M. le président. Il faut conclure !

Mme Monique Lubin. Ces craintes ne peuvent être que renforcées par les crises boursières récentes.

M. le président. Il me semble, ma chère collègue, que votre explication de vote portait sur l’amendement n° 1968 rectifié quater, et non sur l’amendement n° 174 rectifié, qui avait été retiré.

Mme Monique Lubin. Pardon, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

M. Pierre Laurent. Je commencerai par deux brèves remarques.

Premièrement, tous les rapports ne sont pas traités à la même enseigne par les rapporteurs. À une question que j’ai posée, on m’a répondu le contraire. Je le note. Ce n’est pas très correct !

Deuxièmement, c’est en effet une bonne chose que la droite mette son projet de société sur la table, un projet qui va contre le système par répartition et qui, je l’observe, est un projet de toutes les droites. Tout le monde figure parmi les signataires des deux amendements présentés et je note même – personne ne l’a remarqué – que M. Stéphane Ravier en a signé un des deux. Voilà qui est intéressant !

Dans l’argumentation qui nous est exposée, on commence par présenter comme une évidence non discutable le fait que nous irions vers l’épuisement inéluctable du système par répartition en raison de la démographie.

M. Jean-François Husson. Sa fragilisation, oui.

M. Pierre Laurent. C’est faux !

Tout d’abord, il y a déjà eu des évolutions démographiques – très importantes – et elles ont été absorbées par le système par répartition grâce aux progrès de la productivité.

Ensuite, le COR affirme exactement le contraire : d’après lui, aucun problème de financement massif n’est à craindre pour les décennies à venir avec la répartition.

Enfin, si l’on veut parler de la démographie et du rapport entre actifs et retraités, il ne faut pas seulement aborder la question par le nombre ; il faut aussi voir l’aspect qualitatif du rapport, au travers du niveau des salaires. Pourquoi, dès lors que le régime est financé par moins d’actifs, les salaires ne sont-ils pas plus élevés, pour des recettes accrues ? Pourquoi n’avançons-nous pas plus vite sur la question de l’égalité salariale entre femmes et hommes ? Pourquoi ne travaillons-nous pas davantage sur l’aspect qualitatif de l’emploi ?

Mener des politiques d’emploi vertueuses aura des conséquences vertueuses sur tout le système.

M. le président. Il faut conclure !

M. Pierre Laurent. Donc, oui, le système par répartition a de l’avenir. La question démographique n’est pas le problème !

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote. (M. Alain Duffourg applaudit.)

M. Olivier Henno. Je voudrais commencer en formulant une remarque que j’avais déjà envie de faire hier soir. On nous a beaucoup reproché notre silence. Chers collègues de gauche, je respecte totalement la flibusterie parlementaire ; je peux même la comprendre. Mais que l’on vienne nous reprocher notre silence… Je trouve parfois que vous abusez ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Par ailleurs, ce débat portant sur une demande de rapport, notre tradition veut que celle-ci soit rejetée. La discussion n’en est pas moins intéressante. S’il s’agissait de demander que l’on substitue la capitalisation à la répartition, je serais contre.

M. René-Paul Savary, rapporteur. Moi aussi !

M. Olivier Henno. Donc, pas de caricature, nous nous opposons à une telle substitution. En revanche, il m’apparaît tout à fait indispensable d’aborder la question, de nous interroger.

Le sujet de la démographie est bien évidemment important. On ne peut pas regarder le système par répartition de la même manière selon qu’il y a 5 actifs pour un retraité ou, comme ce sera le cas demain, 1,5 actif pour un retraité. Ce serait manquer de lucidité que de ne pas prendre en compte ces éléments.

Dans le même temps, mes chers collègues, on fait de la capitalisation un peu comme la prose de M. Jourdain. Combien parmi nous ont des assurances vie ? Combien parmi nous regardent parfois les fonds communs de placement ?

En définitive, refuser d’aborder cette question de la capitalisation, c’est en priver les plus modestes ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.) La capitalisation n’est pas l’ennemi du peuple ! À partir du moment où les rendements financiers que la gauche dénonce sont élevés, pourquoi priverait-on les plus modestes de la capitalisation ?

Mme Cathy Apourceau-Poly. Vous croyez qu’ils ont de l’argent pour capitaliser ?

M. Olivier Henno. Par conséquent, le fait d’aborder cette question est une marque de lucidité et une source de justice sociale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.

M. Claude Raynal. Dans votre réponse, monsieur le ministre, vous avez mis en avant le fait que nous avions soutenu les régimes par capitalisation collective de la Banque de France et de la profession de clercs de notaire. Je vous rappelle – ne caricaturons pas les choses – qu’il s’agissait surtout de dénoncer le but de ces opérations. Celles-ci, ne coûtant d’ailleurs rien à l’État, visaient à masquer l’attaque sur deux autres régimes : celui de la RATP et celui des entreprises gazières et électriques. C’est ainsi qu’il faut expliquer notre position. Ne mélangeons pas les sujets !

Mais le plus étonnant – et c’est ce que vous auriez dû faire observer, monsieur le ministre –, c’est que les mêmes qui demandent aujourd’hui un rapport pour réfléchir à la façon de faire de la capitalisation collective ont refusé, hier, les amendements de suppression déposés par nos soins au bénéfice de certains régimes de capitalisation collective.

Sur ce point, chers collègues de la majorité sénatoriale, j’ai un peu de mal à vous suivre.

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. C’est nous qui avons du mal à vous suivre !

M. Claude Raynal. Vous demandez un rapport, alors que vous avez sous les yeux l’exemple de deux régimes qui fonctionnent bien, et dont le fonctionnement répond d’ailleurs aux questions portées par René-Paul Savary, comme le fait de disposer de fonds de réserve significatifs.

Au regard de votre demande de rapport de ce jour, vous auriez dû soutenir ces régimes de capitalisation collective. Vous avez préféré les « flinguer ». Très sincèrement, je ne comprends pas pourquoi, maintenant, vous portez cette demande de rapport ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.

Mme Corinne Féret. Sans vouloir être désagréable, je constate que certains ont retrouvé la parole aujourd’hui, et je m’en réjouis ! (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme Corinne Féret. Véritablement, chers collègues de la majorité sénatoriale, nous sommes ici dans le plein exercice de la démocratie. Comme nous aimons le faire au Sénat, nous confrontons nos points de vue. Certes, nous ne sommes pas d’accord, mais nous exposons, dans le respect, les points de vue des uns et des autres. De nouveau, je m’en réjouis.

J’ajouterai à mon tour, en sachant que cela va vous faire réagir : enfin, les masques tombent ! Vous affirmez soutenir et vouloir préserver le système par répartition, mais vous présentez dans le même temps cet amendement, qui, certes, concerne une demande de rapport, mais tend tout de même à promouvoir le système par capitalisation.

L’un de nos collègues a cité en exemple le système suédois. Rappelez-vous que l’ancien directeur de la sécurité sociale suédoise a très récemment conseillé au président Emmanuel Macron de surtout éviter que la France ne recopie le modèle de son pays, lequel n’a pas fait ses preuves.

Cette réforme devait effectivement inciter les Suédois à travailler au moins jusqu’à 65 ans. Dans les faits, l’âge moyen de départ reste inférieur à 64,7 ans, car de nombreux Suédois préfèrent partir nettement plus tôt, notamment ceux qui exercent des métiers difficiles – on revient à cette question de la pénibilité. Ils optent donc pour une formule qui leur octroie une pension réduite.

Cette situation, conjuguée à une forte inflation – il y a des similitudes avec la situation française – et aux rendements médiocres de certains fonds de pension, contribue à la paupérisation d’une partie des retraités suédois, en particulier les femmes seules ; nous aurons l’occasion d’y revenir.

M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.

M. Olivier Jacquin. Mon explication de vote porte sur l’amendement n° 1968 rectifié quater.

Pourquoi le débat est devenu d’une telle qualité ? Peut-être est-ce sous l’effet de votre présidence, monsieur le président, ou bien sous l’effet d’une inspiration dominicale ? Je ne sais pas… Mais notre discussion devient passionnante : les masques tombent et le caractère itératif des échanges nous permet d’approfondir les arguments.

Pour ma part, cette nuit, j’ai eu un rêve. (Exclamations.) J’ai imaginé des cohortes de livreurs à vélo de 64 ou 65 ans livrer des plats froids à petite vitesse !

Je travaille beaucoup sur la question des travailleurs de plateformes et, sans plaisanter, je voulais évoquer ce matin la sous-déclaration dans le régime des autoentrepreneurs, qui est quasiment fondé sur le volontariat.

Voilà quelques mois, j’ai rencontré l’excellent directeur de l’Urssaf Caisse nationale (ex-Acoss), qui m’a communiqué l’estimation par son organisme de cette sous-déclaration dans le régime des autoentrepreneurs, que ce soit par omission, oubli, erreur ou – qui sait ? – fraude. La connaissez-vous, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous qui avez eu accès au rapport du Conseil d’État ? Cette estimation des cotisations non versées, établie après un travail approfondi de l’Urssaf Caisse nationale, dépasse les 60 % !

Je serais donc très inquiet si votre rêve, qui apparaît ce matin, d’un régime par capitalisation venait à exister sur la base du volontariat.

En conclusion, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité sénatoriale, retirez cette réforme et l’amendement n° 1968 rectifié quater ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Ne nous faisons pas de procès d’intention, mes chers collègues ! La présente discussion prouve une seule chose : nous avons besoin d’un débat serein autour de cette notion de capitalisation, à laquelle on a un peu tendance à prêter des conséquences ou une portée qu’elle n’a pas nécessairement.

Puisque nous ne sommes pas d’accord sur ce que la capitalisation apporterait à notre régime par répartition, éclairons le débat par des études impartiales, dont nous pourrons ensuite discuter ensemble.

Les Français, je voudrais vous le dire, ne nous ont pas attendus ! On comptabilise 1 876 milliards d’euros de placements en assurance vie et 57 % d’entre eux sont propriétaires de leur logement. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.) Croyez-vous que cette épargne ne soit pas destinée, avant tout, alors qu’il y a une certaine inquiétude sur l’avenir du régime par répartition, à consolider les moyens de nos compatriotes quand ils vont prendre de l’âge ? La capitalisation, ils la connaissent et la pratiquent, sauf lorsqu’ils n’ont pas les moyens d’épargner. (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.)

Par conséquent, au moment où nos régimes par répartition – que nous nous efforçons de consolider sans beaucoup d’aide de votre part, chers collègues qui siégez sur la gauche de cet hémicycle – ne voient pas leur avenir assuré sans réforme d’ampleur, amener du provisionnement serait une manière de rétablir aussi la confiance dans la répartition.

Ce provisionnement, nous en avons d’ailleurs la pratique. Le premier à l’avoir imaginé est M. Lionel Jospin : il n’a rien fait d’autre pour les retraites qu’un Fonds de réserve pour les retraites, comptabilisant aujourd’hui 26 milliards d’euros de capitaux placés. L’Agirc-Arrco, ce sont 86 milliards d’euros de capitaux placés. La Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL), ce sont 34 milliards d’euros de capitaux placés. En tout, 180 milliards d’euros de capitaux sont placés : ils ne sont pas sur un compte du Trésor public ; ils sont placés en obligations et en actions. Ils sont « gérés ». (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)

N’ayons pas peur, mes chers collègues, de réfléchir en toute bonne foi à l’apport possible de la capitalisation pour renforcer la répartition ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Pour les Français qui nous écoutent, mettons les choses en perspective politique. En réalité, une réforme en cache une autre dans les intentions du Gouvernement et de la majorité sénatoriale, qui le soutient.

J’y vois la démonstration de votre volonté insidieuse d’utiliser la réforme initiale pour installer les conditions d’une migration progressive vers un système par capitalisation qui monterait en puissance dans les années à venir.

Plus de sept Français sur dix rejettent votre réforme paramétrique fondée sur les 64 ans et les 43 annuités. Ils seront plus résolus encore et plus nombreux à rejeter la seconde réforme – cachée celle-là – introduite par ces demandes de rapport, y compris par le Gouvernement à l’article 1er bis, comme on le verra plus tard.

Monsieur le ministre, pourquoi envisager la possibilité d’un système par capitalisation alors que vous nous présentez actuellement une réforme du régime par répartition ? Je constate que les composantes de la majorité sénatoriale sont toutes, sur le fond, favorables au système de retraite par capitalisation. Dans cette identité de vue avec la droite sénatoriale sur le fond, votre objectif cible, monsieur le ministre, est celui d’un système de retraite par capitalisation.

Les Français doivent savoir que la réforme de la retraite à 64 ans n’est qu’une étape pour aller en ce sens. Plus la durée de cotisation au système actuel sera longue et plus le magot sera juteux pour les fonds de pension. BlackRock et d’autres n’attendent que cela !

Je vous invite à regarder quelles ont été les conséquences des différentes crises, notamment celle de 2008, sur les retraites des petits épargnants, en particulier américains.

À court terme, c’est un sujet de plus de perte de souveraineté nationale pour la France et les Français. Les membres du groupe SER et moi-même…

M. le président. Il faut conclure !

M. Franck Montaugé. … sommes favorables à la retraite par répartition et à son renforcement, et nous sommes contre la retraite par capitalisation. (Mme Émilienne Poumirol applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.

M. Alain Houpert. Le régime par capitalisation fait peur à cause du douloureux exemple de la crise des subprimes en 2008, qui a conduit des personnes de 70 ans à retravailler aux États-Unis.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. En Grande-Bretagne aussi !

M. Alain Houpert. J’ai entendu de l’autre côté de l’hémicycle dire que dans certains pays qui avaient choisi le système par capitalisation il était défiscalisé. Je tiens à préciser que le système par répartition repose sur des cotisations prises sur le salaire brut – cotisations patronales, cotisations salariales – et qui sont défiscalisées puisque la fiscalité s’opère sur le salaire net.

Dans le milieu rural, on dit toujours qu’il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Il me semble justement sain d’évoluer vers un système par capitalisation ajouté à notre excellent système par répartition. Mais il doit s’agir d’un système sûr. Comme le disait le président Bas, n’ayons pas peur. En effet, le jour où l’économie mondiale s’effondrera totalement, les deux systèmes s’écrouleront. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour explication de vote.

M. Christian Bilhac. En entendant ainsi parler de capitalisation, je me dis qu’on ne fait finalement rien d’autre que de transposer au régime vieillesse ce qu’on a déjà fait pour le système de santé. Pour la santé, on cotisait et on se faisait soigner. Mais de déremboursement en déremboursement, les travailleurs ont pris des mutuelles. Aujourd’hui, ils paient la cotisation santé et la cotisation mutuelle.

Certes, ce n’est pas un prélèvement obligatoire – je le dis pour ceux qui ont l’obsession des prélèvements obligatoires –, mais, pour celui qui travaille, il s’agit d’une cotisation obligée. Il en ira de même pour les retraites : on aura une cotisation vieillesse et une cotisation retraite, pas obligatoire, mais obligée…

In fine, les travailleurs en plus de cotiser deux ans supplémentaires, paieront une complémentaire vieillesse sur leurs revenus. Voilà, c’est tout simple : on transpose à la vieillesse ce que l’on a déjà fait pour la santé. (Mmes Raymonde Poncet Monge, Marie-Pierre Monier et Laurence Cohen applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.

Mme Mélanie Vogel. Mon explication de votre porte sur l’amendement n° 1968 rectifié quater.

Je regrette que Bruno Retailleau ne soit plus parmi nous, car je voulais lui dire que, pour la première fois sans doute depuis que je siège dans cet hémicycle, je suis d’accord avec lui. La métaphore qu’il a utilisée est peut-être la meilleure qui pouvait se trouver pour décrire le système qu’il souhaite mettre en place, c’est-à-dire un système de fusée à étages.

Je ne connais pas les compétences de Bruno Retailleau en astronomie, mais je me suis renseignée sur le fonctionnement des étages d’une fusée.

Pour que la fusée aille plus vite, elle a plusieurs étages. Chaque étage est doté de son ou de ses propres moteurs. Lorsqu’il n’y a plus de carburant, l’étage est largué dans l’espace. Il se détache de la fusée, qui devient ainsi plus légère. Le moteur de l’étage suivant est alors allumé, la vitesse augmente. On place donc au sommet de la fusée ce que l’on veut emporter dans l’espace.

Faire de la capitalisation le dernier étage de la fusée, c’est donc précisément faire de la répartition le premier étage à abandonner !

Ne soyons pas dupes, mes chers collègues, vous avez choisi vous-mêmes la meilleure métaphore possible. J’aurais aimé que nous la trouvions nous-mêmes, mais je vous remercie de nous l’avoir proposée !

Nous sommes face, ici, à deux modèles de société qui s’affrontent. Un modèle fondé sur la solidarité collective entre les membres de la société, dans le présent et entre les générations, et un modèle qui s’appuie sur la croyance absolue dans le fait que la spéculation financière, en soi, est une solution pour produire des richesses et pour mieux les répartir.

Or qu’est-ce qu’a produit la spéculation financière ces vingt dernières années ? Elle a engendré les subprimes, la Grèce, la montée du prix des produits alimentaires de base. Au détriment de qui et au profit de qui ? Au détriment des plus pauvres et au profit de quelques grandes fortunes, qui – en plus ! – investissent dans des activités détruisant la solidarité,…

M. le président. Il faut conclure !

Mme Mélanie Vogel. … mais aussi la planète et, donc, notre capacité à avoir un monde dans lequel on pourra prendre demain une retraite ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Mon intervention porte sur l’amendement n° 1968 rectifié quater : 1968, ça doit être un hasard, monsieur Husson ? (Sourires.)

M. Le Rudulier a convoqué Jaurès dans cet hémicycle. J’aurais aimé que Jaurès s’exprimât lui-même, mais je vais lui prêter ma voix. Je le cite, dans LHumanité du 6 mai 1911 : « C’est à l’invalidité que doit commencer la retraite. C’est au moment où ses forces diminuent que doit commencer la retraite du travailleur. » Tel est toujours notre projet.

En ce qui concerne les retraites par capitalisation, vous avez dit quelque chose de très fort. Vous avez affirmé que le principal était la confiance : il faut avoir confiance dans un système de capitalisation. Quelle confiance peuvent avoir les jeunes dans la capitalisation quand M. le ministre Béchu leur annonce que l’augmentation moyenne de la température en France sera de 5 degrés ? Nous n’avons aucune visibilité sur notre climat et notre industrie dans les vingt ans, voire les dix ans, à venir. La question des retraites est complètement liée à la question climatique, mais vous ne l’abordez pas.

Aujourd’hui, la seule garantie pour assurer à tout le monde une retraite, avec une température moyenne qui augmentera de 5 degrés, c’est bien, encore une fois, le système par répartition !

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est vrai que les séances se suivent et ne se ressemblent pas. La majorité était dans le silence malgré quelques sous-entendus politiques mensongers. Aujourd’hui, place à la noblesse du débat et à la parole d’argent – car l’argent est bien ici le sujet !

Les débats sont donc un peu plus passionnants. Le président Retailleau a eu des paroles d’argent ce matin. L’amendement de notre collègue Husson, ainsi que celui qu’a défendu Stéphane Le Rudulier, vise à introduire les fonds de pension souverains publics.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Mais non !

M. Pascal Savoldelli. Il va donc falloir individualiser les droits. Mais attention, car il y a un loup sous tout ça ! Je ne suis pas un champion des éléments de langage, je ne suis pas, moi, aidé par un communicant. Je dispose juste de mon expérience politique et militante.

Vous parlez de capitalisation solidaire en évoquant les versements. Ça paraît séduisant, franchement : « capitalisation solidaire », on se dit mince, ce sont des valeurs de droite, de gauche, ce sont nos valeurs à tous ! Et hop, pas un mot sur la redistribution ! On détourne le problème, on arrive à la démographie et on oublie la valeur ajoutée. Bah tiens, évidemment ! Car on est bien là sur une opposition gauche-droite, on est dans des camps différents et on ne défend pas les mêmes intérêts ! Ça s’appelle tout simplement la lutte de classe (Marques damusement sur les travées du groupe Les Républicains.) : chacun défend les intérêts qui lui semblent supérieurs aux autres !

Qu’est-ce que le président Retailleau et notre collègue Husson avec son amendement ont oublié ? Mais c’est bien sûr les riches ! Les deux années supplémentaires que l’on va demander aux travailleurs de faire, on les leur impose au nom de la solidarité. Mais cette solidarité nouvelle sera construite au détriment d’un seul camp, à savoir de celles et de ceux qui travaillent, car les autres sont épargnés totalement !

M. Pascal Savoldelli. Ce n’est pas un hasard si, juste avant ce débat, nous avons examiné il y a quelques jours une proposition de loi des collègues Husson et de Montgolfier tendant à renforcer la protection des épargnants. Pourquoi ? Parce qu’ils sont en train de créer un outil fiscal pour passer de l’assurance vie au plan épargne retraite individuel, avec des avantages considérables !

M. Jean-François Husson. Mais non, pas du tout ! C’est tout l’inverse !

M. Pascal Savoldelli. Et savez-vous quels en seront les principaux bénéficiaires ? Ceux qui déclarent 80 000 euros de revenus annuels et sont imposés à 41 %. Ceux-là, ils ne défileront pas le 7 mars ! (Applaudissements sur des travées du groupe CRCE.)

M. Jean-François Husson. Délire complet !

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Je me pose une question depuis tout à l’heure, monsieur le ministre : le rôle d’un Président de la République est-il d’être le garant des fonds de pension ?

Nous l’avons compris, vous avez une obsession qui ne vous quitte pas, vous et la droite sénatoriale : nous faire travailler plus longtemps, faire travailler nos enfants plus longtemps et les pousser à la capitalisation.

Dans Le Parisien, le PDG de Total – un de vos amis –, qui gagne 6 millions d’euros par an, n’a pas de mots assez doux pour prôner la retraite à 64 ans. Il vante évidemment à vos côtés la capitalisation, cela va de soi…

Nous avons aujourd’hui un débat de fond, projet contre projet, et nous sommes au cœur de la réforme. Nous défendons la répartition et vous, les fonds de pension et la capitalisation : nous l’avons bien compris !

M. Michel Savin. Caricature !

Mme Cathy Apourceau-Poly. Absolument pas !

Mme Cathy Apourceau-Poly. Le président Bas a dit tout à l’heure que 57 % des Français épargnaient. Je lui fais remarquer tout de même que 43 % n’y arrivent pas…

M. Jean-François Husson. C’est pour ça que l’on veut améliorer les choses !

Mme Sophie Primas. C’est exactement pour ça !

Mme Cathy Apourceau-Poly. Pensez-vous vraiment que les caissières, les aides à domicile, les petits smicards se lanceront dans la capitalisation ?

Mme Sophie Primas et M. Jean-François Husson. Justement, oui !

Mme Cathy Apourceau-Poly. Vous rigolez ? Vous savez où ils sont actuellement ? Ils font la queue aux Restos du cœur, ils sont au Secours populaire. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.) Ils ne parviennent plus à payer leur électricité, leur gaz, ils pensent tous les jours à se nourrir ! C’est ça la réalité, on ne côtoie peut-être pas les mêmes personnes ! (Applaudissements à gauche. – Exclamations à droite.)

Mme Sophie Primas. Oh, ça va !

Mme Cathy Apourceau-Poly. Vous irez alors dire à tous ces gens qu’il faut qu’ils capitalisent parce que vous voulez leur enlever leur régime par répartition ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour explication de vote.

Mme Isabelle Briquet. Depuis le début de nos débats, on tente de nous expliquer que l’effort demandé aux Français n’a d’autre but que de sauver le régime par répartition. Maintenant on nous dit que ce régime ne peut être sauvé, sauf à capitaliser collectivement.

Proposer un tel système, c’est affaiblir dans un premier temps la retraite par répartition – ça a été démontré – avant de le condamner complètement.

Ce système par capitalisation reviendrait à nourrir des illusions dans la population, avec des promesses non tenues. Ma collègue a évoqué la situation des Chiliens. C’est, il est vrai, un exemple parfaitement éclairant.

Difficile de parler de justice sociale et de capitalisation. Comment parler de solidarité générationnelle avec des placements, surtout au vu de leurs rendements ?

Si la clé d’un régime par répartition est la démographie, comme j’ai pu l’entendre dire sur les travées de droite, celle de la capitalisation n’est en aucune façon la solidarité. Au bout du compte, nous examinons un texte qui tend à fragiliser une grande partie de nos concitoyens. Comme si cela n’était pas suffisant, on veut leur enlever ce pourquoi on leur demande de contribuer toujours plus et encore plus longtemps ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)