M. le président. Je vous remercie, ma chère collègue.

Mme Michelle Gréaume. Reculer l’âge de départ à la retraite, c’est accroître la misère.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. René-Paul Savary, rapporteur. Nous aurons l’occasion, à l’article 8, d’aborder la question de l’invalidité. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, ministre. Même avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Voilà une question, parmi d’autres – les gains de productivité, par exemple –, à laquelle vous n’avez pas répondu.

Nous continuons donc de développer nos arguments, les uns après les autres. C’est ainsi que se déroule un débat : nous vous posons une question, vous y répondez, nous avançons un contre-argument. Nous allons au bout de l’exercice et à un moment donné, il y en a un qui marque un point.

Nous ne sommes pas encore allés au bout, mais nous avons marqué beaucoup de points, même si vous maîtrisez le match…

M. René-Paul Savary, rapporteur. Eh oui !

M. Fabien Gay. C’est le jeu, mais, pour notre part, nous respectons le règlement à la lettre.

M. René-Paul Savary, rapporteur. Nous aussi !

M. Fabien Gay. L’une des questions en attente de réponse, monsieur le rapporteur, est la suivante.

Vous souhaitez décaler la borne de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans pour la placer sur l’espérance de vie en bonne santé. Parlons donc du vécu des gens et partons des réalités.

Ce n’est pas grave ! Chaque fois que nous parlons du vécu des gens, j’entends des « Ah ! ». Notre rôle est pourtant bien de parler du vécu des gens.

En déplaçant la borne de 62 à 64 ans, soit l’espérance de vie en bonne santé, vous faites donc le choix délibéré de contraindre la moitié des gens à ne pas partir à la retraite en bonne santé. Cela pose tout de même question.

Pour notre part, nous pensons que, après une dure vie de labeur, le travail, source d’émancipation et de lien social, certes, mais aussi de souffrances physiques et psychiques, la retraite doit être vécue, pendant des années, au moins en bonne santé.

Si l’on place la borne au moment de l’espérance de vie en bonne santé, alors un certain nombre de personnes – nous en connaissons, dans certains métiers en particulier – ne profiteront pas de leur retraite.

On ne profite pas de la retraite quand on tombe malade de suite et quand, pendant deux ans, on alterne entre les rendez-vous médicaux et l’hôpital !

Il faut donc bien que nous ayons ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.

M. Claude Raynal. Je reconnais que ces évocations de personnes touchées par la réforme sont difficiles à entendre. En même temps, elles correspondent à la réalité. De ce point de vue, ce débat est passionnant. Il faut sortir de la théorie et voir comment ce que nous votons se traduit concrètement pour les uns et pour les autres.

Nous devons tous, me semble-t-il, l’accepter, écouter ces témoignages et nous faire notre propre opinion.

M. le rapporteur m’a un peu surpris voilà quelques minutes, lorsqu’il a fait un lien un peu trop direct entre la productivité et l’idée que, si les Français avaient une forte productivité, c’est qu’ils ne sentaient pas si mal au travail. C’est tout de même un drôle de lien !

J’ai recherché des éléments et j’en ai trouvé assez facilement. L’enquête européenne sur les conditions de travail, réalisée en 2021 auprès de 71 000 personnes par Eurofound – il y en a une d’ailleurs chaque année –, place la France en queue de peloton parmi les trente-six pays étudiés.

Près de 40 % des actifs en emploi chez nous se trouvent dans un emploi dit « tendu », où les exigences sont plus élevées que les ressources permettant d’y répondre.

Sachez, mes chers collègues, monsieur le rapporteur, vous qui n’avez sans doute pas lu cette étude,…

M. René-Paul Savary, rapporteur. En effet, je ne sais pas lire !

M. Claude Raynal. … que sur ces sujets-là, nous sommes au niveau de l’Albanie, de la Slovaquie et de la Pologne.

Je ne dis pas que ces pays ne sont pas des exemples, mais il faut cesser selon moi de faire ce lien un peu rapide entre productivité et plaisir d’être au travail. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. J’entends la fébrilité de M. le rapporteur, qui souhaite que l’on parvienne à l’article 8, très certainement pour discuter de quelques-unes de ses propositions.

Nous en sommes cependant à l’article 7, selon lequel la quasi-majorité des départs anticipés sont des départs rendus possibles par la mobilisation du compte professionnel de prévention (C2P), c’est-à-dire par la pénibilité, et de moins au titre des carrières longues ou « superlongues ».

Aux termes de l’article 7, le départ anticipé est retardé de deux ans. Là aussi, c’est deux ans ferme, monsieur le rapporteur !

Même si vous apportez quelques améliorations, n’allons pas trop vite à l’article 8 et aux quelques mesures d’accompagnement que vous proposez. Commençons par constater et par acter que les départs anticipés pour pénibilité seront retardés de deux ans.

S’agissant de l’invalidité permanente, nous avons et vous avez certes des propositions, mais pour l’instant, reconnaissons que rien n’a changé. C’est inscrit dans la loi : on part toujours à 62 ans.

C’est pourquoi je vous dis, monsieur le ministre, que les 3,1 milliards d’euros que vous consacrez à des mesures d’accompagnement n’ont pas lieu d’être, puisque vous maintenez le dispositif existant.

Vous avez construit l’équilibre financier de votre réforme en comptant indûment ces 3,1 milliards d’euros. Je vous propose de passer l’invalidité permanente à 60 ans. Dans ce cas alors, vous pourrez traduire ce montant en mesures d’accompagnement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.

M. Jean-Michel Houllegatte. Les différents amendements qui nous ont été proposés concernent les personnes nées entre 1961 et 1965.

C’est le cas de la majorité d’entre nous ici présents ; cela tombe bien, c’est donc un peu notre génération.

Cette génération 1961-1965 a connu les évolutions du monde du travail : d’abord la fin des Trente Glorieuses, puis de nombreuses restructurations.

À cet égard, j’invite les amateurs de littérature à lire les livres de Nicolas Mathieu, notamment Leurs enfants après eux et Connemara.

Nicolas Mathieu y décrit ces enfants un peu perdus, dont les parents ont perdu leur travail en raison des restructurations qui ont eu lieu en Lorraine. Il montre les difficultés de ces derniers et combien ils ont dû, au travers du travail, essayer de les surmonter.

Ces difficultés viennent aussi des mutations économiques comme le développement de l’automatisation, la numérisation, etc.

C’est à cette époque – soulignons que c’est Martine Aubry (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.), au travers de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, qui a introduit la notion de santé mentale dans le code du travail – que l’on a commencé à parler, dans le monde du travail, de risques psychosociaux.

Cette génération, dont nous ne dirons peut-être pas qu’elle a été sacrifiée, a vécu une profonde mutation du monde du travail. Elle en reste profondément marquée et peut-être un peu meurtrie, prenons-en garde.

Dans un article paru dans le quotidien Ouest-France, un manifestant évoquait en ces termes cette souffrance au travail, qui est certes, de nos jours, de mieux en mieux prise en considération : « Ma vie professionnelle a été un marathon, dit-il. J’ai l’impression qu’on a reculé la ligne d’arrivée de ce marathon. » On peut le déplorer.

Si des avancées sont à noter, veillons sur cette génération sacrifiée 1961-1965.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Beaucoup a déjà été dit sur cette génération, qui s’attendait à partir à la retraite et qui voit brutalement le mur reculer.

Permettez-moi d’insister sur les faits et sur le niveau des pensions. L’accélération des délais de la réforme Touraine et le report de deux de l’âge légal de départ à la retraite produiront un effet particulièrement préoccupant sur le niveau des pensions.

Selon les simulations, la pension moyenne nette passerait ainsi de 61,2 % du salaire moyen en 2021 à 51,6 % en 2050, soit une baisse de 15,7 %. Elle tomberait ensuite à seulement 45,4 % en 2070, soit une baisse de 25,8 %.

Il s’agit d’une chute brutale du niveau de vie des retraités, lequel, jusqu’à présent, et malgré une baisse récente ces deux ou trois dernières années,…

M. René-Paul Savary, rapporteur. C’est bien pour cela qu’il faut réformer !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. … restait assez proche du niveau de vie moyen des Français.

Nous allons, demain, connaître des situations terribles, puisque le nombre de retraités pauvres ne fera que s’accroître. Ainsi, le niveau de vie relatif des retraités par rapport à celui de la population passerait de 100 % à 89 % en 2050 et à 84 % en 2070.

En tout état de cause – c’est la raison pour laquelle nous avons déposé des amendements sur les recettes –, même en restant dans le système actuel, nous aurons besoin de nouvelles recettes pour équilibrer les retraites.

Demande de clôture

M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret. (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

M. Claude Malhuret. Monsieur le président, en application de l’article 38, alinéa 1, du règlement, je demande la clôture des explications de vote sur l’amendement n° 4286 rectifié. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. le président. Mes chers collègues, je suis saisi par M. Claude Malhuret, président du groupe Les Indépendants – République et Territoires, d’une demande de clôture des explications de vote sur l’amendement n° 4286 rectifié.

Je vous rappelle que, en application de l’article 38, alinéa 1, du règlement, la clôture peut être proposée lorsqu’au moins deux orateurs d’avis contraire sont intervenus. Peuvent prendre la parole sur cette proposition un orateur par groupe et un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

La parole est à Mme Corinne Féret, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Mme Corinne Féret. Il faut s’attendre, dans les heures qui viennent, à des demandes récurrentes de ce type.

M. René-Paul Savary, rapporteur. En effet !

Mme Corinne Féret. Elles visent à nous empêcher d’avoir un débat de fond et un débat sérieux. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Roger Karoutchi. C’est de l’obstruction !

Mme Corinne Féret. Toutes les interventions précédentes ont été sérieuses, fondées, argumentées. (Mêmes mouvements.)

M. Max Brisson. Ce n’est pas sérieux !

Mme Corinne Féret. Vous avez certes le droit d’activer l’article 38 du règlement du Sénat, mais vous imaginez bien que nous y sommes totalement opposés.

Une fois encore, vous bafouez le rôle du Sénat.

M. Max Brisson. C’est vous !

M. Roger Karoutchi. Vous rabaissez le Sénat par votre obstruction !

Mme Corinne Féret. C’est une atteinte à la démocratie.

On nous regarde et on nous écoute à l’extérieur. Les gens verront ce qui se passe ici, lorsqu’on engage le débat sur des amendements qui sont totalement justifiés, puisqu’ils portent sur le fond même de la réforme et sur la concrétisation du recul de l’âge de départ à la retraite.

Beaucoup de nos concitoyens subiront en effet les conséquences, non pas dans les années à venir, mais dès l’année prochaine, de cette réforme brutale et de ce recul de l’âge de départ.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

M. Guy Benarroche. Depuis quelques heures, j’essaie de comprendre à quel moment les demandes de clôture sur le fondement de l’article 38 seront demandées…

J’ai ainsi pensé à de nombreux critères et je me suis dit que finalement, l’application de cet article pourrait se justifier. Moi-même, je pourrais l’invoquer, dès lors que nous aurions affaire à des débats sans aucune valeur ni tenue, dans lesquels aucun argument ne serait développé, dans lesquels aucun d’entre nous ou de ceux qui nous regardent sur Public Sénat ou sur d’autres chaînes de télévision n’apprendrait quoi que soit du projet de loi sur les retraites.

Or ce n’est pas le cas. J’en déduis que le critère de déclenchement ne peut être celui-là, puisque, de fait, j’apprends moi-même beaucoup de choses en écoutant mes collègues, de tous bords d’ailleurs, lorsqu’ils veulent bien donner un certain nombre d’arguments et non pas camper sur des postures. (Mme Jacqueline Eustache-Brinio ironise.)

Dans ces conditions, je me suis dit que l’article 38 devait être utilisé pour une autre raison. Cette raison, me semble-t-il – peut-être fais-je erreur, il faudrait faire une étude statistique –, est que… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Pardonnez-moi, mes chers collègues, vous avez demandé l’application de l’article 38 ; j’ai le droit d’exprimer ma position, et vous n’êtes pas obligés de me couper la parole !

En réalité, en étudiant les deux situations dans lesquelles vous avez utilisé cet article et en les comparant à celles dans lesquelles vous ne l’avez pas fait, il semblerait – nous verrons si cela se confirme – que vous l’utilisiez à partir du moment où vous estimez que le débat devient suffisamment intéressant et prend appui sur des arguments auxquels vous ne souhaitez pas répondre, car vous ne voulez pas prolonger les débats.

Je suis persuadé, en effet, que vous auriez des contre-arguments à nous opposer, mais que vous ne pouvez pas le faire, conformément à la ligne de conduite que vous vous êtes fixée.

Ne pouvant pas argumenter, vous écourtez les débats au moyen de l’article 38. Dites-moi si je me trompe, mais je pense être dans le vrai. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. Olivier Paccaud. Quel talent !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. On ne peut pas dire que le débat qui s’était engagé sur cet amendement fût inintéressant.

Nous étions au cœur d’une discussion sur le niveau des pensions et sur les effets de seuil de cette réforme, problème politique récurrent propre à ce type de projet.

Or vous bâclez les discussions comme la réflexion. Savez-vous ce que cela révèle, chers collègues ? Quand on est embarrassé, quand on se sait en décalage avec le peuple, on essaie d’écourter les choses. Ni vu ni connu, à la sauvette !

Que M. Macron et ses amis de LREM nous expliquent qu’il faut aller plus vite, nous en avons l’habitude : ils passent leur temps à nous dire que les parlementaires sont trop nombreux, que le Parlement est trop lent et qu’il faut multiplier les procédures d’urgence. À la limite, c’est dans leur culture, pourrais-je dire, de contournement du Parlement.

Mais vous, mes chers collègues de la majorité sénatoriale Les Républicains, cela ne devrait pas être votre culture ! Que vous soyez quelque peu agacés par la force de nos arguments, je peux l’admettre (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.), mais vous devriez comprendre que nos concitoyens attendent de vous des explications et des réponses, que vous entreteniez le débat.

En réalité, vous avez peur de l’opinion publique.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Vous vous sentez en position de faiblesse et c’est cela qui justifie votre stratégie visant à écourter le débat. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. le président. Conformément à l’article 38, alinéa 3, du règlement, je consulte le Sénat sur cette proposition.

(La clôture est prononcée.)

Article 7 (suite) (suite)
Dossier législatif : projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023
Article 7 (suite) (suite)

Article 7 (suite)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4286 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 217 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 93
Contre 250

Le Sénat n’a pas adopté.

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 1895 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.

L’amendement n° 1909 est présenté par MM. Lévrier, Iacovelli, Hassani, Patriat, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, M. Gattolin, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Lemoyne, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

L’amendement n° 3403 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au début de l’article L. 173-7, sont insérés les mots : « À l’exception des versements mentionnés au IV de l’article L. 351-14-1, » ;

La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 1895 rectifié.

Mme Nathalie Delattre. L’article L. 351-14-1 du code de la sécurité sociale, créé par la réforme des retraites de 2003, prévoit un mécanisme de rachat d’années d’études pour les assurés salariés.

Depuis 2003, donc, les assurés peuvent ainsi racheter jusqu’à douze trimestres d’assurance vieillesse au titre des années d’études supérieures.

Le tarif du rachat, qui varie selon l’âge et le niveau de revenus, est déterminé selon un principe de neutralité actuarielle, c’est-à-dire qu’il pèse intégralement sur son bénéficiaire.

Si ce versement est pris en compte dans le calcul d’une retraite classique, les trimestres ainsi rachetés ne sont pas retenus dans le cadre de dispositifs de retraite anticipée pour carrière longue ou pour les travailleurs handicapés.

Il nous faut donc corriger ce point, tout comme le mécanisme mis en place par la réforme des retraites de 2014, qui a établi un tarif préférentiel de rachat de trimestres pour certains assurés, notamment les apprentis au titre des périodes d’apprentissage du 1er juillet 1972 au 31 décembre 2013.

En effet, ces derniers cotisaient sur une assiette forfaitaire trop faible pour leur permettre de valider une durée d’assurance vieillesse égale à celle de leur contrat.

Nous souhaiterions donc que les assurés ne soient pas pénalisés par l’absence de prise en compte de ces versements dans le cadre d’un départ anticipé pour carrière longue ou en tant que travailleur handicapé.

Aussi, nous proposons que ces versements soient désormais pris en compte tant dans la période cotisée que pour apprécier la condition de début d’activité au titre du dispositif de retraite pour carrière longue.

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour présenter l’amendement n° 1909.

M. Martin Lévrier. Comme cela été indiqué, cet amendement vise à permettre la prise en compte, dans le cadre d’un départ anticipé pour carrière longue ou en tant que travailleur handicapé, des trimestres d’apprentissage effectués avant 2014 et rachetés à tarif réduit.

C’est pour nous une question de justice sociale que de nous assurer que tous les citoyens ayant eu un statut d’apprenti puissent obtenir l’avantage de leurs trimestres d’apprentissage.

Je crois profondément à l’apprentissage, à ces jeunes qui choisissent cette filière, et je pense tout particulièrement à ceux qui ont subi des accidents de la vie.

C’est pourquoi je tenais à vous présenter cet amendement qui a été déposé à l’Assemblée nationale et qui me tient particulièrement à cœur.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 3403.

Mme Raymonde Poncet Monge. En préalable, je tiens à exprimer mon émotion (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) : cet amendement fait partie des dix-sept survivants parmi les cent cinquante-sept amendements que j’avais déposés et qui avaient été déclarés recevables par la commission – eux-mêmes étaient des survivants… C’est donc vraiment un grand moment d’émotion !

L’article 27 de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites a ouvert la possibilité pour certaines catégories d’assurés, par dérogation au principe de neutralité actuarielle, de bénéficier d’une diminution du coût de leurs versements.

C’est notamment le cas pour les apprentis, dont le nombre a récemment explosé. À la fin de 2022, la Dares en dénombrait 980 000. Je précise d’ailleurs que c’est l’augmentation du nombre d’apprentis qui explique l’essentiel de l’amélioration des statistiques de l’emploi – avec les radiations, mais, là, c’est une autre question…

Il faut pouvoir garantir à ces assurés qu’ils ne soient pas pénalisés par l’absence de prise en compte des versements, notamment dans le cas d’un départ anticipé pour carrière longue ou en tant que travailleur handicapé. Le contraire serait injuste d’autant que, précisément, leur carrière commence très tôt.

En conséquence, notre amendement vise à ce que ces versements soient désormais pris en compte dans la période cotisée, les rendant de ce fait éligibles au titre du dispositif de retraite pour carrière longue. Il s’agit – enfin – d’une mesure de justice et de bon sens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. René-Paul Savary, rapporteur. Je remercie les auteurs de ces amendements de les avoir déposés. Ils visent à corriger une anomalie dans le calcul des trimestres, notamment en cas de carrière longue et pour les apprentis. Or les apprentis sont les premiers concernés par le dispositif de carrière longue, puisqu’ils commencent à travailler tôt, souvent à partir de 15 ans ou 16 ans.

Cet exemple montre bien la différence de calcul entre les carrières longues, pour lesquels on ne prend en compte que les trimestres cotisés ou réputés cotisés, et le droit commun. Une carrière normale sera à terme une carrière de 43 années – nous devons prendre en compte cette nouvelle situation, dont nous reparlerons – et elle intégrera des trimestres cotisés, des trimestres réputés cotisés, des trimestres assimilés et des majorations de pension pour les mères de famille.

Il existe des différences de traitement et il est nécessaire de prendre cette situation en compte.

Mes chers collègues, je donne bien volontiers mon avis sur ces amendements, parce qu’ils se rattachent naturellement à l’article 7 du texte.

Quand Raymonde Poncet Monge évoque le compte professionnel de prévention, elle sait bien que ce sujet ne relève pas de cet article.

Quand Marie-Noëlle Lienemann évoque les petites pensions, elle sait bien que cela est traité dans l’article 10.

Nous devons tout simplement suivre le déroulé des articles. C’est ainsi que nous éviterons d’utiliser l’article 38 du règlement du Sénat. (Ah ! sur les travées du groupe SER.) Traitons les sujets au bon moment ! Cela clarifiera nos débats.

En tout cas, la commission est tout à fait favorable à ces amendements identiques. (M. Stéphane Piednoir applaudit.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, ministre. Ces amendements sont identiques à un amendement déposé par la députée Christine Le Nabour qui n’a pas pu être examiné à l’Assemblée nationale.

Comme cela a été dit par les différents intervenants, leur adoption permettra d’intégrer, dans les périodes prises en compte pour l’éligibilité au départ anticipé au titre des carrières longues, les trimestres effectués en apprentissage, tout particulièrement ceux qui ont fait l’objet d’un rachat de trimestres au tarif préférentiel.

C’est une mesure de justice et le Gouvernement y est favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.

M. Jean-Michel Houllegatte. Je voudrais poser une question à René-Paul Savary.

On parle ici, à juste titre, des apprentis, mais d’autres catégories pourraient être concernées par ce type de dispositif, dont une que j’ai particulièrement à cœur : je pense aux aides familiaux, qu’on retrouve en grand nombre dans le secteur agricole et dans les commerces. Or le statut de ces personnes est flou.

Par exemple, il arrive souvent que des enfants aident leurs parents à tenir leur commerce, parfois avant de reprendre l’activité à leur compte.

Ces aides versent rarement des cotisations, mais est-ce qu’ils ne pourraient pas racheter des trimestres correspondant à cette activité professionnelle pour améliorer leur situation au moment de leur départ à la retraite ?

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Je trouve ces amendements intéressants, même si le rachat de trimestres coûte cher aux assurés.

Monsieur le rapporteur, je vous prends au mot : vous nous dites qu’on peut discuter sur des amendements de fond.

M. René-Paul Savary, rapporteur. Débattre !

Mme Monique Lubin. Nous débattons… Soit !

Alors, pourquoi avoir déclenché l’article 38 sur mon amendement qui portait sur une surcote de 5 %, c’est-à-dire sur une question de fond ?

M. René-Paul Savary, rapporteur. C’est un sujet qui concerne l’article 8 !

Mme Monique Lubin. Allez, allez…

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le groupe CRCE votera ces amendements. Nous pensons qu’ils constituent une avancée.

Souvent, on nous explique qu’en augmentant les cotisations on nuit à l’emploi et à la compétitivité des entreprises, comme si la baisse des cotisations était le fin du fin de la création d’emplois.

Je vous rappellerai que, dans un article publié dans Les Échos en juin 2022, on apprend que les deux tiers des 200 000 emplois créés par le secteur privé durant la période de référence relèvent de l’apprentissage.

C’est donc moins la baisse des cotisations que le soutien apporté au développement de l’apprentissage qui a permis de faire baisser le niveau du chômage.