Assises de la subsidiarité



Palais du Luxembourg, 24 octobre 2008
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LES ASSISES DE LA SUBSIDIARITÉ

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ACTES DES TRAVAUX DE LA

CONFÉRENCE ORGANISÉE
PAR LE SÉNAT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
ET LE COMITÉ DES RÉGIONS DE L'UNION EUROPÉENNE,

LE VENDREDI 24 OCTOBRE 2008, AU SÉNAT

SÉANCE D'OUVERTURE

M. Bernard FRIMAT, Vice-président du Sénat

Mesdames et Messieurs, si vous voulez prendre place. Je vous en remercie.

Monsieur le Président, Messieurs les Ministres, Madame la Commissaire européenne, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Mesdames et Messieurs, chers amis, j'ai le redoutable privilège de vous accueillir aujourd'hui au Palais du Luxembourg pour ces Assises de la subsidiarité, organisées par le Comité des régions en collaboration avec le Sénat.

Je dois vous présenter les excuses du Président Gérard Larcher, qui aurait tellement souhaité pouvoir ouvrir vos travaux, mais qui en est malheureusement empêché. Toutefois, il m'a confié cette tâche, et d'autant plus symbolique, que nos orientations politiques - si vous connaissez un peu la politique française - ne sont pas tout à fait identiques.

Il m'a confié le plaisir de vous lire, selon l'usage, le discours du Président, ce que je vais faire. Après, je me permettrai d'y ajouter quelques mots.

Message de M. Gérard LARCHER, Président du Sénat (lu par M. Bernard FRIMAT, Vice-président du Sénat)

"Le terme de subsidiarité n'est pas immédiatement parlant pour tout le monde. Faire mieux connaître et mieux comprendre ce principe, voilà qui suffirait déjà à justifier la tenue, pour la troisième fois, d'Assises de la subsidiarité, dans les capitales européennes. Car la subsidiarité est bien un concept clé de la construction européenne. C'est un concept opératoire, utile et pratique.

J'imagine aisément ce que dirait un observateur à la fois ignorant et mal intentionné - ce qui n'est pas incompatible - en regardant le programme de vos travaux: "Quoi! Des Ministres, des Commissaires européens, des Parlementaires, des Présidents de régions, des membres de la Cour de Justice, se réunissent pour discuter d'une notion abstraite et obscure, alors que l'Europe et le monde occidental sont entrés dans une crise économique et financière gravissime!" Eh bien non. La subsidiarité ne nous éloigne pas de la réalité ni de l'actualité.

Qu'ont fait les ministres des finances, puis les chefs d'États ou de gouvernements, lorsqu'ils ont élaboré le plan de lutte contre la crise financière? Ils se sont mis d'accord sur un schéma commun, ils ont décidé de l'appliquer en même temps, mais ils ont décidé que chaque État membre mettrait lui-même en oeuvre le plan commun, en tenant compte de la situation spécifique de son système bancaire. Autrement dit, ils ont pleinement appliqué le principe de subsidiarité, en décidant à l'échelon européen ce qui devait l'être, et en laissant aux États membres la marge de manoeuvre indispensable pour s'adapter. Et ce choix de la subsidiarité est pour beaucoup dans la valeur du plan européen.

Les systèmes bancaires ne sont pas les mêmes d'un pays à l'autre. Les banques françaises ne ressemblent pas aux banques allemandes, les banques italiennes ne ressemblent pas aux banques anglaises. Si l'on avait voulu tout régler depuis Bruxelles, l'on aurait obtenu une cotte mal taillée, mal adaptée aux situations réelles.

La subsidiarité est donc la clé de l'efficacité. Se demander comment mieux appliquer ce principe, c'est préparer les voies d'un meilleur fonctionnement de l'Europe. J'observe d'ailleurs que l'évolution va dans ce sens. Lorsqu'on lit les conclusions du dernier Conseil européen, on voit bien que c'est un texte bref, centré sur les questions essentielles: crise financière, paquet énergie- climat, Géorgie, immigration...

Cela m'amène à souligner que la subsidiarité, c'est aussi le moyen pour que l'Europe soit mieux comprise, et mieux acceptée par les citoyens. Bien sûr, la plupart d'entre eux ignorent le mot de subsidiarité. Mais ils aspirent à la chose, ils comprennent que l'Europe s'occupe des grandes questions: lutter contre la crise financière, soutenir la croissance et l'emploi, promouvoir le développement durable, agir face à une crise comme celle de la Géorgie. Mais les mêmes citoyens comprennent mal que l'Europe s'occupe des eaux de baignade ou de la TVA sur la coiffure. Ils veulent que l'Europe se concentre sur ses vraies missions. Ce que les États peuvent faire, il est inutile que l'Europe s'en charge. Mais également, ce que les pouvoirs locaux peuvent faire, il est inutile que les États s'en chargent.

Le principe de subsidiarité n'est pas seulement un principe clé pour les rapports entre l'Union et les États membres. Il est aussi un principe clé au sein des États membres, où il doit inciter à placer les responsabilités le plus près possible du "terrain". Tel est le sens de l'action du Comité des régions, qui ajoute à la subsidiarité une dimension territoriale. Agir le plus près possible des citoyens est une des données essentielles de la démocratie. Elle a d'autant plus de valeur dans un monde devenu trop complexe.

C'est le grand mérite de ces Assises que d'aborder le principe de subsidiarité sous l'angle de la bonne gouvernance, à tous les niveaux de la décision publique, qu'il s'agisse de l'Union Européenne, des États membres, mais aussi des autorités régionales et locales.

Le Sénat français, très attaché au respect des prérogatives des collectivités territoriales dont il est le représentant constitutionnel, ne peut donc qu'applaudir l'orientation générale de vos travaux. Ceux-ci donnent non seulement un éclairage sur le rôle du Comité des régions et des Parlements nationaux - et on sait combien le Sénat français est actif en la matière - mais aussi, et c'est plus original, sur les modalités d'implications des autorités régionales locales dans le processus de décisions communautaires, ainsi que sur la coordination entre les différents niveaux de pouvoirs au sein de chaque État. À cet égard, le témoignage des représentants des différents pays pourra fournir des comparaisons riches d'enseignement.

Je partage, avec les initiateurs de ce colloque, la conviction que la subsidiarité est, à tous les échelons, le principe de base d'une bonne gouvernance, à la fois efficace et démocratique.

C'est dire que vous êtes pleinement fondés à débattre des moyens de mieux traduire ce principe dans la réalité, de mieux contrôler son respect, de l'inscrire pleinement dans la culture politique de l'Union et des États membres. Et je suis certain que vos travaux aideront à y voir plus clair dans ces questions, si importantes pour nous tous."

M. Bernard FRIMAT

Voilà, Mesdames et Messieurs, le message que j'ai lu au nom du Président du Sénat.

Je me permettrai d'ajouter quelques mots sur la subsidiarité. Avant cela, je voudrais dire mon plaisir de retrouver, ce matin, mon ami Michel Delebarre avec qui j'ai une longue histoire commune dans notre région du Nord Pas-de-Calais ainsi que Luc Van Den Brande, votre Président.

Le Nord Pas-de-Calais et la Flandre sont des régions qui se connaissent bien, qui ont une longue pratique de travail en commun dans l'intérêt de leurs habitants.

Sur la subsidiarité, je serai tenté de vous dire que celle-ci peut être une immense chance démocratique dans la mesure où elle peut permettre de faire participer les citoyens à la réalité de la construction européenne et, en conséquence, les aider à rejeter ce sentiment trop souvent dominant que l'Europe leur est étrangère ou pire qu'elle n'est que l'origine des ennuis qu'ils peuvent connaître.

Il est souvent confortable pour un gouvernement national d'inscrire à son actif les avantages issus de l'Europe mais de rejeter toute responsabilité sur les éventuelles contraintes dont "Bruxelles" serait seule responsable. Je pense que cet état d'esprit n'est pas le meilleur pour promouvoir l'idée européenne.

Dans le même temps, cette chance démocratique que constitue la subsidiarité peut devenir un important danger si elle est pervertie et si elle devient un faux-nez, c'est-à-dire si elle devient l'argument pour les gouvernements, les États, de re-centraliser, de re-nationaliser des politiques qui ne trouvent véritablement toute leur signification qu'au niveau européen.

Il ne faut pas que la subsidiarité devienne un prétexte pour dessaisir l'Union européenne de ce qu'elle fait le mieux, et pour se replier sur des États où s'exercerait le seul vrai pouvoir. Voilà, pour moi, les deux bornes entre lesquelles le principe de subsidiarité doit constamment se situer.

Voilà les quelques mots que je souhaitais ajouter au remarquable discours du Président Larcher, dont je vous ai fait lecture. Vous ayant infligé un discours introductif suffisamment long, j'ai l'immense plaisir de passer la parole à Monsieur Jean-Pierre Jouyet, Secrétaire d'Etat chargé des Affaires européennes auprès du ministre des Affaires étrangères et européennes.

Allocution de M. Jean-Pierre JOUYET, Secrétaire d'État chargé des Affaires européennes au nom de la Présidence française de l'Union européenne

Monsieur le Président du Comité des régions, cher Luc Van Den Brande, Monsieur le Vice-président du Sénat, cher Bernard Frimat, Monsieur le Vice-président de la Commission des Affaires européennes du Sénat, cher Denis Badré - qui va animer une bonne partie de ces débats - chère Madame la Vice-présidente de la Commission, chère Margot Wallström, Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Mesdames et Messieurs les élus, cher amis, c'est un grand plaisir pour moi et un honneur d'intervenir devant vous lors de ces Assises de la subsidiarité. Comme cela a été très bien dit, la subsidiarité est un enjeu démocratique de premier ordre. Un enjeu qu'il nous faut également borner pour les raisons qui ont été excellemment indiquées par Bernard Frimat, et qu'il faut plus particulièrement définir - et c'est en cela que vos débats seront très utiles - dans la période dans laquelle nous entrons. C'est une période économique et financière beaucoup plus difficile, une période qui va remettre en cause un certain nombre de dogmes et d'idées reçues, et surtout, une période qui va nécessiter que l'on ait un dialogue plus étroit aux différents niveaux de responsabilités, qu'ils soient européens, nationaux ou locaux.

De cela, je suis absolument convaincu, compte tenu de ce que les enjeux liés au développement économique, à l'innovation, à la formation, vont être tout à fait centraux et très politiques. C'est un enjeu pour vos collectivités, c'est un enjeu pour nous, également, représentants de l'État, et c'est un enjeu extrêmement fort pour les institutions communautaires. Donc, je suis très heureux que la Vice-présidente de la Commission, Margot Wallström, ait pu s'associer à nos travaux aujourd'hui. Je suis très heureux que mon ami Michel Delebarre, le Premier Vice-président du Comité des régions et les représentants de collectivités régionales et territoriales des différents États membres de l'Union puissent en débattre. Je salue également, avec amitié, les membres français du Comité des régions, et leur Président, mon ami Jean-Louis Destans qui est là, avec qui nous avons déjà pu débattre de ces sujets, ainsi qu'avec François Loncle, ce matin.

Comme j'ai eu l'occasion de le rappeler lors des Open Days à Bruxelles il y a quelques jours, l'association étroite des collectivités régionales et territoriales m'est toujours apparue comme une condition essentielle d'une construction européenne équilibrée, comprise et démocratique.

Loin de s'opposer, les différents niveaux de responsabilités en Europe se complètent. L'État conserve toute sa légitimité et ses prérogatives; il est vrai que la subsidiarité ne doit pas être un prétexte à renationalisation. Je le dis parce que les temps vont, tout de même, aller dans le sens de certaines tentations dans ce domaine, alors qu'il faut savoir au contraire ce qui, laissé au niveau communautaire, est utile et nécessaire. Les institutions communautaires sont particulièrement nécessaires et les mieux adaptées pour impulser, dans le cadre des compétences qui sont les leurs dans les traités, une action commune à l'ensemble des États membres.

Les collectivités territoriales, enfin, démontrent partout en Europe qu'elles constituent un relais absolument indispensable pour la mise en place de politiques publiques, ainsi que pour répondre aux défis globaux qui sont les nôtres, et qui le demeurent aujourd'hui, en dépit de la crise. Je pense notamment à tout ce qui a trait au développement durable, ou au développement de manière plus large. Et de ce point de vue-là, les collectivités locales et régionales ont un rôle de plus en plus important à jouer.

Cela ne signifie pas que l'équilibre à trouver entre ces différents pôles de responsabilités soit facile. Bernard Frimat y a fait allusion.

Et c'est tout l'intérêt du débat européen sur la subsidiarité; débat qui a commencé, Michel Delebarre le sait bien, il y a déjà plus de vingt ans lorsque la Commission était présidée par Jacques Delors. Au moment de Maastricht, ces premières réflexions existaient déjà, mais elles retrouvent aujourd'hui une actualité beaucoup plus importante. Ce débat est nécessaire, il doit être permanent, et les questions qui se posent doivent être à la fois renouvelées et rester concrètes. De ce point de vue-là, les travaux qui sont conduits par le Sénat sur la subsidiarité sont extrêmement importants. Tout l'intérêt de vos débats réside dans votre capacité à faire émerger un consensus sur un certain nombre de principes, pour établir cet équilibre indispensable entre acteurs européens, nationaux et locaux. Le consensus peut se trouver et s'établir, notamment grâce au dialogue qui a été nourri entre le Comité des régions et le Parlement européen.

Cette semaine à Strasbourg, pour notre part, cher Michel Delebarre, nous avons fait en sorte, avec Madame Wallström, qu'il y ait un accord politique qui associe le Comité des régions au Parlement européen, à la Commission et au Conseil, de façon à ce que nous définissions une vraie stratégie de communication, au niveau européen, national et local. C'est particulièrement important.

Nous avons échangé sur ce point car, dans le cadre de la subsidiarité, il est fondamental qu'il y ait une bonne communication sur ce qui est fait à Bruxelles, sur l'impact que peuvent avoir les directives, les règlementations et la manière dont elles sont comprises également au niveau local. Il est très important qu'il y ait de multiples niveaux de communication, mais que tous concourent à l'élaboration d'une stratégie plus cohérente. Et je remercie Madame Wallström pour son engagement à ce sujet.

C'est cette gouvernance "multi-niveaux" que nous devons inventer, ou tout au moins actualiser. Dans les faits, nous devons faire en sorte que ces principes, un peu abstraits, de subsidiarité et de proportionnalité soient concrétisés, puisque, comme vous le savez, ces principes sont fortement réaffirmés dans le Traité de Lisbonne. Donc, la traduction concrète de ce mode de gouvernance m'apparaît comme le sujet le plus important à aborder aujourd'hui, et vos débats le feront amplement. Des mécanismes sont déjà bien en place pour faire vivre ce dialogue multi-niveaux, notamment pour ce qui concerne tout le processus de préparation de la législation européenne.

Nous avons en France une commission consultative d'évaluation des normes qui vient d'être installée par le Premier ministre. Pour discuter de l'impact des législations sur les différentes collectivités, il faut que les collectivités soient bien associées à cela, nous l'avons abordé dans nos échanges ce matin. Et il faut qu'entre vous, vous puissiez échanger sur les expériences existantes afin de voir comment, dans les différents États membres, sont mises en oeuvre ces études d'impact des législations et de règlementations communautaires, comment tout cela est décliné et articulé entre le niveau national et le niveau local. Là aussi, je crois que le Comité des régions a un rôle essentiel à jouer puisque il a mis en place un système d'alerte précoce, afin de mobiliser rapidement les collectivités territoriales, en amont des projets législatifs. Ce Comité doit renforcer son action sur ce point et coopérer de manière très étroite, notamment avec la Commission européenne.

Le travail de suivi de la mise en oeuvre du principe de subsidiarité s'est également beaucoup développé au niveau national et au niveau des Assemblées parlementaires. Un rôle actif est joué par l'Assemblée nationale, mais beaucoup aussi par le Sénat, dont je tiens particulièrement à saluer le rôle de sa Commission pour les Affaires européennes. Ce travail doit être développé dans les Parlements nationaux et mis en réseaux sous l'égide du Comité des régions au niveau européen. Des progrès importants doivent être faits en ce domaine. Pour sa part, la Commission a déjà fait un certain nombre de progrès en développant les études d'impacts et en les généralisant, notamment dans le cadre du processus "Mieux Légiférer" - Better regulation , en bon français.

Les Collectivités territoriales doivent être parmi les premiers bénéficiaires de cette nouvelle approche des services de la Commission et le dialogue véritablement renforcé entre ces Collectivités territoriales et les services de la Commission.

L'échange d'expériences étant très utile il faut aussi et enfin qu'au niveau national - le Sénat est très sensible à cela et il a raison - le dialogue soit renforcé entre les États et les différentes catégories de collectivités locales, afin de renforcer leur expression collective au niveau communautaire. Nous devrons chacun, dans nos États, mieux nous organiser pour cela afin de mieux porter notre parole dans la diversité de nos structures. Nous menons une réflexion en France concernant l'organisation des structures territoriales, compte tenu de leur diversité. Je pense que cette diversité doit subsister. C'est un des atouts de l'Europe. Mais nous devons faire en sorte qu'au niveau des États, les soucis des Collectivités territoriales au plan communautaire soient mieux pris en compte.

Voilà donc ce que je souhaite pour vos travaux. Je souhaite qu'ils soient extrêmement fructueux et que tous ces sujets d'importance, renouvelés par l'environnement économique et financier difficile que nous connaissons, puissent être abordés aujourd'hui, Monsieur Le Président.

Merci à vous.

M. Bernard FRIMAT

Merci Monsieur le ministre. Je vais maintenant passer la parole à Monsieur Luc Van Den Brande, Président du Comité des régions. Monsieur le Président, vous avez la parole.

Allocution de M. Luc VAN DEN BRANDE, Président du Comité des régions et membre du Parlement flamand

Merci beaucoup Monsieur le Vice-président du Sénat français. Je suis très heureux de vous rencontrer de nouveau. Je ne suis pas de votre avis concernant ce que vous avez dit du rôle des Vice-présidents: il est évident qu'il y a des Vice-présidents qui sont éminents et imminents! Ceci vaut pour le Sénat français, mais ceci vaut naturellement pour le Comité des régions, cela étant dit en regard de mon ami Michel Delebarre.

Monsieur le ministre, Madame la Vice-présidente de la Commission européenne, Mesdames, Messieurs les représentants des Parlements nationaux,

Je suis très heureux de vous voir ici, tous et toutes présents, et aussi naturellement, chers collègues, membres du Comité des régions. Je me réjouis naturellement d'être parmi vous aujourd'hui pour ouvrir ces troisièmes Assises de la subsidiarité.

Le Comité des régions, dans le prolongement de la Convention européenne, a tout d'abord initié ces Assises, à Berlin, au sein du Bundesrat , en 2004, puis à Londres en 2005, sous les auspices de la House of Lords . Je suis très heureux de voir parmi nous Lord Grenfell, que j'ai eu l'occasion de rencontrer en réunion lundi dernier et avec lequel j'ai discuté de la contribution de la House of Lords - ou de la Chambre des Lords - à l'exercice auquel nous nous livrons.

Il y a eu deux Assises. Je crois que la démarche était fondée sur la même conviction que celle qui nous anime aujourd'hui, à savoir que la démocratie européenne se construit sur les valeurs. Les valeurs: des principes et des procédures partagés, au service de ces valeurs et de ces principes. Il faut bien faire ces distinctions. La démarche est multiple et s'appuie sur toutes les sources de la légitimité démocratique et sur la représentativité de ses citoyens dans toute leur diversité.

Je dois remercier mon collègue Monsieur Frimat, comme je l'ai déjà dit, puisque je ne salue pas seulement la contribution du Sénat mais certainement aussi celle de la Présidence française qui a montré, chers collègues, Mesdames, Messieurs, que s'il y avait encore une suspicion de jacobinisme en France, je dois dire et avouer publiquement que ce n'est plus le cas. En effet, à quatorze reprises, la Présidence française a travaillé avec le Comité de régions, ce qui prouve, en tout cas, que vous êtes en ligne de mire de ce qu'est le mouvement de la Multi Level Governance. Je crois que, si on aborde ces problèmes, il y en a qui diront que c'est "une discussion sur le sexe de anges". Je ne parle pas du diable...

Mais en tout cas, de nouveau, si l'on est confronté au changement climatique, au "pacte pour l'immigration" et à la politique d'intégration, à la réforme de la politique agricole commune, ou à l'agenda territorial, et enfin à l'Union pour la Méditerranée - processus de Barcelone - je crois qu'il est très clair que nous devons aborder tous ces problèmes via une approche politique, mais aussi avec la contribution d'instruments de bonne gouvernance.

Madame la Vice-présidente de la Commission européenne, votre présence démontre l'importance accordée par la Commission au respect du principe de subsidiarité et de proportionnalité dans le processus de prises de décisions européennes; je vous en suis très reconnaissant.

Je souligne en outre la participation à nos travaux d'un représentant de la Cour de Justice des communautés européennes, Monsieur le juge Koen Lenaerts, et celles de plusieurs représentants du congrès du Conseil de l'Europe, dont son Président, Monsieur Yavuz Mildon.

Je salue enfin, avec une grande satisfaction, c'est évident, la présence de représentants de plus d'une dizaine de Parlements nationaux, de la Grèce au Grand Nord; je crois qu'il est important qu'ils soient associés à nos travaux aujourd'hui. Votre présence aujourd'hui nous conforte dans notre conviction à l'égard de la dynamique institutionnelle, d'une dynamique à niveaux multiples, d'un véritable partenariat qui doit s'affirmer en Europe pour fortifier la culture de la subsidiarité.

Dès le début de mon mandat à la Présidence du Comité des régions, j'ai initié une démarche de rapprochement envers des Parlements nationaux, gardiens de la subsidiarité. La contribution de plus en plus significative de ces derniers dans le débat politique et dans la procédure législative communautaire, conjuguée avec la reconnaissance de la dimension territoriale du processus d'intégration européenne, nous conduit en effet, tout naturellement, vers une coopération plus étroite, marquée par la complémentarité de nos rôles respectifs.

Effectivement, vous y avez fait référence, la crise financière qui nous confronte à des mécanismes essentiels - pas simplement au sein de notre Union européenne, mais au sein de notre continent, et dans le monde entier - rend essentielle la bonne gouvernance, tant en ce qui concerne les institutions publiques qu'en ce qui concerne également les acteurs du secteur privé.

D'ores et déjà, mes rencontres avec des instances parlementaires - britanniques, grecques, slovènes, belges, hongroises, croates, celles prévues très prochainement en Espagne, en Italie et au Portugal, sans oublier naturellement le Sénat français qui est un membre fondateur de notre réseau de suivi et d'application de la subsidiarité - ces contacts tracent la voie qui mène à des méthodes de travail concertées.

J'espère bientôt institutionnaliser - entre le Comité des régions et les Parlements nationaux permettant de faire valoir l'appréciation des collectivités locales et régionales dans les mécanismes de contrôles publics et de l'application du principe de subsidiarité - une aide aux Parlements nationaux, une contribution à leur exercice afin qu'ils puissent mieux apprécier les impacts économiques, sociaux et environnementaux des propositions législatives communautaires sur les territoires.

De plus, je n'oublie pas, en ma qualité de membre du Parlement flamand, le rôle reconnu des Parlements régionaux et des Assemblées législatives, qui devrait être pleinement intégrés dans les mécanismes législatifs internes et européens. En effet, réunis dans cette salle, que nous soyons élus locaux, régionaux, ou parlementaires, nous savons, de par les mandats que nous assumons, combien les responsabilités politiques, aux niveaux européen, national, local et régional, sont indissociables. Si l'on prend la pleine mesure du phénomène - à savoir que la capacité européenne de résoudre effectivement des problématiques publiques passe par le partage des responsabilités entre les différents échelons du pouvoir - et qu'on le traduise en règles de droit communautaire, alors le droit européen garantira, en pratique, la sauvegarde de la légitimité démocratique du système politique à niveaux multiples, qui est le seul capable de garantir un fonctionnement démocratique et efficace, de et pour l'Union européenne.

Là où il y a partage de compétences, doit se faire une évaluation politique et flexible par nature. Une évaluation de la valeur ajoutée des actions des uns et des l'autre, de tous les niveaux des gouvernements choisis pour atteindre les résultats particuliers préconisés, en assurant les objectifs européens communs. Tout cela a pour but ultime la bonne gouvernance: "One govern, good governance". Subsidiarité et proportionnalité - et non pas des instruments de bataille juridico-politiques utilisés pour affirmer, en droit et en force, l'un ou l'autre niveau de gouvernement existant en Europe - sont donc des principes qui assurent ce but ultime. Il est évident que cet exercice, que ce principe politique de la subsidiarité, ne peut nullement aboutir à une renationalisation. Cela serait totalement contraire au concept que nous voulons approfondir en démocratie, à savoir la prise en compte des objectifs communs. Par la subsidiarité et la proportionnalité, nous voulons en fait mieux légiférer. Vous avez tous deux fait référence à cette notion: mieux légiférer en garantissant, de la phase de consultation en amont à celle de la transposition dans les États membres, les conditions d'une bonne gouvernance.

Mesdames et Messieurs, chers collègues, au Comité des régions - où depuis le traité de Maastricht nous avons eu le sentiment que nous avions un certain niveau de responsabilités à cet égard, nous avons estimé depuis que la répartition des pouvoirs était, certes, essentielle pour le respect de la souveraineté, mais qu'il ne devait pas nous conduire à adopter une approche rigide qui ne tiendrait pas compte du contexte et qui utiliserait la subsidiarité comme un prétexte, visant à retarder l'adoption de législations au plan communautaire à n'importe quel coût - la gouvernance nécessite, à plusieurs niveaux, que le processus évolue en permanence. Qu'il maintienne également un équilibre juste entre partage des responsabilités avec Bruxelles d'une part et d'autre part, la préservation de l'autonomie des régions qui constituent l'Union. Et ce, y compris aux niveaux locaux et régionaux des collectivités locales et régionales.

Le principe de subsidiarité, par conséquent, constitue un moteur de gouvernance à plusieurs niveaux, je vous l'ai déjà dit. Aujourd'hui, cette subsidiarité fait l'objet d'un débat politique prudent dans les instances légiférantes de l'Union européenne, et ce, sur base des analyses menées par les Parlements nationaux et, je l'espère à l'avenir également, sur la base des contributions qu'apporteront les collectivités locales et territoriales, ainsi que le Comité des régions. Par ailleurs, il s'agit d'une question de partage authentique des responsabilités, telles qu'on y fait souvent référence, à entendre le Président Barroso.

Chers collègues, le partage des responsabilités et les partenariats sont une question de préventions conjointes des litiges et des contentieux. Il faut en effet veiller à ce qu'il y ait davantage de sécurité dans nos systèmes juridiques respectifs. C'est la raison précise pour laquelle, certes, il faut que nous soyons très conscients des responsabilités politiques et institutionnelles qui nous incombent, et que l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne confèrerait encore davantage au Comité des régions. Le Comité des régions a la possibilité de saisir la Cour européenne de Justice, en cas d'infractions au principe de subsidiarité, et c'est là un élément fondamental. Il est par conséquent essentiel d'intervenir en amont, par le truchement des avis que nous rédigeons, ainsi que par le truchement d'instruments nouveaux, qui permettront de répondre au nouveau défi du traité réformé. Nous tenons à insister sur ce principe de partenariat.

Le principe de partenariat nécessite une consultation des collectivités locales, des collectivités régionales, avant que les décisions ne soient prises. Ceci doit se fonder, nécessairement, sur une utilisation systématique de l'analyse d'impacts, ce qui permet à son tour de procéder à une évaluation de l'impact territorial des politiques communautaires, ainsi que leurs répercussions au plan financier. Ceci étant dit, il nous faut tenir compte de l'impact des politiques, mais il ne remplace pas la prise de décisions politiques, bien au contraire. Il est indispensable que celles-ci constituent une aide, un outil d'aide à la prise de décisions politiques.

C'est là le principe de subsidiarité dans son essence, qui ne doit en aucun cas se substituer à la prise de décisions politiques, environnementales, économiques, et aux objectifs qui doivent sous-tendre les décisions politiques en la matière. À cet égard, sachez que je ne suis pas partisan de voir les politiques se diluer au bénéfice d'une simple réglementation. L'Union européenne est une communauté de droit. C'est une réalité, et c'est une force.

Mais la communauté européenne est également, à l'heure actuelle, un défi politique qu'il convient de relever en tenant compte de ses répercussions pour tous les citoyens européens. Compte tenu de la crise mondiale actuelle dans le monde de la finance, sachez que nous sommes engagés dans une lutte qui nous amènera à défendre l'avenir de l'État providence et à défendre le bien-être de nos citoyennes et citoyens.

Monsieur le Président, Madame la Vice-présidente de la Commission, les quinze rapports portant sur le principe du "Mieux légiférer" qui ont été présentés au Conseil Européen, mentionnent l'existence de la plate-forme de suivi de la subsidiarité, créée par le Comité des régions. Ils mentionnent également les liens qui existent entre les Parlements nationaux et les instances européennes. En pratique, cent parlementaires, cent membres, seront amenés à l'avenir, en tout cas c'est ma conviction, à jouer un rôle utile à chacune des étapes du processus législatif. C'est-à-dire tant en amont qu'en aval, dès lors qu'il s'agira d'examiner les propositions de la Commission, les consultations en vue d'évaluations d'impacts, ainsi que les consultations en vue d'une alerte rapide. Les deux premiers éléments doivent constituer un apport au travail de la Commission européenne, avant que la décision ne soit prise. Quant au troisième outil, il doit permettre d'en assurer le suivi.

Je suis conscient que le principe de subsidiarité - conceptualisé, interprété, révisé à plusieurs reprises, devenu justiciable et enfin constitutionnalisé - est difficile à appréhender pour les citoyens, alors qu'il représente un instrument incontournable pour leur assurer une meilleure législation européenne. C'est la preuve que ce principe souffre d'un déficit de lisibilité.

Il doit alors être, si je peux m'exprimer ainsi, démystifié et répondre simplement à la réalité de la gouvernance européenne de manière à ce que la décision politique ne se retrouve plus exclusivement entre les mains d'un seul niveau de gouvernement. Comme je le dis souvent, une des grandes fictions de cette période est de croire qu'un niveau de décisions pourrait aboutir à toutes les solutions, tout comme est une autre fiction le fait de croire que seules des institutions peuvent apporter toutes les solutions.

C'est pour cela qu'il faut approfondir la dimension horizontale de la subsidiarité, c'est-à-dire qu'il faut générer de la confiance - et non pas seulement accorder du respect - et donner une place à ceux qui, dans la société, actent dans le monde économique, éducationnel, culturel, et dans celui de la santé, pour citer ces exemples.

Cette nécessité de concertation et de coopération entre les différents niveaux de responsabilités, nous estimons, au Comité des régions, devoir la traduire, et la pouvoir traduire en partenariat. Et c'est là, Mesdames, Messieurs, l'ambition qui, je l'espère, j'en suis sûr, présidera à nos débats de cette journée.

Merci beaucoup de votre attention.

M. Bernard FRIMAT

Merci, Monsieur le Président. Vous allez donc maintenant pouvoir ouvrir la première session de vos travaux.

Je vais donc vous laisser la Présidence de cette première session, et je vous retrouverai tout à l'heure.


PREMIÈRE SESSION

MIEUX LÉGIFÉRER : UN ENJEU DE BONNE GOUVERNANCE MULTI-NIVEAUX EN EUROPE

Présidence de M. Luc VAN DEN BRANDE, Président du Comité des régions et membre du Parlement flamand

J'invite Madame Wallström, Vice-présidente, à bien vouloir venir me rejoindre au podium, parce que sinon je serai bien seul ici, en tant que défenseur de la subsidiarité. Et j'espère que vous allez pouvoir venir enrichir nos rangs, Monsieur Formigoni, Monsieur le Ministre Michael Schneider et Madame Ana Terrón I Cusí.

Chers collègues, je suis heureux d'introduire cette première session de nos Assises de la subsidiarité.

Naturellement, je crois qu'il est important, dans les introductions et aussi pour ce qui est du débat qui suivra, que nous mettions au clair que le Comité de régions a totalement intégré les mécanismes qui sont en place, pour pouvoir arriver à ce monitoring de la subsidiarité. D'ailleurs, je peux vous dire qu'il y a, jusqu'à présent, trois domaines dans lesquels notre subsidiarity monitoring platform a travaillé.

Donc, je donne volontiers la parole à la Commissaire et Vice-présidente. Je suis ravi qu'elle soit avec nous.

Allocution introductive de Mme Margot WALLSTRÖM, Vice-présidente de la Commission européenne

Merci beaucoup. Merci Monsieur le Président, Monsieur le Vice-président, Mesdames et Messieurs.

C'est un véritable honneur pour moi d'être invitée à cette première session. Je pensais que c'était la quatrième... Les quatrièmes Assises de la subsidiarité.

Bien sûr, cela commence avec le concept. Derrière ce mot quelque peu crypté qui est difficile à prononcer même dans ma propre langue, ce terme - subsidiarité - recouvre des principes et des ambitions essentiels. En fin de compte, il s'agit de la démocratie et de la bonne gouvernance. Il s'agit également d'ancrage, d'engagement et d'appartenance. J'aimerais donc ici le développer. J'aimerais vous expliquer comment nous voyons la subsidiarité au sein de la Commission européenne. J'aimerais également préciser ce que nous faisons, concrètement, pour rapprocher la Commission des Parlements nationaux et du Comité des régions, et ce que nous ferons en fonction des nouveaux traités. Ensuite, j'essaierai d'expliquer comment nous pouvons faire une campagne d'information, de communication, davantage "proactive", sur la subsidiarité. La subsidiarité en tant que processus est un outil démocratique au sujet duquel nous devons mieux communiquer, en partenariat. À la Commission, nous prenons le principe de subsidiarité très sérieusement. C'est un test crucial, pour nous, et nous voulons nous assurer que nos propositions législatives sont véritablement nécessaires pour parvenir à l'objectif souhaité. Nous voulons nous assurer qu'il y a véritablement une question à régler, que l'action au niveau de l'Union européenne va véritablement offrir une valeur ajoutée.

Pourquoi? Tout simplement parce que le contraire irait à l'encontre de l'intérêt des citoyens européens. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons nous assurer que les propositions ne seront présentées que si elles permettent une approche transnationale, que si elles ne peuvent pas être réglées individuellement, par les États membres. Ce qui veut dire que les actions prises par l'Union européenne doivent toujours apporter un bénéfice plus important que si ça avait été le cas, au niveau de l'État membre. Les questions du changement climatique, par exemple, sont des illustrations qui montrent cette valeur ajoutée. Les États membres ne peuvent pas agir seuls pour aborder la question du changement climatique ni pour s'assurer de parvenir aux objectifs fixés pour 2020. Il en va de même également pour la crise financière, comme nous l'avons vu. J'y pensais il y a peu: vous vous souvenez qu'en Suède nous avons eu une grosse crise financière, dans les années 1990, et nous l'avons réglée au niveau national. Bien sûr, la différence était que nos banques, à l'époque, étaient principalement nationales. Il y avait très peu de transactions transfrontalières. À présent, la situation des banques en Europe est complètement différente, donc nous devons donner une réponse très différente.

Les choses changent. Pour vous donner également un autre exemple de changements que nous constatons: la question des émissions et du quota d'émissions. Voilà aussi un secteur où il y a des changements. Lorsque cela a été créé, nous savions que ce serait une période d'essais et d'erreurs. Cela a été créé avec un système de "permis de polluer". Nous savons que cela n'a pas très bien fonctionné, que cela n'a pas entraîné la discipline que nous espérions et que cela n'a pas eu l'effet souhaité. Cela n'a pas permis de trouver une solution rentable. Par conséquent, la subsidiarité exige que ceci soit fait au niveau de l'Union européenne. Et c'est alors que nous avons fait une proposition pour un système d'émission de CO 2 à l'échelle européenne. Nous voyons à présent une réduction d'émission de CO 2 , ce qui nous permettra de trouver des solutions efficaces et rentables. Cela a fait l'objet d'un accord par les États membres. Il s'agit de passer d'un système national à un système à l'échelle européenne.

Or, si cette solution est la bonne, il y a d'autres sujets pour lesquels la subsidiarité induit que l'approche nationale est la meilleure. Par exemple, la mise aux enchères doit se faire au niveau national, et les revenus doivent revenir au Trésor national. Le choix de l'utilisation des fonds publics etc. reste au niveau national. Donc, ici, nous avons vu la nécessité de procéder à des changements et je pense que c'est une très bonne illustration des changements, des évolutions qui se produisent. Nous devons ici faire preuve de flexibilité.

La subsidiarité est un concept organisationnel. Il ne peut pas être mis en oeuvre isolément. Il faut que tous les acteurs, soient impliqués, y compris les Parlements nationaux, régionaux et le Comité des régions, entre autres. Il y a d'autres choses qui sont importantes, au-delà des aspects techniques et juridiques. Il faut que ceci soit mieux ancré dans les partis politiques et dans les traditions démocratiques des États membres. Nous devons mieux impliquer, mieux faire participer les citoyens, à tous les niveaux, surtout les jeunes et les femmes. Nous devons montrer que l'Union européenne n'est pas un ensemble de règles et de règlementations.

Je pense que ce type de débat, où les autorités locales, régionales et nationales sont impliquées dans les discussions, permettra d'accroître l'intérêt et de faire prendre conscience aux citoyens que nous sommes là. Il faut que ceci fasse l'objet de discussions au Parlement, dans les media, dans les conseils régionaux et également "dans les cuisines".

Ici, nous avons trois pierres angulaires: Il s'agit d'ancrer, d'assurer l'engagement et de susciter l'appartenance. Si la subsidiarité peut nous y aider, dans ce cas nous aurons beaucoup avancé. Et c'est l'une des raisons pour laquelle la commission Barroso s'est fixé comme priorité de renforcer ses relations avec les Parlements nationaux et le Comité des régions.

Permettez-moi de donner un exemple très important de ce que nous avons pu faire avec les Parlements nationaux. Il y a de cela deux ans, vous savez que nous avons lancé le mécanisme du dialogue. Nous avons envoyé des propositions, des documents de consultations à tous les Parlements nationaux, en leur demandant de faire des commentaires. Nous avons amélioré le processus de politique et de mise en oeuvre des mesures législatives de l'Union européenne au niveau des États membres, et la réaction des Parlements nationaux a été extrêmement positive et constructive. Nous considérons cette réaction en termes de quantité et de qualité.

Sur 128 documents, en 2006, jusqu'à mi-2008, la Commission a reçu 287 propositions d'Assemblées nationales de 21 pays.

S'agissant de la qualité, il convient de remarquer qu'à plusieurs reprises les institutions européennes se sont faites l'écho des Parlements nationaux, s'agissant de certaines inquiétudes, par exemple, concernant l'achèvement du marché postal, les autoroutes, les infrastructures, la sécurité et l'Institut européen de la Technologie. Donc, nous avons largement démontré que c'était un succès, à la fois pour la subsidiarité et pour la proportionnalité, notamment s'agissant de cet ancrage, de l'engagement et de ce sentiment d'appartenance.

D'autre part, ce mécanisme de dialogue se fonde sur les traités, mais il va au-delà des dispositions des traités. Et la Commission va poursuivre ce mécanisme de dialogue, ce dialogue avec les Parlements nationaux. Nous l'avons promis, nous le ferons.

La Commission souhaite également impliquer davantage le Comité des régions dans le processus de décisions législatives. Nous avons revu nos orientations sur l'évaluation d'impacts, pour nous assurer que l'impact au niveau régional est également pris en compte. Les services de la Commission vont contacter le Comité des régions pour toutes les initiatives qui ont un impact régional important.

Nous avons également demandé au Comité des régions de travailler avec le Groupe de haut niveau pour la charge administrative présidé par M. Stoiber, et ensuite sur les nouvelles dispositions du traité de Lisbonne. Nous ne savons pas très exactement ce qu'il en adviendra, mais nous allons introduire des innovations importantes sur la subsidiarité, le rôle des Parlements nationaux, le rôle du Comité des régions, et un droit d'appel devant la Cour de justice des Communautés européennes, s'il y a infraction au principe de subsidiarité. Ceci constitue une innovation importante, comme le système d'alerte précoce et le système de "carton rouge", "vert" et "jaune" pour la subsidiarité.

Cela ne surprendra personne si je dis qu'il faut trouver une solution qui soit acceptable pour tous concernant le traité de Lisbonne, et pour installer des outils démocratiques.

Le citoyen européen souhaite une responsabilité politique, une valeur ajoutée et également une efficacité des actions des pouvoirs publics. Le fait de décider au bon niveau est très important. Mais s'engager auprès du public, c'est également très important. Nous devons avoir une bonne communication sur les décisions prises et les arguments qui sous-tendent ces décisions. Nous devons communiquer sur le fond des propositions.

Au niveau de la commission, nous avons commencé un résumé pour les citoyens. Il s'agit de deux ou trois pages qui expliquent de façon très claire le problème, ce que la Commission souhaite faire pour le régler, quels seront les changements et à quels moments ils seront appliqués. Les autres changements relèvent de la mise en oeuvre d'une culture où les institutions européennes et les partenaires, y compris les parlements régionaux et nationaux, travailleront en partenariat, ce qui permettra d'avoir un sentiment d'appartenance au projet européen, au niveau des débats et des discussions.

À Strasbourg, la semaine dernière, la Commission, le Conseil des ministres et le Parlement européen ont signé, pour la première fois, une déclaration sur la communication de ce partenariat. Ceci nous permettra d'avoir un outil très important et, je l'espère, une meilleure façon de communiquer avec le citoyen de l'Europe. Toutefois, l'Europe ne doit pas faire l'objet de discussions uniquement menées par la Commission, les Parlements, etc. Il faut que ceci fasse partie des débats locaux et régionaux. Et là, les parlements régionaux ont un rôle très importants à jouer, et je sais que vous êtes les ambassadeurs de l'Union européenne dans les débats, dans vos circonscriptions.

La subsidiarité est essentielle, mais son application ne nous apportera absolument rien si nous n'arrivons pas à l'expliquer et si nous en oublions le fond politique. Tous les acteurs impliqués dans cette politique européenne ont cette responsabilité de mieux communiquer et d'expliquer. Donc je vous encourage tous à en parler, à communiquer. Je pense qu'il y a beaucoup d'efforts à faire pour l'amour de la démocratie et surtout avant les prochaines élections européennes qui se dérouleront en juin de l'année prochaine. Les enjeux sont élevés et c'est seulement en se fondant sur le savoir et la connaissance que l'on pourra se forger des avis raisonnés, avis que l'on pourra défendre. Ceci permettra d'avoir une démocratie qui fonctionne bien. Ceux qui défendent tout et n'importe quoi ne défendent rien, comme l'a dit Hamilton, il y a de cela plus de deux siècles. Donc, l'ancrage, l'engagement, le sentiment d'appartenance, l'appropriation: voici ce qu'il faut développer au niveau du partenariat.

Je vous remercie de votre attention.

M. Luc VAN DEN BRANDE

Merci beaucoup, Madame la Vice-présidente. Je crois que cet ancrage, cette appropriation, sont les mots clés. Mais ce sont des instruments, et non pas une fin en soi, pour une bonne gouvernance et la prise des bonnes décisions. Je donne la parole à Monsieur Roberto Formigoni, Président de la région de Lombardie.

PREMIÈRE PARTIE :

LA GOUVERNANCE MULTI-NIVEAUX AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE : UN ENGAGEMENT COMMUN POUR UNE VÉRITABLE CULTURE DE LA SUBSIDIARITÉ

M. Roberto FORMIGONI, Président de la région de Lombardie, membre du réseau de monitorage de la subsidiarité du Comité des régions

Monsieur le Président, Madame La Commissaire, Mesdames et Messieurs les représentants des Parlements nationaux, Messieurs du Comité des régions, Mesdames et Messieurs, je tiens tout d'abord à vous faire part de ma satisfaction de pouvoir saisir aujourd'hui, non seulement l'opportunité de contribuer à une réflexion, mais aussi, je le crois davantage, de contribuer à une action à laquelle l'évolution de l'unité européenne, avec une force toujours croissante, appelle chacun de nous: Représentants de l'Union européenne, des États membres, d'Autorités régionales et citoyennes.

Les entités locales et surtout les régions, depuis longtemps, se trouvent au carrefour de deux processus, de transitions pénibles et non abouties. D'un côté, vous avez la crise de l'État national, des États nationaux- qui se trouvent confrontés à un conflit "du haut" par la mondialisation, et "du bas" par la société civile, qui est en train de s'organiser de façon autonome - et de l'autre côté, l'intégration et la constitutionnalisation de l'Europe. Nous sommes donc en train d'assister à une extraordinaire redéfinition des pouvoirs, et les régions sont appelées à dépasser leurs revendications simples de pouvoirs et de droits, pour jouer un rôle de locomotive.

Par ailleurs, la crise financière que nous traversons nous amène à une réflexion profonde. Il est évident qu'il va falloir repenser les rôles, et dans deux directions. D'un côté, il y a le rôle des autorités centrales des États, auxquelles on ne peut renoncer, et de l'autre, de nouveaux espaces d'actions locales qui s'ouvrent. L'impact des mesures prises au niveau central a des effets différents selon les spécificités de nos territoires. Ce sont précisément les systèmes territoriaux qui sont les lieux privilégiés, si l'on veut reconstituer des "réseaux de réseaux" fonctionnels, au sein desquels les sujets sociaux et productifs récupèreront l'esprit d'entreprise, la participation, l'exercice des droits, la responsabilité, l'esprit d'initiative.

Je crois qu'il faut reconnaître que depuis quelques quinze ans, les régions surtout ont représenté ces points de références capables de susciter des attentes, des intérêts, une demande de citoyenneté. Autrefois, on s'adressait pour ce faire aux États. Maintenant, c'est surtout aux entités territoriales et aux régions. Très souvent ces dernières sont devenues des points de force des systèmes nationaux; il y a une demande politique qui s'adresse à ces régions et qui en font des institutions politiques. Je pense que c'est dans ce cadre, qui change rapidement depuis quinze ans, dans ce nouveau cadre, qu'il faut redéfinir un modèle d'État et de gouvernement. Il faut penser en termes nouveaux l'imbrication des pouvoirs, des rôles et des fonctions, en reconnaissant que certains sujets, qui ne sont pas les États, peuvent interpréter et représenter les intérêts des citoyens et des territoires.

Dans certains cas, l'Union européenne a démontré qu'elle avait bien compris cette nécessité de faire changer les relations entre les institutions. Dans d'autres cas - je pense à l'uniformité de certaines directives, qui s'appliquent pourtant à des situations bien différentes - l'Union européenne risque de faire obstacle à cette recherche de solutions réelles. Pensez, par exemple, à la qualité de l'air: ça intéresse tout le monde, et il y a des différences considérables d'un territoire à l'autre. On ne peut pas interpréter cette diversité avec des paramètres uniques.

Donc, cette bonne gouvernance multi-niveaux devrait permettre de sortir des difficultés que connaissent les systèmes politiques; une gouvernance, bien entendu, qui ne serait pas tout simplement un système d'adaptation d'autres systèmes plus anciens. Il faut donner vie à cette gouvernance multi-niveaux, en la concevant comme la création d'une nouvelle idée de l'État, fondée sur la subsidiarité. À la base, on trouve la subsidiarité. Et ça n'est qu'ainsi que l'on peut structurer une gouvernance multi-niveaux, qui ne soit pas autoréférentielle, qui ne porte pas en elle-même sa propre justification, mais qui ait comme étoile polaire le citoyen et les corps sociaux mis au centre. Donc, c'est une subsidiarité qui est exaltation de la liberté personnelle, de la responsabilité et de capacité d'innovation.

La gouvernance que nous visons doit répondre à cette exigence d'une démocratie plus mûre, un système de réseaux permettant d'impliquer tous les gouvernements qui pourront travailler ensemble, pour mener à bien les politiques qu'ils se sont fixées, ce qui leur permettra aussi d'en vérifier les résultats. Bien entendu, il faut partir de problèmes concrets, spécifiques. Le caractère expérimental du domaine est imposé par l'objet même de ce domaine.

Il faut penser à un modèle de gouvernance multi-niveaux qui serait fondé sur le concret et sur la fonctionnalité, ce qui n'est pas le cas du pouvoir centralisé. La subsidiarité doit placer les fonctions aux niveaux idoines, pour chacune d'entre elles. Le niveau de gouvernement, qui correspond le mieux aux besoins et aux rôles des personnes, est parfois le pouvoir le plus décentralisé, alors que, dans d'autres cas, il faut faire remonter l'examen du problème vers le haut. Les tâches peuvent être redistribuées, en pensant au niveau le plus idoine et en tenant compte de la diversité des systèmes nationaux.

Au sein de cette dynamique de la subsidiarité, la gouvernance multi-niveaux trouve donc une dimension verticale qu'on ne peut pas réduire à la simple décentralisation. Il s'agit de pouvoir retrouver, au niveau horizontal, la préséance de l'action, des personnes et des intermédiaires. Notre grande chance, maintenant, c'est de commencer à travailler en réseaux, en valorisant et en modélisant les meilleures expériences, en faisant la synthèse des expériences de subsidiarité pour les proposer ensuite à l'ensemble de l'Europe.

Dans ce sens, je crois que le potentiel de la subsidiarité est considérable, à tel point que l'on peut comparer l'importance de la subsidiarité à l'introduction de la séparation des pouvoirs: le législatif, l'exécutif et le judiciaire, en Occident. Par ailleurs, les racines de la subsidiarité sont à chercher dans l'Histoire. L'Histoire du libéralisme, l'Histoire Chrétienne, l'Histoire tout court.

D'ailleurs, certains pensent avoir trouvé chez Aristote les fondements de ce principe: c'est un principe qui reconnaît en la personne le fondement même de la société, et qui parle d'une idée de l'État qui va au-delà de la dichotomie entre l'individu et l'État, pour créer, ou recréer, une situation civile qui est aussi une communauté de peuples. La subsidiarité est la condition sine qua non de cette nouvelle idée d'État, parce qu'elle va au-delà de l'acception moderne de l'exercice du pouvoir, que l'on considère, en général, comme devant être soumis à un contrôle. Alors que d'autres parlent de la possibilité d'avoir un État qui "limite les limites" des personnes.

Keynes dit que la personne, avant d'être assistée au plan universel, doit être, au plan universel respectée. Tocqueville parle du "goût de la liberté locale". C'est une question fondamentale si l'on veut construire l'État moderne. Donc, nous avons des auteurs de poids derrière nous. Que ce soit des auteurs de l'antiquité ou que ce soit des auteurs modernes.

L'Union européenne a eu le mérite d'attirer l'attention sur ce principe, qui était jusque-là plutôt négligé. Le voisinage des citoyens, que l'on trouve dans le Préambule du traité de Maastricht, évoque le caractère complémentaire et auxiliaire de l'intervention du Public, en revenant aux capacités de la société civile.

Au cours de nos débats, nous avons tendance à ne voir que le côté vertical de la subsidiarité. Alors que moi, je pense que la dimension horizontale, la mise en valeur des sujets sociaux, des personnes, est la dimension la plus intéressante, la plus importante. De ce point de vue, la subsidiarité pourrait nous aider à fonder une nouvelle citoyenneté européenne. C'est là qu'il faut chercher la possibilité de donner corps aux désirs de nos citoyens qui veulent, évidemment, voir reconnaître leurs droits fondamentaux, ce que fait le traité. Il faut aller plus loin dans ce processus de participation démocratique, par le biais de formes directes de consultations. Bien entendu, la subsidiarité doit toujours être comparée à ce que peut apporter l'efficacité, afin de voir ce qui pèse le plus lourd.

Je dois dire que nous avons orienté nombre de nos politiques à partir de cette idée de la subsidiarité, que nous avons interprétée comme la possibilité de libérer les énergies de la Société civile. Nous avons fait une véritable révolution dans ce domaine, en particulier pour les services sociaux, la santé, l'aide aux personnes handicapées, aux personnes âgées, la formation professionnelle, l'école, la gestion des services d'intérêt public. Nous avons toujours parié sur le caractère central de la personne et sur le rôle des familles. La subsidiarité nous a donné de nouveaux exemples de fonctionnement, que nous sommes en train d'expérimenter, avec succès, et que nous commençons à étendre à d'autres domaines.

Pour nos citoyens, pour nos personnes, il y a cette possibilité de choisir au sein des services qui leur sont proposés par la région, la voie qui leur semble la plus idoine, pour répondre à leurs propres besoins. Nous avons donc créé des parités de conditions pour tous les acteurs sociaux. Nous avons changé le rôle des services publics. Il ne s'agit plus d'une gestion de type "monopole", mais il s'agit maintenant d'entités qui, soumises à des contrôles, garantissent la qualité de leurs interventions.

Donc, ce sont des expériences faites ces dernières années. Dans notre pays, cela a lancé un débat très animé, et cela a permis aussi d'améliorer la qualité et le niveau de démocratie et de participation de tous nos citoyens.

Nous avons pu introduire ces expériences dans le nouveau statut d'autonomie dont s'est dotée la Lombardie récemment, et qui a été approuvé à une immense majorité au Conseil régional lombard; avec, toujours, cette affirmation au centre: la personne humaine est à la base même de l'entité régionale, toujours dans ce principe de subsidiarité, avec ses deux dimensions, verticale et horizontale, ce qui en fait, de fait, l'alpha et l'oméga des choix politiques.

Voilà pourquoi, et je conclus, Monsieur le Président, Madame le Commissaire, voilà pourquoi, je crois qu'après avoir consacré une journée de réflexion sur le thème de la subsidiarité, nous pourrons aller de l'avant. C'est une étape importante. Ce que je souhaite, c'est que de cette journée naisse un mouvement qui aurait le courage de tirer toutes les conclusions de ce principe de subsidiarité.

J'ai également le plaisir de vous dire que la proposition faite par ma région d'organiser à Milan, en 2009, les prochaines Assises de la subsidiarité, a été acceptée. Et je veux remercier le Président Van Den Brande et le Comité des régions, d'avoir accepté cette proposition.

Madame la Commissaire, Mesdames et Messieurs, encore merci de m'avoir offert cette possibilité de m'exprimer. Je vous attends en Lombardie, en 2009.

Merci de votre attention.

M. Luc VAN DEN BRANDE

Merci, Président Formigoni. Je crois que vous vous êtes exprimé, de façon non seulement conceptuelle, mais également de manière "enracinée" aux responsabilités relatives à votre région. Je crois, et je peux le confirmer, qu'il est de mise d'accepter l'offre et la proposition du Président relatives aux quatrièmes Assises de la subsidiarité, qui se tiendront à Milan. Par ailleurs, ces quatrièmes Assises qui se tiendront dans une région à pouvoirs législatifs, présentent un "focus" intéressant. Merci beaucoup, Monsieur le Président.

Sans plus tarder, je vais donner la parole à mon collègue, le Secrétaire d'État Michael Schneider. Mesdames et Messieurs, chers collègues, Michael Schneider est également Président de notre COTER, la Commission du Comité des régions chargée de la politique de la cohésion territoriale. Donc, au nom de la Commission COTER, il nous fera part de ses avis et nous dira quelques mots des préoccupations et des approches qui sont l'apanage de ce COTER.

M. Michael SCHNEIDER, Secrétaire d'État pour les Affaires fédérales et européennes, Représentant plénipotentiaire auprès de l'État fédéral du Land de Saxe-Anhalt, Président de la Commission de la politique de la cohésion territoriale du Comité des régions

Merci beaucoup, Monsieur le Président, Madame la Commissaire,

Je viens également d'une région à pouvoir législatif, et s'agissant de ce thème, je dois dire que nous jouons un rôle essentiel.

Mesdames et Messieurs, permettez-moi de vous faire part de quelques remarques à propos de ce thème, thème que je souhaite évoquer un petit peu comme une thèse, de façon assez brève compte tenu du peu de temps que nous avons à notre disposition dans la première partie de ces Assises. Nous parlerons de la gouvernance multi-niveaux et du lien à établir avec la subsidiarité. Je crois que c'est une bonne chose de le faire et d'évoquer cette nécessité. Il est indispensable que nous en parlions, parce que subsidiarité et multi-gouvernance ou gouvernance multi-niveaux sont les deux faces d'une même médaille. Vous n'en disconviendrez pas, il s'agit dans les deux cas de concepts ou de notions que nous ne souhaitons pas simplement énoncer de façon purement descriptive. Nous souhaitons faire de ces concepts, ou de ces notions, quelque chose qui ait une véritable valeur intrinsèque et qui ne puisse être défini que par des objectifs "multi-différents".

Subsidiarité et multi-gouvernance ou gouvernance multi-niveaux sont des réalités qui nécessitent des structures de prises de décisions un cadre de processus décisionnel, dans lequel elles doivent se placer. En revanche, pour ce qui est de la subsidiarité, ce sont essentiellement des processus de décisions sur le fond qui sont concernés. Je crois qu'à cet égard l'on peut faire un constat, à savoir que l'Union européenne, dans son ensemble, a bien compris le principe de la multi-gouvernance ou de la gouvernance multi-niveaux, qu'elle s'en félicite et qu'elle l'appelle de ses voeux.

Au cours de ces dernières années, il faut reconnaître que la réflexion a changé, les gens pensent différemment. On pense l'Europe en termes d'une prise en compte plus marquée de la dimension régionale et locale, ce qui me paraît être une bonne chose, parce que le niveau européen est important. Mais les États membres et le niveau européen doivent bien comprendre qu'un grand nombre des objectifs que nous avons en commun au sein de l'Union européenne, ne pourront être réalisés que si l'on implique pleinement les Collectivités locales et territoriales et si ces deux niveaux sont associés de très près. Pour ce faire, ils ont besoin de leurs propres compétences, qui nécessitent une gouvernance multi-niveaux.

Lorsque je parle de participation ou de nécessité pour ces collectivités de s'associer au système de prises de décisions, la gouvernance multi-niveaux ne peut signifier que les régions et les communes, puisque c'est essentiellement d'elles qu'il s'agit, aient vocation à n'être que de simples organes exécutifs des décisions prises au niveau européen. Non. Loin de cela. La gouvernance multi-niveaux ne doit pas être simplement comprise pas comme un instrument de coordination des politiques européennes, mais comme un instrument de prises de décisions politiques et de motivation des décisions, au plan local.

Le niveau national est indispensable, dans l'ensemble de nos États membres et le niveau régional également. Nous avons chacun des intérêts différents, nous voyons les choses chacun à notre manière, mais - parfois on l'évoque trop peu - existent des connaissances expertes. À cet égard, on ne peut en aucun cas nier ces compétences expertes au niveau local, sous prétexte qu'il y a une approche nationale qui est indispensable. Parce que ceci irait à l'encontre du principe de la gouvernance multi-niveaux.

Avec la création du Comité des régions, en tant qu'organe consultatif de l'Union européenne en 1994, un pas en avant a été franchi vers la participation des régions aux prises de décisions politiques au niveau de l'Union européenne. On ne peut que se réjouir qu'au cours de ces dernières années, ce n'est pas seulement la Commission, mais également le Parlement européen lui-même qui, de plus en plus, a consulté le Comité des régions et a essayé de tenir compte des connaissances expertes des collectivités locales et régionales, dans leurs prises de décisions, en passant précisément par le Comité des régions. C'est une évolution dont on ne peut que se féliciter et se réjouir.

Ceci étant dit, cette participation indirecte des niveaux locaux et régionaux à la prise de décisions européennes a une répercussion directe sur les prises de décisions au sein des États eux-mêmes. Et là, il y encore beaucoup à faire, parce que la situation est loin d'être satisfaisante. On a souvent vu que cette prise de décisions est un petit peu en porte-à-faux. On l'a vu notamment pour la plate-forme de Lisbonne. C'était le cas, pour la plate-forme sur le contrôle de la subsidiarité. Il y a de cela quelques années, on a pu l'observer à nouveau, lorsqu'a été élaboré le plan national de l'utilisation des fonds structurels. Là, notre Commission territoriale y est étroitement associée. Mais l'on a trop peu associé le niveau local et le niveau territorial dans la prise de décision nationale. Tout cela laisse encore beaucoup à désirer. Maintenant, j'en arrive au principe de subsidiarité.

Mesdames et Messieurs, on parle beaucoup des citoyennes et des citoyens. Nous avons l'occasion de nous entretenir avec eux, lorsque nous sommes en campagne électorale, notamment. Si vous êtes comme moi, vous avez souvent entendu la question posée: "Mais, c'est quoi, finalement, cette histoire de subsidiarité?" Moi, j'ai une petite formule qui me permet de répondre à cette question, quand on me la pose. Je dis la chose suivante: "Vous savez, la subsidiarité, ça veut dire autant d'Europe que possible, mais aussi peu d'Europe que possible". Ça vous paraît peut-être un peu simpliste, ça peut peut-être induire en erreur, mais il faut ramener cela au niveau national, parce que la subsidiarité est également un thème qui doit faire l'objet de débats au niveau national. À ce moment-là, je dis: "Autant de centralisme, autant de règlementations au plan central que possible, mais autant de compétences au niveau inférieur que possible". Par inférieur, je veux dire, plus local.

Je pense que cette formule permet de bien expliquer le fait que, lorsqu'on parle de subsidiarité, il ne s'agit pas simplement d'opposer différents niveaux de compétences. Il s'agit vraiment de veiller à ce qu'il y ait une concertation idoine entre les différents niveaux de compétence. Il faut qu'il y ait une bonne mise en commun des ressources. Il s'agit là de deux éléments essentiels. Il faut savoir que le principe de subsidiarité ne fonctionnera que si les différents niveaux de compétences, je pense notamment aux niveaux régional et local, disposent de compétences suffisantes et de pouvoirs suffisants. Ces pouvoirs doivent les amener à être associés directement aux prises de décisions.

Je crois que le principe de gouvernance multi-niveaux et la subsidiarité sont imbriqués l'un dans l'autre, à cet égard. Ça me paraît être une évidence.

Et puis, il faut insister sur le fait que la subsidiarité ne peut en aucun cas être décrite de façon abstraite. Bien au contraire. Il faut que tout cela soit très concret, il faut que ce principe de subsidiarité soit interprété au niveau local. Ensuite il faut se poser la question de savoir quelles sont les mesures qu'il y a lieu de prendre, à quel niveau. Et cette question, bien entendu, est systématiquement une question d'espèce, un cas particulier. Le principe de subsidiarité, interprété, tel que je le fais moi-même, signifie que la subsidiarité est véritablement la colonne vertébrale de l'Union européenne. Je crois que Luc Van Den Brande a évoqué la nécessité de "voir la subsidiarité porter l'Europe", ou quelque chose dans ce genre. Ce que je veux dire, c'est que c'est un potentiel qui pourrait être développé, mais qui ne pourra l'être que si le principe de la gouvernance multi-niveaux n'est pas simplement encouragé dans les discours que l'on tient tel dimanche ou tel samedi, si on l'applique sur le terrain, tous les jours.

Nous sommes loin d'en être là.

C'est la raison pour laquelle, au sein du Comité des régions, nous ne sommes pas toujours d'accord sur les cas d'espèces. Lorsqu'il s'agit de l'application du principe de subsidiarité, nous ne sommes pas toujours sur la même longueur d'ondes.

Dans la Commission de la cohésion territoriale, lorsque l'on parle des politiques régionales, il arrive souvent que certains représentent des régions, qui ont énormément d'autonomie, comme les États fédéraux allemands, les bundesländer , ou d'autres qui ont des niveaux de responsabilités inférieurs. Et pourtant, ce sont les mêmes niveaux qui doivent utiliser les fonds européens et qui veulent avoir la possibilité de gérer ces fonds. Dans ces cas-là, les représentants des différentes régions sont un petit peu en porte-à-faux les uns par rapport aux autres. Ils ne sont pas d'accord. Certains souhaitent qu'il y ait davantage d'interventions au niveau européen, parce que cela permettrait d'éviter des écarts et trop d'ingérence au niveau national. Ils estiment qu'au niveau européen, on peut mieux lutter contre cette ingérence de l'État centralisateur. Et là encore, nous évoquons le principe de subsidiarité, mais pour parler de choses différentes. Je m'adresse particulièrement ici aux membres du Comité des régions.

Si, sur base du traité de Lisbonne, nous entendons examiner au cas par cas la question de savoir s'il y a lieu de renforcer le principe de subsidiarité, sachez que nous aurons du pain sur la planche. La tâche ne sera pas facile parce que nous aurons à expliquer la subsidiarité de façon très différente selon l'endroit où nous sommes. Il est vrai que la situation n'est pas satisfaisante. Dans l'état actuel des choses on ne peut pas s'en féliciter, nous en sommes tous d'accord.

Pour apporter une solution à cette situation qui n'est pas satisfaisante, il est indispensable qu'il y ait une réalisation au plan européen du principe de gouvernance multi-niveaux. C'est un appel que je vous lance, et je conclus sur ce point.

Merci.

M. Luc VAN DEN BRANDE

Merci beaucoup, cher collègue, Michael Schneider. Je donne la parole à présent sans plus tarder à notre collègue, Madame Ana Terrón I Cusí, qui est Secrétaire pour l'Union européenne du gouvernement de la Généralité de Catalogne.

Madame Terrón, vous avez la parole.

Mme Ana TERRÓN i CUSÍ, Secrétaire pour l'Union européenne du gouvernement de la Généralité de Catalogne, Membre de la Commission des Affaires constitutionnelles, de la Gouvernance européenne et de l'Espace de Liberté, de sécurité et de justice du Comité des régions

Merci Monsieur le Président, Madame la Commissaire, Président Formigoni. Mesdames et Messieurs, je vais tout d'abord passer à l'Espagnol, qui n'est pas ma langue maternelle, laquelle est le catalan, mais qui fait absolument partie de "mes langues".

Merci d'avoir organisé cet événement, qui me semble très intéressant. Je crois que c'est l'une des choses pour lesquelles nous devons remercier la Présidence française et, bien sûr, le Comité des régions. Tout d'abord, permettez-moi d'excuser le Président Martini. Comme vous le savez, la vie d'un Président de région est difficile, et il n'a pas pu être présent comme il l'aurait souhaité. J'aimerais commencer par le débat sur la subsidiarité - ou, comme nous l'avons vécu, sur la ratification du traité de Lisbonne - et engager la discussion sur la portée et la signification du principe de subsidiarité, sur sa dimension régionale et locale, qui a pris une ampleur très importante. Je ne considère pas la subsidiarité comme un affaiblissement de l'Union européenne, et je ne le vois pas non plus, comme on l'a souvent dit, comme une attribution implicite de compétences qui seraient données aux États membres contre l'Union européenne. Pour nous, il s'agit d'un concept de l'Union européenne, dans son ensemble, dans lequel le citoyen européen occupe une place essentielle, comme le disait Monsieur Formigoni. Nous le voyons comme une partie de l'architecture de cette construction européenne - permettant de respecter, mais aussi d'exercer la démocratie de proximité - comme principal mécanisme qui doit régir les relations entre les différents niveaux institutionnels, mais également comme une façon de voir les politiques qui sont adressées aux citoyens. Pour nous, il s'agit d'un mouvement dans les deux sens, qui ne va pas seulement du haut vers le bas. À notre sens, il y a un principe de coresponsabilité. Une application honnête de ce principe de subsidiarité reconnaît les domaines dans lesquels l'action doit venir d'instances européennes, et je crois que nous devons clairement le dire. Nous le disons et le revendiquons, mais demandons également une interprétation claire du principe de subsidiarité, ainsi qu'une gouvernance à multi-niveaux. Il y a eu, ici et là, des réticences au niveau régional, s'agissant de l'application des politiques européennes, et je pense que nous devons prendre ceci très au sérieux. Nous devons voir que ces réticences naissent souvent de la difficulté de s'identifier à des processus de décisions et surtout du problème posé par les gens, qui n'ont pas le sentiment d'appartenir à ce processus de prises de décisions.

Je vais vous donner un exemple qui illustre mes propos. Comme le disait l'orateur précédent, nous avons des régions très différentes, qui ont des pouvoirs administratifs décentralisés, mais nous avons également des régions, comme la mienne, qui possèdent un Parlement élu par ses citoyens et un gouvernement responsable devant ce Parlement. Une région, que l'on appelle ainsi en jargon européen, mais à laquelle on fait référence comme à une nation. Le Parlement catalan transpose une grande partie des législations qui viennent de l'Union européenne, et le gouvernement catalan régional, auquel j'appartiens, les applique. En situation de démocratie, comment voulez-vous que se sentent ces Parlements et gouvernements qui n'ont pas participé aux processus permettant de parvenir à ces décisions, lorsqu'on leur dit: "Vous devez appliquer ces décisions. Vous devez créer des législations, en suivant ce modèle. Vous devez, Parlement et gouvernement, appliquer ces politiques."?

Cela est vécu comme quelque chose d'imposé et ne peut être ressenti autrement. Il est évident que nous ne pouvons pas demander, à ce niveau de gouvernement, d'assumer une coresponsabilité à des prises de décisions auxquelles ils n'ont pas participé.

Les citoyens ressentent et regrettent cela. Je pense que si nous ne changeons pas cette situation, dans une région favorable à l'Europe, comme la Catalogne, nous allons être confrontés à des symptômes de rejets des décisions qui viennent de l'Union européenne, et ce, quelles que seront les campagnes d'information et de communication que nous nous efforcerons de faire. Car il ne s'agit pas d'un problème d'information, mais de participation et d'exercice de la démocratie.

La subsidiarité est un principe politique de base de la construction européenne. Son introduction dans le droit communautaire a été progressive et constante. Nous allons voir comme elle changera dans un avenir immédiat. C'est un principe fondamental de l'exercice des compétences. D'après Monsieur Martini, les autorités locales et régionales vont renforcer leurs rôles d'ambassadeurs de la subsidiarité. L'extension locale et régionale ne doit pas être uniquement perçue comme une défense de compétences, mais comme un signe de participation et de coresponsabilité. Le principe de subsidiarité exige l'engagement des divers niveaux qui interviennent dans la gouvernance européenne. Compte tenu de la configuration institutionnelle de l'Union européenne, et du schéma de la gouvernance multi-niveaux, il faut garantir le bon fonctionnement des mécanismes de coopération aussi bien au niveau des institutions de l'UE que au niveau de l'Etat, auxquels participeront les régions, afin de pouvoir définir la position de l'État.

Il convient également, d'après moi, de défendre le fait que le mécanisme de la gouvernance multi-niveaux implique une participation qui va bien au-delà de l'attribution des compétences entre les institutions européennes, celles de l'État, et celles des régions. En Catalogne nous n'avons pas de compétences sur la politique étrangère, mais nous avons eu des exemples très clairs de coopération positive en matière de politique étrangère.

Par exemple, dans ma région - où pour des raisons évidentes et historiques, la politique euro-méditerranéenne a été vécue comme très forte et très prenante avec l'État espagnol .Comme région nous avons travaillé sur le processus de Barcelone. Cette proposition reposait sur le soutien des citoyens qui se sentaient appartenir à ce processus. Pourtant nous n'avions pas de compétences pour ce faire, mais nous l'avons fait et en plus en coopération avec l'Etat., et je crois qu'il est bon de le souligner.

J'espère que le traité de Lisbonne entrera en vigueur, car il reprend cette culture de la subsidiarité et je crois qu'il serait souhaitable qu'il soit appliqué très rapidement. Je crois également qu'il est porteur d'un élément intéressant en ce qu'il implique les Parlements régionaux et parle de leurs rôles.

J'espère que cela nous permettra d'aller au-delà de la situation que j'essaie de décrire, selon laquelle les Parlements régionaux ont le sentiment de ne pas compter, et ce, afin qu'ils se sentent appartenir au processus. Ensuite, il y a le principe du respect des décisions locales et régionales. Je crois que c'est très important, car les formulations sont très importantes en démocratie, comme la première référence du texte du traité sur les Parlements. Pour beaucoup de raisons, je crois que nous devons espérer une entrée en vigueur rapide du traité de Lisbonne. Comme je le disais auparavant, les régions, notamment celles qui ont des pouvoirs législatifs, ne doivent pas renoncer à faire entendre leurs voix, ni à définir leurs rôles spécifiques dans nos États, comme leurs rôles au sein des institutions européennes.

La Catalogne a toujours misé sur un système qui serait un réseau d'acteurs étatiques, locaux et régionaux, avec une architecture verticale, mais également horizontale. Nous sommes membres des Régions aux pouvoirs législatifs (REGLEG), et au même temps nous favorisons la coopération euro-régionale. Cela nous permet de travailler avec des régions voisines, ce qui est très important au plan européen. Nous allons bientôt inaugurer un hôpital sur une zone frontalière, qui sera régi par la France et par la Catalogne et destiné aux citoyens de la zone des Pyrénées afin d'éviter des déplacements non nécessaires des deux cotés de la frontière. Comme région nous avons les compétences sur la santé et à cette fin nous nous sommes donc dotés d'instruments législatifs qui nous permettent d'avoir des compétences dans les domaines européens. Nous avons un statut d'autonomie. Cela va dans le sens d'une organisation bilatérale, dans notre relation avec l'État.

En 2004, nous avons abordé la question de la participation des régions espagnoles au Conseil des Ministres avec la participation des Ministres régionaux. Ceci a une grande valeur symbolique, car ces fonctionnaires qui vont appliquer la législation participent au groupe de travail ministériel, et le Ministre régional qui invoque que l'Europe lui impose de faire les choses, se retrouve en lieu et place, avec l'État, où se prennent les décisions. Mas ceci dit, nous ne renoncerons pas à faire entendre notre voix directement auprès des institutions européennes. Nous souhaitons oeuvrer en faveur d'un système multi-niveaux d'une bonne gouvernance européenne, et promouvoir la culture de la subsidiarité. Comme je le disais au début, et je conclurai sur ce point, nous la concevons comme un principe de l'architecture de la construction européenne, et comme un mécanisme opérationnel et bidirectionnel, ne l'oublions pas.

Cela veut dire que nous avons tous une responsabilité et que nous devons tous agir à nos niveaux de gouvernements. Cela implique que tous nous devons défendre le niveau de décisions des autres et assumer toutes les décisions, comme si elles étaient prises par nous-mêmes.

Je vous remercie de votre attention.

M. Luc VAN DEN BRANDE

Merci beaucoup, Madame Terrón. Vous avez évoqué un certain nombre d'éléments très précis. Vous avez donné des orientations également très claires. Je souhaitais simplement ajouter, comme l'a fait notre collègue Schneider au nom de la Commission de la cohésion territoriale, que les éléments que nous évoquons sont essentiels.

ÉCHANGES DE VUES

M. Luc VAN DEN BRANDE

Je souhaiterais maintenant donner la parole aux représentants des Groupes politiques du Comité des régions. À commencer par Madame Du Grandrut, du Groupe PPE.

Mme Claude DU GRANDRUT, Groupe PPE

Merci, Monsieur le Président, de me donner la parole.

Je suis heureuse de pouvoir la prendre ici au nom du PPE, au sujet du principe de subsidiarité qui a toujours été pour le Parti Populaire Européen une base de sa conception de l'Europe.

L'Union Européenne a montré, dans la crise financière et dans le conflit avec la Géorgie, sa capacité d'action, au nom des États membres. Il s'agissait, en effet, de répondre à des défis que les États ne pouvaient gérer seuls. C'est là une application du principe de subsidiarité et c'est ce qui me donne la possibilité de vous parler du principe de subsidiarité dans son ensemble; c'est-à-dire de celui qui reconnaît que le niveau de compétences sera mieux traité à un niveau supérieur, mais également qui accepte que la compétence des niveaux inférieurs doive être reconnue. La création du Comité des régions à laquelle, Monsieur le Président, nous avons participé, a été une reconnaissance par le Traité de Maastricht. Cela a été une occasion de démontrer la nécessité d'appliquer le principe de subsidiarité en rapprochant les élus de proximité de l'action de l'Union. Le Comité des régions s'est donc révélé un outil indispensable à la mise en oeuvre et à la conception de ce principe de subsidiarité, comme l'on dit mes collègues, pour créer l'ancrage démocratique du niveau local dans l'Union.

L'originalité de la construction de l'Union européenne et son efficacité sont fondées sur le respect des compétences de chaque niveau de responsabilités. À 27, l'Union européenne est à la fois plus forte et plus diverse. C'est d'ailleurs pour cela qu'il faut respecter sa diversité et respecter l'implication des collectivités territoriales dans le processus de décisions de l'Union. J'en ai vu un exemple, Madame la Commissaire, avec la décision que vous avez prise sur la communication, en affirmant que les collectivités locales devaient être parfaitement impliquées dans la communication de l'Union. Mais il faut aussi aller plus loin et assurer que les collectivités territoriales seront associées à la préparation de la législation européenne. Pourquoi? Parce qu'elles sont plus proches des citoyens, que les citoyens auront davantage le sentiment de participer à l'Europe et de s'approprier la construction de cette Europe.

Je reviens au traité de Lisbonne. Il a montré la voie. Et c'est cette voie qui est importante à suivre parce que, comme l'on dit plusieurs de nos collègues, la définition des compétences permet de clarifier qui fait quoi, qui peut faire quoi, et qui doit laisser à d'autres le pouvoir de participer. La Commission de la cohésion territoriale et notre Président de la commission COTER ont bien montré que l'on ouvrait aux régions la possibilité de travailler ensemble, au-delà des frontières qui sont, comme vous le savez et comme l'a dit un historien, "les cicatrices de l'histoire". Il faut que ces cicatrices disparaissent et nous avons la possibilité de les faire disparaître. L'autonomie territoriale a aussi été reconnue aux régions et aux collectivités territoriales. Puis il y eu les modalités d'application du principe de subsidiarité. Je voudrais dire ici combien il est important que les Parlements nationaux soient représentés. Car si l'Union européenne doit véritablement appliquer le principe de subsidiarité, ce principe auquel le PPE est tellement attaché pour y croire très fermement, il est indispensable de trouver les liens, mais aussi les structures à monter avec les Parlements nationaux.

Merci Monsieur le Président.

M. Luc VAN DEN BRANDE

Merci beaucoup, chère collègue, pour votre contribution et pour les approches données au nom du PPE. Maintenant, je voudrais donner la parole à notre collègue Karl-Heinz Klär, qui parlera au nom du Groupe Socialiste. Monsieur le Secrétaire d'État Klär.

M. Karl-Heinz KLÄR, Groupe socialiste

Monsieur Le Président, merci bien.

Mon ami Michel Delebarre m'a demandé de parler français et je vais essayer. Vous savez, je suis allemand... Je remercie Madame la Commissaire et le Sénat français de nous avoir invités à Paris, et je crois qu'il est bon de parler français à Paris. Que savons-nous? Nous savons que la Multi Level Governance est notre cadre préféré, et nous savons que la subsidiarité est également notre règle préférée. Dire et redire de nouveau ce que nous savons n'a pas grand sens. Discuter de subsidiarité abstraitement n'a également aucun sens. Cela fait partie d'un passé, que nous connaissons. Pour avancer concernant la subsidiarité il est nécessaire de s'appuyer sur des exemples concrets. Je remercie beaucoup Roberto Formigoni de nous avoir invités à Milan, mais je vous le demande, prévoyez un agenda, un ordre du jour comportant des thèmes concrets pour aborder la Multi Level Governance et la subsidiarité. Je connais des Ministres Présidents allemands qui, à Bruxelles, parlent toujours de subsidiarité. Mais lorsqu'ils sont chez eux, ou qu'ils sont face aux autorités locales, ces dernières leur disent: "Écoutez, Messieurs les Ministres Présidents, vous êtes sourds! Vous ne comprenez plus rien à la subsidiarité en ce qui concerne les intérêts locaux!". Cela signifie que la subsidiarité et la Multi Level Governance sont deux concepts, deux notions conflictuelles. Il faut donc parler en termes concrets des conflits que peut générer la subsidiarité. Cela, c'est l'avenir. Cela, c'est le futur.

Merci de m'avoir écouté.

M. Luc VAN DEN BRANDE

Merci beaucoup. Il est évident que chacun a le souci de se focaliser sur le "concret". Mais, à cette phase et dans le contexte du traité de Lisbonne, il est essentiel de pouvoir s'orienter vers une collaboration entre les Parlements nationaux, les régions et les localités en place. Il faut bien mesurer, Monsieur Klär, que jusqu'à présent et trop longtemps, il y eu cette guerre inutile, totalement dépassée, entre les Parlements nationaux et les Parlements régionaux et locaux. Il est donc évident que l'enjeu et le focus de cette réunion sont de mettre l'accent sur le fait que les divers échelons - national, régional et fédéral - peuvent bénéficier de cette collaboration.

Je vais maintenant passer la parole à Madame Flo Clucas, Présidente du Groupe ALDE, Parti libéral, au Comité des régions.

Madame Clucas, vous avez la parole.

Mme Flo CLUCAS, Présidente du Groupe ALDE

Merci, Monsieur le Président.

C'est un plaisir d'être ici à Paris, dans ce lieu magnifique.

J'ai été très impressionnée par quelque chose que vous avez dit, Madame la Commissaire, à savoir que la subsidiarité doit aller au-delà des aspects juridiques et techniques. Je suis tout à fait d'accord avec vous et c'est dans ce sens que va mon intervention.

Pendant plus de 2 000 ans, l'Europe a essayé de combler le fossé entre les gouvernants et les gouvernés, entre les individus et les politiques. Ces cinquante dernières années, ce processus s'est fait de manière plus difficile, mais j'y reviendrai. En créant une communauté européenne des nations interdépendantes, les Pères fondateurs ont essayé de s'assurer qu'il n'y ait plus jamais de conflits en Europe et, ce faisant, tout a commencé à graviter autour de Bruxelles et de Luxembourg. Tant que l'Union européenne était petite, ça allait. Mais avec 27 États membres, il est peut-être temps de repenser ce centre de l'Europe.

Parler des Pères fondateurs et le centre de l'Europe? Vous me direz que c'est du passé, qu'il faut avancer et aborder des sujets aussi importants que l'aide de l'État ou la politique agricole commune. Mais c'est dangereux, car l'on risque de se laisser bloquer par la bureaucratie européenne. Et si c'est vraiment là notre façon de voir les choses, l'héritage sera bien maigre pour nos héritiers. Il faut donc absolument que la subsidiarité aille bien plus loin.

La diaspora européenne, en particulier celle du XIX e siècle, partie aux USA pour réaliser son rêve. Cela doit nous rappeler de l'attrait puissant de ce qui était le rêve américain. Regardons notre place dans le monde actuel et tous ceux qui veulent nous rejoindre. Ils n'aspirent pas à une Europe bureaucratique mais à une Europe porteur d'espoir. Ils cherchent la liberté, la démocratie et l'indépendance, dans des États souverains qui se sont librement unis les uns aux autres.

Et pourtant nous continuons à créer des barrières - qui gênent nos propres progrès; pour exemple, le jargon européen qui est parfaitement inintelligible pour le profane - toutes ces barrières qu'il faudrait faire sauter. Les media, bien entendu, sont les premiers à accuser l'Europe de plaies qui ne relèvent pas de l'Union européenne.

Pour certains, ce qui compte, c'est la politique nationale. Pour d'autres, une petite minorité, ce qui compte c'est la politique européenne. Mais pour l'immense majorité de nos citoyens, c'est la politique, aux niveaux régional et local, qui compte et qui a un véritable impact.

Si l'Union européenne veut survivre et croître, si elle veut avoir un sens pour tous les citoyens qui pour l'instant ne s'y intéressent pas, il va falloir qu'elle change, qu'elle se rapproche du citoyen et qu'elle instaure un dialogue avec ses citoyens. Il faut absolument en arriver là, même si ce n'est pas facile.

Pour l'immense majorité dont je parlais, ce sont les gens et les communautés locales qui sont le coeur de l'Europe. Et c'est là que le Comité des régions a un rôle à jouer. Les représentants de cette gouvernance locale nous donnent la possibilité d'avoir un véritable dialogue avec les citoyens, ce qui est difficile voire impossible pour les autres institutions.

De plus, nous devons faire appliquer une bonne partie des législations européennes. Et c'est là que le Comité des régions peut servir de pont entre l'Europe et les citoyens. Mais cela suffit-il? Est-ce le début et la fin du rôle du Comité des régions? Je ne crois pas.

Au 19 ième siècle, certains avaient un rêve. Ce rêve était d'aller aux États-Unis, un pays dont ils ne connaissaient rien et dont ils n'ont entendu parler que de bouche à oreille. Pour réaliser ce rêve, des Européens ont parcouru des centaines de kilomètres - en grande partie jusque dans ma ville, Liverpool - pour prendre un bateau et voyager dans des pires conditions pour atteindre les cotes américaines.

Certains diront, elle parle des "États-Unis d'Europe"! Mais on en est bien loin.

Il y a tout de même des leçons à tirer du passé. Pour le peuple, il faudrait que l'Union européenne soit un lieu où chacun puisse s'exprimer et travailler sans qu'il soit entravé par les différents niveaux de gouvernements. En évoquant nos aspirations d'autrefois, il faut que l'Europe redevienne un espoir, loin du despotisme, et serve de passerelle entre le Nord et le Sud, l'Est et l'Ouest. Nos communautés, d'où quelles soient, peuvent devenir les chaînons de cette nouvelle réalité, de ce nouvel espoir, à condition qu'on leur en donne la possibilité. C'est la raison pour laquelle le Comité des régions est fondamental pour l'avenir de l'Europe. C'est une forme de subsidiarité qui est absolument vitale. Nous sommes la voix d'une bonne part de la société européenne qui est très fortement attachée aux politiques régionales. Il faut que cette voix se fasse entendre, et c'est à nous de la faire entendre.

Je crois, Monsieur Président, que nous, Comité des régions, devons absolument jouer un rôle de pilote. Il ne va pas falloir s'arrêter à cette conférence et aux aspects juridiques ou techniques. Il va falloir faire beaucoup plus.

Le traité de Lisbonne n'a toujours pas été ratifié, mais la subsidiarité doit être respectée. Pour ce faire, il faut que le Comité des régions ne soit pas simplement un Comité consultatif. Il doit être doté d'un véritable pouvoir, pour compléter l'oeuvre du Parlement européen. Je sais que ce n'est pas pour demain. S'il y a une leçon à tirer de cette conférence, c'est qu'il faudrait passer un accord avec la Commission européenne de manière à ce qu'elle soutienne le Comité des régions et en renforce le rôle au sein des institutions en particulier chaque fois qu'il s'agit de Subsidiarité.

Nous aurions pu nous trouver à Strasbourg la semaine dernière, par exemple. Cela aurait été une bonne chose. Il faudrait que l'on nous entende sur la scène européenne, puisque nous sommes la voix de millions d'européens.

Merci.

M. Luc VAN DEN BRANDE

Merci beaucoup chère collègue. Et enfin pour la dernière intervention de cette session, Monsieur Paul O'Donoghue qui dirige l'Europe des nations, l'UEN.

M. Paul O'DONOGHUE, UEN

Merci Monsieur le Président.

Madame Le Commissaire, Citoyens, Députés, Chers collègues. Tout d'abord, permettez-moi d'adresser mes sincères remerciements au Sénat français pour avoir coorganisé cette manifestation éminemment importante, et, au nom de l'Europe des Nations, permettez-moi de vous remercier de nous avoir invités à y participer.

Si nous devions adresser aux gens de nos régions le message de la gouvernance multi-niveaux, admettez-le, nous aurions beaucoup de mal, parce que c'est un sujet qui risquerait de donner l'impression qu'il y a encore plus de "couches de niveaux", encore plus de "couches de prises de décisions", de bureaucratie et de paperasseries. Il est difficile de faire passer ce message, que nous ne devons en aucun cas laisser interpréter de cette manière. La gouvernance multi-niveaux signifie, selon moi, qu'il est essentiel que les décisions soient prises au plus près des citoyens. Il faut que nous montrions à quel point le principe de subsidiarité s'applique au niveau local. La discussion qui porte sur la gouvernance multi-niveaux doit inclure, en tant que principe directeur, le partage des compétences et non pas les doublons, ou les multiplications à l'envie des compétences. Il faut mettre en place les mécanismes qui permettront d'assumer une nouvelle forme de partage et veiller à ce que ce partage des compétences fonctionne.

Dans les États membres plus petits, il faut reconnaître que nous n'avons pas cette expérience du partage des compétences, telle que la connaissent la France, par exemple, ou l'Allemagne. Les nouvelles structures reflètent cette nécessité en raison de l'augmentation des populations. Ceci ne veut pas dire pour autant que dans les petits États membres nous n'ayons pas à mettre en place différents niveaux de compétences partagées. En Irlande, d'où je viens, nous avons créé des Collectivités régionales qui, selon moi, apportent une valeur ajoutée à la coordination de la planification des activités au niveau régional. Même chose pour des Assemblées régionales qui permettent de coordonner notre approche et nos politiques à mener en matière de développement des régions, et ce pour le bénéfice des uns et des autres. Mais il faut aller au-delà de la pure planification. Il faut que ces collectivités régionales ou territoriales aient la possibilité de participer à la mise en oeuvre des objectifs. Ce n'est pas une menace, mais une chance à saisir pour les collectivités locales et régionales, qui pourront appliquer sur le terrain la gouvernance multi-niveaux, et non pas la conceptualiser.

Lorsque l'on parle de gouvernance multi-niveaux, il faut en tenir compte également dans la prise de décisions, au niveau européen. Même si nous nous basons sur les traités en l'état actuel, il faut qu'il y ait un renforcement du rôle des régions dans la prise de décisions et des processus en la matière. Je reconnais que des progrès considérables ont été réalisés au cours de ces années. Ceci étant dit, nous pourrions en faire encore bien davantage afin de veiller à ce que les autorités locales et les Collectivités régionales puissent participer de façon plus active à la prise de décisions législatives européennes.

Et enfin, permettez-moi de conclure. On peut dire que si nous ne parvenons pas à insister sur l'importance de cette gouvernance multi-niveaux, lorsque nous nous adressons aux citoyennes et aux citoyens, nous risquons de les voir considérer qu'il s'agit là simplement d'intendance et de "cuisine interne européenne". Il est indispensable que nous illustrions notre propos par des exemples concrets, comme l'est le changement climatique, ainsi que l'a dit le Commissaire à juste titre. Nous devons veiller à ce que les meilleures pratiques soient présentées. Mais il faut encore aller plus loin et partager des pratiques qui ne sont connues par tous. C'est le seul moyen que nous aurons de faire comprendre la gouvernance multi-niveaux.

Merci.

M. Luc VAN DEN BRANDE

Merci beaucoup, Paul.

Voilà pour ce qui est de la première session. Et maintenant, je souhaiterais qu'il y ait un changement qui ne soit pas de décor, mais que d'autres collègues viennent ici, à la rescousse.

Je voudrais d'abord inviter notre collègue Jean-Louis Destans, qui est le Président du Conseil général de l'Eure. Mais, Mesdames et Messieurs, je veux le remercier pour son apport et la préparation qu'il a opérée avec nous et avec le Sénat français, pour arriver à ces Assises en tant que Président de la délégation française au Comité des régions. Je voudrais aussi que nous rejoignent ici Franz Schausberger, le Sénateur Jean-Claude Frécon -Sénateur de la Loire, Vice-président du Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe- et, last but not least, Monsieur Delebarre. Je sais qu'il adore que je lui parle en anglais, c'est la raison pour laquelle je l'inviterai, en anglais, à venir nous rejoindre ici, au podium.

Je cède la présidence à mon ami Michel Delebarre.

M. Michel DELEBARRE

Mesdames, messieurs, chers Collègues, vous avez tous noté qu'il y avait à 13 heures un moment très important, à savoir le déjeuner offert par le Sénat. Nous avons devant nous dix-huit minutes pour trois interventions, un échange de vues et des conclusions. Dix-huit minutes. Nous allons tenir les délais parce que qui met les pieds dans cette Institution, sans pouvoir tranquillement déjeuner à l'invitation du Sénat, aurait un mauvais comportement.

Nous avons trois interventions, dont celle de Monsieur Jean-Louis Destans, le Président de la délégation française et Président du Conseil Général de l'Eure, qui va montrer l'exemple. Vous allez voir comment, en quelques minutes, il va régler le problème de son intervention.

Jean-Louis, tu as la parole.

DEUXIÈME PARTIE :

IMPLICATION DES AUTORITÉS RÉGIONALES ET LOCALES DANS LE PROCESSUS DÉCISIONNEL COMMUNAUTAIRE : COMMENT S'ORGANISE LA COORDINATION ENTRE LES DIFFÉRENTS NIVEAUX DE POUVOIRS AU SEIN DES ÉTATS MEMBRES ?

M. Jean-Louis DESTANS, Président de la délégation française du Comité des régions, Président du Conseil général de l'Eure

Monsieur le Ministre,

Monsieur le Président du Comité des régions,

Madame la Commissaire européenne,

Mesdames et Messieurs les élus,

La gouvernance multi-niveaux est un concept qui peut sembler pour le moins obscur à nos concitoyens. Derrière ce vocable se cache pourtant une méthode de travail, la seule, qui nous permettra, j'en suis convaincu, de répondre à nos concitoyens qui aspirent à une Europe plus protectrice et surtout plus proche d'eux. Elle implique une véritable révolution dans nos pratiques respectives pour que nous agissions en tant que partenaires, en vue d'apporter des solutions adaptées aux problématiques de plus en plus complexes posées à l'action publique.

Il ne s'agit pas, et j'insiste, d'une nouvelle 'lubie' de collectivités locales en mal de pouvoir ou de reconnaissance. C'est un gage d'efficacité pour les politiques européennes et la garantie d'une adhésion plus forte envers l'action de l'Union.

Cette révolution culturelle, les institutions européennes l'ont largement entamée par l'introduction du principe de subsidiarité et le renforcement du rôle du Comité des régions qui est devenu, au fil des Traités successifs, un acteur reconnu du processus décisionnel européen. En France, alors que d'autres l'ont engagée, il nous reste encore à la mener.

Chaque Etat possède sa propre histoire politique et administrative; une histoire qui a façonné son organisation actuelle, la rendant plus moins propice à la déclinaison du principe de subsidiarité. Peut-être faut-il y voir, en France, l'une des dernières traces de notre longue tradition jacobine que nous ne cessons pourtant de dépasser au travers des lois successives de décentralisation. Les membres de cette assemblée qui nous accueille, et qui représente les collectivités locales au niveau national, ne me démentiront pas sur ce sujet et je suis convaincu que nous avons encore beaucoup à apprendre de nos partenaires européens en la matière.

La préparation de la Présidence française de l'Union européenne a été l'occasion de mettre ce sujet sur la table et d'amorcer de nouvelles pratiques. La création de la conférence nationale des exécutifs (CNE), qui a vocation à devenir le lieu de concertation privilégié entre le gouvernement et les collectivités locales, de même que le principe d'une collaboration plus étroite avec le Secrétariat Général aux Affaires Européennes vont dans le bon sens. Mais vous le voyez, nous n'en sommes qu'aux balbutiements, sans compter qu'il nous reste encore tout un travail en commun à développer avec les commissions chargées des Affaires Européennes de l'Assemblée nationale et du Sénat. A ce sujet, je ne doute pas que la conviction commune qui anime les représentants des collectivités locales et les membres de ces commissions augure de relations de travail de qualité.

De mon point de vue, la gouvernance multi-niveaux doit s'articuler autour de trois principes:

- le premier, c'est qu'il ne s'agit en aucun cas de compliquer ou d'enrayer le processus décisionnel national et européen. La bonne ou mauvaise transposition de la législation européenne par le niveau national impacte le cadre dans lequel agissent les collectivités territoriales. Il est donc naturel d'assurer une bonne coordination à toutes les phases du processus législatif.

- Il convient donc, et c'est le deuxième principe, d'adopter des procédures souples, fondées sur une approche pragmatique. La gouvernance multi-niveaux, c'est une pratique du pouvoir, ce n'est pas qu'un dispositif institutionnel ou juridique.

- Le troisième, c'est que la prise en compte des collectivités locales doit être organisée le plus en amont possible. Le principe de subsidiarité ne concerne pas seulement la mise en oeuvre des décisions européennes, mais également leur élaboration, ce qui implique un partage des responsabilités dans le cadre du contrôle de subsidiarité, et dans certains cas et j'insiste, un transfert des lieux de gestion des politiques européennes.

C'est dans cet esprit que j'ai eu l'honneur de présenter, au nom de la délégation française du Comité des régions, et en concertation avec les associations nationales de collectivités locales, toute une série de propositions visant à élargir et renforcer le dialogue institutionnel français sur les sujets européens, ce matin même.

Je tiens à souligner la qualité des échanges qui ont suivi avec Monsieur Jouyet, Secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, le Président du Comité des régions, et les représentants des commissions chargées des Affaires européennes de l'Assemblée nationale et du Sénat. Ils ont confirmé, comme nous le présentions, l'intérêt à faire partager le plus largement possible la double expertise, à la fois européenne et locale, des membres français du Comité des régions.

En France, je l'ai dit, notre tache est grande. Mais nous avons les capacités et la volonté de l'accomplir rapidement pour que la culture multi-niveaux pénètre nos pratiques respectives.

La consultation régulière de représentants du Comité des régions par l'Assemblée nationale et le Sénat, tout comme la rédaction d'un rapport annuel commun relatif à l'impact de la législation européenne sur la gestion locale, pour ne citer que ces deux propositions parmi les 6 que nous avons formulées, sont de nature à créer un réseau interactif de veille et d'évaluation des politique européennes; un réseau efficace car élargi et précoce. Et je ne doute pas que nous pourrons encore enrichir notre réflexion en puisant dans les expériences de nos voisins européens à qui je vais laisser la parole.

Mais avant de conclure, permettez-moi d'insister sur un point particulièrement central et lever tout équivoque quant aux implications de la gouvernance multi-niveaux. Celle-ci ne se résume pas, et nous sommes nombreux à le craindre, à la réunion du plus grand nombres d'acteurs autour d'une même table pour disserter sur les politiques européennes. Si concertation il y a, elle doit être sincère et fondée sur la confiance réciproque des participants. Elle doit également s'inscrire dans le cadre du système d'alerte précoce qui renforce le pouvoir de contrôle de l'application du principe de subsidiarité des Parlements nationaux.

J'irai plus loin.

La concertation n'est qu'un volet de la gouvernance multi-niveaux. Je le rappelle, le principe de subsidiarité sous-tend une nouvelle répartition des lieux de gestion de certaines politiques européennes. Il ne s'agit pas, bien entendu, de 'régionaliser' ou 'départementaliser' toutes les politiques européennes. Mais je pense à la politique de cohésion et à la gestion des fonds structurels en France. L'évaluation du FSE sur la programmation 2000-2006, réalisée par un organisme indépendant et commandée par la Commission européenne, comprend, entre autres préconisations, une gestion au plus proche des citoyens. Qui, mieux que les départements qui ont la compétence sociale en France, peuvent gérer ce fonds au plus près des citoyens? Alors que la décentralisation a amené à confier aux Conseils généraux la gestion du RMI dans sa globalité, il serait légitime et cohérent qu'il en soit de même avec le FSE. La capacité de gestion des départements, leur proximité et l'organisation de leurs services sont autant d'atouts sur lesquels la politique de cohésion pourrait s'appuyer dans une logique de territoire.

Je ne voudrais pas qu'aujourd'hui, sous couvert d'arguments techniques, l'Etat cherche non seulement à conserver ses prérogatives en la matière, mais qu'il soit également tenté de supprimer l'enveloppe globale FSE attribuée aux Départements. Le principe de subsidiarité est bien trop précieux à nos yeux et à ceux de nos concitoyens.

Chers amis, ce débat sur la subsidiarité et la gouvernance multi-niveaux que nous avons initié en 2004 et que nous poursuivons ici-même, il nous appartient de l'alimenter pour qu'il soit partagé par le plus grand nombre, et qu'il en ressorte des pratiques de nature à renforcer la légitimité des politiques européennes aux yeux de nos populations.

Notre responsabilité est grande, mais nous sommes déterminés, que ce soit au Comité des régions ou dans nos collectivités territoriales européennes respectives, à l'assumer pleinement.

Je vous remercie.

M. Michel DELEBARRE

Merci à Jean-louis Destans. Je donne volontiers la parole à notre collègue Franz Schausberger, Vice-président du groupe interrégional à pouvoirs législatifs du Comité des régions.

M. Franz SCHAUSBERGER, Vice-président du groupe interrégional "régions à pouvoirs législatifs" du Comité des régions (représentant du président de REG LEG, M. Kris PEETERS)

Merci beaucoup, Monsieur le Président. Sachez que je prends très au sérieux cette invitation à être bref.

Mesdames et Messieurs, très brièvement, encore une fois, nous en sommes à nos troisièmes Assises de la subsidiarité du Comité des régions. Lord Tope et moi-même, en tant que Président de la commission CONST, avons pu contribuer de façon active à tout cela, et nous avons essayé de veiller à ce que les choses aillent de l'avant. Mais, il faut que nous poursuivions, même si nous n'en avons pas encore obtenu les progrès que nous souhaitions. C'est indispensable. Sous la Présidence autrichienne en 2006, il y avait déjà eu une conférence de la subsidiarité, dont le sujet était "l'Europe, ça commence chez soi", et je crois que nous nous étions vraiment concentrés sur le niveau de compétences et sur le contexte important dans lequel tout cela s'inscrivait. Mais pour un Autrichien, c'était facile: nous sommes un État fédéral, et pour nous cela semble évident, qu'il s'agisse de la subsidiarité, d'une conférence ou d'Assises de la subsidiarité.

En revanche, le fait d'organiser cela en France est quelque chose qui me donne beaucoup d'espoir, même si dans d'autres domaines, Mesdames et Messieurs, la pratique nécessite peut-être quelques ajustements. J'en dirai quelques mots. Par exemple, s'agissant de la poursuite de l'accord sur la charte de la démocratie régionale: c'est assez regrettable, mais dans la pratique on voit que l'on est bien loin de la réalisation des objectifs que nous nous sommes fixés dans ce domaine. M. van Cauwenberghe est ici également et je crois qu'il pourra confirmer ce que je viens de dire. Il a lui-même lutté bec et ongles pour faire avancer ce dossier-là.

Je soulèverai trois points et me limiterai au peu de temps dont je dispose.

Prenons le droit de recours contre les infractions au principe de subsidiarité. C'est une question tout à fait concrète. Ce droit de recours - cette possibilité de saisir les autorités lorsqu'il y a infraction - est essentiel. En effet, il faut que nous comprenions bien qu'au sein même du Comité des régions - et d'ailleurs cela avait déjà souligné par d'autres avant moi - nous avons des représentants de différents intérêts régionaux, de différents intérêts locaux, ce qui veut dire que le Comité des régions doit veiller à ce que les Groupes, représentés en son sein, aient accès à ces recours au plan européen et à la Cour de Justice des Communautés européennes.

Il faut savoir que les différentes collectivités territoriales sont concernées à des degrés divers par les instruments européens et par les différentes dispositions. Par exemple, la circulation urbaine concernera davantage les villes que les zones rurales alors que les pouvoirs législatifs des régions - je représente une région à pouvoirs législatifs et je suis très heureux de représenter le Ministre Président Peeters de Flandres en tant que présidence Flamande de REG LEG - sont davantage concernés par les questions d'éducation que ne peut l'être le niveau communal. Sur ce sujet, j'avais une proposition tout à fait concrète, une proposition du REGLEG, qui souhaite que nous soyons beaucoup plus représentatifs en termes de décisions, ce qui permettrait, dès lors qu'il s'agirait de recours et de la nécessité de saisir la Cour européenne de Justice, de pouvoir le faire prenant en compte les intérêts spécifiques des composants différents du CdR, c'est-à-dire les régions à pouvoir législatif, les régions administratives et les municipalités. Je crois que ce serait un pas positif pour un quart des membres du Comité des régions, à partir du moment où ils représenteraient des groupes en capacité de l'être. Il y a un exemple qui existe au Bundestag en Allemagne, dont nous pourrions nous inspirer, mais je ne peux les évoquer rapidement.

Le deuxième point est le contrôle de subsidiarité. C'est une question tout à fait déterminante. Les États membres, et les régions qui les constituent, ainsi que leurs niveaux locaux, doivent coopérer les uns avec les autres. Je tiens à attirer votre attention sur le fait que chez nous, en Autriche, nous avons trouvé une solution en matière de partage du travail. Les länder , ce sont les régions, sont associés à la prise de décisions, comme au contrôle de subsidiarité, ce qui permet d'intervenir en temps utile et de ne jamais être en retard sur une infraction.

Tous les ans, les länder examinent conjointement - lors de la présentation, par la Commission, du programme législatif et du programme de travail - les endroits où il serait éventuellement possible d'identifier des problèmes que nous pourrions être amenés à résoudre. Cela permet ensuite de poursuivre le travail. Les différents länder prennent ensuite à leur charge l'opportunité de procéder à ce contrôle, dans les domaines de compétences pour lesquels s'applique le principe de subsidiarité. Je tiens à signaler qu'il y a à l'entrée de la salle un modèle que vous pourrez consulter et que je vous invite à lire attentivement, car il s'agit de quelque chose de très intéressant (N.B.: la description du processus détaillé en Français est annexée à cette publication).

Et voici maintenant le dernier point, Monsieur le Président, qui porte sur la question du concept même de subsidiarité. Nous en avons déjà discuté à maintes reprises, mais je peux vous dire ceci: si nous-mêmes ne parvenons même pas à expliquer ce que nous entendons par subsidiarité - et la proposition de notre collègue Schneider était intéressante à cet égard - nous ne parviendrons pas à ce que les citoyennes et les citoyens s'approprient le Traité de Lisbonne, qui est fondé sur la subsidiarité. Il faut donc qu'on puisse l'expliquer, et je crois que la raison pour laquelle certains ont voté contre ce traité, relève précisément du fait que nous ne sommes pas parvenus à expliquer le principe de subsidiarité, de façon claire, populaire, pour ne pas dire populiste. J'attire votre attention sur ce fait, Mesdames et Messieurs, car c'est là une tâche qui doit être menée par nous tous. La subsidiarité n'est pas seulement un mot creux. Or, si vous examinez un site Internet, si vous "googlez" le mot subsidiarité, vous verrez que dans certaines langues, par exemple, ce mot apparaît souligné en rouge qui indique qu'il n'existe pas. C'est dire si on a encore du travail à faire et du pain sur la planche, dès lors qu'il va s'agit d'expliquer tout cela.

À l'entrée de la salle vous verrez des cartes postales de l'Assemblée des Régions d'Europe (ARE) qui expliquent la subsidiarité: "Subsidiarity is a word", c'est un vrai mot. C'est un mot qui existe. Je vous invite à vous rallier à nous et à faire avancer, les uns et les autres, la cause de la subsidiarité.

Merci.

M. Michel DELEBARRE

Merci beaucoup à notre collègue Schausberger.

Jean-Claude Frécon, Sénateur de la Loire, Vice-président du Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe, a la parole.

M. Jean-Claude FRÉCON, Sénateur de la Loire, Vice-président du Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe

Merci, Monsieur le Président.

Si je comprends bien, il faut déjà que je vous dise que j'élimine non seulement les trois quarts, mais les neuf dixièmes de mon discours. Nous allons donc essayer d'être bref et un petit peu caricatural, mais je voudrais vous dire à mon tour combien je suis heureux de vous recevoir ici, au Sénat dont je fais partie. Je vous parlerai bien sûr de l'exemple français, de ce qui se passe en France sur la subsidiarité. Mais je voudrais simplement dire aussi un petit mot, en tant que Vice-président du Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe. Depuis maintenant sept ou huit ans, ce Congrès entretient des liens très étroits avec votre Comité des régions, lequel était placé, avant sous la Présidence de Michel Delebarre Elle est maintenant sous celle de Luc Van Den Brande. Nous avons ensemble une particularité. Nous représentons chacun les collectivités locales, dans nos deux grandes structures, c'est-à-dire tous ceux qui, au quotidien, parce qu'ils sont très proches des citoyens, vivent les problèmes de tous les jours. Et c'est pour cette raison que nous avons beaucoup de travail à faire ensemble.

Concernant la France: comment se passe la subsidiarité dans ce pays qui a été celui du jacobinisme pendant très longtemps? Les choses ont largement évolué depuis vingt cinq ans. Il y a d'abord eu en France les lois de décentralisation - les lois de 1981, 1982, 1983 - qui ont bouleversé le paysage institutionnel français, en leur donnant davantage de pouvoirs, et si le mot de subsidiarité ne figurait pas dans ces lois, l'esprit y était déjà. Et c'est bien là le principal. En second lieu il y a eu en mars 2003 la révision constitutionnelle en France, qui a inscrit le mot subsidiarité dans la Constitution française pour lui donner encore plus de force, et affirmer que toutes les collectivités territoriales ont vocation à régler elles-mêmes, sur place, les problèmes qu'elles peuvent régler, sans avoir à les transmettre au niveau supérieur. Je tourne les pages très rapidement...

En troisième lieu, il y a un point sur lequel vous me permettrez de revenir plus particulièrement, parce qu'il me concerne à double titre - en tant que Sénateur et Vice-président du Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe - à savoir la ratification par la France, et j'allais dire "enfin!", de la Charte européenne de l'autonomie locale, Charte qu'elle avait signée en 1985, mais qu'elle n'a bien voulu ratifier que plus de vingt ans après. Et ce, alors que les principes de la subsidiarité qui étaient déjà en place en France auraient permis cette ratification bien plus tôt. Mais les circonstances politiques intérieures ne l'ont pas voulu ainsi.

En tout cas, nous avons maintenant inscrit les principes de la Charte européenne de l'autonomie locale dans notre législation, et en particulier l'article 2 sur la subsidiarité. Je voudrais dire ensuite, parce qu'il faut que je passe vite et que j'élimine un certain nombre de phrases...

Maintenant, le cadre juridique français est celui dans lequel la subsidiarité est bien présente.

De plus, il faut souligner que nous avons un certain nombre d'organes en France, qui sont chargés de la vérification de l'application de ce principe à nos différents niveaux - communes, départements, régions, auxquels ont peut ajouter encore quelques éléments, tels que l'intercommunalité - et qui résultent toutes du processus décisionnel communautaire: à ce niveau-là figure le Comité des régions, et en particulier leurs membres français qui ont beaucoup travaillé dessus, et que je salue ici, naturellement. Je voudrais citer d'autres organismes, en particulier le Comité des finances locales qui, en France, est un organe particulier, destiné à gérer au plus près les problèmes financiers, à vérifier que, si l'on donne des compétences aux collectivités territoriales, et il le faut, elles doivent avoir les moyens financiers et humains nécessaires pour remplir leurs fonctions. Le Comité des finances locales vérifie tous les textes français dans ce domaine, mais vérifie aussi les textes qui sont issus du droit communautaire. Je passerai sur la composition de ce Comité de finances locales, parce que je pourrais vous en parler une autre fois. La loi assigne aussi, à une Commission d'évaluation des normes, nouvellement créée, le soin de mettre en place l'adaptation des normes communautaires qui s'imposent à nous, mais qui doivent aussi laisser une marge de manoeuvre à nos collectivités territoriales.

Le Sénat, que je représente ici - et dont, j'espère, vous avez apprécié l'hospitalité de ce matin comme vous apprécierez celle du repas, même s'il sera décalé de quelques minutes - est en France le représentant institutionnel des collectivités locales. Il est élu par des représentants des collectivités territoriales, et, à ce titre, est son représentant constitutionnel.

Triple rôle du Sénat: un rôle constitutionnel, un rôle législatif, et un rôle de contrôle de l'action du gouvernement. En matière constitutionnelle, c'est le Sénat qui a été à l'origine de la révision de 2003, qui a permis d'inscrire la subsidiarité dans la Constitution. En matière législative, c'est le Sénat qui prend souvent -pas exclusivement, bien sûr- des initiatives pour mettre en pratique ce principe, et notamment en ce qui concerne la sécurité juridique des actes, la coopération décentralisée, les moyens financiers et la coopération transfrontalière, dont il a été question tout à l'heure avec vous Madame (s'adressant alors à Madame Terrón I Cusí) lorsque vous parliez de cet hôpital entre l'Espagne et la France.

Mais son troisième rôle est de contrôler l'action gouvernementale. Le Sénat met en place des missions d'information sur la décentralisation et propose des réformes. C'est son rôle législatif.

Voilà, Monsieur le Président, j'ai été le plus rapide possible, faisant en cela défaut à beaucoup de sujets que je voulais aborder, mais malheureusement, le calendrier commande.

M. Michel DELEBARRE

Très bien, Jean-Claude! Vous voyez, on a coutume de dire en France, quand quelque chose est lent et prend du temps, que "c'est un train de Sénateur". Jean-Claude nous a prouvé que ça pouvait être autre chose, "un train de Sénateur". Merci pour son intervention.

Est prévu un échange de vues...

M. Jean-Claude FRÉCON

Je dirais simplement, Président, que dans les trains il y a les omnibus et les TGV qui vont beaucoup plus vite...

M. Michel DELEBARRE

Absolument!

Est prévu un échange de vues. Il aura lieu pendant le déjeuner.

Je voudrais simplement faire une ou deux réflexions.

La première est que nous avons une "chance considérable": la crise internationale financière. Depuis quelques semaines, l'Union européenne travaille à son niveau, en regardant vers le haut et en prenant ses positions par rapport à la crise mondiale. Si elle fait cela dans d'autres domaines, il y aura alors de la place pour la subsidiarité. L'Union européenne n'a pas pour tâche de s'occuper du détail de la mise en oeuvre dans le concret, elle a pour tâche de conduire l'Europe vers de grands objectifs, vers de grandes finalités.

Deuxième chose: si la subsidiarité n'est pas populaire, je reprendrai ici l'illustration autrichienne, rassurez-vous, ce n'est pas la faute du peuple. Il n'y est pour rien! C'est de la responsabilité de toutes celles et de tous ceux qui ont à mettre en oeuvre cette subsidiarité, de l'expliquer, et, comme l'a souhaité Karl-Heinz, de la rendre concrète, à Milan, en 2009.

Et, troisième chose - et c'est je seul point que j'extrais de mes conclusions- une phrase du sociologue Pierre Bourdieu sur la gouvernance: "La gouvernance est un de ces nombreux néologismes, qui, produit par des think-tanks et autres cercles technocratiques et véhiculé par les journalistes et les intellectuels branchés, contribue à la mondialisation du langage et des cerveaux".

Donnons la possibilité à l'Europe d'inventer une gouvernance qui soit synonyme de plus de démocratie, et à partir de là, de donner tort à Pierre Bourdieu.

Merci de votre attention. La séance est levée.


DEUXIÈME SESSION :

LE CONTRÔLE POLITIQUE ET JURIDICTIONNEL DE LA SUBSIDIARITÉ : UN ENJEU DÉMOCRATIQUE POUR LES CITOYENS

Présidence de M. Denis BADRÉ, Sénateur des Hauts-de-Seine, Vice-président de la Commission des Affaires européennes du Sénat français

Chers amis, nous allons commencer sans plus tarder, si vous le voulez bien.

Ceux qui n'ont pas encore trouvé de sièges vont en trouver incessamment. Ceux qui sont debout, sont invités à s'asseoir et ceux qui sont assis sont invités à accepter que je préside avec autant de fermeté que Monsieur Delebarre tout à l'heure. J'essaierai de le faire aussi avec autant de courtoisie et de gentillesse. Alors, vous pardonnerez la fermeté et nous vivrons ensemble dans la convivialité et la courtoisie, si vous le voulez bien. Mais comme nous avons un après-midi très chargé, je ne veux pas attendre plus pour commencer.

Je voulais d'abord, au moment de commencer, vous adresser des salutations. Je suis heureux de retrouver dans la salle un certain nombre d'amis. Le Président Van Den Brande aurait été là, je l'aurais salué, bien sûr, à ce titre d'abord, non pas comme votre Président, mais comme un ami, puisque j'ai le plaisir de le retrouver régulièrement à la COSAC ou à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Nous avons pris l'habitude de travailler ensemble et nous avons une vieille complicité maintenant. Je salue parmi vous les parlementaires nationaux, qui sont ici et que je rencontre plus souvent que les autres. Ceux que je connais un peu moins bien, les membres de votre Comité, je les salue bien sûr encore plus cordialement si c'est possible. Pourquoi ? Parce que je vous remercie. Je vous remercie et je trouve que vous faites un geste très fort en demandant à quelqu'un qui n'est pas l'un des vôtres, qui n'est pas un membre du Comité des régions, de présider votre séance. C'est peut-être le signe d'une attente de votre part, en direction des parlementaires nationaux. Je pense que nous devons, nous, parlementaires nationaux, répondre à cette attente parce que nous sentons les mêmes besoins.

En réalité, ce que je retiens de cette matinée et que nous savions les uns et les autres avant même cette matinée, c'est que nous sommes engagés les uns et les autres dans la construction d'une Europe qui doit être l'Europe des européens. Et chacun - que nous soyons élus locaux, régionaux ou nationaux- devons y prendre notre place et notre responsabilité, si nous voulons que l'Europe fonctionne. Je crois que le sens des messages, envoyés par les referendums négatifs que nous avons vus dans notre Union, depuis maintenant quelques années, est que nous devons écouter les citoyens, qu'il faut leur donner la parole. Qui d'autre, mieux que vous ou que les parlementaires nationaux peut s'engager à porter cette responsabilité? Donc, c'est dans cet esprit que je vais essayer d'animer notre après-midi.

Après que ce matin nous ayons travaillé sur les enjeux de bonne gouvernance, nous allons cet après-midi, travailler sur les enjeux de bonne démocratie. Nous allons donc mettre enfin "l'européen" au coeur de notre débat. Après vous avoir remerciés de m'accueillir parmi vous au point de me confier la Présidence de vos travaux, je voulais vous dire que j'étais heureux d'assumer cette responsabilité au titre de la Présidence française de l'Union européenne. C'est très normalement, donc, que le Sénat vous accueille ici à ce titre, comme nous allons accueillir dans dix jours la COSAC, ici, dans ce même Sénat français et dans le même esprit, et que nous travaillerons largement sur les mêmes sujets. Nous sommes donc bien en phase sur toutes ces questions. Si je puis dire, "Comité des régions, COSAC, même combat!" Le combat de l'Europe pour les européens.

Venons-en à la subsidiarité, dans l'acception des européens. Je vais vous proposer une petite introduction. Ensuite, plusieurs personnalités viendront à cette table ronde donner leurs points de vue.

Nous essaierons de mener tout cela assez rondement d'abord parce qu'il faut que les choses soient menées ainsi, si l'on veut qu'elles soient reçues. Et aussi parce que, on le disait ce matin, le "train de Sénateur" peut être un TGV.

Je rappellerai simplement, en introduction, cela a été dit ce matin, que c'est le traité de Maastricht, qui pour la première fois, juridiquement, a parlé de subsidiarité et retenu ce terme. On l'oublie un peu, parce que le traité de Maastricht, c'est d'abord, pour beaucoup de gens, le traité de l'Euro, le traité de l'union monétaire.

Le traité de Maastricht, c'est aussi le traité de la politique extérieure et de sécurité commune. Seuls les très initiés savent que c'est à l'occasion du traité de Maastricht qu'a été introduit le terme de subsidiarité. C'est le troisième point fort du traité de Maastricht, il ne faut pas l'oublier.

Le traité de Maastricht a parlé de subsidiarité en en faisant la règle commune de la construction européenne. "Règle commune" signifie, règle applicable chaque fois qu'il y a un problème. Pour tout ce qui est de la compétence exclusive de l'Union européenne, il n'y a, normalement, pas de problème. Sauf, peut-être, aux limites. On peut être en situation de s'interroger sur le point de savoir si l'on est vraiment dans la compétence, ou un petit peu à côté. Il faut rester vigilant, de façon à ce que l'Union européenne ne déborde pas au-delà des frontières de sa compétence.

Pourquoi le principe de subsidiarité a-t-il été introduit dans le traité de Maastricht? Je parle à côté de mon voisin, Monsieur Volker Hoff, du Bundesrat allemand, et rappelle donc que c'est largement à la demande des Allemands. Je crois qu'au coeur de nos débats, il faut bien voir la diversité de nos situations. Nos amis allemands "font" du principe de subsidiarité comme ils respirent, comme ils "font" du fédéralisme comme ils respirent. C'est quelque chose de complètement naturel pour eux.

Pour un Français, ce n'est pas naturel du tout. Dans un pays complètement centralisé comme la France, on ne comprend pas. Le mot "fédéralisme" en France est même pratiquement un gros mot! Or, c'est ensemble que nous construisons l'Europe. Il faut donc savoir ce que chacun met derrière les mots pour travailler ensemble, en s'enrichissant des conditions dans lesquelles nous pouvons, les uns et les autres, dépasser nos difficultés.

J'ai souvenir d'une réunion de Sénateurs français accueillis au Bundesrat. Pour certains Français, c'est avec stupéfaction qu'ils regardaient leurs collègues allemands sur les problèmes de relations entre les länder et le niveau fédéral.

Revenus chez nous, nous nous sommes aperçus, en accueillant nos amis allemands, qu'ils nous disent "C'est curieux! Vous faites de la décentralisation. Et vous êtes obligés, partant d'un État centralisé, d'essayer de renvoyer des pouvoirs à partir du centre." Nous sommes engagés dans des opérations de décentralisation, qui par nature, relèvent d'un "principe" centralisé! C'est évidemment très difficile.

Il faut une bonne compréhension entre les deux approches, ou en tout cas, essayer de réduire les difficultés des uns et des autres, autour de l'ambition commune.

Si nos amis allemands étaient largement à l'origine de l'inscription dans le traité de Maastricht de la subsidiarité, c'était dans un contexte où, après l'Acte unique européen, ils avaient pu avoir le sentiment d'un certain débordement législatif. Beaucoup de dispositions avaient été prises, et trop aux yeux de certains qui considéraient qu'il fallait se réadresser aux États, aux länder , aux Provinces, aux régions, et que Bruxelles en faisait trop. Il y a eu alors une sorte de retour en arrière. Il fallait retrouver un équilibre. C'est dans ce contexte que le débat s'était ouvert au moment de Maastricht. Mais il faut être juste: le débat n'aurait pas été ouvert à ce moment-là, les choses n'auraient pas beaucoup changé dans les dix années qui ont suivi.

Mais, jusqu'à ce que le problème soit clairement posé avec notre réforme institutionnelle actuelle, les conséquences au titre de la subsidiarité de l'application du traité de Maastricht sont restées très restreintes. Ce n'est que dix ans après qu'on a vraiment remis ce sujet sur le tapis. C'est la Convention sur l'Avenir de l'Europe qui, en 2002, a repris le travail, de nouveau sur l'impulsion des allemands. Je crois qu'il faut rendre à nos amis et voisins allemands ce qui leur revient. Ce sont eux qui ont repris le dossier considérant que les problèmes intérieurs qu'ils connaissent seraient encore beaucoup plus importants au sein de l'Union.

Le groupe de travail qui a été mis en place à ce moment-là a admis que le principe de subsidiarité ne prendrait toute sa portée qu'à condition que l'on mette en place un mécanisme spécifique. Quelqu'un disait ce matin qu'il fallait être concret, ne pas en rester au discours. C'est vrai. Comment va-t-on faire? Qui va contrôler quoi? Qu'a-t-on à contrôler et qui va s'en charger? Quelles sanctions y aura-t-il?

C'est le grand mérite de la Convention, puis de ceux qui ont travaillé sur le traité institutionnel, puis sur le traité de Lisbonne, d'être arrivé à bâtir un mécanisme. Le point le plus délicat étant de savoir quels acteurs pourraient participer au mécanisme de contrôle de la subsidiarité. Là, nous sommes en plein dans notre débat entre Parlementaires nationaux et élus régionaux. Ce débat, nous l'avons eu très souvent à la COSAC. Très souvent, nous nous posons la question de savoir qui va répondre sur ce sujet: les Parlements régionaux à compétences législatives, les régions, ou les Parlements nationaux? Le débat a été largement avancé, jusqu'à ce qu'un compromis ait été dégagé, consistant en ce que les régions - et notamment celles à pouvoirs législatifs - participent indirectement au contrôle de subsidiarité, d'une part par le Comité des régions, et d'autre part par l'intermédiaire des Parlements nationaux. Pour autant, elles seront parties prenantes à ce débat.

Plus personne ne revient là-dessus. La difficulté actuelle est de faire fonctionner ce réseau des régions et des Parlements nationaux. C'est dans ce contexte que nous allons faire fonctionner ce que Madame Wallström rappelait ce matin: l'alerte précoce, l'alerte orange.

Notre ami Han Ten Broeke y reviendra sans doute tout à l'heure. Je dirai donc simplement que je trouve sympathique que cette alerte soit appelée "orange" alors qu'elle émane largement de nos amis des Pays-Bas. C'est une couleur que vous aimez! Quant à l'alerte rouge, elle ne peut être mise en oeuvre que par un certain nombre de Parlements nationaux. Nous sommes donc condamnés, ou invités, comme chacun le sentira, à travailler ensemble, ce qui est une très bonne chose. Nous allons obligatoirement devoir, à partir du moment où l'un de nos Parlements évoquera un problème, en faire état auprès des autres de manière à en trouver un nombre suffisant, propre à déclencher l'alerte complète.

Nous réfléchissons actuellement à une manière de mettre en place l'alerte. Nous sommes donc en train de mettre en place un réseau - et c'est facile à faire avec les technologies modernes - qui fait que nous serons en alerte permanente sur tous les sujets.

En bref: nous cherchons d'abord comment nous ferons, nous mettons en place la procédure, et si besoin est nous ouvrons la procédure, de manière à aller très vite. Car la difficulté et la rançon de la subsidiarité sont de ne pas faire perdre de temps. Le plus souvent, il n'y aura pas de problème. Nous serions alors gravement coupables de bloquer des initiatives utiles. Mais en cas de problème, celui-ci doit être résolu rapidement. Donc organisons-nous, vraiment, de manière rapide, pour que nous puissions traiter de cette subsidiarité, chacun sachant ce qu'il a à faire, ou comme le disait l'un des intervenants ce matin chacun ayant à faire "tout ce qu'il a à faire, rien que ce qu'il a à faire!". À nouveau, un des avantages de la difficulté est que cette nécessité de mettre en oeuvre des procédures, qui pourraient être très lourdes, va nous amener à développer un dialogue direct entre parlementaires nationaux et responsables des régions.

Et c'est une bonne chose. Je dis souvent que l'Union européenne se fait bien sûr à Bruxelles ou à Strasbourg, mais largement aussi dans toutes nos capitales et dans toutes nos régions. Partout où des européens se rencontrent, c'est l'Europe qui se construit. Donc, le réseau que nous devons mettre en place, parlementaires nationaux et élus des régions, est capital pour l'avenir de l'Europe. C'est là que se construira l'Europe des européens.

J'en reste là pour cette introduction et je reprends ma casquette de modérateur. Vous accepterez, maintenant que vous êtes à peu près tous arrivés dans la salle, que je sois gentiment ferme, mais un petit peu ferme. Je demande aux intervenants de la tribune de limiter leurs propos à trois ou quatre minutes, puisqu'ils sont une quinzaine. Si nous voulons terminer à dix-sept heures, et que la salle puisse s'exprimer, il va falloir être très concis. Je vous en remercie d'avance.

Nous devons traiter deux thèmes dans l'après-midi.

Le premier sujet - concernant cette gouvernance, cet intérêt démocratique de la subsidiarité, cet impact pour le développement de la démocratie en Europe, et la mise en oeuvre de la subsidiarité - sera traité en deux parties successives. D'abord, nous évoquerons les conditions dans lesquelles on peut développer une coopération entre les gouvernements nationaux et les régions. Dans une deuxième partie, nous traiterons le contrôle juridictionnel de la subsidiarité et la mise en sanction éventuelle des difficultés que l'on pourrait rencontrer.

Dans la première partie, nous allons donner successivement la parole à deux vagues d'intervenants. Cinq d'entre eux sont déjà à la tribune. Deux de ceux qui étaient prévus ne seront pas parmi nous.

Il s'agit de mon collègue et ami Jacques Blanc - qui a été Président du Comité des régions et très tôt à l'origine de ce Comité. Il est retenu par une réunion de l'Association nationale des élus de la montagne, dans le Massif Central français, et il m'a chargé de vous dire combien il regrettait de ne pas être là - et de notre collègue luxembourgeois, Monsieur Mosar.

Vous avez à la table actuellement, à ma droite, Madame Bilbao, qui nous vient du Parlement basque, Monsieur Volker Hoff, du Bundesrat , Monsieur Sefzig, Président de la Commission des Affaires européennes du Parlement tchèque, Monsieur Jan Ten Broeke, Député néerlandais, et Madame Papademetriou, que j'ai eu aussi le plaisir de rencontrer dans d'autres enceintes, et qui nous vient de Grèce.

Madame Bilbao, vous pouvez commencer.

PREMIÈRE PARTIE :

CONTRÔLE POLITIQUE DE LA SUBSIDIARITÉ ET ORGANES REPRÉSENTATIFS : ÉTAT DE LA COOPÉRATION ENTRE LES PARLEMENTS ET PERSPECTIVES DE COORDINATION AVEC LE COMITÉ DES RÉGIONS

Mme Izaskun BILBAO, Présidente du Parlement basque et de la Conférence des Assemblées législatives régionales d'Europe (CALRE)

Mesdames et Messieurs, bonjour. Je souhaiterais, pour commencer, remercier la présidence du Comité des régions et du Sénat français pour leur excellent accueil. Au nom des parlements régionaux à compétences législatives de la CALRE, je souhaiterais vous témoigner notre reconnaissance pour la qualité et l'utilité du programme concernant la mise en oeuvre du principe de subsidiarité. L'importance de cette question est apparue à l'évidence dans les différentes interventions de ce matin. Ce n'est pas un hasard. C'est précisément parce que nous sommes convaincus et concernés par le mécanisme de contrôle prévu dans le nouveau texte du protocole sur la subsidiarité que nous sommes aujourd'hui réunis, en tant qu'individus et représentants d'institutions.

Le nouveau protocole repose sur le renforcement du parlementarisme en Europe et le développement de la culture de la subsidiarité à tous niveaux. Ce sont là deux exigences fondamentales pour consolider une union actuellement éloignée de ses citoyens. Rapprocher l'Union de ses citoyens est donc la contribution que l'on attend des institutions chargées de mettre en oeuvre ce protocole dès lors que les exigences liées à sa ratification auront été remplies.

Au mois de mai dernier, à l'occasion de la conférence sur la subsidiarité, coorganisée par la REGLEG et la CALRE, avec la collaboration du Comité des régions, nous avons analysé certaines implications pratiques du nouveau protocole pour les régions. La principale conclusion de cette conférence est la nécessité d'accroître la coopération interinstitutionnelle et, plus précisément, de renforcer la collaboration interparlementaire afin de garantir un suivi efficace des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

La nouvelle procédure de contrôle annexée au traité de Lisbonne concerne trois niveaux parlementaires: le niveau européen représenté par le Parlement européen, le niveau des États membres de l'Union, par les assemblées législatives respectives et, enfin, le niveau régional, à travers les parlements et les assemblées régionales ayant des compétences législatives, explicitement reconnues, pour la première fois, comme acteurs concernés par le contrôle de la subsidiarité.

Ce sont donc ces trois niveaux qui sont appelés à coopérer. Pour ce faire, il faut tout d'abord qu'il y ait un échange d'informations fluide permettant de suivre la réglementation européenne à un stade précoce et d'assurer efficacement le suivi de la subsidiarité dans les brefs délais prévus par le protocole. À l'accroissement des compétences des instances européennes correspondra une augmentation de leur activité législative. Par conséquent, les instances européennes et, en particulier le Parlement européen, constituent une source d'information de base aussi bien pour les parlements des États membres que pour les parlements régionaux.

En ce qui concerne la coordination avec le Parlement européen, le système IPEX a démontré sa capacité à systématiser l'échange d'informations en temps réel, le suivi mutuel des procédures dans tous les domaines et l'accès à la documentation liée aux différentes initiatives en cours dans les parlements respectifs. La participation des parlements régionaux ayant des compétences législatives à ce système d'échange d'informations garantirait, à notre sens, l'accès précoce aux initiatives communautaires tout en simplifiant considérablement le processus de suivi de ces dernières. La présidence de la CALRE et son groupe de travail sur la subsidiarité sont conscients de la nécessité de consolider les relations avec le Parlement européen et oeuvrent en ce sens. La CALRE est particulièrement intéressée à établir des mécanismes de collaboration permanents.

Quant à la coordination entre parlements nationaux et régionaux, l'application réelle du principe de subsidiarité implique une consultation au niveau régional. En premier lieu, parce que c'est le moyen le plus sûr de respecter les domaines de compétences propres à chaque niveau politique, qui est l'une des pierres angulaires de l'Union européenne et l'essence même du principe de subsidiarité tel qu'il a été reconnu dans différents points du Traité de Lisbonne. En deuxième lieu, parce qu'il est à l'évidence difficile pour les parlements nationaux de mesurer l'impact d'initiatives européennes sur une législation régionale qui n'est pas de leur ressort. Pour ces deux raisons, la coopération entre les parlements nationaux et régionaux est un autre élément essentiel d'un suivi efficace du principe de subsidiarité.

Il est pratiquement impossible de définir un mécanisme de coopération qui soit valable pour tous les pays de l'Union européenne car les systèmes institutionnels et constitutionnels varient fortement d'un État membre à l'autre. Toutefois, cela ne doit pas empêcher chaque État membre de mettre en oeuvre les procédures de consultation nécessaires et adaptées à son système politique pour garantir le respect des deux principes qui ont inspiré la culture de la subsidiarité: la reconnaissance des différents domaines de compétences qui coexistent au sein de l'Union européenne et le respect mutuel entre ces différents systèmes.

Indépendamment de la configuration politique des États membres, la collaboration interparlementaire entre institutions nationales et régionales doit réunir deux conditions essentielles: tout d'abord, la consultation est obligatoire dans tous les domaines relevant de la compétence des régions ayant des pouvoirs législatifs. Ensuite, dans ces cas, les avis des régions doivent être pris en compte dans l'élaboration des avis des parlements nationaux face aux instances européennes. Telle est la condition pour que la culture de la subsidiarité soit une réalité dans l'UE.

Nous nous sommes préparés, en tant qu'assemblées et parlements régionaux, à assumer nos responsabilités en matière de contrôle du principe de subsidiarité. La collaboration que nous menons depuis trois ans avec le Comité des régions, en participant au réseau de monitorage de la subsidiarité, est essentielle à cet égard. Cette expérience contribue à l'analyse et à la définition, au sein de chacune de nos institutions, de mécanismes suffisamment souples de réception, d'évaluation, de traitement et de décision concernant les initiatives communautaires, qui nous permettront d'apporter une réponse appropriée dans les brefs délais dont nous disposerons dès que le nouveau protocole entrera en vigueur.

Outre les tests de subsidiarité, le CdR a travaillé en étroite collaboration avec les associations des régions européennes, consultant ces dernières et permettant de la sorte à tous les échelons régionaux et locaux d'Europe de mieux suivre et connaître en profondeur l'activité législative de l'Union. Il est dès lors nécessaire de renforcer les mécanismes de collaboration existants et de promouvoir le développement de nouvelles procédures d'information et de consultation afin de généraliser la participation des régions ayant des compétences législatives à toutes les phases préalables à l'adoption d'initiatives communautaires.

Il nous reste encore un long chemin à parcourir. Le développement d'une culture de la subsidiarité à plusieurs niveaux est une responsabilité conjointe des institutions publiques locales, régionales, nationales et européennes. Seule une coopération et une collaboration mutuelles nous permettront de relever avec succès le défi du rapprochement entre institutions et citoyens européens. La présence de représentants des différents domaines concernés parmi nous aujourd'hui doit être interprétée comme une volonté politique de favoriser le dialogue. Celui-ci nous permettra de relever avec rigueur, sérieux et sincérité les difficultés auxquelles nous pourrions être confrontés.

Je vous remercie de votre attention.

M. Denis BADRÉ

Un grand merci. Nous avons tous apprécié que vous terminiez sur un appel à la volonté politique. Une volonté politique qui ne doit pas nous amener à nous dresser tous ensemble contre l'Union européenne. Mais à travailler avec l'Union européenne. Je note au passage que nous avons sûrement, aussi, un travail à faire entre régions et États, ou entre Provinces et États, un travail au moins aussi important que celui que nous avons à faire entre nos États et l'Union européenne. Je crois qu'il faut bien regarder les choses en face et ne pas renvoyer chez les autres des difficultés qui sont souvent chez nous.

Je vais donc maintenant passer la parole à Monsieur Volker Hoff, Ministre des Affaires fédérales et européennes! Vous voyez donc que lorsqu'on est dans le Land de Hesse, le fédéral et l'européen représentent - j'allais dire l'adversaire commun - en tout cas le partenaire commun, celui avec lequel il faut mettre en oeuvre la subsidiarité. Aussi bien le fédéral que l'européen. À vous.

M. Volker HOFF, Ministre d'État des Affaires fédérales et européennes de Hesse, Membre du Budesrat allemand, membre du Comité des régions

À vrai dire, j'ai trois casquettes. Je suis très heureux d'avoir l'occasion ici en tout cas de me prononcer sur ce thème de la subsidiarité, et d'y apporter ma contribution. Je vous disais que j'ai trois casquettes. En fait, je suis Ministre chargé des Affaires européennes au land de Hesse. J'exerce également la fonction de membre du Bundesrat , qui est représenté ici et qui est donc la deuxième chambre au plan national. J'ai aussi une troisième casquette, à savoir que je suis collaborateur du Comité des régions pour le land de Hesse, où je m'occupe de questions européennes. Par conséquent, vous comprendrez que j'aie plusieurs casquettes dans mon arsenal. Il est bon d'avoir plusieurs casquettes. Pourquoi? Parce que cela permet, justement, d'évoquer la question du contrôle de la subsidiarité, telle qu'elle est ancrée dans le traité de Lisbonne, d'une façon qui n'est pas seulement un cadeau qui serait fait aux collectivités régionales et territoriales, mais comme une tâche qui leur est confiée, et qui rendra notre travail difficile. Il faudra donc que nous procédions aux ajustements nécessaires dans le cadre de nos travaux. Ce que je souhaitais dire également, est relatif à ce que j'ai entendu de ce qui s'est dit ce matin à propos de la subsidiarité: on nous a dit que la subsidiarité ne pouvait être qu'un outil et non pas un objectif.

Je veux dire que sur ce point ma vision est diamétralement opposée. J'estime au contraire que la subsidiarité est un principe et doit être un objectif. Parce que si nous ne parvenons pas à veiller à ce que l'on éloigne Bruxelles de la micro-gestion, si l'on ne parvient pas à régler les choses à un niveau décentralisé, Bruxelles nous avalera tout entier. Et le cas échéant, nous ne bénéficierons plus de l'acceptation des européennes et des européens. Par conséquent il nous faut un système qui fonctionne, fondé sur un système de pouvoirs et de contre-pouvoirs - de checks and balances - reposant sur des responsabilités nationales, locales, régionales, d'une part; et d'autre part, un cadre législatif piloté depuis Bruxelles. Ça me paraît être un objectif fondamental pour les prochaines années et j'espère que nous le ferons nôtre.

Et puis, le contrôle de la subsidiarité et la possibilité d'introduire un recours en cas d'infraction à cette subsidiarité, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, ne sont pas des cadeaux qui nous sont faits. Au contraire. C'est une mission qui est confiée aux Parlements nationaux et régionaux. La République fédérale d'Allemagne, par exemple, est amenée à se prononcer - et je crois qu'il y a un certain nombre de pays dans lesquels c'est aussi le cas. En Allemagne, les questions européennes n'ont pas encore fait le parcours qu'elles auraient dû faire, c'est-à-dire qu'elles ne sont pas arrivées, par ordre de priorité, au niveau qu'on aurait souhaité. Je suis également député national et je constate parfois une récalcitrance, liée au fait que l'Europe est considérée comme ayant de plus en plus de compétences, alors que par ailleurs, existent des compétences aux niveaux local et régional, qui pourtant ne peuvent être mises en oeuvre. Je crois que c'est justement le contrôle de subsidiarité qui permettra de veiller à ce que les Parlements nationaux et régionaux s'associent de façon beaucoup plus étroite, afin d'atteindre leurs objectifs au plan européen. C'était la troisième remarque que je souhaitais faire.

Quatrième remarque: si le traité de Lisbonne finit par être ratifié et si le recours pour infraction à la subsidiarité est adopté et devient une véritable possibilité, croyez-moi, ce ne sera pas une partie de plaisir. Je tenais à vous le dire. Il faut savoir quelles en seront les conséquences. Chaque pays sera consulté, avant chaque décision de Bruxelles, et on invitera leurs niveaux de compétences à donner leurs avis: "Est-ce que là, vraiment, il y a infraction à la subsidiarité ou pas?" À supposer que oui, en Allemagne, par exemple, nous nous retrouverions dans une situation dans laquelle le Bundesrat devrait prendre contact avec les quinze autres États fédéraux, les bundesländer , afin de déterminer l'infraction ou son contraire. En parallèle, le Bundestag ou première Chambre allemande des députés, devra établir des contacts entre les deux chambres du Parlement allemand, car adviendront des projets pour lesquels il faudra veiller à ce qu'il n'y ait pas possibilité de plaintes ou de recours pour infraction à la subsidiarité. Par conséquent, il faut absolument que nos travaux nationaux soient en quelque sorte dénationalisés. Car on pourra très bien dire à un député de tel land d'aller voir ce qui se passe en Sarre, mais ça ne suffira pas. Il faudra que les Parlements nationaux, au sein de l'Union européenne, soient également consultés.

Et nous savons qu'alors, les intérêts ne sont pas toujours les mêmes et que parfois il peut y avoir de véritables conflits d'intérêts. C'est déjà là un travail monumental que nous devrons accomplir, pour parvenir à un engagement commun, au sein de l'Union européenne. Permettez-moi à ce stade-ci de vous donner un exemple pratique.

Prenons la protection des sols et la directive en la matière, qui est en train d'être examinée à Bruxelles. Si cette directive doit devenir une réalité, je crois que ce sera un cas de risques de recours pour infractions à la subsidiarité. Car il est évident que la pelouse qui est, là, dans le jardin, ne peut pas être simplement soumise au droit communautaire, puisqu'elle est située à Paris. Mais le fait que "la directive protection des sols" soit pilotée depuis Bruxelles... Il ne faut pas se mentir non plus. Le fait est que tous ceux qui veulent disposer d'une "directive protection des sols" en Europe et satisfaire à ses exigences, auront des dollars dans les yeux ou plutôt des euros dans les pupilles. Ils se rendront compte qu'une directive a été adoptée à Bruxelles, mais qu'il faudra encore que des mesures soient financées pour que la protection des sols puisse se faire, au niveau européen. Or, nous sommes suffisamment "pros", pour savoir que c'est exactement ainsi que cela se passe. Et ça continuera d'être le cas. Il y aura toujours une majorité pour la subsidiarité. Voilà ce que je tenais à vous dire.

Enfin, une dernière remarque, ou un dernier principe. Je crois que tout ce que je viens de dire donne raison au nécessaire renforcement de la mise en réseaux des Parlements nationaux. Je crois qu'il faut s'efforcer d'avoir un nouveau réseau. Il est vrai que nous en avons d'autres, tels que le Comité des régions, par exemple, ou le "Réseau des Capitales Européennes", mais ils sont très ciblés, très spécifiques et ne peuvent travailler que dans des domaines de compétences très particuliers. Existent l'AREV (Assemblée des régions vinicoles d'Europe) par exemple, ou bien encore "La Communauté de Travail des Travailleurs du Bâtiment", cette dernière ayant été associée au débat sur la directive en matière de construction, ou encore NEREUS, ce réseau en charge de l'application économique des technologies spatiales, qui s'est manifesté dans le contexte GALILEO, projet européen par définition, qui représentait de véritables défis où trente-sept gouvernements européens s'étant retrouvés pour essayer de trouver une position commune.

Je crois qu'outre ces approches nationales multiples et variées, il faudra se fixer pour objectif de savoir comment s'engager davantage sur le chemin de la subsidiarité, grâce à des réseaux de contenus et de fond. Je crois que c'est vraiment dans les domaines spécifiques que l'on pourra, par une mise en réseaux, assurer cette subsidiarité. Le problème principal de la subsidiarité réside dans la difficulté de la traduire. On la traduit différemment selon les pays.

Le 22 décembre a eu lieu à Berlin un grand colloque où se posait la question de la subsidiarité. Nous avons invité les uns et les autres, ce qui n'est pas toujours facile, et je me suis aperçu que chacun traduisait le terme subsidiarité à sa façon. Vous l'avez dit vous-mêmes: le plus grand danger serait que les citoyennes et les citoyens ne comprennent rien à la subsidiarité. Or, que ce soit à Paris, Berlin ou Francfort, si vous posez la question de savoir ce qu'est la subsidiarité à l'homme de la rue, huit sur dix d'entre eux vous regarderont l'air hébété et interloqué et se diront "Mais de quoi me parle-t-il, celui-là?".

De même, dans la classe politique, il y a des interprétations différentes du principe de subsidiarité. Je vous donnerai encore un exemple avant de conclure. Le land de Hesse est un land très européen. Nous avons une représentation de ce land à Bruxelles qui travaille conjointement en partenariat avec trois autres régions européennes: l'Aquitaine, Veliko Polska, en Pologne et l'Émilie-Romagne, en Italie. Nous travaillons ensemble, tous les jours, à cette mise en réseaux. Mais quand on parle du thème de la subsidiarité, les esprits et les visions divergent. Moi, en tant que Ministre allemand, par exemple, je souhaiterais que Londres discute très concrètement des choses, car j'ai vraiment la possibilité de faire avancer les choses et de les modifier, au Bundesrat . Mais si j'en parle à mon collègue français d'Aquitaine, ce qui l'intéressera plutôt sera de passer de Paris à Bruxelles, car il sait que s'il passe par Bruxelles, il aura davantage la possibilité d'exercer son influence, que s'il tente de le faire au niveau régional, et ce en raison de l'intervention de l'État. Donc, par le Comité des régions ou par d'autres réseaux, il aura vraiment la possibilité d'exercer son influence, alors que dans mon cas ce sera plutôt par le Bundesrat .

Vous le voyez, les objectifs sont assez semblables, mais dans la façon de les traduire à partir de faits concrets, les choses sont très différentes. Je serai très bref. Je suis heureux d'envisager que le traité de Lisbonne entre en vigueur très rapidement, bien que la question se pose encore. Avec la crise financière actuelle, on voit bien que cela relève de l'intérêt des États membres de l'Union européenne comme de la Zone Euro. Dans le cas contraire, nous nous retrouverions tous en Islande, ce qui est un autre débat. J'espère donc que ce traité sera ratifié très prochainement et qu'alors, nous pourrons enfin avoir de véritables bancs d'essais. Quoi qu'il en soit, je crois que la subsidiarité va bien au-delà d'un outil d'application. Cela doit être un véritable principe fondamental politique de l'Union européenne.

Je vous remercie.

M. Denis BADRÉ

J'ai cru comprendre que c'étaient plutôt les Islandais qui regrettaient de ne pas être dans l'Union européenne, ce qui est un hommage rendu à l'Union. À quelque chose, malheur est bon. Merci, cher ami, d'avoir été concis et d'avoir jonglé avec vos trois casquettes. Il était intéressant que vous puissiez le faire. Merci également d'avoir rappelé que la subsidiarité n'était pas un cadeau mais une mission. Et puis, s'agissant des exemples concrets que vous avez pris, de la protection des sols, notamment, je voudrais simplement prolonger le propos liminaire que je proposais tout à l'heure en vous disant que depuis deux ans, la Commission - sans attendre la ratification du traité de Lisbonne - a demandé aux Parlements nationaux de s'exercer au travail de contrôle de subsidiarité. Nous recevons donc tous les projets de textes, directement de la Commission, et nous les analysons. Je remarque au passage que le Sénat français a eu "une très bonne note". Nous avons donc fait un très gros travail expérimental sur ce dossier, et je me tiens à la disposition de ceux d'entre vous qui souhaiteraient savoir comment nous avons procédé. Nous sommes également très attentifs aux démarches engagées par nos collègues des autres Parlements nationaux. C'est d'une confrontation des expériences qu'adviendra la bonne manière de faire.

Dans ce contexte, je voudrais ajouter un tout petit mot pour marquer les différences de situation entre nos pays, entre nos États. En France, le gouvernement a été surpris que la Commission puisse envoyer directement des textes au Parlement français. C'est quelque chose qui n'est pas du tout dans notre culture. Tout doit passer par le gouvernement dans un Etat centralisé. Cela se passe pourtant de cette manière dans tous les autres pays d'Europe: la Commission, l'Union européenne, peuvent travailler directement avec les Parlements nationaux sans passer par les exécutifs. Cette manière de comparer nos façons de faire est féconde. La France elle-même commence ainsi à renoncer à ses vieux démons centralisateurs, donc à mieux comprendre le principe de subsidiarité.

J'ajoute qu'au vu de l'expérience que nous développons depuis deux ans, et voyant les textes qui nous arrivent, la grande difficulté réside dans le fait d'avoir à traiter ces textes dans l'optique de la subsidiarité et non pas sur le fond. C'est un grand danger, lorsqu'on reçoit un texte, de se dire que le texte en question nous plaît ou ne nous plaît pas, et d'entreprendre dessus un travail sur le fond. L'exercice auquel nous sommes appelés consiste simplement à nous déterminer sur le point de savoir si l'Union européenne est fondée ou non à s'en saisir. Et à distinguer ce qui relève des États, des Provinces ou de l'Union européenne.

Je donne immédiatement la parole à Monsieur Sefzig, du Parlement tchèque. Vous savez que la France, la République tchèque et la Suède travaillent beaucoup ensemble. De même que l'Allemagne, la Slovénie et le Portugal avaient pris l'habitude de travailler ensemble - pour donner un peu plus de durée à l'exercice d'une Présidence de six mois, qui est trop courte. C'est donc tout naturellement dans ce contexte que je passe la parole à notre collègue tchèque.

M. Ludek SEFZIG, Président de la Commission des Affaires européennes du Sénat de la République tchèque

Merci de me donner la parole, Monsieur le Président. Mesdames et Messieurs, tout d'abord, permettez-moi d'exprimer toute ma gratitude pour cette invitation.

Je dois dire que c'est un véritable privilège pour moi de m'exprimer devant un forum qui réunit autant d'hommes politiques européens. J'ai promis d'être bref et ne ferai que des remarques générales. En organisant cette conférence, la Présidence française prend le relais, de façon très pertinente, des efforts faits par les présidences précédentes - britannique et autrichienne - qui ont décidé de tenir des réunions où l'on pourrait, à la fois, démontrer l'expérience et l'application pratique du principe de subsidiarité. C'est tout à l'honneur du Comité des régions de ramener la subsidiarité sur le devant de la scène. Ce n'est certes pas surprenant. Les pays qui ont une structure fédérale ont appris à appliquer ce principe. Ils considèrent que c'est un outil efficace pour éliminer les risques de sécession et de séparatisme, qui constituent un danger pour toute entité fondée sur des principes bureaucratiques et centralisés. Notre expérience, en Europe centrale, a un certain poids en la matière. Il suffit de mentionner l'exemple de la monarchie austro-hongroise, ou la coexistence tchécoslovaque.

L'Union européenne qui n'est pas un État fédéral, mais qui est beaucoup plus proche d'une confédération fondée sur un traité international, apprend à présent à manier ce principe. Et ce n'est guère chose aisée. Le principe de subsidiarité, tel qu'il est exprimé par le concept classique de l'encyclique de 1931, est la tension dynamique entre l'individu et l'État et le complément productif au principe de la souveraineté de l'État. Cela veut-il dire que la subsidiarité n'a pas sa place dans une configuration supranationale? Cela veut-il dire que, dans le cadre de l'intégration européenne, ce ne serait qu'un amalgame de subsidiarités, une sorte de subsidiarité bureaucratique sui generis? Ce ne sera pas forcément le cas et cela dépendra de l'évolution à venir de la communauté.

La condition sine qua non , fondamentale, quant au fonctionnement de ce principe, n'a pas changé depuis 1931. Permettez-moi de citer brièvement Quadragesimo anno : "De la même manière qu'il serait gravement erroné de retirer aux individus ce qu'ils peuvent accomplir par leur propre initiative et labeur pour le donner à la communauté, ce serait une injustice, un véritable fléau et un trouble de l'ordre naturel des choses, d'assigner aux grandes associations ce que des organisations moindres et subordonnées peuvent faire. Pour toute activité sociale, il convient de garantir aux membres du corps social de ne jamais les détruire ni de les absorber.»

La bonne conception de la subsidiarité est d'aider la communauté qui se situe à un échelon moindre, et qui n'est pas forcément subordonnée hiérarchiquement. Sa mise en oeuvre, dans la réalité quotidienne, se fonde sur un ancrage institutionnel adéquat. En tant que docteur, je sais à quel point cet équilibre est important et fragile. En tant qu'homme politique, j'ai également compris que le principe de subsidiarité présentait une dimension juridique et politique.

Pour ces raisons, je considère que les Parlements nationaux sont les gardiens naturels de cet aspect politique de la subsidiarité, ce qui est particulièrement vrai des Sénats français ou tchèque, qui sont les détenteurs de la stabilité de l'établissement constitutionnel. C'est également vrai des deuxièmes chambres des États fédéraux, en ce sens que ces chambres représentent les intérêts des provinces ou des territoires fédéraux. Dans les deux cas, la logique confie cette fonction de contrôle à un organe représentatif national. Dans le même temps, il est essentiel que ce mécanisme, qui sert à appliquer le principe de subsidiarité, soit suffisamment efficace et cohérent avec les principes de la démocratie parlementaire. À ce sujet, j'ai le sentiment que le système des cartons orange et jaune ne permettra pas de parvenir à cet objectif vertueux, en tout cas pas pleinement. Étant donné que l'Union européenne se fonde sur l'existence d'un ordre juridique autonome, le contrôle judiciaire ne peut pas non plus être négligé.

Les débats sur l'applicabilité judiciaire de la subsidiarité ont été résolus, en pratique, par la Cour constitutionnelle fédérale allemande, lorsqu'elle a répondu par l'affirmative. Si nous disposons d'une définition suffisamment précise et de la volonté d'affirmer ce principe, le respect de ce principe peut être également contrôlé par une Cour. Ce qui est fait par les Tribunaux nationaux conformément à l'ordre constitutionnel, ainsi que par la Cour européenne de Justice, dans le cadre délimité par les traités fondateurs. La Cour de Justice doit être l'arbitre indépendant des litiges; non pas le moteur de l'intégration européenne. Si la Cour n'est pas en mesure de prendre cette décision, la question d'une Cour européenne indépendante, en cas de conflits de compétences, reviendra sur le devant de la scène.

Mesdames et Messieurs, merci de votre attention.

M. Denis BADRÉ

Merci, mon cher collègue. Merci d'avoir fait référence au texte des encycliques. Cela nous a permis d'élever un peu notre débat.

Puisque l'occasion m'est donnée, en tant que parlementaire français, de m'adresser à un parlementaire tchèque - alors que dans deux mois vous allez prendre le relais pour présider l'Union européenne - je voulais vous dire combien je souhaite que le Conseil européen de la fin de ce semestre bâtisse le scénario de sortie de crise concernant la ratification du Traité de Lisbonne. Et combien je souhaite, vivement - comme beaucoup de personnes dans la salle, et nous vous demandons de tout faire pour ça - qu'il puisse être ratifié sous présidence tchèque. Je voudrais reprendre - pour réagir un peu sur le ton qui était le vôtre à l'instant - ce que vous avez dit à propos de la nécessité de mobiliser ce que vous-mêmes, après Madame Bilbao, avez appelé la "volonté politique". Je pense que si les Pères fondateurs, qui ont lancé l'Union européenne en 1950, n'avaient pas eu une volonté politique à soulever les montagnes, jamais l'Europe n'aurait démarré. Il faut donc garder la même capacité à soulever les montagnes, pour aller de l'avant. Je crois que c'est très important aujourd'hui. Vous avez raison de pointer toutes les difficultés que nous pouvons rencontrer à condition que ce soit pour les surmonter.

Merci d'avance pour les conditions dans lesquelles nous pourrons continuer à travailler ensemble dans cet esprit. Et je donne maintenant la parole à Monsieur Han Ten Broeke, membre du Parlement néerlandais.

M. Han TEN BROEKE, Membre de la Chambre des Représentants des Pays-Bas

Merci à vous, Monsieur le Président. Vous avez également raison. L'Europe, ce n'est Strasbourg, ce n'est pas Bruxelles. C'est nous. Ce sont les régions, les Parlements nationaux, les capitales.

Je vais poursuis en néerlandais dans l'esprit de la subsidiarité, qui est une notion que vient d'évoquer très clairement notre ami tchèque, un concept qui doit absolument devenir de plus en plus populaire, car il est vrai que rares sont ceux à qui on pourrait poser la question, et qui sauraient dire ce qu'est exactement la subsidiarité en Europe. En tant que catholique venu d'un pays protestant, j'essaie, pour ma part, de citer Thomas d'Aquin, par exemple. Je crois que vous aurez compris à quoi je fais allusion...

Le principe de la subsidiarité, tel qu'il est ancré dans le traité de Maastricht, c'est de là que vient son origine, ainsi que le rôle des Parlements nationaux - puisque c'est de cela dont on parle pour la première fois dans le traité d'Amsterdam - ont aussi vocation à devenir de plus en plus populaires. Je tiens à remercier tous ceux qui sont présents. Paul Peters, du Parti socialiste, m'a donné son temps de parole. C'est un monopole que j'ai maintenant. Vous le voyez, c'est formidable, même dans les Parlements néerlandais, il arrive parfois que l'on partage nos compétences, de manière à ce que les choses puissent se faire. Et en fait, c'est ainsi que les choses doivent être. Lorsque l'on parle du principe de subsidiarité, je crois qu'il est extrêmement important que les deux types de Parlements - les Parlements nationaux, sans oublier le rôle des Parlements régionaux - travaillent en étroite collaboration, de manière à parvenir à une évaluation commune de la situation, pour le plus grand bien-être des populations qui les ont élus. Les traités, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, ont souhaité instaurer ce principe de subsidiarité. La situation dans laquelle nous nous trouvons à l'heure actuelle, est une situation dans laquelle, vous l'aurez compris, le traité de Lisbonne est en état de coma absolu. Un plan de renflouement irlandais était attendu, qui n'est jamais arrivé. Pour autant, dans le traité, il est évident que certains éléments sont tout à fait perfectibles, il faut le reconnaître. En ce qui nous concerne, et je parle là au nom de l'ensemble du Parlement néerlandais, je crois qu'on peut améliorer les choses. Ce, notamment dès lors qu'il s'agit de renforcer les rôles de Parlements nationaux et régionaux, puisque c'est la première fois qu'il est reconnu à l'article 8 du traité de Lisbonne, que dans la constellation européenne, les Parlements nationaux sont également amenés à jouer un rôle important. Cela me paraît essentiel.

D'autres intervenants l'ont dit, notamment Volker Hoff tout à l'heure, qui y a fait référence. Il n'y a qu'une seule façon de renforcer la légitimité de l'Europe, ou de la retrouver, à supposer qu'elle ait déjà existé. C'est en permettant aux Parlements nationaux et régionaux de jouer leurs rôles, chaque fois qu'il s'agira de prises de décisions européennes. L'Europe est trop importante pour laisser à Strasbourg et à Bruxelles le soin de prendre toutes les décisions. Il faut qu'elle ait l'appui de tous les Parlements nationaux, qui doivent pouvoir intervenir, dès lors qu'ils estiment qu'à Bruxelles s'est fait quelque chose qui n'aurait pas dû être fait. L'article 8 reconnaît donc cela, mais également le Protocole 2, célèbre s'il en est, où l'on parle de l'intégration. Le gouvernement néerlandais, les néerlandais, le Parlement néerlandais et moi-même - qui siège dans les rangs de l'opposition, mais qui, je dois le dire, appuie cela - avons obtenu la possibilité d'utiliser le carton orange.

Je suis heureux, Monsieur le Président, que vous ayez évoqué ce carton orange. C'est une couleur qui plaît beaucoup chez nous mais qui plaît beaucoup aussi en Irlande, et je crois que ça ne peut être qu'un élément positif. Qu'entend-on par ce carton orange? Permettez-moi de vous en dire quelques mots. Le carton orange est un carton qui peut être présenté à partir du moment où une majorité normale de Parlements nationaux s'oppose, ou a un recours à introduire pour infractions au principe de subsidiarité ou de proportionnalité, pour ce qui est d'une proposition qui émanerait de la Commission européenne.

Nous aurions difficilement pu choisir meilleure semaine que cette semaine-ci pour en parler, car précisément, cette semaine, une directive de la Commission européenne qui porte sur l'égalité du traitement des chances, Equal rights , a essuyé deux jugements négatifs, en raison, précisément, d'une violation du principe de la subsidiarité et de proportionnalité. Il s'agissait non seulement d'une initiative de la Chambre basse des Pays-Bas, mais également de la Chambre haute du Sénat des Pays-Bas. La Présidence française, et donc le Président français, ont abondé dans le sens de la remarque néerlandaise. C'est quelque chose qui est tout à fait remarquable et unique. Cela signifie que chacun peut prendre connaissance d'un arrêt, en l'occurrence ici de l'arrêt rendu par le Parlement néerlandais. C'est une innovation tout à fait remarquable, car je crois qu'il n'y a pas de disposition précise dans le traité qui indique qu'il faille informer un autre parlement d'une décision prise dans un parlement donné. C'est donc le début d'une belle collaboration en matière de subsidiarité et de proportionnalité, que l'événement qui s'est produit cette semaine.

Ce que j'appelle de mes voeux, c'est une situation dans laquelle nous coopérions mieux, entre les Parlements nationaux, certes, mais également entre Parlements régionaux. Il y a un mois à peine, c'était un honneur pour moi d'être présent à Berlin, lors de la conférence qui avait organisée par le Ministre d'État Volker Hoff et par le land de Hesse. Il a été intéressant de constater combien il y avait de différences sur la façon dont il fallait compléter la subsidiarité, selon que l'on était de tradition fédérale - comme la fédération allemande - ou selon qu'on ne l'était pas - les Pays-Bas ne sont pas de tradition fédérale- ou encore, selon que nous estimions qu'il serait bon qu'advienne une tradition fédérale en Europe.

Indépendamment de tout cela, il faut que nous puissions regarder nos électeurs droit dans les yeux en leur disant que nous avons contribué aux prises de décisions en provenance de Bruxelles. Si nous souhaitons pouvoir le faire, il faut que nous le fassions de manière efficace, car après tout, nous ne disposons que de huit semaines pour ce faire. À moins d'être l'auteur de la proposition ou que la proposition soit formulée dans une langue que vous connaissiez; auquel cas, vous disposez de 12 semaines pour ce faire. Une proposition a été faite par les Pays-Bas à la COSAC, précisément, afin que la coopération se fasse de manière plus efficace. Ma collègue du pays basque a fait référence à l'IPEX. Le système IPEX est un système qu'il faut utiliser.

En effet, qu'y a-t-il de plus simple que de présenter les décisions, les différents arrêts et de les juger à l'aune de la proportionnalité et de la subsidiarité, et de voir à quel endroit les choses doivent être améliorées? Je constate, et je le regrette, que de nombreux États membres ne font pas usage de ce système. Je vous invite donc tous, chacun, chez vous, à utiliser ce système informatique, qui est très simple, très convivial et très efficace. Je crois vraiment que nous gagnerions tous à davantage l'utiliser. La COSAC offre donc cette possibilité de coopération plus étroite. Nous, Néerlandais, nous ne tenons pas absolument à nos propres propositions. D'autres propositions sont faites. En revanche, ce qui est essentiel, c'est qu'aujourd'hui nous constations, les uns et les autres, que les régions et les Parlements nationaux ont un rôle à jouer. C'est une tâche qui nous incombe à tous.

Il faut que nous parlions d'une seule voix, d'une voix qui se fera entendre et qui fera comprendre ce que nous entendons par proportionnalité et par subsidiarité. Si nous souhaitons que cette voix se fasse entendre, il est alors indispensable que nous travaillions étroitement ensemble et que nous voyions comment nous allons pouvoir donner une forme concrète à cette coopération, que ce soit dans le contexte de la COSAC, ou dans un autre contexte, le contexte m'étant complètement indifférent. En revanche, je forme le voeu de pouvoir, dans la rue, regarder droit dans les yeux ceux des électeurs qui m'ont élu, et leur dire: "Cette décision vient de l'Europe, mais elle est bonne pour vous. J'ai contribué à cette prise de décision. Ce n'est ni Bruxelles ni Strasbourg qui l'a prise. C'est aussi La Haye, Barcelone, Madrid, et Paris, qui ont contribué à cette décision. Peu importe l'endroit d'où elle vient.»

Voilà, Mesdames et Messieurs.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous ici, à propos de la façon dont pourrait fonctionner le traité.

J'espère de tout coeur que nous aurons l'occasion de nous rencontrer, si ce n'est par le truchement du système IPEX, à l'occasion d'une autre conférence. Mais quoi qu'il en soit, je tiens à conclure de manière concrète: tâchons de contribuer activement à la prise de décisions de Bruxelles. Il en va de la légitimité de l'Union européenne.

Merci.

M. Denis BADRÉ

Merci beaucoup. Je remercie aussi Monsieur le Sénateur Peters d'avoir accepté d'utiliser comme porte-parole un député. C'est un bel exemple de coopération entre un député et un sénateur. Merci aussi pour ce que vous avez dit.

Et je passe la parole à Madame Papademetriou, Présidente de la commission des Affaires européennes du Parlement hellénique.

Mme Elsa PAPADEMETRIOU, Vice-présidente du Parlement hellénique, Présidente du Comité pour les affaires européennes

Merci Monsieur le Président. Permettez-moi de vous adresser un grand merci, ou la moitié d'un grand merci... Merci aux sénateurs français, merci pour leur hospitalité, merci pour avoir organisé cette grande conférence. L'autre moitié de mon grand merci va au Comité des régions... Ah... Je croyais que Luc (Mme Papademetriou parle de Luc Van den Brande) avait quitté la salle, mais non, il est là. Je suis ravie qu'il soit là, parce que je peux de vive voix - même si je connais bien sa carrière politique, je sais ce qu'il a fait aux différentes étapes de sa vie - profiter de l'occasion pour lui rendre hommage, pour ce qu'il a offert en général, et pour ce qu'il a produit dans le Comité de régions en particulier. J'ai été moi-même Secrétaire Générale d'une région, il y a une vingtaine d'années, et je sais donc que nous devenons de plus en plus, que vous devenez "visibles", au Comité des régions. Je vous en félicite tous, et votre Président, tout particulièrement.

Chers collègues, l'Union européenne est en train de devenir un système de gouvernance multidimensionnel. Pourquoi? Il faut revenir à l'objectif fondamental, pour le comprendre. Vous vous en souvenez, l'Union européenne est une Union d'États, une Union de peuples, dont le rôle et les valeurs ont été rappelés largement ce matin. C'est ce qui caractérise ce système politique, et d'ailleurs on voit bien cette évolution, ce rapprochement vers un système politique unique. C'est donc notre devoir de garantir le bon fonctionnement de ce système politique, de cette gouvernance européenne. Ce sont exactement nos raisons d'être: avoir une bonne structure et un outil efficace. La subsidiarité depuis Maastricht - ou, si mes souvenirs sont bons, depuis plus longtemps encore. Il faut remonter à l'Acte unique - est la pierre angulaire de ce système démocratique, qui est le nôtre aujourd'hui. J'aimerais vous faire part de quelques réflexions. Il y quand même quelque chose qui est un petit peu bizarre. Nous discutons, nous faisons des prévisions, nous avons moult conférences, discours et débats au Parlement. Mais si vous demandez aux Grecs - je ne sais pas comment ça se passe ailleurs - "Qu'est-ce que la subsidiarité? De quoi parlent vos parlementaires lorsqu'ils parlent avec les autorités locales?" par exemple, j'imagine que ceux qui répondront, ceux qui savent ce qu'est la subsidiarité peuvent être comptés sur les doigts d'une seule main.

Si le grec n'était pas la langue de mon pays, je dirais que pour eux, c'est du "grec". D'où la grande importance de la visibilité. Il faut qu'il y ait prise de conscience, c'est notre obligation et notre devoir numéro deux. À mon avis, la coopération s'impose avec les États membres, dans le respect des prérogatives d'organes intervenants. La coopération doit s'organiser entre les pays, entre les gouvernements, entre les autorités locales, entre les représentants locaux, chacun doit coopérer en fonction de ses prérogatives et de ses compétences. C'est ce qui permettra que tous aient la même interprétation de la subsidiarité. Il ne fait aucun doute que les Parlements et les représentants des régions ne sont pas toujours les mêmes. Je vais essayer de m'expliquer.

Les organes régionaux font en général passer leurs intérêts - et se font entendre - par le Comité des régions, qui est une institution de l'Union européenne. Et on retrouve là encore la subsidiarité, que l'on peut pleinement respecter, en passant par les organes législatifs de l'Union européenne. Mais il ne faut pas oublier que les institutions européennes gardent une nature subsidiaire et exercent leurs compétences dans le seul cadre de la poursuite des objectifs de l'Union européenne. C'est vrai du Comité des régions comme c'est vrai du Parlement européen. Même si le respect du principe de subsidiarité entre dans les obligations, tant du Comité des régions que du Parlement européen, le traité constitutionnel et le traité de Lisbonne, à mon avis et à juste titre, font peser leurs responsabilités sur les Parlements nationaux. Le lien entre le principe de subsidiarité et le principe d'égalité dans les États membres est la raison première de cette modification, avant même de penser à la protection des intérêts nationaux. (Autant de principes qui ont été inscrits dans le traité constituant de l'Union européenne et dans le traité de Lisbonne). Cela est lié aux existences autonomes et aux fonctionnements des États membres. À mon avis, on pourrait améliorer la protection en passant par les Parlements nationaux. Par conséquent, le rôle de ces derniers, lorsqu'ils observent le principe de subsidiarité, est un rôle irremplaçable. En résumé, il faut qu'il y ait une bonne coordination entre toutes les organisations qui peuvent intervenir dans le cadre de la subsidiarité: Parlement et autorités régionales, puisque ces dernières doivent adapter leurs propres procédures à ce principe de subsidiarité.

(Mme Papademetriou s'adresse à présent à M. Denis Badré) D'ailleurs mon pays a déjà répondu à l'une de vos initiatives et nous allons envoyer, la semaine prochaine une réponse à une autre question, qui d'ailleurs était votre deuxième question, si je ne m'abuse. Vous avez posé la question, nous répondons. Vous allez recevoir la réponse. Et tout ceci, sans interrompre la coopération entre les parlements nationaux et l'Union européenne. Le Comité des régions reste quand même le cadre approprié, si l'on veut impliquer les citoyens au niveau régional. C'est ce qui a été dit tout à fait à juste titre. Et le Secrétariat pourrait beaucoup apporter à un système d'information et de coordination européen.

Par ailleurs, ces procédures parlementaires, à différentes vitesses, suscitent quelques préoccupations. On se demande si la transparence règne partout. Mais il faut absolument préserver le rôle des Parlements nationaux, sinon ça risque de coûter cher, et, cela a été souligné par le Conseil européen: " les Parlements nationaux sont et devraient rester la source de la légitimité européenne."

Merci.

M. Denis BADRÉ

Merci, Madame Papademetriou, chère collègue, d'avoir contribué à rappeler ce que doivent être les rôles respectifs des Parlements nationaux et des autorités régionales.

Je vais demander à ceux qui sont à la tribune, car l'heure tourne, de rejoindre la salle et à la deuxième vague d'intervenants de monter à la tribune.

Et je donne la parole à Monsieur Piotr Glowski, membre du Sénat de la République de Pologne.

M. Piotr GLOWSKI, Sénateur de la République de Pologne

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, tout d'abord, permettez-moi, au nom de la délégation de la République de Pologne, de vous adresser nos sincères remerciements pour l'invitation à ces Assises. Merci également de nous donner la possibilité de participer à une conférence qui est tout à fait essentielle pour nos Parlements nationaux respectifs.

La Commission des affaires européennes du Sénat de la République de Pologne est une instance qui, depuis longtemps, s'est fixé pour objectif de vérifier comment le principe de subsidiarité est respecté dans les projets des actes législatifs de l'Union européenne.

Nous avons examiné des propositions suivantes:

1. Proposition de Règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2201/2003 en ce qui concerne la compétence et instituant des règles relatives à la loi applicable en matière matrimoniale

2. Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne l'achèvement du marché intérieur des services postaux de la Communauté

3. Proposition de décision cadre du conseil modifiant la décision-cadre 2002/475/JAI relative à la lutte contre le terrorisme

4. Proposition de directive du Conseil relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d'âge ou d'orientation sexuelle

Cette dernière, nous avons examiné selon les procédures prévues par les protocoles ajoutés au Traité de Lisbonne

Même si le destin du Traité de Lisbonne est encore incertain, rien ne nous empêche de procéder à un contrôle du principe de subsidiarité qui baserait sur les préceptes du Traité sur l'Union européenne et ceux du Traité de Lisbonne. Les deux actes prévoient presque la même manière de procéder. La différence demeure dans les conséquences que provoquerait une opinion indiquant l'incompatibilité du projet avec le principe de subsidiarité.

Le Traité de Lisbonne permet aux parlements nationaux de s'engager davantage dans le contrôle du respect du principe de subsidiarité et ainsi de jouer un rôle plus important dans le processus de décision de l'Union européenne.

La Commission des affaires européennes du Sénat de la République de Pologne a pu élaborer un modèle, à l'aide duquel il est possible de voir dans quelle mesure les propositions de la Commission européenne sont compatibles avec le principe de subsidiarité. En étudiant les propositions de la Commission européenne, la Commission des affaires européennes consulte les commissions sectorielles du Sénat, de même que des experts extérieurs. Nous considérons que l'analyse de l'avis du gouvernement constitue un autre élément indispensable au cours de l'examen efficace des propositions de la Commission européenne.

La coopération avec les commissions sectorielles, les groupes d'experts et la préparation des avis, sont des éléments qui nécessitent beaucoup de temps. Face aux délais courts, ceci constitue un problème majeur pour notre Commission. Le dernier examen d'une proposition - il s'agissait d'une directive en matière de discrimination - a eu lieu en période de vacances. Dans ce cas-là le délai de huit semaines prévu par le Traité de Lisbonne était illusoire.

Nous devons garder à l'esprit aussi un autre problème, à savoir la sélection des propositions que nous avons vocation à contrôler. Un processus de sélection efficace requiert l'établissement des critères et procédures ainsi que la création d'une équipe d'experts.

Il se pose aussi la question si nous pouvons et voulons examiner le principe de subsidiarité sans connaître la position du gouvernement. Il faut s'interroger si nos Parlements respectifs disposent du personnel capable de s'acquitter de cette tâche de contrôle. Le gouvernement, lui, dispose du support suffisant, des informations et participe au processus de décision.

En ce qui concerne le processus de contrôle du respect du principe de subsidiarité, je me permettrais de présenter les critères utilisés par la Commission des affaires étrangères du Sénat polonais. Nous pouvons différencier des critères formels et matériels.

Les critères formels peuvent être résumés en forme des questions suivantes:

1. L'Union européenne, possède-t-elle des compétences de légiférer dans le domaine auquel touche le projet? Est-ce une compétence exclusive?

2. Le projet, comporte-t-il les informations concernant les conséquences financières de sa mise en oeuvre et - dans le cas d'une directive - ses conséquences légales?

3. La Commission européenne, a-t-elle réalisé des consultations adéquates?

Critères matériels:

1. Quels actions ont été entreprises au niveau national pour atteindre les objectifs du projet?

2. Les objectifs du projet, peuvent-ils être atteints à travers une coopération entre États membres?

3. Quels sont les critères qualitatifs et quantitatifs à la base desquels la Commission européennes affirme que les objectifs seront plus facilement atteints à travers des actions au niveau communautaire?

Ainsi pour décider si une proposition respecte le principe de subsidiarité, il faut vérifier dans quelle mesure elle satisfait les critères mentionnés ci-dessus.

Je vous remercie de votre attention.

M. Denis BADRÉ

Votre concision est admirable. Merci aussi d'avoir rappelé qu'il faut faire bien, mais qu'il faut faire vite. Que le principe de subsidiarité ne doit pas être un prétexte pour bloquer les décisions.

Madame Neuwirth, je vous donne la parole tout de suite. Vous êtes Vice-présidente du Bundesrat autrichien.

Mme Susanne NEUWIRTH, Vice-présidente du Bundesrat autrichien

Mesdames et Messieurs,

Dès le lancement du processus de réforme, l'Autriche a fait connaître son point de vue, à savoir qu'une révision des Traités instituant l'Union européenne existants devra d'abord chercher à ce que l'Europe et la politique européenne soient plus démocratiques et plus proches des citoyens.

Le Traité de Lisbonne qui élargit considérablement les droits de participation des Parlements nationaux - et plus particulièrement dans le domaine du contrôle de la subsidiarité, constitue donc un pas important dans la bonne direction. Par conséquent, c'est avec une large majorité parlementaire que l'Autriche a ratifié le Traité de Lisbonne, en avril 2008, au Nationalrat comme au Bundesrat.

Nous nous trouvons actuellement dans une phase passionnante en ce qui concerne l'avenir du Traité de Lisbonne en général et les nouveaux règlements importants sur une plus forte implication des Parlements nationaux en particulier. C'est pourquoi j'espère vraiment, et je tiens à le dire clairement ici, que le processus de ratification aboutira dans les meilleurs délais. Nous avons déjà perdu un temps précieux et l'Union européenne a besoin, et plus que jamais dans cette période où nous devons relever des défis d'importance mondiale, d'une vision claire en ce qui concerne ses propres objectifs et structures, pour conserver sa capacité d'agir, sans pour autant faire des compromis au sujet des réclamations justifiées formulées par ses citoyennes et ses citoyens qui demandent plus de transparence et de proximité aux citoyens.

Mesdames et Messieurs,

Le Parlement autrichien accorde une très grande importance aux nouveaux mécanismes visant le contrôle de subsidiarité et de proportionnalité. Le Bundesrat autrichien que je représente aujourd'hui ici devant vous a récemment fait de grands efforts pour assurer le contrôle de la subsidiarité. Nous disposons désormais de bonnes conditions préalables au sein de notre enceinte permettant d'exercer nos droits de participation renforcés que je voudrais vous présenter brièvement ici:

Les projets législatifs transmis directement par la Commission européenne aux Parlements nationaux sont enregistrés dans une base de données européenne centralisée au Parlement autrichien. Tous les députés et membres du Bundesrat reçoivent, par courrier électronique, un relevé hebdomadaire des nouveaux documents, permettant d'accéder directement aux différents projets. Ces courriels sont également envoyés aux Parlements des Länder de sorte que les chambres régionales ont accès au même pool d'information.

Par ailleurs, les dits projets législatifs transmis par la Commission européenne sont accessibles à tous les citoyens dans le Net, sur le site web du Parlement.

Tous les projets de directives et de règlements qui arrivent sont automatiquement soumis à un premier examen juridique au niveau de l'administration parlementaire. Les résultats de ce premier examen qui peut être suivie d'une recommandation suggérant le traitement plus approfondi par la commission, s'il y a des réserves concernant le respect du principe de subsidiarité, sont transmis tous les mois aux présidents des commissions européennes des deux chambres parlementaires ainsi qu'aux groupes parlementaires.

Pour ce qui est du Bundesrat, c'est la commission européenne qui décidera par la suite lesquels des projets transmis par la Commission européenne seront soumis à un examen plus détaillé portant sur le respect du principe de subsidiarité et de proportionnalité, et qui les mettra, le cas échéant, à l'ordre du jour de la réunion suivante de ladite commission.

La base des discussions au sein de la commission sont - outre les relevés des projets pré-examinés établis par la direction parlementaire que je viens de citer - entre autres les informations provenant des ministères ainsi que les "prises de position conjointes" portant sur les projets législatifs européens et transmises par les Länder que ceux-ci considèrent comme problématiques sous l'angle de la subsidiarité.

Dans ce contexte, je me félicite du fait que la commission européenne du Bundesrat est tout à fait disposée dans la pratique à mettre ces prises de positions des Länder à l'ordre du jour, à les discuter et à faire connaître ses constatations à la Commission européenne. Ce nouveau rôle où le Bundesrat regroupe les avis et se fait pratiquement entendre comme "la voix des Länder" a une qualité tout à fait inouïe de la coopération intérieure en Autriche et permet une action coordonnée vers l'extérieur.

Mesdames et Messieurs,

A mon avis, c'est justement là, le principal et peut-être le plus grand défi lié au développement ultérieur du contrôle de la subsidiarité par les Parlements: c'est-à-dire la question de savoir comment on peut réaliser une vraie plus-value par un renforcement de la coopération et de la coordination.

D'un côté, il s'agit ici des relations intra-étatiques:

La coopération avec les Länder dont j'ai parlé fonctionne déjà bien. Les prises de position conjointes élaborées par les Länder sont fréquemment traitées au Bundesrat et transmises à la Commission européennes, en outre, des représentants politiques de haut rang et des experts des Länder, des villes et des communes participent régulièrement aux réunions des commissions au Bundesrat, de sorte qu'une culture de la discussion réunissant à un niveau élevé les différents points de vue est apparue après relativement peu de temps.

Mais outre la coopération entre l'Etat fédéral et les Länder, la coordination entre les deux chambres du Parlement autrichien est également une question très importante. Dans ce contexte, il est sans aucun doute utile que le Nationalrat et le Bundesrat peuvent recourir à une administration commune qui fournit aux deux chambres les connaissances techniques nécessaires concernant le contrôle de subsidiarité. Mais cela ne doit pas faire oublier non plus que différentes questions fondamentales font actuellement encore l'objet de discussion. Je ne mentionnerai ici que la question de la coordination politique entre les chambres lors du choix des dossiers à examiner, ou bien la question de savoir comment procéder en cas de prises de position contradictoires formulées par le Nationalrat et le Bundesrat, notamment en ce qui concerne l'exercice du droit de vote où deux voix sont prévues par la Traité de Lisbonne. Dans ce domaine, il reste encore des choses à faire, en ce qui concerne la forme juridique des solutions à trouver dans la Constitution autrichienne et les règlements intérieurs respectifs.

Mais de l'autre côté, il s'agit bien-sûr aussi de la coopération européenne entre les différents Parlements nationaux qui sont appelés à s'accorder et à échanger leurs positions dans les meilleurs délais, parce que le délai des 8 semaines pour transmettre ses avis n'est long qu'en apparence.

Certaines choses ont d'ores-et-déjà été réalisées. IPEX a été créé comme base pour un échange d'information rapide, et nous sommes appelés à utiliser pleinement cet instrument. Certaines améliorations de fond et techniques ont permis de disposer plus rapidement de plus d'informations. D'autres améliorations qui sont discutées depuis le mois de mai, dans le cadre du groupe de travail COSAC, devraient faire en sorte qu'IPEX devienne finalement un instrument pleinement opérationnel.

Pour terminer, je tiens à souligner la valeur de conférences comme celle-ci. Lorsque nous parlons de coopération interparlementaire, cette coopération ne pourra apporter ses fruits que si le dialogue entre les acteurs fonctionne bien. Dans ce sens, je remercie les organisateurs de cette conférence d'avoir pris cette initiative des plus utiles. Merci de votre attention.

M. Denis BADRÉ

Merci, chère Madame. Merci surtout d'avoir développé l'exemple très pratique que vous vivez en Autriche. Je crois que c'est très éclairant pour nous tous.

Je donne maintenant la parole à ma collègue et amie Madame Lundgren, puisque nous avons l'occasion de nous retrouver à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

Mme Kerstin LUNDGREN, Membre du Comité des Affaires étrangères du Parlement suédois

Merci, Monsieur le Président. Merci au Comité des régions et au Sénat français. En tant que membre du Parlement suédois et d'un mouvement politique qui a beaucoup travaillé sur la décentralisation, je puis vous assurer que nous avons eu la même discussion en Suède. Est-ce que c'est un mot que les gens comprennent? Non. Au début, ils ne le comprenaient pas. À présent, ils le comprennent. Je crois que c'est la même chose qu'en ce qui concerne l'éducation des enfants: ce n'est pas ce que nous disons, c'est ce que nous faisons qui compte. Bien sûr, nous avons un processus devant nous...

À présent, je vais m'exprimer dans ma langue maternelle, si vous le voulez bien. Je n'ai pas toujours la possibilité de le faire. Aujourd'hui je l'ai. Je vais la prendre.

La Suède a décidé d'exercer le contrôle de subsidiarité ...

Donc, nous avons la possibilité de revoir le principe de subsidiarité. Nous sommes partis du traité de Lisbonne, des travaux au Parlement, mais également de nos travaux avec d'autres Parlements. Nous avons notamment dans ce domaine une mission très importante à accomplir. Comme vous, ici, sur la base de vos expériences, nous travaillons pour le principe de subsidiarité sur la base de notre constitution.

Nous avons décidé d'avoir une consultation entre le Parlement et le gouvernement. Nous avons également un comité qui rencontre le gouvernement chaque semaine. Chaque semaine, le gouvernement et le Parlement se rencontrent pour tenir une réunion avant chaque décision au Conseil des ministres. Et ce n'est pas tant un contrôle de subsidiarité, mais on peut dire que le Rikståg , le Parlement, a beaucoup plus de pouvoirs dans des domaines où auparavant nous n'en avions pas. Par exemple, il y a eu une commission en la matière. Auparavant, nous n'avions rien à voir avec la politique étrangère. À présent, nous avons notre mot à dire sur le sujet.

Sur la base de ces expériences, nous avons travaillé sur le traité constitutionnel. Ceci ne fonctionne pas suffisamment bien. Souvent, au Parlement, les gens ne se sentaient pas suffisamment actifs, et les citoyens n'avaient pas le sentiment que nous agissions. Nous avons donc décidé d'effectuer un contrôle pour pouvoir activer tout le Parlement suédois et le mettre au travail. Nous avons donc créé un nouvel ordre, nous avons abordé de nombreuses questions, organisé des consultations avec des comités de l'Union européenne, et nous les avons mis en contact avec des commissions parlementaires.

Par exemple, la Commission sur l'Emploi va également travailler avec la Commission de l'Emploi de l'Union européenne, sur les questions sociales, etc., etc.

Ainsi, je peux dire que, s'agissant de ma Commission, nous avons tenté de travailler activement et d'agir dès le début. Car il s'agit de voir très rapidement ce qui se passe et c'est ce que nous faisons au niveau de cette Commission. Nous avons fait venir très rapidement les "livres verts" et "blancs" pour permettre à la Commission d'émettre son avis devant la Chambre, afin de pouvoir avoir une discussion générale. De cette façon, nous détectons très rapidement les zones qui peuvent être très intéressantes à analyser pour nous et sommes présents dès le début de l'analyse. Nous avons également été très actifs dans trois des quatre tentatives qui ont été faites dans ce domaine. Nous avons une longue tradition d'autonomie locale et régionale qui influence nos contacts à différents niveaux.

À présent, sur cette base, nous allons procéder à un nouveau contrôle. En effet, il s'agit de parler avec précision au citoyen, qui doit pouvoir comprendre et analyser, mais aussi à tous les niveaux des organes démocratiques, que ce soit au niveau local et régional, comme au niveau du Parlement. Et ce, pour que l'on puisse voir ce que nous y faisons, et ce que nous faisons également au niveau européen.

Il résulte du traité de Lisbonne que le rôle du gouvernement ne sera plus exactement le même qu'auparavant. Nous espérons donc créer un nouvel ordre qui nous permettra de travailler et d'avancer. À l'automne, nous pourrons effectuer de meilleurs votes qui refléteront un meilleur niveau de démocratie, fonctionnant à la fois pour nos citoyens et pour les autorités locales et régionales.

Il est très important - lorsqu'on travaille sur la question de la subsidiarité - d'oeuvrer à ne pas considérer seulement son propre niveau. Il faut créer un espace pour que tous les autres niveaux soient pris en compte et occuper tout l'espace que nous permet d'occuper la législation.

Je vous remercie.

M. Denis BADRÉ

Merci beaucoup à vous aussi, pour nous avoir détaillé l'exemple de votre pratique suédoise de la subsidiarité et pour l'avoir fait en un temps record. Merci à vous pour votre concision. Je donne tout de suite la parole à Lord Tope, de la Chambre des Lords et du Comité des régions.

Lord TOPE, Membre de la Chambre des Lords et membre du Comité des régions

Je suis ravi d'être ici parmi vous, au Sénat français, et d'y prendre la parole. Ce pour raisons personnelles. J'ai présidé la première conférence sur la subsidiarité, au Bundesrat , à Berlin. Et j'ai accueilli la deuxième, à Londres. Voilà la troisième conférence sur la subsidiarité et je suis ici et je prends la parole.

Je suis tout à fait conscient, ce faisant, que juste devant moi et dans ma ligne de mire, se trouve le Président du Comité des Affaires européennes de la Chambre des Lords, qui devrait être en train de prendre la parole, lui, comme il l'a fait d'ailleurs lors de la conférence de Londres. En effet, il a beaucoup plus de poids que moi et il est beaucoup plus éloquent que moi. J'ai essayé de le pousser à prendre la parole, il a décliné. Et du coup, c'est ma chance.

Pour commencer, je vais vous parler du système au Parlement du Royaume-Uni, comme vous nous avez demandé de le faire. Puis je vous dirai quelques mots sur un domaine que nous n'avons pas vraiment abordé aujourd'hui.

Concernant notre Parlement, tout d'abord. La Chambre des Lords est presque complètement constituée de membres qui n'ont pas été élus, mais nommés, et nommés à vie. Un des effets de ce système est que parmi nous, à savoir dans la Chambre Haute, nous avons un bon nombre d'ex-Commissaires européens, d'ex-Ministres des Affaires étrangères du gouvernement britannique, d'ex-membres du Parlement, d'ex-ambassadeurs, des hauts fonctionnaires, etc. Donc - et c'est un cas unique, je crois - nous avons, à la Chambre des Lords, une très grande quantité et qualité d'expertises en matière européenne. Nous avons évidemment une Commission des Affaires européennes, qui, elle-même, comte sept sous-commissions, qui abordent les différents aspects de ces Affaires européennes. Résultat: tous les documents européens et la législation européenne, passent par ces sous-commissions et par cette Commission. Donc, la Chambre des Lords - et je ne dis pas cela parce que son Président est assis en face de moi - a une forte expérience des Affaires européennes et fait un travail extrêmement poussé, ce qui, peut-être, pourra surprendre certains.

Pour ce qui est de la Chambre des Communes, la Chambre Basse, il y a aussi une Commission qui suit les Affaires européennes. Et il est très intéressant de noter que, cette semaine, ses membres viennent de publier un document intitulé: La subsidiarité, les Parlements nationaux, et le traité de Lisbonne. De plus, ils ont eu l'excellente idée de publier ce texte juste avant ma visite ici. Je ne vais pas entrer dans son détail, je n'en ai pas le temps, mais je vais tout de même vous lire trois des conclusions de ce texte, qui me semblent résumer fort bien l'approche de la subsidiarité et de son contrôle, au Parlement du Royaume-Uni.

Tout d'abord il est dit que "il s'agit de l'examen des propositions de l'Union européenne, pour voir si elles sont conformes au principe de subsidiarité, en tant que partie fondamentale, et qui existe depuis longtemps, au principe de contrôle des Affaires européennes". C'est donc ce que nous faisons à la Commission de la Chambre des Lords. "Une proposition est-t-elle conforme ou non? C'est évidemment une décision politique et cette évaluation n'est pas toujours objective".

Enfin: "Il est très rare que l'ensemble d'une proposition ne soit pas conforme au principe. Ce qui est plus fréquent, c'est qu'une des dispositions ne soit pas conforme...". Nous ne voyons pas pourquoi les choses devraient changer, même si l'augmentation des compétences de l'Union européenne, dans le cadre du traité de Lisbonne, pouvaient donner lieu à d'autres conflits en matière de conformité, si ce traité était finalement ratifié.

Donc vous voyez que nous suivons déjà le principe de subsidiarité de façon très approfondie.

Lorsqu'il y a des préoccupations ou des problèmes qui se posent, ils portent, en général, sur une partie de la proposition, et non pas sur son ensemble. Et à ce moment-là, nous essayons d'exercer une influence sur le gouvernement britannique. Je vous dis tout cela sans le commenter, mais je voudrais tout de même vous parler d'un aspect plus général et plus vaste du principe de subsidiarité.

Je vous ai dit que beaucoup de nos membres avaient une longue expérience européenne, à la Chambre des Lords. Nous avons aussi des représentants des autorités locales. Je suis l'une des dix personnes qui travaillent dans un Conseil régional, sachant qu'à la Chambre des Lords, qui compte 700 personnes, fort peu travaillent à un niveau local. Vous voyez donc là que l'expertise ne saurait être la même que lorsqu'il s'agit d'Affaires européennes.

Que signifie la subsidiarité? Cela signifie que les décisions doivent être prises de façon aussi proche que possible des citoyens. La subsidiarité est une approche du bas vers le haut et non pas le contraire. Au Comité des régions, nous parlons souvent de la nécessité d'avoir de véritables contacts avec le citoyen, de rapprocher l'Europe du citoyen. C'est exactement selon moi ce que devrait signifier la subsidiarité. C'est le but de cette conférence, et c'est d'ailleurs ce qui ressort du débat d'aujourd'hui.

Sont tout à fait à importantes- et je comprends qu'on en ait parlé aujourd'hui - les relations entre les Parlements nationaux et régionaux et l'Union européenne. Mais j'avoue ne pas avoir grand-chose à ajouter. Il me semble que tout le monde a déjà dit ce qu'il y avait à dire à ce propos. Et d'ailleurs, l'heure tourne. J'aimerais dire qu'il faut aussi déterminer les relations pour les Affaires européennes - mais pas seulement - entre les citoyens et les représentants du gouvernement au niveau local, au niveau régional et au niveau du Parlement. Il faut aussi traiter de la subsidiarité à ce niveau-là, sans quoi nous resterons peu nombreux, des initiés, qui discuteront entre eux d'Affaires européennes, quand les citoyens resteront quasi ignorants et profondément indifférents.

Le message que je voudrais faire passer est quelque peu différent du message des autres, car je parle au nom d'un État qui est parmi les plus centralisés, sinon le plus centralisé. Mon message est qu'il faut aller au-delà de ce qui se fait déjà au Parlement, pour arriver à avoir des contacts au niveau local, avec nos citoyens, pour leur faire mieux comprendre les Affaires européennes.

J'espère avoir abordé les choses sous un angle un petit peu différent de celui de mes prédécesseurs.

Merci.

M. Denis BADRÉ

Merci de nous avoir rappelé que nous aurons gagné lorsque tous les européens seront des "initiés". Je donne immédiatement la parole à Monsieur Gottardo.

M. Isidoro GOTTARDO , Membre de la Chambre des Députés de la République italienne, Membre du Comité des régions

Merci à tous d'avoir organisé cette réunion. Je remercie en particulier le Président Van Den Brande, qui est mon Président, puisque je suis membre du Comité des régions. Mais maintenant, c'est au nom de la Chambre des Députés italiens que je prends la parole. La Chambre des Députés italiens apprécie cette initiative et je profite de l'occasion pour remercier le Sénat Français d'avoir organisé cette conférence.

Le Parlement italien a une forte tradition pro-européenne. Le traité a été ratifié à l'unanimité à la Chambre des Députés et au Sénat, et ce, suite à un long débat. Donc cette unanimité n'était pas le fait du hasard. Nous avons mesuré toutes les contradictions de cette Europe, qui semble bien distante aux citoyens. Enfin, nous avons pris cette décision en connaissance de cause, en pensant que c'est bel et bien le traité qui permettrait de rapprocher l'Union européenne du citoyen. Je tenais à le souligner pour vous expliquer la situation de notre pays. Pour nous il ne s'agit pas de savoir si le traité va entrer en vigueur. Mais quand. Pour nous, il est évident qu'il entrera en vigueur, même si nous sommes parfaitement conscients - et je le souligne en passant - que nous devons être extrêmement déterminés, car ce problème ne fait que s'aggraver, pour l'Europe: si le traité entre en vigueur trop tard, nous risquons d'éloigner une fois de plus l'Europe des citoyens. Le traité est là pour accomplir ce qui n'avait pas été fait dans le cadre du traité de Nice. Nous sommes donc convaincus de son utilité dans l'Europe d'aujourd'hui. Il faut donner des perspectives de certitude et de sécurité aux citoyens, face à la mondialisation. La récente crise financière montre bien qu'une réponse rapide et efficace à l'échelle mondiale, n'est possible que si l'action est commune au niveau européen. Nous avons bien compris, à ce moment-là, ce qu'était la subsidiarité.

Il ne s'agit plus maintenant d'une perception de haut vers le bas, mais d'une subsidiarité qui s'impose au moment de crises.

Nous nous sommes aperçus que l'Europe avait des responsabilités qu'on ne lui connaissait pas. Il faut donc utiliser tous les principes et les instruments de l'Union européenne existants, garantis par le traité de Lisbonne. La subsidiarité est absolument fondamentale en l'espèce, si l'on veut aller au-delà de ce paradoxe qui suscite les critiques de l'opinion publique. Certains pensent qu'il n'y a pas suffisamment d'Europe là où il en faudrait plus, et trop là où le niveau local serait plus adapté. Ce n'est pas par hasard que le traité a prévu des prérogatives différentes, les unes dévolues aux Comité des régions, de manière indirecte, et les autres aux Parlements nationaux. Ils ont maintenant des pouvoirs de contrôle de la subsidiarité.

Par ce biais, nous avons voulu créer un nouvel équilibre institutionnel et rapprocher les gouvernements des citoyens. C'est donc dans la logique même du traité que de mettre en place une véritable coopération, pour mieux contrôler le principe de subsidiarité entre les Parlements nationaux et le Comités des régions.

Pour structurer cette coopération, nous devrions, à mon avis, nous inspirer de certains éléments importants et poursuivre la réflexion des Parlements nationaux et du Parlement européen, fondée sur le respect de l'autonomie et de la parité de tous les Parlements. C'est-à-dire en évitant d'avoir recours à des méthodes de coopération directe et en privilégiant l'exercice collectif, et non pas en laissant chacune des Assemblées exercer ses propres prérogatives.

L'importance des instruments pour échanger à temps les informations et les estimations sur la subsidiarité, comme le système IPEX, par exemple, s'impose. Il faut avoir d'autres forums d'échanges de vues concernant les bonnes pratiques et le contrôle de subsidiarité, comme la COSAC, plutôt que de procéder à une estimation commune de ce qui se fait autour de tel ou tel acte. Il faut être conscient que les Parlements nationaux, et aussi le Comité des régions et les Assemblées régionales, ne doivent pas être de simples gardiens des compétences. Il faut interpréter les mécanismes du traité, mais certainement pas à des fins de blocage de l'action européenne ou à son ralentissement. Non seulement le contrôle de la subsidiarité doit être compris pour limiter d'éventuels abus, mais, le cas échéant, il doit être conçu comme une possibilité d'étendre les capacités d'interventions européennes. Je souligne enfin ce dernier aspect des choses: la subsidiarité ne peut pas monopoliser l'attention et les ressources de nos institutions, qui devraient privilégier l'intervention des choix politiques et réglementaires de l'Union européenne, sur le fond. La subsidiarité ne doit pas être seulement revendiquée. Il faut y croire. Il faut que chacun la construise par son action quotidienne, et dans tous les cas.

Ce matin, le Président Formigoni nous a présenté un scénario très complet et très complexe de la subsidiarité et de ce qu'elle signifie. Il peut le mettre en oeuvre, car il vient d'une région qui a su construire cette subsidiarité depuis longtemps, en termes institutionnels mais aussi en termes sociaux, qui privilégient la liberté et la compétitivité, qui met la personne au centre de l'action et la famille au côté des institutions. Tout ceci, avec des instruments de répartition des responsabilités qui fonctionnent convenablement. Conformément à cette approche, la Chambre des Députés italienne a l'intention de définir les instruments appropriés de coopération avec le Comité des régions, afin de renforcer l'exercice de leurs compétences respectives.

Je vous rappellerai qu'au cours de la ratification du traité de Lisbonne par le Parlement, la Chambre a déjà manifesté le fait qu'elle était favorable à ce que l'on consulte régulièrement et rapidement les Assemblées régionales italiennes. C'est d'ailleurs ce qui est prévu par l'article 6 du protocole.

En conclusion, je dirais qu'il est important - sans arriver aujourd'hui à des conclusions dans ce domaine - que tous les sujets impliqués se lancent dans une réflexion approfondie. Il faut voir auprès de quels forums cette réflexion devra être poursuivie. Mais cet appel n'est pas que le mien. C'est aussi celui de la Chambre des Députés italienne. Il faut agir afin que le traité de Lisbonne entre en vigueur sans retard supplémentaire. C'est la réponse qu'attend l'Europe, si elle veut récupérer la confiance de ses propres citoyens.

Merci.

M. Denis BADRÉ

Merci, Monsieur Gottardo. Il était bon que l'on termine sur ce rappel de l'urgence à ce que le traité de Lisbonne puisse être ratifié. Je sais qu'il y a des demandes de parole et je me demande si on ne va pas la satisfaire après la deuxième phase de la soirée. Si ça ne vous ennuie pas, on va regrouper l'ensemble des questions après la deuxième partie qui porte sur le contrôle juridictionnel de la subsidiarité. Ensuite parole sera donnée à ceux qui en ont manifesté le souhait. Je remercie Monsieur Glowski, Madame Neuwirth, Madame Lundgren, Lord Tope et Monsieur Gottardo pour leurs contributions à nos débats.

Je demande à Messieurs Lenaerts, Mildon et Merloni de me rejoindre à la tribune.

Pendant tous nos travaux, nous avons senti planer le besoin et la nécessité d'avoir des bases juridiques claires de façon à savoir qui contrôlera quoi et comment.

Je donne la parole à Monsieur Lenaerts, juge à la Cour de Justice de la Communauté européenne.

DEUXIÈME PARTIE :

LE CONTRÔLE JURIDICTIONNEL DE LA SUBSIDIARITÉ :
LES MOYENS JURIDIQUES PERTINENTS
POUR ASSURER LE CONTRÔLE DE CE PRINCIPE,
DANS LES DIFFÉRENTS SYSTÈMES DE DROIT

M. Koen LENAERTS, Juge à la Cour de justice des Communautés européennes

Merci, Monsieur le Président. Permettez-moi quand même, malgré les contraintes de temps de vous remercier m'avoir invité à ce colloque, coorganisé par le Comité des régions et le Sénat français, auquel c'est un plaisir et un honneur pour moi de pouvoir participer.

De plus, je crois pouvoir ajouter une dimension au débat que vous avez déjà eu tout au long de cette journée, en me demandant quelle est la sanction judiciaire du principe de subsidiarité, en particulier en vue de la défense des autorités infra-étatiques des États membres, et plus particulièrement encore des régions à pouvoirs législatifs.

Je serai schématique pour être bref, et évidemment tout à fait disposé à répondre ensuite à des questions, si l'occasion se présentait.

Les régions ou les autorités locales ne sont pas des requérants privilégiés devant la Cour de justice des Communautés européennes. Cela veut dire qu'à la différence des États membres, ces régions n'y ont pas un simple accès, pour demander à la Cour l'annulation de tout acte qu'elles croiraient être contraire au principe de subsidiarité, à savoir celui qui nous intéresse le plus, dans son détail. Au risque de vous froisser un peu, les régions, sont techniquement parlant, assimilables à des personnes physiques ou morales. Elles n'ont accès à la Cour, en l'occurrence au Tribunal de première instance et, en degré de pourvoi à la Cour, que dans le cas rare où un acte communautaire leur est directement adressé. Autrement dit, soit dans le cas où l'acte est adressé à un État membre, ce qui est plus fréquent, soit lorsqu'il s'agit d'un acte de portée générale qui n'est adressé à personne, mais qui entre en vigueur de par sa publication. Dans ces cas-là, les régions doivent démontrer qu'elles sont individuellement et directement concernées, comme le seraient des personnes physiques ou morales. Actuellement, il n'y a que deux domaines dans lesquels cette démonstration réussit assez bien aux régions. Il s'agit du domaine des aides d'État, lorsque la Commission prend une décision interdisant une aide d'État, au motif qu'elle serait incompatible avec le marché commun, et que c'est la région ou l'autorité infra-étatique qui octroie cette aide. Dans ce cas, cette autorité est directement et individuellement concernée dans la façon dont elle exerce ses compétences propres.

C'est également le cas - et le cas récent du Land Überösterreich l'a démontré - lorsqu'elle exerce ses compétences propres, en matière environnementale, par exemple et demande une dérogation à une directive d'harmonisation du marché intérieur, sur la base du fameux article 95 du traité CE.

Donc, conformément à une procédure prévue dans le traité, lorsqu'une région, au titre de ses compétences propres, veut déroger à une telle directive d'harmonisation, elle doit, par le biais de son État membre, demander à la Commission de pouvoir y déroger. Si la Commission refuse et fait grief à cette région, elle est directement et individuellement concernée. Mais, au risque de vous décevoir, ce sont les seuls cas de figure où elles ont un accès "pratique" pour défendre leurs propres prérogatives, et à travers celles-ci, la défense, en leur faveur, du principe de subsidiarité.

Il y a donc une véritable lacune, convenons-en, car il y a une multitude d'actes de portée générale - comme toutes les directives, dans n'importe quel domaine législatif, pour lesquelles l'Union européenne a compétence - où ce sont les régions, qui, par leurs pouvoirs législatifs transposent ces directives dans l'ordre juridique interne, au niveau des ordres juridiques constitutionnels des États membres. Quand bien même une région aurait manifestement l'impression qu'on a passé outre le principe de subsidiarité, elle ne pourrait pas saisir, en tant que telle, la Cour de justice.

Que faire pour combler cette lacune, apparente à tout le moins, de protection juridictionnelle des régions, en vue de la sanction judicaire du principe de subsidiarité? Nous disposons pour cela de trois voies. Premièrement, la région peut frapper à la porte de son État membre, car un État membre peut faire un recours, tout en étant représenté par une région. À ce moment-là, l'État membre étant requérant privilégié, la région jouit du même statut, de facto . Mais cela dépend du bon vouloir de l'État membre dont dépend la région. Deuxièmement, comme vous le savez, depuis le traité de Lisbonne, l'État membre peut notifier à la Cour un recours en annulation du Parlement national, si le Parlement national est convaincu que le principe de subsidiarité a été violé. Il est parfaitement légitime pour un ordre juridique d'un État membre, de convenir, en interne, que ce que le Parlement national fait, le Parlement régional peut le faire. Cela dépend donc d'une espèce d'accord constitutionnel au niveau de l'ordre juridique interne de l'État membre en cause.

Troisièmement - et cela nous amène directement à notre "co-hôte" institutionnel d'aujourd'hui, à savoir le Comité des régions - dans le droit actuel, tout le monde le sait, ce Comité n'a pas accès à la Cour de justice. Toutefois, comme le dernier orateur a appelé de ses voeux la ratification rapide du traité de Lisbonne - et je m'y associe très volontiers -lorsque tel sera le cas, le Comité des régions aura accès direct à la Cour de justice, et cela, dans deux cas de figures.

Premièrement, lorsqu'il lui faudra défendre le respect de ses prérogatives propres, consistant à être consulté, chaque fois que le traité le prévoit comme composant du processus législatif de l'Union. Le traité le prévoit chaque fois que le processus législatif de l'Union donne droit, en regard du principe de subsidiarité entre autres, aux entités infra-étatiques des États membres. Deuxièmement, et ça nous amène au coeur de notre sujet, le Comité des régions - quand bien même il aurait été très correctement consulté et aurait donné son avis - peut néanmoins introduire un recours en annulation contre un acte législatif de l'Union, chaque fois qu'il est convaincu que cet acte viole le principe de subsidiarité, pourvu que la matière sur laquelle porte cet acte législatif de l'Union soit une matière au sujet de laquelle le Comité doit être consulté, dans le cadre du processus législatif. Ici se pose la question de la valeur juridique du Comité des régions. À mon sens, cette valeur est grande.

D'abord une analogie est à faire avec la jurisprudence actuelle, concernant les bases juridiques du traité, selon laquelle le Parlement actuel n'a pas droit à la codécision dans le processus législatif dit "extraordinaire" - et heureusement ces bases juridiques ne sont plus très nombreuses, mais il y en a encore - mais a droit à la simple consultation. Dans ce domaine, la Cour de justice a été régulièrement appelée à préciser le contenu de ce droit à être consultée et la Cour a dit, premièrement, que: "La consultation est une forme substantielle dont le non respect conduit à l'annulation, l'invalidité et l'illégalité de l'acte". Deuxièmement, lorsque le Parlement a été consulté en début du processus de décision, mais qu'au cours de la procédure au sein du Conseil - et entre autres à l'instigation de la Commission, le contenu de la proposition initiale change de manière à ce point importante que la première consultation porte en réalité sur un texte devenu obsolète à la fin du processus, tout juste avant son adoption - l'obligation de consultation comporte celle de reconsultation. À défaut de quoi, de nouveau, une forme substantielle est violée, ce qui conduit à l'annulabilité de l'acte.

Troisièmement, il n'y a pas encore de jurisprudence sur le point de savoir si le Conseil doit, toujours par rapport au Parlement européen, motiver le non suivi du contenu de l'avis. Ce n'est pas que la Cour ait dit que le Conseil ne doive pas le motiver, mais la question n'a pas encore été tranchée. Elle est encore ouverte.

Mais, par analogie avec une autre procédure connue du droit communautaire, à savoir la comitologie - et je vous en épargne les détails, sinon je transgresserais certainement le temps de parole - la procédure d'avis selon laquelle un Comité, composé de représentants des États membres lors de l'exécution du droit communautaire par la Commission délivre un avis à celle-ci, dès lors qu'elle s'en écarte, il est expressément prévu qu'elle doive en indiquer les raisons. Pour le Comité des régions la question se pose de savoir si l'analogie est plutôt à faire avec cette procédure de comitologie, qui consiste en l'obligation pour le processus législatif d'expliquer pourquoi l'on s'écarte de l'avis, ou est à faire avec les avis du Parlement européen, où la question n'est pas clarifiée.

Ma conclusion est la suivante. Au vu du fait que le Comité des régions peut introduire un recours en annulation contre l'acte législatif, si cet acte s'écarte de l'avis du Comité des régions, celui-ci pourra être conduit à faire un recours en annulation contre l'acte, d'autant que l'avis aura mis en cause un non-respect, par l'acte adopté, du principe de subsidiarité.

En cela, et c'est ma dernière phrase, je me retrouve entièrement dans le texte du 16 septembre 2008 qui m'a été communiqué, émanant du Secrétaire général: "Subsidiarity monitoring in the Comity of régions. Political process." . J'ai ici le texte en anglais, où je lis effectivement, à la page 6:"Du point de vue politique, une action devant la Cour de justice, concernant la subsidiarité serait plus légitime si le Comité des régions avait déjà parlé de la subsidiarité et des problèmes qu'elle pose, dans un avis sur le sujet". Le noeud de l'effectivité de l'apport du Comité des régions au processus législatif, ou sa consultation, se trouve ici. Le Comité doit prendre position dans tous ses avis sur le principe de subsidiarité. Si le Conseil et le Parlement en codécision n'en tiennent pas compte et n'indiquent pas les raisons pour lesquelles ils n'en tiennent pas compte, cela constitue, en principe, la base sur laquelle un recours en annulation peut être formé. La conséquence en est que le Conseil et le Parlement vont, à mon sens, motiver leurs actes par rapport à l'avis du Comité des régions. Je vous remercie, Monsieur le Président.

M. Denis BADRÉ

La salle vous applaudit et vous remercie avec moi pour le caractère substantiel et synthétique de cet exposé difficile, qui nous a apporté des précisions tout à fait utiles, de manière très claire. Je donne la parole à Monsieur Mildon, Président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe.

M. Yavuz MILDON, Président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe

Merci beaucoup, Monsieur le Président et Messieurs les Sénateurs.

Tout d'abord, c'est moi qui vous remercie, car il y a un vote important au Sénat et vous restez avec nous, malgré cela.

Mesdames et Messieurs, la reconnaissance de l'importance de la démocratie dans les territoires, en tant que socle dans toute société démocratique, a conduit à la création de la Conférence européenne des pouvoirs locaux en 1957, puis à la création du Congrès et à l'adoption, en 1985, de la Charte européenne de l'autonomie locale.

Cette magna carta des collectivités est le premier traité international dans ce domaine. Il en est devenu la pierre angulaire de la démocratie locale. La Charte qui contient nos réflexions et nos délibérations sur la conception de la démocratie qui fermentaient depuis des décennies regroupe en un texte unique ce qui a amorcé une nouvelle phase de l'évolution démocratique de notre continent.

La Charte affirme que la gestion d'une grande partie des affaires publiques par la participation des populations, constitue un élément clé de tout système démocratique, en particulier lorsqu'elle a lieu au niveau local, à travers des organes élus directement par les citoyens. Le principe de subsidiarité guide donc l'action de notre Congrès qui vise à renforcer la démocratie locale au fil des ans. Le Congrès du Conseil de l'Europe est le seul organe européen chargé de veiller à la mise en oeuvre de la charte de l'autonomie locale.

Comme vous le savez, le Conseil de l'Europe est composé de 47 pays, dont 27 sont membres de l'Union européenne. Le système mis en place par le Conseil de l'Europe comprend aujourd'hui une gamme d'outils, qui va du monitoring traditionnel - incluant les rapports des recommandations pays par pays sur l'État de la démocratie et l'observation des élections locales et régionales - aux missions d'enquêtes, dans les cas ponctuels de violations possibles de la Charte.

Notre groupe d'experts indépendants sur la Charte se concentre précisément sur les aspects juridiques de son application et le Président de ce groupe, Monsieur Merloni, qui va intervenir après moi, va vous en parler en détail.

La multitude de gouvernances à tous les niveaux, constitue à nos yeux la base du concept de multi-gouvernances qui est activement promu et défendu aujourd'hui par le Comité des régions de l'Union Européenne, notamment par son Président et ami du Congrès, Monsieur Luc Van den Brande. Par son action, le Congrès défend le même concept de multi-gouvernances, qui découle de la subsidiarité, tout en le complétant.

C'est dans cet esprit que le Congrès a élaboré également un traité similaire, par rapport à la gouvernance régionale, à savoir le projet de Charte européenne de la démocratie régionale, présenté lors de la session plénière du Congrès, en mai de cette année. Elle porte non pas sur la situation de l'autonomie, mais, je veux le souligner, sur la situation de la démocratie régionale. Outre le fait qu'il s'agit du premier texte énonçant la doctrine de la démocratie régionale, la Charte réaffirme le respect de la souveraineté nationale et de l'intégrité territoriale, comme étant l'un de ses principes essentiels et propose divers modèles d'autonomie régionale.

En conclusion, je tiens à réaffirmer que la subsidiarité et la multi-gouvernance, sur lesquelles repose la démocratie territoriale, sont les conditions sine qua non de la pleine réalisation des droits de nos collectivités.

Je vous remercie de votre attention.

M. Denis BADRÉ

Il était important que vous rappeliez, en allant à l'essentiel, en quoi la Charte de l'autonomie locale du Conseil de l'Europe sert la subsidiarité.

Je donne la parole à Monsieur le Président Merloni, Président du groupe d'experts indépendants sur la Charte dont Monsieur Mildon vient de nous parler, au Conseil de l'Europe.

M. Francesco MERLONI, Président du groupe d'experts indépendant sur la Charte de l'autonomie locale du Conseil de l'Europe

La protection juridique de la subsidiarité en Europe

1. Les deux «subsidiarités»

Dans l'expérience juridique européenne le principe de subsidiarité a acquis au moins deux significations importantes:

a) La subsidiarité come critère d'action ("la subsidiarité UE")

Dans les Traités de l'Union Européenne le principe de subsidiarité (et de proportionnalité) c'est un critère sur l'exercice des compétences de l'Union dans les domaines divers des compétences exclusives. Le principe autorise l'Union européenne, aux conditions prévues par les Traités, d'exercer certaines activités de compétence ordinaire des États membres, utiles pour les objectifs de l'Union, sans modifier d'une manière stable la répartition des compétences.

b) La subsidiarité come critère de répartition des compétences

Dans beaucoup de pays européens le principe est adopté afin de réglementer les processus de répartition des compétences entre niveaux d'administration. Il peur s'agir d'un critère imposé par la Constitution ou par la loi, qui engage les lois successives qui attribuent compétences administratives (et ressources financières) aux divers sujet publics, en partant du bas, du niveau d'administration plus proche du citoyen.

En termes plus généraux le principe de subsidiarité s'inscrit dans un mouvement visé a simplifier l'administration pour rendre son action plus efficace et plus soumise au contrôle des citoyens, même si la plus large décentralisation des compétences qui en résulte peut rendre plus complexe l'application des politiques publiques.

Du point de vue d'expérience communautaire le thème qui s'impose est celui de la "gouvernance": la mise en place des instruments de pleine et loyale coopération entre niveaux d'administration.

Mais il n'y a pas de coopération sans une claire répartition des compétences administratives.

Le principe de subsidiarité come instrument fort de clarification dans la répartition des compétences en renforçant le processus de consolidation de la démocratie (en valorisant les autonomies locales).

2. La subsidiarité UE

La «subsidiarité UE» est un instrument de garantie de la plénitude des compétences des États membres (et des collectivités territoriales internes aux États) et de protection contre toute action excessive de l'Union, dans les matières de compétence concurrente de l'Union: «Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la Communauté n'intervient, conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire» (art. 3B des Traités).

En vertu de la réserve aux États de l'organisation administrative interne, la subsidiarité UE ne peut pas devenir un principe applicable à l'intérieur des États membres. Elle s'applique seulement entre niveau national (d'Etat membre, qui comprend tout les niveaux internes d'administration) et niveau communautaire.

La protection juridictionnelle de ce principe est confiée à la Cour de Justice de l'Union Européenne sur recours des États, des institutions (y compris, importante nouveauté insérée dans le traité de Lisbonne, le Comité des régions). Les collectivités territoriales internes aux États n'ont pas ce droit de recours.

3. La subsidiarité come principe sur la répartition des compétences

Le principe de subsidiarité sur la répartition des compétences (subsidiarité «verticale»), introduit dans l'ordonnancement de chaque pays européens, impose aux sujets titulaires des pouvoir des répartition des compétences de procéder à cette répartition en évaluant la meilleure distribution et en partant du niveau plus bas (plus proche aux citoyens) vers le haut.

Il s'agit d'un critère différent de la simple réserve de loi (ordinaire, constitutionnelle ou renforcée) pour exercer les pouvoirs de répartir les compétences.

Il s'agit, encore, d'un critère différent des garanties de participation reconnues aux collectivités territoriales (et à leur associations) dans les processus (législatif) de décision.

Il s'agit d'un critère positif: on impose une procédure d'action sur le plan juridique et logique: le compétences d'intérêt local doivent rester à niveau local. Seules les compétences concernant intérêts unitaires de plus haut niveau peuvent être attribuées aux autorités supérieures.

4. La diffusion du principe de subsidiarité (comme critère de répartition des compétences) dans les États membres de l'Union

Le principe peut être adopté:

a) par une loi constitutionnelle (c'est, assez récemment, le cas de l'Italie: voir l'art. 118 Cost, comme modifiée par la loi constitutionnelle n. 3 de l'an 2001; c'est aussi le cas de la France: voir la modification de la Constitution du 2003) ou par une loi renforcée (en Espagne, les Statuts des Comunidades autónomas ont le rang de loi supérieure à la loi ordinaire: voir le récent Statut de la Catalogne, qui adopte le principe de subsidiarité à l'art. 84,3)

b) par une loi ordinaire: nationale (en Italie la loi n. 59 du 1997, adoptée avant le réforme constitutionnelle du 2001) ou régionale (dans le sens plus large, qui comprends toutes les institutions de niveau intermédiaire entre Etat et collectivités locales, comme les Länder allemands).

Dans le premier cas le principe peut avoir un effet contraignant sur le législateur ordinaire.

Dans le deuxième l'effet contraignant est douteux quant-aux lois ordinaires nationales successives, plus probable sur la législation régionale.

Le principe peut être adopté:

- de manière explicite (en l'appelant «subsidiarité»: Italie et Espagne);

- de manière implicite (en imposant l'attribution des compétences en partant du bas vers le haut, comme en France ou en Allemagne).

5. Les garanties juridictionnelles du principe de subsidiarité

Plusieurs difficultés s'opposent à la reconnaissance de droits de recours juridictionnels pour la tutelle du principe de subsidiarité:

A) la tradition, qui préfère configurer les garanties des collectivités locales relativement à l'attribution de compétences comme garanties de caractère «politique»;

B) la relative indétermination du contenu du principe: quand une compétence relève clairement, par rapport à son contenu objectif, d'un niveau d'administration? Reste toujours plus facile vérifier le respect des règles procédurales. La subsidiarité comme droit plutôt négatif.

C) la résistance à représenter un véritable «droit» à l'autonomie locale (et aux compétences nécessaires). La répartition des compétences est l'effet d'une évaluation d'un intérêt général, du système administratif, plutôt que d'une reconnaissance de droit (à l'attribution). Difficulté à reconnaître la subsidiarité comme droit positif.

Les systèmes juridiques des différents pays de l'Europe prévoient différents droits de recours:

a) d'un coté on a des recours directs des collectivités locales aux Tribunaux constitutionnels (pour l'annulation des dispositions des lois sur la répartition des compétences (Bulgarie, Espagne, Autriche, Allemagne; en Italie seulement les Régions ont un droit de recours direct contre la loi de l'Etat);

b) de l'autre coté on a des recours indirects aux tribunaux ordinaires (civils ou administratifs) pour soulever la question de constitutionnalité de lois, nationales ou régionales (plusieurs pays, Italie et Espagne)

C'est encore hors question, partout, le droit de recours direct aux tribunaux ordinaires pour la non application, dans le cas concret, d'une loi adopté en violation du principe de subsidiarité. Il s'agit d'un pouvoir prévu dans le système juridique de l'Union européenne, reconnu aux juges en cas de contraste entre une loi nationale et une disposition communautaire. Mais qui ne s'applique pas aux cas de contraste, interne, entre attribution de compétences par la loi ordinaire et le principe de subsidiarité.

6. Divergences des expériences et nécessité d'une application large et homogène du principe

Les expériences des divers pays sont encore très hétérogènes et initiales, ce qui empêche l'application diffuse et large du principe à l'intérieur de chaque pays de l'Union européenne.

La "subsidiarité UE" peut aider, dans le sens que l'UE donne le bon exemple, en appliquant de manière rigoureuse le principe pour ce qui concerne les relations UE-États membres, mais reste toujours dans la limite du respect plein de la souveraineté des États membres, il ne pénètre pas à l'intérieur de chaque pays membre.

Plus utile un instrument international, visé à promouvoir la progressive adoption du principe par les États. A ce propos très utile et intéressante s'avère l'expérience de la Charte européenne de l'autonomie locale du Conseil de l'Europe.

7. La Charte européenne de l'autonomie locale

La Charte est une véritable convention internationale contraignante, signée et ratifiée par la large majorité des pays membre du Conseil de l'Europe (42 sur 46). Chaque Etat s'engage à respecter les dispositions de la Charte.

Il ne s'agit pas d'un simple protocole annexé à la Charte européenne des droits de l'homme (on aurait pu étendre la notion de droit fondamental: la démocratie locale comme droit fondamental du citoyen).

Il ne s'agit pas d'une simple résolution ou déclaration.

Il ne s'agit pas d'un simple standard international adopté pour promouvoir l'autonomie locale.

La Charte a une valeur juridique assurée, qui est la valeur des traités internationaux fondé sur des engagements mutuels entre États.

C'est une valeur moins contraignante par rapport aux Traités sur l'Union Européenne (qui ont donné lieu à un véritable système supranational qui souvent s'applique directement dans chaque Etat membre, sans nécessité d'accueillir formellement les dispositions communautaires dans le droit interne). Ce sont les États qui ont accepté ces conséquences en signant les Traités européens.

La Charte n'est pas accompagné par la création d'une Court internationale, composée par des juges indépendants par rapport aux pays signataires (comme dans le cas des droits de l'homme) et dotée de pouvoirs directs, comme le pouvoir de faire prévaloir le droit international sur le droit interne, ou de sanctionner directement les États.

L'application de la Charte est pourtant largement remise aux États mêmes, qui s'engagent à (et pourtant ont l'obligation de droit international de) réviser, le cas échéant, leur discipline juridique (constitutionnelle où législative) interne pour l'adapter aux principes de la Charte.

Néanmoins la Charte ne reste pas un document sans suivi. Comme on verra dans la suite, le Conseil de l'Europe organise un large système de contrôle sur l'application de la Charte par les pays signataires.

8. La Charte européenne de l'autonomie locale et la protection du principe de subsidiarité

La Charte adopte (sans l'appeler explicitement) le principe come principe général: «l'exercice des responsabilités publique, doit, de façon générale, incomber, de préférence, aux autorités les plus proches des citoyens. L'attribution d'une responsabilité à une autre autorité doit tenir compte de l'ampleur et de la nature de la tache et des exigences d'efficacité et d'économie» (art. 4, paragraphe 3).

La Charte engage les États à reconnaître «un droit de recours juridictionnel afin d'assurer le libre exercice de leurs compétences et le respect des principes d'autonomie locale qui sont consacré dans la Constitution ou la législation interne» (art.11).

De cette manière la Charte cherche, par voie indirecte (l'engagement à introduire le principe et à reconnaître un droit de recours), à imposer le respecte des principes d'autonomie, parmi lesquels, central, le principe de subsidiarité.

Les engagements des pays qui signent et ratifient la Charte sont soumis à un contrôle de caractère plutôt politique. C'est surtout à travers des rapports de monitoring du Congrès (les plus importantes sont les rapports élaborés à la suite des visites, pays par pays) que le Conseil de l'Europe vérifie le degré de respect des dispositions de la Charte dans le système juridique de chaque pays.

Les rapports se traduisent en recommandations et résolutions, d'abord du Congrès et ensuite de l'organe qui exprime la volonté du Conseil de l'Europe, le Comité des Ministres. Un jugement négatif sur la situation du pays mis sous contrôle peut faciliter le processus d'application des principes de la Charte, en donnant une forte voix aux collectivités locales et régionales (et à ses associations représentatives) auprès de l'opinion publique du pays concerné.

Cette situation est en train d'une évolution positive, dans le sens du renforcement du contrôle du Conseil de l'Europe.

D'un coté on cherche à rendre les rapports de monitoring techniquement plus solides. De là la constitution du Groupe d'experts indépendants du Congrès, que j'ai l'honneur de présider. De cette manière les rapports de monitoring son de plus en plus fondé sur une évaluation de caractère juridique. Cela ne transforme pas le contrôle du Congrès dans la création d'une instante juridictionnelle (comme la Cour européenne des droits de l'homme), mais augmente le poids du Conseil de l'Europe dans la mise en place des principes de l'autonomie locale.

De l'autre coté, plus récemment, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe a élaboré et proposé au Comité des Ministres un protocole additionnel , visant à mettre à jour certaines dispositions de la Charte pour les rendre plus efficaces.

Sur le point qui nous intéresse, la protection juridique de la subsidiarité, le projet de protocole additionnel reconnait directement un droit des collectivités locales «à un recours juridictionnel afin d'assurer le respect des dispositions relatives à l'autonomie locales figurant dans la Charte et dans le présent Protocole" (Art. 14). Si le protocole est adopté et transposé dans les ordonnancements des pays signataires et ratifiant, la Charte (et son principe de subsidiarité) deviendra droit directement applicable dans les pays de l'Europe. Il s'agit d'une promotion plus directe et efficace du principe.

9. La transposition de la Charte et les instruments de contrôle sur son application dans les pays de l'Europe

La Charte reste une convention internationale engageant les États qui la signent et la ratifient

On est en train de lancer, dans les mois qui viennent, une large discussion sur la possibilité de la transposer d'une manière plus forte dans les ordonnancements des pays qui la signent et la ratifient.

La Charte pourrait devenir une directe source de droit, directement applicable par les législateurs, les administrations publiques, les tribunaux. Quelque chose de pareil à la valeur juridique des sources du droit de l'Union européenne.

10. L'adhésion de l'Union européenne à la Charte européenne de l'autonomie locale

Le Congrès a récemment proposé au Comité des ministres du Conseil de l'Europe un Protocole d'amendement visant à permettre l'adhésion directe de l'Union européenne, en tant que personne juridique autonome de droit international, à la Charte.

Si approuvé, signé et ratifié par les pays du Conseil de l'Europe un tel protocole signalerait l'ouverture de la Charte, en tant que convention internationale, à la signature d'un sujet de droit international comme l'Union.

Je connais les difficultés juridiques qui semblent s'opposer à une adhésion de l'Union à la Charte, parmi lesquelles la nécessité (ici rappelée par le juge Lenaerts) d'une préalable et explicite autorisation dans les Traités de l'Union (comme dans le cas de l'adhésion à la Charte européenne des droits de l'homme). Mais il faut considérer cette situation comme en train de rapide évolution, dans la mesure où l'Union va acquérir une propre personnalité de droit international et où elle pourra prendre de façon autonome décisions de ce genre.

La valeur d'une telle adhésion serait de très grande importance, tant sur le plan politique, comme adoption des principes de l'autonomie locale comme principes fondant de l'Union, que sur le plan juridique, comme directe engagement de l'Union à respecter les principes d'autonomie (dont le principe de subsidiarité se pose en première ligne) de la Charte dans son propre ordonnancement juridique.

M. Denis BADRÉ

Merci Monsieur Merloni. Je pense que la salle a bien entendu votre appel à faire travailler en synergie le Comité des régions et le Congrès. Il n'y a plus qu'à le faire. Nous arrivons au terme de cette série d'interventions, impressionnante par leur nombre et par leur qualité.

Merci à tous.

ÉCHANGES DE VUES

M. Denis BADRÉ

Je donne donc la parole au Président Ranzetti.

M. RANZETTI

Merci Monsieur le Président.

Chers collègues, notre présence ici au Sénat français montre à quel point il est important pour nous de voir dans le Comité un partenaire fondamental, dans les relations institutionnelles européennes. Je veux être bref et ne reprendrai donc pas tous les éléments nouveaux du traité de Lisbonne. Le principe de subsidiarité d'ailleurs été très largement illustré ici. C'est, à mon avis, une étape fondamentale du processus de décisions européennes, à laquelle les régions à pouvoirs législatifs sont appelées à participer.

Ce que j'aimerais souligner, c'est que si l'on veut respecter ce principe, il faut que les États soient bien organisés et capables de passer des accords avec les organes régionaux, surtout lorsqu'il s'agit de mettre le droit communautaire en oeuvre, alors que très souvent, les rapports sont peu cohérents entre l'État et les régions, ce qui provoque des risques de conflits. C'est ce qui a été rappelé tout à l'heure.

Il ressort de ce cadre qu'il faut faire un effort ensemble - gouvernements, Parlements, législatifs, exécutifs, au plan régional comme au plan national - et non pas les uns contre les autres, je le souligne. Et ce, pas seulement dans la phase ascendante, mais également lorsqu'il s'agit d'appliquer le droit communautaire.

Pour l'instant, en Italie, les instruments politiques institutionnels de monitorage et de contrôle de la subsidiarité sont multiples. Je vous renvoie à mon intervention écrite, ou au procès-verbal, pour gagner du temps.

En conclusion, je crois devoir souligner que le chemin le plus aisé, le plus prometteur, est bien entendu une collaboration plus étroite avec le Comité des régions, ainsi qu'un renforcement des relations interparlementaires, afin de ne pas être écrasés par le pouvoir exercer par les exécutifs. Par ailleurs, Monsieur le Président, je tiens à vous remercier de votre hospitalité et je voudrais souligner un aspect lié au principe de subsidiarité.

Il est nécessaire de conjuguer la capacité de gouverner et de représenter. Ces sont deux voies nécessaires, si l'on veut relancer le processus unitaire de l'Europe à tous niveaux, y compris au niveau régional, ce qui a d'ailleurs été déjà évoqué par le représentant de la Cour de justice, afin d'arriver à une véritable gouvernance européenne capable de faire face à des problèmes inattendus, qui se posent à nos sociétés aujourd'hui, comme par exemple la crise financière très grave, les changements climatiques, les rapports de coopération entre le Nord et le Sud, l'Est et l'Ouest, qui apparaissent aujourd'hui extrêmement différents de ce qu'ils étaient par le passé.

Ce qui nous apparaît, c'est que le principe de subsidiarité est absolument lié au caractère universel des droits, dont seules les institutions publiques peuvent garantir le respect.

Merci de votre attention et de votre hospitalité.

M. Denis BADRÉ

Merci, Monsieur le Président, pour ce très beau témoignage, qui n'appelle comme réactions que les applaudissements de la salle.

Je n'ai pas été saisi d'autres questions. Donc je vous donne la parole, pour des interventions brèves, si vous le voulez bien.

M. Fabio PELLIGRINI

Une petite considération sur le débat de ce matin. Dans les diverses interventions, j'ai trouvé très intéressant ce type de réunion ou de conférence car il est nécessaire de trouver ensemble une culture institutionnelle commune, afin de l'appliquer. C'est ce que j'ai déduit des interventions. Autrement, la subsidiarité peut devenir un séparatisme , et pas seulement un facteur d'autonomie. Durant l'après-midi nous avons écouté dire la nécessité de davantage d'Europe. Ce matin, on parlait de politiques étrangères, qui sont déjà nombreuses, compte tenu du nombre d'États. Je pense que ce serait mauvais si nous devions passer également par les Parlements ou les conseils régionaux. Il y a là, je crois qu'il s'agit d'une absurdité et d'une contradiction de la subsidiarité. Il faut avoir une vision globale de la démocratie institutionnelle, qui rendra plus facile l'application de la subsidiarité, bien entendu avec une dialectique interinstitutionnelle, mais sans entrer en contradictions avec les contre-propositions. C'est très important de faire comprendre ça aux citoyens, pour ce qui est de l'intérêt de la subsidiarité, pour leur apporter de la démocratie et non pas pour la leur en soustraire.

Je suis le Vice-président du Conseil des Comités des régions et membre du Conseil de l'Europe et je dois faire référence à ce qu'a dit mon Président et aussi le Professeur Merloni, sur la question de la Charte de l'autonomie locale. Je vais poser une question précise aux juges de la Cour de justice pour avancer sur l'aspect juridique. Au sein de la Cour, d'après les dispositions du traité de Lisbonne, le juge est aussi là pour sanctionner, alors que la Charte est un cadre juridique, mais n'est pas une autorité juridique qui peut sanctionner les États qui n'ont pas respecté le principe de subsidiarité. Il faudrait que l'Union européenne adhère au fait d'en doter la Charte, ou que les États de l'Union européenne considèrent la Cour non pas seulement comme instrument juridique, mais aussi comme un instrument qui sanctionne ceux qui ne respectent pas la Charte d'autonomie locale. Peut-être serait-il nécessaire que vous deveniez une autorité "sanctionnatrice" pour faire respecter cette charte?

Merci.

M. Koen LENAERTS

Merci, Monsieur le Président. Je suppose que vous parlez de la Charte de l'autonomie locale.

Il me paraît très peu probable et sans doute juridiquement impossible que l'Union européenne, en tant que telle, devienne partie à cette Charte, car nous avons eu le problème de l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne de Droits de l'homme, cet instrument très important du Conseil de l'Europe. Pour pouvoir adhérer à une telle convention, la Cour en 1996 a dit qu'il fallait une base juridique, ou, pour le dire autrement, que le traité sur l'Union européenne contienne une clause d'habilitation de l'Union européenne, pour pouvoir adhérer à cette convention au sein du Conseil de l'Europe.

Ensuite il faut que les membres du Conseil de l'Europe acceptent l'Union européenne, qui n'est pas un État, comme étant cosignataire, à côté des États membres du Conseil de l'Europe. C'est un problème additionnel. Mais du point de vue du droit de l'Union européenne, il faut d'abord une clause d'habilitation. Avec l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, nous disposerons d'une telle clause d'habilitation pour ce qui est de la Convention européenne des Droits de l'homme, mais pas pour la Charte de l'autonomie locale du Conseil de l'Europe.

M. Denis BADRÉ

C'est un problème pour l'Union européenne et non pas pour le Conseil de l'Europe, on est d'accord?

M. Koen LENAERTS

Oui. C'est un problème pour l'Union européenne, au départ. Et ça en devient un par la suite, pour le Conseil de l'Europe, qui doit aussi négocier cette adhésion. Je suis tout à fait d'accord: le premier obstacle est au sein de l'Union européenne et requiert une révision du traité. Je crois pouvoir dire qu'après le traité de Lisbonne et toutes les difficultés qu'aura comporté son entrée en vigueur, on ne recommencera pas dès le lendemain...

M. Denis BADRÉ

C'est un long chemin, n'est-ce pas?

M. Koen LENAERTS

Exactement.

M. Denis BADRÉ

Merci à vous.

M. Luc VAN DEN BRANDE

Un mot sur ce que vous avez dit concernant le fait que cela pourrait être un problème pour le Conseil de l'Europe. Pour vous tranquilliser, je peux vous dire d'emblée qu'au Conseil de l'Europe, à différentes reprises, et en ce qui concerne la Convention des Droits de l'Homme, on a dit que nous attendions...

M. Denis BADRÉ

On est plus que demandeurs!

M. Luc VAN DEN BRANDE

Plus que ça! Nous avons contracté entre temps avec les autres institutions. Nous incitons l'Union à devenir partie en ce qui concerne la clause d'habilitation, pour avoir accès à la Charte. Ce sera pour le prochain traité.

M. Denis BADRÉ

Merci à vous. S'il n'y a pas d'autres questions, nous arrivons au moment de tirer les conclusions.

Le programme prévoyait que ces conclusions seraient tirées par le Président Van den Brande et votre serviteur, mais je me sens très peu qualifié à côté de lui pour le faire.

Pour gagner du temps et pour que la conclusion gagne en qualité, je pense que le mieux est donc de lui donner la parole.

M. Luc VAN DEN BRANDE

Vous êtes la preuve éminente de ce qu'un philosophe français a dit: "Il ne suffit pas d'être humble, il faut l'être avec discrétion".

M. Denis BADRÉ

C'est gentil ou pas gentil?

M. Luc VAN DEN BRANDE

C'est gentil ! Et je pense donc que vous êtes le mieux placé dans cette enceinte pour tirer quelques conclusions...


SÉANCE DE CLÔTURE

M. Luc VAN DEN BRANDE, Président du Comité des régions et membre du Parlement flamand

Mes chers collègues, Mesdames et Messieurs, permettez-moi tout d'abord de rendre hommage à chacun d'entre vous. Nous sommes vendredi après-midi et non seulement vous êtes tous là à nous écouter, mais vous écoutez de façon active et participez activement au débat.

Merci à tous les intervenants. On nous a dit que nous n'en avions pas suffisamment, mais on nous a dit aussi que nous en avions trop. Je crois qu'il était tout de même important d'entendre les contributions de tous ceux qui représentaient les niveaux locaux et régionaux, la Cour, le Conseil de l'Europe, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux mais également les Parlements nationaux.

En fait, je souhaitais simplement - et d'ailleurs ça n'est pas une orientation - rappeler quel était l'objectif de cette initiative. Il faut décanter les choses, c'est-à-dire que, bien entendu, il faut aller, dans la pratique de tous les jours en direction de ce qui préoccupe les gens. J'y reviendrai concernant les quatrièmes Assises de la subsidiarité. Mais je crois d'emblée qu'il était nécessaire qu'il y ait cette réflexion en commun, non pas les uns à l'encontre les autres et inversement. Je crois que c'était là le focus de cette réunion.

Quatre ou cinq orientations, à défaut de conclusions.

D'abord, au préalable, la subsidiarité. Beaucoup ont déjà réfléchi sur la notion de subsidiarité, et sur la provenance de ce mot. Je l'ai déjà dit à une autre occasion. La référence sémantique ou la nature du mot provient peut-être des romains, pour lesquels les subsidia étaient les troupes qui étaient remplacées pour contribuer à la réussite des opérations. Maintenant, les subsidia - de manière tout à fait pacifique et non pas guerrière, propre à avoir la maîtrise des opérations - sont des leviers, des instruments, qui permettent d'aboutir à plus de démocratie et à employer une gouvernance appropriée. Ce que j'ai pu constater d'abord, c'est que de tous côtés - et la Vice Présidente l'a dit explicitement - la Commission européenne, les Parlements nationaux et aussi les représentants des régions et des localités du Comité de région, se rejoignent dans leur analyse, selon laquelle une bonne gouvernance européenne passe par un contrôle du principe de subsidiarité, en partenariat.

Deuxièmement ce partenariat couvre, ou devrait couvrir, toutes les phases décisionnelles de l'anticipation, qui vont de l'impact territorial à la transposition des lois européennes sur le terrain. Nous n'allons pas de nouveau répéter qu'elle est cette éminente conjonction: entre 60 et 70 % de la législation et de réglementation européenne a un impact direct, non seulement sur les régions, mais aussi sur les villages et les petites communes.

Autre point. Je crois qu'il est important qu'on renforce l'analyse d'impact territorial, qui est d'aider à la décision politique grâce à l'intervention, en amont, des différents acteurs concernés. Lord Tope et d'autres ont fait référence à quelque chose de contradictoire, apparemment, concernant ce qui vient du haut vers le bas.

Bien entendu il faut que je répète combien je vous suis reconnaissant, et combien j'ai été heureux de constater que certains États membres disent qu'ils ne peuvent concevoir que deux kilomètres carrés - Bruxelles et Strasbourg - prennent toutes les décisions, quand ensuite il revient à leurs capitales d'assumer toutes les responsabilités. Il est évident que la situation intra du pays doit mener à une évolution de la situation au sein du pays lui-même, et il est d'autant plus important de mener cette réflexion. Et puis il y a autre chose. Nous parlons - c'est d'ailleurs ce que de nombreux intervenants ont dit - de la légitimité, de l'efficacité et de leurs renforcements nécessaires, à l'avenir. C'est un processus positif. Il ne s'agit pas de re-nationaliser les politiques, comme on l'a dit cet après-midi et ce matin. Il s'agit de renforcer la légitimité et l'efficacité. Plus la légitimité sera renforcée, plus la règlementation sera, sinon meilleure dans son exécution, mais plus en rapport avec les citoyens. Bien entendu, assurer le lien avec la subsidiarité est indispensable. Il ne s'agit pas seulement de questions inter-constitutionnelles, nous le savons tous.

L'avant-dernier point est une offre que nous faisons aux Parlements nationaux. Il n'arrive pas tous les jours que les localités et les régions fassent des offres. Mais cette fois-ci, c'est le cas. Nous avons déjà en place un mécanisme du suivi de la subsidiarité, au sein duquel plus de 100 partenaires sont déjà en place, pour échanger leurs expériences, leurs avis et leurs approches. Je crois que dès maintenant, dans cette phase expérimentale, et sans attendre le traité de Lisbonne, il serait très utile que les Parlements se saisissent de cette offre: qu'ils se connectent à ce qui est déjà en place, car il leur appartient de le faire.

Qu'ils saisissent l'opportunité de disposer de plus de 100 partenaires, qui réfléchissent déjà à ce qui devrait être, à savoir plus de démocratie, plus de "connexité", plus de proximité, plus de fondements, pour une bonne gouvernance. Il est évident qu'ils font référence au 16 septembre. Or, nous avons mis volontairement en place un système grâce auquel - en six semaines, afin de raisonner en termes de délais et d'échéances impartis par le traité de Lisbonne - nous serons à même de leur faire connaître nos considérations, au sujet de la plate-forme de suivi.

Un dernier point, qui souvent n'est pas bien analysé, avec tout le respect que je vous porte. Nous nous connaissons depuis des années et nous nous respectons mutuellement. Il n'est donc pas nécessaire que nous soyons toujours d'accord, bien que je sois d'accord avec vous à 90 %. Mais restent 10 % de désaccord, qui porte sur ceci: le Comité des régions n'a pas besoin du traité de Lisbonne pour contrôler d'ores et déjà la subsidiarité. En effet, dans nos onze sphères de compétences - il y en aura bientôt deux supplémentaires, à savoir l'Énergie et le Climat, selon le Traité de Lisbonne - la Commission a déjà l'obligation de demander l'avis du Comité des régions. Notre but est que, dès maintenant, l'avis que nous donnons à la demande obligatoire de la Commission - et ce sera étendu par le Parlement européen après le traité - fasse, via notre rapporteur, l'objet d'un volet encore plus spécifique en ce qui concerne la notion de la subsidiarité.

J'en arrive au dernier point. Vous pouvez faire un recours devant la Cour de justice dans la seule sphère de vos compétences. Mais, même si nous n'avions pas donné d'avis à ce sujet, de manière générale, au Comité des régions, nous aurions la possibilité de faire ce recours ensuite. Cela peut aider lorsqu'on a déjà argumenté auparavant, que de dire qu'il y a du substrat et du contenu, pour faire le recours. Mais il faut noter que lorsque la Commission fait un recours, il faut éviter de faire par exemple ce qui s'est fait lors du fameux recours sur le tabac, où elle a utilisé un article qui se plaçait hors de ce qui aurait dû être la base juridique, pour demander l'opinion du Comité des régions. On m'a déjà demandé si nous ferions en sorte d'oeuvrer pour que nous fassions un recours par jour, devant la Cour de justice. Il ne faut pas exagérer! Les juges sont de temps à autre fatigués. Je reprends ce que j'ai dit à propos des subsidia .

La meilleure des choses serait de ne jamais faire de recours. Je crois que tout le mécanisme de subsidiarité, la screening de la subsidiarité, et ce que l'on doit faire en responsabilité partagée avec tous les acteurs, a un effet dissuasif. L'on doit savoir, en tant qu'institution européenne, que ceux qui en prennent l'initiative sont les membres de la Commission. La Commission doit rester l'instrument et l'institution pour faire progresser L'Union. Les autres acteurs, comme le Parlement européen, n'ont pas de rôles à jouer dans le contexte de la subsidiarité, car ce sont les Parlements nationaux qui sont appropriés.

J'inviterai simplement les uns et les autres - et j'en ai parlé avec le Président Formigoni - à participer aux quatrièmes Assises de la subsidiarité, qui auront lieu à Milan. L'objectif sera d'évoquer la question des régions à pouvoirs législatifs, puisque nous serons dans une région à pouvoirs législatifs. C'était important d'avoir les troisièmes Assises à Paris, et il est important que nous ayons les quatrièmes à Milan.

Ce qui est également important, c'est de concentrer nos efforts sur des éléments concrets, que ce soit le climat, l'environnement, la stratégie de croissance et d'emploi, ou Lisbonne. Il s'agit simplement d'apporter la preuve que tous les partenaires peuvent apporter leur contribution à la réalisation d'un même objectif.

Nous transmettrons les orientations, ainsi que le compte-rendu du débat d'aujourd'hui, à l'ensemble de nos partenaires présents ici, à l'ensemble des partenaires institutionnels, à l'ensemble des partenaires nationaux et ce, de façon à ce qu'il y ait un point d'appui et d'ancrage pour la réflexion à mener, à l'avenir.

Notre objectif est d'adopter un protocole qui sera présenté aux Parlements nationaux. Il ne s'agit pas d'avoir un énorme cadre ou un traité, mais juste un petit protocole. J'ai déjà eu un écho positif de la part des représentants des Parlements nationaux, de sorte que l'exercice puisse se poursuivre, afin que nous puissions contribuer, de façon concrète, à l'amélioration de la démocratie.

Il faut associer non seulement les États et les membres de l'Union européenne qui ont système bicaméral, mais aussi les États qui ont un système unicaméral. Ce sont les mêmes. Ceux qui ont un système bicaméral - parmi lesquels, sur les treize existants, sept ont un lien direct avec les régions, les communautés, les l änder et les altromicas - ont davantage d'arguments. C'est donc bien de le faire ainsi.

Je m'adresse de nouveau au Président de la session et au Président de la Commission des Affaires européennes du Sénat, avec beaucoup de gratitude, pour l'hospitalité et surtout pour l'hospitalité mentale, qui nous a permis d'être ensemble.

Merci beaucoup.

CONCLUSIONS

A l'issue des troisièmes assises de la subsidiarité organisées par le Comité des Régions en partenariat avec le Sénat de la République française sous les auspices de la Présidence française de l'Union européenne le 24 octobre 2008 à Paris, M. Luc Van den Brande, président du Comité des Régions et M. Denis Badré, vice-président de la commission des affaires européennes du Sénat de la République Française:

- ont exprimé leur conviction que la gouvernance multi-niveaux au sein de l'Union européenne et dans le cadre national garantissait une plus grande légitimité et efficacité du processus de prise de décision et ont rappelé que les principes de subsidiarité et de proportionnalité étaient les leviers d'une bonne gouvernance fondée sur la responsabilité partagée des différents niveaux de pouvoirs concernés;

- ont constaté qu'à traités constants et dans l'attente de l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, les dispositifs internes et les mécanismes communautaires existants permettaient d'ores et déjà de mettre en place une approche concertée et coordonnée de suivi et de contrôle de l'application de ces principes;

- ont invité par conséquent les différents acteurs institutionnels aux niveaux communautaire, national, régional et local à développer les pratiques de coopération et de mise en réseau dans toutes les phases du processus législatif et ont pris acte de la disponibilité du Comité des Régions à faire valoir la position des collectivités locales et régionales tant dans la phase ex-ante que dans le cadre du système d'alerte précoce;

- ont souligné à cet égard l'utilité du réseau de suivi de l'application de la subsidiarité du Comité des Régions qui vise à apprécier tant la conformité juridique des propositions de la Commission au regard du respect de subsidiarité que leur impact territorial et leur incidences sur les finances locales et régionales et ont estimé que ce réseau devrait à terme constituer une plateforme de référence pour les parlements nationaux, les Assemblées législatives régionales et permettre de développer les synergies existantes;

- se sont félicités de l'importance accordée dans la coopération interparlementaire au suivi des principes de subsidiarité et de proportionnalité et à l'organisation de leur contrôle et ont considéré approprié d'associer dans le respect des règles constitutionnelles inhérentes à chaque Etat membre, les Parlements nationaux et régionaux et les Assemblées législatives régionales aux pratiques et mécanismes mis en oeuvre;

- ont considéré essentiel de renforcer le système d'analyse d'impact territorial grâce à l'implication systématique en amont de la décision politique des différents acteurs concernés de façon à appréhender les répercussions économiques, sociales, environnementales des propositions législatives et non législatives communautaires sur les territoires;

- ont constaté que le Traité de Lisbonne confirmait la complémentarité des rôles respectifs dans l'architecture européenne des parlements nationaux et régionaux et des Assemblées législatives régionales d'une part et des collectivités territoriales d'autre part et considèrent que son entrée en vigueur consoliderait la légitimité démocratique de la législation européenne;

- ont rappelé que les autorités locales et régionales étaient majoritairement dépendantes de la bonne ou mauvaise transposition de la législation communautaire au niveau national et ont insisté sur une meilleure coordination interne dans toutes les phases du processus législatif;

- ont invité le Conseil de l'Union, le Parlement européen, la Commission européenne et la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires et européennes des Parlements de l'Union européenne à prendre en considération ces recommandations en vue d'établir une plus grande synergie entre les mécanismes respectifs.

Séance d'ouverture en présence de MM. Bernard Frimat, vice-président du Sénat, Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat chargé des Affaires européennes
et Luc Van den Brande, président du Comité des régions

Première session, première partie, sous la présidence de M. Luc Van den Brande, avec Mme Margot Wallström, vice-présidente de la commission européenne, M. Roberto Formigoni, président de la région de Lombardie, M. Michael Schneider, secrétaire d'Etat pour les affaires fédérales et européennes du Land de Saxe-Anhalt et Mme Ana Terrün i Cusí, secrétaire pour l'Union européenne du gouvernement de la Généralité de Catalogne

Première session, deuxième partie, sous la présidence de M. Michel Delebarre, premier vice-président du Comité des régions, avec MM. Jean-Louis Destans, président de la délégation française du Comité des régions et président du conseil général de l'Eure,
Franz Schausberger, vice-président du groupe interrégional des Régions à pouvoirs législatifs
du Comité des régions et Jean-Claude Frécon, sénateur de la Loire, vice-président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe

Débat avec le public

Deuxième session, première partie, sous la présidence de M. Denis Badré, sénateur des Hauts-de-Seine, vice-président de la délégation pour l'Union européenne du Sénat, avec Mme Izaskun Bilbao, présidente du parlement basque et de l'association Calre et M. Han Ten Broeke, membre de la chambre des représentants des Pays-Bas

Deuxième session, première partie, sous la présidence de M. Denis Badré, avec MM. Volker Hoff, ministre d'Etat des Affaires fédérales et européennes de Hesse, Ludìk Sefzig, président de la commission des affaires européennes du Sénat de la République tchèque et Mme Elsa Papademetriou, vice-présidente du parlement hellénique

Deuxième session, première partie, sous la présidence de M. Denis Badré, avec Mmes Kerstin Lundgren, membre du comité des Affaires étrangères du Parlement suédois, Susanne Neuwirth, vice-présidente du Bundesrat autrichien et M. Isidoro Gottardo,
membre de la Chambre des députés de la République d'Italie

Deuxième session, première partie, sous la présidence de M. Denis Badré, avec MM. Koen Lenaerts, juge à la Cour de Justice des Communautés européennes,
Yavuz Mildon, président du Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe et Francesco Merloni, président du groupe d'experts indépendants sur la charte
de l'autonomie locale du Conseil de l'Europe

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