Rencontres Sénatoriales de l'Entreprise 2000



Palais du Luxembourg, 2 février 2000

LISTE DES SÉNATEURS STAGIAIRES ET DES ENTREPRISES D'ACCUEIL

SÉNATEURS STAGIAIRES

ENTREPRISES ET ACCUEIL

Madame Maryse Bergé-Lavigne

Carrefour

Monsieur Jean Bizet

Danone

Monsieur Jean Boyer

Alpina

Monsieur Louis de Broissia

Geyer

Monsieur Jean-Claude Carie

Kindy

Monsieur Jean-Patrick Courtois

L'Oréal

Monsieur Jean Delaneau

E.C.C.E.

Monsieur Jean-Paul Delevoye

McDonald's

Monsieur Alain Dufaut

Ricard

Monsieur Jean-Paul Emorine

Norbert Dentressangle

Monsieur Léon Fatous

Chambre des Métiers de Tours

Monsieur Alain Gérard

Critérium

Monsieur Francis Grignon

Wilroad Telecom

Madame Anne Heinis

Allemand

Monsieur Pierre Hérisson

Avis Fleet Services

Monsieur Jean-Paul Hugot

Home Institut

Monsieur Alain Joyandet

Virgin Cola

Monsieur Gérard Larcher

PSA Peugeot Citroën

Monsieur Alain Lambert

Rhodia

Monsieur Jean-François Le Grand

Ricard

Monsieur Serge Lepeltier

Pricewaterhousecoopers

Monsieur Paul Loridant

Win

Monsieur Philippe Marini

Pernod Ricard

Monsieur Marc Massion

Pricewaterhousecoopers

Monsieur Paul Masson

Euro-RSCG Omnium

Monsieur Gérard Miquel

Ove

Monsieur Michel Moreigne

Les Maçons Parisiens

Monsieur Bernard Murat

Madrange

Monsieur Pierre-Yvon Trémel

Chambre des Métiers d'Arras

Monsieur Jacques Valade

Evian

Monsieur Alain Vasselle

Danone

Monsieur Guy Vissac

M Sat

APERÇU DES DÉBATS

Les Rencontres Sénatoriales de l'Entreprise ont été organisées en quatre tables rondes, dont les thèmes ont été abordés de façon récurrente au cours des stages d'immersion des sénateurs en entreprise. Une synthèse des débats a été effectuée, en temps réel, par deux témoins de la société civile : M. Philippe Manière, rédacteur en chef du journal « Le Point », auteur de nombreux livres tels que « l'aveuglement français » ou « Marx à la corbeille » et M. Bertrand Piccard, « savanturier », premier homme à avoir effectué le tour du monde en ballon en compagnie de Brian Jones.

Le premier thème retenu était celui du financement de l'innovation. Les critiques habituelles dénonçant la frilosité des organismes bancaires ont été rapidement dépassées et de nombreux intervenants se sont félicités du développement du capital-risque dans notre pays, tout en souhaitant qu'il soit davantage encouragé au travers de la fiscalité. Le problème des avances de TVA a été cité à de nombreuses reprises, comme l'un des principaux obstacles que rencontrent les jeunes entreprises. D'une façon plus générale, de nombreux entrepreneurs ont affiché leur désintérêt pour les aides et les subventions et leur souhait d'un environnement fiscal et réglementaire plus favorable. Enfin, un sénateur rattaché au groupe communiste citoyen et républicain, convaincu par son stage dans une start up s'est déclaré favorable aux stock options et a même avancé une proposition concrète en ce sens. En synthèse du débat, Philippe Manière a bien mis en évidence les contradictions inhérentes à cette problématique du financement de l'innovation.

Le deuxième débat a porté sur l'application des 35 heures dans les entreprises ; de nombreux intervenants ont souligné l'impact inflationniste de cette législation sur les coûts du travail. Un entrepreneur a apporté le témoignage de la délocalisation de sa propre entreprise. Beaucoup ont tout de même reconnu que cette législation avait eu pour avantage d'introduire davantage de flexibilité dans l'organisation du travail, une flexibilité cependant moins facile à mettre en oeuvre dans les petites entreprises que dans les grandes. On a pu également constater une grande diversité des expériences en fonction des différents secteurs industriels concernés. En synthèse des débats, M. Bertrand Piccard a fait part aux intervenants d'intéressantes considérations philosophiques sur les relations entre l'économique et le politique, l'entreprise et ses salariés, ainsi que sur la façon d'aborder les conflits sociaux.

La troisième table ronde avait pour thème les relations parfois très conflictuelles entre les petites et moyennes entreprises et la grande distribution. Tout en déplorant l'absence de représentants de la grande distribution, beaucoup d'intervenants se sont efforcé d'avoir une vision mesurée des choses en soulignant l'apport que pouvait avoir la grande distribution au développement des PME-PMI. D'autres intervenants ont, au contraire, apporté des témoignages bouleversants sur la dureté de ces relations.

La question de la possibilité de rétablir par la loi un déséquilibre naturel entre les acteurs a occupé une place centrale dans les débats, opposant les partisans d'un aggiornamento législatif à ceux d'un renforcement des capacités de négociation des PME-PMI. Enfin, plusieurs intervenants, au nombre desquels M. Philippe Manière, plusieurs sénateurs de toutes tendances politiques, ou encore des chefs d'entreprise, ont insisté sur la nécessité de réfléchir à un véritable dispositif anti-trust qui, à l'instar de l'arsenal en vigueur aux États-Unis, est l'indispensable corollaire d'une économie libérale.

La question de savoir si Internet n'allait pas renverser complètement les perspectives et redonner davantage de pouvoir aux producteurs a également été évoquée.

La dernière table ronde sur l'insertion des jeunes par l'économie a traité de la place insuffisante de la culture d'entreprise dans notre pays. L'entreprise, du fait notamment de la nouvelle économie, constitue pour beaucoup la nouvelle « voie royale » des ambitions. Certains sénateurs ayant effectué des stages d'immersion dans des chambres des métiers et des entreprises artisanales, la question de l'artisanat a été évoquée. Les changements dus aux nouvelles technologies de l'information et de la communication ont fait l'objet de nombreuses considérations, soulignant la rupture avec les anciens schémas de pensée, notamment quant à la valeur à accorder aux diplômes. Là encore, Bertrand Piccard a fait part aux participants d'intéressantes considérations que ce soit au cours de la table ronde ou en synthèse finale.

I. LE FINANCEMENT DE L'INNOVATION

Table ronde animée par M. Emmanuel KESSLER, rédacteur en chef-adjoint de BFM en présence de M. Philippe MANIÈRE, rédacteur en chef du journal Le Point

Comment passer des idées au financement ?

Sénateurs participant à la table ronde :

M. Alain GERARD (RPR) sénateur du Finistère

M. Francis GRIGNON (UC) sénateur du Bas-Rhin

M. Gérard MIQUEL (Soc) sénateur du Lot

Chefs d'entreprise participant à la table ronde :

M. Laurent BAZET, président-directeur général de la société OVE

M. Jean-Pierre FICHET, directeur général de la société Critérium

M. Michel GAURIER, président-directeur général de la société Wilroad Telecom

Quels sont les aménagements fiscaux nécessaires
pour accompagner l'innovation ?

Sénateurs participant à la table ronde :

M. Serge LEPELTIER (RPR) sénateur du Cher

M. Paul LORIDANT (CRC) sénateur de l'Essonne

M. Guy VISSAC (RPR) sénateur de Haute Loire

Chefs d'entreprise participant à la table ronde :

M. Pierre-Bernard ANGLADE,

président-directeur général de Pricewaterhouse Coopers

M. Bruno MARTINEZ, président-directeur général de la société WIN

M. Laurent MASSELOT, président-directeur général de la société M SAT

M. Emmanuel KESSLER (Rédacteur en chef adjoint de BFM)

Nous allons ouvrir ces premières rencontres sénatoriales de l'entreprise qui se déroulent dans le cadre d'une action actuellement conduite par le Sénat qui a pour objet de rapprocher cette institution du monde de l'entreprise. Il est vrai que l'on reproche souvent aux responsables politiques de mal connaître les réalités de l'entreprise, ce qui est sans doute un peu injuste, mais qui en même temps traduit le sentiment que chacun vit « dans son monde » et qu'il n'est pas mauvais de faire se rencontrer ces mondes différents.

Et puis le Sénat a aussi la volonté de légiférer en connaissance de cause. Vous savez que dans le système institutionnel français, le Sénat n'a pas le dernier mot. Le Gouvernement peut demander à l'Assemblée nationale de se prononcer définitivement, à rencontre des propositions du Sénat, surtout lorsque les majorités ne coïncident pas. Il est donc utile pour le Sénat, lorsqu'il fait des propositions, lorsqu'il élabore des amendements à des projets de loi, de pouvoir dire qu'au fond, ce n'est pas un point de vue politique qu'il soutient, mais qu'il entend se fonder sur sa connaissance du dossier, sur une expertise qui en fait aussi le porte-parole des acteurs économiques. Le président PONCELET vous en dira plus en fin de matinée, mais la démarche du Sénat consiste, au-delà du jeu un peu politicien de l'actualité, à s'investir au rythme qui est le sien, et que l'on raille parfois, à tort d'ailleurs, plus profondément sans doute dans les sujets qu'il aborde. Cela le conduit tout naturellement à vous écouter, vous les chefs d'entreprise qui êtes ici et essayez de présenter vos préoccupations et vos besoins.

Cette démarche générale s'est traduite par diverses manifestations, par l'association du Sénat à un certain nombre de rendez-vous touchant le monde de l'entreprise, par une expérience qui a démarré l'année dernière et va continuer cette année - les rencontres Tremplin-entreprises - organisées par le Sénat et l'ESSEC, destinées à faire se rencontrer des jeunes qui démarrent après avoir fait leurs études et qui ont des projets d'entreprises avec des investisseurs potentiels ou des chefs d'entreprises déjà installés.

Quant aux rencontres sénatoriales de l'entreprise, elles vont traduire l'expérience qui a été faite par une trentaine de sénateurs qui sont allés pendant un ou deux jours en entreprise pour un stage d'immersion, justement pour essayer de comprendre de l'intérieur la réalité du fonctionnement d'une entreprise. La plupart de ces stages sont aujourd'hui terminés. Les responsables d'entreprises que les sénateurs ont rencontrés sont aussi, pour la plupart d'entre eux, venus au Sénat ou dans les départements pour voir comment travaillaient les responsables politiques. Nous avons retenu plusieurs thèmes de débats ce matin pour tenter de tirer les conclusions de ces expériences et voir comment elles peuvent avoir un prolongement, sinon législatif, du moins en termes de réflexions et de propositions. La première table ronde porte sur le financement de l'innovation. Seront abordés, également, l'application des 35 heures, sujet éminemment d'actualité, les relations des PME-PMI avec la grande distribution et l'insertion des jeunes dans l'économie. Un grand témoin sera chargé de faire la synthèse des débats pour notre salle. Il s'agit de Philippe MANIÈRE, rédacteur en chef du Point.

Les débats autour de la première table ronde se dérouleront en deux temps, pour des raisons de pure commodité : on ne pouvait pas mettre douze sénateurs ou chefs d'entreprise autour de cette table. Mais nous serons assez souples quant aux sujets abordés. Dans une première séquence, nous verrons comment, aujourd'hui, les idées, les projets des jeunes entrepreneurs ou des entrepreneurs en général parviennent ou non à trouver des capitaux, des aides, un moteur pour démarrer. Et puis dans un deuxième temps, nous aborderons de façon un peu plus prospective les problèmes de fiscalité qui sont au coeur des préoccupations des chefs d'entreprise et nous verrons comment les sénateurs abordent ces questions.

Pour commencer, je vais demander à M. Alain GÉRARD, sénateur du Finistère, qui est allé chez CRITÉRIUM, une agence de design créée en 1987, qui produit des logos et fait du packaging pour la grande distribution, quels enseignements il a retenu de son expérience.

M. Alain GÉRARD (Sénateur R.P.R. du Finistère)

Quand le choix de cette entreprise a été fait, je m'y suis rendu avec beaucoup de plaisir. Je dois dire que l'accueil a été très chaleureux et, en même temps, empreint d'une certaine interrogation : qu'est-ce qu'un homme politique pouvait venir faire dans cette entreprise ? Néanmoins, on s'est empressé de reconnaître que l'initiative prise par le Sénat était tout à fait positive et augurait bien de démarches plus fructueuses à l'avenir. Ce que j'ai retenu, ce sont d'abord les difficultés journalières que rencontre le chef de l'entreprise avec l'administration, les services fiscaux, ses démêlés et ses responsabilités. S'agissant d'une PME, l'investissement du directeur de la société est particulièrement important. Il intervient partout, tout le temps et rencontre de grandes difficultés pour appréhender les problèmes administratifs et fiscaux. Ce qui veut dire que lorsqu'on légifère, on oublie peut-être que le texte sera applicable pour tous, et qu'il peut être difficile, pour certaines entreprises, d'appliquer obligatoirement un texte de loi. Il n'y a qu'à regarder celui des 35 heures. Son applicabilité est, manifestement, assez étonnante. Toutes ces difficultés, je les ai mesurées, je les ai bien notées, je les ai rapportées, et j'en suis reparti conscient qu'il fallait de plus en plus nous rencontrer afin d'éviter de tomber dans un certain nombre d'exagérations et aussi prendre son temps pour légiférer afin de ne pas produire une abondance de textes d'application difficile. capital-risque ? Devant la défaillance du secteur bancaire, que doivent faire les collectivités ? Je crois que nous aurons quelques précisions à apporter sur ce point.

M. Emmanuel KESSLER

Nous allons entrer plus en détail dans les problèmes que vous venez de poser. On a dit pendant des années en France que la principale difficulté, pour une entreprise qui se crée, c'est de trouver un financement. Il semblerait, et c'est l'actualité qui le fait penser, qu'il y a des évolutions récentes, notamment pour des entreprises de haute technologie. Il semblerait que les très gros projets parviennent aujourd'hui à réunir des « tours de table », des financements, que les petits projets parviennent à réunir du capital de proximité, mais qu'entre les deux, les projets seraient plus difficiles à mettre sur les rails et que là, il y a quelques progrès à faire.

Commençons avec l'expérience des start-up. Avez-vous le sentiment, Monsieur MIQUEL, vous qui étiez à Sophia Antipolis, là même où se créent tous les jours des entreprises et des start-up dans le domaine de la haute technologie, que grâce aux business angels on a résolu le problème du financement des entreprises à leur démarrage ? Ou, qu'au contraire, il y a un vrai problème spécifiquement français auquel il faut trouver des solutions ?

M. Gérard MIQUEL

Je crois que le problème est spécifiquement français et que même si le secteur bancaire devrait être plus progressiste, nous n'avons pas de réponse à proposer. C'est pourquoi les collectivités locales essayent de mettre en place des outils. Il est vrai que pour les gros projets, nous avons des outils permettant de les financer, mais ce n'est pas le cas pour les petits projets, alors que souvent on démarre avec un petit projet et que le développement vient après. Dans ma région, Midi-Pyrénées, nous avons mis en place « Midi-Pyrénées-Création » qui nous permet d'accorder des prêts d'honneur. L'important est la rapidité avec laquelle on peut mettre des financements à la disposition des jeunes entreprises. Or, le système des subventions est très lourd. Il comporte des délais qui ne sont pas toujours supportables par l'entreprise. À cet égard, les prêts d'honneurs sont plus souples. En Midi-Pyrénées, nous avons créé un fonds d'amorçage dans le cadre de l'appel à projets lancé par le ministère de l'éducation et de la recherche. Il nous permet de mettre 350 000 F à disposition d'une jeune entreprise. Et le système est à deux vitesses : sur l'agglomération toulousaine, c'est 350 000 F et dans le reste de la région, 700 000 F pour inciter les jeunes porteurs de projets à s'installer en milieu rural. Nous faisons à la fois du financement et de l'aménagement du territoire.

M. Emmanuel KESSLER

Globalement, il vous semble qu'aujourd'hui les collectivités locales doivent donc s'impliquer directement dans le financement ou en tout cas essayer de donner l'impulsion ?

M. Gérard MIQUEL

Nous n'avons pas de vecteur approprié. Alors, les collectivités et les régions qui ont compétence en matière de développement doivent s'impliquer et si une région veut se grouper avec une autre région, c'est encore plus efficace. C'est ce que nous avons fait avec Midi-Pyrénées et Aquitaine et nous avons maintenant un outil de bonne dimension qui nous permet de résoudre certains problèmes des entreprises.

M. Philippe MANIÈRE (rédacteur en chef du journal Le Point)

En vous écoutant, monsieur le sénateur, je me demandais s'il n'y avait pas une tierce voie qui n'avait pas été explorée jusqu'à maintenant dans nos débats. Vous dites que le système bancaire est défaillant. Je ne sais pas s'il est défaillant ou bien si c'est vraiment son métier de faire du crédit aux PME en démarrage, et surtout du financement de fonds propres, ce qui est le principal problème. Vous ajoutez que, puisqu'il y a défaillance des banques, peut-être est-il légitime pour les collectivités locales de faire du financement. C'est sans doute mieux que laisser les entreprises sans rien, mais n'y a-t-il pas un autre moyen qui consisterait à donner des avantages fiscaux, ne serait-ce qu'au niveau des collectivités locales, aux gens qui mettent leur bel et bon argent dans ce genre d'aventure. Parce que le problème des collectivités publiques, c'est qu'elles utilisent l'argent du contribuable. On essaie d'y faire attention mais on y fait moins attention que quand c'est le sien propre et un certain nombre d'expériences dans le capital développement public ont montré que ce n'est pas ce qu'on fait de plus performant. Les responsables des collectivités publiques ne devraient-ils pas se demander s'il vaut mieux attribuer des subventions à ceux qui créent des entreprises, ou consentir des abattements fiscaux, à celui qui investit dans une PME en démarrage ?

M. Emmanuel KESSLER

Voilà une première proposition concrète. Qu'en pensent MM. MIQUEL et GRIGNON ?

M. Gérard MIQUEL

Avec les plates-formes d'initiatives locales, nous pouvons aller dans cette direction et nous en avons mis en place dans la région Midi-Pyrénées. Là, nous nous adressons davantage à des porteurs de petits projets qui ont besoin de 20 000 F, 50 000 F pour démarrer une opération. Il est vrai que si nous pouvons aller vers un système de déduction fiscale en faveur des gens qui acceptent de prendre le risque de mettre leur argent dans une entreprise, c'est sans doute une piste intéressante.

M. Francis GRIGNON

Pour enchaîner sur ce qui vient d'être dit, je voudrais vous indiquer que le 10 février nous allons examiner au Sénat une proposition de loi intitulée « Création d'entreprises et territoires », qui reprend un peu les suggestions que j'étais en train d'exposer. Nous proposons, dans un des articles, la création de Fonds Commun de Placement de Proximité (FCPP) qui seront des Fonds Communs de Placement à Risques (FCPR) et seront donc surveillés par la commission des Opérations de Bourse (COB), ce qui assurera une certaine sécurité. De plus, 40 % de leurs actifs pourront être placés dans des fonds plus traditionnels. Enfin, la personne qui apportera de l'argent à ces fonds aura les mêmes avantages fiscaux qu'avec les Fonds Communs de Placement dans l'Innovation (FCPI), c'est-à-dire une réduction d'impôt de 25 % avec un plafond de 75 000 F pour un célibataire et 150 000 F pour un couple. Deuxième mesure proposée : M. MADELIN avait proposé une incitation fiscale pour les gens qui mettent de l'argent dans les sociétés capitalisées. Nous proposons de l'étendre aux sociétés qui n'ont pas de capitaux, les sociétés en nom personnel, via un emprunt qui serait bloqué.

La troisième mesure proposée rejoint le thème d'aujourd'hui : les business angels à la française. Bref, une incitation pour les personnes qui s'investissent personnellement dans les entreprises, y apportent leur compétence et leur argent, sous la forme d'une déduction de 100 000 F de leur IRPP en cas de pertes dans l'investissement de ces entreprises. Je n'ai pas le temps de tout développer - ce serait trop long - mais je veux dire, pour répondre à M. MANIÈRE, que c'est un réel souci pour les élus, pour le législateur - nous y travaillons depuis un an -, non plus de subventionner l'entreprise mais d'inciter les Français à prendre conscience de l'importance de la création d'entreprises et à s'investir un peu plus dans les entreprises, en particulier dans leur territoire.

M. Emmanuel KESSLER

Cette proposition de loi va donc venir en discussion prochainement. Elle suivra son chemin. Encore faut-il que le Gouvernement soit d'accord pour qu'elle aille jusqu'au bout du parcours. En tout cas, c'est un élément important dans le débat. Qui veut intervenir ?

M. Pierre LAFFITTE (sénateur R.D.S.E. - Rassemblement Démocratique et Social Européen - des Alpes-Maritimes)

Je voudrais tout d'abord me réjouir de cette nouvelle opération lancée par le Sénat, après plusieurs autres dans le même esprit. Je rappelle aussi que nous avons, à plusieurs reprises, ici au Sénat, voté des amendements permettant aux investisseurs dans les sociétés en création, et notamment les sociétés innovantes, de déduire de leurs impôts, pendant une période de cinq ans, sur le modèle anglais, jusqu'à 500 000 F d'investissements. Je crois d'ailleurs que nous sommes trop timides quant au volume d'investissement. Lors du dernier Sommet du capital-risque organisé à Sophia-Antipolis, pour financer les start up, en 48 heures, entre 600 et 800 millions ont été investis dans une quarantaine de start up. Ce sont des chiffres qui sont sans commune mesure avec ce qu'une collectivité locale peut apporter. Il est clair que l'investissement initial est du domaine du capital de proximité, du fonds d'amorçage en quelque sorte, et là, effectivement, il est très bon que les collectivités locales, sous une forme ou sous une autre - je suis tout à fait heureux de cette proposition qui, à mon avis, devrait passer parce qu'elle est dans l'air du temps. Je voudrais surtout souligner qu'à l'heure actuelle, pour le premier tour de table et même pour le deuxième, surtout si le premier tour est assez gros, le problème du financement se simplifie lorsqu'on demande 20 millions plutôt que 2 millions. Cela dit, pour demander 20 millions, il faut avoir un business plan qui tienne la route, c'est-à-dire qu'il faut avoir des compétences managériales qui appuient les demandes de financement. D'où la nécessité pour les incubateurs, privés ou publics, d'avoir aussi des ressources en gestion des sociétés à croissance rapide. Ce sont des modes de gestion très différents de ceux des PME traditionnelles ou des grands groupes et nous n'avons pas en France, globalement, les compétences nécessaires. Je crois que c'est une des raisons majeures pour lesquelles nous n'avons pas la vitesse de réaction de nos amis américains.

M. Emmanuel KESSLER

Que pensent les responsables d'entreprises des remarques du sénateur LAFFITTE et de la proposition qui vient d'être formulée par le sénateur GRIGNON ?

M. Emmanuel KESSLER

Au tour du président directeur général de CRITÉRIUM de nous donner son impression.

M. Jean-Pierre FICHET (Directeur général de la société CRITÉRIUM)

La démarche paraissait extrêmement intéressante parce qu'on a tendance, lorsqu'on est responsable d'entreprise, petite ou grande, à se plaindre -ou bien est-ce seulement une impression ? - du décalage entre les politiques et les entreprises et d'une prétendue ignorance du monde du travail et de ses contraintes. Lorsque l'on a un tel sentiment, je pense qu'il faut essayer d'aller au-delà et de rencontrer, justement, les politiques. C'est ce que nous avons fait et je dois dire que ce fut un contact à la fois très positif pour moi, personnellement, parce qu'il s'effectuait dans un cadre non protocolaire - il s'agissait réellement de pénétrer l'entreprise - non pas d'aller couper un ruban et déguster une coupe de Champagne, et je souhaitais également que ce soit, pour le personnel de l'entreprise, une occasion de rencontrer ces politiques décriés ou adorés. C'est une expérience qu'il faut, je crois, renouveler à tous niveaux.

M. Emmanuel KESSLER

Nous allons continuer ce tour de table avec M. Francis GRIGNON, sénateur du Bas-Rhin, qui est allé chez WILROAD TELECOM, une jeune société, une start-up, née en 1997, qui propose des abonnements à des bouquets de services Internet pour gérer à distance et en temps réel un parc de véhicules, par exemple pour les entreprises de transports routiers. Alors, au-delà de l'enrichissement mutuel en termes de connaissance des milieux y a-t-il un enseignement principal ou une surprise que vous avez eue, quelque chose que vous avez découvert à travers cette expérience ?

M. Francis GRIGNON (Sénateur R.P.R. du Bas-Rhin)

Nous avons eu un excellent contact. On ne se sépare plus d'ailleurs !

M. Emmanuel KESSLER

C'est vrai et l'on pouvait même craindre que vous passiez la matinée à bavarder ensemble...

M. Francis GRIGNON

Je n'ai pas été vraiment surpris parce que avant d'être sénateur - je ne suis pas sénateur depuis longtemps - j'ai dirigé une PME pendant 25 ans. Je savais donc ce qu'il en était. En revanche, j'ai découvert les problèmes terribles rencontrés par une start-up qui doit payer la TVA alors qu'elle a surtout des dépenses et aucune recette et qu'elle n'est remboursée que six mois plus tard. Cela peut atteindre des sommes considérables, lorsqu'on a des besoins de financement. C'est ce problème que M. GAURIER et moi-même voudrions essayer de résoudre.

M. Michel GAURIER (Président directeur général de la société WILROAD TELECOM)

C'est en effet le message qui peut être passé, puisque j'ai constaté ce matin dans les titres de la presse que l'on s'intéressait aux crédits de TVA des entreprises. Le problème des start-up est, en effet, de générer des capitaux, mais il est anormal que l'on soit créditeur sur l'État de plus d'un million de francs de TVA et qu'on n'arrive pas à se faire rembourser. La solution proposée aux PME - compenser avec l'impôt sur les sociétés - cela veut dire qu'on a pensé aux start-up : bravo et merci, on a tout compris ! Voilà, le message est passé mais il y a encore des efforts à faire en matière de communication.

M. Emmanuel KESSLER

Nous allons essayer ce matin d'avancer sur ces dossiers. M. Gérard MIQUEL est sénateur du Lot. Il était dans une entreprise, dont le patron devrait nous rejoindre d'ici quelques instants, et qui est une société de services et de conseil en technologie de l'information. Cette entreprise, basée à Sophia-Antipolis, au coeur de ce qu'on appelle la Télécom Valley française, met en ligne des bases de données. Je crois que c'est une entreprise qui travaille beaucoup avec les collectivités locales.

M. Gérard MIQUEL (Sénateur socialiste du Lot)

Exactement. C'est une jeune entreprise. C'est aussi une start-up qui se développe rapidement et j'ai pu constater combien il était important d'offrir à ces jeunes porteurs de projets un environnement favorable. À Sophia-Antipolis, c'est ce qui se fait de mieux en matière d'environnement. Toutefois, le chef d'entreprise m'a fait part des problèmes de financement qui se posent dans le cadre de «l'incubateur» de Sophia-Antipolis à des entreprises qui se développent vite. Là nous avons des réponses à apporter. Car nous savons que le capital-risque est actuellement mal financé par notre secteur bancaire qui n'a pas le dynamisme de celui des États-Unis, par exemple. Alors quels outils pour le

M. Jean-Pierre FICHET

Ces propositions sont très intéressantes, mais je pense qu'au niveau du démarrage, les aides, les subventions, doivent continuer d'exister. Et l'un des problèmes qui a été posé est celui de la disponibilité de ces aides et subventions, en termes de liquidité ! Bien souvent, les délais sont très longs pour en disposer et l'on se doute bien que lorsqu'un entrepreneur va solliciter une aide, une subvention, c'est qu'il a besoin de cet argent très rapidement. Si les fonds lui arrivent plusieurs mois plus tard, ils ne lui sont peut-être plus d'aucun secours.

M. Emmanuel KESSLER

Ce que vous nous dites, c'est que la logique administrative a un rythme très différent de la logique du chef d'entreprise.

M. Jean-Pierre FICHET

Ce n'est pas la logique du chef d'entreprise. C'est la logique de l'entreprise, c'est la logique financière, c'est la logique bancaire, c'est la logique du personnel, ce qu'il faut payer, avec les charges sociales, etc. Pour tenter de pallier ces délais de versement trop longs, les établissements bancaires peuvent, nous dit-on, assurer le relais. L'ennui c'est que pour le chef d'entreprise, pour l'entrepreneur, cela ne fait que doubler son problème. Le parcours est un peu kafkaïen. Vous présentez un dossier de financement ; vous obtenez une réponse favorable ; les fonds seront disponibles dans tel délai. Vous les attendez et vous souhaitez pouvoir faire la jonction en vous adressant à votre banque, ou à des banques spécialisées pour demander qu'elles assurent ce relais. Eh bien il faut tout recommencer : vous présentez un nouveau dossier et il a de fortes chances de ne pas être accepté par le comité de crédit de l'établissement bancaire parce que celui-ci ne tient pas compte de l'engagement des organismes publics ou semi-publics. N'y a-t-il pas là quelque chose à faire pour que, effectivement, les fonds puissent être disponibles, soit directement auprès des organismes qui doivent les verser, soit indirectement grâce à un système de garantie pour les banques, afin que le chef d'entreprise n'ait pas à refaire deux fois la même démarche et à devoir s'engager sur ses biens. Encore faut-il qu'il en ait parce que, lorsqu'on démarre, ce n'est pas forcément le cas. J'entendais parler tout à l'heure de business angels. C'est très à la mode, comme les entreprises de croissance, les start up. En réalité, il y en a toujours eu, et c'est pour cela qu'il y a des entreprises. La différence, c'est qu'aujourd'hui, on dispose de plus d'informations, d'endroits où s'informer, de possibilités et d'aides diverses. Cela dit, il n'est pas toujours facile d'aller à la recherche de l'information et puis l'autre souci c'est que, trop souvent, quand vous avez un projet personnel, vous n'avez pas forcément ce qu'on appelle le capital de proximité - des relations, des personnes de votre famille, des amis - qui puissent consacrer des sommes convenables à votre projet. Et cela signifie qu'il faut, dès le départ, avoir une certaine dotation financière personnelle. Cela veut dire qu'il faut être issu d'un milieu qui le permette. Si vous n'avez pas d'argent, vous vous trouvez dans une quasi - mais pas totale - impossibilité de créer quoi que ce soit.

M. Emmanuel KESSLER

Merci de votre témoignage, de vos interrogations. Que peut-on faire pour que ce parcours du combattant - même s'il est normal que créer une entreprise soit un parcours du combattant, sinon il n'y aurait pas d'esprit d'entreprise - soit moins kafkaïen, plus humain et plus rationnel ?

Mme Monique PATELOUP (Manager Consultante)

Pour les entreprises familiales qui n'ont plus d'héritiers ou des héritiers incompétents, et qui désirent assurer leur pérennité, il faudrait permettre des opérations d'introduction sur le second et le nouveau marché boursier avec des allégements fiscaux, tout en préservant les parts des fondateurs qui permettent justement aux entreprises de se développer, d'innover, car je reste persuadée que seule l'innovation, la recherche, permettront d'assurer la création et la pérennité des entreprises. On ne demande pas à l'État de se substituer aux entreprises mais de donner l'impulsion aux entreprises et aux investisseurs. Il serait donc souhaitable d'établir des partenariats entre grandes écoles, entreprises et les Directions Régionales de l'Industrie et de la Recherche (DRIRE). Les subventions des DRIRE ne doivent pas servir de ballon d'oxygène momentané pour des entreprises qui sont au bord du gouffre, mais au contraire à des opérations d'innovation et de recherche, si je puis dire, de « mise à l'étrier » des jeunes créateurs.

À propos des crédits de TVA, je rejoins tout à fait M. GAURIER. Le remboursement est beaucoup trop tardif, la procédure lourde. Ne pourrait-on pas réfléchir à des achats en suspension de taxe de sorte que les entreprises n'aient pas à faire l'avance de la TVA. En revanche l'imputer sur l'impôt sur la société est inadmissible pour les créateurs d'entreprise, pour les entreprises en difficulté qui sont sur le point de déposer leur bilan. S'il y a un repreneur, le redressement ne sera possible que si la réalisation des actifs du crédit TVA est immédiate.

M. Emmanuel KESSLER

Voilà un certain nombre de propositions, de suggestions. M. GÉRARD peut-il apporter une réponse à Mme PATELOUP ainsi qu'aux interrogations de M. FICHET ?

M. Alain GÉRARD

Les propos que M. FICHET a tenus aujourd'hui sont ceux qu'il m'avait tenus lorsque j'étais dans son entreprise : la complexité des démarches, les retards. J'ai essayé de réfléchir à ce problème et puis j'ai trouvé, dans un rapport sénatorial du mois de juin 1997 publié sous le numéro 374, une proposition consistant à créer une autorité de promotion des PME chargée de simplifier les tâches administratives du chef de l'entreprise et, en tout état de cause, d'accélérer toutes ces procédures actuellement trop centralisées. Voilà une réponse qu'il faudrait peut-être reprendre.

M. Jacques-André PREVOST

Je préside l'Institut pour la simplification. Je voudrais rebondir sur la proposition du sénateur GRIGNON. Je ne suis pas spécialisé dans les questions de financement des entreprises mais j'ai l'impression que je n'ai pas très bien compris. Pourquoi des fonds, des intermédiaires, des obstacles, des contrôles, des plafonds, des conditions, des taux, des possibilités d'arbitrage, des possibilités pour le pouvoir réglementaire de faire des circulaires d'application qui seront difficiles à appliquer ou qui seront compliquées, des contestations, des conflits avec l'administration fiscale ? Pourquoi toute cette complexité dans vos propositions, alors que nous savons très bien, parce que nous avons maintenant des chiffres, que les politiques qui fonctionnent en matière de création d'entreprises, ce sont les politiques de simplification ? Depuis 1987, les chiffres nous montrent que la création d'entreprises n'a jamais cessé de baisser, sauf en 1988 et 1994, deux périodes qui ont suivi une communication forte sur la simplification et surtout des mesures de simplification. Comme l'a dit Mme PATELOUP, obtenir des remboursements de TVA, c'est extraordinairement compliqué. Personnellement, comme chef d'entreprise, à chaque fois que je l'ai demandé, j'ai eu un contrôle fiscal, donc maintenant je ne le demande plus. La solution n'est pas dans des aménagements de ce système. La solution, me semble-t-il, c'est le compte fiscal unique et les politiques devraient proposer de le mettre en place dans un délai de trois ans. Puisque l'administration a des créances et des dettes, si l'on veut aller vers la simplification, il faut raisonner en solde.

M. Philippe MANIÈRE

Si la réforme de Bercy est faite, ce dont malheureusement je doute un peu, on ira très largement dans le sens que vous dites. Il y aura un compte unique, un interlocuteur fiscal unique. Sans doute restera-t-il des « trucs et des machins » parce que l'on ne sait malheureusement pas faire autrement en France. Il restera la redevance télé, qui est absolument inutile. Il restera les débits de tabac. Mais enfin, grosso modo, par rapport à la foison d'administrations fiscales et de comptes séparés qu'on a aujourd'hui, tout sera bien meilleur. Je doute que ce soit fait aussi vite et aussi bien qu'on nous le promet, mais il faut quand même espérer.

Deuxième point : le cas des start up qui a été évoqué tout à l'heure et qui, par définition, n'ont pas encore d'aide fiscale. Elles ont une créance fiscale qu'elles ne peuvent pas mobiliser alors qu'elles n'ont pas de dette fiscale pour faire la compensation. Ce problème reste entier même avec la suggestion que vous faites. Alors je crois qu'il faut combiner votre proposition, qui est parfaitement adaptée au problème de l'entreprise en général, avec d'autres propositions afin qu'une entreprise qui ne fait pas encore de bénéfices puisse quand même bénéficier des créances fiscales qui lui sont dues.

M. Emmanuel KESSLER

Vous avez été interpellé - M. GRIGNON - sur la complexité de votre proposition de loi. Peut-être avez-vous été mal compris, ou alors y a-t-il un véritable obstacle ?

M. Francis GRIGNON

Je n'ai pas eu le loisir de m'expliquer en détail. Quand on commence à jouer avec l'argent des particuliers qui le mettent dans des fonds communs de placement à risques, on doit veiller à entourer cet investissement d'un minimum de garanties, pour que les particuliers ne soient pas découragés à l'avenir de le placer ainsi, d'où les FCPR, d'où un contrôle de la COB, etc.. Quant à la simplification, alors, nous avons tout à fait conscience du problème et j'ai été personnellement impressionné par ce qui se passe aux États-Unis au sein de la SBA, la Small Business Administration. On ne peut certes pas la refaire en France parce qu'elle a été créée là-bas en 1954 et que chez nous, il faudrait procéder à une véritable réforme de l'État qui n'est pas envisageable. Voyez ce qui se passe quand on veut toucher aux perceptions de province ! Bref, nous avons proposé de donner une nouvelle mission aux organismes existants - la BDPME, la NCE, la PCE : examiner tous les textes législatifs qui sont votés, pour voir ce qui peut gêner et compliquer la vie de l'entreprise et simplifier les textes existants. Cela est inscrit dans l'un des articles de cette proposition de loi. On verra bien ce qui se passera. Il est tellement difficile chez nous de supprimer des administrations ou des organismes existants que, pour essayer d'avancer, nous avons plutôt essayé de jouer sur les organismes existants en les incitant à se regrouper, en introduisant aussi davantage de chefs d'entreprises dans leurs organes de gestion. Nous espérons ainsi faire avancer un peu les choses plutôt que de se buter en étant trop radical.

M. Emmanuel KESSLER

Nous allons encore entendre M. GAURIER, le patron de WILROAD TELECOM, puis nous passerons à la deuxième partie de cette table ronde.

M. Michel GAURIER

Nous sommes en plein dans le parcours de recherche de fonds. J'ai entendu parler de subventions et de crédits bancaires. Je ne pense pas que ce soit là véritablement ce qu'il faut faire pour les start up, malheureusement. Ce dont elles ont besoin, ce sont de véritables fonds propres. Il ne me viendrait pas à l'idée d'aller voir mon banquier pour lui demander un crédit aujourd'hui, ce serait trop compliqué et il me demanderait des garanties sur mes capitaux personnels. Si j'ai à faire des avances personnelles, je les ferai par des avances en compte courant, mais de toute façon, nous mettons un point d'honneur à ce que nos comptes bancaires soient toujours créditeurs.

Les subventions, c'est la même chose : on n'en a pas besoin. Un projet sain doit pouvoir se financer par ses capitaux propres. Si des subventions viennent sur des projets spécifiques, c'est tant mieux et c'est bon à prendre. Mais ce que je demande, et je le redis encore une fois simplement, puisque l'État m'oblige à payer la TVA le 23 du mois, c'est qu'il s'oblige à me rembourser la TVA qu'il me doit le 23 du mois suivant. Le vrai problème des start up aujourd'hui, c'est de présenter, comme l'a rappelé le sénateur LAFFITTE tout à l'heure, un projet à des fonds de capital risque - il y en a de plus en plus aujourd'hui - mais en dessous de 20 millions de francs, cela ne les intéresse pas. Les fonds sont tous d'environ 300, 400 millions, voire 1 milliard pour les mieux dotés. Ces fonds sont en général dirigés par trois personnes. Vous voyez donc tout de suite le nombre de dossiers que ces trois personnes peuvent étudier. En dessous de 20 millions, ils ne regardent même pas les dossiers. Tout le problème d'une start up, c'est d'exister entre le temps t-zéro où le chef d'entreprise a une idée et puis le temps « t-zéro plus douze mois » environ, où il est capable de présenter un dossier de capital risque. Il faut exister pendant douze mois et il faut réunir les capitaux propres. Et c'est le rôle du réseau des business angels qui est en train de se mettre en place. Heureusement, il y a aujourd'hui une génération de gens qui ont créé avec succès des entreprises, qui les ont revendues, et qui se trouvent à la tête d'un petit capital qu'ils peuvent placer dans d'autres entreprises, avec leurs conseils, le cas échéant. Il est plus que jamais important de pouvoir compter sur ce réseau de business angels. Leur avantage par rapport aux capitaux risqueurs, c'est qu'ils peuvent entrer dans les entreprises au premier tour de table et ne pas payer de primes d'émission ou très peu.

Tout ce qui peut être fait aujourd'hui va permettre aux business angels d'intervenir, et d'intervenir rapidement, parce que le besoin d'argent est immédiat, et pas à échéance de dix ou douze mois. Et sur ce point l'État, avec des incitations fiscales, peut nous aider.

M. Emmanuel KESSLER

Il faudrait peut-être trouver un équivalent français aux business angels. On pourrait parler d'investisseurs providentiels. Quelqu'un veut-il ajouter un mot ? Ensuite on passera à la seconde partie de cette discussion.

Mme Marie-Annick PENINON

Je suis déléguée générale de l'AFIC (l'Association Française des Investisseurs en Capital). Je voulais répondre à deux ou trois commentaires qui ont été faits ce matin. D'abord dire que nous soutenons la proposition de loi dont a parlé le sénateur GRIGNON et confirmer à l'orateur précédent qu'à partir du moment où l'on mutualise de l'argent de porteurs privés, il faut en effet que cela se fasse à travers des structures d'investissement de type FCPR. Cela permet de répondre à la question précédente : comment, pour un jeune créateur d'entreprises ou un créateur d'entreprises moins jeune, trouver de l'argent ? Les FCPP, s'ils voient le jour, seront une des réponses. Je veux aussi inviter les chefs d'entreprises à regarder les statistiques de la profession d'investisseur financier en France. Ces personnes investissent en moyenne autour de 2 milliards de francs par an dans la création d'entreprises et j'insiste sur le terme de création mais il est clair que la mise moyenne n'est pas de 20 millions. Elle est plus près de 3 ou 4 millions. Notre association représente à peu près 90 % du métier en France. C'est dire que nos statistiques sont à la fois fiables et intéressantes. Les investisseurs financiers ne sont pas prêts à apporter systématiquement 20, 50 ou 100 millions. Le développement des fonds est là pour prouver qu'à la fois ils répondent aux besoins et qu'ils ont les outils spécifiques pour le faire.

M. Emmanuel KESSLER

Vous êtes nombreux à vouloir intervenir. Je propose que l'on passe à la seconde séquence et que l'on aborde les aspects fiscaux de la création d'entreprise. Il en a déjà été question tout à l'heure, avec les questions de TVA, et puis, on l'a bien senti, il y a aussi une demande de la part de ceux qui sont prêts à mettre des fonds dans les entreprises. Nous allons donc essayer d'entrer un peu plus dans le vif du sujet.

Mme Christine FONTANET (Responsable de la communication ENTREPRISE & PROGRÈS)

Entreprise et Progrès a beaucoup travaillé sur les business angels, les investisseurs providentiels. Nous avons notamment organisé un colloque le 2 décembre à l'Assemblée nationale en présence de Laurent FABIUS. NOUS avons proposé toute une série de mesures extrêmement simples, pour inciter les particuliers à investir dans la création d'entreprises.

M. Emmanuel KESSLER

Pouvez-vous en citer une parmi d'autres ?

Mme Christine FQNTANET

Une mesure toute simple : aucun plafonnement pour les pertes.

M. ROBERT (Chef d'entreprise)

J'ai eu à financer, au cours des vingt dernières années dans ma vie, trois types de projets avec trois types de financement différents et je suis aujourd'hui président d'une PME-PMI. J'ai d'abord eu à financer un magasin de distribution. À titre personnel, je n'avais pas d'apport et il était très difficile de trouver un financement de mon côté. C'est le système coopératif qui m'a permis de le faire : un certain nombre de gens ayant les mêmes métiers, la même activité, les mêmes intérêts, se mettent ensemble, se portent caution les uns pour les autres. Ensuite, ils vont voir un banquier et lui disent : voilà, on est un certain nombre. Si l'un de nous est défaillant, on reprend les crédits, on reprend tout ce qu'on vous doit et cela vous permettra d'avoir une garantie. Sans cette garantie-là, il n'y a pas de développement. La somme que j'avais empruntée à l'époque était de l'ordre de 15 millions de francs. C'est un système qui est long à mettre en place, fondé sur la cooptation. Mais si vous faites partie de ce groupement, vous trouverez un financement. Sans cela, il n'y a pas de financement.

J'ai eu, quelques années plus tard, à trouver un financement pour une société de promotion. Aucun financement n'est possible sans engagement personnel. Je l'ai apporté à titre de fonds propres. Les sommes étaient plus modestes, de l'ordre de 2 millions de francs. Mais sans l'apport de fonds personnels, il n'y avait pas de démarrage possible dans cette activité. Pour le troisième financement, de l'ordre d'une douzaine de millions de francs, il y a environ trois ou quatre ans, j'ai été aidé par une société de capital-risque. J'ai apporté de l'argent personnel à titre de fonds propres, et les capitaux risqueurs, vu mon expérience, m'ont suivi dans le rachat d'une entreprise.

Ce que je retiens de ces diverses expériences, c'est qu'il ne faut pas compter sur le financement des banques, banques de dépôt et autres, que tout le monde connaît. Ces gens-là ne sont, à mon avis, pas compétents pour financer des entreprises privées pour des projets privés. Aujourd'hui les sociétés de capital-risque sont énormément développées. Tout est plus facile tant les mentalités ont évolué. Et si vous avez un bon projet, vous pouvez trouver de l'argent. Et cela ne se limite pas aux gros projets - à 20 millions, comme on l'a entendu tout à l'heure ; même 2 ou 3 millions de francs, on les trouve. De toute façon, il faut avoir une crédibilité, une expérience, éventuellement même donner sa caution personnelle. C'est très français et cela ne se retrouve pas dans d'autres pays. On a dit qu'il fallait simplifier. C'est vrai, il faut tout simplifier. Les anglo-saxons ont une approche très pragmatique des choses. Mon entreprise compte une trentaine de personnes. Or il y a une ou deux personnes qui sont payées uniquement pour remplir des formulaires, pour régler des questions administratives et qui ne produisent rien. Je suis bien content qu'elles soient avec nous mais je pense que cet argent-là, j'aimerais mieux pouvoir l'investir dans l'innovation, dans la création de brevets. À cet égard, la fiscalité n'est pas très incitative non plus. Et c'est une question que je voudrais poser aux sénateurs. Quand vous investissez 2 à 3 millions de francs pour un brevet, pour une recherche, que vous travaillez avec des designers, des sociétés spécialisées dans les brevets d'étude et autres, il n'y a pas suffisamment d'incitation dans ce domaine. Pour toutes les PME-PMI qui sont en concurrence avec d'autres sociétés, quel que soit leur secteur d'activité, leur donner un avantage fiscal quand elles investissent permettrait de créer une vraie dynamique.

M. Emmanuel KESSLER

Votre témoignage traduit le souci d'un certain nombre de dirigeants d'entreprise. Y a-t-il d'autres questions ? Essayez d'être brefs pour que les sénateurs, mais aussi les chefs d'entreprise présents à la tribune puissent vous répondre et s'exprimer sur ces questions d'incitation fiscale.

Un intervenant dans la salle

Jeune créateur de cabinet-conseil, je me sens particulièrement concerné par les débats d'aujourd'hui. Je suis dans la période « 0 + 12 mois » qui a été mentionnée tout à l'heure et je rencontre d'énormes difficultés pour trouver des financements. Je suis un ancien gérant de fonds de pension aux États-Unis, où j'ai vécu pendant plusieurs années, et j'ai constaté en discutant avec beaucoup d'entreprises cotées en Bourse, qui venaient nous chercher pour avoir des financements, qu'elles avaient d'énormes problèmes de communication avec les gérants et les analystes financiers. J'ai donc ouvert un bureau de conseil pour les aider à dire ce qu'il fallait dire au marché, pour que le marché ne réagisse pas négativement aux résultats d'une entreprise, à une acquisition qu'elle fait, à un projet d'investissement dans tel ou tel pays, à une crise qui peut se produire en Asie, au Brésil, etc.. Or, je me suis aperçu qu'un projet qui répond à une demande, qui n'a pas besoin fondamentalement de gros capitaux puisqu'il n'y a pas de grosses machines à acheter, par exemple, qu'un tel projet donc, n'arrive pas à trouver sur le marché des banques ou des particuliers prêts à y mettre de l'argent alors qu'il peut rapporter beaucoup.

Ce colloque est très intéressant parce qu'il aborde beaucoup de sujets. J'ai cru comprendre que pour certains, les avantages fiscaux pouvaient se substituer à l'apport en capital, en fonds propres. Je pense que ce n'est pas vrai. L'avantage fiscal ne peut remplacer le soutien d'une trésorerie, ce n'est pas possible. Lorsqu'on a besoin d'argent, c'est de cash dont on a besoin. Même si l'on fait des baisses d'impôt, des abattements fiscaux ou tout ce que vous voulez, cela ne peut remplacer un apport en trésorerie. Cela peut être un prêt, cela peut être une subvention, cela peut être un apport en fonds propres, mais le besoin d'une trésorerie pour financer son activité est fondamental. Il est économique. Il est là. Il ne peut pas être remplacé par moins d'impôt. C'est ce que j'avais à dire.

M. Philippe MANIÈRE

On s'est sans doute mal compris. Ce que je voulais dire, c'est que plutôt que de subventionner les entreprises, il valait mieux accorder des avantages fiscaux aux gens qui leur apporteraient de l'argent en capital. Donc, il ne s'agissait naturellement pas de faire des promesses fiscales pour l'avenir mais de permettre un financement en fonds propres plutôt que de donner de l'argent public ou d'aider par des financements publics. Je comprends bien que le besoin élémentaire d'une entreprise qui démarre et qui a peu ou pas de recettes, c'est le cash. Mais il y a deux possibilités : soit la collectivité publique lui donne de l'argent, et c'est ce que qui a été évoqué par un certain nombre d'intervenants, soit la collectivité publique co-finance en accordant un avantage fiscal à celui qui investit, mais en lui laissant le choix de l'investissement. Soit, c'est du soutien à l'aide privée, soit c'est de l'aide publique. Je disais simplement qu'il valait mieux soutenir l'aide privée que de faire de l'aide publique. Mais de toute façon, il s'agit d'investir en fonds propres.

M. Emmanuel KESSLER

De l'incitation fiscale pour ceux qui vont apporter des capitaux à une entreprise en train de se créer, qu'en pensez-vous, Monsieur LEPELTIER ?

M. Serge LEPELTIER (Sénateur R.P.R. du Cher)

Il y a dans notre fiscalité un exemple qui a très bien fonctionné, c'est l'amortissement « Périssol » dans l'immobilier. Si on reprenait ce mécanisme pour favoriser l'innovation, on arriverait sans doute à quelque chose de très positif. Dans l'immobilier, on attendait depuis des années un changement de situation. Le « Périssol », pour la première fois, a permis une défiscalisation sur le capital investi et non plus sur les intérêts. Ça, c'est très important. Quelqu'un qui investit dans une entreprise a, de ce fait, un crédit d'impôt personnel et c'est le grand changement. Et c'est ce à quoi il faudra aboutir. Ce qui existe avec les fonds communs de placement, c'est trop limité, c'est trop plafonné. Il faudrait aller beaucoup plus loin.

M. Emmanuel KESSLER

Vous pensez qu'on pourrait avoir une mesure aussi forte - j'allais presque dire aussi « grand public » - que l'amortissement Périssol ?

M. Serge LEPELTIER

Je crois que c'est ce vers quoi il faut aller et essayer d'en convaincre le Gouvernement.

Dans l'immobilier, que je connais bien pour des raisons professionnelles, on n'en sortait pas. Bercy nous disait : il n'est pas question d'avoir des crédits d'impôt sur du capital investi, on enrichit le capitaliste. On ne voulait défiscaliser que les charges, c'est-à-dire les intérêts financiers et non pas l'investissement en capital. Or, pour aller vers « monsieur tout le monde », il faudrait qu'il ait intérêt à investir au lieu de payer des impôts, tout simplement, qu'il investisse dans des entreprises.

M. Philippe MANIÈRE

Nous sommes au coeur du sujet : dès lors qu'on veut favoriser quelque chose par des mesures fiscales, il faut assumer le fait qu'on fait un cadeau aux riches, et en France, c'est assez difficile. Mais il ne faut pas rêver, ce ne sont pas les pauvres qui vont financer les entreprises. Les pauvres ne seront jamais des business angels. Puisque ce sont les riches qui ont de l'argent, il faut bien s'y résigner. Aucune mesure permettant de soutenir la création d'entreprises par de l'argent privé ne sera possible tant que le consensus social se fera en France autour de l'idée qu'il ne faut pas faire de cadeau aux riches. Lorsqu'on a réussi à briser ce tabou pour quelque chose qui, à mon avis, est dépourvu de tout intérêt, c'est-à-dire l'immobilier - il n'y a rien de plus improductif que l'immobilier - même si cela fait travailler des tas de gens. Pourquoi ne pourrait-on le faire pour la création d'entreprises, ce qui est incontestablement beaucoup plus utile ?

M. Serge LEPELTIER

Je ne suis pas du tout de votre avis sur l'immobilier, cela fait travailler beaucoup d'entreprises de bâtiment et à l'époque où cette mesure a été décidée, ce secteur connaissait une grave dépression. Cela dit, je vous rejoins néanmoins, il faut, dans le secteur de l'innovation, jouer sur l'investissement en capital.

M. Emmanuel KESSLER

Que pense M. LORIDANT de ce débat sur l'aide fiscale à la création d'entreprises ? Jusqu'à quelle limite peut-on aller ?

M. Paul LORIDANT (Sénateur Communiste Républicain et Citoyen de l'Essonne)

Je crains d'être le « vilain canard », je ne suis pas d'accord sur grand chose dans ce débat. Je voudrais d'abord rappeler un certain nombre de choses. Avant d'être sénateur, je travaillais à la Banque de France, dans la banque des banques. Or, une banque, sauf erreur de ma part, est une entreprise comme une autre, elle ne doit pas perdre d'argent. On est d'accord. Dans ces conditions, le B-A BA du banquier, que l'on apprend à l'école interne à la Banque de France, c'est d'être prêt à vous prêter tout l'argent que vous voulez, et même à la fin des fins à perdre ses intérêts, à condition de retrouver son principal. Je suis désolé de vous dire des choses aussi basiques mais un banquier, il veut retrouver son principal. Vous pouvez être start up, créateur d'entreprise, si vous-même ne voulez pas perdre d'argent, a priori, il vous faut intégrer ce raisonnement-là.

Deuxième point : il me semble que dans notre pays, il y a des institutions dont le rôle est d'apporter des fonds propres, le vrai problème étant celui des fonds propres. Il y a eu les SDR, (sociétés de développement régional), créées en 1955 par Edgar FAURE. Elles avaient d'abord pour seule mission d'apporter des fonds propres aux entreprises ; puis on a dévié pour leur permettre de faire des prêts. Ces sociétés, au bout d'un moment, n'arrivaient pas à renouveler leur stock d'entreprises à financer. Elles ont presque toutes été rachetées par des banques ou par des groupements financiers. Aujourd'hui on crée des structures spécifiques pour apporter des fonds propres. Je crois qu'il faut les favoriser ainsi que les particuliers qui apportent des fonds. Sans doute à travers des avantages fiscaux. Mais je veux qu'on soit bien d'accord sur un point, c'est qu'il y a là des risques de perte et qu'il n'est pas question de venir compenser ces pertes. Nous connaissons bien le mode de raisonnement de nos concitoyens, notamment ceux qui ont de l'argent - les riches - et c'est vrai qu'il faut que les riches apportent de l'argent dans les capitaux à risques. Si l'on a un avantage fiscal pour investir dans des entreprises à capitaux risqués, une fois que la perte est constatée, et nécessairement il y aura des pertes, parce que statistiquement toutes les start up ne peuvent pas réussir, jamais on ne doit pouvoir demander une compensation au cas où cela tourne à la catastrophe. Sinon ce serait fiscaliser ou socialiser les pertes et puis enregistrer les bénéfices. Je crois qu'il faut qu'on soit bien d'accord là-dessus.

Cela dit, moi personnellement, au vu de mon petit séjour en entreprise, une chose m'a frappé : l'entreprise WIN, dont le patron est Bruno MARTINEZ, avec 10 ou 12 salariés et 8 millions de chiffres d'affaires, c'est vraiment la start up toute petite. Cette entreprise est évidemment vulnérable puisqu'elle démarre. Mais sa principale vulnérabilité vient du fait que toute sa richesse repose sur le dirigeant et sur les salariés. Le départ de l'un d'eux, pour une raison ou une autre, peut potentiellement la mettre en péril. Ce qu'il faut, me semble-t-il, dans les start up qui démarrent, c'est consolider le capital humain et, même si les salaires sont corrects, ils ne sont pas à la hauteur de l'investissement que font les personnels dans l'entreprise. Il me semble qu'il y a là un vrai débat, le débat sur les stock options qui doit être abordé avec beaucoup de lucidité, de sérénité. À mes yeux, il importe de prendre des mesures fiscales de stock options pour les entreprises débutantes. Pour les grands PDG, c'est un autre problème... Mais pour favoriser la création des entreprises, j'ai une proposition simple, provocatrice, qui ne plairait pas à mes chefs de parti à gauche mais que je défends moi : des stock options à hauteur de 500 000 F par an, renouvelables chaque année, et au-delà des 500 000 F, la fiscalité de droit commun. C'est tout simple, et cela permettrait aux start up de recruter du personnel et de bien le rémunérer. Je voudrais bien que vous répondiez à cette proposition qui est finalement assez provocatrice pour le secrétaire général du Mouvement des Citoyens dont le président est Jean-Pierre Chevènement.

M. Emmanuel KESSLER

On est « transcourants », on dépasse les clivages politiques.

M. Serge LEPELTIER

C'est la notion de risque qui est importante, le risque pris à titre personnel. Quand je parlais de défiscaliser l'investissement en capital, je ne pensais pas qu'il serait possible de le récupérer si on l'a perdu. Or, la défiscalisation au départ, ce serait déjà une grande chose. On ne va pas gagner deux fois, c'est évident.

Deuxième point, je suis d'accord avec vous pour dire qu'une banque, son objectif c'est de gagner de l'argent. Mais il y a aussi la prise de risques. Peut-on gagner de l'argent sans prendre de risques ? Or les banques aujourd'hui, on le constate avec le système très français des cautions personnelles, ne veulent pas prendre de risques. Quitte à vendre aux enchères la maison de la grand-mère si les choses tournent mal. C'est proprement scandaleux. Je ne reproche pas, au contraire, aux banques de vouloir gagner de l'argent et de récupérer leur capital, mais il faut aussi qu'elles prennent leurs risques sur des dossiers sains sans systématiquement demander la caution personnelle.

M. Paul LORIDANT

Ce débat me rajeunit de vingt ans, quand j'ai été reçu au concours d'entrée à la Banque de France, où l'on forme les cadres. Ce qu'on apprend à un jeune cadre de banque, c'est que si le chef d'entreprise a un patrimoine et qu'il veut créer une entreprise, mais ne pas mettre d'argent dans sa création d'entreprise, pourquoi voudriez-vous qu'un tiers, le banquier, le fasse ? La règle de base, c'est : tu veux 100 de crédit, tu apportes 100. Si tu n'apportes pas 100, tu apportes 50, je t'apporte 50. Je te fais confiance dans la création de « ta » boîte, à hauteur de la confiance que tu y fais toi-même. C'est un raisonnement simple, simpliste peut-être, mais qui veut dire ce qu'il veut dire. Si vous n'avez pas confiance dans l'entreprise que vous créez, pourquoi voulez-vous qu'un banquier ou un tiers veuille mettre de l'argent dedans ? Après il y a le débat, qui est un vrai débat, sur la création d'une start up pour laquelle il faut trouver un autre système - et c'est le rôle des fonds de placement à risque.

M. Serge LEPELTIER

Il y a risque et risque. Celui du banquier est financier. Le risque de la caution, c'est 30 ou 40 ans de sa vie personnelle, cela va beaucoup plus loin. Le risque du banquier, après tout, c'est le risque de l'actionnaire, de rapporteur de capital, ou alors il y a des discours qui ne sont pas cohérents.

M. Emmanuel KESSLER

Voilà un très beau débat. Demandons à Philippe MANIÈRE de l'arbitrer.

M. Philippe MANIÈRE

Je ne vais pas l'arbitrer, seulement dire un petit mot. Il me semble que quand le banquier prête, il ne prête pas au prix auquel l'État emprunte, au coût de sa propre collecte. Il rajoute ce qu'on appelle le coût du risque, c'est-à-dire qu'il est censé mutualiser le risque de ses débiteurs. Alors, on ne peut à la fois dire, je vous fais payer le risque statistique et je ne prends pas de risques parce que j'ai une caution. Cela étant, je suis obligé, pour être fidèle à mes propres convictions, de dire que s'il y avait de la place pour quelqu'un qui prête autrement et mieux, probablement que cela se ferait. Sur un marché, on peut s'étonner que perdurent de telles pratiques aussi généralement prohibitives du soutien aux entreprises privées. Pourquoi n'y a-t-il pas une banque un peu plus maligne que les autres ? Probablement elle gagnerait de l'argent. Je ne suis pas spécialiste du droit bancaire mais peut-être des dispositions obligent-elles les banques à demander des cautions. S'il est vrai que les banques font payer deux fois le risque, une première fois par le surcoût par rapport au coût de la collecte, une seconde fois par la caution, il y a probablement de la place pour quelqu'un qui gagnerait quand même de l'argent.

M. Bruno MARTINEZ (PDG de la société WIN)

Ce que je voulais retenir, pour ma part, et cela me fait très plaisir que ce soit le sénateur LORIDANT qui en ait parlé, ce sont les stocks options. Quand on raisonne en termes de petite société, de petite équipe, il paraît évident qu'il faut accepter que les fruits futurs soient partagés, que le rêve du créateur soit partagé par l'équipe. Les mesures proposées me paraissent assez bonnes, un montant de l'ordre de 500 000 F exonéré d'impôt, mais on pourrait aller plus haut, je ne serais pas contre. Ce sont de tels principes qu'il faudrait défendre. Quand on se retrouve dans une petite équipe, on ne parle pas des 35 heures, ce qui est le sujet d'une autre table ronde, - il n'y a pas de 35 heures. On a un projet en commun, on est mobilisé sur ce projet, on fait des efforts et il faut que tout le monde puisse profiter, ensuite, de la réussite probable. C'est, pour moi, le point le plus important. Le problème de la caution, je l'ai traité d'une manière un « peu particulière. On a autofinancé la réalisation des logiciels en faisant de l'ingénierie - on est dans l'informatique. Quand on veut financer un projet, le premier moyen, c'est de gagner de l'argent. Et puis il y a le crédit d'impôt recherche qui vous évite de payer des impôts quand vous avez investi dans un projet innovant. Vous êtes exonéré d'impôt, mais vous devez quand même le payer. Cela peut paraître aberrant, mais, par exemple, l'année dernière, on a été exonéré de 400 000 F d'impôt ; on a payé 400 000 F d'impôt. Cette année, je ne connais pas encore exactement les chiffres, mais il est très probable que sur le plan de la trésorerie, j'aurai environ 600 000 à 700 000 F qui seront « coincés » alors que je bénéficie d'un crédit d'impôt recherche.

M. Emmanuel KESSLER

Monsieur VISSAC, vous êtes sénateur de Haute-Loire, et vous étiez chez M SAT, entreprise qui fabrique des cartes et des photos satellites pour les revendre aux professionnels et aux particuliers via Internet. Cette société a un projet important pour l'an 2000 au sujet duquel son patron, M. MASSELOT nous dira peut-être un mot tout à l'heure. Quel est votre sentiment sur cette expérience et sur les questions que nous abordons ? Mais quelqu'un demande la parole...

Un intervenant dans la salle

Je voudrais intervenir à propos du crédit d'impôt recherche. Nous nous sommes vus refuser cet avantage au prétexte que nous n'avions pas déposé au préalable au ministère de l'industrie une demande d'acceptation de notre brevet. Il faut donc savoir qu'il y a une petite formalité à accomplir que la plupart des gens qui constituent leur entreprise, leur société ne connaissent pas. Et pourtant, si elle n'est pas accomplie, elle vous fait passer à côté du crédit d'impôt recherche !

M. Emmanuel KESSLER

Voilà un témoignage intéressant qui rejoint les préoccupations relatives à la simplification mais aussi à l'information du créateur d'entreprise.

M. Guy VISSAC (Sénateur R.P.R. de la Haute-Loire)

Je suis sénateur d'un département très rural, celui de la Haute-Loire, qui ne manque cependant pas d'entreprises. Dans celle que j'ai visitée, l'entreprise M SAT à Clermont-Ferrand, j'ai trouvé au bout de dix ans d'activité une ambition très forte de tripler son chiffre d'affaires dans les quelques années qui viennent. Là, il va y avoir des difficultés. M. MASSELOT vous le dira tout à l'heure. Cette entreprise traite de la photo satellite, et la revend, non seulement en Europe, mais dans le monde entier. Je veux dire aussi que je suis, avec quelques maires, pilote d'un syndicat d'industrialisation. Pourquoi ? Parce qu'en milieu très rural, la collectivité est obligée de s'investir, non seulement dans l'immobilier, mais parfois dans le matériel, pour que les entreprises puissent s'installer. Nous en sommes à 17 ateliers relais en 12 ans dans mon secteur. Se pose ici le même problème, celui de la garantie - et c'est la caution. Nous ne savons plus comment faire car les banques ne prennent pas de risque mais nous laissent le prendre. Alors il y a danger. Nous sommes avertis par les trésoriers payeurs généraux, nous sommes avertis par les services fiscaux de ne pas aller plus loin parce que nous avons une hauteur d'endettement qui ne nous le permet pas. Pour régler ce problème, il faudrait qu'il y ait des risques partagés entre des fonds de garantie, qui viendraient peut-être de la collectivité en général ou peut-être de l'État, mais aussi des banques locales. Il s'agit d'aménagement du territoire, le Conseil régional d'Auvergne possède tout un arsenal dont j'ai largement utilisé les fonds pour l'aide à l'installation, le recrutement de cadres, le fonds de garantie et même l'aide à l'innovation. De plus nous avons pratiqué quelque chose qui me semble être essentiel pour les entreprises, à savoir la baisse des charges. Avec une baisse de 10 % des charges sociales, on aide à la création d'emplois de production. Il y a eu une véritable envolée sur ce dossier et 4.000 créations d'emplois.

Je crois qu'il faut aller plus loin, même si l'on trouve des artifices comme l'exonération, dont on n'a pas parlé, de la taxe professionnelle sur cinq ans et c'est possible pour la création d'entreprise. L'entreprise se portera mieux quand il y aura une baisse des charges sociales qui sont trop importantes en France.

M. Emmanuel KESSLER

On va demander à M. MASSELOT, qui vous a accueilli dans son entreprise, son sentiment à la fois sur cette expérience et sur ce débat.

M. Laurent MASSELOT (Président directeur général de M SAT)

Je voulais tout d'abord remercier M. VISSAC de son « flash publicitaire ».

M. Emmanuel KESSLER

Vous le voyez, il y a une bonne entente entre les sénateurs et les chefs d'entreprise. Il n'y a plus cette coupure entre le monde politique et le monde de l'entreprise, c'est terminé maintenant.

M. Laurent MASSELOT

Je ferai d'abord une remarque à propos des banquiers. N'importe quelle activité, innovante ou non, a besoin de banquiers, et pour avoir un banquier, - c'est un peu comme un animal sauvage, pour l'apprivoiser il ne faut pas l'endormir, il ne faut pas lui donner de la nourriture empoisonnée, il faut le rassurer tout simplement et pour le rassurer, il faut qu'il ne soit pas tout seul. Pas tout seul à prêter. Il faut donc des fonds propres et quand on n'a pas de fonds propres, c'était mon cas, il faut en trouver auprès des capitaux risqueurs ou auprès de l'ANVAR qui accorde des aides à l'innovation. Pour une activité qui n'est pas innovante, cela ne marche pas. Et il n'y a pas de banquier. C'est un peu le serpent qui se mord la queue. Alors, moi je me posais simplement une question : quand j'ai créé M SAT, les subventions, les aides, les capitaux risqueurs étaient réservés à des codes APE industriels. À l'époque l'innovation était peut-être dans l'industrie mais aujourd'hui elle l'est aussi beaucoup dans les services. Une entreprise de services peut-elle avoir des aides à l'innovation de I'ANVAR, des subventions, des aides régionales, des aides en fonds propres ? Quoi qu'il en soit, quand on a tout cela, on a des banquiers, parce les banquiers, s'ils sont rassurés, prêtent. Et j'ai vu, au cours de mes onze ans d'expérience, des banquiers extraordinaires - il y en a - et qui prennent des risques, dès lors qu'ils ne les prennent pas seuls. Ils en prennent aussi parce que la SOFARIS leur garantit la moitié du risque - et c'est bien mieux qu'une maison de campagne en caution !

Permettez-moi une anecdote à propos des aménagements fiscaux, non pas pour faire une mauvaise publicité au fisc, mais simplement pour dire que le fisc n'est pas vraiment du côté de l'entrepreneur. Notre entreprise fait du traitement d'images satellites. Nous avons donc chez nous des gens, des êtres humains avec des mains et cinq doigts à chaque main, qui manipulent les ordinateurs pour transformer des images - qui sont illisibles quand on les achète - en une autre image, beaucoup plus belle, qui n'a pas les mêmes limites que la première, bref, une oeuvre de l'esprit telle que définie par le code fiscal. Or, nous avons eu un contrôle de la TVA. Puisque nous vendons les droits d'utilisation de nos images à des chaînes de télé, nous nous considérons comme auteurs et nous facturons la TVA à 5,5 %, comme un photographe qui vend sa photo. Eh bien, nous avons eu un redressement de 300 000 F. Le tribunal administratif est là pour régler le litige et nous allons gagner ce procès. Mais, ce qui est magique, c'est que nous avons dû avancer les 300 000 F avant que le procès soit terminé. C'est-à-dire que le fisc est le seul organisme au monde qui peut demander l'argent alors que le litige n'est pas jugé. Lorsqu'un fournisseur vous fait un procès, pour être payé il faut qu'il gagne en instance, en appel, voire en cassation. Mais pour le fisc, comme le procès dure dix ans, ce sont dix ans de trésorerie. Alors quand on m'a dit, c'est fabuleux l'État va vous payer des intérêts compensatoires bien supérieurs à ce que vous gagneriez avec une SICAV, j'ai eu envie de gifler mon interlocuteur.

M. Emmanuel KESSLER

Mieux vaut dire que les bras vous en tombent, pour ne pas avoir de mauvais geste... C'est une magnifique histoire.

M. Laurent MASSELOT

Voilà qui aide magnifiquement une entreprise à croître et je voulais vous en faire part...

M. Emmanuel KESSLER

Merci de ce témoignage tout à fait édifiant. Encore deux questions et M. ANGLADE fera la synthèse de ce débat et en tirera les grands enseignements, en nous faisant part de ses propositions et de ses suggestions.

M. FONTANA

Je voulais juste soulever une question qui n'a pas été abordée : ce qui est porteur dans une entreprise, c'est son projet. Or capitaliser pour vendre et investir ailleurs, n'est-ce pas antinomique avec la notion de projet d'entreprise ? Et quid des bourses d'accueil au sein d'une entreprise pour favoriser l'éclosion des nouveaux projets ? Ne serait ce pas une question à creuser ?

M. TICHE

La tarte à la crème de la journée, et elle est typiquement française, c'est l'allégement fiscal. Or, je pense que la demande d'allégement fiscal est proportionnelle à la pression fiscale. La meilleure façon de se passer d'allégements fiscaux c'est de diminuer la pression fiscale. Alors qu'on le dise à M. FABIUS, c'est bien là le fond du problème.

M. Pierre-Bernard ANGLADE (PDG de PRICEWATERHOUSE COOPERS)

Je crois qu'il est très important de souligner à nouveau, parce que trop souvent on l'oublie, c'est que la prise de risque, cela veut dire risque de perte. C'est cela le risque de l'entrepreneur et il en est bien conscient. Il a donc besoin d'avoir du capital et il est évident qu'en matière économique, le capital dur ce qu'on appelle le capital dur et sain, lui permet de faire levier, et c'est là où le banquier intervient. On peut donc travailler avec les deux. Cela dit la prise de risque peut, dans certains environnements, être protégée, favorisée et aidée. En effet la création de richesses entraîne la création d'emplois, des impositions supplémentaires, tout un cercle vertueux qui s'amorce. Il est donc intéressant d'aider à la création de richesses. Il y a des mesures à prendre mais la première est de faire en sorte que la fiscalité ne soit pas un frein, en éliminant tous les éléments négatifs - les contrôles, le côté « tatillon », l'incompréhension, la remise en cause d'avantages accordés par le législateur, comme les crédits d'impôts. Il y a un énorme contentieux sur les crédits d'impôts. Alors que le législateur a été extrêmement clair, l'administration est très pointilleuse dans l'application qu'elle fait de la loi.

La deuxième chose qu'on peut demander au législateur, car c'est dans son rôle, c'est d'accompagner et d'aider à accompagner la constitution du capital. Souvent ce n'est pas la peine de réinventer la roue. Des mécanismes existent. Il suffit de bien les utiliser et de les rendre plus lisibles et plus généraux. La possibilité d'aide au capital des PME existe même si elle est extrêmement limitée dans les montants. De nombreuses propositions ont été faites qui semblent aller dans le sens d'un accroissement. D'autres mesures pourraient très bien stimuler encore, et puis, en fin de compte, il y a des plus-values qui se réalisent et peuvent être réinvesties. La fiscalité peut faciliter ce réinvestissement sans que pour autant les plus-values échappent totalement à l'impôt. Voilà pour les entreprises. Quant aux personnes privées, on voit l'intérêt de leur participation dans ce qu'on appelle les start up. Et les start up, ce sont des personnes qui ont des idées. Et ces idées, il faut qu'on les aide à les mettre en oeuvre ici, sinon, avec la concurrence, ils vont le faire ailleurs, aux États-Unis ou en Angleterre. Puisque nous avons pu, avec notre système éducatif, produire une génération de jeunes qui ont envie d'entreprendre, nous disposons d'un fantastique potentiel que nous devons aider. Ce n'est pas tendre la sébile, c'est simplement dire : tous les acteurs économiques vont participer. Pour aider une start up, on a parlé tout à l'heure des incubateurs, mais, il y a le risque de mortalité. Pour aider une entreprise qui démarre, qui a rencontré beaucoup de difficultés, chacun doit jouer son rôle, et nous-mêmes, sociétés de services, nous jouons notre rôle. Nous permettons à ces start up de se concentrer sur leur métier. Nous nous chargeons de l'administration, de la gestion, e la complexité des déclarations, etc. Et au lieu de facturer ce service sous forme d'honoraires, nous disons : nous aussi, nous prenons le risque. Nous allons vous aider à vous développer. Si cela marche, tant mieux, et nous aurons notre part ; si cela ne marche pas, tant pis, nous prenons nos risques. Je crois que tous les intervenants de la chaîne économique doivent accepter cette prise de risque.

M. Emmanuel KESSLER

Je crois que ce que vous souhaitez aussi pour le monde de l'entreprise, c'est une relative stabilité législative, en tout cas une visibilité, peut-être pas à long terme parce qu'il est normal que les choses évoluent et qu'elles changent, mais au moins à moyen terme par rapport au rythme de fonctionnement d'une entreprise.

M. Pierre-Bernard ANGLADE

Tout à fait, parce qu'avec les stop and go, on ne peut pas gérer. Il faudrait définir des grandes lignes et s'y tenir. Avec des changements incessants on désespère les gens et quand on désespère les gens, ils font autre chose ou ils partent. Il y a un phénomène qui peut paraître choquant, celui de la fuite des cerveaux, vers les États-Unis notamment, pour créer des entreprises faute de pouvoir le faire dans l'environnement français. Là, nous avons une perte...

M. Emmanuel KESSLER

Ce n'est pas que de l'idéologie... vous en avez la preuve...

M. Pierre-Bernard ANGLADE

Oui, nous nous bornons à constater. Nous sommes des conseillers juridiques et fiscaux. Nous voyons comment les gens réagissent, comment et où ils logent leurs entreprises. Ils nous interrogent et à partir du moment où nous leur avons dit comment cela fonctionnait, ils nous disent : eh bien, écoutez, c'est plus intéressant, je vais là-bas.

M. Paul LORIDANT

Vous me permettrez un mot d'humour...

M. Emmanuel KESSLER

Pour terminer, c'est parfait.

M. Paul LORIDANT

Si l'on ne veut pas changer de ligne fiscale, il ne faut pas changer de majorité. Donc, il ne faut plus faire d'élections ou bien ne pas dissoudre. Mais c'est impossible, parce qu'il faut que de temps en temps le suffrage universel s'exerce pour éventuellement permettre des alternances. Et s'il y a alternance, il y a nécessairement instabilité fiscale.

M. Emmanuel KESSLER

Merci à tous pour la clarté et la pertinence de vos propos. La difficulté dans ce genre de séance, c'est d'accorder une pause. Après la pause vous retrouverez mon confrère Nicolas CRESPELLE pour la deuxième table ronde sur les relations PME-PMI et la grande distribution.

Page mise à jour le

Partager cette page