Mme le président. Il faut conclure, ma chère collègue !

Mme Marie-Claude Varaillas. L’appel au retrait de la réforme est tout à fait justifié. Elle n’est juste ni pour les agents publics ni pour les agents territoriaux !

Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.

Mme Raymonde Poncet Monge. Depuis trente ans, les réformes des retraites se succèdent et se ressemblent. Elles ont reculé l’âge d’ouverture des droits, allongé la durée requise de cotisation, fait baisser les pensions, diminué les durées de retraite et accru les inégalités.

Comme elles se répètent, on peut juger qu’elles sont inefficaces et qu’elles n’ont pas résolu durablement le problème. La présente réforme ne fait pas exception, car le projet consiste, une fois encore, à résorber un déficit de ressources par une baisse des dépenses.

Or le problème n’est pas là. Selon la commission des comptes de la sécurité sociale, les politiques d’exonération de cotisations sociales ont coûté 74 milliards d’euros, puis 76 milliards d’euros – un montant sans cesse à la hausse –, tandis que les exonérations non compensées augmentent elles aussi, pour atteindre d’ores et déjà 2 milliards d’euros.

Au déficit de ressources de la sécurité sociale s’ajoutent désormais les primes non compensées de partage de la valeur, votées l’année dernière.

Pourtant, le Conseil d’analyse économique lui-même indiquait dans une étude que les exonérations au-delà de 1,6 Smic étaient inutiles et recommandait leur remise en cause.

Monsieur le ministre, vous avez donc une solution de financement toute trouvée pour résorber le déficit : en finir avec les exonérations inutiles, notamment sur les hauts salaires. Nous en avons d’autres, que nous vous avons présentées hier. Taxez les grands patrimoines et les revenus du capital à la hauteur du travail ! Augmentez légèrement les cotisations !

Une majorité de Français qui manifestent aujourd’hui l’acceptent. Ne vous occupez pas de leur pouvoir d’achat, ils sont assez grands pour préférer cette solution !

Cessez le versement du Fonds de réserve des retraites à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) ! Cessez de faire des retraites la variable d’ajustement des baisses d’impôt !

Mme le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mes chers collègues, Céline Brulin a déjà mis en exergue les immenses défauts des mesures qui sont proposées et qui visent à augmenter les cotisations des collectivités locales, tout en compensant les cotisations du secteur privé par une réduction de la branche accidents du travail et maladies professionnelles.

Les accidents du travail sont tellement nombreux en France que l’on ne peut ainsi couper dans ces crédits.

Aussi, je ne comprends pas que nos collègues du groupe Les Républicains ne soient pas à nos côtés pour refuser cette mesure.

Vous avez dû recevoir comme moi, mes chers collègues, en tout cas les élus franciliens, la lettre du président de l’Association des maires d’Île-de-France. Ce dernier nous a fait copie du courrier qu’il a adressé à Mme Borne.

Il y proteste contre l’augmentation, à partir de 2024 et dans le cadre de la réforme des retraites, des cotisations CNRACL, dont il est estimé, dans l’étude d’impact, que le coût sera de 600 millions d’euros à 700 millions d’euros par an pour toute la fonction publique territoriale. « Bien que le Gouvernement ait annoncé son intention de compenser tout ou partie du coût de cette mesure, écrit-il, nous tenions à vous faire part de nos plus vives inquiétudes, d’autant plus que nous n’avons aucune information sur cette pseudo-compensation. »

D’ailleurs, M. Stéphane Beaudet ne dit pas autre chose quand il explique que la compensation intervient de toute façon à l’instant t et qu’elle n’est pas inscrite dans la durée.

Par ailleurs, il pose des questions et formule des critiques qui rejoignent les nôtres, notamment sur le fait que, dans la fonction publique territoriale, la liste actuelle des catégories actives et superactives est très restreinte, ce qui pose d’énormes problèmes en matière de pénibilité.

M. Beaudet dit encore que, avec le report de l’âge légal à 64 ans, il faut anticiper l’augmentation de l’absentéisme et que, dans la fonction publique, cela induit non seulement des dépenses supplémentaires,…

Mme le président. Il faut conclure, ma chère collègue !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. … mais souvent l’interruption du service public.

Mme le président. La parole est à Mme Corinne Féret, sur l’article.

Mme Corinne Féret. Monsieur le ministre, je souhaite intervenir sur cet article, qui porte sur une non-compensation et donc, d’une certaine façon, sur un transfert entre les différentes branches de la sécurité sociale.

La hausse du taux de cotisations vieillesse pour les employeurs, en contrepartie d’une baisse du taux de cotisations de la branche AT-MP, cache en réalité une arnaque, dont le coût s’élève au bas mot à 800 millions d’euros.

Le régime général de la sécurité sociale est découpé en plusieurs branches : l’assurance maladie et la branche AT-MP, qui gère les risques professionnels auxquels sont confrontés les travailleurs.

La branche AT-MP présente la particularité d’être financée quasi intégralement, à 97 %, par les employeurs.

Contrebalancer la baisse des cotisations dans une branche par leur augmentation dans une autre pourrait être qualifié d’opération de solidarité entre branches. La Première ministre affirmait même ne pas y voir de problème, la branche AT-MP étant largement excédentaire.

Or si cette branche est excédentaire, c’est en raison des sous-déclarations, qui sont en forte augmentation. En effet, lorsqu’un salarié est en situation d’accident du travail, il est bien souvent pris en charge par la branche assurance maladie et non par la branche AT-MP.

Tout cela mérite d’être corrigé, ce qui n’est absolument pas le cas aujourd’hui.

Pour résumer, la prise en charge de facto du coût d’une partie des accidents du travail et des maladies professionnelles par la collectivité – la contribution des entreprises sur cette branche ayant été diminuée – est à dénoncer.

Mme le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Corinne Féret. L’excédent de la branche AT-MP aurait pu servir à des mesures de prévention des risques professionnels.

Mme le président. La parole est à Mme Martine Filleul, sur l’article.

Mme Martine Filleul. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette réforme a un coût caché.

Selon les estimations de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), le passage de 62 ans à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite entraînerait une augmentation d’environ 30 000 allocataires du revenu de solidarité active (RSA), soit 150 millions d’euros de dépenses supplémentaires pour les départements.

D’ailleurs, monsieur le ministre, les représentants des départements de gauche comme de droite ont émis un avis défavorable sur votre projet lors de la réunion du conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Ils ont regretté la brutalité et l’injustice sociale de la réforme, qui fera porter l’équilibre du régime sur les personnes aux portes de la retraite, c’est-à-dire sur les salariés seniors, dont 40 % ne sont déjà plus en emploi.

Cette réforme aura des impacts sociaux importants, notamment sur l’évolution du nombre d’allocataires du RSA de plus de 50 ans, dont les perspectives de retour à l’emploi demeurent très faibles. Cela pèsera lourd sur les finances des départements.

Par ailleurs, selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le recul de l’âge légal entraînera une hausse du taux de chômage dans les cinq prochaines années. La Drees estime ainsi le nombre de personnes supplémentaires à indemniser à 84 000 personnes.

Or, en raison de la réforme de l’assurance chômage qui est entrée en vigueur, certains chômeurs pourraient rapidement se retrouver au RSA.

Touchés par les effets de l’inflation, les départements ne peuvent voir leur état financier davantage menacé par une hausse supplémentaire de leurs dépenses sociales.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous dénonçons le coût caché de la réforme. Nous le ferons encore avec force lors de nos prochaines interventions.

Mme le président. La parole est à M. Jérôme Durain, sur l’article.

M. Jérôme Durain. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 6 approuve, pour les quatre années à venir, les effets de votre réforme sur les recettes et les dépenses de la sécurité sociale.

Comme l’a rappelé l’économiste Michaël Zemmour, une réforme des retraites est un choix politique, qui entraîne des arbitrages économiques et sociaux. Il y a des gains recherchés ou espérés par les promoteurs de la réforme et des coûts économiques, sociaux et politiques qu’il faut mettre en balance.

Or, à l’appui de ce qui est sans doute l’une des réformes les plus importantes du quinquennat, le Gouvernement n’a pas fourni aux parlementaires les éléments d’information indispensables à l’analyse précise des principaux enjeux : ses effets directs, ses conséquences sur les inégalités femmes-hommes, le chômage, la croissance, l’emploi ou encore la précarité des seniors.

Malgré vos chiffres imprécis, les Français ne s’y sont pas trompés, et je tiens d’autres chiffres à disposition. Je veux parler du record de participation à une manifestation, qui a été battu ce matin dans mon département, à Louhans. J’attends encore des chiffres pour les villes de Montceau, Chalon, Le Creusot et Mâcon.

Ces manifestations sont l’incarnation de cette France des villes moyennes, cette France des sous-préfectures, cette France silencieuse, mais travailleuse. On est loin des oisifs et des privilégiés ! Cette France ne se révolte que rarement, quand la coupe est pleine, mais elle considère justement que tel est le cas à présent.

Il ne sert à rien de le nier, monsieur le ministre : le pays ne vous suit pas sur ce dossier. Ici, au Sénat, au groupe socialiste, nous sommes responsables.

Les Français restent responsables, mais je dois vous avouer que je m’interroge sur les effets que pourrait provoquer votre entêtement. Croyez-vous que les Français manifestent pour que nous continuions d’adopter cet article 6 comme si de rien n’était ?

Personne ne soutient cette réforme. Avez-vous vu des manifestations de soutien à la réforme ? Des contre-manifestations ?… Les Françaises et les Français comprennent très bien ce que vous leur préparez. Vous ne devriez pas traiter leur mobilisation par le mépris et par le déni.

Nous vous laissons la chance de rectifier le tir, et cela commence par le rejet de cet article 6. (Mme Michelle Meunier et M. Éric Kerrouche applaudissent.)

Mme le président. Mes chers collègues, je vous remercie de tenir vos conversations à voix basse, afin que nous puissions entendre les orateurs !

La parole est à M. Daniel Breuiller, sur l’article.

M. Daniel Breuiller. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, excusez mon essoufflement, mais j’ai quitté à regret et un peu rapidement la manifestation, qui était chaleureuse et joyeuse. (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe SER.)

Par cet article, le Gouvernement approuve l’ensemble des trajectoires et prévisions macroéconomiques de cette réforme.

Le problème est qu’il ne s’attache qu’à ce qui l’intéresse et qu’il ignore tant de choses, notamment les conséquences économiques du vol de deux années de vie à la retraite en bonne santé aux salariés qu’il s’apprête à commettre.

À l’horizon de 2030, le Gouvernement prévoit donc 17,7 milliards d’euros d’économies. Il passe sous silence une multitude d’impacts budgétaires négatifs. Si l’on fait la somme des dépenses induites – chômage, maladie –, des effets macroéconomiques – contraction des salaires, baisse de l’activité –, l’économie escomptée retombe sans doute, d’après l’OFCE, à près de 3 milliards d’euros seulement à l’horizon de dix ans.

Par ailleurs, selon une étude publiée le 18 mai dernier dans la revue The Lancet Planetary Health, un décès sur six dans le monde est attribuable à la pollution.

Il ne fait aucun doute que les différentes pollutions auxquelles nous sommes toutes et tous confrontés, ainsi que les effets du dérèglement climatique, ont un impact sur la santé humaine et sur notre espérance de vie.

De fortes canicules permettraient peut-être, hélas ! d’améliorer le régime des retraites, de la même façon qu’une nouvelle épidémie aussi inattendue et difficile à prévoir que celle que nous venons de vivre.

L’inaction de l’État face aux enjeux climatiques et son non-respect des normes environnementales, notamment celles qui concernent la pollution de l’air, qui l’a fait condamner, aura un impact sur l’équilibre des régimes de retraite, en raison de l’augmentation de la mortalité précoce.

C’est pourquoi je demande, au travers d’un amendement, une étude d’impact de la mortalité précoce due à la pollution sur les recettes et dépenses.

Enfin, je souhaite que l’on ajoute le nombre de manifestants aux éléments d’analyse de cette réforme. (Rires et applaudissements sur des travées du groupe SER.)

Mme le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, sur l’article.

Mme Hélène Conway-Mouret. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avions annoncé un débat de fond, et je crois que nous tenons nos engagements.

Nous proposons des recettes supplémentaires, que malheureusement vous rejetez, alors que l’objectif principal est de revenir à l’équilibre en 2030.

Nous proposons également des mesures sociales, puisque les vôtres ont fondu comme neige au soleil. Je pense à la retraite à 1 200 euros ou aux avancées annoncées pour les femmes, qui en fait sont tout le contraire.

Nous faisons preuve de beaucoup de sérieux dans les apports que nous proposons et, pourtant, nous sommes dans un dialogue de sourds : dialogue de sourds entre la partie droite de cet hémicycle et sa partie gauche, mais aussi dialogue de sourds, malheureusement, entre le Gouvernement, monsieur le ministre, et les Françaises et les Français qui montrent massivement en ce moment même qu’ils ne veulent pas de la réforme que vous leur proposez.

Vous honorez certes une promesse de campagne, mais il me semble que vous aviez six ans pour la préparer : six ans pour une large concertation qui aurait pu déboucher sur des mesures ne pénalisant pas celles et ceux qui travaillent le plus, en particulier les femmes ; six ans pour ne pas oublier les Françaises et les Français qui partent à l’étranger et qui promeuvent le savoir-faire et le savoir-être français, renforçant ainsi l’image positive que beaucoup de pays aiment et apprécient ; six ans pour ne pas avoir à utiliser un instrument législatif qui précipite le débat parlementaire et qui nous prive de la possibilité d’améliorer votre texte.

J’aurais aimé vous parler, par le biais d’amendements qui ne peuvent être présentés aujourd’hui, de celles et ceux qui ont des carrières hachées du fait de leur mobilité ou encore de celles et ceux qui suivent leur partenaire et à qui il manquera des annuités et des cotisations.

J’aurais aimé vous parler également du droit à l’information au départ à l’étranger et de la nécessaire amélioration de l’application des conventions internationales bilatérales existant en matière de retraite.

Enfin, nous avons là une occasion ratée de répondre aux fortes préoccupations en matière de protection sociale de nos compatriotes vivant à l’étranger, qui sont les grands oubliés de cette réforme et qui sont pénalisés par vos mesures.

Mme le président. La parole est à M. Rachid Temal, sur l’article.

M. Rachid Temal. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai lu ce week-end que l’un des deux ministres qui portent le projet de loi avait évoqué « une réforme de gauche ».

M. Mickaël Vallet. Cela méritait d’être précisé ! (Sourires.)

M. Rachid Temal. Je n’entrerai pas dans cette discussion. M. le ministre vient lui aussi de la gauche ; il doit donc se souvenir au moins du vocabulaire de base…

L’égalité étant un sujet très important pour la gauche, nous pouvons examiner si ce critère s’applique à l’article 6.

En fait, la situation est assez simple. Nous avons des employeurs, entreprises et collectivités, dont les obligations vis-à-vis de leurs salariés sont les mêmes en matière de retraite. En la matière, force est de constater – et c’est là où M. le ministre semble avoir oublié ses années de jeunesse – qu’il n’y a pas d’égalité. En effet, les entreprises bénéficient d’une compensation, là où les collectivités n’en bénéficient pas. Nous considérons donc que se pose un problème de fond.

Si la réforme avait été judicieuse et sérieuse, elle aurait été égalitaire, en prévoyant un tel système de compensation pour les collectivités.

Certains de mes collègues ont évoqué l’augmentation du point d’indice, nécessaire, mais non compensée. Mes chers collègues de la partie droite de l’hémicycle, le président de l’Association des maires de l’Île-de-France (Amif) est, sauf erreur de ma part, issu de votre famille politique. Il est vice-président de la Région, aux côtés de Valérie Pécresse.

M. Roger Karoutchi. Il ne l’est plus !

M. Rachid Temal. Quand bien même, cher Roger Karoutchi, il est de droite, puisqu’il était vice-président de Valérie Pécresse. En conséquence, je crois savoir à peu près où il se situe ! (Sourires.)

Ainsi, on peut considérer que le président de l’Amif vous alerte et nous alerte, en soulignant que les collectivités seront flouées par cet article. Il me semble donc de bon sens de supprimer ce dernier.

Pour rappel, nous étions nombreux ici à nous battre, voilà quelque temps, soit pour la suppression, soit pour l’aménagement de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Nous avions alors considéré collectivement que nous ne pouvions pas alourdir les charges des collectivités.

Pour ces raisons, nous souhaitons la suppression de cet article.

Mme le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, sur l’article.

Mme Annie Le Houerou. L’article 6 consiste à approuver le rapport établissant, pour les quatre prochaines années, les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base de sécurité sociale.

S’agissant de la branche vieillesse, les économies escomptées et mises en avant par le Gouvernement grâce à la réforme s’élèvent à 10,3 milliards d’euros à l’horizon de 2027 et à 17,7 milliards d’euros à l’horizon de 2030.

Or, monsieur le ministre, vous ne comptabilisez pas les multiples conséquences budgétaires négatives de cette réforme et les coûts cachés.

Je ne ferai pas d’addition ici, mais si l’on cumule les dépenses induites – chômage, maladie, invalidité, RSA – et les effets macroéconomiques – contraction des salaires, baisse de l’activité –, l’économie réalisée tombe, selon l’OFCE, à 2,8 milliards d’euros à un horizon de dix ans.

L’étude d’impact est donc lapidaire. Elle ne mentionne aucun des effets attendus sur la précarité des seniors en emploi. Or, avec une douzaine d’années de recul, on sait désormais qu’un décalage de l’âge se traduit principalement par un allongement de la période de précarité entre emploi et retraite.

Ainsi, la hausse de l’emploi d’environ 300 000 seniors devrait se payer par une hausse du nombre de seniors – de l’ordre de 200 000 – sans emploi ni retraite.

En 2022, notre système de retraite est excédentaire. Les déficits projetés, selon la pire des hypothèses du Conseil d’orientation des retraites (COR), sont de l’épaisseur du trait.

Monsieur le ministre, votre réforme est donc un choix politique. Pour financer notre système, d’autres solutions sont possibles, et nous vous en avons donné de multiples pistes lors de la séance d’hier soir.

Votre copie est à revoir. Les Français n’en veulent pas et ils sont nombreux aujourd’hui à vous le dire. Ne restez pas sourds !

Mme le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.

Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au travers de l’examen de cet article 6 et plus particulièrement de son annexe, nous abordons la question des collectivités territoriales.

Souvenons-nous : acte premier, la Première ministre nous promet, avant la présentation de ce projet de loi, que les collectivités territoriales n’en subiront pas les effets.

Acte deux, quelques semaines plus tard, elle nous annonce que les employeurs territoriaux devront augmenter de 1 % leur cotisation à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales.

Accessoirement, la différence entre l’acte un et l’acte deux représente un coût de 500 millions d’euros par an.

Nous pourrions dire que, en matière de gestion et d’annonces sur les collectivités territoriales, nous sommes habitués à des volte-face. Cela s’ajoute néanmoins à une situation déjà difficile pour nombre d’entre elles. Depuis maintenant plus d’une décennie, les collectivités territoriales ont vu leur budget diminuer : gel, baisse drastique des dotations, puis absence de hausse des dotations.

S’y ajoutent, plus récemment, les effets de la crise de l’énergie, couplés à une crise économique qui ne fait qu’augmenter les prix.

Cela a inévitablement une incidence sur le développement et la qualité du service public local rendu, sur ce service qui, pour beaucoup de nos compatriotes, est le seul qui a subsisté dans leur commune et qui permet, grâce aux femmes et aux hommes des services municipaux, de faire société et de porter le projet de l’idéal républicain de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. (M. André Reichardt approuve.)

Oui, cette hausse des cotisations aura des conséquences sur les recrutements, sur les ressources humaines et sur la capacité de nos collectivités à être toujours, demain, au plus près de celles et ceux qui en ont besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

Mme le président. La parole est à M. Yan Chantrel, sur l’article.

M. Yan Chantrel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous revenons, nous sénateurs de gauche, de la manifestation qui est organisée en ce moment.

Les manifestants que vous ne souhaitez pas entendre depuis plusieurs semaines et plusieurs mois sont de plus en plus nombreux dans la rue. On estime en effet que plus de 2,5 millions de personnes manifestent aujourd’hui contre cette réforme profondément injuste.

Or l’article que nous examinons aborde précisément les prévisions budgétaires et les conséquences éventuelles de votre réforme.

Nous avons un grave souci, monsieur le ministre : vous avez vous-même indiqué récemment que, pour des raisons financières, une nouvelle réforme serait certainement nécessaire en 2030.

Expliquez-nous pourquoi nous débattons de cet article. À quoi sert cette réforme brutale ? À quoi sert-il de faire travailler des personnes deux ans de plus, alors que vous reconnaissez vous-même que cette réforme est inutile ?

Il faudra nous expliquer la raison de cette brutalité constante vis-à-vis des plus démunis et de ceux qui exercent les travaux les plus pénibles, alors même que vos arguments financiers ne sont ni solides ni étayés.

Qui plus est, cette réforme n’actionne qu’un seul paramètre, le plus brutal : le recul de l’âge légal de départ à la retraite.

Nous avons passé des heures, au sein de cet hémicycle, à vous proposer avec méthode une contre-réforme assortie de solutions justes. Nous n’avons pas cessé de faire des propositions. Nous vous avons même proposé hier une CSG progressive, que vous avez refusée, qui permettrait de taxer les personnes qui possèdent le plus, afin qu’elles contribuent pour une juste part au financement de notre système de retraite.

Vous avez systématiquement refusé toutes les propositions de justice sociale que nous avons faites, alors que vous reconnaissez vous-même que votre réforme est inutile !

Mme le président. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article.

M. Philippe Bas. Mes chers collègues, vous savez que je recherche, depuis le début de ce débat, des points de convergence entre nous, et je voudrais prendre la parole pour apporter mon approbation à une partie du propos d’un collègue socialiste, qui a dénié à cette réforme des retraites le caractère de réforme de gauche.

En effet, telle qu’elle a été inspirée par le Sénat et telle qu’elle est en train d’être modifiée par le Sénat, cette réforme n’est en aucun cas une réforme de gauche. (Exclamations approbatives et applaudissements sur les travées du groupe SER.)

D’ailleurs, une réforme des retraites de gauche, c’est un oxymore ! Il n’existe pas de précédent ni de référence pour savoir ce que pourrait être une réforme des retraites de gauche : aucune réforme des retraites n’a jamais été faite par la gauche ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. Rachid Temal. Si, celle de 1981, avec Mitterrand !

M. David Assouline. Et le Conseil national de la Résistance ?

M. Philippe Bas. La sauvegarde des régimes de retraite du secteur privé, c’est le gouvernement d’Édouard Balladur, avec Simone Veil comme ministre des affaires sociales.

La réforme du régime de retraite de la fonction publique, c’est le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, sous l’autorité de Jacques Chirac, avec François Fillon comme ministre du travail et des affaires sociales.

Les réformes courageuses ne sont jamais venues de la gauche. (Nouvelles protestations sur les travées du groupe SER.)

M. Rachid Temal. Et la réforme de 1997 ?

M. David Assouline. S’il y a des retraites en France, c’est grâce à nous !

M. Philippe Bas. Si les Français ont une chance d’avoir à l’avenir des pensions de retraite qui ne s’érodent pas, ce sera bien, une fois de plus, grâce au courage de la droite ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. Rachid Temal. Vous vous perdez !

Mme le président. La parole est à M. Patrick Kanner, sur l’article.

M. Patrick Kanner. Je n’avais pas l’intention de prendre la parole, pour ne pas allonger nos débats, mais M. Philippe Bas a la mémoire sélective !

M. Rachid Temal. Très sélective !

M. David Assouline. En droit, il n’est pas mauvais, mais en histoire, il est moyen…

M. Patrick Kanner. Il est vrai que la droite a porté toutes les réformes qui ont aggravé la situation de nos concitoyens, en dernier lieu la réforme Fillon, qui a porté l’âge de départ à la retraite de 60 ans à 62 ans. Mais comment pouvez-vous oublier la réforme de 1981 et le passage de 65 ans à 60 ans ?

À l’époque, l’espérance de vie était moindre qu’aujourd’hui.

M. Philippe Bas. Je vous l’accorde !

M. Patrick Kanner. Eh bien, je qualifierai cette mesure de réforme de gauche, et même de révolutionnaire ! Elle a été faite dans l’intérêt des Français. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Il y a également eu la réforme Touraine de 2012, une réforme de gauche.