COM (2012) 788 final  du 19/12/2012

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 09/01/2013
Examen : 18/04/2013 (commission des affaires européennes)


Questions sociales et santé

Texte E 7990

Directive européenne sur les produits du tabac

Proposition de résolution européenne de M. Jean Bizet

(Réunion du 18 avril 2013)

M. Jean Bizet. - La nouvelle directive sur les produits du tabac est un sujet délicat. Elle poursuit un objectif de santé publique légitime : réduire le tabagisme, notamment chez les jeunes. Le constat est en effet accablant : chaque année, le tabac cause en Europe près de 700 000 décès ; 70 % des fumeurs commencent à fumer avant l'âge de 18 ans et 94 % avant 25 ans. Toutefois, les moyens mis en oeuvre par la révision de la directive tabac font débat.

La Commission entend limiter l'attrait des produits, afin de décourager l'initiation au tabac chez les jeunes et réduire ainsi sur le long terme la consommation de tabac. À cette fin, elle envisage plusieurs mesures -présentation des paquets, composition, forme des cigarettes - directement inspirées par la convention-cadre pour la lutte antitabac de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), ratifiée par l'Union européenne et l'ensemble des États membres.

La mesure principale consiste en l'apposition obligatoire d'avertissements sanitaires de grande taille, sous forme de textes et d'images-choc, sur les paquets de cigarettes. Ces avertissements occuperont 75 % de la surface sur les faces avant et arrière des emballages, au lieu de 30 % et 40 % actuellement. Ils seront imprimés à partir du bord supérieur : les noms et logos des marques figureront donc désormais en bas. Un message sur les tranches du paquet indiquant que la fumée du tabac contient plus de 70 substances cancérigènes remplacera les mentions actuelles concernant la teneur en goudron, en nicotine et monoxyde de carbone. Enfin, la directive instaure un modèle unique de paquet, de forme parallélépipédique, avec un simple couvercle rabattable. Les mêmes dispositions visent le tabac à rouler.

Ce nouveau paquet de cigarette n'est pas ce que l'on appelle un paquet neutre ou générique. Le paquet neutre réduit en effet la marque à sa plus simple expression nominale, sans logo, couleurs, iconographie ou typographie spécifique. L'Australie est le seul pays à l'heure actuelle à l'avoir imposé. La marque y figure dans une typographie neutre, débarrassée de tous signes distinctifs. La Commission européenne a choisi de ne pas imposer cette solution, mais laisse aux États membres la possibilité de la mettre en place sur leur territoire.

Le débat juridique porte sur la proportionnalité des mesures envisagées et l'atteinte potentielle au droit des marques : des avertissements sanitaires recouvrant 75 % des faces avant et arrière des paquets laissent-ils suffisamment d'espace d'expression aux marques ? Celles-ci font l'objet d'une protection dans le cadre de la propriété industrielle. Elles remplissent plusieurs fonctions qui ont été reconnues par la jurisprudence communautaire : identification, donc garantie sur l'origine du produit, mais aussi protection de l'investissement et promotion. Ces fonctions ne risquent-elles pas d'être altérées par les mesures préconisées par la Commission européenne ?

Le droit de propriété intellectuelle, dont dépend le droit des marques, n'est pas un droit absolu, il peut souffrir des restrictions au nom de l'intérêt général, comme le prévoient instamment la Charte des droits fondamentaux et les accords internationaux sur la protection des droits intellectuels (ADPIC). Mais il convient d'éviter une restriction disproportionnée au regard du but poursuivi. En l'occurrence, l'objectif de protection de la santé publique inscrit dans les traités peut justifier un encadrement spécifique des produits du tabac, du point de vue du droit des marques.

Saisie par plusieurs fabricants de tabac après l'adoption de la directive de 2001, la Cour de justice de l'Union avait jugé que la taille des avertissements sanitaires prévue à l'époque laissait subsister sur les paquets un espace suffisant pour que les fabricants puissent y apposer d'autres éléments, dont ceux relatifs à leur marque. La Cour soulignait que, dans ces conditions, les limites instaurées par le législateur ne portaient pas atteinte à la substance du droit des marques. À 75 %, ces mêmes conditions sont-elles réunies ?

Pour ma part, je retire des auditions de plusieurs spécialistes du droit des marques, et en particulier des représentants de l'Institut national de la propriété intellectuelle (Inpi), que le pourcentage de 75 % constitue un niveau acceptable car il préserve les fonctions essentielles de la marque. D'autant qu'il est impossible de se prévaloir, en droit des marques, d'une règle concernant la taille ou l'emplacement d'une marque.

En revanche, le paquet neutre, ou toute mesure qui tendrait à imposer des avertissements d'une taille supérieure à 75 %, exposerait l'Union européenne à une condamnation de la Cour de justice, mais surtout créerait une brèche dans le domaine de la propriété intellectuelle, dommageable au rôle économique que remplissent les marques. C'est le deuxième enjeu de ce texte, le plus important à mes yeux.

Dans l'hypothèse du paquet neutre, seule la dimension nominale de la marque est préservée. Or une marque ce n'est pas seulement un nom, mais souvent des éléments figuratifs ou emblématiques, des signes à partir desquels se forge son image. Avec le paquet neutre, le propriétaire d'une marque figurative ne sera plus en mesure d'exploiter celle-ci normalement, ni de bénéficier de l'image déjà acquise. Il s'agit en quelque sorte d'une expropriation. En outre, dans le secteur du tabac, toute forme de publicité est déjà interdite : l'emballage est le dernier espace de visibilité pour les marques.

À l'origine du paquet neutre, il y a la volonté de déjouer les stratégies des fabricants de tabac qui ont cherché à séduire de façon trop évidente certaines cibles - les femmes, les jeunes - au travers de couleurs, formes ou visuels attractifs. Mais ces pratiques grossières, que la nouvelle directive permettra de réguler, doivent être distinctes de la présence sur le paquet d'un symbole ou d'un logo qui exprime l'essence de la marque. En d'autres termes, il ne me semble pas que la géométrie du logo Marlboro, le chameau de la marque Camel ou le casque ailé des Gauloises soient susceptibles de déclencher l'acte d'achat ou l'entrée dans le tabagisme. L'éducation et l'influence de l'entourage me semblent plus déterminantes...

Je ne crois pas davantage que le paquet neutre soit plus efficace que des avertissements sanitaires. L'efficacité de ce type de mesures est d'ailleurs difficile à quantifier : elles font en général partie d'une stratégie globale de prévention.

Au-delà du cas particulier du tabac, je ne peux pas être favorable à une solution qui dépossède les entreprises d'un actif tel que la marque, dont le rôle économique est fondamental. Comme le brevet dont nous avons discuté la semaine dernière, elle est un maillon indispensable de la réussite économique d'une entreprise. Les entreprises n'investissent dans la recherche et développement que dans la perspective d'en exploiter les résultats. Or la marque permet de valoriser ces résultats à travers la distinction qu'elle opère par rapport aux produits de la concurrence. La marque et le brevet sont ainsi à l'origine d'un cercle vertueux investissement-innovation-compétitivité-emploi.

La recherche-développement d'une grande entreprise du secteur, Philip Morris, a produit ce qui pourrait ressembler à la cigarette du futur. Il s'agit d'un procédé qui, contrairement à la cigarette classique, ne brûle pas le tabac mais le chauffe, ce qui est beaucoup moins nocif - puisque c'est la fumée issue de la combustion du tabac qui est particulièrement toxique. Ce type d'innovation pourrait représenter un bénéfice du point de vue de la santé. Il n'y a de recherche que dans la mesure où elle produit des revenus.

À l'heure où des pays émergents comme la Chine ou l'Inde découvrent les vertus de la propriété intellectuelle, le paquet neutre introduit un précédent qui risque de fragiliser nos acquis en matière de protection de la propriété intellectuelle. Cela a été dit assez clairement par M. Batistelli la semaine dernière : la montée de certaines interrogations, dans les pays développés, sur les limites de la propriété intellectuelle est inquiétante. Les pièces détachées automobiles font ainsi l'objet d'un conflit entre constructeurs et équipementiers : le droit sur les dessins et modèles sur ces pièces détachées pourrait disparaître... Notre commission s'est d'ailleurs fort heureusement prononcée contre ce projet en 2004. Les pays en développement comme la Chine ou l'Inde ont acquis un niveau impressionnant de recherche et développement et trouvent légitimes de protéger leurs innovations, alors que nous suivons un chemin inverse ! Veillons à ne pas casser le cercle vertueux innovation-investissement-compétitivité-emploi.

Avant de conclure, je veux également souligner un certain nombre de difficultés ou d'effets pervers que la nouvelle directive pourrait engendrer : la démarche de la Commission européenne consistant à autoriser les États membres à adopter des mesures nationales plus contraignantes - le paquet générique - est contradictoire avec sa volonté de rapprocher les législations nationales dans l'intérêt du fonctionnement du marché intérieur. Ce même défaut avait entraîné en 1998 l'annulation par la Cour de justice de l'Union de la première directive sur la publicité en faveur du tabac.

L'instauration du paquet générique présente en outre un risque de distorsion de concurrence : en l'absence de signe distinctif, la reconnaissance des marques se fera à partir de leur notoriété antérieure, ce qui assure une prime aux marques dominantes et empêche l'arrivée de nouveaux acteurs.

Le paquet générique pourrait également provoquer l'augmentation des achats hors du réseau national de distribution, dans des pays tiers ou sur le marché parallèle. L'impact fiscal de tels comportements n'est pas à négliger.

Parmi les produits du tabac, le cigare a une place particulière. C'est un produit plus artisanal que la cigarette, marqué par la notion de terroir, fumé par une clientèle plus âgée qui n'est pas la cible prioritaire de la Commission. C'est pourquoi les cigares et cigarillos ont toujours bénéficié d'un régime moins contraignant. Pourtant, la nouvelle directive va aligner ce régime sur celui des cigarettes aujourd'hui, soit des avertissements sur 30 et 40 % de la surface de l'emballage. Cette mesure risque de compliquer l'identification de produits pour lesquels l'indication de l'origine est primordiale. En outre, elle pourrait fragiliser l'économie des pays producteurs dont la bonne santé repose en partie sur ce secteur. Certains d'entre eux ont du reste déposé plainte auprès de l'OMC contre le paquet générique australien. Pour ma part, je recommande un statu quo européen.

Pour l'ensemble de ces raisons, je vous propose donc d'adopter la proposition de résolution.

J'adhère totalement à l'objectif de santé publique de la directive. S'il y avait un réel bénéfice à attendre du paquet neutre en termes de santé publique, je comprendrais qu'on retienne exceptionnellement cette solution. Mais aller au-delà de 75 % pour l'avertissement sanitaire n'apportera rien. En revanche il ouvrira une brèche dans le droit des marques que nous devons protéger.

Que se passera-t-il demain pour des produits alimentaires qui peuvent être dangereux pour la santé si l'on en abuse ? Je pense au débat que nous avons eu sur les profils nutritionnels pour les denrées alimentaires. Verrons-nous le paquet de biscuits neutre, la bouteille de vin neutre, ou la plaquette de beurre neutre ?

M. Bernard Piras. - Je souscris à la lutte contre le tabagisme, mais j'estime que ce texte européen est une perte de temps. Il frappe à côté. Les marques ont leur importance, mais là n'est pas le sujet : c'est l'éducation qu'il faut développer. Les mesures proposées ne feront que développer le marché parallèle.

Mme Catherine Tasca. - Ce sujet récurrent oppose toujours les arguments économiques et sanitaires. Notre collègue a bien souligné la gravité de la situation et la nécessité, en conséquence, d'une stratégie globale d'éducation et de prévention. Les résultats de la lutte contre le tabac sont très insuffisants. Je ne suis pas d'accord avec le parallèle établi entre l'alimentation et le tabac : le tabac est une addiction et sa nocivité n'a plus à être prouvée.

On ne peut présenter à égalité un objectif sanitaire et le respect de la propriété intellectuelle ou des marques. Je suis néanmoins sensible à votre approche concernant la propriété intellectuelle : dans ce domaine, il est vrai que les encoches sont nombreuses.

Aucune des mesures proposées n'a démontré son efficacité, mais cette directive a recueilli un très large assentiment, et il ne serait pas bon d'être en recul sur le sujet. Ne freinons pas les efforts d'harmonisation européenne.

À l'alinéa  13 de la proposition de résolution, est écrit que « la Commission autorise les États membres à adopter la formule du paquet générique, contredisant en cela ses objectifs d'harmonisation ». Non ! La directive fixe un seuil, libre aux États membres d'aller au-delà.

Sur l'impact du paquet générique, nous avons peu d'informations, l'Australie venant tout juste de l'adopter. Il est excessif en tout cas de parler d'atteinte au droit de marques. Je vous suggère de vous rendre à la sortie d'un collège : à 8 heures 20, les adolescents ont déjà la cigarette au bec ! Le texte est raisonnable. La ministre de la santé a d'ailleurs fait part de la volonté du Gouvernement de durcir la législation sur le tabac.

M. André Gattolin. - Je suis mal à l'aise avec cette résolution qui mêle plusieurs registres. La marque n'a rien à voir avec le brevet : elle correspond à la construction d'un imaginaire fantasmagorique, souvent construit à coups de publicité. Je suis choqué d'entendre que la marque garantit l'origine du produit. La garantie réside dans l'appellation contrôlée, pas dans la marque. Si celle-ci doit être protégée, ce ne peut être au même niveau que le brevet.

Il arrive que l'on invoque la liberté d'expression de l'entreprise. Cela me choque. La liberté d'expression est d'abord une liberté fondamentale du citoyen : sachons hiérarchiser les choses !

Vous évoquez la recherche et l'innovation. Aujourd'hui, les investissements s'orientent surtout vers les psychotropes et les drogues de synthèse. L'industrie du tabac a fait beaucoup de recherche pour ajouter des produits additifs - elle a d'ailleurs été condamnée aux États-Unis.

Évitons le mélange des genres : je ne vois pas ce qu'il y a de disproportionné dans la lutte anti-tabac, et c'est un fumeur qui parle. Le consommateur est en droit de réclamer une information objective sur l'appellation et la traçabilité, mais c'est autre chose. Dans le cas des surgelés, de grandes marques, Spanghero ou Findus, ont acheté des produits dont ils ne pouvaient garantir ni l'origine et la qualité...

Je ne suis pas hostile à la liberté d'entreprendre, de consommer, de produire. Mais dans les logiques de régulation, il faut des hiérarchies : on ne peut pas invoquer des principes aussi forts que le droit de la propriété et la liberté d'expression face à des problématiques de santé publique. Les fabricants de tabac seront gênés ? Les fabricants d'alcool ne le sont pas moins par l'interdiction de la publicité. Les plantations de tabac françaises sont aujourd'hui rares : j'en ai visité dans le Bas-Dauphiné ou sur la Côte-Saint-André... La régulation du marché est absolument nécessaire : il n'y a pas de droit suprême de la marque, et celle-ci n'a rien à voir avec le brevet qui développe une technologie. Libre à Philip Morris d'attaquer celui qui copiera son innovation : je gage qu'il le fera au nom de son brevet et non de la marque...

Mon groupe votera contre la proposition de résolution.

M. Éric Bocquet. - Le texte me convient, il n'est pas intégriste. L'Australie est le premier pays à passer à l'acte avec le paquet noir et neutralisé. Sur l'exemple que j'ai pu voir, le message n'est pas une injonction du type « fumer tue », il s'agit plutôt de recommander, de donner un conseil de santé. La photo sur le paquet montre une main écrasant une cigarette. Je verrais presque dans tout cela une certaine hypocrisie...

M. Michel Billout. - Mélanger la santé publique et le droit des affaires, c'est osé ! J'ai été directeur d'un centre de vacances pendant de nombreuses années : à l'époque, je disposais d'un arsenal de moyens pour lutter contre le tabac. Ces moyens n'existent plus : seul demeure l'étiquetage. Les marques ont un impact : on fume une Gitane lorsque l'on a un certain âge, une Marlboro quand on est jeune, une Dunhill pour plus de raffinement.

Je n'ai guère d'illusions sur les mesures proposées. Vouloir protéger les marques ? Je crois qu'on aura du mal à les écorner, la limitation de la publicité a eu très peu d'impact sur elles. Je ne suivrai pas le rapporteur. Je me sens un peu comme un parlementaire américain devant légiférer sur la vente d'armes et subissant les pressions du lobby des armes...

Mme Colette Mélot. - Nous partageons l'objectif de santé publique qui est au coeur de cette proposition de résolution, que je trouve équilibrée. Dans ses considérants, elle met d'abord l'accent sur la mortalité, sur la nécessité de protéger le jeune public : la propriété intellectuelle ne vient qu'après. Tout n'est pas parfait, mais la liberté de chacun est respectée.

M. Simon Sutour, président. - Défendre les marques à partir du tabac : la tâche du rapporteur n'était pas facile ! Je ne suis pas un défenseur acharné des marques. Un souvenir : je suis membre de l'association de défense de la source Perrier, qui se trouve à Vergèze, dans le Gard. À une époque, les dirigeants, agacés par les revendications du personnel, ont voulu quitter la région, aller en Égypte, ou ailleurs. J'ai interrogé le ministre de l'époque, Patrick Devedjian : il m'a répondu clairement que dans le droit communautaire, la société Perrier avait le droit de vendre comme « eau de Perrier » une eau pétillante fabriquée n'importe où. Il faut faire attention...

M. Jean Bizet. - La marque ne garantit pas une provenance géographique, elle n'est pas une appellation d'origine contrôlée, nous en sommes d'accord.

Je ne partage pas la conception de M. Gattolin sur les marques. La marque n'est pas seulement la construction d'une image : dans un paquet de cigarette, tel coin biseauté ou tel couvercle est breveté. Derrière chaque détail, il y a un brevet, un titre de propriété industrielle.

Je ne veux pas dire que le droit des affaires prime sur la santé publique. Avec cette directive, la commission entend faire baisser la consommation de 2 % en cinq ans. Il est vrai que la prévention ne fonctionne pas. Oui, les portes d'entrée des collèges disparaissent dans un nuage de fumée. Un gouvernement que j'ai soutenu a eu le courage d'interdire le tabac dans les lieux publics ; personne ne remet en cause cette mesure.

Pour ma part, j'ai davantage confiance dans les produits vendus par des marques ayant pignon sur rue qu'en des produits chinois ou indiens. L'équilibre est difficile, mais n'écornons pas le droit de la propriété intellectuelle. En outre, quel sera le montant de l'indemnisation en cas d'expropriation de la marque ? Je conserve un goût amer de l'affaire sur les dessins et modèles...

M. Simon Sutour, président. - Je vous propose de conserver les six premiers considérants et le point 8 : un compromis ne serait possible qu'en conservant seulement une petite partie de la résolution.

M. André Gattolin. - Des entreprises internationales s'approprient la découverte de graines, ce qui est très discutable... Les mesures européennes ne sont peut-être pas efficaces mais elles ne coûtent rien. Certains protesteront que l'industrie du tabac crée des emplois, mais pendant que les fabricants encaissent les royalties, c'est toute la société qui paye les conséquences sanitaires. Je le regrette, mais un compromis me semble impossible.

Mme Catherine Tasca. - Notre débat fait apparaître d'importantes divergences. Tout le monde ne peut souscrire au considérant selon lequel « la protection des marques commerciales constitue un acquis intangible ». Le point 10 me gêne aussi : pourquoi ce seuil ? Je ne suis pas convaincue du caractère disproportionné de l'atteinte au droit des marques. Enfin, le parallèle du point 12 entre les marques et les brevets est loin de faire l'unanimité. Sauf à déshabiller le texte, je ne vois pas d'issue.

M. Jean Bizet. - Le sujet est délicat, je le reconnais.

Je ne suis pas d'accord avec M. Gattolin concernant la découverte des graines. Une invention est brevetable, une découverte ne l'est pas. J'ai pour ma part agi contre des entreprises qui voulaient breveter leurs découvertes. En revanche, nous avons trouvé un modus vivendi pour rétribuer des pays dont la génothèque possède des graines qui intéressent les entreprises.

Madame Tasca, en fixant une limite maximale, on se protège d'une saisine de la Cour de justice qui pourrait considérer qu'il y a dépossession de la marque.

En ce qui concerne l'harmonisation, la décision de la Commission de laisser chaque État membre imposer ou non le paquet neutre pose problème.

Je préfère mourir débout : je ne modifie pas la résolution, pour ne pas laisser ouvrir une brèche fragilisant le droit des marques et brevets.

La commission n'a pas conclu au dépôt d'une proposition de résolution.

Texte proposé par le rapporteur

1-Le Sénat,

2-Vu l'article 88-4 de la Constitution,

3-Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente du tabac et de ses produits (texte E 7990),

4-Considérant que le tabagisme constitue la première cause de mortalité évitable en Europe,

5-Considérant qu'une stratégie de lutte contre le tabagisme à long terme doit viser prioritairement le public jeune,

6-Considérant que les avertissements sanitaires apposés sur les paquets de cigarettes ou de tabac à rouler sont, parmi d'autres moyens de communication au service de la lutte contre le tabagisme, un vecteur d'information utile pour toucher le consommateur,

7-Considérant que, par ailleurs, la protection des marques commerciales dans le cadre de la propriété intellectuelle constitue un acquis intangible de notre droit national et du droit européen, consacré par ailleurs par plusieurs traités internationaux,

8-Soutient la proposition de la Commission tendant à harmoniser dans l'Union européenne la taille et la présentation des avertissements sanitaires présents sur les paquets de cigarettes ou de tabac à rouler ;

9-Prend acte de la volonté de la Commission d'accroître la taille des avertissements sanitaires à 75% de la surface avant et arrière des paquets ;

10-Estime que des avertissements sanitaires ne sauraient être d'une dimension supérieure à 75% de la surface avant et arrière des paquets ;

11-Juge que, a fortiori, l'instauration du paquet générique, en supprimant totalement les éléments figuratifs d'une marque, porterait une atteinte disproportionnée au droit des marques, sans réel bénéfice en termes de santé publique ;

12-Rappelle le rôle économique fondamental joué par les marques, au même titre que les brevets ;

13-Regrette que la Commission autorise les États membres à adopter la formule du paquet générique, contredisant en cela ses objectifs d'harmonisation ;

14-Juge que, compte tenu de la nature spécifique du cigare, dont la consommation ne concerne pas le public jeune, le régime applicable à cette catégorie de produits du tabac en matière d'avertissements sanitaires doit être conservé en l'état.