été supérieure, l’année dernière, à celle du grand parc éolien danois. (M. Bruno Sido rit.)

Peu importe, tout cela est du passé, car, de la brume normande, surgit l’EPR flambant neuf de Flamanville, dont les électrons se déversent déjà en masse sur l’Ouest breton !

Ah, on m’informe qu’une vilaine sorcière mal intentionnée – peut-être Dominique Voynet ? – l’a transformé en Belle au bois dormant. Je sais toutefois que, dans cet hémicycle, se trouvent de valeureux guerriers, prêts à traverser les landes du Cotentin pour réveiller la belle endormie…

En outre, pas d’inquiétude, je suis en mesure de vous informer que nos ingénieurs français avaient découvert avant tout le monde la formule du béton du forum romain, l’un des secrets les mieux gardés de l’Antiquité, ce qui nous rend optimistes : même si le combustible n’est chargé que dans un siècle, notre enceinte en béton sera toujours vaillante !

Évoquons ensuite une merveille économique. À ce niveau, nous n’avons pas de concurrence. Empêtrée dans un dogme libéral suranné, nourrie de calculs à courte vue sur les prix de revient du mégawattheure, la totalité de nos voisins n’est pas capable de financer pendant autant d’années une machine qui ne fonctionne jamais. Pour reprendre les mots de l’ancien président-directeur général d’EDF, Henri Proglio, on a retrouvé les plans de cette machine dans le placard. Au vu des difficultés que nous rencontrons pour les déchiffrer, peut-être ont-ils été écrits en latin, comme le béton du forum ?

Nous allons battre – nous pouvons en être fiers, c’est le génie français ! – le record du monde du prix le plus élevé du mégawattheure issu d’une machinerie industrielle de production électrique. Et comme nous sommes têtus, nous nous projetons dans un monde en circuit fermé dans lequel, vers 2040, un EPR 2 générera des kilowattheures à deux, trois ou quatre fois le prix pratiqué par nos voisins européens, enfermés dans leurs sortilèges d’EnR.

Sommes-nous encore dans un conte de fées ou dans une fable ? J’hésite. Sans perdre le fil littéraire de mon propos, et au risque de verser dans une sécheresse technocratique qui ne me sied guère, je note tout de même que, un peu partout, on trouve du photovoltaïque produit à moins de 40 euros le mégawattheure, alors que nous avons vendu sur plan à nos amis anglais un EPR qui produira le mégawattheure à plus de 120 euros !

Reste la merveille écologique, que nul ne peut contester : une production décarbonée et infinie. Enfin, ce qui est infini, c’est surtout la durée de vie des déchets, pour lesquels nous ne disposons toujours pas de solution, sinon creuser des trous.

Pourtant, revisitons les temps anciens et rêvés du pompidolisme, du plan Messmer et du consensus gaullo-communiste. Les bonnes fées de l’époque nous avaient certifié que nous trouverions en cours de route la solution au problème des déchets, grâce au génie de nos ingénieurs. Cependant, sœur Anne – de Bretagne – ne voit toujours rien venir à Brennilis, où l’enveloppe du cœur n’a toujours pas été percée, à l’inverse du reliquaire.

Heureusement, Catherine Deneuve n’a pas encore eu la peau de l’âne qui paye le budget de l’État, car le démantèlement de nos vieilles centrales n’est, je le rappelle, toujours pas financé !

Il se fait tard. Avant que la présidente ne me transforme en citrouille,…

M. Antoine Lefèvre. Elle en est capable ! (Sourires.)

M. Ronan Dantec. … je rechausse donc mes pantoufles de vair – ou plutôt de vert ! – et vous donne rendez-vous pour deux jours de débats passionnants, afin de comprendre enfin les raisons de cette précipitation.

Mal utilisées, mes chers collègues, les bottes de sept lieues peuvent faire trébucher ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Mme le président. La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en ce début d’année 2023, notre parc nucléaire reprend des forces. Après une production historiquement faible en 2022 – autour de 280 térawattheures –, nous devrions atteindre cette année 330 térawattheures.

Deux facteurs principalement expliquent cette faible disponibilité du nucléaire : les opérations de maintenance classique et, surtout, un problème de fissuration, dit de corrosion sous contrainte, un mal mystérieux qui menace des tuyauteries de secours destinées au refroidissement et qui touche les tranches les plus récentes et les plus puissantes : Civaux, Penly et la centrale de Chooz.

Cette crise ponctuelle nous a permis de constater l’efficacité des autorités de contrôle et la diligence d’EDF pour garantir un niveau de sécurité optimal. Le problème générique sur les réacteurs a été pris très au sérieux et, sur les dix chantiers ouverts, six sont désormais terminés.

Ainsi, en ce milieu d’hiver, seuls douze réacteurs sont à l’arrêt, contre plus de trente au sortir de l’été. Le pire est donc passé, lorsque l’on sait que le pays a dû se résoudre, en 2022, à importer plus d’électricité qu’il n’en a exportée – une première en quarante ans. Cette année difficile pour le parc nucléaire doit nous conduire à nous interroger sur ce que nous souhaitons pour assurer notre indépendance énergétique.

Face au dérèglement climatique – l’année 2022 est la plus chaude jamais mesurée en France, je le rappelle –, et afin d’assurer une sécurité d’approvisionnement, ce gouvernement a choisi de construire sa stratégie énergétique autour de deux axes : les énergies renouvelables et l’énergie nucléaire.

Notre groupe se réjouit que le Gouvernement ait choisi de reprendre le fil de la grande aventure du nucléaire civil en France, avec la construction de six EPR 2 et le lancement d’études sur la construction de huit EPR 2 additionnels.

Pour autant, une fois ce cadre politique posé, vient le temps essentiel de la concertation, un moment démocratique indispensable pour recueillir l’avis des citoyens sur les orientations de la politique énergétique française et permettre à chacun de s’exprimer sur les mesures à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs de transition énergétique.

Cette concertation nationale a commencé le 20 octobre et prendra fin demain, le 18 janvier. À partir de ces contributions, le Parlement pourra débattre à son tour de la loi de programmation sur l’énergie et le climat. À cette occasion, notre groupe défendra une politique conforme à l’accord de Paris, c’est-à-dire fondée sur une réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre de 55 % en 2030 par rapport au niveau de 1990.

En attendant, plutôt que d’être dans la passivité, notre gouvernement a choisi d’agir et d’accélérer, et nous nous en félicitons.

Tel est l’objet de ce projet de loi, appuyé sur des mesures de simplification administrative, en matière tant d’urbanisme que de procédure et de planification, avec le seul but de gagner du temps, ou au moins de ne plus en perdre.

Ainsi, dès la promulgation de la loi de programmation, les dispositions dont nous allons débattre permettront d’être opérationnels en vue de la construction d’une première paire de réacteurs EPR 2 à Penly et de deux autres à Gravelines, dans le Nord.

En tant qu’élu drômois, rejoint en ce sens par mon ami le maire de Pierrelatte, Alain Gallu, je souhaite ardemment que le site du Tricastin puisse accueillir deux nouveaux réacteurs ; quelque 135 hectares y sont d’ores et déjà disponibles pour donner une nouvelle impulsion économique et industrielle à notre région.

Ce projet de loi, certes très technique, contient des mesures de simplification essentielles si nous entendons mettre en œuvre rapidement notre stratégie nucléaire.

Il propose ainsi de dispenser de permis de construire les installations et les travaux de création d’un réacteur nucléaire. La construction de réacteurs électronucléaires induit en effet des contraintes que le permis de construire ne permet pas d’appréhender dans leur intégralité.

Il permet aussi de démarrer certains travaux dès l’obtention d’une autorisation environnementale. Cela concerne des activités qui ne revêtent aucun caractère sensible, comme les travaux de terrassement ou de construction des bureaux, voire la construction de clôtures et de parkings nécessaires au chantier.

S’agissant de la centrale de Penly, il est proposé de construire de nouveaux réacteurs nucléaires en bord de mer. La particularité de cette centrale provenant de son site, au pied des hautes falaises de craie de la côte d’Albâtre, l’application de la loi Littoral doit être écartée pour ces travaux.

Enfin, le texte supprime, à juste titre, la mise à l’arrêt définitif de plein droit d’une installation nucléaire de base ayant cessé de fonctionner depuis plus de deux ans. L’actualité récente nous a montré que certaines centrales frappées par une longue mise à l’arrêt ont dû recourir à des dossiers de demande de dérogation chronophages et peu utiles.

Ces mesures de simplification ont globalement été approuvées par la commission des affaires économiques, dont je salue l’esprit de responsabilité.

Notre groupe proposera cependant quelques amendements de correction, visant à revenir sur des précisions qui ont été adoptées en commission et qui sont satisfaites par le code de l’environnement. Nous comptons modifier également l’article 3, qui apporte des précisions aux demandes d’autorisation environnementale et dont la rédaction actuelle risque d’alourdir le dispositif sans apporter de réelle plus-value.

Hormis ces quelques points, nous nous félicitons qu’une grande partie des groupes politiques soutienne ce texte fondateur, première pierre d’un immense chantier pour la relance du nucléaire en France. Bien évidemment, notre groupe le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)