7ème rencontres sénatoriales de l'entreprise - La contrefaçon : risque ou menace pour l'entreprise



colloque le 31 mars 2006 au Sénat

IV. ALLOCUTION DE M. CHRISTIAN PONCELET, PRÉSIDENT DU SÉNAT

Madame la ministre, chère Christine Lagarde, Mesdames et Messieurs les présidents, Mesdames et Messieurs les sénatrices et sénateurs, chers collègues, Mesdames et Messieurs, et, m'adressant à tous sans aucune formule protocolaire, chers amis.

Au nom du Sénat tout entier, j'adresse tout d'abord à tous mes souhaits de cordiale bienvenue dans cette enceinte, au sein de laquelle nous sommes ravis de vous accueillir. Nous espérons bien sûr que vous conserverez de votre passage dans cette institution un excellent souvenir, ce qui ne saurait bien entendu être considéré comme une offre de candidature ; notre nombre est déjà satisfaisant.

J'ai ouvert lundi après midi la quatrième édition de la Semaine de l'Entrepreneur, à l'occasion des Masters de la création d'entreprise. Après la tenue du forum franco-roumain ce matin, cette après-midi est consacrée aux 7èmes Rencontres Sénatoriales de l'Entreprise. La préparation des négociations de Hong Kong en 2005, dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce - organisation à laquelle, je le rappelle, toutes les sensibilités politiques ont exprimé la nécessité de participer - m'a sensibilisé à la question de la contrefaçon. Les effets désastreux de ce phénomène en France et en Europe, ainsi que mes deux récents voyages officiels en Inde et en Chine, m'ont convaincu de consacrer les 7èmes Rencontres Sénatoriales de l'Entreprise à ce thème. La disparition de l'accord multifibre, que j'avais personnellement négocié voilà quelques années, avec le concours efficace du ministre des affaires étrangères de l'époque, mon collègue et ami Maurice Schumann, et ses effets induits, notamment dans le département des Vosges, ont conforté ce choix. Ces accords multifibre avaient prévu le maintien de quotas sur les exportations de produits textiles, qui disparaissaient au 1er janvier 2005. Ces dispositions avaient été parfaitement prises en compte par certains producteurs, qui se sont dotés, au cours des années précédentes, des capacités de production nécessaires pour envahir nos marchés. Dès le 2 janvier 2005, l'Europe a donc été « inondée » par ces produits textiles.

Longtemps considérée comme anecdotique et touchant uniquement le luxe, la contrefaçon apparaît aujourd'hui sous une autre nature. Les 103 millions de produits contrefaits et piratés en 2004 représentent une augmentation de 12 % par rapport à 2003 et de 1 000 % par rapport à 1998, ce qui rend incontestable la réalité du problème. Les contrefaçons de pièces détachées pour véhicules, de denrées alimentaires, médicaments, produits cosmétiques, jouets, articles ménagers ne constituent pas seulement un risque pour la santé et la sécurité des consommateurs, mais aussi et surtout un risque et une menace pour nos entreprises. En 2003, le World Economic Forum a estimé à 450 milliards d'euros par an le coût de la contrefaçon. Les fraudeurs sont aujourd'hui en mesure de produire des contrefaçons à une échelle industrielle, ce qui leur permet d'accroître leurs bénéfices et de disposer d'un nouveau mécanisme efficace de blanchiment de l'argent du crime. L'annonce récente, par le commissaire européen László Kovács, de la mise en place d'un plan d'action stratégique à court terme, afin de protéger les citoyens européens contre cette menace est à ce titre particulièrement bienvenue, même si elle est tardive.

La contrefaçon, comme la mondialisation, est aujourd'hui au coeur de tous les débats. Ces phénomènes, dont les prémices remontent à la nuit des temps, focalisent aujourd'hui toutes les attentions, en raison de la globalisation de l'espace économique et financier qui est à l'oeuvre, tout comme des progrès du secteur des transports et de celui des technologies de l'information et de la communication. Il faut également tenir compte des facteurs sociaux, tous les pays du monde étant aujourd'hui engagés dans un conflit économique global, quels que soient leurs systèmes politiques ou administratifs. Tous partagent la même préoccupation : produire, écouler leur production, gagner des marchés, proposer le meilleur prix. Les armes employées dans ce sens sont certes moins meurtrières que celles qui ont été utilisées par nos aînés pour préserver notre liberté et la paix. Pour autant, une défaite n'en serait pas dénuée de conséquences douloureuses.

La première table ronde de l'après-midi a montré à quel point la contrefaçon suscite des comportements et des stratégies souvent contradictoires, donnant lieu à des réactions souvent réductrices. La seconde partie de notre colloque devrait nous donner des pistes d'actions. C'est en effet un trait bien français que d'exceller dans le diagnostic, sans parvenir à toujours faire preuve d'une imagination fertile pour découvrir des solutions. Le Français excelle à distribuer les richesses - celles des autres, bien évidemment. A l'inverse, lorsqu'il s'agit de produire ces richesses, ce qui est pourtant l'essentiel, l'enthousiasme est moins grand. Face au problème de la contrefaçon, il nous faut rassembler nos forces pour envisager une réaction et une riposte. Ces rencontres s'inscrivent résolument dans une démarche concrète et utile pour le monde de l'entreprise.

Pourtant, lorsque j'ai engagé pour la première fois, voilà sept ans, la première initiative du Sénat en direction des entreprises, que n'ai-je pas entendu ! Il est vrai qu'en France, dès qu'on prend une initiative, on dérange. Nos concitoyens sont certes de grands partisans de la réforme sous toutes ses formes, mais cela n'est valable que tant qu'ils ne sont pas touchés personnellement.

J'ai été critiqué lors du lancement de ces rencontres entre le Sénat et les entreprises. Bien sûr, les critiques ne venaient pas de mes collègues sénateurs - qui ont toujours considéré, dans leur grande sagesse, les entrepreneurs comme le ciment de la prospérité de notre nation

- mais d'une multitude d'acteurs politiques et médiatiques. Comment le Sénat de la République pourrait-il ne pas s'intéresser à l'économie de la France ? En 2006, la réalité est venue donner raison au Sénat, confortant le changement des mentalités. Ce qui apparaissait comme un pari risqué est devenu une réalité incontestée. L'entreprise a droit de cité au Sénat et s'impose au coeur même de notre société comme la source essentielle de vrais emplois et de vraies richesses. Il n'y a pas de progrès social sans une économie suffisamment puissante pour le soutenir.

La France est un grand peuple d'entrepreneurs, auxquels nous avons rendu hommage hier, lorsque cinq cents créateurs d'entreprise ont siégé au Sénat et que douze d'entre eux ont pu interroger directement le Gouvernement.

J'adresse mes remerciements les plus chaleureux aux intervenants des deux tables rondes de cette après-midi. Comme vous l'avez compris, les entrepreneurs sont, de mon point de vue, des acteurs importants de notre société. Si le Sénat a pu contribuer modestement à changer l'esprit du temps, il le doit en premier lieu à l'ensemble des sénatrices et des sénateurs. Je remercie donc mes collègues qui, depuis sept ans, ont effectué des stages d'immersion en entreprise afin de mieux comprendre les difficultés, les attentes et les espoirs de tous ceux qui participent à la prospérité de notre nation. Le Sénat français est la seule institution démocratique au monde à faire partir ses élus en stage dans les entreprises, s'ils le désirent bien entendu. Bien connaître la matière sur laquelle on va légiférer permet de bien légiférer, comme le recommandait Jules Ferry, qui estimait que le Sénat devait veiller à ce que la loi soit bien faite. Plus de la moitié des sénateurs, appartenant à toutes les formations politiques, ont accompli de tels stages, avec satisfaction.

Je n'oublie pas que nous avons été aidés dans cette mission par un grand nombre de partenaires, au premier rang desquels figure le Salon des Entrepreneurs. A cet égard, la Semaine de l'Entrepreneur qui se déroule en ce moment même est une oeuvre commune du Sénat de la République et du Salon des Entrepreneurs, lequel ouvrira ses portes demain. Je vous invite à vous y rendre, comme je le ferai moi-même jeudi matin.

Mesdames et Messieurs, je vous remercie de votre attention ; je vous souhaite bon courage et surtout des travaux fructueux, car il y va de l'avenir de mon pays. Merci.

Page mise à jour le

Partager cette page