Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. L’article 1er D prévoit que le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant les modalités de mise en œuvre d’un programme de construction de quatorze réacteurs EPR 2 en amont du dépôt de la loi de programmation sur l’énergie et le climat.

Le Gouvernement a publié en février 2022 un rapport, prévu par la programmation pluriannuelle de l’énergie, sur les modalités de mise en œuvre d’un programme nucléaire de six réacteurs EPR 2, qui présente notamment les enjeux en matière de coûts, de calendrier et de risques d’un projet de construction.

EDF envisage actuellement de construire une première paire de nouveaux réacteurs sur le site de Penly, en Normandie, une deuxième paire sur le site de Gravelines, dans les Hauts-de-France, puis une troisième paire sur un site nucléaire existant dans la vallée du Rhône – Bugey ou Tricastin.

Dans le cadre du débat public en cours, EDF a préparé un dossier complet sur les enjeux du programme, qui est disponible sur le site de la Commission nationale du débat public.

Comme l’a demandé le Président de la République, EDF a engagé, depuis février 2022, des études pour huit réacteurs EPR 2 supplémentaires, sans conclusion à ce stade en matière de calendrier ou de localisation, et ce travail doit se poursuivre dans les meilleures conditions, afin qu’une proposition industrielle puisse émerger.

En réponse aux attentes exprimées par les parlementaires, le Gouvernement propose de transmettre au Parlement, avant la discussion de la loi de programmation relative à l’énergie et au climat prévue en 2023, un rapport complémentaire présentant les informations additionnelles qui seront disponibles sur les modalités de mise en œuvre d’un programme de construction de nouveaux réacteurs nucléaires en France, soit six réacteurs, qui disposeront d’une analyse complète, et huit réacteurs additionnels, pour lesquels l’analyse ne sera pas aussi fouillée, ainsi que les éventuelles options envisageables, sur la base de travaux qui se poursuivent et qui pourraient, pour certains, ne pas être totalement conclusifs.

Il s’agit d’éclairer le Parlement, sur la base du meilleur niveau d’information dont nous disposerons au moment de l’examen du projet de loi sur l’énergie et le climat.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur. La réécriture du rapport d’évaluation, en matière d’énergie nucléaire, introduit par notre commission, dans la perspective de la loi quinquennale sur l’énergie, prévue à compter de juillet 2023, n’est pas souhaitable.

D’une part, il ne serait plus fait référence aux quatorze EPR 2 mentionnés dans le discours de Belfort ni aux neuf autres étudiés par RTE.

D’autre part, point également très important, les éléments évalués seraient moins nombreux, puisqu’ils ne viseraient plus la situation du groupe EDF, du marché de l’électricité et des finances publiques.

Enfin, je rappelle que les modifications apportées à ce texte par la commission reprennent notamment les propositions nos 2, 3, 4 et 9 du rapport de la mission d’information sénatoriale transpartisane sur l’énergie nucléaire et l’hydrogène bas-carbone.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 107.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° 93 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 5

1° Remplacer le mot :

Le

par les mots :

L’amont et l’aval du

2° Compléter cet alinéa par les mots :

, notamment sur l’approvisionnement en uranium et en matières premières critiques et la revalorisation du combustible usé

La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Mme Nathalie Delattre. Cet article inséré en commission prévoit qu’un rapport évalue l’impact de plusieurs paramètres, que je ne listerai pas, mais qui sont de nature à répondre aux questions émergeant dans le débat public sur le nouveau programme nucléaire et qui éclaireront le débat parlementaire.

Par cet amendement, il s’agit d’évaluer également l’impact sur l’ensemble du cycle du combustible de l’amont à l’aval, notamment sur l’approvisionnement en uranium et en matières premières critiques, ainsi que sur la revalorisation du combustible usé.

En effet, les réserves mondiales d’uranium exploitable représenteraient plus d’un siècle d’exploitation au rythme actuel, mais on ne peut présager des difficultés d’approvisionnement en cas de relance ambitieuse du nucléaire au niveau mondial et de conflits géopolitiques.

Le rapport Futurs énergétiques 2050 de RTE, publié avant le conflit en Ukraine, l’a souligné : « La disponibilité des réserves d’uranium naturel à long terme fait aujourd’hui l’objet de moins d’inquiétude, dans un contexte où de nombreux pays prévoient de fermer leur parc de réacteurs nucléaires et où le nombre de réacteurs en construction reste limité. »

Depuis lors, les cartes ont été rebattues et le regain d’intérêt pour le nucléaire en France et à l’international risque de rendre obsolètes les hypothèses des différentes projections.

D’où la nécessité de compléter l’article 1er D par le présent amendement.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Cet amendement, conforme à l’esprit de l’amendement adopté par la commission des affaires économiques, vise à préciser que l’évaluation doit porter sur l’approvisionnement en uranium et en matières premières critiques, ainsi que sur la revalorisation du combustible usé.

Sa rédaction étant plus complète que la rédaction initiale pour ce qui concerne les approvisionnements et les déchets, la commission émet un avis de sagesse bienveillante.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Permettez-moi de revenir en arrière, afin de préciser un point. L’article 1er D fait référence à la construction de quatorze réacteurs pressurisés européens, mentionnés par le Président de la République, et de neuf réacteurs supplémentaires, étudiés par RTE. Il n’existe donc pas de scénario avec quatorze réacteurs et neuf autres réacteurs, ce qui ferait un total de vingt-trois réacteurs. Je le précise, dans la mesure où la référence figurant à l’article 1er D est inexacte.

Sur cet amendement, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée, dans la mesure où la notion de cycle de combustible englobe déjà les enjeux de l’approvisionnement en uranium et la revalorisation du combustible usé. Ainsi, cet amendement est déjà satisfait sur le fond par la rédaction actuelle.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 93 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

Mme le président. L’amendement n° 71 rectifié, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

et les améliorations possibles en matière de gestion et réduction des déchets

La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. L’article 1er D est quelque peu surprenant, puisqu’il prévoit la rédaction d’un rapport visant à évaluer l’impact de la construction de quatorze réacteurs nucléaires, étant entendu que ce projet de loi prévoit d’en accélérer le développement. Ainsi, il est proposé de mesurer la faisabilité des annonces présidentielles formulées voilà plus d’un an à Belfort.

Même si RTE a déjà indiqué quelques pistes, ce n’est pas dans cet ordre que nous aurions dû procéder. Nous pouvons toutefois nous réjouir que le sort du groupe EDF, du marché de l’électricité et des finances publiques devienne peu à peu une préoccupation.

De notre côté, nous devinons déjà la conclusion de ce rapport : la situation d’EDF est catastrophique et il est urgent d’intervenir.

Comme nous l’avons déjà dit, nous regrettons que rien ne soit prévu dans ce texte pour corriger le tir contre la mise en concurrence et contre l’Arenh, qui sont responsables de la situation d’EDF et des prix exorbitants de l’énergie.

Par cet amendement, nous souhaitons alimenter la réflexion sur le nucléaire. Nous partageons en effet certaines préoccupations portant notamment sur le traitement des déchets. Si la plupart des modes de production d’énergie engendrent des déchets, ceux du nucléaire ont la particularité d’être radioactifs et de mettre, pour certains, des dizaines de milliers d’années à disparaître.

S’il y a eu d’importants progrès concernant le recyclage, mais aussi la capacité à réduire la production des déchets, notamment avec les EPR de dernière génération, nous proposons de poursuivre ce travail de recherche sur les déchets, à la fois pour pérenniser l’énergie nucléaire et pour la rendre plus sûre au regard de notre environnement et de notre santé.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Permettez-moi tout d’abord de répondre à Mme la ministre, dans le prolongement des propos tenus par notre collègue Gérard Longuet tout à l’heure : ce n’est pas moi qui ai inventé le scénario, qui est fonction de la réindustrialisation de la France. Si notre pays a l’ambition de relocaliser les productions industrielles, il lui faudra de l’énergie ! Je n’ai rien inventé, neuf réacteurs supplémentaires sont prévus, en plus des quatorze réacteurs initiaux.

Compte tenu de l’adoption de l’amendement n° 93 rectifié bis, cet amendement me semble satisfait. D’ailleurs, son adoption conduirait à amoindrir le niveau de l’évaluation, ce qui serait dommage.

La commission en demande donc le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis.

Mme Marie-Claude Varaillas. Je retire l’amendement, madame la présidente !

Mme le président. L’amendement n° 71 rectifié est retiré.

L’amendement n° 69, présenté par MM. Devinaz, Houllegatte, Montaugé, Tissot, Michau, Kanner et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et M. Filleul, MM. Gillé et Jacquin, Mmes Préville, Blatrix Contat et Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla et Redon-Sarrazy, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

…° Les scénarios relatifs aux aléas climatiques extrêmes couvrant jusqu’à l’horizon 2100, sur les sites existants des installations nucléaires concernés.

La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.

M. Gilbert-Luc Devinaz. La construction de six nouveaux EPR, qui, ne l’oublions pas, fonctionneront encore à l’horizon 2080, doit prendre en compte les conditions climatiques locales dans lesquelles ils fonctionneront. Il s’agit notamment de mettre en œuvre des études de descente d’échelle dynamique, absolument nécessaires, outre les éléments de projection globale du Giec.

En termes de sûreté nucléaire, la connaissance exacte des événements environnementaux locaux est indispensable. Il s’agit par exemple, pour les installations sur le Rhône, de mieux anticiper l’hydrométrie du fleuve, ses évolutions de température, les phénomènes climatiques qui se développeraient notamment autour des sites nucléaires.

D’après les données du Giec, avec le changement climatique, en 2050, le débit moyen annuel du fleuve aura baissé entre 10 % et 40 %. À l’horizon 2080, les débits du Rhône pourraient être profondément modifiés. Les études de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse et de la Compagnie nationale du Rhône vont dans le même sens. Certains projets de recherches ont abouti à la création de scénarios climatiques régionalisés sur un ou plusieurs bassins versants incluant le territoire Rhône-Méditerranée.

Ces données sont ou seront essentielles pour prévenir les conflits d’usage de l’eau, enjeu stratégique au regard des multiples usages du Rhône, qui est utilisée non seulement pour refroidir les centrales nucléaires et pour l’hydroélectrique, mais aussi pour l’agriculture, la navigation et la consommation domestique. Et il faut aussi garder un peu d’eau pour la biodiversité !

Je pourrais également évoquer les vents extrêmes. Or il n’existe pas de travaux sur ce phénomène en France. La sûreté nucléaire se fonde sur des phénomènes passés et non sur la projection de phénomènes futurs à risques.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Cet amendement porte sur un véritable sujet, à savoir la sécurité et l’évolution climatique, que nous avons abordé dans le cadre du travail que j’ai réalisé avec mon collègue Pascal Martin.

Tous les sujets liés à l’évolution climatique, qu’il s’agisse du trait de côte, de l’érosion, des vagues submersives ou de l’élévation du niveau de la mer, sont déjà pris en compte – je vous renvoie aux articles 9 et 9 bis. C’est la raison pour laquelle je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 69.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° 72 rectifié, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

…° Les incidences du réchauffement climatique et de la raréfaction des ressources sur la production d’énergie nucléaire.

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Il s’agit d’un amendement d’appel, afin de préparer un débat serein sur la PPE.

La question du nucléaire soulève la question de l’eau. Si, pour notre part, nous sommes favorables au nucléaire, nous n’en ignorons pas les risques, comme pour toute activité humaine.

Nous sommes aujourd’hui dans une nouvelle phase, qui n’existait pas voilà trente ans. Nous avons connu un été très chaud, et cent villages, en France, n’ont pas eu accès à l’eau potable.

Or nous avons besoin de beaucoup d’eau pour refroidir les réacteurs, soit avec une tour aéroréfrigérante, soit avec un système ouvert. On ne peut pas ne rien dire sur les cinq centrales ayant rejeté cet été une eau plus chaude dans les fleuves, à la suite de l’obtention d’une dérogation.

Pour le moment, les projections s’appuient sur des études passées et non pas sur des perspectives d’avenir, y compris en termes de réchauffement climatique.

Nous avons besoin, dans le cadre d’un débat éclairé et sérieux, de projections, en particulier pour ce qui concerne l’eau. Pour notre part, nous sommes favorables à une part de nucléaire dans le mix énergétique, avec des énergies renouvelables et de l’hydraulique sous maîtrise publique.

Les conflits d’usage existent d’ores et déjà : respect de la biodiversité, besoins des centrales, besoins pour l’agriculture, et j’en passe.

Après avoir entendu l’avis de M. le rapporteur et de Mme la ministre sur cet amendement d’appel, nous prendrons une décision.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Là encore, il s’agit d’un vrai sujet, qui est revenu souvent au cours des auditions que nous avons menées, d’où l’importance de « donner envie » aux filières d’investir.

En effet, on le sait, grâce aux nouvelles technologies, l’eau ne sera peut-être plus un sujet, car nous serons capables de produire de l’électricité sans augmenter la température de l’eau !

M. Thomas Dossus. C’est de la science-fiction !

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Si nous n’envoyons pas des signes aux filières, nous n’y arriverons pas.

Dans la mesure où l’amendement n° 93 rectifié bis, que nous avons adopté tout à l’heure, satisfait en partie celui-ci, la commission en demande le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il faut bien l’avoir en tête, dans le dossier de préparation du nouveau nucléaire, la question de l’adaptation au changement climatique est effectivement prise en compte. C’est l’un des éléments qui conduiront EDF à recommander le choix de tel site par rapport à tel autre. Les analyses porteront notamment sur les risques sismiques et les usages de l’eau.

Soit ces éléments sont complémentaires, c’est-à-dire qu’ils ont été pris en compte après Fukushima et nous invitent à nous doter d’équipements supplémentaires pour assurer la sécurité, soit ils sont liés aux projections concernant le réchauffement climatique. Une équipe d’EDF se consacre d’ailleurs à ce travail, vous le savez comme moi.

S’agissant de l’adaptation au changement climatique, l’enjeu des réseaux de transport et de distribution, qui sera l’un des enjeux de la programmation pluriannuelle de l’énergie, est probablement plus prégnant que l’enjeu des centrales elles-mêmes.

Le réchauffement climatique concerne également les énergies renouvelables – il faudra bien intégrer cet élément. Je pense à l’impact des variations de température rapides sur les matériaux, ainsi qu’aux événements climatiques extrêmes. Tous ces éléments doivent être pris en considération, au regard non seulement de la sécurité et, donc, d’équipements de sécurité additionnels, ce qui entraîne des coûts supplémentaires, mais aussi d’une baisse potentielle de la production.

Ainsi, dans le cas de l’énergie hydraulique, EDF, confrontée à une sécheresse à la fin de l’hiver, a géré de manière très protectrice, avec notre accompagnement, les ressources en eau. Finalement, un bon niveau hydraulique a été retrouvé, grâce, ne nous mentons pas, au fonctionnement de centrales à gaz.

Tout cela est donc d’ores et déjà pris en compte dans les scénarios. Toutefois, les informations n’étant pas encore toutes disponibles pour tous les sites et tous les scénarios, nous vous informerons au fur et à mesure.

Vous l’avez compris, les décisions seront prises graduellement. Vous tracez les grandes orientations, mais certains caps, certains choix, seront fixés en fonction d’études qui s’égrèneront dans le temps.

Je vous le redis, monsieur le rapporteur, le scénario le plus abouti en matière de mix énergétique, c’est quatorze réacteurs plus quelques SMR. Ce n’est pas « quatorze plus neuf » EPR. C’est écrit dans le rapport de RTE, je viens de le vérifier.

Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Je remercie notre collègue Fabien Gay d’avoir posé la question de l’eau. En effet, on entend beaucoup de bêtises s’agissant des centrales nucléaires situées sur les fleuves et les rivières, qui ont besoin, pour leur refroidissement, de 26 milliards de mètres cubes. Excusez du peu ! Ces chiffres sont ceux de la Société française d’énergie nucléaire (Sfen). Mes sources, vous le voyez, ne proviennent pas d’antinucléaires !

On me dit que 98 % de cette eau est rejetée dans la nature. Les centrales ne consomment donc que 2 % de ce volume, ce qui fait, j’en suis désolé, 550 millions de mètres cubes, soit 20 % net de la consommation d’eau en France. L’eau potable en représente 24 % et l’agriculture, 48 %. Qu’on ne me dise donc pas que le nucléaire ne consomme pas d’eau ! Une telle situation posera des difficultés énormes dans les années à venir.

Pendant les longs mois d’été, on aura des fleuves quasiment à sec, ce qui hypothéquera la possibilité de construire des centrales nucléaires à leur long, ainsi qu’à celui des rivières.

Mme le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.

Mme Angèle Préville. Je souhaite aller dans le sens de mes collègues. Dans le bassin Adour-Garonne, en Occitanie, on a déjà constaté moins 20 % de pluviométrie. C’est déjà acté pour les années à venir, ce qui est évidemment très inquiétant.

Parallèlement, la Garonne et la Dordogne ont connu des étiages particulièrement bas cette année. Nous devons donc considérer la question de la diminution des ressources en eau, particulièrement prégnante, qui pose un vrai problème dans le cadre de la construction de centrales nucléaires. L’eau est en effet absolument indispensable pour les refroidir.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.

M. Jean-Michel Houllegatte. Outre les questions liées à l’eau, il convient d’aborder l’ensemble des problématiques engendrées par le réchauffement climatique. En effet, les systèmes énergétiques qui seront mis en place fonctionneront jusqu’à la fin du siècle. Or, on le sait, à cet horizon, les conséquences du réchauffement climatique se feront malheureusement sentir, qu’il s’agisse de pluies torrentielles, d’inondations, de sécheresses ou de vents extrêmes.

Permettez-moi une petite anecdote. Hier, à Barneville-Carteret, le vent a soufflé à 163 kilomètres par heure, ce qui constitue un record. Or nous sommes situés à 24 kilomètres de Flamanville. Cela signifie que, désormais, nous avons des tornades. Si le Cotentin ne ressemble pas encore à la Floride, il subit dorénavant des événements extrêmes qu’il est nécessaire d’anticiper.

C’est la raison pour laquelle je voterai cet amendement d’appel, qui me paraît particulièrement pertinent.

Mme le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Nous devons mener nos réflexions en regardant vers demain, ce qui veut dire aussi prendre en compte, comme l’ont dit mes collègues avant moi, toutes les innovations technologiques et scientifiques dont nous ne pourrons nous passer pour continuer de développer un parc nucléaire.

On ne saurait déduire de l’insuffisance future des ressources en eau par rapport aux besoins actuels des centrales que, demain, il n’y aura plus de centrales : il existe des marges de progrès scientifique qui nous permettront, là où nous implanterons les futures installations, de mieux anticiper leurs conséquences hydrographiques et de mieux anticiper les besoins en matière de retenue et de rafraîchissement de l’eau.

Le véritable problème qui se pose actuellement avec l’eau de refroidissement, c’est qu’elle est rejetée dans le milieu plus chaude qu’elle n’est pompée en amont. Dès lors qu’il sera devenu possible de la rejeter à la température qui était la sienne avant refroidissement de la centrale, l’opération sera neutre pour le milieu. C’est vers cela qu’il faut tendre, au lieu de se complaire dans un constat défaitiste, voire alarmiste : nous devons fonder nos espoirs dans l’idée d’un pays qui se développe et s’appuie sur sa recherche scientifique. (Mme la ministre approuve.)

Songez, mes chers collègues, à ces projets technologiques qui permettent d’ores et déjà de dupliquer les fleuves dans un monde virtuel pour mesurer toutes les incidences sur l’eau des installations nucléaires. Plutôt que de tirer argument de la façon dont les choses ont été gérées dans le passé, trouvons des mécanismes moins gourmands en eau.

Dans tous les cas, réfléchissons, sachons anticiper, sans nous encombrer de blocages rigides.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 72 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° 94 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

… ° Les besoins en matière de stockage des déchets radioactifs et le coût afférent.

La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Mme Nathalie Delattre. Il s’agit, selon une philosophie identique à celle de l’amendement précédent, de compléter la demande de rapport qui a été heureusement introduite par la commission concernant l’impact de ce nouveau programme nucléaire sur plusieurs paramètres.

Je souhaite, mes chers collègues, que nous ajoutions à la liste de ces paramètres les besoins en matière de stockage des déchets radioactifs ainsi que le coût afférent. Sur cette question qui est régulièrement soulevée dans les débats publics et qui inquiète au plus haut point nos concitoyens, nous avons besoin d’être éclairés.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Le dispositif de l’amendement n° 93 rectifié bis, qui a été adopté, apporte une partie des réponses aux questions que vous posez, ma chère collègue.

Pour ce qui est de votre demande précise, plusieurs évaluations ont déjà été réalisées : un rapport réalisé en 2019 par la Cour des comptes sur l’aval du cycle du combustible nucléaire, un autre fait à la demande du Gouvernement, en 2022, par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) sur l’impact de la construction de six EPR 2.

Inutile de multiplier les strates : nous disposons de tous les éléments nécessaires.

C’est la raison pour laquelle la commission demande de retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis.

Mme Nathalie Delattre. Je retire cet amendement, madame la présidente !

Mme le président. L’amendement n° 94 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l’article 1er D, modifié.

(Larticle 1er D est adopté.)

Article 1er D (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes
Article additionnel après l'article Ier - Amendement n° 80

Article 1er

I. – Le présent titre s’applique aux projets de réacteurs électronucléaires, y compris ceux de petits réacteurs modulaires, dont l’implantation est envisagée à proximité immédiate ou à l’intérieur du périmètre d’une installation nucléaire de base existante mentionnée à l’article L. 593-2 du code de l’environnement, à l’exception des 4° et 5°, et pour lesquels la demande d’autorisation de création mentionnée à l’article L. 593-7 du même code est déposée dans les vingt ans qui suivent la publication de la présente loi.

II (nouveau). – Les projets d’installations d’entreposage de combustibles nucléaires, mentionnées au 2° de l’article L. 593-2 du code de l’environnement, peuvent bénéficier de tout ou partie des dispositions prévues au présent titre, dès lors qu’ils sont dédiés à un projet de réacteur électronucléaire, mentionné au I du présent article, ou à un réacteur nucléaire existant, mentionné au 1° de l’article L. 593-2 du code de l’environnement.

III (nouveau). – Les projets de production d’hydrogène bas-carbone, mentionné à l’article L. 811-1 du code de l’énergie, peuvent bénéficier de tout ou partie des dispositions prévues au présent titre, dès lors qu’ils sont couplés à un projet de réacteur électronucléaire mentionné au I du présent article.

IV (nouveau). – Dans un délai de cinq ans à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la faisabilité et l’opportunité d’étendre les technologies des projets nucléaires et les conditions d’implantation mentionnées au I du présent article.

(nouveau). – Dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi, et jusqu’à un an après l’expiration du délai mentionné au I du présent article, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’application des mesures prévues par le présent titre. Ce rapport rappelle les objectifs fixés pour la construction des projets de réacteurs électronucléaires, mentionnés au même I, et comporte une explication pour ceux non atteints ainsi que les moyens mis en œuvre pour les atteindre. Il fait l’objet d’une présentation devant le Parlement par le ministre chargé de l’énergie. Le premier rapport remis en application du présent V précise la liste des sites soumis à la participation du public pour la construction des quatorze réacteurs pressurisés européens et des petits réacteurs modulaires, mentionnés dans le discours tenu à Belfort, le 10 février 2022.

VI (nouveau). – Le décret en Conseil d’État mentionné à l’article 8 de la présente loi précise la notion de proximité immédiate. Cette notion ne peut excéder le périmètre initial du plan particulier d’intervention, mentionné à l’article L. 741-6 du code de la sécurité intérieure, lié à l’installation nucléaire de base existante, définie au I du présent article, apprécié à la date du dépôt de la demande d’autorisation de création mentionnée au même I.