M. le président. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi dont le Sénat a rédigé ainsi l’intitulé : projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 113 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 273
Pour l’adoption 245
Contre 28

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP.)

La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Je vous remercie, monsieur le président, de l’attention personnelle que vous portez à ce chantier olympique et paralympique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avec mon collègue Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports, je voudrais, au nom du Gouvernement, et tout particulièrement de Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer, saluer l’adoption de ce texte, qui constitue bien évidemment un jalon indispensable de notre préparation aux jeux Olympiques et Paralympiques.

Je remercie l’ensemble des membres des commissions saisies, qui ont été à la manœuvre en vue d’améliorer ce texte. Merci, Agnès Canayer, Claude Kern et Florence Lassarade, de la minutie avec laquelle vous avez travaillé, de votre engagement et de la richesse de nos échanges.

Les apports du Sénat ont été importants. Je pense notamment à la mise en place de la billetterie infalsifiable dématérialisée, aux équilibres trouvés s’agissant de la prévention de toutes les formes de violence dans nos stades, ainsi qu’au renforcement de notre dispositif de lutte contre le dopage.

Certes, je n’ai pas réussi à vous convaincre tous, mais je sais que chacun d’entre vous est engagé pour la réussite de ces jeux Olympiques et Paralympiques. J’ai été très attentive à vos interventions, qui visaient aussi à renforcer, au-delà des Jeux, la place du sport dans notre société, y compris le rugby, monsieur le sénateur Requier ! (Applaudissements.)

M. le président. Et la pétanque ! (Sourires.)

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures cinquante, sous la présidence de M. Alain Richard.)

PRÉSIDENCE DE M. Alain Richard

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions
 

5

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à régulariser le PLUi de la Communauté de communes du Bas-Chablais
Discussion générale (suite)

PLUi de la Communauté de communes du Bas-Chablais

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à régulariser le PLUi de la Communauté de communes du Bas-Chablais
Article unique

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi visant à régulariser le PLUi de la communauté de communes du Bas-Chablais, présentée par M. Cyril Pellevat et Mme Sylviane Noël (proposition n° 28, texte de la commission n° 271, rapport n° 270).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la proposition de loi.

M. Cyril Pellevat, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de vous remercier pour l’inscription à l’ordre du jour du Sénat de cette proposition de loi déposée avec ma collègue Sylviane Noël, ainsi que pour l’avis favorable émis par la commission des affaires économiques sur ce texte. Je remercie également Martine Berthet pour le travail qu’elle a réalisé au nom de la commission.

Si j’admets qu’il est inhabituel, ce texte est d’une importance capitale pour le département de la Haute-Savoie, tout particulièrement pour le territoire du Chablais, en ce qu’il permettra la réalisation d’une autoroute reliant Machilly à Thonon, projet structurant et attendu depuis des années par les Chablaisiens.

Pour évoquer le contexte de cette proposition de loi, il faut rappeler que le Chablais est très attractif, à la fois du fait de sa proximité avec la Suisse, de son dynamisme économique et de son potentiel touristique. Cette attractivité entraîne logiquement d’importants flux de véhicules, et ce malgré les efforts faits pour développer le ferroviaire et les modes de circulation alternatifs.

Je pense au Léman Express, inauguré en 2019, dont l’objectif de 50 000 usagers par jour a été largement dépassé, puisqu’il transporte désormais plus de 65 000 personnes quotidiennement, ou aux projets du RER Sud-Léman et de la véloroute des cinq lacs, dont je préside les comités de pilotage (Copil) et qui sont en cours d’études. J’espère d’ailleurs, monsieur le ministre, que vous soutiendrez le RER Sud-Léman dans le cadre de son inscription au contrat de plan interrégional État-régions (CPIER).

M. Loïc Hervé. Je l’espère !

M. Cyril Pellevat. Il ne peut donc pas nous être reproché de privilégier la route au détriment du train. À cet égard, je tiens à souligner la pleine mobilisation des élus du Chablais en faveur de l’intermodalité.

Le report modal est évidemment un objectif louable et nécessaire qu’il faut encourager. Toutefois, il convient de ne pas tomber dans la caricature : ce report ne doit pas conduire à empêcher des projets routiers absolument nécessaires. Restons réalistes : certains automobilistes n’ont tout simplement pas la possibilité de prendre les transports en commun, si ceux-ci ne sont pas accessibles ou si leurs horaires ne correspondent pas aux besoins.

Par ailleurs, la liaison Machilly-Thonon est exemplaire d’un point de vue environnemental. Son impact sur la consommation de terrains sera compensé et il est prévu d’intégrer des innovations permettant de réduire les émissions de CO2, telles que le développement de mobilités en flux libre, de mobilités électriques ou du covoiturage.

Ce projet d’autoroute est nécessaire et même urgent, car le Chablais n’est relié que par des routes départementales. Le réseau routier n’est donc pas à la hauteur des enjeux. Il en résulte un enclavement très important du territoire, qui entraîne le passage d’un nombre excessif de voitures et de poids lourds dans les centres-villes, bourgs et hameaux, ce qui conduit à des embouteillages très importants.

Ces passages et engorgements incessants posent de graves problèmes de sécurité et de tranquillité publiques et engendrent une forte pollution. Rendez-vous compte ! Certaines communes du Chablais comptant de 4 000 à 5 000 habitants voient chaque jour passer jusqu’à 22 000 véhicules à proximité des écoles, des commerces et des habitations. Quelques-unes, à l’image de Brenthonne, sont tout bonnement coupées en deux par la départementale, tandis que dans d’autres on s’inquiète du risque d’accident à leurs passages à niveau.

En heure de pointe, un trajet qui devrait durer 40 minutes en prend le double, soit près d’une heure et demie, et consomme bien plus de carburant que dans le cadre d’une circulation fluide.

Dans ce contexte, l’État, les collectivités, mais aussi et surtout les habitants du Chablais, qui soutiennent massivement le projet d’autoroute, ont de longue date souhaité remédier à la situation. C’est ce qui a conduit, dès la fin des années 1980, à étudier la création du tronçon autoroutier qui nous occupe, dans le but de désenclaver le territoire.

Le projet a cependant été perturbé à maintes reprises et ce n’est qu’à partir de 2015 qu’a pu avoir lieu un développement significatif avec la publication du projet.

Chacune des étapes de procédure prescrites par la loi a par la suite été remplie avec diligence, qu’il s’agisse des consultations et enquêtes publiques ou des études environnementales, et ce jusqu’à la déclaration d’utilité publique intervenue fin 2019, mettant en compatibilité les plans locaux d’urbanisme (PLU) des communes concernées par le tracé.

Pourquoi, dès lors, suis-je aujourd’hui devant vous, avec ma collègue Sylviane Noël, pour vous demander d’adopter cette proposition de loi visant à sauver ce projet structurant pour notre département, alors même que l’ensemble des prescriptions ont été suivies à la lettre ?

Concomitamment à la procédure de déclaration d’utilité publique, la communauté de communes du Bas-Chablais a prescrit en 2015 l’élaboration d’un premier PLU intercommunal. Le contenu de ce PLUi a été arrêté définitivement en juillet 2019, soit avant l’intervention de la déclaration d’intérêt public (DUP) qui a eu lieu le 24 décembre de la même année.

De ce fait, même si la future autoroute est prise en compte dans d’autres composantes du PLUi, telles que la stratégie de mobilité et les enjeux environnementaux, les zonages retenus ne font pas apparaître l’emplacement réservé au projet et le règlement ne comporte pas les règles écrites nécessaires à la réalisation des travaux, puisqu’il n’était pas possible d’inclure un projet non encore définitivement arrêté par le biais d’une DUP.

Il en résulte que, malgré le fait que la déclaration d’utilité publique visait justement à mettre en conformité les documents d’urbanisme, l’adoption du PLUi après la publication de la DUP a entraîné une primauté du PLUi, empêchant la réalisation du projet d’autoroute, faute d’y avoir fait figurer les éléments requis.

Il était impossible pour l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) de corriger le tir une fois la DUP publiée, car le droit de l’urbanisme n’autorise aucune modification du projet de document une fois celui-ci arrêté. Il n’y avait donc pas de moyen d’inclure le projet sans que la communauté de communes commette un vice de forme entachant la procédure d’illégalité.

En l’état, le projet autoroutier est donc irréalisable, alors même que toutes les études et procédures nécessaires ont été mises en œuvre, que les collectivités concernées y sont toutes favorables et ont d’ores et déjà investi pour sa réalisation, que l’ensemble des autres documents d’urbanisme, tels que le schéma de cohérence territoriale (Scot) et le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), prennent en compte le projet et ont mis en œuvre les coûteuses études nécessaires, que tous les documents sont purgés de recours et que 90 % des habitants du territoire sont en faveur de la création de cette autoroute.

Cette situation résulte d’un véritable casse-tête juridique, combiné à un concours de circonstances, et il est tout bonnement impossible de trouver une solution autre que législative sans mettre en danger l’intégralité du projet.

En effet, un nouveau décret portant déclaration d’utilité publique serait considéré comme un détournement de procédure. Une révision du PLUi ou l’adoption du nouveau PLUi de la communauté d’agglomération prendrait environ trois ans. Or une telle échéance n’est pas compatible avec les délais requis pour l’appel d’offres et entraînerait une remise en cause du projet dans sa totalité.

C’est pourquoi la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise tout simplement à appliquer la mise en compatibilité prévue par le décret au PLUi du Bas-Chablais. Elle s’inspire du mécanisme de validation législative, mais elle n’a pas d’effet rétroactif, ce qui la rend bien moins susceptible de porter atteinte à la sécurité juridique. Elle respecte par ailleurs en tout point la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de validation législative, comme je vous le démontrerai par la suite.

Auparavant, je souhaite ouvrir une parenthèse. La problématique rencontrée par les élus du Chablais doit nous conduire plus largement à nous interroger sur la complexité du droit de l’urbanisme et les obligations contradictoires que celui-ci fait peser sur les collectivités. Car si des lois telles que celle que nous étudions aujourd’hui peuvent être admises exceptionnellement, je suis bien évidemment conscient qu’elles ne doivent pas se multiplier. Or c’est ce qui nous attend si nous ne faisons pas en sorte de réduire l’amas de textes législatifs et réglementaires ayant trait à l’urbanisme.

Je referme la parenthèse et reviens sur les raisons pour lesquelles notre proposition de loi respecte la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui prévoit plusieurs critères cumulatifs : la loi doit poursuivre un objectif d’intérêt général ; elle ne doit pas méconnaître de principe à valeur constitutionnelle à moins que l’objectif d’intérêt général soit lui-même de valeur constitutionnelle ; elle doit respecter les décisions de justice ; enfin, la portée de la validation doit être strictement définie.

Premièrement, ce texte répond à des objectifs d’intérêt général, d’abord de préservation de l’ordre public, lequel est lui-même un objectif de valeur constitutionnelle. En effet, la réalisation de l’autoroute permettra de remédier à un problème de sécurité et de tranquillité publiques.

L’objectif d’intérêt général est aussi économique, puisque l’adoption de cette proposition de loi évitera aux collectivités et à l’État d’engager de coûteuses études, qui ont déjà été faites. En outre, un retard dans la réalisation du projet entraînera une forte hausse des coûts.

Enfin, l’objectif est également environnemental et de santé publique, puisque cette liaison permettra de réduire la pollution due aux bouchons et au passage incessant des véhicules. Il n’est en effet pas prévu d’augmentation du trafic, seulement un report hors des centres-villes.

De même, le droit au recours est respecté, puisque tous les recours ont été purgés.

Quant à la portée du texte, elle est strictement définie : la proposition de loi effectue de manière très précise la mise en compatibilité du PLUi sans laisser aucune porte ouverte.

Enfin, aucun objectif de valeur constitutionnel n’est méconnu. D’aucuns argueront que c’est le cas de l’objectif de protection de l’environnement ; or le projet d’autoroute vise au contraire à atteindre cet objectif et la consommation d’espace sera compensée.

Je pense sincèrement que, sur le long terme, il sera plus bénéfique pour l’environnement de réaliser ce projet que de laisser les choses en l’état et je vous prie, mes chers collègues, de ne pas vous y opposer par principe au seul motif qu’il s’agit d’une autoroute.

Je ferai une dernière remarque : mis à part une poignée de locaux – c’est le jeu : on ne peut pas mettre tout le monde absolument d’accord –, je ne vois que des personnes étrangères au Chablais se positionner contre le projet.

Plusieurs sénateurs du groupe GEST. Et les écologistes ?

M. Cyril Pellevat. Les contempteurs du projet ne sont pas du Chablais : ils sont principalement du secteur d’Annecy ou d’autres départements, de Toulouse, de Bordeaux, de Lyon… Les associations écologistes chablaisiennes, en revanche, n’ont pas pris position contre.

Et je ne crois pas avoir entendu l’un des opposants au projet autoroutier prendre publiquement la parole en faveur du projet ferroviaire RER Sud-Léman ou du projet de la véloroute des cinq lacs, dont je préside les comités de pilotage – deux poids, deux mesures ! Je vous encourage, mes chers collègues, à soutenir ces projets.

Résumant l’enjeu, les élus de Thonon Agglomération ont plaidé pour ne pas être « laissés de côté dans le développement de la région » et mis en garde contre la création d’un « territoire à deux vitesses ».

Pour toutes ces raisons, et au regard de l’insigne nécessité qui s’attache à la réalisation de cette autoroute pour mon territoire, je vous invite, mes chers collègues, à voter en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Martine Berthet, rapporteure de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun des textes qu’il nous est donné d’examiner dans cet hémicycle est différent des précédents : c’est ce qui fait la beauté et l’intérêt du travail du Parlement. La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui, présentée par nos collègues Cyril Pellevat et Sylviane Noël, se distingue peut-être par son caractère particulièrement atypique.

De prime abord d’aspect assez technique, ce texte nous adresse en réalité à nous, représentants des territoires français, une question très concrète : souhaitons-nous qu’un projet d’infrastructure d’intérêt général, déjà passé par l’ensemble des étapes administratives nécessaires à sa réalisation, soit mis en échec du simple fait de l’enchevêtrement de procédures d’urbanisme parallèles les unes aux autres ?

Parlementaires comme élus locaux savent que le cadre juridique du droit de l’urbanisme a été considérablement modifié et, j’ose le dire, complexifié au cours des deux dernières décennies.

Les documents d’urbanisme locaux se sont multipliés ; les procédures formelles qui président à leur élaboration se sont rigidifiées et allongées ; l’insécurité juridique qui les entoure s’est fortement accrue. Il faut désormais entre quatre et six ans pour élaborer un plan local d’urbanisme et peu de maires et présidents d’EPCI sont à l’heure actuelle en mesure de le faire sans recourir à des prestataires externes.

Le fait intercommunal, s’il a accentué les solidarités et le dialogue territorial, s’est révélé lui aussi source de complexités nouvelles au fur et à mesure des créations d’EPCI, puis des fusions, et des divers transferts de compétences. L’écriture d’un PLU couvrant une commune, comme auparavant, est sans comparaison avec celle d’un PLUi couvrant vingt, cinquante, voire cent communes.

Si je rappelle aujourd’hui ce contexte de complexité et d’instabilité juridique, c’est qu’il est essentiel d’en tenir compte pour appréhender pleinement la démarche de la proposition de loi qui nous est soumise. Dans ce cas concret, l’ensemble des collectivités territoriales du Bas-Chablais travaille depuis plusieurs décennies à la réalisation d’une liaison à 2x2 voies entre Machilly et Thonon-les-Bains, qui mènerait à bien le désenclavement du bassin, répondrait aux exigences de son développement rapide et assurerait la sécurité des riverains.

En 2017, ces collectivités, accompagnées de l’État, ont donné une nouvelle impulsion au projet de liaison routière, avec le lancement d’une concertation publique et la conduite d’une évaluation environnementale, puis en 2019 la prise d’une déclaration d’utilité publique (DUP).

Afin de prendre en compte le projet dans sa globalité et de faciliter sa réalisation, cette déclaration d’utilité publique a prévu, comme le permet le droit, la mise en compatibilité simultanée des plans locaux d’urbanisme des dix communes concernées par le tracé. Cette DUP a ainsi ouvert la voie à la réalisation du projet, très attendue par les parties prenantes.

Ici intervient le contexte particulier que j’évoquais voilà un instant : la communauté de commune du Bas-Chablais avait engagé l’élaboration d’un PLU intercommunal en 2015, c’est-à-dire avant la relance du projet de liaison à 2x2 voies. Entre-temps devenue communauté d’agglomération, elle a finalisé ce PLUi début 2020. Si la déclaration d’utilité publique du projet routier avait bien prévu la modification des anciens plans locaux d’urbanisme, elle n’avait pas prévu que l’adoption du nouveau PLUi viendrait peu après « écraser » ces modifications.

Comble de la difficulté, une fois ces problèmes identifiés, il s’est avéré à la fois impossible pour la communauté d’agglomération de modifier son PLUi avant approbation, puisque celui-ci avait déjà été soumis à concertation et enquête publique, et impossible pour l’État de prendre une DUP modificative, puisque la jurisprudence du Conseil d’État ne le permet pas à projet constant. Qui plus est, toute modification du PLUi à peine adopté devrait passer par la procédure la plus contraignante, qui reprendrait une à une toutes les étapes d’évaluation, de concertation et d’enquête publique déjà effectuées.

La démarche de la proposition de loi, bien qu’atypique, est donc très simple : elle vise à étendre les effets de la mise en compatibilité prévue par la déclaration d’utilité publique au nouveau plan local d’urbanisme, afin de permettre au projet de se poursuivre sans délai injustifié.

Eu égard à son caractère atypique, notre commission a souhaité examiner ce texte avec une exigence toute particulière, en le passant au « filtre » de plusieurs critères concrets.

Premièrement, nous avons vérifié que ce texte ne vise aucunement à faire échec à des décisions déjà prises, à aller à l’encontre des compétences des collectivités ou encore à restreindre des droits acquis, notamment en matière de droit de recours.

Nous avons pu constater qu’il s’agit bien d’un texte aidant, et non d’un texte censeur. Les collectivités territoriales du Bas-Chablais m’ont confirmé que la situation actuelle ne relevait pas d’une volonté locale de freiner le projet, mais bien d’une erreur dans la conception simultanée de la DUP et du PLUi, le tout dans un contexte juridique complexe.

Le projet est anticipé et soutenu de longue date par tout le territoire. L’ensemble des autres documents d’urbanisme, Scot et Sraddet notamment, le prennent déjà en compte et le qualifient de « projet structurant » pour la région.

Surtout, le projet a fait l’objet de la totalité des modalités de concertation, de participation du public, d’accord des collectivités et de droit de recours prévues par la loi ; une concertation publique a notamment eu lieu sous l’égide de la Commission nationale du débat public (CNDP).

La déclaration d’utilité publique est aujourd’hui purgée de tout recours, et les quelques contentieux ont été rejetés par la justice.

L’examen de cette proposition de loi n’est donc pas l’occasion de revenir sur le fond du projet autoroutier, qui a déjà fait l’objet de décisions administratives et de décisions de justice.

Deuxièmement, notre commission a vérifié qu’il n’était pas possible de parvenir au même objectif par le biais d’une autre méthode que la loi.

J’ai notamment exploré trois pistes : une nouvelle DUP, un nouveau PLUi, une révision du PLUi. Comme évoqué tout à l’heure, ces trois options n’offrent pas de solution viable, soit par impossibilité juridique soit par impossibilité pratique. En particulier, elles impliqueraient des délais intenables : d’une part, la DUP existante arrivera à son terme en 2029 ; d’autre part, la situation actuelle d’engorgement du Bas-Chablais est source de nuisances et de risques réels.

Troisièmement, nous avons souhaité mieux comprendre l’objectif d’intérêt général de ce texte, en ce qu’il permet la réalisation d’un projet d’infrastructure essentiel pour la région, dans lequel les collectivités et l’État sont déjà très engagés.

Nous avons pu mesurer l’urgence et l’importance que revêt le désenclavement du Bas-Chablais, qui s’inscrit dans la droite ligne des objectifs de réduction des inégalités territoriales et de développement équilibré des territoires.

L’absence d’infrastructure à la hauteur des enjeux est perçue par la population et par les collectivités territoriales comme une condamnation, comme une relégation. Les accidents, la pollution, les nuisances sonores touchent directement le cœur des villages et des hameaux.

Aussi avons-nous pu observer que, pour toutes ces raisons, l’ensemble des collectivités territoriales et la grande majorité de la population soutiennent ce projet d’intérêt général.

La CNDP a confirmé que seuls 10 % des participants à la concertation s’y étaient déclarés défavorables, ce qui témoigne d’un réel consensus local. Les communes concernées ont toutes rendu un avis favorable sur la déclaration d’utilité publique et nous ont récemment confirmé cet avis. Enfin, aucun des recours en justice déposés contre le projet n’a abouti.

À l’issue de ses travaux, la commission des affaires économiques a donc estimé que, compte tenu de son objectif, cette proposition de loi, en dépit de sa démarche atypique, méritait d’être soutenue.

Elle vise à remédier à des difficultés concrètes d’application du droit de l’urbanisme, lesquelles mettent en danger un projet d’intérêt général soutenu par les parties prenantes, et ce à défaut d’autre solution satisfaisante que cette voie législative.

En commission, nous avons par conséquent adopté sans modification la présente proposition de loi et nous défendons dans l’hémicycle la même position.

Il serait dramatique, dans un pays comme la France, où l’on appelle chaque jour, et surtout dans cette assemblée, à la résorption des inégalités territoriales, à la réindustrialisation ou encore à la simplification du fardeau administratif, que nous sacrifiions sur l’autel de la complexité juridique un projet unanimement reconnu d’intérêt général, alors même qu’une solution existe.

Le projet qui est en question a franchi avec succès toutes les étapes prescrites par la loi : il faut maintenant qu’il puisse être mené à bien, car il est extrêmement attendu. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, le texte qui vous est présenté aujourd’hui vise – cela a été dit – à permettre la réalisation d’une liaison autoroutière entre les communes de Machilly et de Thonon-les-Bains dans le département de la Haute-Savoie.

Le Bas-Chablais et, plus largement, le département de la Haute-Savoie attendent depuis longtemps la réalisation de cette liaison ; il convient, en la matière, de se donner les moyens d’avancer.

Bien que reconnue d’utilité publique en 2019, la construction de cette liaison nouvelle est actuellement à l’arrêt, car les dispositions du plan local d’urbanisme intercommunal de la communauté de communes du Bas-Chablais adopté en février 2020 s’avèrent incompatibles avec le projet d’infrastructure.

Or – je serai bref, car cela a été bien expliqué – il semble que cette incompatibilité entre le PLUi du Bas-Chablais et le projet autoroutier ne résulte pas d’une décision délibérée des collectivités, mais plutôt d’une erreur de traduction, au sein du document d’urbanisme, d’un projet par ailleurs anticipé, longuement débattu et très attendu.

Il convient donc de corriger cette erreur. L’intervention législative proposée est évidemment exceptionnelle et a vocation à le rester, mais il est important qu’une solution concrète soit rapidement apportée.

Vous l’avez dit, madame la rapporteure, il serait juridiquement possible, en théorie, de faire évoluer le PLUi du Bas-Chablais par les procédures classiques, voire d’attendre qu’un nouveau PLUi soit élaboré par la collectivité.

Mais les délais qu’impliquent ces procédures seraient extrêmement longs, vu le nombre des étapes à franchir, s’agissant d’un projet pour lequel les garanties demandées se trouvent avoir déjà été apportées, toutes les procédures requises ayant été suivies.

Ce choix relève désormais, de manière exceptionnelle et spécifique, d’une décision parlementaire, donc démocratique, assortie en tant que telle de nouvelles garanties. Bien entendu, j’en laisse juge le Sénat, que M. Pellevat et Mme Berthet ont parfaitement éclairé.

J’entends par ailleurs les arguments d’opposants au projet – je me dois de les évoquer – qui, sur le terrain comme peut-être dans cet hémicycle, le refusent en tant que projet routier.

Vous le savez, je partage très clairement la volonté de réduire toujours davantage l’impact environnemental de nos infrastructures de transport et de décarboner au maximum et le plus rapidement possible nos mobilités. C’est ce à quoi je m’attache en prônant la mobilisation des crédits de soutien en faveur du réseau ferroviaire, du report modal et de la transformation de nos infrastructures, ainsi que le montreront les arbitrages qui seront soumis au Parlement dans le sillage de la remise prochaine du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures à Mme la Première ministre.

Toutefois, il faut aussi être clair, réaliste et pragmatique : tous les villages de France ne seront pas demain, en un clin d’œil, accessibles par le train ou par les mobilités douces.

L’usage de la voiture est évidemment complémentaire des modes de transport que je viens de citer ; il reste indispensable dans de nombreux territoires, tout particulièrement en zone rurale et de montagne.

Disons-le, si nous avons besoin de moins de transport routier, nous avons aussi besoin d’un transport routier adapté et plus durable : il faut davantage de transports partagés – covoiturage, autopartage, etc. – et d’électrification, à chaque fois que cela est possible – nous encourageons ces évolutions.

L’ennemi de l’environnement n’est pas la voiture en elle-même, ou la route en elle-même : c’est l’usage individuel et polluant des véhicules. C’est en ce domaine que nous devons agir et accélérer, sur ces transformations que nous devons travailler.

En outre, et c’est heureux, les standards environnementaux applicables à nos infrastructures les plus « traditionnelles », comme la route, vont en s’améliorant ; bien qu’une infrastructure sans impact n’existe pas, nous avons fait beaucoup de progrès, collectivement, en matière de traitement de l’eau ou de protection de la biodiversité.

À cet égard, j’y insiste, le projet en question répond à toutes les garanties environnementales en vigueur, légales comme réglementaires. Le Conseil d’État a d’ailleurs écarté, par une décision du 30 décembre 2021, l’ensemble des contentieux qui demeuraient pendants.

Rappelons enfin que la route qui existe aujourd’hui entre Machilly et Thonon souffre de congestion et n’offre pas les garanties de sécurité élémentaires et suffisantes, l’engorgement du trafic ainsi engendré posant non seulement un problème de sécurité, mais aussi un problème environnemental.

L’État soutient depuis l’origine ce projet de liaison autoroutière qui est très largement et très ardemment souhaité par les collectivités locales et par nombre de sénatrices et de sénateurs ; je tiens en particulier à saluer Cyril Pellevat et Sylviane Noël, ainsi que Loïc Hervé, lui aussi impliqué dans ce projet utile au développement du territoire et conforme à l’ensemble des exigences réglementaires.

Si le recours à la loi pour modifier un PLUi doit rester exceptionnel, il appartient au législateur et, en l’espèce, aux sénatrices et sénateurs aujourd’hui rassemblés, d’en apprécier l’opportunité – j’en ai, pour ma part, indiqué l’importance. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cette proposition de loi.