compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Martine Filleul,

M. Jacques Grosperrin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Mises au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à M. Hugues Saury.

M. Hugues Saury. À la suite d’incidents techniques survenus hier, mon collègue Houpert et moi-même n’avons pu voter comme nous l’entendions.

Je souhaite donc faire les mises au point suivantes : lors du scrutin public n° 158, je souhaitais voter pour ; lors du scrutin public n° 151, Alain Houpert souhaitait voter pour.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.

M. Pierre-Jean Verzelen. Lors du scrutin public n° 150 sur les amendements identiques nos 344 à 2260 à l’article 1er, M. Franck Menonville souhaitait voter pour.

M. le président. Acte est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique des scrutins concernés.

3

Article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023
Après l’article 1er

Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, dont le Sénat est saisi en application de l’article 47-1, alinéa 2, de la Constitution (projet n° 368, rapport n° 375, avis n° 373).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de la première partie, à l’examen des amendements portant articles additionnels après l’article 1er.

PREMIÈRE PARTIE (suite)

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2023

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023
Article 1er bis (nouveau)

Après l’article 1er

M. le président. L’amendement n° 4469 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’année suivant la promulgation de la loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport visant à établir l’implication des cabinets de conseil dans la détermination des modalités de la présente réforme des retraites (report de l’âge légal, accélération de l’application de l’allongement de la durée de cotisation, rehaussement des cotisations des employeurs hospitaliers et des collectivités territoriales, suppression des régimes spéciaux, création d’un fonds d’usure professionnel…). Il indique également si la mission de conseil réalisée par le cabinet McKinsey entre novembre 2019 et mars 2020 pour le compte de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) a permis à cette dernière de mieux assurer ses missions pour le compte des assurés sociaux. Il établit par des indicateurs chiffrés, si parmi les 31 chantiers du programme de transformation dont « l’information des assurés », « l’évolution de l’offre de services », « l’évolution des applications » informatiques de la Cnav, l’offre de l’institution s’est améliorée. Il mesure enfin, les effets attendus sur ces mêmes indicateurs à l’issue de la mise en œuvre de la présente réforme des retraites.

La parole est à M. Pierre Laurent.

M. Pierre Laurent. Je présente cet amendement au nom de la présidente Assassi, qui regrette de ne pas pouvoir être parmi nous à l’heure où nous en parlons.

Le montant de la prestation du cabinet de conseil McKinsey pour la Caisse nationale d’assurance vieillesse s’élève à 957 674,20 euros. L’objectif est de préparer les transformations de la Caisse après la réforme des retraites. Sauf que ces prestations de conseil interviennent avant la réforme par points, abandonnée depuis…

De ces prestations, il ne reste rien ou quasiment rien : un PowerPoint et un carnet de cinquante pages qui ferait office de solde de tout compte. Monsieur le ministre, si des documents existent, il va falloir les communiquer largement à la représentation nationale, à la société civile et à nos concitoyens ! Sinon, il ne peut y avoir que défiance et suspicion.

Je ne pourrai que vous le rappeler, en paraphrasant certains membres du Gouvernement plus prompts à enjoindre aux Français de travailler plus longtemps qu’à faire respecter les contrats des firmes privées : si tout travail mérite salaire, tout salaire mérite travail ! C’est donc le moment de nous dire si près d’un million d’euros ont été versés sans contrepartie.

J’ai entendu le directeur de la Cnav, M. Renaud Villard, se féliciter de ces prestations. Il a déclaré devant la commission des affaires sociales : « J’aurais été irresponsable si je n’avais pas pris le temps de me faire assister par une aide extérieure pour anticiper un tel choc. La Cnav a bien évidemment des compétences et des conseils en interne, mais pas pour absorber une telle transformation ! » Ainsi donc, avec une masse salariale représentant 1,4 milliard d’euros, il n’y a personne d’assez compétent à la Cnav pour y préparer une réforme des retraites…

Par cet amendement, nous demandons donc un rapport pour faire la lumière sur cet épisode et pour permettre d’établir si le Gouvernement a recouru au cabinet de conseil à l’occasion de cette réforme, sur le plan tant de l’argumentation que des conseils en stratégie.

Je vous le demande, monsieur le ministre : des cabinets de conseil ont-ils directement ou indirectement participé à l’élaboration de la réforme des retraites dont nous discutons aujourd’hui ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre avis sur les demandes de rapport est malheureusement toujours le même, comme je l’ai annoncé dès les premiers jours. Nous n’avons pas plus d’indulgence pour les demandes de rapport qui viennent du côté droit de l’hémicycle que pour celles qui viennent du côté gauche. L’avis est donc défavorable.

Pour ce qui concerne le rapport qui est demandé par votre groupe, monsieur Laurent, chacun se souvient du travail important qui a été fait au Sénat sous la présidence de Mme Éliane Assassi. Vous pouvez demander au Gouvernement les réponses à vos questions.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de linsertion. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure générale, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, de manière générale – et je dis à dessein « de manière générale » puisqu’un principe souffre toujours d’exceptions –, le Gouvernement donne un avis défavorable aux demandes de rapport.

Certains peuvent avoir un intérêt – c’est pour cela que je viens de dire qu’il y a quelques exceptions –, mais la plupart relèvent du travail de contrôle du Parlement sur le Gouvernement. Mme la rapporteure générale vient à l’instant de rappeler les travaux de la commission d’enquête présidée par Mme Assassi, qui avait donné lieu à un débat public et qui a d’ailleurs permis un certain nombre d’évolutions des pratiques.

Je ne citerai qu’un exemple, que je connais bien puisqu’il concerne le ministère dont j’ai la charge : à l’occasion de la préparation du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, j’ai obtenu un certain nombre d’équivalents temps plein pour permettre, au sein de la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, de réintégrer, de « réinternaliser » – pardon pour ce néologisme –, un certain nombre de prestations jusqu’à présent externalisées à des cabinets de conseil.

L’avis sur cette demande de rapport est donc défavorable pour cette question de principe.

Pour répondre à votre question, monsieur Laurent, ce sont mon cabinet et, pour l’administration, la direction de la sécurité sociale qui ont élaboré ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS), et ce en interne, sans recours à des prestations de conseil.

Les administrations, vous le savez, ont recours à ces prestations parfois sur des marchés structurants, parfois sur des marchés ponctuels, mais en l’occurrence, pour la préparation du PLFRSS que nous vous soumettons, le travail a été réalisé en interne. C’est d’ailleurs un des avantages de passer par ce type de véhicule législatif particulièrement connu et maîtrisé de nos administrations.

M. le président. Je précise que Mme Assassi était la rapporteure de la commission d’enquête sénatoriale sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, présidée par M. Arnaud Bazin.

La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Je voudrais rebondir sur l’amendement de nos collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Nous savons que le Gouvernement a eu très largement recours à des cabinets de conseil, à un point tel que nous nous demandons à quoi servent tous les comités et groupes paraministériels qui existent aujourd’hui et, bien évidemment, les administrations qui sont censées faire ce travail préparatoire.

J’espère que, en matière de retraite, vous puiserez dans ce qui existe déjà : je veux parler notamment des travaux du Conseil d’orientation des retraites (COR), lequel réunit toutes les grandes administrations concernées par ce sujet. J’ose le croire, si un jour était menée une véritable réforme des retraites, on commencerait par interroger ceux qui connaissent le sujet depuis longtemps !

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Merci, monsieur le ministre, de votre réponse. Nous avons entendu votre volonté de réinternaliser un certain nombre de postes, qui concernent notamment des prestations de conseil. Nous serons extrêmement vigilants sur ce sujet durant les semaines et les mois à venir ainsi qu’à l’occasion des prochaines réformes. Nous vous encourageons à réinternaliser un certain nombre de compétences à l’intérieur des ministères. Continuons sur cette bonne voie !

Pour revenir à ce que disait le président Pierre Laurent, si nous demandons un rapport, c’est pour connaître précisément en quoi avait consisté la prestation du cabinet de conseil McKinsey pour une somme de 957 674 euros, qui portait notamment sur la question des retraites.

Vous nous dites que McKinsey ou un autre cabinet de conseil ne sont pas intervenus pour ce PLFRSS. J’insiste, en quoi donc a consisté cette prestation intitulée « retraites », et ce pour 957 674 euros ? Vous nous avez répondu sur certains points ; dans la même veine, nous vous encourageons à nous répondre précisément sur cette question.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4469 rectifié bis.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 159 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 91
Contre 252

Le Sénat n’a pas adopté.

Je suis saisi de quatre amendements et de six sous-amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 174 rectifié, présenté par MM. Le Rudulier, Babary et Bascher, Mmes Bellurot et Belrhiti, M. Bouchet, Mmes Boulay-Espéronnier et V. Boyer, MM. Cadec, Charon, Chasseing, Cuypers et Decool, Mmes N. Delattre et de Cidrac, MM. P. Dominati et de Legge, Mmes Drexler et Dumont, MM. Favreau et Frassa, Mmes Gacquerre, Garnier et Goy-Chavent, MM. Grosperrin, Guerriau et Haye, Mmes Joseph et M. Jourda, M. Klinger, Mmes Lassarade et Lopez, M. Meurant, Mme Muller-Bronn, MM. Paccaud, Panunzi, Pellevat et Pointereau, Mmes Primas et Puissat, M. Ravier, Mme Renaud-Garabedian et MM. Rietmann, Rojouan, Saury, Savin, Sido, Somon, Verzelen et Wattebled, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement avant le 1er octobre 2023 un rapport sur l’application de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et de l’article 4 de la présente loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Ce rapport compare les conséquences pour les assurés et les pensionnés d’une affiliation à un régime par répartition et à un régime par capitalisation, à l’image de la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens ou du régime additionnel de la fonction publique. Il étudie les modalités d’instauration d’un nouveau régime social applicable à des cotisations versées à un régime obligatoire d’assurance vieillesse par capitalisation pour tous les assurés et les pensionnés, du secteur privé comme du secteur public. À partir des conséquences susmentionnées, il s’attache à établir notamment le coût, les sources et les origines de financement, la faisabilité, les avantages, les conditions et les échéances nécessaires à la mise en place d’une telle réforme.

Ce rapport étudie la création d’un établissement public placé sous la tutelle de l’État qui serait responsable de ce nouveau régime obligatoire, la composition de son conseil d’administration et les conditions d’utilisation des cotisations versées à ce nouveau régime par capitalisation.

Le rapport prend notamment en compte la mise en place de régimes transitoires qui seraient nécessaires à une telle réforme, d’une part, pour ceux qui bénéficient déjà des systèmes par capitalisation facultatifs, et d’autre part, pour ceux qui ont déjà commencé à cotiser sans pouvoir compter jusque-là sur une quelconque forme de capitalisation. Il sera notamment pris en compte l’hypothèse d’une cohabitation entre le système de retraite ainsi réformé et les systèmes par capitalisation facultatifs déjà existants.

La parole est à M. Stéphane Le Rudulier.

M. Stéphane Le Rudulier. Depuis le début de l’examen de ce texte, on a souligné une réalité démographique implacable. Il faut rappeler les chiffres. Au début de la mise en place du système par répartition, en 1945, il y avait 6 actifs pour 1 retraité ; aujourd’hui, nous en sommes à 1,7 actif ; dans quinze ans, selon certaines projections, on pourrait en être à 1,2 actif. Le pic démographique d’actifs sera atteint en 2040 et baissera ensuite, avec une baisse de 30 % des actifs à l’horizon de 2045.

L’inexorable déclin de cette pyramide des âges nous conduit à dire la vérité aux Français. Je crains fort que la mesure d’âge prévue à l’article 7, qui est nécessaire et indispensable pour préserver notre système de répartition, ne soit pas suffisante pour pérenniser définitivement le système auquel nous tenons tous ici, puisqu’il traduit la solidarité intergénérationnelle.

C’est la raison pour laquelle, au travers de cet amendement d’appel, je demande au Gouvernement, avec bon nombre de mes collègues, de penser à un nouveau système qui couplerait le système par répartition, lequel constituerait le minimum garanti en matière de retraite, à un système par capitalisation.

C’est une mesure de justice sociale puisque 8 millions d’actifs aujourd’hui bénéficient déjà d’un système par capitalisation : on parle de 3,5 millions de personnes concernées dans le public et de 4,5 millions dans le privé.

Dernier argument : des États européens voisins ont déjà institué un tel système et ont pu préserver leur système par répartition – aucun de ces pays n’est passé d’un système par répartition à un système par capitalisation.

M. le président. L’amendement n° 1968 rectifié quater, présenté par MM. Husson et Retailleau, Mme Primas, M. Cadec, Mme Belrhiti, MM. Panunzi et Karoutchi, Mmes de Cidrac et M. Mercier, MM. Bonnus, Bacci et Reichardt, Mme Pluchet, MM. Cambon et Daubresse, Mmes Bellurot, Chauvin, Puissat et Micouleau, MM. Bonne, Piednoir, Mizzon, de Legge, Burgoa, Genet, Le Rudulier et Sautarel, Mmes L. Darcos, Dumont, Estrosi Sassone, Malet, Di Folco, Deseyne, Joseph, Imbert et Chain-Larché, MM. Perrin, Rietmann, Wattebled, E. Blanc, Favreau, J.P. Vogel, Babary et Laménie, Mme Canayer, MM. D. Laurent et Frassa, Mme Dumas, M. Bazin, Mme Lavarde, M. Bonhomme, Mme Eustache-Brinio, M. Brisson, Mme Gruny, MM. Bascher et Rapin, Mme Goy-Chavent, MM. Sido et Bouloux, Mmes Lopez, M. Jourda, Drexler et Demas, M. Mouiller, Mmes Garnier et Raimond-Pavero, MM. Verzelen, Klinger et Malhuret, Mme Paoli-Gagin, MM. P. Dominati et Pointereau, Mme Renaud-Garabedian, MM. Segouin, Cardoux, Rojouan, Bouchet, Meignen et Capus, Mme Schalck, M. Cuypers, Mme Boulay-Espéronnier, M. Guené, Mmes Del Fabro, Jacques et Berthet, M. H. Leroy, Mme Bonfanti-Dossat et MM. Longuet, Chevrollier, Mandelli et Gremillet, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement avant le 1er octobre 2023 un rapport sur l’application de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et de l’article 4 de la présente loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Ce rapport compare les conséquences pour les assurés et les pensionnés d’une affiliation à un régime par répartition et à un régime par capitalisation, à l’image de la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens ou du régime additionnel de la fonction publique. Il étudie les modalités d’instauration d’un nouveau régime social applicable à des cotisations versées à un régime obligatoire d’assurance vieillesse par capitalisation, destiné aux salariés et aux indépendants, qui serait intégré dans le système des retraites. Il s’attache également à définir la structure administrative qui pourrait être retenue pour piloter ce nouveau régime obligatoire, ses modalités de financement, la composition de son conseil d’administration ainsi que les règles entourant les placements de ses actifs.

La parole est à M. Jean-François Husson.

M. Jean-François Husson. Je commencerai par évoquer une question de forme, monsieur le ministre. Il est bien dommage que vous ayez choisi une procédure rétrécie et très contrainte pour évoquer un dossier comme celui des retraites. (Marques de satisfaction et applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – M. Philippe Bas applaudit également.)

Je le dis avec solennité et gravité car, lorsqu’on part à la retraite et qu’on touche sa pension, c’est l’étape qui clôt plus de quatre décennies de travail et qui ouvre sur l’avenir. C’est, à la fois, une garantie et la promesse faite aux salariés, aux indépendants et aux fonctionnaires d’un retour sur leur contribution par le travail.

Par ailleurs, nous sommes aussi, je le pense, dans un temps de vérité. Stéphane Le Rudulier vient de le rappeler, l’évolution démographique est implacable : nous aurons moins de cotisants, plus de bénéficiaires, puisque l’espérance de vie de nos concitoyens, notamment l’espérance de vie en bonne santé, augmente.

Nous avons le devoir de regarder comment évoluera le système par répartition s’il perdure seul : malheureusement, nous irons soit vers une baisse des pensions, soit vers une augmentation des cotisations.

Au travers de ma demande de rapport, j’aimerais qu’il soit porté à notre connaissance l’impact que pourrait avoir un système universel obligatoire de capitalisation, de provisionnement collectif – finalement une contribution de l’ensemble des salariés et des indépendants. Pourquoi ? Parce que ce serait le meilleur moyen de consolider le système et de faire en sorte que les pensions versées soient les plus proches possible des revenus d’activité. C’est un enjeu de justice sociale parce que, par cette méthode, ce sont d’abord et surtout les rémunérations les plus basses qui profiteront de cet effort. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Le sous-amendement n° 4735, présenté par Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Amendement n° 1968, alinéa 3, deuxième à quatrième phrases

Supprimer ces phrases.

La parole est à Mme Monique Lubin.

Mme Monique Lubin. Chers collègues de la majorité sénatoriale, l’amendement que vous avez déposé est tellement intéressant que nous l’avons sous-amendé.

Le débat que nous allons avoir s’annonce passionnant. Vous allez voter ce projet de loi qui est présenté comme le moyen de sauver la retraite par répartition, mais j’ai l’impression que vous n’avez tellement plus confiance dans ce système que vous voulez mettre en place des systèmes de capitalisation.

Vous venez de nous expliquer que c’est ce qui serait le plus juste pour les salariés. Pour notre part, nous disons que c’est ce qui serait le plus injuste et, surtout, le plus dangereux.

Le plus injuste car – nous le savons –, lorsqu’il existe un système de capitalisation, la retraite de base assurée par la répartition est extrêmement minimale, surtout pour les plus petits revenus, et le reste vient de la capitalisation.

En ce qui concerne la retraite par capitalisation, il suffit de regarder ce qui se passe actuellement et ce qui est arrivé dans le passé : lors des grandes crises financières, lorsque les bourses se sont cassé la figure, qui a payé en premier ? Les retraités, notamment aux États-Unis ! Il ne faut surtout pas donner aux salariés l’illusion qu’ils pourront se construire une retraite par capitalisation. Qui pourra le faire ? Ceux qui le font déjà, c’est-à-dire ceux qui ont les revenus les plus importants.

Demandez aujourd’hui à quelqu’un qui gagne le Smic ou même un petit peu plus d’économiser, puisque c’est de cela qu’il s’agit, pour éventuellement se payer une retraite plus tard : c’est illusoire !

Quant au plan d’épargne retraite, c’est une belle façon détournée de ne pas augmenter les salaires.

M. le président. Le sous-amendement n° 4748, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, MM. Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas, est ainsi libellé :

Amendement n° 1968, alinéa 3, deuxième phrase

Après les mots :

à un régime de capitalisation

insérer les mots :

comme au Chili

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Chers collègues de droite, ce n’est pas un scoop, nous sommes contre la capitalisation, mais nous allons nous saisir de l’amendement de M. Husson pour essayer d’améliorer les choses et de vous montrer en quoi vous vous fourvoyez. (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.)

Au Chili (Marques dironie sur ces mêmes travées.), on promettait dans les années 1980 que le système de retraite par capitalisation privée individuelle permettrait de partir à la retraite avec 100 % de ses revenus et qu’il serait plus efficace que le système par répartition. Soit les mêmes arguments que les vôtres !

Quarante ans plus tard, la réalité pour les Chiliennes et Chiliens est tout autre. En 2019, les retraites s’élevaient à 288 euros en moyenne, avec une importante différence entre la pension moyenne des hommes et celle des femmes. Dans un pays où le niveau de vie est proche de celui du Portugal, les montants des retraites sont donc faibles et la plupart des personnes âgées doivent trouver un emploi informel pour subvenir à leurs besoins.

Quand le nouveau système a été mis en place en 1981, sous la dictature de Pinochet, l’administration des fonds de pension était perçue comme un modèle novateur, qui faisait figure d’exception. Avant cette date, les Chiliens cotisaient à un fonds commun, géré par l’État, qui s’apparentait à un système de retraite par répartition.

Aujourd’hui, ils déposent chaque mois environ 10 % de leurs rémunérations – salaires ou revenus imposables – sur un compte personnel auprès d’un administrateur de fonds de pension. L’objectif est que ces investissements produisent des rendements pour qu’à la fin de leur vie active les retraités puissent profiter à la fois du capital apporté et des gains accumulés.

Malheureusement, le modèle chilien a montré ses limites. En 2018, l’OCDE considérait le Chili comme l’une des cinq économies mondiales au plus bas taux de remplacement. Autrement dit, un travailleur chilien qui part à la retraite subit une des plus grandes pertes de pouvoir d’achat.

Pour ces raisons, nous demandons de mentionner cet exemple dans votre rapport : j’espère qu’il vous fera réfléchir.

M. le président. Le sous-amendement n° 4745, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Amendement n° 1968, alinéa 3

Après les mots :

et à un régime par capitalisation

Rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

et analyse l’utilisation des fonds dédiés à la capitalisation, au regard des engagements climatiques de la France, y compris l’objectif de neutralité carbone nécessitant une sortie des énergies fossiles, et des impératifs de la protection environnementale. Il dressera une évaluation des impacts négatifs sur le climat et l’environnement des investissements réalisés par les fonds privés sur les marchés financiers.

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Comme mes collègues l’ont dit, nous sommes opposés au modèle de retraite par capitalisation, mais cela nous donne au moins l’occasion d’avoir un débat sur ce que ce système impliquerait.

Par cet amendement, nous proposons que, dans cet éventuel rapport, soit ajoutée une étude sur l’impact négatif d’un modèle de retraite par capitalisation sur le réchauffement climatique, dans le contexte plus général de la crise environnementale que nous subissons.

Le modèle par capitalisation, au-delà d’être un modèle individualiste dans lequel les personnes investissent pour leur propre avenir – et donc souvent dans ce qui est le plus rentable à court terme –, est aussi fondé sur les investissements des fonds de pension.

Le fonds privé le plus important du monde, BlackRock, a investi 259 milliards d’euros en 2022 dans les énergies fossiles. Or on sait très bien – je pense que nous pouvons tous nous accorder sur ce point – que les investissements dans ces sources d’énergie conduisent à la destruction de notre planète et de notre capacité à vivre ensemble à long terme.

En dehors du fait qu’il s’agit d’un système individualiste, le modèle de la retraite par capitalisation équivaut à financer notre avenir collectif en investissant dans sa destruction. (Mme Monique de Marco applaudit.) Si un rapport doit être fait sur ce sujet, il devrait donc en priorité mesurer les impacts négatifs des fonds privés sur l’état de la planète.

Si la planète est détruite, il n’y aura plus d’humains pour y prendre leur retraite ! (M. Jacques Fernique et Mme Frédérique Espagnac applaudissent. – Marques dagacement sur les travées du groupe Les Républicains.)