L'avenir de la codification en France et en Amérique latine



Palais du Luxembourg, 2 et 3 avril 2004

Noemia C.M. de Oliveira Novaes

Avocate (Brésil)

I. INTRODUCTION

L'

institution de « normes narratives » et non seulement de normes « qui obligent » est fondamentale pour permettre aux opérateurs du droit une interprétation systématique de la législation civile (l'« esprit » de la loi) et non seulement une lecture littérale et paralysée. Toutefois, dans certaines situations, ce type de norme peut apporter des difficultés pratiques pour ces utilisateurs (autres que les seuls avocats). Cela se vérifie, en particulier, lorsque de telles normes régulent des contrats commerciaux et civils,

Idéalement, une législation civile et commerciale codifiée doit se réguler par l'objectivité et la clarté, dans le but de permettre aux parties contractantes d'établir avec précision les limites et l'étendue de ses obligations et éviter ainsi un éventuel recours au judiciaire.

Cette clarté législative est davantage importante dans un pays où, malheureusement, la « machine judiciaire » est quelques fois très lente (certains procès peuvent s'étaler sur plus de six ans) et, pour cette raison, la législation elle-même a peu à peu accepté certains moyens alternatifs de résolution des controverses. Comme exemple parmi d'autres, nous pouvons citer l'Arbitrage et des Greffes de Conciliation du Travail.

Malgré le fait que le Nouveau Code civil brésilien (édité le 10 janvier 2002 et entré en vigueur le 11 janvier 2003) ait incorporé des principes importants - qui se trouvaient déjà acceptés par la doctrine et la jurisprudence brésiliennes - on peut vérifier dans certains articles de ce Code l'absence d'objectivité, la réglementation excessive de certaines situations et l'existence de beaucoup de normes ouvertes dans le secteur des contrats. En outre, on remarque que le code civil - dont le projet a été discuté au Congrès National pendant plus de vingt ans - est de fait dépassé sur certains sujets qui sont en constante évolution, comme c'est le cas, par exemple, pour les contrats commerciaux et civils.

Cet article prétend analyser de manière succincte quelques modifications apportées par le Nouveau Code civil brésilien relatives aux contrats commerciaux et civils, qui peuvent, éventuellement, entraîner des difficultés pour les entrepreneurs et commerçants brésiliens et qui mériteraient, éventuellement, une révision plus attentive de la part du législateur national.

II. DISTRIBUTION ET AGENCE

Le Nouveau Code a mélangé deux figures juridiques, dont les différences étaient très délimitées par la doctrine et la jurisprudence.

Auparavant, l'agent ou représentant commercial agissait comme un simple intermédiaire d'affaires, tandis que le distributeur achetait et revendait effectivement des produits. Le rapport de représentation commerciale était réglementé par la loi n o 4.886/65.

Selon la législation précédente, le représentant recevait une commission sur le prix des ventes faites au bénéfice de l'entreprise et la vente se réalisait directement entre l'entreprise et le client.

D'autre part, le distributeur achetait le produit du fabricant pour ensuite le revendre à un tiers, et le distributeur était rémunéré par la différence entre le prix d'achat du produit et du prix de vente.

Le Nouveau Code civil a, de façon erronée, réuni dans un même chapitre (Chapitre XII) la distribution et l'agence/représentation commerciale, en les rapprochant. Actuellement la définition d'agence et de distribution est la suivante : « Art 710. Par le contrat d'agence, une personne assume en caractère non éventuel et sans lien de dépendance l'obligation de promouvoir, pour le compte de tiers, moyennant rétribution, la réalisation de certaines affaires, en zone déterminée, la distribution étant caractérisée lorsque l'agent aura à sa disposition la chose qui doit être négociée. »

La conséquence de cela est que s'est étendue au distributeur - qui, usuellement est en position économique autant ou parfois même plus avantageuse que le fournisseur (comme par exemple, les grands distributeurs de boissons) - une protection excessivement sécurisée, antérieurement concédée seulement aux représentants commerciaux qui, dans la législation nationale, sont traités de manière semblable aux employés.

En outre, l'utilisation de normes telles que : « le juge décidera à propos de la raisonnabilité du délai et de la valeur due », renvoyant la décision du conflit uniquement au judiciaire - alors que le Code civil devrait fournir les paramètres pour le jugement du cas - s'oppose au concept qui veut qu'une bonne législation doit être suffisante pour établir des paramètres, le recours au judiciaire étant une exception.

Ainsi, contrairement au principe général de l'égalité consacré par la Constitution fédérale brésilienne de traiter également les égaux et inégalement les inégaux, le Nouveau Code, dans la partie d'agence et distribution, a traité également les inégaux, ce qui peut préjudicier au bon fonctionnement de quelques rapports commerciaux dans le pays.

III. SOCIÉTÉS LIMITÉES

On doit citer encore, l'excessive réglementation du secteur des sociétés limitées (SÀRL) apportée par le Nouveau Code. Ce qui motivait le choix de la constitution d'une société limitée par un entrepreneur, et non d'une société anonyme, était souvent l'absence de beaucoup de formalités lors de sa constitution et exercice, dont les mécanismes étaient bien connus des petits et moyens entrepreneurs.

Cependant, ce facteur a été très affecté par le Nouveau Code. Actuellement, les sociétés limitées se sont rapprochées du concept de société anonyme, car il existe désormais une série d'exigences et d'obligations formelles qui ne les concernaient pas. Comme exemple, nous pouvons citer l'obligation de réunir une assemblée annuelle et l'obligation de publier des bilans (quoiqu'il existe des discussions sur cette obligation). En effet, il y a eu remplacement d'un assez petit nombre d'articles appartenant à une loi propre par d'autres, qui figurent de l'article 1052 à 1087.

L'effet pratique de tout cela est qu'il y a une augmentation de la charge de bureaucratie pour les micros, petits et moyens entrepreneurs, ce qui représente une augmentation des frais légaux et comptables et une plus grande insécurité quant à la responsabilité des partenaires et des administrateurs.

En outre, l'apparition de ces nombreux articles a créé un autre problème qui concerne le texte parfois douteux de certains d'entre eux. La mauvaise rédaction de quelques articles a suscité des polémiques. Par exemple, la compréhension d'une certaine obligation de l'application subsidiaire de la législation relative aux sociétés simples, même si le contrat démontre le choix du régime supplémentaire de la loi des sociétés anonymes, étant donné que la première se trouve dans le caput et l'autre se trouve dans le paragraphe unique du même article. On comprend toutefois que comme les deux parties de l'article en question disposent sur la même matière, les deux règles ne peuvent pas coexister dans une même société, mais la simple possibilité d'un détour d'interprétation démontre déjà un problème de rédaction.

IV. LA PRESTATION DE SERVICE

Un dernier exemple de contrat affecté par la nouvelle réglementation qui peut susciter des doutes est la prestation de services.

Dans le Code civil de 1916 existait le concept de location de main d'oeuvre qui était applicable au contrat de travail. L'ancienne location de main d'oeuvre comprenait plusieurs contrats différents, comme le contrat de travail, d'emploi domestique et d'emploi privé. Toutefois, depuis la promulgation de cet ancien code, en raison de l'apparition de la législation du travail, plusieurs activités antérieurement traitées par le Code civil de 1916 - comme la location de main-d'oeuvre - ont été progressivement intégrées au secteur des activités réglées par la législation du travail en vigueur. Ainsi, le concept de location de main-d'oeuvre a-t-il été laissé de coté au fil du temps.

Plutôt que d'établir un concept actuel pour la prestation de services - surtout parmi les entreprises -, le Nouveau Code civil est revenu au concept de location de main-d'oeuvre de 1916. Cela crée bien évidemment une confusion, car beaucoup de contrats de prestation de services sont actuellement célébrés par des entreprises (ou même des micro-entreprises) - n'étant pas applicable une législation qui, lors de sa création, entendait protéger l'employé prestataire de services.

Comme exemple, nous pouvons citer l'obligation du contractant de services d'indemniser le prestataire de service en cas de « renvoi » de ce dernier ou bien aussi l'article qui dispose que le contrat de prestation de services se termine avec la « mort » d'une des parties contractantes. L'utilisation des mots « renvoi » et « mort » montre l'utilisation de l'ancien concept de main-d'oeuvre qui les regardait comme personne physique et hypo-suffisante, ce qui est inconcevable lorsque les parties contractantes sont deux entreprises.

Il y a ici, comme dans le cas d'agence et de distribution, une protection excessive du prestataire de services, assumant qu'il se trouve en position d'infériorité dans la relation contractuelle, ce qui, en pratique, ne se démontre pas.

V. CONCLUSION

De tout ce que nous avons exposé ci-dessus, nous retiendrons ces trois points.

Dans la distribution ou agence, la nouvelle législation a traité ces concepts autre ment que la doctrine et la jurisprudence ne l'avaient fait jusqu'ici. Concernant les sociétés limitées, le Code de 2002 a accru la réglementation en les rapprochant du système complexe des sociétés anonymes. Enfin, en ce qui concerne la prestation de services, le Code de 2002 a réincorporé l'ancien concept de main d'oeuvre.

Ainsi, nous pensons qu'en prétendant réglementer des situations nouvelles, le Nouveau Code civil brésilien n'a pas su analyser la réalité telle qu'elle se présentait, d'où l'on peut conclure qu'une révision attentive est nécessaire.

Notre objectif a été tout simplement de relever quelques problèmes qui peuvent survenir dans le domaine des contrats à la lumière du Nouveau Code. Toutefois, nous ne considérons pas que les problèmes abordés soient arrêtés ; au contraire, nous devons attendre les décisions des tribunaux sur ces sujets pour saisir l'esprit pratique du Code civil brésilien de 2002.

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