M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour la réplique.

Mme Véronique Guillotin. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.

Il est important de différencier le seuil de qualité et le seuil sanitaire. En outre, comme vous l’avez dit, il semble nécessaire aujourd’hui d’investir dans la recherche en santé humaine, afin de rendre les plus précises possible les mesures de la qualité de l’eau, qui est indispensable.

pollutions de l’eau

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Joël Labbé. La semaine dernière, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a révélé qu’un tiers de notre eau potable n’était pas conforme à la réglementation.

Le pire selon nous, monsieur le ministre de l’agriculture, c’est que vous mettez en cause le travail scientifique de l’Anses en contestant ses décisions, notamment concernant le retrait du S-métolachlore. (M. le ministre de lagriculture fait un signe de dénégation.) De ce fait, la crédibilité de votre politique en matière de pesticides et de qualité de l’eau s’effrite de jour en jour.

Que répondez-vous à la population inquiète de boire de l’eau du robinet ? Que répondez-vous aux collectivités qui s’interrogent sur les coûts de dépollution ? Que répondez-vous aux agriculteurs qui n’utilisent pas les pesticides et qui ne sont pas responsables de la pollution ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Labbé, je vous remercie de votre question, qui me permet d’apporter un certain nombre de précisions

Tout d’abord, à aucun moment, vous pouvez le vérifier dans tous les verbatims de mes propos – nous assistions hier ensemble à une réunion –, je n’ai remis en cause les analyses scientifiques, notamment celles de l’Anses. J’ai simplement posé la question – a-t-on encore le droit d’en poser dans ce pays ? –, alors que notre agriculture s’inscrit dans un cadre européen, de la synchronisation et de la chronologie de nos décisions.

Personne ne remet en cause l’étude de l’Anses sur le S-métolachlore, mais un travail est en cours sur ce sujet au niveau européen. Il y a donc, me semble-t-il, un risque de désynchronisation. Telle est la question que j’ai posée.

M. Thomas Dossus. Vous cherchez à gagner du temps !

M. Marc Fesneau, ministre. Ensuite, saluons le travail qui a été réalisé sur les molécules présentant le plus de risques, celles qui sont classées comme cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques, les CMR1 : leur utilisation a été réduite de 96 % depuis 2016. C’est là un résultat tangible des différents plans que nous avons mis en œuvre, en particulier le plan Écophyto.

Par ailleurs, nous comptons aller plus loin, pour les raisons qui ont été évoquées à l’instant. Il est nécessaire de réduire l’utilisation des produits phytosanitaires. Vous me trouverez toujours sur ce chemin. La différence entre vous et moi, c’est qu’il me semble que, pour progresser en ce sens, il faut agir en bon ordre et dans le cadre d’une planification.

L’interdiction, je l’ai déjà dit, ne produit pas la solution. Elle produit de la distorsion de concurrence à l’échelon européen. En effet, à l’extérieur de nos frontières européennes, dans le même espace de marché, des producteurs utilisent ces produits, qui sont autorisés chez eux. Nous devons donc travailler en Européens.

M. Marc Fesneau, ministre. De même, nous devons procéder à une planification. Sous l’autorité de la Première ministre, nous avons ainsi décidé d’interdire, filière par filière, molécule après molécule, le recours aux produits qui ne doivent plus être utilisés et d’étudier les solutions de remplacement potentielles. Il faut le faire dans cet ordre, afin que, à chaque interdiction, corresponde une solution.

Sinon, je vais vous dire ce qui va se passer, monsieur Labbé : nous n’aurons plus d’agriculture (Exclamations sur les travées du groupe GEST.) et nous trouverons à l’intérieur de nos frontières des produits ayant été cultivés avec des substances dont nous ne voulons pas ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.

M. Joël Labbé. Monsieur le ministre, lorsqu’il y a urgence, on n’a plus le temps de prendre son temps !

Au lieu de rester sur la défensive, vous auriez pu nous parler de l’étude prospective de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), intitulée Vers une Europe sans pesticides en 2050. Cette étude montre que c’est possible,…

M. Marc Fesneau, ministre. En 2050 !

M. Joël Labbé. … à condition de définir des trajectoires pour y parvenir sans rupture. Selon les conclusions de cette étude, cette transition nécessite des politiques publiques cohérentes et articulées.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, mon mandat va très bientôt prendre fin. Je me suis donc penché sur mon passé de sénateur. Or la quasi-totalité des questions que j’ai posées au Gouvernement depuis 2011 a concerné la lutte contre les pesticides et leurs méfaits, ainsi que le soutien à l’agriculture biologique, qui n’a pas recours aux pesticides et préserve la biodiversité.

Aujourd’hui, quand on fait le bilan, très peu de choses ont avancé. Les pesticides sont toujours dans la place, sur le sol, dans l’eau et dans l’air. L’agriculture biologique reste un parent pauvre, et cela malgré la succession des ministres de l’agriculture.

Je me dis avec dépit que les ministres passent, mais que la biodiversité et la santé, hélas, trépassent ! (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE. – M. Julien Bargeton sexclame.)

préservation des patrimoines historiques communaux

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la culture.

Le patrimoine culturel immobilier, c’est surtout ce que nos ancêtres ont bâti au cours des siècles – les églises, notamment, qui maillent l’ensemble de notre territoire. Dans nos villes comme dans nos campagnes, ces édifices sont un trait saillant du visage de la France, et ils contribuent à sa tenue et à son rayonnement.

Nous avons le devoir de préserver ces richesses héritées, pour les transmettre aux générations futures, lesquelles, à leur tour, en seront responsables. Cette noble mission de conservateur et de passeur nous incombe aujourd’hui, madame la ministre, et nos communes sont en première ligne, puisqu’elles sont propriétaires d’une grande part des monuments et bâtiments historiques.

Face aux défis protéiformes de la préservation patrimoniale, dont l’ampleur ne cesse d’enfler, les communes peinent à conserver et à valoriser ces trésors. Elles rencontrent également des difficultés à les assurer, madame la ministre, car le secteur privé n’a pas développé les réponses idoines. Les élus locaux, notamment nos maires, se sentent démunis.

Il est urgent d’engager une vaste réflexion sur la préservation du patrimoine communal et la capacité de l’assurer.

Comment le Gouvernement appréhende-t-il la menace qui pèse sur le patrimoine, madame la ministre ? Comment compte-t-il accompagner les communes qui ne parviennent pas à trouver une solution ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – MM. Sébastien Meurant et Alain Duffourg applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture. Madame la sénatrice Paoli-Gagin, j’adhère à chaque mot de votre constat, de même que je partage l’attachement de tous les Français à leur patrimoine, notamment dans les petites communes.

J’étais hier à Conty, dans la Somme. J’ai pu constater l’engagement de l’État et de l’ensemble des collectivités territoriales pour restaurer l’église du XVIe siècle dans cette commune de 1 800 habitants. Nous finançons à hauteur de 40 % ces travaux, dans le cadre du fonds incitatif patrimonial.

Ce nouveau dispositif, qui a été lancé en 2018 et dont j’ai augmenté le budget de 12 % en 2023, permet d’abonder les crédits de l’État quand les régions s’engagent. Depuis 2018, il a permis de financer près de 600 chantiers, dont 77 % sont menés dans des communes de moins de mille habitants. C’est une première réponse.

Nous avons accru ce budget, parce qu’il s’inscrit dans une ambition très forte pour les monuments historiques, avec des crédits globaux sans précédent, qui atteignent presque 470 millions d’euros en 2023, soit 7 % de plus que l’année dernière et, surtout, 40 % de plus que dans le dernier budget du quinquennat de François Hollande. Il s’agit donc d’un investissement massif en faveur des monuments historiques.

De fait, l’État a la responsabilité, depuis la loi de 2004, des monuments protégés comme monuments historiques, inscrits ou classés.

Vous soulevez au travers de votre question l’enjeu du patrimoine non protégé – en effet, pour le patrimoine protégé, nous sommes au rendez-vous, y compris dans les petites communes.

Deux leviers existent. Tout d’abord, il y a les fonds interministériels des préfectures, comme la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) ou la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR). Dans la Somme, ils représentent quelque 4 millions d’euros pour une centaine d’églises. Ensuite, il y a le loto du patrimoine, que nous avons créé. La moitié des sites que ce dispositif permet de préserver sont non protégés.

Évidemment, il faut mener une réflexion, avec l’ensemble des partenaires, la Fondation du patrimoine et les collectivités territoriales, pour aller plus loin. Les enjeux sont immenses. Nous sommes à la tâche ! (MM. François Patriat et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour la réplique.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Je vous remercie, madame la ministre.

On pourrait envisager un fonds d’aide accessible à toutes les communes qui ne sont pas en mesure d’assurer leur patrimoine immobilier. Il viendrait utilement compléter celui qui a été proposé récemment par M. Stéphane Bern et il permettrait de mobiliser concrètement l’État aux côtés des communes, en faveur de ce patrimoine qui ne relève pas de sa compétence.

Nous devons, ensemble, relever le défi de la préservation de ce patrimoine remarquable ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Sonia de La Provôté et Mme Laure Darcos applaudissent également.)

reprise de l’entreprise segault

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Après le rachat par l’américain Heico de l’entreprise Exxelia, fleuron français de l’électronique, c’est à présent la PME Segault qui menace de passer sous pavillon américain.

Pour ceux d’entre vous qui ne la connaissent pas, mes chers collègues, je rappelle que cette PME fabrique, entre autres, les pièces de robinetterie de haute technologie qui équipent nos centrales nucléaires et les chaufferies de nos sous-marins nucléaires, ou encore celles de notre porte-avions Charles-de-Gaulle – c’est pourquoi j’associe à ma question M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Indispensable au nucléaire civil comme militaire, Segault entre, à double titre, dans le champ des secteurs stratégiques visés par la réglementation sur le contrôle des investissements étrangers.

Si nous ne pouvons pas envisager que cette entreprise passe sous contrôle américain, monsieur le ministre, c’est parce que le Patriot Act permet au Gouvernement américain de demander l’accès à tout type d’information détenue par une entreprise américaine, quelle que soit sa localisation dans le monde et sans aucune justification.

Ainsi, dans le champ de compétences de Segault, des informations, même partielles, sur la conception de nos infrastructures nucléaires pourraient être transmises sans obstacle juridique. Il y a donc un double enjeu, de souveraineté industrielle et de souveraineté militaire.

Le Président de la République se gargarise aujourd’hui d’avoir gagné la bataille idéologique de l’autonomie stratégique. Chiche ! Il y a là un magnifique cas d’espèce.

Quels outils juridiques et quels moyens financiers allez-vous mobiliser pour que Segault revienne durablement dans le giron français ? Allez-vous activer, monsieur le ministre, le décret de 2014 relatif au contrôle des investissements étrangers ? Allez-vous chercher des acquéreurs nationaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et CRCE. – MM. Henri Cabanel et Rachid Temal applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Madame Sophie Primas, le robinetier français Segault est un fleuron de l’industrie nucléaire française, vous l’avez dit. Il intervient principalement dans la fabrication des sous-marins nucléaires, mais également dans celle des réacteurs nucléaires. C’est donc Roland Lescure qui aurait dû répondre à votre question. Je vous prie d’excuser son absence : il est retenu aux Pays-Bas, où il accompagne le Président de la République.

Segault est actuellement détenu par l’entreprise canadienne Velan. La famille Velan a communiqué récemment sur des discussions poussées qui sont en cours avec un autre grand robinetier américain, Flowserve. Un accord de rachat par cette société des activités de Velan, y compris Segault, pourrait être conclu d’ici à l’été.

Bien sûr, nous sommes particulièrement vigilants, parce que Segault est une entreprise stratégique et parce que les États-Unis, comme vous l’avez rappelé, disposent d’une réglementation particulièrement offensive, qui pourrait menacer la confidentialité et la souveraineté des informations relatives aux technologies développées par Segault.

Cette opération sera évidemment soumise à la procédure de contrôle des investissements étrangers. Le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, avec le concours du ministère des armées et du ministère de la transition énergétique, statuera sur les risques d’un tel rachat et sur les suites à donner. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour la réplique.

Mme Sophie Primas. En 2015, le ministre de l’économie a commis l’erreur stratégique de céder Arabelle et ses turbines nucléaires à General Electric dans le cadre du rachat d’Alstom.

Monsieur le ministre, je vous engage à ne pas commettre deux fois la même erreur ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, SER et CRCE. – M. Henri Cabanel applaudit également.)

déplacement du président de la république en chine

M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Pascal Allizard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 8 janvier 1964 – il y aura bientôt soixante ans – le général de Gaulle, en conseil des ministres, déclarait : « La Chine est là. Vivre comme si elle n’existait pas, c’est être aveugle ». Le 27 janvier suivant, la reconnaissance par la France de la République populaire de Chine était annoncée, dans un environnement international pas forcément plus conciliant que celui que nous connaissons aujourd’hui. Quelle vision !

Le Président de la République rentre de Chine. Nous approuvons ce voyage, qui nous confirme que, finalement, la Chine garde son cap, en fonction de ses seuls intérêts stratégiques.

Dès lors, monsieur le ministre, pourquoi cette déclaration à l’emporte-pièce sur Taïwan ? Entre Europe, Chine et États-Unis, quelle est la stratégie française ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER. – M. André Gattolin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Pascal Allizard, de nouveau, je vous prie d’excuser l’absence de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères Catherine Colonna, qui est en déplacement.

En matière diplomatique, j’ai tendance à me référer aux éléments mûrement réfléchis qui me sont fournis.

M. Jérôme Bascher. Pas comme le Président de la République !

M. Olivier Véran, ministre délégué. Je vais donc vous les communiquer.

Comme vous l’avez rappelé, le Président de la République a effectué une visite d’État en Chine du 5 au 8 avril dernier. Il était accompagné par la présidente de la Commission européenne.

Cette visite avait plusieurs objectifs.

D’une part, il s’agissait de relancer la relation, en particulier dans le domaine des échanges humains. À ce titre, des accords ont été conclus dans le domaine du développement durable, de la coopération culturelle et de l’économie agroalimentaire et aéronautique.

M. Rachid Temal. Nous avons lu le journal !

M. Olivier Véran, ministre délégué. D’autre part, l’enjeu était d’avoir un dialogue franc sur l’Ukraine. Le Président de la République a fait valoir les positions européennes, a appelé la Chine à s’engager dans la recherche d’une solution et a alerté son homologue chinois sur les conséquences que tout soutien militaire à la Russie aurait sur la relation entre Union européenne et Chine.

Des points de convergence sont ainsi apparus : l’opposition à l’emploi de l’arme nucléaire, le respect du droit international humanitaire et la nécessité de trouver une issue au conflit sur la base du droit international.

M. Rachid Temal. Et Taïwan ?

M. Olivier Véran, ministre délégué. Un autre enjeu de ce déplacement était de marquer notre unité européenne. La présence de la présidente de la Commission était un point essentiel pour le Président de la République, qui tenait à montrer que les Européens ont leurs propres intérêts et qu’ils les assument dans un dialogue exigeant avec Pékin.

M. Rachid Temal. Et Taïwan ?

M. Olivier Véran, ministre délégué. Enfin, monsieur le sénateur, vous connaissez le souhait de la France de travailler à un agenda commun avec la Chine sur les enjeux globaux.

M. Rachid Temal. Et Taïwan ?

M. Olivier Véran, ministre délégué. Le Président de la République a ainsi souligné la dynamique positive qui prévaut dans le domaine du climat et de la biodiversité. Il a invité la Chine au sommet de juin prochain sur le nouveau pacte financier, et on lui a indiqué qu’elle y serait représentée à haut niveau.

M. Rachid Temal. Et Taïwan ?

M. Olivier Véran, ministre délégué. En ce qui concerne Taïwan, j’ai eu l’occasion de répondre à l’occasion d’une précédente question. J’ai donc souhaité éviter une redite, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour la réplique.

M. Pascal Allizard. Le rapprochement russo-chinois est un fait géopolitique sur lequel nous n’avons eu aucune prise, monsieur le ministre.

La France qui, je le crois, est fermement attachée au droit, à la liberté de navigation et à l’avenir de l’Indopacifique ne peut rester étrangère à la montée des tensions autour de Taïwan, où les incursions militaires chinoises sont de plus en plus fréquentes et structurées.

Sur les États-Unis, j’avais publié avec plusieurs de mes collègues du Sénat un rapport intitulé, pour illustrer notre relation, Amis, alliés, mais pas alignés. Malgré leurs inélégances australiennes, les Américains demeurent nos alliés ultimes. Dans les faits, nous ne sommes pas capables de soutenir un conflit de haute intensité, et nos partenaires de l’Union européenne le sont encore moins.

Une tentative d’action de vive force sur Taïwan par la Chine, comme celle qui a été perpétrée en Ukraine par la Russie, n’est plus à exclure. L’Armée populaire s’y prépare au quotidien. Nous devons donc rester extrêmement prudents dans toutes nos déclarations. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER. – MM. Julien Bargeton, André Gattolin et Claude Malhuret applaudissent également.)

rémunération des remplaçants hospitaliers

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. Jean-Claude Tissot. Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé.

La semaine dernière, le conseil de surveillance du centre hospitalier du Forez a acté la fermeture des urgences de Feurs, dans la Loire.

Les urgences les plus proches sont désormais à Montbrison. Pour des milliers de personnes, c’est à plus de trente minutes de route. Or, comme vous le savez, de délai représente un seuil critique, au-delà duquel la perte de chance est réelle.

À l’inquiétude des patients s’ajoutent les alertes des professionnels du soin. Les pompiers volontaires nous disent ainsi que la longueur des trajets risque non seulement de rendre les employeurs réticents à laisser leurs salariés s’engager, mais aussi de dissuader les volontaires eux-mêmes.

Cette situation n’est pas isolée. Les risques de fermetures de services d’urgences ou de maternités se multiplient : à l’hôpital Sud-Gironde de Langon-La Réole, à l’hôpital de Carpentras, dans les centres hospitaliers de Guingamp et de Carhaix, à l’hôpital de Ruffec en Charente…

Dans tous ces hôpitaux, l’entrée en application de la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist, qui encadre la rémunération de l’intérim médical, a agi comme un détonateur.

Il est certes nécessaire de lutter contre le mercenariat de certains intérimaires, qui grève les budgets hospitaliers, nous l’avons déjà dit dans cet hémicycle. Mais, en ne ciblant que les établissements publics, et sans travail sur l’attractivité de l’hôpital, la mesure ne pouvait qu’entraîner des effets pervers. Nous en voyons aujourd’hui les conséquences. Qu’allez-vous faire pour y remédier, monsieur le ministre ?

Pour Feurs, une solution de substitution proposée par la cheffe des urgences, le docteur Massacrier, permettrait de maintenir une ligne de garde d’urgence jusqu’en juin prochain – solution que j’ai proposée à votre cabinet. Autoriserez-vous cette organisation, monsieur le ministre, afin de maintenir le service ouvert le temps de trouver d’autres solutions ?

Concernant les intérimaires, allez-vous rétablir l’équité de traitement entre établissements publics et privés ? Il est clair que le Ségur n’a pas suffi à redonner de l’attractivité aux carrières médicales hospitalières…

Monsieur le ministre, allez-vous enfin proposer une réforme d’ampleur pour revaloriser les salaires et améliorer les conditions de travail à l’hôpital ? Ou attendrez-vous qu’il y ait encore dix, cinquante ou cent fermetures, comme à Feurs ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Monsieur le sénateur Tissot, je vous remercie d’avoir rappelé le consensus que suscite la mise en application de la loi Rist, notamment de son article 33 sur le plafonnement de l’intérim médical. C’est bien sûr contre les dérives de ce dispositif que nous luttons, et aucunement contre son principe même.

Pourquoi lutter contre ces dérives de l’intérim ? Parce qu’elles menacent notre service public hospitalier en aspirant nos praticiens. Elles risquent, à très court terme, de détruire encore plus de services et encore plus d’établissements.

Cette lutte va de pair avec un travail, que je mène avec les représentants des médecins hospitaliers, sur l’amélioration des conditions de travail à l’hôpital. L’objectif est de faire revenir ceux qui sont partis et de maintenir ceux qui sont toujours en place.

Comme je m’y suis engagé, nous recherchons des solutions territoire par territoire, avec les professionnels de santé, les élus, les représentants des patients et les agences régionales de santé, pour que la continuité des soins soit assurée.

Je me réjouis que des propositions soient formulées pour le cas de Feurs, d’autant que cet établissement est en grande difficulté structurelle depuis plusieurs années, comme vous le savez, avec des fermetures itératives, le plus souvent liées aux dérives de l’intérim médical.

Je me réjouis qu’une solution ait été trouvée pour le site de Montbrison, qui est distant de 20 kilomètres et où les urgences vitales étaient déjà assurées depuis longtemps. S’agissant des autres urgences, nous cherchons une solution locale, plus pérenne.

Vous avez évoqué plusieurs autres établissements. Le service des urgences de Langon est effectivement en difficulté, et nous travaillons sur ce dossier. À Guingamp, le problème porte sur la maternité, mais il est structurel et date, là encore, malheureusement, de plusieurs années.

Nous surveillons au plus près l’ensemble de ces situations, pour adapter les dispositifs territoire par territoire. L’amélioration des conditions de travail à l’hôpital fera l’objet de propositions avant la fin du mois de juin prochain, lors de la remise du rapport que j’ai demandé. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

exportation des céréales françaises

M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Chantal Deseyne. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Monsieur le ministre, à partir du 25 avril, la France s’interdit d’exporter ses céréales en dehors de l’Union européenne. En cause, la phosphine, un insecticide considéré comme dangereux par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), mais pas par nos partenaires européens.

Cet insecticide, utilisé pour la fumigation des cales de bateaux céréaliers, est exigé par les importateurs de cargaisons de blé, notamment dans les pays extraeuropéens, en particulier pour nos marchés en Afrique du Nord et de l’Ouest.

Or l’Anses a décidé, de façon unilatérale, de ne plus permettre l’usage de la phosphine, qui reste pourtant homologuée, en contact direct avec les céréales.

Paradoxalement, les céréales importées en France continueront, elles, à être traitées à la phosphine. En effet, aucune réglementation européenne n’interdit l’utilisation de cet insecticide. C’est un non-sens total !

Comment l’Anses a-t-elle pu édicter une telle règle sans concertation ? A-t-on bien mesuré les conséquences de cette interdiction ? Cette sentence est également dramatique pour les pays du bassin méditerranéen qui dépendent de la France et dont la sécurité alimentaire est menacée par cette décision absurde.

Aussi, monsieur le ministre, j’aimerais connaître les solutions que le Gouvernement peut proposer pour préserver nos exportations de céréales et empêcher les crises alimentaires dans les pays qui dépendent de nos exportations. Envisagez-vous de réautoriser l’usage de la phosphine malgré la décision de l’Anses ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)