Assises de la subsidiarité



Palais du Luxembourg, 24 octobre 2008

Allocution de M. Luc VAN DEN BRANDE, Président du Comité des régions et membre du Parlement flamand

Merci beaucoup Monsieur le Vice-président du Sénat français. Je suis très heureux de vous rencontrer de nouveau. Je ne suis pas de votre avis concernant ce que vous avez dit du rôle des Vice-présidents: il est évident qu'il y a des Vice-présidents qui sont éminents et imminents! Ceci vaut pour le Sénat français, mais ceci vaut naturellement pour le Comité des régions, cela étant dit en regard de mon ami Michel Delebarre.

Monsieur le ministre, Madame la Vice-présidente de la Commission européenne, Mesdames, Messieurs les représentants des Parlements nationaux,

Je suis très heureux de vous voir ici, tous et toutes présents, et aussi naturellement, chers collègues, membres du Comité des régions. Je me réjouis naturellement d'être parmi vous aujourd'hui pour ouvrir ces troisièmes Assises de la subsidiarité.

Le Comité des régions, dans le prolongement de la Convention européenne, a tout d'abord initié ces Assises, à Berlin, au sein du Bundesrat , en 2004, puis à Londres en 2005, sous les auspices de la House of Lords . Je suis très heureux de voir parmi nous Lord Grenfell, que j'ai eu l'occasion de rencontrer en réunion lundi dernier et avec lequel j'ai discuté de la contribution de la House of Lords - ou de la Chambre des Lords - à l'exercice auquel nous nous livrons.

Il y a eu deux Assises. Je crois que la démarche était fondée sur la même conviction que celle qui nous anime aujourd'hui, à savoir que la démocratie européenne se construit sur les valeurs. Les valeurs: des principes et des procédures partagés, au service de ces valeurs et de ces principes. Il faut bien faire ces distinctions. La démarche est multiple et s'appuie sur toutes les sources de la légitimité démocratique et sur la représentativité de ses citoyens dans toute leur diversité.

Je dois remercier mon collègue Monsieur Frimat, comme je l'ai déjà dit, puisque je ne salue pas seulement la contribution du Sénat mais certainement aussi celle de la Présidence française qui a montré, chers collègues, Mesdames, Messieurs, que s'il y avait encore une suspicion de jacobinisme en France, je dois dire et avouer publiquement que ce n'est plus le cas. En effet, à quatorze reprises, la Présidence française a travaillé avec le Comité de régions, ce qui prouve, en tout cas, que vous êtes en ligne de mire de ce qu'est le mouvement de la Multi Level Governance. Je crois que, si on aborde ces problèmes, il y en a qui diront que c'est "une discussion sur le sexe de anges". Je ne parle pas du diable...

Mais en tout cas, de nouveau, si l'on est confronté au changement climatique, au "pacte pour l'immigration" et à la politique d'intégration, à la réforme de la politique agricole commune, ou à l'agenda territorial, et enfin à l'Union pour la Méditerranée - processus de Barcelone - je crois qu'il est très clair que nous devons aborder tous ces problèmes via une approche politique, mais aussi avec la contribution d'instruments de bonne gouvernance.

Madame la Vice-présidente de la Commission européenne, votre présence démontre l'importance accordée par la Commission au respect du principe de subsidiarité et de proportionnalité dans le processus de prises de décisions européennes; je vous en suis très reconnaissant.

Je souligne en outre la participation à nos travaux d'un représentant de la Cour de Justice des communautés européennes, Monsieur le juge Koen Lenaerts, et celles de plusieurs représentants du congrès du Conseil de l'Europe, dont son Président, Monsieur Yavuz Mildon.

Je salue enfin, avec une grande satisfaction, c'est évident, la présence de représentants de plus d'une dizaine de Parlements nationaux, de la Grèce au Grand Nord; je crois qu'il est important qu'ils soient associés à nos travaux aujourd'hui. Votre présence aujourd'hui nous conforte dans notre conviction à l'égard de la dynamique institutionnelle, d'une dynamique à niveaux multiples, d'un véritable partenariat qui doit s'affirmer en Europe pour fortifier la culture de la subsidiarité.

Dès le début de mon mandat à la Présidence du Comité des régions, j'ai initié une démarche de rapprochement envers des Parlements nationaux, gardiens de la subsidiarité. La contribution de plus en plus significative de ces derniers dans le débat politique et dans la procédure législative communautaire, conjuguée avec la reconnaissance de la dimension territoriale du processus d'intégration européenne, nous conduit en effet, tout naturellement, vers une coopération plus étroite, marquée par la complémentarité de nos rôles respectifs.

Effectivement, vous y avez fait référence, la crise financière qui nous confronte à des mécanismes essentiels - pas simplement au sein de notre Union européenne, mais au sein de notre continent, et dans le monde entier - rend essentielle la bonne gouvernance, tant en ce qui concerne les institutions publiques qu'en ce qui concerne également les acteurs du secteur privé.

D'ores et déjà, mes rencontres avec des instances parlementaires - britanniques, grecques, slovènes, belges, hongroises, croates, celles prévues très prochainement en Espagne, en Italie et au Portugal, sans oublier naturellement le Sénat français qui est un membre fondateur de notre réseau de suivi et d'application de la subsidiarité - ces contacts tracent la voie qui mène à des méthodes de travail concertées.

J'espère bientôt institutionnaliser - entre le Comité des régions et les Parlements nationaux permettant de faire valoir l'appréciation des collectivités locales et régionales dans les mécanismes de contrôles publics et de l'application du principe de subsidiarité - une aide aux Parlements nationaux, une contribution à leur exercice afin qu'ils puissent mieux apprécier les impacts économiques, sociaux et environnementaux des propositions législatives communautaires sur les territoires.

De plus, je n'oublie pas, en ma qualité de membre du Parlement flamand, le rôle reconnu des Parlements régionaux et des Assemblées législatives, qui devrait être pleinement intégrés dans les mécanismes législatifs internes et européens. En effet, réunis dans cette salle, que nous soyons élus locaux, régionaux, ou parlementaires, nous savons, de par les mandats que nous assumons, combien les responsabilités politiques, aux niveaux européen, national, local et régional, sont indissociables. Si l'on prend la pleine mesure du phénomène - à savoir que la capacité européenne de résoudre effectivement des problématiques publiques passe par le partage des responsabilités entre les différents échelons du pouvoir - et qu'on le traduise en règles de droit communautaire, alors le droit européen garantira, en pratique, la sauvegarde de la légitimité démocratique du système politique à niveaux multiples, qui est le seul capable de garantir un fonctionnement démocratique et efficace, de et pour l'Union européenne.

Là où il y a partage de compétences, doit se faire une évaluation politique et flexible par nature. Une évaluation de la valeur ajoutée des actions des uns et des l'autre, de tous les niveaux des gouvernements choisis pour atteindre les résultats particuliers préconisés, en assurant les objectifs européens communs. Tout cela a pour but ultime la bonne gouvernance: "One govern, good governance". Subsidiarité et proportionnalité - et non pas des instruments de bataille juridico-politiques utilisés pour affirmer, en droit et en force, l'un ou l'autre niveau de gouvernement existant en Europe - sont donc des principes qui assurent ce but ultime. Il est évident que cet exercice, que ce principe politique de la subsidiarité, ne peut nullement aboutir à une renationalisation. Cela serait totalement contraire au concept que nous voulons approfondir en démocratie, à savoir la prise en compte des objectifs communs. Par la subsidiarité et la proportionnalité, nous voulons en fait mieux légiférer. Vous avez tous deux fait référence à cette notion: mieux légiférer en garantissant, de la phase de consultation en amont à celle de la transposition dans les États membres, les conditions d'une bonne gouvernance.

Mesdames et Messieurs, chers collègues, au Comité des régions - où depuis le traité de Maastricht nous avons eu le sentiment que nous avions un certain niveau de responsabilités à cet égard, nous avons estimé depuis que la répartition des pouvoirs était, certes, essentielle pour le respect de la souveraineté, mais qu'il ne devait pas nous conduire à adopter une approche rigide qui ne tiendrait pas compte du contexte et qui utiliserait la subsidiarité comme un prétexte, visant à retarder l'adoption de législations au plan communautaire à n'importe quel coût - la gouvernance nécessite, à plusieurs niveaux, que le processus évolue en permanence. Qu'il maintienne également un équilibre juste entre partage des responsabilités avec Bruxelles d'une part et d'autre part, la préservation de l'autonomie des régions qui constituent l'Union. Et ce, y compris aux niveaux locaux et régionaux des collectivités locales et régionales.

Le principe de subsidiarité, par conséquent, constitue un moteur de gouvernance à plusieurs niveaux, je vous l'ai déjà dit. Aujourd'hui, cette subsidiarité fait l'objet d'un débat politique prudent dans les instances légiférantes de l'Union européenne, et ce, sur base des analyses menées par les Parlements nationaux et, je l'espère à l'avenir également, sur la base des contributions qu'apporteront les collectivités locales et territoriales, ainsi que le Comité des régions. Par ailleurs, il s'agit d'une question de partage authentique des responsabilités, telles qu'on y fait souvent référence, à entendre le Président Barroso.

Chers collègues, le partage des responsabilités et les partenariats sont une question de préventions conjointes des litiges et des contentieux. Il faut en effet veiller à ce qu'il y ait davantage de sécurité dans nos systèmes juridiques respectifs. C'est la raison précise pour laquelle, certes, il faut que nous soyons très conscients des responsabilités politiques et institutionnelles qui nous incombent, et que l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne confèrerait encore davantage au Comité des régions. Le Comité des régions a la possibilité de saisir la Cour européenne de Justice, en cas d'infractions au principe de subsidiarité, et c'est là un élément fondamental. Il est par conséquent essentiel d'intervenir en amont, par le truchement des avis que nous rédigeons, ainsi que par le truchement d'instruments nouveaux, qui permettront de répondre au nouveau défi du traité réformé. Nous tenons à insister sur ce principe de partenariat.

Le principe de partenariat nécessite une consultation des collectivités locales, des collectivités régionales, avant que les décisions ne soient prises. Ceci doit se fonder, nécessairement, sur une utilisation systématique de l'analyse d'impacts, ce qui permet à son tour de procéder à une évaluation de l'impact territorial des politiques communautaires, ainsi que leurs répercussions au plan financier. Ceci étant dit, il nous faut tenir compte de l'impact des politiques, mais il ne remplace pas la prise de décisions politiques, bien au contraire. Il est indispensable que celles-ci constituent une aide, un outil d'aide à la prise de décisions politiques.

C'est là le principe de subsidiarité dans son essence, qui ne doit en aucun cas se substituer à la prise de décisions politiques, environnementales, économiques, et aux objectifs qui doivent sous-tendre les décisions politiques en la matière. À cet égard, sachez que je ne suis pas partisan de voir les politiques se diluer au bénéfice d'une simple réglementation. L'Union européenne est une communauté de droit. C'est une réalité, et c'est une force.

Mais la communauté européenne est également, à l'heure actuelle, un défi politique qu'il convient de relever en tenant compte de ses répercussions pour tous les citoyens européens. Compte tenu de la crise mondiale actuelle dans le monde de la finance, sachez que nous sommes engagés dans une lutte qui nous amènera à défendre l'avenir de l'État providence et à défendre le bien-être de nos citoyennes et citoyens.

Monsieur le Président, Madame la Vice-présidente de la Commission, les quinze rapports portant sur le principe du "Mieux légiférer" qui ont été présentés au Conseil Européen, mentionnent l'existence de la plate-forme de suivi de la subsidiarité, créée par le Comité des régions. Ils mentionnent également les liens qui existent entre les Parlements nationaux et les instances européennes. En pratique, cent parlementaires, cent membres, seront amenés à l'avenir, en tout cas c'est ma conviction, à jouer un rôle utile à chacune des étapes du processus législatif. C'est-à-dire tant en amont qu'en aval, dès lors qu'il s'agira d'examiner les propositions de la Commission, les consultations en vue d'évaluations d'impacts, ainsi que les consultations en vue d'une alerte rapide. Les deux premiers éléments doivent constituer un apport au travail de la Commission européenne, avant que la décision ne soit prise. Quant au troisième outil, il doit permettre d'en assurer le suivi.

Je suis conscient que le principe de subsidiarité - conceptualisé, interprété, révisé à plusieurs reprises, devenu justiciable et enfin constitutionnalisé - est difficile à appréhender pour les citoyens, alors qu'il représente un instrument incontournable pour leur assurer une meilleure législation européenne. C'est la preuve que ce principe souffre d'un déficit de lisibilité.

Il doit alors être, si je peux m'exprimer ainsi, démystifié et répondre simplement à la réalité de la gouvernance européenne de manière à ce que la décision politique ne se retrouve plus exclusivement entre les mains d'un seul niveau de gouvernement. Comme je le dis souvent, une des grandes fictions de cette période est de croire qu'un niveau de décisions pourrait aboutir à toutes les solutions, tout comme est une autre fiction le fait de croire que seules des institutions peuvent apporter toutes les solutions.

C'est pour cela qu'il faut approfondir la dimension horizontale de la subsidiarité, c'est-à-dire qu'il faut générer de la confiance - et non pas seulement accorder du respect - et donner une place à ceux qui, dans la société, actent dans le monde économique, éducationnel, culturel, et dans celui de la santé, pour citer ces exemples.

Cette nécessité de concertation et de coopération entre les différents niveaux de responsabilités, nous estimons, au Comité des régions, devoir la traduire, et la pouvoir traduire en partenariat. Et c'est là, Mesdames, Messieurs, l'ambition qui, je l'espère, j'en suis sûr, présidera à nos débats de cette journée.

Merci beaucoup de votre attention.

M. Bernard FRIMAT

Merci, Monsieur le Président. Vous allez donc maintenant pouvoir ouvrir la première session de vos travaux.

Je vais donc vous laisser la Présidence de cette première session, et je vous retrouverai tout à l'heure.

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