ÉLUS LOCAUX ET ASSOCIATIONS : UN DIALOGUE RÉPUBLICAIN



PALAIS DU LUXEMBOURG, 28 JUIN 2001

TROISIÈME TABLE RONDE : LES COLLECTIVITÉS LOCALES INTERLOCUTEURS PRIVILÉGIÉS DES ASSOCIATIONS

Cette troisième table ronde est présidée par M. Gérard LARCHER
Vice-président du Sénat, Sénateur des Yvelines

Elle est animée par M. Christian DAURIAC, Directeur du projet numérique
de France 3

Introduction

M. Jean DUMONTEIL

Après l'introduction de Jean-Michel Belorgey, la matinée s'est poursuivie avec la présentation de l'étude de la SOFRES sur les relations entre élus locaux et responsables associatifs. Les tables rondes suivantes ont abordé le paysage associatif local et les résultats des travaux thématiques organisés en région.

De nombreuses questions et de problèmes concrets ont émergé grâce au véritable dialogue républicain que nous avons instauré selon différentes nécessités : des règles partenariales entre les collectivités locales et les associations ; une attention portée aux dérives bureaucratiques, dénoncées par Jean-Jacques Hyest ; une logique de projet au lieu de celle du guichet ; la reconnaissance de l'engagement associatif pour les responsables étrangers désireux de s'insérer dans la démocratie locale ; la stigmatisation des contraintes fiscales des associations.

Monsieur le président Larcher, de nombreuses questions sont soulevées à l'occasion de votre table ronde, animée par Christian Dauriac, directeur du projet numérique à France 3.

LES DIFFÉRENTS PARTENARIATS ENTRE ASSOCIATIONS ET COLLECTIVITÉS LOCALES

M. Christian JOIN-LAMBERT, Secrétaire général du Comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics

En tant que conseiller-maître à la Cour des comptes, je suis secrétaire général du Comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics. C'est un service du Premier ministre, présidé par le premier président de la Cour des comptes. Cette entité indépendante de la Cour des comptes juge les travaux qui lui sont présentés et élabore des propositions pour améliorer le fonctionnement des services publics. Les élus locaux, les parlementaires, les fonctionnaires ou les syndicalistes sont représentés dans ce service.

I. La diversité du phénomène associatif

1. Son ampleur

Ce phénomène est massif : 700 000 associations, 20 millions de membres, 200 milliards de francs de dépenses et 800 000 équivalents temps plein salariés. Son ampleur ne doit toutefois pas masquer sa diversité avec des secteurs et des structures différents.

Le secteur "Éducation-Recherche-Santé- Services sociaux" regroupe 72 % de la dépense et 76 % des emplois. Il abrite de grandes associations gestionnaires. Il existe également un phénomène diffus d'associations plus petites présentes dans d'autres secteurs intervenant dans l'espace des grands services publics. Elles obéissent toutes à l'article 1er de la loi de 1901 ; "la mise en commun des activités et des connaissances dans un but non lucratif".

2. La diversité devant le problème du financement

Selon les secteurs, les associations recourent aux collectivités territoriales, à l'État ou à la Sécurité sociale pour assumer les services rendus aux personnes non solvables. Selon la taille des associations, les dispositions fiscales ou les subventions sont différentes. Une circulaire du 15 septembre 1998 exonère les associations, dont les recettes sont inférieures à 250 000 francs, des taxes commerciales : TVA, impôt sur les sociétés et taxe professionnelle.

En ce qui concerne les subventions, le code des communes reprend les dispositions d'un décret du 30 octobre 1936. Il indique un contrôle potentiel des associations subventionnées par la collectivité et la nécessité d'un compte d'emploi des ressources perçues. La loi Sapin de 1993 relative aux subventions supérieures à 1 million de francs prévoit une délégation de service ou une contractualisation. Un commissaire aux comptes établit annuellement un compte de résultats, mais l'application du plan comptable n'est pas toujours aussi stricte que prévue.

L'information des autorités municipales est le but principal de ces dispositions. L'article 3 de la loi du 12 avril 2000 sur les droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, concernant les associations et les organismes privés subventionnés par les collectivités, inclut des dispositions visant l'information des citoyens. Pour accroître la transparence financière la loi impose aux administrations et aux associations des déclarations mises à la disposition des citoyens. Le seuil d'application de la loi n'a pas été fixé entre des centaines de milliers de francs ou un million de francs.

3. Diversité des attitudes face au partenariat

Michel Callon, un sociologue de l'École des Mines, définit trois types d'associations en fonction de leurs affinités idéologiques ou politiques.

a. Les associations opposantes

Elles rejettent toute intervention officielle, toute activité extérieure destinée aux autorités publiques ou tout partenariat. Certains estiment que les associations doivent bannir tout rapport avec l'État, l'argent ou le salariat. Ces associations "pures" s'inspirent des charities anglaises du XIXème siècle.

b. Les associations auxiliaires

Ces associations-relais que François Bloch-Lainé nomme les "associations faux-nez" rejettent également le partenariat au profit de l'identité. Elles reproduisent les structures et les comportements de leur collectivité de rattachement sans rechercher l'autonomie.

c. Les associations partenaires

Il s'agit de la catégorie la plus intéressante et qui pose le plus de problème. François Bloch-Lainé définissant la méthode associative comme la mise en oeuvre d'intérêts contraires, ces associations partenaires génèrent parfois des réactions hésitantes et les opposantes de l'hostilité. Quant aux auxiliaires, elles sont dociles, mais manquent de réactivité devant des situations de crise.

II. Questions

1. La convention

Dans mes lectures de jurisprudences et des livres de sagesse, j'ai observé que du point de vue financier, du droit, des résultats fonctionnels obtenus par les associations comme du point de vue d'une analyse sociologique, les associations devaient résoudre des problèmes difficiles. Aussi, ne risquons-nous pas de confondre les ensembles réglementaires propres aux associations et ceux qui sont propres aux services publics dans lesquels elles agissent ? Quel est le juste rapport entre le droit et la gestion dans la vie des associations ? Pouvons-nous nous contenter de circulaires prudentielles, sans valeur réglementaire telles que celles du Premier ministre de 1975, 1988 ou du 7 juin 1996 ? Ces circulaires contraignent les associations concernées, ne s'imposent pas juridiquement et contiennent toutes l'idée féconde de convention à passer entre la collectivité publique et l'association.

2. Ne perdons-nous pas l'essentiel au profit des réglementations contestables ?

L'objectif des associations "faux-nez" est effectivement de rémunérer des personnels ou de contracter des marchés en échappant aux règles publiques. En tant que membre de la Cour des comptes, j'observe ce phénomène dans les dispositions prises au nom de la séparation des ordonnateurs et des comptables. Même s'il est légitime de ne pas cumuler ces deux fonctions, cette situation d'ostracisme ne devrait pas perdurer lorsque les individus ont régularisé leur situation.

3. Quelle transparence recherchons-nous ?

Les comptes-rendus comptables sont imposés pour les soldes des subventions ou pour le fonds de roulement d'une association. Toutefois, il lui est désagréable d'effectuer des reversements : la transparence ne paraît pas évidente. Quant à la rémunération des personnels, aucun effort, ni une rémunération excessive ne sont exigés envers les associations. Pour Bernard Hem, un sociologue, les associations exercent un usage utilitariste de l'engagement associatif en termes de gestion du personnel.

4. Quel est le rapport des associations au marché ?

Outre sa volonté de tout conventionner, la loi Sapin contient l'éventualité d'une mise en concurrence des associations pour contracter avec les collectivités publiques ou locales sans définir le cadre juridique. Cette orientation relève exclusivement du partenariat dans lequel les fonctionnaires, les associatifs et les politiques doivent définir leur souhait quant à l'application de la loi.

M. Christian DAURIAC

Nous demanderons aux quatre Sénateurs ce qu'ils en pensent.

PREMIER DEBAT : L'ASSOCIATION, RELAIS OU PARTENAIRE
DES COLLECTIVITÉS LOCALES ?

LES BÉNÉVOLES

M. Alain GOURNAC, Sénateur des Yvelines

Partenaires ou relais des collectivités locales ? Interrogé au sujet des associations, c'est immédiatement à la dimension partenariale que je pense. Ma réflexion s'appuie sur mon expérience de maire et c'est en ma qualité d'élu local que je m'exprime.

I. Un partenariat indispensable

1. Un soutien par les élus

J'ai toujours considéré les associations, dans leur grande majorité, comme des partenaires, jouant un rôle fondamental dans la vie de la cité et participant à l'affermissement de la cohésion sociale grâce à leurs actions. Le caractère bénévole, propre à l'engagement de leurs responsables, fonde leur vocation de partenaires indispensables des collectivités locales. Face aux associations, l'élu ne doit jamais oublier ni cette spécificité ni son devoir de soutien. Toutefois, il ne s'agit pas pour lui de mettre la main sur la vie associative, mais plutôt de soutenir ses activités. La collectivité étant partie prenante dans le domaine du bénévolat, il est nécessaire qu'elle contribue à son développement.

2. La nécessité du bénévolat

Aucune vie associative forte et authentique n'existe sans l'engagement volontaire et bénévole d'individus participant à la vie de la cité. Chaque fois qu'une collectivité publique met en place sous son contrôle une association para-administrative entrant en concurrence avec les associations autonomes, elle tend à les faire disparaître à terme. De plus, elle dévalorise la participation active des citoyens, et encourage les comportements d'assistance. Aujourd'hui, l'engagement volontaire et bénévole demeure le sang de la vie associative. Sans la participation effective, responsable et résolue des citoyens, celle-ci n'est plus qu'un instrument dénaturé aux mains d'opérateurs administratifs et commerciaux.

3. La vie associative dépend de la promotion du bénévolat

Partout où le bénévolat demeure vivace et actif, la vie associative se porte bien et participe au développement économique, social et culturel de la cité. Les capacités de création et de rayonnement des activités associatives reposent - chaque élu peut en témoigner - sur le développement d'un tel bénévolat.

II. Des propositions indispensables

Au-delà d'un statut uniforme, la promotion du bénévolat suppose l'élaboration de mesures pour répondre à la diversité des attentes. Pourquoi n'étendrions-nous pas à la vie associative les temps d'absence accordés à certains salariés dans les entreprises ? Naturellement, une entreprise permettant à un salarié de participer à la vie associative doit trouver une compensation à ses efforts.

1. La reconnaissance du don de temps

Nous devons expliquer très tôt aux enfants, dès l'école, l'importance de la dimension sociale du bénévolat. Parallèlement, il conviendrait que le « don du temps » soit reconnu, à l'instar des autres dons, et encouragé. Pour cela, il serait intéressant d'élargir au « don du temps » la loi relative au mécénat.

2. Formation et information du bénévole

Nous devons également renforcer la protection juridique des bénévoles, améliorer leur information et développer leur formation. Il existe de nombreuses possibilités dans ce sens.

Ces quelques propositions, rapidement esquissées, ne peuvent que contribuer à orienter le rapport des associations et des collectivités locales dans le sens d'un partenariat toujours mieux compris.

M. Christian DAURIAC

Merci pour ces propositions. Depuis l'existence de la télévision parlementaire, les Sénateurs respectent leur temps de parole. Le prochain intervenant est Paul Girod, rapporteur du texte relatif au statut des sociétés d'économie mixte.

LES SOCIÉTÉS D'ÉCONOMIE MIXTE

M. Paul GIROD, Vice-président du Sénat, Sénateur de l'Aisne

Les SEM constituent un partenariat particulier avec les collectivités locales. Elles correspondent à la cohabitation de la puissance collective territoriale et du milieu économique ou associatif au sein d'une structure juridique unique.

I. Définition de la SEM

Au sein de la SEM, une collectivité territoriale s'associe avec des entités de droit privé pour rendre un service public dans des conditions plus efficaces que la régie directe ou les services locaux gérés par des fonctionnaires.

1. Les avantages


· La souplesse

Dans une instance unique, la SEM regroupe deux expériences différentes : celle des élus et celle des responsables économiques ou associatifs.


· Une meilleure adaptation

Le caractère universel de la loi de 1901 engendrerait certaines difficultés du fait d'une inadaptation à la réalité du terrain. La gestion du dossier corse démontre l'inadaptation de nos réglementations nationales à des cas particuliers. Le mouvement associatif tend à combler ces lacunes issues d'une conception unitariste définie en 1789. Des dispositifs comme le mètre sont nés grâce à ces différentes initiatives, mais nous avons trop agi dans cette direction centralisatrice. Elle engendre des difficultés pour le mouvement associatif et l'existence des SEM.

2. Les dérives constatées

Le démembrement du service public influe sur l'abandon de règles prudentielles minimales. Un minimum de déontologie est nécessaire. Toutefois, ce danger reste mineur vis-à-vis de l'avantage de la coexistence dans la même structure de l'expérience et de la qualité du privé et de l'expérience et de la rigueur du public.

II. L'avenir des SEM

La réforme discutée actuellement comporte des vues divergentes entre le Sénat et l'Assemblée. Cette réforme cherche à changer les minimums de présence du privé et du public dans les SEM. Les Sénateurs souhaitent conserver la règle limitant à 49 % la participation du privé et à 80 % celle du public. Les députés semblent s'orienter vers une participation du public jusqu'à 100 %. Dans ce cas, la SEM perdrait sa dimension mixte et deviendrait un démantèlement à caractère privé comme en Allemagne. Je me méfie à la fois d'un bras séculier privé et d'une participation minoritaire des collectivités locales. Cette voie est possible avec le souhait de l'Assemblée de ménager la présence du public à 34 %. Au contraire, je souhaite une relation dynamique entre le public et le privé. Ces innovations risquent de ne pas être très réfléchies alors que la prudence est nécessaire dans l'esprit des élus quand la judiciarisation permanente de leurs actions les expose davantage.

Naturellement, les associations de type loi de 1901 ne dominent pas dans les SEM. Toutefois, elles représentent une certaine ouverture de l'action des collectivités territoriales correspondant au thème de notre colloque.

Débat avec le Public

Un intervenant

Le Sénateur Alain Gournac a défini d'excellentes propositions. Actuellement, les entreprises bénéficiaires peuvent financer les associations à hauteur de 0,25 %o de leur chiffre d'affaires, ce qui est très peu. Une augmentation hypothétique à 0,25 % généralisée à davantage d'entreprises serait une avancée intéressante. Elle générerait une aide réelle dans le financement des associations car les entreprises sont intéressées par la vivacité et la créativité des associations.

M. Christian DAURIAC

Nous attendrons le retour dans l'hémicycle d'Alain Gournac pour répondre à votre question.

M. Roger VERRET, président d'un centre d'accueil pour toxicomanes

Travaillant dans les Yvelines, je connais très bien les Sénateurs Larcher et Gournac. Je regrette qu'en trente ans d'existence, les élus manquent toujours de reconnaissance pour le travail des bénévoles. Aucun d'entre eux n'est venu les remercier lors d'une assemblée générale. Je souhaiterais leur venue pour saluer ce travail difficile de recevoir quotidiennement des parents de toxicomanes.

M. Gérard LARCHER, Vice-président du Sénat, Sénateur des Yvelines

Il est indéniable qu'un certain nombre d'associations comme celle de Monsieur Verret remplissent une fonction importante dans la vie sociale. Au conseil général des Yvelines dans nos communes, nous ne nous rendons pas souvent aux réunions, mais nous passons des conventions concrètes avec ces associations. Notre collaboration avec plusieurs associations et ce conventionnement préféré parfois au développement de nos services démontre notre reconnaissance des qualités de la vie associative.

Il convient également de définir les parts respectives du partenariat et de l'indépendance. Dans le cadre d'une convention, le problème n'existe pas car l'association reçoit une dotation pour sa prestation. Dans les cas d'expériences sociales, les associations nous apportent un point d'écoute et de rencontre. Elles constituent un facteur du lien social.

La question de l'indépendance se pose avec les associations recevant des subventions et entreprenant un recours en justice contre la collectivité locale, bailleur de la subvention. Nous connaissons ce type de problème avec les associations travaillant dans le domaine de l'environnement et de l'urbanisme. Aussi, je ne suis pas persuadé de l'entière indépendance de ces associations lorsqu'elles financent leurs recours avec le fruit des subventions.

Dans les Yvelines, dont je suis président de l'association des maires, nous finançons des logements sociaux pour lesquels nous sommes déficitaires par rapport aux crédits alloués. Or 50 % de ces logements sociaux font l'objet de recours d'associations agréées au titre de l'urbanisme, subventionnées par les collectivités publiques. Parfois, ces opérations satisfont les collectivités. Le débat est ouvert et paraît complexe entre indépendance et interdépendance, une notion définie par Edgar Faure, un Sénateur célèbre.

M. Francis CHARHON, Directeur général de la Fondation de France

La Fondation de France travaille souvent avec des collectivités locales en soutenant de nombreuses associations implantées localement. Nous observons les difficultés issues du partenariat, telles que la charge inhérente au contrat passé avec la collectivité pour les associations. Si le développement d'un réel partenariat est souhaité, il convient d'égaliser les moyens de chaque partenaire et de s'accorder sur certaines certitudes. Pour les associations, ces certitudes intègrent une augmentation des moyens octroyés par d'autres partenaires que les collectivités ou l'État qui octroient déjà 60 % des subventions des associations.

Pour atteindre cet objectif, il serait intéressant de développer les déductions fiscales en instaurant des critères non-discriminatoires au-delà des 60 % de subventions octroyées à trois causes exclusives. Cette fiscalité moins discriminatoire et généralisée pour les particuliers permettrait qu'ils interviennent dans la vie civile. Ces subsides constitueraient un contrepoids aux subventions publiques. Il est également important de développer le mécénat d'entreprise. Au delà du pourcentage déduit des impôts, nous pourrions fiscaliser les ressources des entreprises en les soumettant à la TVA et en ouvrant un secteur de fiscalité. Les Sénateurs perçoivent-ils le besoin immense des associations de bénéficier d'une certaine souplesse financière et d'une fiscalité plus moderne et plus engagée ? Cette fiscalité modernisée offrirait aux associations la capacité de recevoir des délégations d'intérêt général.

M. Paul GIROD

Nous pourrions rapprocher cette limitation à 0,25 %o du chiffre d'affaires de certaines déclarations récentes sur la survie d'un club de football. Dans cette affaire, une personne physique seule engage des sommes très importantes pour éviter une rétrogradation. Même s'il s'agit d'une société anonyme à objet sportif, ce club représente une association. Les associations modestes peuvent être choquées par cette situation.

En ce qui concerne le statut fiscal, nous sommes confrontés à l'application unilatérale, aveugle et jacobine de notre système de législation. Nous manquons de lois adaptables au-delà des lois ordinaires et organiques qui ne peuvent pas s'appliquer de manière identique dans certains cas. La régionalisation peut représenter ce point de départ. En offrant un avantage fiscal général à des organisations juridiques, certaines les interpréteront à leur avantage et d'autres seront lésées. Néanmoins, en ménageant des capacités d'adaptation régionales au pouvoir réglementaire, les ennuis seront moindres. Nous éviterions également les débats parlementaires stériles pour définir des distances réglementaires de plantation d'arbres qui ne semblent pas du ressort législatif.

POUR UNE DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE

M. Gérard DELFAU, Sénateur de l'Hérault

Je vous remercie. J'interviens fort de mes deux expériences de vingt-quatre années de maire et de diverses présidences d'organismes tels qu'une MAS, un IME, un CESAP, une Maison des entreprises ou un Comité de bassin d'emploi dont j'ai assumé la présidence nationale pendant dix ans. Ces deux types d'implication se révèlent indispensables et consubstantiels à la société d'aujourd'hui.

I. Un cheminement partagé

1. Des idées très ancrées

La Révolution de 1848 nous a appris qu'outre le marché, le secteur privé, l'entreprise et l'État, la société civile doit pouvoir assumer librement certaines missions d'intérêt général : des domaines du loisir sportif à l'accueil des toxicomanes. Les coopératives, les mutuelles et les syndicats issus de 1848 ont précédé la législation sur les associations qui correspond à un ultime prolongement. Notre société actuelle n'a pas pris conscience de l'importance du cheminement mitoyen et autonome de la puissance publique, les collectivités publiques et l'État, et du secteur associatif. Nous sommes au début d'un chemin, nécessaire à parcourir pour rendre notre société plus citoyenne et démocratique et pour qu'elle agisse sur l'épanouissement des individus.

Contrairement aux propos de Gérard Larcher, aucune limitation au droit associatif ne peut exister. Le recours d'une association agréée et financée par une collectivité locale contre cette dernière correspond à l'esprit de la loi du 1er juillet 1901.

2. Un refus de l'instrumentalisation

Les associations ne constituent pas des relais des collectivités locales. Aussi, nous nous accordons sur le refus de toute instrumentalisation des associations. Pour cela, il est nécessaire de faire disparaître les services para-administratifs en rénovant les régies directes ou en créant de nouvelles structures telles que les SEM. De même, le para-commercial doit être poursuivi par la loi et la justice. Dans le cas contraire, notre travail est vain. Pendant que nous bâtissons une société plus solidaire et plus juste, d'autres se servent de cet idéal pour réaliser des bénéfices.

II. Les contrats d'objectifs

1. Leur nécessité

Le secteur associatif ne peut pas néanmoins évoluer indépendamment des règles d'organisation sociale. Le "contrat d'objectif", que je préfère au conventionnement, est aujourd'hui essentiel pour équilibrer les rapports entre collectivité locale, financement accordé et association. Ce conventionnement concerne l'ensemble des associations quelle que soit leur taille et peut éviter certains problèmes.

Ainsi, j'ai voté une subvention municipale importante par rapport au budget communal modeste à une association qui s'est défaite. Elle s'est trouvée en situation de faillite. Comment agir dans une telle situation étant responsable pénalement de l'utilisation des deniers publics ? Nous devons réfléchir aux issues possibles dans de tels cas qui remettent en cause l'organisation démocratique.

2. Des moyens supplémentaires

Le directeur de la Fondation de France, dont je salue le travail, le rappelait : il est primordial d'octroyer des moyens supplémentaires en termes de réflexion, d'expertise et de soutien au monde associatif. Les importantes fédérations doivent redevenir des structures d'animation au-delà de leurs anciennes dérives pour progresser dans ce sens. Il importe également de savoir comment concilier l'autonomie, l'indépendance totale du secteur associatif et le suivi de l'utilisation des fonds publics.

III. Quelle articulation entre démocratie participative et représentative ?

La réponse à cette question passe-t-elle par des conseils de quartiers ? En effet, si la démocratie de proximité se limite à ce conseil municipal bis, l'objectif n'est pas atteint. Même si le poids du suffrage universel doit rester dominant, il importe d'égaliser les rapports entre partenaires pour qu'élus et associations préparent ensemble les décisions. L'assemblée élue valide ensuite ces décisions et les trois partenaires les appliquent ensemble et en assurent le suivi.

Ce cheminement correspond à une conception démocratique ne se limitant pas à l'élection. I1 s'agit d'une démocratie exigeante au quotidien où chacun participe. Ce type de mesure existe déjà avec les commissions élaborant le prix de l'eau dans lesquelles des associations collaborent. A cette image, je milite pour l'utilisation croissante des commissions extra-municipales dans lesquelles les associations ont une place prépondérante. Le Sénat nous a offert la possibilité d'évoquer ensemble ces projets intéressants qui représentent la clé de la société de demain. Je vous remercie.

M. Christian DAURIAC

Merci de nous faire partager votre passion. Bernard Murât évoque le thème des associations sportives.

LES ASSOCIATIONS SPORTIVES

M. Bernard MURAT, Sénateur de la Corrèze

Comme plusieurs intervenants ont eu l'occasion de le dire ce matin, les associations sont des acteurs incontournables de la vie locale. Dans le domaine du sport, qui sera le pivot de mon intervention, le phénomène associatif est particulièrement implanté, sans doute le plus diversifié et le plus vivace.

Dans le cadre de la politique de la ville, le sport est un moyen privilégié pour instaurer un sentiment d'appartenance à une communauté, pour intégrer les jeunes en difficulté ou faire disparaître la fracture sociale.

C'est dire si la relation qui s'établira entre la collectivité locale et les associations revêt une grande importance.

Attitude des communes face aux associations sportives

En matière de sport, j'estime qu'il ne doit pas y avoir de débat entre petites et grandes associations sportives.

Le débat entre sport pour tous et sport d'élite ne doit pas avoir cours. L'un est complémentaire de l'autre, l'un est issu de l'autre.

Les trois étages de la pyramide sportive, c'est à dire les associations de sport pour tous, d'élite amateur et d'élite professionnelle, participent d'une même politique tout en exigeant une approche différente mais complémentaire.

Or, trop souvent les collectivités ne participent à la vie des associations qu'au travers du versement de subventions. Une telle démarche, même si elle est nécessaire, ne permet pas la mise en place d'un véritable partenariat au service de la politique sportive d'un territoire. Une telle démarche ne permet pas aux collectivités d'élaborer une stratégie en lien avec la politique de la ville.

De la commune « bailleur de fonds » au partenariat : les conventions d'objectifs.

Toutefois, on peut constater que les collectivités locales élaborent de nouvelles formes de partenariat avec les clubs sportifs.

En effet, de plus en plus souvent, le concept de « contrat d'objectifs » remplace celui de « subvention ».

La notion de contrat responsabilise beaucoup plus les associations qui doivent alors tout mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs qui leur sont assignés. Je pense, notamment, aux objectifs de résultats sportifs, d'animation, de formation, ou encore, d'insertion des jeunes et des publics en difficulté. Avec cette contractualisation, la collectivité locale apparaît plus comme un partenaire que comme un simple « bailleur de fonds ».

Cas de Brive-la-Gaillarde

Ainsi, dans ma commune de Brive-la-Gaillarde, j'ai décidé de contractualiser les relations entre les principaux clubs sportifs et la commune afin de modifier la philosophie de notre relation.

Pour faire du « sur-mesure », j'ai mis en place de nouveaux outils. Outre une politique de subventions diversifiées en faveur de tous les clubs à la base, j'ai créé un Passe-sports pour insérer les jeunes en difficulté dans les clubs en finançant leurs coûts d'adhésion. Par ailleurs, nous avons élaboré des contrats d'objectifs avec 17 clubs de l'élite amateur et professionnelle, ainsi que des contrats clubs formateurs avec 20 clubs formateurs.

Ces conventions d'objectifs ont permis aux clubs sportifs de s'étoffer et de progresser dans leurs performances sportives. Ainsi, grâce à la première génération des contrats d'objectifs, le club de judo de Brive-la-Gaillarde est devenu l'un des 20 meilleurs clubs français.

De même, grâce aux contrats d'objectifs, le Lac du Causse a pu être aménagé, ce qui a permis que le site de Brive-la-Gaillarde reçoive les Championnats de France de bateaux courts, ainsi que la Coupe d'Europe d'aviron.

Le seconde génération de contrats d'objectifs, c'est-à-dire ceux pour la période 2001-2004, vise, par exemple, à l'organisation, en 2004, des Championnats du Monde universitaires d'aviron à Brive-la-Gaillarde, mais aussi à l'envoi de brivistes aux Jeux Olympiques d'Athènes, en 2004.

Enfin, ces conventions assurent une plus grande transparence. En effet, la mise en oeuvre des contrats d'objectifs instaure une règle du jeu qui conjugue tout à la fois sagesse et efficacité dans l'utilisation des fonds publics.

Par exemple, dès la saison 2001-2002, un nouveau cadre juridique va être instauré entre le CAB et la ville pour définir les règles d'occupation et d'exploitation du stadium, notamment les loges, les tribunes et les emplacements publicitaires.

Il s'agit de créer une redevance pour équilibrer la relation juridique et financière entre la ville, d'une part, qui est propriétaire des installations et qui a la charge de son entretien, et le club, d'autre part, qui tire des revenus du stadium municipal. Et, je tiens à préciser que cette réforme majeure des relations entre le CAB et la ville de Brive-la-Gaillarde constitue une première dans le rugby professionnel en France.

Ainsi, les associations sportives deviennent de réels partenaires de la commune de Brive-la-Gaillarde.

En effet, en matière de politique sportive, je ne souhaite pas cantonner les associations au rôle de relais de la commune, au sens de suppléant ou d'intermédiaire. A mon sens, la commune ne peut et ne doit pas se décharger sur le tissu associatif dans l'élaboration de la politique sportive. Bien au contraire, grâce aux conventions d'objectifs, les associations deviennent les partenaires privilégiés de la commune étant donné qu'elles sont pleinement associées à la définition de la politique sportive et donc à la politique de la ville.

Toutefois, si l'on veut améliorer, de façon encore plus pérenne, le partenariat entre les collectivités et les associations sportives, il est nécessaire de clarifier la répartition des compétences entre les principaux acteurs.

Clarification des compétences entre les principaux acteurs du sport

Le sport est l'un des rares domaines qui ne fasse l'objet d'aucun article dans les différentes lois de décentralisation.

Par ailleurs, il est regrettable que la loi sport du 16 juillet 1984, et ses diverses modifications, n'aient jamais été l'occasion d'éclaircir les responsabilités des acteurs locaux dans le domaine sportif.

Conclusion

En tout état de cause, au moment où nous célébrons le centenaire de la loi de 1901, nul ne peut contester, et moi le premier, ses apports à notre organisation sociale,

Ceci ne se limite pas au monde sportif, mais concerne l'ensemble des secteurs de notre société. Grâce à ses principes d'auto-organisation et de liberté d'expression, la loi de 1901 a renforcé notre République, permis de répondre à de nombreux besoins qui ne pouvaient pas être pris en charge par les pouvoirs publics,

A nous de l'adapter aux nouveaux défis du XXI ème siècle.

A nous de préserver la liberté qui caractérise la vie associative. Même si l'on se doit de renforcer leur transparence financière, nous ne devons à aucun prix fonctionnariser les associations.

A nous de rendre le tissu associatif toujours plus vivace et plus actif. Or, le manque de temps et le coût financier d'une activité bénévole freinent considérablement la participation à la vie associative.

Aussi, comme d'autres parlementaires, je suis en train de réfléchir à l'instauration d'un véritable « statut du bénévole », afin que notre société puisse compter, en son sein, des femmes et des hommes toujours plus nombreux, mieux formés, mieux protégés et, surtout, pouvant bénéficier de véritables crédits d'heures pour être plus disponibles.

Enfin, je souhaite préciser que tous les maires souhaitent qu'une clarification soit rapidement faite sur les rapports des associations et des collectivités afin de ne pas être mis en cause par les chambres régionales des comptes, par manque de lisibilité de la loi, alors que les maires pensent agir de bonne foi.

Je vous remercie de votre attention.

LES VOIES DU PARTENARIAT

M. Marc de MONTALEMBERT, Président du Centre d'étude, de documentation, d'information et d'action sociale (CEDIAS)

Le CEDIAS-Musée Social est une Fondation reconnue d'utilité publique depuis 1894 -je suis un vieux centenaire qui vient féliciter une très jeune centenaire - et qui étudie tout ce qui concerne ce qu'on appelle "la question sociale" hier et aujourd'hui. Sous la IIIe République, on disait du Musée Social qu'il était l'antichambre de la Chambre, parce que nombre de lois sociales ont été en partie élaborées et débattues dans notre maison. C'est parfois encore le cas aujourd'hui.

En tant qu'enseignant, je forme des étudiants qui occuperont des fonctions de responsables dans les associations sanitaires et sociales et surtout dans les fonctions publique, hospitalière et territoriale.

Notre débat a pour titre : "L'Association relais ou partenaire des collectivités locales". C'est un titre choc qui semble imposer le terme partenaire pour éviter celui de relais qui fait un peu « supplétif ».

En bon universitaire, j'ai cherché le "Robert" pour vérifier le sens des mots :


· Relais - 1549 : chiens postés sur le parcours d'une chasse pour remplacer les chiens fatigués. Utilisé ensuite pour les chevaux, puis la course à pied - passe ensuite au monde du travail. Au sens technique : dispositif permettant à une énergie relativement faible de déclencher une énergie plus forte. Finalement, ce n'est pas si mal d'être un relais.


· Partenaire - 1781 : personne avec laquelle on est allié contre d'autres joueurs - puis partenaires pour la danse - partenaire pour des relations sexuelles - ça ne cadrait pas très bien... -heureusement, la définition du partenariat est rassurante : association d'entreprises, d'institutions en vue de mener une action commune.

Première réflexion donc : les mots employés n'ont pas forcement leur sens premier.

Deuxième réflexion : je ne veux pas rompre le consensus manifesté depuis ce matin, par conséquent je ne dirais pas :

Qu'il existe aussi des associations étranges, courroies de transmission, d'idéologie politique ou de structures au service des intérêts de certains ; des associations dont les objectifs et les comptes ne sont pas au-dessus de tout soupçon.

- Que certains mettent en place des associations "faux nez" des collectivités territoriales ou de la puissance publique pour tourner certaines lourdeurs ou lenteurs administratives ou de gestion, voire à finalité purement électoraliste.

- Que le fait de présider une association ne vous investit pas d'une légitimité semblable à celle d'un élu politique et que la rétribution symbolique des dirigeants d'associations n'est pas nulle.

- Ou encore que la légitimité représentative issue du suffrage universel doit accepter deux autres légitimités, une participative et une sociale (encore faut-il que, dans ces derniers cas, les mandats soient régulièrement renouvelés).

Mais les deux questions essentielles sont les suivantes :

- Pourquoi les associations et les collectivités territoriales travaillent-elles beaucoup plus ensemble qu'il y a une trentaine d'années ?

- Peut-on améliorer ces relations ?

Pourquoi ?


· Le rapport au temps a changé : on parle maintenant de temps réel, d'urgence ; on veut être servi tout de suite, reçu immédiatement, avoir une réponse dans l'heure. Les administrations qui ont une temporalité différente peinent à satisfaire cette exigence. C'est souvent dans cet espace que les associations se sont glissées et qu'elles tissent du lien social.


· Le rapport à l'espace a changé. Il y a encore peu tout était simple : la commune, le canton, le département, la région, l'État, l'Europe. Aujourd'hui on est proxi-mondial - local et mondial -en plus on appartient à une agglomération ou à un pays qui, eux-mêmes, sont inter ou en réseaux - on est branché sur des flux - les séparations classiques elles-mêmes deviennent plus floues - le privé se publicise et le public se privatise - le politique s'associe et réciproquement.


· Avec la montée de l'individualisme, le rapport à l'être humain a changé. Tous les grands textes de loi mettent l'usager citoyen au coeur des dispositifs et des institutions. Jean-Paul Delevoye, dans le rapport qu'il a dirigé il y a trois ans, montrait bien la demande de corps intermédiaires à l'égard des collectivités territoriales, sans que cela porte atteinte aux principes républicains d'égalité de tous devant la loi - et bien des associations font partie de ces corps intermédiaires nécessaires.


· Enfin, le recul de l'État Providence - la fin du modèle fordiste des Trente Glorieuses - la mondialisation et la décentralisation ont entraîné une implication plus forte des pouvoirs locaux dans la prise d'initiatives. Mais ni l'État, qui doit impérativement selon moi garder son rôle d'instituteur du social - pour reprendre la belle expression de Pierre Rosanvallon - ni les collectivités locales ne peuvent seules exprimer l'intérêt général qu'ils sont chargés de garantir. Si la décentralisation a développé une nouvelle répartition des compétences, elle n'a rien dit de celles réservées aux citoyens et aux associations. C'est une démarche difficile, mais qui mériterait d'être approfondie.

Toujours est-il que leur champ d'intervention s'élargissant, les collectivités locales rencontrent de plus en plus souvent les associations - certes souvent d'intérêt particulier - mais aussi porteuses d'intérêt général. Il ne faut pas oublier que les associations ne se contentent pas de révéler, ou de commencer à satisfaire la demande sociale ; elles permettent aux personnes d'être coauteurs d'un projet collectif, d'avoir une fonction créatrice de lien sociale ; elles ouvrent des espaces sociaux qui ne sont pas directement de l'économie marchande ou non marchande (je ne crois guère à l'entreprise citoyenne, mais toute association se doit d'être citoyenne et solidaire). L'association peut et devrait être un des lieux privilégiés de la formation des citoyens. C'est la formation permanente de la démocratie par sa pratique de la participation, de l'apprentissage de la responsabilité et de la découverte de l'intérêt général.

C'est pour cela qu'il ne faut pas que les associations les plus dynamiques soient instrumentalisées par les collectivités locales, sous prétexte qu'elles seraient un relais commode pour innover, organiser, mobiliser. Je crains que la conception des collectivités locales ne soit parfois du type :

- les associations peuvent être ou seront de bons auxiliaires (acteurs de complément ou figurants disait quelqu'un ce matin) de notre politique ;

- ou encore plus radical, association externalisation de mon action ou sphère d'influence à cultiver et à inventer.

Si ce devait être cela, alors les associations auraient tout à craindre du local.

Comment ?

Alors comment faire pour créer les conditions d'un partenariat souhaitable et souhaité ?

Partenariat sous entend une voie contractuelle négociée, une installation dans la durée et la transparence d'engagements qui doivent être validés et contrôlés. Le partenariat, ce n'est pas l'arbitraire dans les décisions, la rupture inopinée des engagements ou la captation des objectifs de l'association.

C'est pourquoi je soutiens la charte d'engagements réciproques qui va être signée dimanche à Matignon, parce qu'elle est fondée sur la confiance réciproque et le respect de l'indépendance des associations, et ce que je suggère, c'est que ce qui se décide entre l'État et les coordinations associatives soit transposé au niveau des collectivités territoriales.

Mais il me semble que le tableau présenté ce matin par la Sofres est un peu idyllique. Il y a en réalité attirance mais aussi résistance, vis-à-vis du local dans les associations. La proximité enrichit un projet qui peut ainsi plus facilement se développer, être mieux réalisé, multiplié, pérennisé, mais la culture de projet et d'évaluation nécessaire n'est pas encore acquise dans bon nombre d'associations. Cependant la proximité peut donner un caractère partisan, voire brouiller les différences, le risque d'instrumentalisation ou de récupération politique existe plus fortement qu'avec la puissance publique, forcément plus éloignée.

D'une certaine manière, nous pourrions utiliser l'exemple de ce qui s'est passé à partir de 1986, lors de la décentralisation de l'aide sociale, les relations de méfiance, voire de franche hostilité, étaient nombreuses entre les élus, les travailleurs sociaux et les institutions sanitaires et sociales. Il n'est que de relire des ouvrages comme « Le grand bazar de la charité » ou « Associations lucratives sans but » . Progressivement, sont apparus une meilleure connaissance réciproque de la spécificité de chacun, des conventions d'objectifs, un apprentissage mutuel de l'intérêt général, des mises en réseaux, un vrai travail de partenariat où chacun accepte de ne pas être le seul à détenir la vérité et/ou le pouvoir voire la légitimité. Ayant été un des acteurs de ces dispositifs, je sais que tout est souvent à renégocier, mais en quinze ans on a appris à travailler ensemble et à s'estimer.

Donnons-nous quinze ans pour transformer le partenariat entre associations et collectivités. Prenons ce temps pour le mettre au point et le faire vivre.


· Commençons par nous faire confiance, fixons les objectifs, définissons ensemble les engagements pris et les financements accordés ;


· acceptons l'idée que les associations exercent une fonction critique indispensable au fonctionnement de la démocratie ;


· réciproquement, du côté associatif, apprenons à travailler avec des objectifs et à évaluer les résultats. Jean-Claude Sandrier vient de rendre à Claude Bartolone un rapport sur les associations oeuvrant pour la politique de la ville qui pourrait utilement servir de réservoir à idées.

Un mot pour finir. Depuis ce matin on parle de crise du bénévolat. Je n'y crois pas du tout. Que les formes du bénévolat soient en train de changer et que nous ayons du mal à les observer selon nos critères habituels, met en cause non pas une chute du bénévolat mais une difficulté de création d'indicateurs pour l'observation sociale. On travaille encore trop peu le champ associatif, il serait intéressant d'appuyer et de conforter ceux, encore trop peu nombreux, qui s'y sont attelés.

CULTURE POLITIQUE ET DÉMOCRATIE

M. Jean-Baptiste de FOUCAULD, Président de Solidarités nouvelles face au Chômage

L'association Solidarités nouvelles face au Chômage aide des citoyens ordinaires à se regrouper pour partager du temps et des revenus et accompagner des demandeurs d'emploi en difficulté en leur fabriquant un emploi. En subventionnant cet emploi, l'association leur offre une activité, un revenu et un lien social.

I. Une crise sociale et politique

Cette table ronde a défini des orientations intéressantes concernant les souhaits de partenariats solides et de méthodes permettant la transparence par le biais du contrat. Malgré tout, notre débat se déroule sur un fond de crise politique et sociale important. Face à la montée en puissance de l'économie, devant laquelle le politique ne peut pas réagir et la société s'atomise, un discours consensuel et favorable à l'associatif risque de devenir un discours de type "bouée de sauvetage" du politique en crise. Il est nécessaire d'améliorer l'équilibre existant entre élus locaux et associations. Pour cela, il importe de progresser en termes de culture politique, plus adaptée à notre société. Les liens établis entre secteurs associatifs et élus locaux permettent une gestion de la crise, mais pas sa résolution ni sa transformation.

II. Les trois types de cultures politiques

1. La culture de la résistance

Elle correspond à une culture critique et de la contestation. Elle reste fondamentalement nécessaire, car même si elle est brutale et sans nuance, elle déclenche les prises de conscience.

2. La culture de la régulation

Pour cette culture, nous travaillons dans le temps et nous instaurons de nouvelles règles du jeu. Elle est fondamentale car elle universalise les droits et les devoirs. Néanmoins, elle demeure toujours imparfaite et reste à améliorer. Elle déçoit par ses actions complexes, même si elle correspond à la base de la société.

3. La culture de l'utopie

Cette culture du changement et de l'idéal d'un monde meilleur a été polluée par des idéologies totalitaires, mais elle ne doit pas être oubliée. Le but de l'homme est toujours de dépasser la condition humaine et de la transformer.

III. Une nécessaire mise en commun

Ces trois cultures restent en jachère dans notre société et semblent antagoniques alors qu'elles sont profondément complémentaires. Pour évoluer, il convient de travailler simultanément sur ces trois cultures et de dépasser la pensée et l'attitude borgne consistant à observer uniquement son créneau. La vie associative et la vie locale doivent se consulter sur ce point. En effet, les associations évoluent dans la culture de la résistance et de l'utopie d'où elles tirent leur force et leur grandeur. Les élus locaux fonctionnent davantage sur des régulations, même s'ils ont besoin de résister à des mouvements de société et de nourrir l'utopie sans pouvoir la créer eux-mêmes. Parallèlement, la vie associative ne doit pas uniquement aider les individus, mais elle doit également créer de nouvelles règles du jeu.

L'enjeu actuel est de favoriser le développement humain. Or, cela implique une participation possible de chacun à la société grâce au travail et à l'action sociale. Chacun doit pouvoir s'intégrer dans le lien social, ce qui n'est pas le cas actuellement. Chacun doit également pouvoir donner de l'identité à sa personne et du sens à sa vie. La vie associative est davantage capable de produire du sens, du lien social et de la participation que n'importe quel autre partenaire tel que l'entreprise ou la politique. L'association ne semble pas suffisamment consciente de ce rôle et ne s'en montre pas toujours digne.

Nous devons accepter d'être confrontés à des transformations culturelles et gestionnaires nécessaires. A cette condition, nous ferons progresser la démocratie représentative, la démocratie participative en lien avec la première et la démocratie sociale sans laquelle la première et la seconde ne valent rien.

Débat avec le public

M. Jacques CHEMOUL, Association ARGI

Notre association basée à Neuilly-sur-Marne prend une initiative citoyenne pour que les habitants de la ville s'approprient l'outil Internet en relation avec les acteurs socio-économiques de la ville. Ce principe a été retenu au Festival de la Ville et par le secrétariat d'État à l'Économie sociale et solidaire. Malgré une mobilisation importante, nous sommes confrontés à un problème local de financement : le Sénateur-maire n'encourage pas notre action.

Que faire quand des subventions nous sont accordées par le département et qu'elles sont bloquées par la ville ? Que faire lorsque les fonds permettant la pérennisation de l'association sont refusés systématiquement ?

M. Gérard DELFAU

Seul le suffrage universel résoudra ce conflit. Il s'agit d'une dimension primordiale, car dans le cas contraire, cela signifierait la présence d'une tutelle d'un secteur sur l'autre.

M. Léon DUJARDIN, Président du Réseau européen d'action sociale

Le Réseau européen d'action sociale a signé la Charte ratifiée le 1er juillet par le Premier ministre. Lorsqu'un partenariat avec des élus est envisagé, ne devons-nous pas intégrer la réalité de l'association ? Il s'agit de dépasser le strict aspect des finances en intégrant le temps consacré par les bénévoles grâce à un outil capable de l'évaluer. La loi relative à la générosité du public imposait la présence d'annexés. En tant que trésorier du Secours populaire, je travaille dans cette voie. Les élus et les institutions doivent également participer à cette évaluation car ce temps offert représente un certain poids économique.

M. Bernard MURAT

Nous cherchons avec Alain Gournac à instaurer un véritable statut du bénévole. Le don du temps ayant un prix, il est nécessaire de l'évaluer pour l'association et pour l'économie en travaillant dans la philosophie du monde syndical. Un bénévole associatif est aussi utile à la société qu'un représentant syndical.

M. Alain QUEDILLAC, membre du Groupe 27

Nous avons réuni cinq cents associations depuis dix ans pour sauvegarder le couvent des Récollets à Paris construit au XVIIème siècle par l'architecte du Sénat et l'unique jardin public du Xème arrondissement. Après de nombreuses opérations de déstabilisation, ces deux lieux sont sauvegardés. Notre projet était de créer une maison des associations liée au sauvetage des patrimoines naturels et culturels dans le monde, à l'interaction entre le local et le global, aux nouvelles solidarités et au développement durable.

Les élus prônent la délégation de service public indispensable et un refus de l'instrumentalisation. Or, les acteurs du sauvetage du couvent ont été évacués de l'opération au profit d'associations "faux-nez". Les déclarations actuelles ne correspondent pas à la réalité du terrain.

M. Gérard LARCHER

Nous avons discuté récemment une proposition de loi présentée par Ivan Renar sur l'établissement public culturel. Elle clarifiera les rapports et l'utilisation des fonds car nous ne pouvons pas poursuivre la gestion de fonds importants sans jouir des structures adéquates. Aujourd'hui, il est nécessaire d'inventer une structure dans laquelle se conjuguent une rigueur de gestion et la possibilité de la diversité d'expression.

DEUXIÈME DÉBAT - LES ENJEUX ÉCONOMIQUES DU SECTEUR ASSOCIATIF

LES ASSOCIATIONS DANS LES BUDGETS LOCAUX

M. Jean-Pierre GASTINEL, Président de la Chambre régionale des comptes du Nord-Pas-de-Calais

Merci. Une remarque liminaire : je n'évoquerai pas ici les associations « faux-nez », car seule une minorité d'associations agissent ainsi et ces entités n'ont d'association que le nom ; il importe donc de les écarter de notre débat. Ce thème de la place des associations dans les budgets locaux est complexe. En effet, l'approche globale des relations entre association et collectivité est délicate et leur développement constant exige l'attention constante des autorités locales du fait des risques importants.

I. Une approche globale difficile

Mon propos va du plus simple au plus complexe.

1. La définition de l'association

D'autres intervenants l'ont déjà évoqué. Je n'y reviendrai pas, sauf pour signaler que ce terme recouvre des formes de groupements dont la dimension, le champ d'activité et les modes de gestion sont très variés, certains étant de véritables entreprises, même si elle s'en distingue par l'interdiction de réaliser des profits distribuables

2. Les budgets locaux

Il faut entendre ici les budgets des régions, départements et communes, mais également de leurs groupements comme les syndicats intercommunaux : communautés urbaines, d'agglomération, de ville ou de pays. Ajoutons que les établissements publics locaux tels que les caisses des écoles, les lycées, les collèges et les hôpitaux entretiennent des relations comparables avec les associations. Ce phénomène est donc très vaste dépassant celui traditionnel de la subvention communale à une association organisatrice d'un concours de pêche à la ligne.

3. La place de l'association dans les budgets locaux

Il convient de définir la forme prise par la participation du budget local au financement de l'association.

a la subvention

Elle correspond au concours accordé par la collectivité publique à une association pour l'accomplissement de sa mission. Elle tend à devenir le mode de financement minoritaire, sinon en nombre, au moins en masse

b. Le prix de la prestation

L'association perçoit de la collectivité une rémunération correspondant à la contrepartie du service qu'elle rend. Le prix de journée pour les séjours dans des établissements gérés par des associations, payé par les départements, représente la forme la plus connue.

c. La délégation de service public

Par cette action, la collectivité locale délègue à une association le soin de gérer un service public. Naturellement, l'association n'émarge plus au budget de la commune, mais elle perçoit un financement provenant au moins indirectement de celle-ci

Cette diversité rend impossible de déterminer le montant des sommes que les collectivités locales octroient aux associations. Pourtant, toutes les études démontrent une augmentation constante de cette participation.

II. Un développement permanent, nécessaire, mais risqué

1. Un développement continu et nécessaire

D'une part, l'association constitue une école de démocratie et une forme de citoyenneté et de solidarité dont l'importance est croissante.

D'autre part, les collectivités publiques sont parfois moins bien placées pour effectuer directement certaines missions que les associations, mais celles-ci n'ont pas les fonds nécessaires. Par conséquent, la coopération financière entre collectivités locales et associations est devenue indispensable.

Enfin les secteurs concernés sont de plus en plus nombreux : aux activités culturelles, sportives, s'ajoutent les actions sociales et éducatives dont le coût financier est considérable.

2. Les risques encourus

Ces risques spécifiques aux relations entre collectivités locales et associations peuvent être regroupés autour de trois thèmes :

a. La fragilité financière des associations

Faute de fonds propres, les associations sont fragiles, ce qui peut entraîner leurs partenaires dans des situations délicates. Ainsi, pour pallier cette absence de fonds, les associations contractent parfois des emprunts en sollicitant la garantie de la collectivité publique. En cas d'impossibilité de rembourser, cette dernière est contrainte de se substituer à l'association. Or, faute d'actifs suffisants de celle-ci, lors de l'octroi de la garantie, la collectivité n'a obtenu aucune sûreté. L'opération se traduit alors par une perte sèche.

Plus grave : si la collectivité locale poursuit son aide au-delà de la garantie, elle peut être poursuivie pour soutien abusif. De même, lorsqu'une association est acculée à la faillite, il est arrivé que le juge des prud'hommes considère que l'employeur réel est la collectivité, si l'association vit exclusivement d'argent public et les dépenses de personnels sont alors mis à la charge de la collectivité.

Cette fragilité se traduit parfois par la volonté d'aider l'association à assurer sa trésorerie. Il paraît normal que l'association ne soit pas victime de retards dans le règlement des aides ou des prestations. Toutefois, l'aide ne doit pas conduire à une violation de la loi. Il peut paraître légitime de favoriser une association, mais de faveur à favoritisme, il existe un pas qu'il convient de ne pas franchir.

b. L'approche commune des problèmes

Lorsqu'une collectivité traite avec une entreprise, l'intervention de cette dernière repose sur la volonté de développer son activité ou ses profits. La vigilance est alors, je dirais, naturelle ; elle s'émousse si la collectivité traite avec une association dont les préoccupations sont voisines des siennes : intérêt général, dévouement au public et absence de but lucratif. Au risque financier et pénal inhérent, j'ajouterai le risque politique de suspicion qui s'accroît avec la taille de l'association et avec l'origine publique des fonds qu'elle gère.

Un exemple : il y a six ans, les dénonciations calomnieuses et anonymes reçues par un président de CRC portaient sur la construction de la maison du maire par les employés communaux ou des entreprises travaillant pour la commune ; aujourd'hui, elles stigmatisent les subventions aux associations employant les membres de la famille d'un élu.

c. le professionnalisme

Les dirigeants des associations ne disposent pas tous de la formation et des compétences requises pour satisfaire au dialogue financier et comptable avec les élus locaux.

Cet ensemble de risques accroît la nécessité du contrôle. Sans insister sur ce point, je tiens à souligner qu'en ce domaine la législation me paraît suffisamment protectrice pour les collectivités locales ; encore faut-il que celles-ci utilisent les instruments d'information pour assurer la transparence et la clarté. Je vous remercie.

LES ASSOCIATIONS DANS LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE LOCAL

M. Philippe RICHERT, Sénateur du Bas-Rhin

Je partage cette vision d'une législation en vigueur suffisante. Par ailleurs, en tant que parlementaire, je fête ce centenaire, mais je me trouve dans une situation particulière étant alsacien. En effet, la loi de 1901 des associations ne s'applique pas en Alsace-Moselle dont le statut local des associations est issu de la loi de 1908. Il présente quelques particularités intéressantes qu'il conviendrait d'observer et éventuellement de développer sur le reste du territoire national.

I. Le poids économique des associations

La loi de 1901 a offert le droit aux citoyens de s'organiser ensemble pour développer un projet et une action commune sans contrôle de l'administration. Les seules conditions sont le désintéressement et la conformité aux lois. A l'origine aucun statut n'était prévu pour générer ou encourager le développement économique et la force économique des associations n'était pas prévue par les législateurs. De plus, la non-lucrativité renvoie à une gestion désintéressée alors que les activités associatives peuvent générer des flux financiers considérables.

1. Les chiffres

Il existe en France 880 000 associations actives et vivantes réalisant un budget cumulé estimé à 308 milliards de francs, soit 3,7 % du PIB. Elles occupent environ 1,65 million de personnes soit 907 000 équivalents temps plein et 716 000 temps plein de bénévoles et 127 000 emplois salariés mis à disposition par d'autres organismes.

2. Des différences de tailles

La comparaison entre les fonctionnements des ASSEDIC, d'une régie de quartier ou d'une association sportive ou culturelle est pertinente pour souligner les différences et la complexité de leurs fonctionnements. Sur 880 000 associations actives, 735 000 ne comptent que des bénévoles et disposent de petits budgets essentiellement alimentés par les cotisations et par des recettes d'activité. 680 000 gèrent un budget inférieur à 100 000 francs.

76 % des associations réalisent 4 % du budget total et perçoivent 1 % des financements publics. A l'opposé, 6 % des associations réalisent 82 % du budget total et bénéficient de 91 % des financements publics. Du fait de modes de fonctionnement différents, il existe deux mondes dans le paysage associatif.

3. Des secteurs multiples

Les secteurs des sports, de la culture, des loisirs, de l'éducation populaire, du tourisme social et de la défense d'opinion représentent 77 % des associations, mais seulement 33 % du budget généré. Les secteurs de l'action sociale, de la santé, de l'éducation, de la formation et de l'insertion représentent 16 % du nombre, mais 58 % du budget. Les financements publics divergent également selon les associations.

II. Quelle approche développer ?

1. Historique

Initialement, l'objectif de la loi a profité aux oeuvres charitables et a entraîné la reprise d'une partie des actions gérées par les différentes églises. Puis, le développement des associations d'éducation populaire, les colonies de vacances et les activités périscolaires, sportives et culturelles ont répondu aux attentes de la population en se légitimant par cette liberté d'initiative personnelle, contractuelle, gratuite et civique.

Depuis les années quatre-vingt, les lois de décentralisation ont multiplié et accéléré la participation des associations aux services publics en concurrençant le privé. Certains phénomènes habituellement publics sont apparus : multiplication des délégations dans le secteur social ; lutte contre l'exclusion ; création d'emplois et de services publics de proximité.

2. Des interventions tous secteurs ?

Impuissant face aux problèmes du chômage, de l'exclusion ou des dérapages violents des villes, nous avons favorisé des réponses associatives dans le secteur de l'économie solidaire. Or, ces réponses ne sont pas obligatoirement adaptées aux règles et contraintes des domaines investis. Même si elles s'adaptent à un travail préventif local, nous pouvons nous interroger sur leur capacité à suppléer la police dans le maintien de la tranquillité publique. Si l'association constitue un excellent support pour développer des actions dans les domaines du social, de la santé ou de l'aide humanitaire, elle a révélé ses limites dans les scandales des fondations et dans le caritatif médiatique. Si l'association accomplit parfaitement les actions d'accompagnement du développement économique, peut-elle assumer seule cette tâche ?

Les élus doivent répondre à ce type de questions dont les réponses se formaliseront dans des partenariats respectueux de l'identité de chaque partenaire. Ainsi, j'ai vécu de nombreux conflits avec des associations de défense de l'environnement avec qui nous travaillons, mais qui demeurent militantes. Ces champs de conflits potentiels nous amènent à nous repositionner pour l'avenir.

III. L'avenir

Nous devons nous engager sur quatre points :


· Un soutien aux nombreuses petites structures représentant un poids important et une sphère unique où fleurit l'initiative citoyenne.


· Une aide à l'accroissement de la transparence en recherchant des partenariats confiants dans lesquels chaque acteur respecte la démarche de l'autre sans renier son sens critique, sa légitimité et ses actions spécifiques.


· Une attention particulière aux éventuelles modifications de la loi pour ne pas la dénaturer. Si des adaptations sont nécessaires, la loi reste adaptée au plus grand nombre et doit poursuivre sa mission de progrès social.


· Une exigence de transparence et d'application des règles fiscales. Toutefois, en demandant davantage de formalisme, nous obtenons davantage d'introspections. Elles génèrent un encadrement des libertés associatives représentant l'une des richesses les plus importantes.

Je vous remercie.

TABLE RONDE FINALE ET CONCLUSIONS DU COLLOQUE : LES LIENS ENTRE COLLECTIVITÉS LOCALES ET ASSOCIATIONS SONT-ILS APPELÉS À SE RENFORCER ?

Mme Édith ARNOULT-BRILL, Présidente du Conseil national de la vie associative

Merci. Il est difficile de conclure sur des sujets porteurs d'enjeux et suscitant des débats et des prises de positions aussi tranchées.

I. Relations entre associations et collectivités locales

1. Historique

Au cours des vingt dernières années, les fonctions politiques et économiques des associations se sont développées dans un contexte de mutations politiques et sociales importantes qui ont influé sur leurs rapports avec les pouvoirs publics. Par ailleurs, associations et pouvoirs publics interviennent dans un espace symbolique fort, celui de l'intérêt collectif et celui de l'intérêt général, chacun revendiquant l'idée d'un monopole dans ce secteur, ce qui amène souvent à un conflit de légitimité. Toutefois, les derniers textes parus, dont la Charte des engagements réciproques, contiennent une volonté forte de la part de l'État : la reconnaissance de la légitimité des associations à prendre en compte, l'intérêt général dont les pouvoirs publics ne revendiquent pas le monopole mais dont il reste le garant. Ceci est sans conteste une avancée.

Un changement des relations est intervenu dans les années quatre-vingt avec le recul de l'État-providence, la raréfaction des crédits publics et les lois de décentralisation. Ceci a conduit à une implication plus forte des pouvoirs publics dans la prise d'initiative. Les associations ont alors été confrontées à une logique de dispositifs. Ce phénomène est à l'origine de l'instrumentalisation des associations, celles-ci étant du même coup davantage considérées comme des auxiliaires des pouvoirs publics que comme des partenaires.

2. Évolution des relations

Depuis cette période critique, nous avons progressé notamment par les travaux menés sur les rapports entre pouvoirs publics et associations. Dernièrement, le Premier ministre a saisi le CNVA sur la réforme de la commande publique, sujet qui peut paraître éloigné du débat mais qui s'inscrit au coeur des enjeux liés à la construction d'un véritable partenariat.

En évoquant tout à l'heure la place des associations dans l'économie, vous avez parlé des collectivités et de la délégation de service public. Du constat que nous avons établi il apparaît que bien souvent il est fait usage des dispositifs régissant la commande publique plutôt du fait de l'insécurité juridique du décideur public et de l'insécurité financière de l'association que par adaptation aux objectifs poursuivis. La frontière entre la subvention, le marché public et la délégation de service public est particulièrement floue. Dans notre Avis, nous développons ce thème en démontrant un écart entre le droit et l'usage. Dès lors, il est fréquent que l'objet social des associations devienne abusivement un service public. Dans ces conditions il est opportun de clarifier la nature juridique du contrat passé entre les associations et les collectivités locales dans l'objectif « d'outiller » qualitativement la relation de ces deux acteurs.

3. Le conventionnement

La relation pouvoirs publics-association est souvent proche du contrat de prestation de service ; elle s'incarne plus rarement dans un partenariat équilibré et inscrit dans la durée. Il doit reposer davantage sur l'identification et le partage d'objectifs communs et dans le respect de l'identité de chacun. Pour cela, la convention pluriannuelle constitue le meilleur outil juridique. Elle induit une "co-conception" de projet inspirée de la logique publique nourrie de la volonté politique et de la logique privée de l'association nourrie par une logique citoyenne. Néanmoins, cette légitimité partagée ne suffit pas, il faut que chaque partenaire s'engage à reconnaître des droits et à observer des obligations. La convention constitue dans ces conditions le meilleur cadre contractuel dès lors qu'un souci d'équilibre est préservé. La définition de l'objet par exemple est primordiale. A certaines conditions, la convention comporte un sens profond, indépendant du cadre qu'elle fixe sur le plan technique. Ainsi, lors de l'élaboration de l'objet, elle oblige la tenue de négociations évoluant dans un rapport égalitaire difficile certes, du fait de la différence de puissance d'intervention de chaque partenaire.

II. La transparence

1. Un effort nécessaire

Ce cadre conventionnel engendre des éléments de transparence, une notion évoquée dans l'article 10 de la loi relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration. Dans cette loi, il ne paraît pas pertinent de déposer les conventions en préfecture au nom de l'information des citoyens sur l'utilisation des fonds publics. D'autres moyens seraient plus judicieux. L'objet des conventions relève en effet de l'intimité des deux partenaires et n'intéresse pas le citoyen. En revanche, la mention du financement attribué reste capitale.

La transparence constitue un sujet récurrent dans les débats publics, elle concerne aussi bien la classe politique que le monde économique. Les associations ne doivent pas forcément être plus vertueuses que le reste de la société, mais elles doivent l'être dans le respect des libertés attachées au droit de s'associer. Cette exigence est toutefois légitime pour les fonds publics et elle s'impose aussi aux pouvoirs publics.

2. Régulation et évaluation

L'évaluation du volume des financement publics destinés aux associations est très difficile à cerner dans l'état actuel des supports d'informations. Le CNVA a fait des propositions en la matière comme la réforme du jaune budgétaire et l'édition de documents explicites et sobres par les collectivités publiques à la charge de leur exécutif.

Pour conclure mon propos je dirai que si la construction d'un partenariat solide, durable et équilibré se heurte à l'impact des dispositions législatives et réglementaires françaises et européennes, il convient de revenir au fond et de distinguer les besoins propres de la collectivité des missions d'intérêt général que celle-ci peut confier à l'association en raison de son projet et des activités qui en découlent.

Je vous remercie.

Conclusion

M. Hubert PREVOT, Président de la Conférence permanente des coordinations associatives

Je ne pense pas tirer d'ultime conclusion de travaux aussi denses et complexes. Du fait de ma présence avec le Premier ministre pour la signature de la Charte, j'ai écouté les discours indirectement. J'ai été ravi du soutien indéfectible apporté à la vie associative. Je les en remercie.

M'estimant en partie responsable des progrès de cet univers, je demeure attentif aux critiques. Je souffre de nos lacunes lorsqu'elles sont correctement dénoncées et de nos insuffisances quand nous ne savons pas renouveler notre action. En revanche, je ne supporte pas les attaques venimeuses en provenance d'individus ne possédant aucune expérience. C'est le cas dans la presse.

I. Des rapports difficiles

1. Les causes

Ces rapports difficiles existent car collectivités locales et associations vivent sur un même territoire avec des fonctionnements différents. Naturellement, les élus ont effectué des tentatives d'instrumentalisation. De leur côté, les associations se sentaient incomprises. Malgré des années de travail en commun, elles attendent une reconnaissance de la part de partenaires majeurs. Elles attendent également une clarification des compétences dans un système complexe. Avant, les associations traitaient avec l'État et le préfet. Aujourd'hui, nous nous adressons à différentes personnes qui financent ou autorisent.

Des progrès ont été réalisés depuis quinze ans : reconnaissance mutuelle, atténuation des procès d'intention et des soupçons. En vivant ensemble les partenaires se connaissent mieux et se respectent quotidiennement. Par ailleurs, un associatif instrumentalisé réduit à un service public para-administratif ne profite plus à la politique exigeante d'un élu qui se réjouit en vain de cette relation.

2. Un outil humain nécessaire

Si l'outil humain apte à répondre aux besoins d'une population est réduit à une bureaucratie privée, l'acteur associatif n'est plus utile sauf à distiller un service normalisé inopportun. Si une telle demande existait, nous créerions de nouveaux postes de fonctionnaires sans solliciter les associations dont l'intelligence est au service d'une adaptation constante de l'outil au besoin.

3. L'association : un interprète permanent des entités locales et un intermédiaire entre les élus et la population

Les partis politiques semblent avoir progressivement abandonné cette tâche de l'intermédiaire en s'adressant aux associations. Il convient de préparer et d'appliquer ensemble les décisions grâce à cet échange d'expériences. Cette coopération peut recouvrir les plans de cadrage et les stratégies sociales grâce à la connaissance parfaite des populations concernées par les deux partenaires. Ainsi, il convient d'organiser une politique municipale culturelle, sportive ou sociale dont les associations constitueront des acteurs à part entière dans le respect de l'indépendance de chacun. Les créations d'associations dans des territoires fragiles démontrent la vivacité du secteur associatif. Ces nouvelles petites flammes se créent à l'école, à la mairie ou chez un habitant. Elles semblent refuser le déclin, l'ennui ou la solitude et souhaitent agir.

II. Les principes défendus par la CPCA

La CPCA constitue le rassemblement des plus importants structures et réseaux associatifs représentant 300 000 associations. Nous sommes partisans de trois principes fondamentaux pour bâtir nos relations.

1. La décentralisation

Elle constitue un rapprochement de l'habitant avec les décideurs politiques. Elle n'engendre pas toutefois de renonciation de l'État qui définit les orientations, fixe les grandes règles et apporte son concours. En revanche, l'État ne doit pas reprendre d'une main ce qu'il a concédé de l'autre. Pour profiter de cette décentralisation, il faut définir clairement les niveaux de compétences.

2. La primauté du politique

L'affirmation de la primauté du politique paraît indéniable. Aucune société civile ne peut vivre, se développer et être efficace si la démocratie politique, le suffrage universel et le pouvoir des élus ne sont pas respectés. L'élu au suffrage universel étant garant du projet communal, nous souhaitons baser nos relations sur cet aspect.

3. Le contrat

Ce contrat devrait servir de base aux relations entre élus et associations. Les élus doivent admettre l'émergence d'un tiers acteur dont le professionnalisme est exigé. La Charte des engagements réciproques entre l'État et les associations représentées par la CPCA, repose sur des principes partagés : confiance et dialogue, partenariat entre acteurs ; reconnaissance de l'indépendance et du droit à la critique des associations ; participation à l'élaboration et à l'exécution des politiques publiques.

Au Conseil économique et social, Monsieur Dermagne estime qu'une politique publique élaborée sans les associations équivaut à une association orpheline. Selon Monsieur Thibault, de la CGT, et d'autres syndicalistes, trois types de partenaires sociaux existeraient : le patronat, les syndicats et les associations. Il convient d'en tirer les conséquences. Je souhaite rencontrer à nouveau les présidents des grandes organisations d'élus communaux, départementaux et régionaux. Ils souhaitaient une consultation dès la rentrée pour examiner les voies de clarification des rapports des associations et des élus locaux. Quinze ans seraient nécessaires pour obtenir une évolution. Donnons-nous rendez-vous dans quinze jours.

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