M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 355.

Mme Raymonde Poncet Monge. Cet article rompt avec plusieurs principes fondamentaux tant de notre protection sociale que de notre système assurantiel de chômage.

Tout d’abord, le texte prétend reprendre en l’état les droits et devoirs des allocataires du RSA. Or il n’y a jamais eu pour eux de devoir automatique et systématique d’être en recherche d’emploi, c’est-à-dire en situation de se voir proposer une offre d’emploi dont le refus pourrait conduire à une radiation. En outre, rien n’est précisé sur les conséquences qu’aurait une éventuelle radiation sur l’allocation, alors que celle-ci vaut désormais inscription comme demandeur d’emploi. On entre ainsi dans une boucle complètement absurde.

Ensuite, cet article éloigne encore plus le revenu de solidarité de son objectif premier, qui est de garantir à tout citoyen une assistance pour survivre – on ne peut pas dire autrement compte tenu du montant de l’allocation. En effet, si tous les allocataires du RSA sont d’abord des demandeurs d’emploi, le RSA devient une prestation de chômage non contributive de solidarité – c’est ainsi qu’il faudra désormais le désigner.

La confusion est totale et l’on passe d’un droit à un revenu minimum d’existence – droit social acquis à tout citoyen dans un objectif de lutte contre l’extrême pauvreté – à une prestation dont la conditionnalité est renforcée par la possibilité pour le nouvel opérateur France Travail de prendre la main sur les sanctions de suspension de l’allocation. C’est ainsi que l’on consacre la soumission – pour peu qu’il ne s’agisse pas d’une croyance – à une politique d’activation, non pas des prestations – comme c’était encore le cas, hier – mais des personnes, auxquelles l’on ne reconnaît d’ailleurs comme activité que l’emploi.

Il s’agit donc d’une rupture inédite avec l’histoire et la dynamique de construction du droit social français et d’une pression mise sur les plus précaires.

Pour toutes ces raisons, cet amendement vise à supprimer l’article 1er de ce projet de loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur. La commission, ayant adopté l’article 1er, émet un avis défavorable sur ces amendements de suppression.

L’inscription obligatoire permettra surtout aux opérateurs de procéder à une meilleure orientation des personnes. Cela ne signifie pas que ceux qui seront inscrits auront pour seul choix de travailler ou d’être radiés. Les situations seront examinées au cas par cas, afin de déterminer s’il faut mettre en place un accompagnement en matière professionnelle ou sociale.

La commission considère que les dispositions de l’article 1er amélioreront la visibilité des acteurs du service public de l’emploi. L’ensemble du public sans emploi doit bénéficier d’un accompagnement soit professionnel soit social.

Ces dispositions permettent de matérialiser l’objectif d’accès ou de retour à l’emploi, qui est celui que l’on doit viser dans l’accompagnement des personnes sans emploi tout en tenant compte de leur situation.

Elles répondent à l’ambition du présent projet de loi, qui est de ramener le plus grand nombre de personnes vers l’emploi, grâce à un meilleur accompagnement.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 243 rectifié et 355.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 611 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Artano, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol et Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer les mots :

auprès de l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1

La parole est à Mme Véronique Guillotin.

Mme Véronique Guillotin. Cet amendement vise tout simplement à apporter une clarification.

L’étude d’impact précise que pour simplifier les démarches et raccourcir les délais, l’inscription auprès de France Travail sera automatique, notamment pour les personnes sollicitant un accompagnement auprès des missions locales et de Cap emploi, dès le dépôt de la demande de RSA.

Elle précise également que l’inscription sera possible à travers un réseau physique bénéficiant d’un maillage renforcé sur l’ensemble du territoire pour accompagner les différents publics en difficulté, ce qui permettra d’assurer l’inscription de toutes les personnes dépourvues d’emploi et en difficulté, qui ne sollicitent pas spontanément un service public d’accompagnement.

Aussi, conformément à la logique qui a inspiré ce projet de loi, cet amendement vise à rappeler que toutes les inscriptions ne doivent pas obligatoirement se faire auprès de l’opérateur France Travail.

M. le président. L’amendement n° 594, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. - Alinéas 4, 19 et 20

Remplacer les mots :

l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1

par les mots :

l’opérateur France Travail

II. - Alinéa 24

Remplacer les mots :

L’institution mentionnée à l’article L. 5312-1

par les mots :

L’opérateur France Travail

La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Dussopt, ministre. Cet amendement est le premier d’une série qui vise à rétablir le changement de dénomination de Pôle emploi en France Travail.

J’ai indiqué au début de la discussion générale que nous pensions qu’il était utile d’identifier le projet France Travail grâce au changement de nom de l’opérateur tout en indiquant qu’il n’y avait là aucune volonté hégémonique. Cet opérateur n’est pas doté de nouvelles compétences, si ce n’est de mettre en œuvre des outils méthodologiques ou numériques au service de l’ensemble du réseau – ce que j’ai appelé le patrimoine commun –, par exemple un référentiel de formation ou de parcours.

Nous vous proposons donc de rétablir l’appellation France Travail qui permet de mieux identifier le projet de l’opérateur principal.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Pôle emploi est déjà responsable de la liste des demandeurs d’emploi. Il est donc logique que ce soit cet opérateur qui conserve cette responsabilité, même si tous les demandeurs y seront inscrits.

Le texte prévoit, bien entendu, des échanges d’informations et l’interopérabilité des systèmes d’information, ce qui facilitera le partenariat entre les opérateurs en vue d’une meilleure orientation.

Soyez rassurée, madame Guillotin : les départements resteront responsables des bénéficiaires du RSA et les missions locales demeureront compétentes pour l’orientation et le suivi des jeunes.

La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 611 rectifié.

Quant à l’amendement n° 594, M. le ministre ne sera pas surpris par notre avis défavorable. En effet, utiliser le même nom pour le réseau et pour l’opérateur crée de la confusion, comme le Conseil d’État l’a souligné.

De plus – c’est le sens des très nombreux messages hostiles à ce nouveau nom que nous avons reçus –, cela crée une hiérarchie entre les différents opérateurs, que nous ne souhaitons pas. Les missions locales sont présidées par des élus et nous ne voulons pas que Pôle emploi devienne le chef suprême du réseau.

Par ailleurs, ce changement aura forcément un coût, alors que Pôle emploi semble désormais à peu près bien identifié – bien que j’entende encore parfois parler de l’ANPE.

Enfin, ni les missions locales ni Cap emploi ne changent de nom. Pourquoi donc faudrait-il que Pôle emploi prenne le nom de France Travail ?

La clarté et la lisibilité plaident pour que la dénomination reste en l’état, ce qui n’empêche pas de bâtir une meilleure organisation et de meilleurs partenariats, afin que tous les acteurs travaillent main dans la main au profit des personnes éloignées de l’emploi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, ministre. Pour les mêmes raisons que celles qu’a exposées Mme le rapporteur, je demande le retrait de l’amendement n° 611 rectifié ; à défaut, le Gouvernement y sera défavorable.

L’inscription auprès de Pôle emploi – qui deviendra peut-être, demain, France Travail – vaut surtout pour l’accompagnement professionnel. Or, il faut faire en sorte que l’accompagnement soit double, à la fois social et professionnel.

Toutefois, les usagers qui demanderont le RSA et qui seront ensuite inscrits auprès de Pôle emploi continueront d’être suivis par le département.

Certes, l’avis défavorable de la commission sur l’amendement du Gouvernement ne me surprend pas, mais il m’attriste malgré tout. C’est un des points de désaccord avec Mme le rapporteur que nous n’avons pas su surmonter au cours de nos discussions préparatoires. J’en prends acte, mais je persiste à penser que ce changement de nom serait utile.

M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour explication de vote.

M. Hervé Gillé. Je comprends mal pourquoi les amendements nos 611 rectifié et 594 font l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 611 rectifié vise à supprimer l’obligation faite aux opérateurs d’inscrire à Pôle emploi les personnes qu’ils suivent et nous y souscrivons.

L’objet de l’amendement n° 594 est tout autre, puisqu’il s’agit de renommer Pôle emploi en France Travail, et nous y sommes opposés. En effet, si la tête de réseau Pôle emploi s’appelle France Travail, il se créera forcément, à moyen terme, un lien de subordination avec les autres opérateurs. C’est une évidence et nous savons très bien que c’est là ce que vous recherchez, monsieur le ministre, car vous voulez affirmer la gouvernance de Pôle emploi sur l’ensemble des opérateurs.

Nous voterons contre l’amendement n° 594, mais nous voterons pour l’amendement n° 611 rectifié.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 611 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 594.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 238 rectifié est présenté par Mmes Poumirol, Jasmin, Féret, Le Houerou, Meunier et Lubin, M. Kanner, Mme Conconne, MM. Fichet et Jomier, Mme Rossignol, MM. Gillé, Redon-Sarrazy et Devinaz, Mmes Artigalas et Monier, M. Houllegatte, Mme Harribey, MM. Tissot, Bouad et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Jacquin, Mmes G. Jourda, M. Filleul, Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 356 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour présenter l’amendement n° 238 rectifié.

Mme Émilienne Poumirol. Ainsi que vient de le rappeler l’un de nos collègues, l’inscription obligatoire des bénéficiaires du RSA sur la liste des demandeurs d’emploi auprès de Pôle emploi n’a pas de sens.

En effet, la demande de RSA résulte bien souvent d’un échec de l’accompagnement par Pôle emploi pour une réinsertion durable dans l’emploi. Un nombre important de personnes qui font valoir leurs droits au RSA sont confrontées à des difficultés qui nécessitent un accompagnement social bienveillant, sur le temps long, tourné vers la résolution de leurs problèmes – logement, santé, mobilité, garde d’enfants, illettrisme, illectronisme, etc.

Cet amendement du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain vise à sortir les bénéficiaires ou demandeurs du RSA du champ de l’article 1er, pour les soustraire au principe de l’inscription automatique.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 356.

Mme Raymonde Poncet Monge. L’inscription automatique de l’ensemble des allocataires du RSA, de leur conjoint ou partenaire, comme demandeurs d’emploi auprès de France Travail ne respecte ni ce que le RSA garantit à chaque allocataire en tant que citoyen ni ce que suppose le statut de demandeur d’emploi.

Cette mesure, que nous proposons de supprimer, crée de la confusion. De plus, elle sous-entend qu’il faudrait rappeler aux allocataires qu’ils sont avant tout des demandeurs d’emploi.

Faut-il voir dans la création de ces obligations nouvelles et d’un suivi rapproché une volonté de pouvoir appliquer des sanctions rapides et, via la radiation de Pôle emploi, de menacer, voire supprimer, le RSA ?

La suspension des droits à l’allocation a toujours été possible, mais elle était très rare, compte tenu du fait que le RSA est par nature une prestation de subsistance. En réalité, on la cantonnait, dans les départements, aux cas de fraude, de sorte qu’elle concernait à peine un millier de personnes chaque année, en France.

En 2011, les chercheurs Bernard Gomel et Dominique Méda – il n’est pas toujours facile de faire entendre, ici, la voix des sociologues – résumaient ainsi la situation : « Tout se passe comme un jeu de rôles dans un théâtre où l’on obligerait les allocataires à singer la recherche frénétique d’emploi alors qu’il n’y a pas d’emplois – ou du moins pas d’emplois dignes de ce nom. […] En l’absence d’emplois, la mécanique des droits et devoirs, même mise en œuvre de la façon la plus humaine possible, se transforme en instrument de torture morale. »

Cet article permet de renforcer le contrôle des allocataires dont la situation empêche durablement l’accès à l’emploi, dans la perspective de leur proposer, plutôt qu’un emploi adapté à leurs besoins, leurs compétences, leurs aspirations et leurs difficultés, ceux qui sont les plus délaissés. Il s’agirait en somme d’imposer des emplois difficiles à des personnes en difficulté.

Cet amendement vise donc à supprimer cette inscription automatique.

M. le président. L’amendement n° 258 rectifié, présenté par M. Gillé, Mmes Poumirol, Jasmin, Féret, Le Houerou, Meunier et Lubin, M. Kanner, Mme Conconne, MM. Fichet et Jomier, Mme Rossignol, MM. Redon-Sarrazy et Devinaz, Mmes Artigalas et Monier, M. Houllegatte, Mme Harribey, MM. Tissot, Bouad et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Jacquin, Mmes G. Jourda, M. Filleul, Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 6, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

La personne mentionnée à l’article L. 262-1 du code de l’action sociale et des familles qui demande son inscription.

La parole est à M. Hervé Gillé.

M. Hervé Gillé. Le travail est-il obligatoire ? Voilà une question de fond. De plus, pour avoir un travail, il faudrait s’inscrire à Pôle emploi. Et ce n’est pas tout : il est même question que les conjoints des bénéficiaires soient obligés de s’inscrire sur la liste des demandeurs d’emploi.

Cet amendement a pour double objectif de supprimer l’inscription automatique du conjoint de l’allocataire sur la liste des demandeurs d’emploi et de conditionner l’inscription de l’allocataire sur cette liste à une demande de sa part, donc sur son initiative ou sur proposition de son référent.

Par conséquent, nous serions, non pas dans une obligation, mais dans l’accompagnement du conjoint, respecté en tant qu’individu responsable.

Nous voulons ainsi garantir le droit d’accès inconditionnel des ayants droit au RSA tout en préservant le principe selon lequel la recherche d’emploi doit demeurer un acte volontaire.

Cet amendement est conforme au droit en vigueur, qu’il vise à réaffirmer.

M. le président. Les quatre amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 64 rectifié ter est présenté par Mmes Guillotin, M. Carrère et N. Delattre et MM. Artano, Gold, Guérini, Guiol et Requier.

L’amendement n° 357 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.

L’amendement n° 384 rectifié ter est présenté par Mme Gacquerre, MM. Henno et Capo-Canellas, Mmes F. Gerbaud et Saint-Pé, M. Mizzon, Mme de La Provôté, MM. Canévet, Kern, S. Demilly, Cadec et Chauvet, Mme Garriaud-Maylam, MM. Lurel, Hingray, Joyandet et Levi et Mme Létard.

L’amendement n° 458 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 6, première phrase

Supprimer les mots :

, ainsi que son conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité

La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l’amendement n° 64 rectifié ter.

Mme Véronique Guillotin. Cet amendement vise à supprimer l’inscription automatique des conjoints, concubins ou partenaires des bénéficiaires du RSA comme demandeurs d’emploi auprès de France Travail, qui ne nous semble pas pertinente.

Nous n’avons pas compris le sens de cette mesure, qui semble contraire à l’esprit de l’article L. 5411-1 du code du travail.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 357.

Mme Raymonde Poncet Monge. Il s’agit d’un amendement de repli.

L’article prévoit l’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi des personnes qui sollicitent le RSA, de leur conjoint ou concubin, etc. Cet amendement vise à supprimer cette mesure.

L’inscription automatique comme demandeur d’emploi est non seulement une illusion statistique, mais aussi une violence symbolique et une pression dont l’effet sera immanquablement d’accroître le non-recours aux aides.

Cela est d’autant plus vrai que, sous prétexte que la prestation est familialisée, le partenaire se retrouvera, sans avoir engagé aucune démarche en ce sens et potentiellement contre son gré, inscrit dans une base de données de demandeurs d’emploi. Jusqu’à présent, il n’était concerné que pour un certain niveau de revenu du travail et englobé dans une notion générale de droits et devoirs, solidairement avec son partenaire.

Cette mesure a pour objectif une surveillance accrue des personnes les plus précaires, cette fois à l’échelle de leur foyer, sans se préoccuper du risque d’accroître le non-recours aux aides par la conditionnalité et son renforcement.

L’actualisation mensuelle de la situation prétendue de demandeur d’emploi, même si elle repose sur une fiction, compte tenu des difficultés rencontrées, peut conduire à renoncer à ce droit fondamental et à se tourner vers des associations ou des centres communaux d’action sociale (CCAS), perçus comme bienveillants et respectueux.

Malgré des études documentant la faible efficacité de telles mesures en matière de retour à l’emploi et l’effet d’augmentation du non-recours, le Gouvernement persiste dans la fuite en avant en choisissant des politiques d’activation en échange de droits qui devraient, pourtant, être garantis sans condition.

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour présenter l’amendement n° 384 rectifié ter.

M. Olivier Henno. Cet amendement est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 458.

Mme Laurence Cohen. L’inscription automatique fait de l’aptitude des personnes à prendre ou à trouver un emploi une condition préalable à l’obtention du RSA, avant même de tenir compte d’éventuelles difficultés ou des besoins d’accompagnement social. Il s’agit là d’un principe fort qui introduit une inversion de logique dès lors que le RSA a pour objectif d’offrir aux foyers des ressources financières minimales et de favoriser leur insertion sociale et professionnelle.

Ce projet de loi consacre donc une bascule idéologique : les allocataires du RSA passent du statut de personnes ou foyers dépourvus de revenu à celui de personnes dépourvues d’emploi, ce qui revient à considérer que toutes les situations relèvent, par défaut, de l’emploi et seulement temporairement de difficultés sociales à traiter.

Si l’objectif du Gouvernement était véritablement de réduire le non-recours aux aides par le biais de l’inscription automatique, il faudrait s’abstenir de supprimer les guichets physiques et ne pas ajouter de sanctions, autant de facteurs susceptibles, au contraire, de l’encourager.

Surtout, le non-recours aux aides s’explique non seulement par la complexité des démarches à accomplir, mais aussi par la nature très intrusive des questionnaires : pourquoi l’administration a-t-elle besoin de connaître le nom du conjoint ou des concubins successifs pour accorder un minimum social ?

L’inscription automatique du conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité ne contribuera pas à la réduction du taux de chômage.

De plus, la collecte de ces informations personnelles porte une atteinte disproportionnée à la protection des données personnelles, alors que leur partage avec l’ensemble du réseau France Travail soulève de sérieuses questions en matière de sécurité.

Aux yeux des missions locales, qui s’adressent notamment aux plus jeunes – les plus éloignés des dispositifs –, l’inscription automatique aura un effet répulsif sur ceux qui seraient susceptibles de bénéficier d’un minimum de survie. Cette mesure risque de renforcer le non-recours au RSA parmi ceux qui refuseraient l’inscription obligatoire de la personne avec laquelle ils partagent leur vie.

C’est pourquoi notre amendement vise à la supprimer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces sept amendements ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Ces amendements visent à supprimer l’inscription automatique des bénéficiaires du RSA sur la liste des demandeurs d’emploi, ou à n’autoriser cette inscription qu’à la demande des intéressés.

La commission a estimé qu’il était utile que tous les bénéficiaires du RSA soient inscrits sur cette liste, laquelle offrira ainsi une vision exhaustive des personnes sans emploi afin d’améliorer leur suivi par les acteurs du service public de l’emploi, grâce à une prise en charge harmonisée et adaptée.

Bien entendu, cette inscription ne fera pas obstacle à l’entrée des personnes concernées dans un parcours d’accompagnement social, si celles-ci ne sont pas capables d’accéder immédiatement à l’emploi. C’est là tout le sens de l’accompagnement proposé dans le schéma actuel.

D’autres amendements tendent à supprimer l’inscription sur la liste des conjoints d’allocataires du RSA. Or il semble que leurs auteurs aient oublié que cette obligation était déjà présente dans les textes précédents, lesquels imposent au conjoint les mêmes droits et devoirs qu’à l’allocataire lui-même, dans le cadre du contrat d’engagement conclu avec le département.

L’article 1er poursuit donc la logique existante, en vertu du fait que le RSA est une allocation familialisée, c’est-à-dire versée en tenant compte des revenus de l’ensemble du foyer.

Par conséquent, tout comme pour l’allocataire principal du RSA, le parcours et l’accompagnement du conjoint seront adaptés à sa situation et ce dernier ne sera pas suivi s’il n’en a pas besoin.

Pour autant, certains conjoints n’envisageaient peut-être pas l’option de revenir vers l’emploi ; notre objectif demeure de les y conduire.

L’avis de la commission est donc défavorable sur tous ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, ministre. L’avis est défavorable sur l’ensemble des amendements présentés, pour des raisons similaires à celles qu’a avancées Mme la rapporteure.

Cependant, ces amendements nous permettent de souligner deux points importants.

Premièrement, comme Mme la rapporteure l’a rappelé, le RSA est une prestation familialisée depuis sa création, et même depuis l’instauration du RMI. Les textes législatifs, que nous ne modifions pas aujourd’hui, précisent que si le conjoint d’un allocataire du RSA a la capacité de travailler et d’assurer son autonomie – même selon des critères peu exigeants –, il est exonéré des droits et des devoirs qui accompagnent le bénéfice du RSA.

Ainsi, si le conjoint d’un allocataire du RSA dispose d’un revenu d’activité supérieur à 500 euros par mois, il est exempté de toutes les contreparties demandées aux bénéficiaires. Cela signifie que l’inscription de l’un des membres d’un couple au RSA n’entraîne celle de son conjoint que si ce dernier a un revenu d’activité inférieur à 500 euros.

Dans le cas contraire, cette inscription sera seulement volontaire, car la loi prévoit dès lors que les exigences qui s’appliquent au bénéficiaire principal ne concernent pas son conjoint.

Cette disposition existe depuis la création du RMI, qui impose un accompagnement social et vers l’insertion aux conjoints, dès lors que leur revenu d’activité est inférieur à 500 euros, selon le barème en vigueur.

Deuxièmement, ces amendements illustrent un point que j’ai trouvé frappant en écoutant les intervenants : j’ai beaucoup entendu parler de « revenu de solidarité » et de « revenu minimum », renvoyant à l’idée d’un revenu de subsistance, comme si nous avions oublié le « I » d’insertion qui complétait le nom du revenu minimum, ainsi que le « A » d’activité.

La recherche d’emploi relève sans doute dans son principe d’un acte volontaire, mais depuis la création du RMI, sa demande, son octroi puis son bénéfice pendant la période d’allocation se sont toujours inscrits dans une logique de contrepartie en matière d’insertion et de retour à l’emploi.

Ainsi, ce que nous proposons n’a rien d’une nouveauté : il nous semble logique que cette inscription auprès de Pôle emploi aujourd’hui – et de France Travail, demain – permette de garantir l’accompagnement et l’insertion professionnels de l’allocataire et, si nécessaire, dès lors que celui-ci ne dispose pas de revenus d’activité suffisants, de son conjoint.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. J’ai été surpris par les propos de ma collègue qui qualifie d’acte de « torture morale » l’inscription systématique à Pôle emploi. Je suis convaincu, au contraire, qu’il s’agit d’un réel service rendu à ces personnes : il n’y aurait rien de pire que de les laisser seules chez elles et de les négliger.

Toutefois, pour s’en occuper, il faut des moyens ; monsieur le ministre, nous verrons bien ceux que vous pourrez consacrer à l’insertion de ces personnes.

Je viens de la Marne, terre de Léon Bourgeois, adepte du solidarisme, pour lequel l’équilibre entre droits et devoirs ainsi que le consentement à l’impôt sont des notions fondamentales. Si nous voulons que nos concitoyens fassent société, il est essentiel que les uns comprennent pourquoi ils payent des impôts et que les autres, qui reçoivent quelque chose de la société, sachent qu’ils ont des devoirs en contrepartie. Cette notion se perd un peu trop, ce qui explique les gros problèmes de cohésion auxquels notre société est confrontée.

C’est pourquoi je remercie Mme la rapporteure d’avoir pris cette direction. Monsieur le ministre, je n’étais pas un fervent partisan de l’inscription systématique, mais je suis désormais persuadé qu’il s’agit d’un objectif que nous devons nous fixer. Nous rendons un service aux intéressés en leur redonnant l’espoir d’obtenir un jour un emploi, car ils sont nombreux à aspirer au travail.

Par conséquent, je voterai contre ces amendements.