Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, sur l’article.

M. Philippe Bonnecarrère. Je partage les diverses interventions de mes collègues et soutiens la proposition de loi. Mes observations porteront sur deux échelles, locale et nationale.

À l’échelle locale, il est devenu classique, monsieur le ministre, d’entendre nos collègues nous demander s’ils doivent renoncer à des projets. Ici, alors que nous avons depuis longtemps des problèmes de sécurité sur une route départementale, le président de l’intercommunalité rechigne à créer un créneau de dépassement, demandé depuis toujours, de peur que cela ne consomme son enveloppe d’artificialisation. Là, un maire renonce à une aire de covoiturage. Dans le Tarn, il est question d’abandonner la création d’une véloroute…

Et ne parlons pas d’équipements industriels : une usine, pour produire de l’hydrogène vert, doit occuper 15 hectares. Monsieur le ministre, une commune ne peut pas donner suite en l’état.

Toutes ces questions affleurent à un moment où, après des décennies de métropolisation, nous avons la sensation du retour d’un mode de vie tourné vers la ruralité. À ce moment précis, nous bloquons les possibilités d’aménager, avec les conséquences que cela a sur le foncier !

Pour ce qui concerne l’échelle nationale, je formulerai deux observations.

Tout d’abord, nous vous avons souvent entendu dire que la loi Climat et résilience avait été votée. Permettez-moi, monsieur le ministre, de nuancer : il s’agissait d’un engagement de la convention nationale, à une époque où l’Assemblée nationale, dans toute la splendeur de sa majorité présidentielle, pouvait imposer ses vues et rejeter les équilibres que nous proposions. Ce fut une forme d’échec du bicamérisme.

Ensuite, dans un pays aussi endetté, avec le déficit que nous connaissons et les investissements financiers de 40 milliards d’euros à 60 milliards d’euros qui doivent être réalisés pour la transition énergétique, il faut préserver les éléments de la croissance. Or, en l’état, monsieur le ministre, je crois que le ZAN ne le permet pas. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, sur l’article.

M. Jean-Marc Boyer. Je reviendrai sur l’intervention de mon collègue Alain Marc sur la notion d’artificialisation. Il faut que nous parlions tous de la même chose. Lorsque l’on dit qu’il y a 243 000 hectares artificialisés et un département perdu tous les dix ans, sur quoi se fonde-t-on ?

Quand l’observatoire de l’artificialisation s’intéresse à un lotissement dans une petite commune rurale, avec une dizaine de lots de 600 mètres carrés, considère-t-il que 6 000 mètres carrés ont été artificialisés ? Lorsqu’un immeuble est construit dans une zone urbaine ou périurbaine, sur une superficie de 200 mètres carrés sur cinq ou six niveaux, qui comportera de nombreux appartements, il est certain que l’on artificialise beaucoup moins…

Pour une maison construite sur un terrain de 600 mètres carrés, considère-t-on la seule maison comme une surface artificialisée, excluant ainsi les jardins, les espaces verts, et le parc ?

C’est un point important. Si l’on prend en compte les espaces verts autour des maisons, on va plus rapidement multiplier les surfaces artificialisées dans les zones rurales que dans les zones urbaines.

Si l’on considère que la totalité de la surface d’un lotissement est artificialisée, on va très sérieusement réduire les surfaces restant à urbaniser dans les dix ans à venir et jusqu’en 2050. Mais cela signifie surtout que l’on va vers la disparition de la maison individuelle dans nos territoires. Or c’est aujourd’hui le type d’habitat dans lequel nos concitoyens aspirent à vivre.

Va-t-on, demain, construire de petits immeubles dans nos communes de 300 habitants, où l’habitat ancien a été bien préservé ? Si l’on veut développer l’habitat, c’est ce qu’il faudra faire : de petits immeubles de quatre ou cinq étages. Je ne pense pas que cette évolution soit très positive…

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel, sur l’article.

M. Stéphane Sautarel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant que nous n’examinions dans le détail les mesures techniques du texte, je tiens à m’exprimer sur l’article 1er et à attirer votre attention sur deux sujets.

Il est clair que le ZAN suscite de nombreuses attentes, car il est le premier motif d’inquiétude de nos élus. Je remercie donc M. le ministre d’en avoir pris conscience depuis son arrivée au ministère et d’avoir pris en compte un certain nombre d’attentes des élus. Je me réjouis également que la commission spéciale du Sénat ait déposé cette proposition de loi, qui nous est aujourd’hui soumise en procédure accélérée.

Le premier sujet sur lequel je souhaite attirer votre attention, c’est l’espérance. Il faut permettre à nos territoires d’avoir de l’espérance ! Ils doivent avoir le droit et la possibilité de se développer. Il faut pour cela leur octroyer des droits, même s’ils ne les utilisent pas tous demain. À cet égard, la gouvernance que nous mettons en place pour organiser et mutualiser les possibilités de développer les territoires est importante.

Le second sujet, c’est le bon sens. Il en a déjà été question, et je pense que nous en reparlerons tout au long de notre débat.

Les territoires ruraux qui ont peu construit seront encore davantage privés de construction demain et subiront ainsi une double peine.

Par ailleurs, je trouve parfaitement légitime que l’artificialisation induite par un projet d’intérêt national ne soit pas décomptée directement du territoire concerné. Mais comment accepter qu’elle le soit des autres, qui n’ont pas la chance de bénéficier de ce projet ?

Je tenais juste à attirer votre attention sur ces deux points, qui doivent nous guider dans nos débats : donner à chacun de l’espérance et agir avec bon sens !

Mme la présidente. La parole est à Mme Elsa Schalck, sur l’article.

Mme Elsa Schalck. À mon tour, je salue le travail effectué par nos collègues Valérie Létard et Jean-Baptiste Blanc, afin que cette proposition de loi transpartisane voie le jour.

On le voit, ce texte est nécessaire. Il est indispensable d’écouter ce que les maires et les élus locaux nous disent sur le zéro artificialisation nette, d’entendre leurs inquiétudes et leurs légitimes interrogations, mais aussi de prendre conscience des incompréhensions que peut susciter la mise en œuvre du ZAN.

Bien évidemment, face au réchauffement climatique, nous devons agir, préserver la biodiversité et ne pas artificialiser les sols à outrance. De très nombreux maires n’ont d’ailleurs pas attendu la loi Climat et résilience pour réaliser des efforts en matière de sobriété foncière et pour placer l’environnement au cœur de leur action. Mais il ne faudrait pas que le ZAN devienne demain l’acronyme qui menace le développement de nos communes, en particulier dans les territoires ruraux, ou la réindustrialisation de notre pays.

Des questions très concrètes se posent, dont les maires nous font part dans les échanges que nous avons avec eux.

Ainsi, comment pourront-ils répondre demain à la demande des jeunes générations de rester et de s’installer dans leur commune ? Comment pourront-ils répondre aux besoins de construction de services de proximité, par exemple d’équipements pour le périscolaire ? Comment pourront-ils satisfaire les entreprises qui souhaitent s’installer dans leur commune ?

Ce texte vise justement à trouver un point d’équilibre, ô combien nécessaire, entre souplesse, pragmatisme et bon sens.

À cet égard, je salue les outils très concrets qu’il prévoit de mettre en place : le sursis à statuer, le droit de préemption, la garantie rurale et la surface minimale de développement communal d’un hectare, cette dernière constituant un outil clair et simple, destiné à permettre aux petites communes de continuer de se développer.

Nous devons toutefois être attentifs à l’interprétation qui pourrait être faite de ces différentes dispositions. On l’a vu lors des auditions de la commission spéciale, les recours risquent de se multiplier et d’empêcher la réalisation de projets importants. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly, sur l’article.

M. Patrice Joly. Il est temps, en effet, de revoir les modalités d’application de cet objectif légitime qu’est le zéro artificialisation nette. Une adaptation apparaît nécessaire dans les espaces ruraux, où les élus s’inquiètent de ne pas avoir la possibilité de construire un avenir pour les territoires dont ils ont la charge.

Je rappelle le contexte dans lequel s’inscrivent cette proposition de loi et la mise en œuvre du zéro artificialisation nette.

Ce texte nous est soumis après des décennies de « tout-métropolitain », pour ne pas dire de « trop-métropolitain », et d’élaboration de Sraddet, de Scot et de PLUi, tous documents normatifs dans lesquels les petites communes et les territoires ruraux peinent à se retrouver. Il s’inscrit également dans le contexte d’une application stricte ces dernières années du règlement national d’urbanisme, qui rend juridiquement impossible toute construction sollicitée, et d’un rétrécissement de la place de l’État et des services publics. Les territoires ruraux ont le sentiment de ne plus avoir d’avenir !

Or, cela a été dit, ces territoires ont besoin de construire pour accueillir les nouvelles populations qui choisissent de vivre à la campagne – on sait qu’il existe une envie de territoires ruraux –, mais également pour les autochtones soumis à l’assèchement du marché immobilier par les urbains venus les rejoindre.

Il est donc important d’ajuster les modalités d’application de l’objectif légitime du zéro artificialisation nette à la diversité des territoires.

Tel est le but de la proposition de loi que nous examinons et qui pourra être enrichie par les amendements déposés.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, sur l’article.

M. Daniel Gremillet. Je tiens à mon tour à remercier Valérie Létard et Jean-Baptiste Blanc de leur travail. Je les remercie surtout d’être parvenus à un texte qui n’oppose pas les territoires, mais qui, au contraire, les respecte et les rassemble.

Le défi est grand. Nous avons voté de nombreux textes, parmi lesquels il faut instaurer de la cohérence, monsieur le ministre. Nous avons ainsi voté une loi prévoyant l’interdiction de louer les logements qui ne sont pas conformes aux normes d’isolation thermique. Mais leurs propriétaires auront-ils les moyens d’effectuer une rénovation ?

La vie, c’est la naissance et la disparition. Dans un territoire, qu’il soit grand ou petit, il faut permettre la naissance, c’est-à-dire des constructions neuves, mais il faut également gérer les disparitions. Cela signifie, monsieur le ministre, qu’il va obligatoirement falloir mener des réformes fiscales, dont nous n’avons pas encore discuté. Comment allons-nous traiter les friches industrielles, agricoles ou urbaines ?

Surtout, monsieur le ministre, la France a un vaste plan de reconquête industrielle et de réindustrialisation de ses territoires, ainsi que de repositionnement de l’activité économique. Lui aussi nous oblige, car aucune entreprise, locale ou extérieure, ne viendra s’implanter dans un territoire qui n’offre plus de perspectives.

En conclusion, le travail qui a été réalisé sur ce texte doit nous permettre de nous rassembler et de donner de l’espoir à l’ensemble des territoires, sans en exclure aucun. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros, sur l’article.

M. Bernard Delcros. Je m’associe évidemment aux remerciements adressés à nos collègues Valérie Létard et Jean-Baptiste blanc, ainsi qu’à tous ceux qui ont travaillé sur cette proposition de loi.

Monsieur le ministre, j’attire votre attention sur la nécessité de faire preuve de cohérence sur les différents objectifs que le Gouvernement fixe dans un certain nombre de domaines, comme l’objectif de sobriété foncière, que nous partageons.

Le Gouvernement a également fixé des objectifs pour notre modèle agricole, afin de l’adapter au réchauffement climatique : la mise aux normes des bâtiments agricoles, le bien-être animal, la souveraineté alimentaire, le développement des circuits courts et la transformation de nos produits. Or, pour transformer une production laitière, par exemple, ou développer des circuits courts et la vente directe, il faut construire une laiterie et parfois une cave d’affinage.

Tous les objectifs de transformation de notre modèle agricole au cours des années à venir, qui sont importants pour la souveraineté et l’indépendance de la France dans le domaine alimentaire, nécessitent des extensions ou des créations de bâtiments agricoles ! Il faut évidemment tenir compte de ces objectifs, que nous partageons tous, je le sais, dans le cadre du projet de sobriété foncière.

Par ailleurs, je sais que le Gouvernement – votre ministère et d’autres, monsieur le ministre – travaille ardemment au renforcement de l’attractivité des territoires ruraux et qu’un projet de loi pourrait nous être soumis sur ce sujet. Mais pour accroître leur attractivité, les territoires ruraux ont besoin d’accueillir des entreprises et de nouveaux habitants.

Je sais que vous allez me dire que vous êtes d’accord avec cet objectif, monsieur le ministre, mais il faut qu’il se concrétise sur le terrain.

L’idée d’une surface minimale de développement d’un hectare par commune n’est pas aberrante. Nous avons affaire à de petites communes rurales, qui disposent souvent de milliers d’hectares naturels et qui travaillent pour préserver la biodiversité et capter le carbone à travers des forêts ou dans des espaces Natura 2000. Vous le savez, puisque nous avons travaillé ensemble sur ces sujets.

Il est essentiel de sécuriser ces communes, en leur disant que, si elles ont la chance d’accueillir un artisan ou un jeune couple souhaitant s’installer sur leur territoire, elles disposeront d’un hectare.

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Bernard Delcros. Le Gouvernement doit veiller à la cohérence des différents objectifs qu’il fixe. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud, sur l’article.

M. Didier Rambaud. J’évoquerai pour ma part un sujet qui n’est pas abordé dans cette proposition de loi, même si notre collègue Daniel Gremillet l’a mentionné, à savoir l’aspect financier de la question. Je pense que, une fois cette séquence terminée, nous devrons adapter notre fiscalité et la mettre en cohérence avec l’objectif du zéro artificialisation nette.

Notre collègue Jean-Baptiste Leblanc, membre de la commission des finances, a réalisé un rapport sur ce sujet il y a quelque temps. Il va nous falloir nous mettre autour de la table et rendre nos régimes de fiscalité locale cohérents avec l’objectif de sobriété foncière.

Cela signifie qu’il faudra supprimer les règles fiscales manifestement contraires à l’objectif du ZAN. Cela signifie aussi qu’il faudra adopter une fiscalité qui incite à la préservation, voire à la reconquête des espaces agricoles, naturels et forestiers. Cela signifie enfin qu’il faudra adopter une fiscalité qui encourage le renouvellement urbain et la densité.

C’est selon moi le prochain chantier que nous devrons conduire si nous voulons atteindre l’objectif du zéro artificialisation nette.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, sur l’article.

M. Ronan Dantec. Après avoir écouté attentivement les interventions de nos collègues, j’ai l’impression que cette proposition de loi souffre d’un déficit d’explication et de pédagogie assez incroyable !

La droite sénatoriale défend, souvent avec justesse, la production agricole. Or le zéro artificialisation nette est un outil de défense de la production agricole. Les terres que nous consommons aujourd’hui, du fait de l’étalement urbain, sont les meilleures terres maraîchères de Loire-Atlantique et les terres du bassin parisien. Le ZAN va justement permettre de maintenir la production agricole en France, et pas seulement la production extensive.

Les surfaces où seront construits des bâtiments agricoles dans les dix prochaines années ne seront jamais considérées comme des terres artificialisées : elles resteront des espaces naturels, agricoles et forestiers. Ce point n’a pas été bien compris.

L’un des premiers objectifs de la loi Climat et résilience, c’est de maintenir la capacité de production agricole de la France. Je pense que cela parle aux travées de la droite !

Par ailleurs, j’entends dire qu’il faut laisser de la liberté aux territoires et aux communes. Mais si on leur laisse une telle liberté sans l’encadrer, je puis vous dire où seront développés les projets urbains : nous aurons une grande conurbation Nantes-Rennes, ces territoires étant très dynamiques. Et cela ne va pas du tout aider l’est de la France ! Si on laisse toute cette liberté aux territoires, on va continuer d’accroître la différence de développement entre l’Ouest et l’Est, laquelle est aujourd’hui parfaitement documentée.

Au contraire, la loi Climat et résilience doit être une loi d’aménagement du territoire. Le Gouvernement aurait dû la présenter ainsi. Nous devons être clairs et dire précisément que les territoires qui ont peu urbanisé ont plus de droits à construire que les autres, car cela permettra de rééquilibrer le territoire national. La présidente et le rapporteur étaient d’accord sur ce point. Il faut parler d’aménagement du territoire !

Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Darnaud, sur l’article.

M. Mathieu Darnaud. Pour faire écho à ce que vient de déclarer notre collègue Dantec, si l’on veut que la loi permette de faire de l’aménagement du territoire, il faut associer fortement les élus, tout particulièrement les maires, à cette politique.

M. André Reichardt. Très bien !

M. Mathieu Darnaud. Notre collègue Sautarel nous a invités à faire preuve de bon sens. Il a éminemment raison !

À mon tour, je salue le travail du rapporteur et de la présidente de la commission spéciale, parce qu’il a été collégial, mais aussi parce qu’il a été éclairé par cette notion de bon sens.

Le temps est venu, mes chers collègues, de faire en sorte que nos débats puissent être compris dans les territoires. La vertu du texte qui nous est aujourd’hui soumis – on a parlé de la garantie rurale – est justement de pouvoir être entendu et perçu comme une mesure de justice à l’échelle des territoires.

Il faudra veiller, monsieur le ministre, à faire preuve de bon sens tout au long de nos débats et de nos échanges, car c’est ce qu’attendent de nous les élus de nos territoires.

Par ailleurs, je le dis avec solennité, après avoir été, avec Françoise Gatel, rapporteur de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, et pour avoir vu les décrets qui ont été publiés ensuite, je crois que, si nos travaux ne sont pas repris fidèlement dans les décrets, si l’on continue de travailler ainsi, cela ne fonctionnera pas !

Je le dis avant même que nous n’entamions l’examen des amendements, afin que le travail parlementaire ne soit pas réduit à néant et que les élus des territoires puissent le comprendre, ce qu’ils l’appellent de leurs vœux.

Nous devons être vigilants. Si nos travaux ne sont pas repris dans les décrets d’appréciation, autant ne pas perdre notre temps. Les textes qui seront publiés demain doivent être absolument fidèles à nos travaux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Vial, sur l’article.

M. Cédric Vial. Je souhaite revenir sur la notion de consentement que vous avez évoquée, monsieur le ministre, en m’appuyant sur les propos de mes collègues Fabien Genet et Philippe Bas.

Nous avons discuté ici de la loi Climat et résilience – j’ai participé longuement à ces débats –, avec l’objectif d’améliorer un texte qui n’était pas le nôtre. Un certain nombre de mes collègues ont voté ce texte, parce qu’ils ont considéré que la version modifiée par le Sénat était meilleure que celle qui nous avait initialement été présentée. Telle est la raison pour laquelle ce texte a été adopté. À titre personnel, je ne l’ai pas voté, parce que je trouvais le bilan encore trop déséquilibré.

Aujourd’hui, quel est l’objectif de la présente proposition de loi ? Il est encore une fois d’améliorer les dispositions de la loi Climat et résilience, car elles empêchent les territoires de se développer et d’atteindre leurs objectifs. Le texte est trop technocratique, et il ne permet pas assez de différenciations entre les territoires.

À cet égard, je salue le travail qui a été réalisé dans cet esprit-là par la commission spéciale, par notre rapporteur et par sa présidente.

Cela étant, je tiens à être clair, cela ne signifie pas que nous approuvions les objectifs de la proposition de loi. En effet, je ne partage pas la philosophie décliniste de ce texte.

Nous allons devoir relever de nombreux défis : un défi économique – la balance commerciale française est dans une situation catastrophique –, un défi démocratique – nos concitoyens ne croient plus à la capacité d’agir de nos élus – et un défi écologique. Or cette proposition de loi, telle qu’elle nous est soumise, ne permettra pas de relever ces défis. Nous faisons face également à un enjeu en termes d’aménagement du territoire.

Nous allons travailler sur ces questions et améliorer le texte aujourd’hui, je l’espère,…

Mme la présidente. Il faut conclure !

M. Cédric Vial. … mais cela ne vaut pas consentement de notre part. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Genet, sur l’article.

M. Fabien Genet. Mon collègue Cédric Vial n’ayant pas pu achever son intervention sur l’aménagement du territoire, je vais le faire à sa place, puisque nous travaillons ensemble sur ces sujets.

Nous sommes très nombreux à parler d’aménagement du territoire, mais, aujourd’hui, monsieur le ministre, il faudrait peut-être passer des mots à l’action ! Pour nous, une politique d’aménagement du territoire ne peut se réduire au simple accompagnement des grandes tendances de ces dernières décennies, comme la métropolisation et le déménagement dans les territoires ruraux.

Nous en avons parlé ici il y a quelques jours, la fermeture de la maternité d’Autun en Saône-et-Loire montre malheureusement que, dans un certain nombre de territoires en déclin, le déménagement suit le déménagement et en provoque un nouveau.

Monsieur le ministre, pour que vous quittiez cette assemblée en étant conscient que nous pouvons vous présenter des solutions, nous vous proposons de réinvestir ces territoires en déclin. Dans une commune comme Autun, par exemple, qui est passée de 20 000 à 13 000 habitants en quelques décennies, de nombreux logements vacants peuvent être reconquis. Mais, pour cela, il faut une véritable volonté.

C’est pourquoi d’ailleurs j’avais déposé un amendement visant à prévoir l’inscription dans le Sraddet d’un certain nombre d’éléments sur la politique de réindustrialisation, mais il a malheureusement été déclaré irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution. La lecture qu’en a faite la commission spéciale nous prive d’un débat ; cela m’inquiète, car parler d’artificialisation sans évoquer les éléments que l’on peut faire figurer dans le Sraddet me semble quelque peu équivoque.

Favoriser le développement économique des territoires en déclin serait un bon moyen d’utiliser les aménités qui les composent et les espaces qui y ont déjà été artificialisés dans le passé, afin de ne pas en artificialiser de nouveaux dans le futur.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Breuiller, sur l’article.

M. Daniel Breuiller. Je formulerai trois remarques.

Premièrement, nous sortons d’une période sans ZAN, marquée par la dévitalisation rurale et l’hypermétropolisation, qui n’ont pas empêché l’étalement urbain. Le ZAN n’est donc pas la cause des difficultés que nous connaissons.

M. Fabien Genet. Il n’est pas forcément la solution non plus !

M. Daniel Breuiller. Écoutons-nous, cher collègue, nous sommes au Sénat ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Le ZAN n’est pas non plus la cause de la multiplication des taches commerciales en périphérie des villes. La confiance dans les maires n’a pas empêché le développement d’immenses taches commerciales ici ou là, lesquelles défigurent notre pays sans contribuer à son développement économique. Je tenais à le signaler.

Deuxièmement, il est vrai qu’il manque un propos descriptif dans le texte sur la volonté d’aménagement du territoire, notamment sur le rééquilibrage entre métropoles et territoires ruraux. Cette description fait défaut lorsque l’on débat du ZAN. J’entends les demandes de respect et d’espoir qui sont formulées. Je pense d’ailleurs qu’il faut apporter des réponses à ces demandes.

Troisièmement, il manque un volet financier dans le texte. En tant qu’élu d’une commune du Grand Paris, j’ai fait le tour de toutes les villes concernées par la création de la métropole.

Je me souviens que tous les maires nous présentaient alors, comme leur principal atout, qui une usine, qui le siège social de telle ou telle petite entreprise, y compris les élus de villes dont le territoire comprenait des bois, des forêts ou des terres agricoles.

Ces atouts sont pourtant bien plus importants pour l’équilibre de la métropole qu’une usine de cinquante salariés ! Or personne ne rémunère ni les terres agricoles ni les espaces forestiers, alors qu’ils sont essentiels à notre survie. Nous parlons en effet de survie, y compris de celle de l’humanité !

Il faudra un jour examiner aussi ce volet financier. (MM. Jean-Claude Tissot et Patrice Joly, ainsi que Mme Angèle Préville, applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.

M. Guillaume Gontard. Cela a été dit, l’objectif du zéro artificialisation nette à l’horizon de 2050 est partagé par tous,… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Paccaud. Nous n’avons jamais dit cela !

M. Guillaume Gontard. … parce que c’est une nécessité absolue pour notre agriculture, notre souveraineté alimentaire et la préservation de la biodiversité.

Je salue cet objectif, fixé par la Convention citoyenne pour le climat. C’est le seul qui a été retenu et qui figure dans un texte.

M. André Reichardt. Il ne sera jamais tenu !

M. Guillaume Gontard. Pour une fois, une politique est prévue sur le temps long. Il est assez rare que des objectifs ou des orientations soient fixés à l’horizon de 2050. Certes, il ne sera pas facile de les atteindre, mais il faut s’en donner les moyens à court et à moyen termes, puis jusqu’en 2050.

J’évoquerai ensuite la question de l’urbanisme et du projet de territoire. Oui, cet objectif sera difficile à atteindre, mais si l’on ne travaille pas sur les questions d’urbanisme et d’aménagement du territoire, au plus près des territoires, on n’y arrivera pas. Le seul bon sens ne suffira pas ! Il n’est pas assez précis et ne règle en général jamais rien.

Comme l’a rappelé mon collègue, nous n’avons pas attendu le ZAN pour connaître des problèmes de désertification dans les territoires ruraux. Cette dernière s’explique par le manque de services publics, par un défaut d’anticipation ou par des problèmes de transport. C’est sur ces questions qu’il faut travailler.

À titre d’exemple, dans une intercommunalité de 10 000 habitants, ce sont les communes qui ont mis en place un PLU très exigeant qui ont gagné le plus d’habitants au cours des dix dernières années. (Mme Nicole Bonnefoy applaudit.)