M. le président. Il faut conclure !

Mme Marie-Pierre Monier. Ce recul brutal de l’âge légal engendrera une hausse du chômage des seniors.

Nous demandons donc le retrait de cet article et de ce projet de loi.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, pour présenter l’amendement n° 1568.

Mme Marie-Arlette Carlotti. Cet amendement vise à supprimer l’article 7, qui décale l’âge légal de 62 ans à 64 ans et augmente plus vite que prévu la durée de cotisation.

Ces dispositions provoqueront un choc de précarité pour beaucoup de travailleurs et un déclassement social pour ceux que de longues années passées au travail ont abîmés. Tout le monde serait perdant, à commencer par les catégories populaires, les plus vulnérables, celles et ceux qui ont commencé à travailler avant 23 ans et qui ont du mal à se maintenir en emploi après 58 ans.

Outre son aspect injuste, cette réforme est une aberration économique. Le report de l’âge légal à 64 ans va engendrer un surplus de dépenses de protection sociale : RSA, pensions d’invalidité, indemnités journalières, arrêts de travail exceptionnels, etc. Selon le service statistique du ministère du travail – ce ne sont donc pas nos chiffres –, ce surcoût est estimé à 5,4 milliards d’euros par an, ce qui reviendrait à annuler une grande partie des économies que le Gouvernement entend réaliser grâce à cette réforme, économies qu’il estime à 18 milliards d’euros.

Pour autant, vous avez refusé toutes nos propositions de recourir à d’autres sources de financement de notre système de retraite. Il est vrai que – sacrilège ! – ces propositions touchaient aux hauts revenus, aux dividendes et aux profiteurs de la crise. Or vous ne voulez pas toucher à leur grisbi !

Votre réforme est injuste, aberrante d’un point de vue économique et rejetée par les Français – retirez-la !

M. le président. L’amendement n° 1601 n’est pas soutenu.

La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour présenter l’amendement n° 1631.

Mme Émilienne Poumirol. « La retraite avant l’arthrite » ; « métro, boulot, caveau ! » ; « ne pas passer sa vie à la gagner » : tels sont les mots d’ordre des manifestants qui, depuis le mois de janvier, nous expriment leur inquiétude et leur rejet de cette réforme. Ils sont des centaines de milliers à se réunir chaque semaine, partout en France, avec les organisations syndicales, pour dire non – nous l’avons encore vu aujourd’hui.

Non, la pérennité de notre système de retraite n’est pas en danger ; le COR nous l’a encore confirmé dans son rapport de 2022. Cette mesure a pour seul objectif de financer les baisses d’impôts accordées aux plus riches et aux grandes entreprises. Il faut bien financer la baisse de prélèvements de 18 milliards d’euros accordée aux employeurs en deux ans…

Le Gouvernement a donc fait un choix : un impôt sur la vie des Français. Pourtant, d’autres solutions pouvaient être envisagées. Il suffisait d’augmenter les cotisations de 14 euros pour un salarié au niveau du Smic. Les Français le disent d’ailleurs : ils préféreraient une augmentation des cotisations à un allongement de deux ans de la durée du travail.

Appliquer une surcotisation sur les plus hauts salaires, rétablir l’ISF, taxer les retraites chapeaux, les superprofits, les superdividendes, ou même, tout simplement, œuvrer à ce que les femmes soient rémunérées au même niveau que les hommes : rien de tout cela ne vous agrée.

Le Gouvernement continue de se cramponner à son dogme du moins d’impôts pour les plus riches et sacrifie à cet effet les travailleurs et les travailleuses qui ont les métiers les plus durs. Les plus précaires et les femmes, dont les carrières sont hachées, paieront la note : 11 milliards d’euros d’économies sur les 18 milliards d’euros prévus seront réalisés sur le dos des femmes.

Nous n’aurons de cesse de le répéter : cette réforme est injustifiée, injuste, et nous la combattrons jusqu’au bout. Supprimez cet article ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 1702.

M. Jean-Yves Leconte. Bien entendu, au cours d’un débat si passionné, quelques hyperboles sont lâchées. J’ai par exemple entendu que, depuis la réforme de 2010, nous n’avions rien changé… Eh bien si ! Nous avons ajouté des critères de pénibilité et donné la priorité à la durée de cotisation. Certains de ces critères de pénibilité ont en revanche été supprimés sous la présidence d’Emmanuel Macron…

Nous avons débattu hier du progrès technologique, qui permet d’augmenter la productivité et d’atténuer la pénibilité de certains métiers. De plus, nous avons abordé les nouvelles formes de travail – télétravail, auto-entrepreneuriat… –, qui nous imposent d’imaginer les moyens adéquats pour que la solidarité nationale s’applique à ces nouvelles fonctions.

Allons plus loin : le travail a toujours été l’élément structurant de toute société sédentaire connaissant un fort dynamisme démographique. Or il nous faut constater que les choses changent. Ce que nous vivons en matière de démographie, beaucoup d’autres sociétés le vivent, en Amérique latine, au Japon, en Europe centrale, en Chine, en Corée… Nous devons prendre acte des évolutions sociétales, notamment la « grande démission », ou « démission silencieuse ».

De fait, de nouveaux rapports au travail émergent au sein de notre société à la faveur du tassement démographique. Or cette réforme ne prend aucunement en compte cette situation nouvelle. Monsieur le ministre, votre réforme se révèle être un médicament périmé sur un diagnostic faux !

Aussi, nous proposons la suppression de l’article 7. (Mme Raymonde Poncet Monge applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Denis Bouad, pour présenter l’amendement n° 1705.

M. Denis Bouad. La mobilisation sociale et les divers sondages d’opinion publiés ces dernières semaines démontrent clairement la forte opposition que rencontre le recul de l’âge de départ au sein de la population française.

On aurait tort d’assimiler cette opposition à un simple refus des Français de travailler deux années supplémentaires, car l’enjeu n’est pas seulement de les faire travailler deux ans de plus, mais bien de les priver de deux de leurs plus belles années de retraite, celles durant lesquelles il est le plus probable que leur santé et leur condition physique leur permettent de profiter pleinement de leur temps libéré.

Selon la profession qu’ils exercent et la pénibilité de leurs tâches, leurs deux plus belles années de retraites pourraient ainsi se transformer en deux années difficiles au travail. Aussi, il est important de rappeler que, selon la Drees, l’espérance de vie en bonne santé est actuellement de 67 ans pour les femmes et de 65,6 ans pour les hommes.

Les Français ont bien compris l’enjeu de cette réforme. On constate d’ailleurs que les efforts de pédagogie du Gouvernement n’ont fait que renforcer leur opposition au recul de l’âge légal de départ à la retraite prévu à cet article 7. Ils ont compris que les logiques budgétaires qui sous-tendent cette réforme pèseront au moins autant sur la diminution du temps passé à la retraite que sur l’augmentation de la durée de cotisation.

Je vous propose donc de supprimer cet article.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour présenter l’amendement n° 1758.

Mme Michelle Meunier. Ils étaient 75 000 à Nantes, 17 000 à Saint-Nazaire, 8 000 à Châteaubriant, 4 000 à Ancenis ; pour Clisson, je ne dispose pas des chiffres précis, mais ils étaient nombreux devant la gare ! La Loire-Atlantique était mobilisée contre le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans.

Je mettrai en avant les arguments des représentants du secteur du handicap, qui ont exprimé une forte opposition à la réforme au travers d’une tribune signée par les 52 associations que regroupe le collectif Handicaps. Voici ce qu’ils déclaraient début février : « Avec des taux de chômage et de pauvreté largement supérieurs à la moyenne nationale, une fatigabilité importante et des carrières en dents de scie, les personnes en situation de handicap sont fortement pénalisées à l’âge de la retraite. »

Selon la Drees, les personnes en situation de handicap restent en moyenne huit années et demie sans emploi ni retraite après 50 ans, contre une année et huit mois pour les personnes sans incapacité. Cette réforme multipliera ces situations et fera progresser la précarité.

Dans les métiers du secteur sanitaire et social, le report de l’âge légal va encore dégrader l’état de santé avant l’âge de la retraite, déjà bien fragile, de ceux qui accompagnent au quotidien des personnes en situation de handicap. Qui paiera l’addition ? L’assurance chômage ? La branche accidents du travail-maladies professionnelles ?

Ce secteur subit déjà une crise de recrutement sans précédent, à laquelle votre gouvernement refuse de remédier par une ambitieuse loi Grand Âge et autonomie, qui fixerait des objectifs de soin et d’attention à la hauteur de la dignité des personnes accompagnées. (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

M. le président. L’amendement n° 1777 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Bernard Jomier, pour présenter l’amendement n° 1798.

M. Bernard Jomier. Monsieur le président, je serai bref, car aucun argument n’est plus en mesure de convaincre qui que ce soit. (M. Cédric Vial applaudit.) Merci pour ces applaudissements nourris, mon cher collègue !

À la suite de l’intervention de M. Retailleau, ainsi que de celle où j’exprimais mes craintes quant aux suites politiques de cette réforme, je veux faire remarquer à M. Retailleau que, si son parti a fait passer un premier recul de deux ans de l’âge légal en 2010, il a ensuite perdu les élections sénatoriales de 2011, puis l’élection présidentielle de 2012 et n’est jamais revenu au pouvoir depuis !

Mme Sophie Primas. Nous sommes là quand même !

M. Bernard Jomier. Ce que je tente d’exprimer, c’est que cette réforme aura des conséquences politiques qui ne se situeront peut-être pas, cette fois, au sein de l’arc républicain. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous le savez très bien ! Tout le problème est là : d’autres que vous sont aux aguets pour exploiter les conséquences de cette réforme. Vous l’entendez dans vos départements et dans vos villes.

Quelle que soit la justesse que vous prêtez à cette réforme – je connais votre raisonnement et le respecte –, ses conséquences nous dépassent largement. Cette fois-ci, je redoute vraiment ce qu’il se passera dans notre pays. Pour reprendre l’expression qu’a eue un ancien Premier ministre au cours d’un entretien publié aujourd’hui, « on joue la tension dans un pays au bord de l’implosion» – c’est un risque sérieux !

Il faut être raisonnable, il faut retirer cette réforme !

M. Max Brisson. On a compris !

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour présenter l’amendement n° 1828.

M. Patrick Kanner. Une fois n’est pas coutume, je suis quelque peu en décalage avec l’analyse de Bernard Jomier. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est rare, mais cela peut arriver…

En effet, il vous assimile à une minorité d’opposition, alors que vous n’êtes plus minoritaires… Vous êtes dans une coalition, dont le chef s’appelle Emmanuel Macron – bien que vous ayez manifestement du mal à le reconnaître.

M. Xavier Iacovelli. Monsieur Karoutchi, vous êtes macroniste ! (Sourires.)

M. Patrick Kanner. En parlant du Président de la République, vous souvenez-vous du nouveau monde ?

M. Patrick Kanner. Cette expression était populaire il y a 70 mois, lorsque Emmanuel Macron accédait à la tête de l’État. Or ce nouveau monde vient de produire le projet de loi le plus régressif depuis la loi Woerth de 2010.

Il est absolument insupportable, monsieur le ministre, que vous fassiez payer le désarmement fiscal du pays à nos concitoyens, qui sont déjà frappés par l’inflation. Quel cynisme ! Depuis six jours, nous vous disons non, car nous considérons que ce n’est pas la solution. Et nous ne le faisons pas uniquement sur les quelques travées de gauche de cet hémicycle : des millions de Français sont descendus dans la rue, soutenus par des millions d’autres.

Mes chers collègues, comme vous l’aurez compris au fil des interventions de mes collègues, nous demandons la suppression de l’article 7. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 1855.

M. David Assouline. Cet entêtement me rappelle quelque chose que doivent garder en mémoire quelques sénateurs présents dans cet hémicycle, notamment le premier d’entre eux, qui préside cette séance, le président Larcher.

Souvenez-vous du débat que nous avons eu en 2006 sur le projet de loi pour l’égalité des chances, dans lequel se nichait la création du contrat première embauche (CPE) – nous nous étions livré une bataille mémorable, jour et nuit, au sein de cet hémicycle. Il y avait beaucoup de monde dans la rue. Les manifestations ne désemplissaient pas et, malgré tous les arguments avancés dans cette assemblée, selon lesquels il s’agissait de sauver la jeunesse, celle-ci se mobilisait toujours plus massivement.

Souvenez-vous, vous avez été humiliés de faire ce travail. Vous n’avez pas écouté la rue, vous mettant ainsi en difficulté par rapport aux jeunes et à vos propres électeurs. Au bout du compte, ce texte a été voté, mais le président Chirac ne l’a pas promulgué.

Je crains pour vous qu’un scénario semblable se reproduise pour la réforme des retraites. Si le pays continue de se mobiliser comme il le fait, la situation finira par devenir intenable. Nous nous devons de lancer l’alerte, parce que nous sommes en lien avec nos concitoyens.

Vous avez, chers collègues, des comptes à rendre aux électeurs dans chacune de vos circonscriptions. Vous pouvez mesurer, lorsque vous les rencontrez, l’écart entre votre action – prétendument pour le bien des citoyens – et la perception qu’ils en ont. À la fin, cela se finit toujours mal.

M. le président. Il faut conclure !

M. David Assouline. Aussi, j’espère que vous finirez par faire battre cette réforme en votant contre. (Marques dimpatience à droite.)

M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour présenter l’amendement n° 1978.

M. Jacques-Bernard Magner. Cet amendement vise à ne pas décaler de 62 à 64 ans l’âge légal de départ à la retraite et à ne pas accélérer l’application de la réforme Touraine.

Le projet du Gouvernement apparaît injuste, qu’il s’agisse du décalage de l’âge légal ou de l’augmentation plus rapide que prévu du nombre d’années de cotisation.

Les sénateurs socialistes vous le disent : nous sommes profondément opposés à cette réforme, qui n’est ni plus ni moins que le plus injuste des impôts, un impôt sur la vie.

Notre système de retraites n’est pas menacé à long terme. Il doit simplement faire face aux conséquences momentanées du « papy-boom » dans les décennies 2030 à 2050. D’autres choix sont possibles. Nous les avons longuement exposés dans cet hémicycle depuis le début de nos débats.

De plus, en se conjuguant à la réforme de l’assurance chômage, qui réduit la durée d’indemnisation, et à celle du RSA, cette réforme accroîtra la précarité des travailleurs seniors, dont la durée d’indemnisation chômage sera réduite de huit mois et qui n’auront plus que le RSA pour vivre, s’ils y ont droit !

Qui peut raisonnablement croire que ce que propose le Gouvernement aura un quelconque effet amortisseur sur la paupérisation en cours des travailleurs seniors ?

Ce projet de régression sociale est inacceptable, car il est injuste, inutile et inefficace. Il convient donc de supprimer cet article.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour présenter l’amendement n° 2001.

Mme Laurence Rossignol. Je ne tiens pas à me faire à tout prix la porte-parole de l’intersyndicale dans cet hémicycle. Toutefois, pour connaître les mouvements sociaux et les organisations syndicales depuis de nombreuses années, je sais mesurer ce que signifie un mouvement syndical uni, dans un moment comme celui que nous vivons. Je sais aussi ce que signifie la mobilisation de 1,5 million à 3 millions de personnes contre une réforme.

L’intersyndicale s’est réunie ce soir et a publié ses nouvelles préconisations, que je me propose de vous lire. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) Ce n’est peut-être pas si inintéressant pour vous, mes chers collègues : même si vous ne les soutenez pas, il est toujours bon de savoir ce que font les autres !

« Le 16 février, face à l’absence de réponse du Gouvernement et du président de la République, l’intersyndicale a appelé à mettre la France à l’arrêt le 7 mars. C’est une journée historique par l’ampleur de ces grèves et de ces mobilisations.

« À ce jour, ces mobilisations énormes conduites par une intersyndicale unie n’ont reçu aucune réponse de la part du Gouvernement. Cela ne peut plus durer. Le silence du Président de la République constitue un grave problème démocratique qui conduit immanquablement à une situation qui pourrait devenir explosive. En responsabilité, l’intersyndicale adressera un courrier lui demandant à être reçue en urgence pour qu’il retire sa réforme. »

L’intersyndicale appelle à une nouvelle mobilisation interprofessionnelle ce samedi 11 mars, puis à une manifestation la semaine prochaine, le jour de la réunion de la commission mixte paritaire.

M. Philippe Pemezec. Prise d’otage !

Mme Laurence Rossignol. Elle appelle la population à « continuer la mobilisation et les actions, encore plus massivement, pour dire non à cette réforme injuste et brutale ».

Mes chers collègues, cette intersyndicale prend la responsabilité de continuer d’accompagner ce mouvement social ; nous devons être à la hauteur de cette responsabilité.

Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas persister à ne pas répondre au mouvement social et à l’intersyndicale. Quant à nous, mes chers collègues, en adoptant les amendements de suppression de l’article 7, nous permettrions à tout le monde de sortir la tête haute de cette affaire. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 2038.

Mme Éliane Assassi. Absolument aucune donnée chiffrée ne permet de démontrer que l’élévation à 64 ans de l’âge de départ à la retraite et l’augmentation du nombre de trimestres de cotisation sont nécessaires, nous en avons déjà fait la démonstration. Nous restons donc offensifs et nous continuerons d’affirmer que des économies peuvent être réalisées ailleurs sans porter atteinte au régime actuel de retraite.

En outre, selon l’Institut national d’études démographiques (Ined), l’espérance de vie doit également être appréciée en tenant compte de l’âge auquel apparaît le risque d’incapacité dans les gestes de la vie quotidienne ; cette notion rejoint celle d’« espérance de vie en bonne santé », que nous défendons. Or l’espérance de vie sans incapacité à effectuer les gestes de la vie quotidienne se situe en France à 64,1 ans pour les femmes et à 62,7 ans pour les hommes.

La réforme qui nous est proposée par le Gouvernement, avec la complicité de la droite sénatoriale, aggrave donc le risque de liquider les pensions de retraite à un âge où le retraité n’est plus en mesure de profiter comme il souhaiterait du fruit de son labeur. Aussi, nous persistons à dire que votre projet est une entreprise de destruction sociale.

À la suite de Mme Rossignol, je vous invite à entendre ce qui s’est exprimé dans les rues des villes, qu’elles soient petites, moyennes ou grandes, et à lire le communiqué de l’intersyndicale.

M. le président. Les amendements nos 2039 et 2040 ne sont pas soutenus.

La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 2041.

Mme Céline Brulin. Cet article repousse l’âge de départ à la retraite et accélère la hausse des durées de cotisation, ce qui est censé réduire les déficits de notre système de protection sociale.

Au passage, monsieur le ministre, quand vous nous indiquez que l’âge de départ sans décote sera maintenu à 67 ans et non pas porté à 69 ans, j’espère que vous n’imaginez pas que les Français vous remercient largement, vous risquez d’être encore un peu déçu…

La politique consiste à identifier des problèmes et à y apporter des réponses, et si certains d’entre vous sont assis à la droite de cet hémicycle quand d’autres siègent à sa gauche, c’est que nous proposons des options différentes pour répondre à des problématiques que nous pouvons parfois identifier ensemble.

M. Loïc Hervé. C’est vrai.

Mme Céline Brulin. Or il me semble inquiétant que beaucoup ici préfèrent un passage en force à un débat sur des solutions de substitution au report de l’âge de départ à la retraite. Du reste, les Français sentent bien qu’on leur refuse ce débat ; c’est aussi cela qui les pousse, de plus en plus nombreux, dans la rue. Voilà pourtant un débat de société, au sens noble du terme, qui pourrait inciter nos concitoyens à renouer avec la politique ; mais vous le refusez et certains d’entre vous préfèrent même passer en force.

Enfin, en ce qui concerne les prétendus déficits, j’ai démontré précédemment en quoi le coût social de ce report de l’âge de départ, notamment pour la vie associative et démocratique de nos communes, allait être très important. Ce coût sera également élevé en matière de dépenses sociales, en raison de l’augmentation des arrêts de travail et de la baisse du niveau des pensions, qui entraînera des dépenses visant à empêcher que des retraités ne tombent dans la pauvreté.

Bref, il n’est absolument pas question d’économies avec ce projet.

M. le président. L’amendement n° 2042 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 2043.

M. Fabien Gay. L’espérance de vie en bonne santé est de 64 ans pour les femmes et de 62,7 ans pour les hommes. Reculer à 64 ans l’âge de départ à la retraite est donc inacceptable pour la moitié des salariés. Vous nous répondez, monsieur le ministre : « Ce n’est pas le sujet. »

Le taux d’emploi des seniors est de 35 %, donc allonger la durée de cotisation entraînera l’apparition de retraités pauvres. Vous nous dites encore : « Ce n’est pas le sujet. »

Nous vous avons proposé de financer le système autrement. Taxer les riches ? « Non. » Les dividendes ? « Sûrement pas. » Élargir l’assiette ? « Pas possible. » Gagner la bataille de l’emploi ? « Attendez la loi Travail. » L’égalité salariale ? « C’est la grande cause du quinquennat, vous allez voir. » Taxer la rente ? « Sûrement pas, vous tueriez le ruissellement. »

Nous vous avons dit que vous aviez un problème démocratique et que, avec 3,5 millions de travailleurs dans la rue, vous étiez minoritaires. Vous avez répondu, monsieur le ministre : « Nous assumons d’être impopulaires. »

Aussi, pour vous, une seule solution : deux ans de plus, deux ans qui pèseront sur les classes populaires, sur les essentiels, sur les utiles, sur ceux qui ont tenu le pays à bout de bras pendant la crise du covid-19, sur ceux qui ont des carrières hachées ou des horaires décalés, sur ceux qui triment et dont le travail concasse le cœur et l’esprit. Pourtant, vous nous parlez de justice, vous nous dites : « travailler, travailler, travailler », alors que, pour nous, il faudrait partager, partager, partager : partager le travail, le savoir et les richesses.

Enfin, si vous n’êtes pas encore convaincu, un dernier argument : pensez-vous sincèrement que ce soit le moment ? Même Olivier Véran l’a dit : occupons-nous d’abord de l’inflation, du prix de l’électricité, des salaires, de l’emploi, de la formation et de la réindustrialisation du pays avant de voler les deux plus belles années des retraités !

Monsieur le ministre, il est encore temps de battre en retraite et de retirer votre projet de loi. (Mmes Cathy Apourceau-Poly et Laurence Cohen applaudissent.)

M. le président. Les amendements nos 2044 et 2045 ne sont pas soutenus.

La parole est à M. Pierre Laurent, pour présenter l’amendement n° 2046.

M. Pierre Laurent. M. Retailleau nous a dit tout à l’heure que, depuis quarante ans, personne n’était revenu sur une réforme des retraites adoptée. C’est faux ! En 1981, il y a quarante ans, la gauche a voté une réforme historique, (« Par ordonnances ! » sur des travées du groupe Les Républicains.) qui a fait passer l’âge de départ à la retraite de 65 ans à 60 ans. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. René-Paul Savary, rapporteur. C’est ce qui a tout déséquilibré ! Et on le paie encore !

M. Pierre Laurent. C’est l’une des réformes qui ont marqué le XXe siècle, un siècle de progrès sociaux, avec les congés payés ou la réduction de la journée de travail. Il y a donc eu un progrès historique et la vérité est que vous ne l’avez jamais accepté !

Nous avons ensuite eu le droit à Balladur en 1993, à Fillon en 2003 et à Sarkozy en 2010 ; et les 62 ans, c’est déjà vous ! (« Mais oui ! » sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Pierre Laurent. C’est vous qui avez institué l’âge de départ à 62 ans en 2010 !

Aujourd’hui, vous voulez passer à 64 ans,…

MM. Max Brisson et Roger Karoutchi. En effet !

M. Pierre Laurent. … mais, si vous étiez restés au pouvoir sans discontinuer, on ne discuterait pas de savoir si l’âge de départ doit être fixé à 62 ou à 64 ans, on serait resté à 65 ans et on serait même probablement passé à 67 ans, parce que vous auriez ajouté deux ans, comme d’autres pays européens l’ont fait !

Ainsi, ce projet est votre projet depuis toujours !

M. Pierre Laurent. Et ce qu’a dit M. le rapporteur est une fable ! L’idée que vous seriez obligés d’imposer l’âge de 64 ans parce que Marisol Touraine a institué les 43 annuités est une blague ! En vérité, votre rêve, depuis 1981, est de revenir à 65 ans et, aujourd’hui, vous progressez vers sa réalisation.

De fait, M. Retailleau a raison : c’est une réforme de droite, à laquelle le Gouvernement se rallie, qu’il met en œuvre…

M. le président. Il faut conclure !

M. Pierre Laurent. … et que vous allez soutenir,… (Marques dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains.)