Assises de la subsidiarité



Palais du Luxembourg, 24 octobre 2008

M. Ludek SEFZIG, Président de la Commission des Affaires européennes du Sénat de la République tchèque

Merci de me donner la parole, Monsieur le Président. Mesdames et Messieurs, tout d'abord, permettez-moi d'exprimer toute ma gratitude pour cette invitation.

Je dois dire que c'est un véritable privilège pour moi de m'exprimer devant un forum qui réunit autant d'hommes politiques européens. J'ai promis d'être bref et ne ferai que des remarques générales. En organisant cette conférence, la Présidence française prend le relais, de façon très pertinente, des efforts faits par les présidences précédentes - britannique et autrichienne - qui ont décidé de tenir des réunions où l'on pourrait, à la fois, démontrer l'expérience et l'application pratique du principe de subsidiarité. C'est tout à l'honneur du Comité des régions de ramener la subsidiarité sur le devant de la scène. Ce n'est certes pas surprenant. Les pays qui ont une structure fédérale ont appris à appliquer ce principe. Ils considèrent que c'est un outil efficace pour éliminer les risques de sécession et de séparatisme, qui constituent un danger pour toute entité fondée sur des principes bureaucratiques et centralisés. Notre expérience, en Europe centrale, a un certain poids en la matière. Il suffit de mentionner l'exemple de la monarchie austro-hongroise, ou la coexistence tchécoslovaque.

L'Union européenne qui n'est pas un État fédéral, mais qui est beaucoup plus proche d'une confédération fondée sur un traité international, apprend à présent à manier ce principe. Et ce n'est guère chose aisée. Le principe de subsidiarité, tel qu'il est exprimé par le concept classique de l'encyclique de 1931, est la tension dynamique entre l'individu et l'État et le complément productif au principe de la souveraineté de l'État. Cela veut-il dire que la subsidiarité n'a pas sa place dans une configuration supranationale? Cela veut-il dire que, dans le cadre de l'intégration européenne, ce ne serait qu'un amalgame de subsidiarités, une sorte de subsidiarité bureaucratique sui generis? Ce ne sera pas forcément le cas et cela dépendra de l'évolution à venir de la communauté.

La condition sine qua non , fondamentale, quant au fonctionnement de ce principe, n'a pas changé depuis 1931. Permettez-moi de citer brièvement Quadragesimo anno : "De la même manière qu'il serait gravement erroné de retirer aux individus ce qu'ils peuvent accomplir par leur propre initiative et labeur pour le donner à la communauté, ce serait une injustice, un véritable fléau et un trouble de l'ordre naturel des choses, d'assigner aux grandes associations ce que des organisations moindres et subordonnées peuvent faire. Pour toute activité sociale, il convient de garantir aux membres du corps social de ne jamais les détruire ni de les absorber.»

La bonne conception de la subsidiarité est d'aider la communauté qui se situe à un échelon moindre, et qui n'est pas forcément subordonnée hiérarchiquement. Sa mise en oeuvre, dans la réalité quotidienne, se fonde sur un ancrage institutionnel adéquat. En tant que docteur, je sais à quel point cet équilibre est important et fragile. En tant qu'homme politique, j'ai également compris que le principe de subsidiarité présentait une dimension juridique et politique.

Pour ces raisons, je considère que les Parlements nationaux sont les gardiens naturels de cet aspect politique de la subsidiarité, ce qui est particulièrement vrai des Sénats français ou tchèque, qui sont les détenteurs de la stabilité de l'établissement constitutionnel. C'est également vrai des deuxièmes chambres des États fédéraux, en ce sens que ces chambres représentent les intérêts des provinces ou des territoires fédéraux. Dans les deux cas, la logique confie cette fonction de contrôle à un organe représentatif national. Dans le même temps, il est essentiel que ce mécanisme, qui sert à appliquer le principe de subsidiarité, soit suffisamment efficace et cohérent avec les principes de la démocratie parlementaire. À ce sujet, j'ai le sentiment que le système des cartons orange et jaune ne permettra pas de parvenir à cet objectif vertueux, en tout cas pas pleinement. Étant donné que l'Union européenne se fonde sur l'existence d'un ordre juridique autonome, le contrôle judiciaire ne peut pas non plus être négligé.

Les débats sur l'applicabilité judiciaire de la subsidiarité ont été résolus, en pratique, par la Cour constitutionnelle fédérale allemande, lorsqu'elle a répondu par l'affirmative. Si nous disposons d'une définition suffisamment précise et de la volonté d'affirmer ce principe, le respect de ce principe peut être également contrôlé par une Cour. Ce qui est fait par les Tribunaux nationaux conformément à l'ordre constitutionnel, ainsi que par la Cour européenne de Justice, dans le cadre délimité par les traités fondateurs. La Cour de Justice doit être l'arbitre indépendant des litiges; non pas le moteur de l'intégration européenne. Si la Cour n'est pas en mesure de prendre cette décision, la question d'une Cour européenne indépendante, en cas de conflits de compétences, reviendra sur le devant de la scène.

Mesdames et Messieurs, merci de votre attention.

M. Denis BADRÉ

Merci, mon cher collègue. Merci d'avoir fait référence au texte des encycliques. Cela nous a permis d'élever un peu notre débat.

Puisque l'occasion m'est donnée, en tant que parlementaire français, de m'adresser à un parlementaire tchèque - alors que dans deux mois vous allez prendre le relais pour présider l'Union européenne - je voulais vous dire combien je souhaite que le Conseil européen de la fin de ce semestre bâtisse le scénario de sortie de crise concernant la ratification du Traité de Lisbonne. Et combien je souhaite, vivement - comme beaucoup de personnes dans la salle, et nous vous demandons de tout faire pour ça - qu'il puisse être ratifié sous présidence tchèque. Je voudrais reprendre - pour réagir un peu sur le ton qui était le vôtre à l'instant - ce que vous avez dit à propos de la nécessité de mobiliser ce que vous-mêmes, après Madame Bilbao, avez appelé la "volonté politique". Je pense que si les Pères fondateurs, qui ont lancé l'Union européenne en 1950, n'avaient pas eu une volonté politique à soulever les montagnes, jamais l'Europe n'aurait démarré. Il faut donc garder la même capacité à soulever les montagnes, pour aller de l'avant. Je crois que c'est très important aujourd'hui. Vous avez raison de pointer toutes les difficultés que nous pouvons rencontrer à condition que ce soit pour les surmonter.

Merci d'avance pour les conditions dans lesquelles nous pourrons continuer à travailler ensemble dans cet esprit. Et je donne maintenant la parole à Monsieur Han Ten Broeke, membre du Parlement néerlandais.

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