Les Parlements dans la société de l'information



Palais du Luxembourg, 18 et 19 novembre 1999

III. INTERVENTION DE M. PATRICK BLOCHE, DÉPUTÉ DE PARIS

« A priori, force est de constater que les nouvelles technologies, notamment Internet, constituent une remise en cause de la représentation élective, en entraînant la suppression des intermédiaires. C'est déjà le cas dans le commerce électronique, grâce auquel les consommateurs peuvent accéder directement aux produits en naviguant sur la Toile. De même, le fonctionnement du réseau, son horizontalité, le fait qu'il n'y ait plus de centre, amène à remettre en cause des relations entre élus et citoyens qui sont traditionnellement de nature hiérarchique, de type vertical.

Mais quelle peut être la place de la démocratie électronique dans notre cadre constitutionnel français ? L'article 4 de la Constitution - "Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage" - est-il toujours pertinent dans un cadre de démocratie électronique ? L'article 3 stipule que le suffrage peut être direct ou indirect mais qu'il est toujours "universel, égal et secret". Mais quelle est la représentativité du vote par Internet aujourd'hui, même si le nombre d'internautes progresse très vite actuellement ? De plus, le secret est un enjeu important, sur lequel je reviendrai. "La souveraineté nationale appartient au peuple, qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum". On retrouve là la problématique de la place des intermédiaires dans une démocratie électronique. Mais la démocratie peut aussi s'exercer de manière directe. De ce point de vue, les technologies de l'information présentent un intérêt évident lorsqu'il s'agit de choisir sous forme de référendum ou de donner son opinion sous forme de pétition.

Plus généralement, la démocratie participative est une aspiration citoyenne qui n'a pas attendu Internet pour s'exprimer aux côtés des structures de démocratie représentative. Mais je suis très frappé de constater à quel point la démocratie participative s'accommode mal de structures qui ont vocation à fonctionner dans la durée. Ainsi, la démocratie de participation est avant tout une démocratie de l'instant, qui permet aux citoyens d'intervenir rapidement et instantanément sur un problème qui les concerne directement.

Pour terminer mon cheminement à travers la Constitution, je n'oublie pas l'article 27, qui stipule que " tout mandat impératif est nul" et que "le droit de vote des membres du Parlement est personnel". Pour l'instant, lors des scrutins publics, chacun d'entre nous ne peut être délégataire que d'un seul vote. On est donc loin du vote à distance, depuis sa circonscription, voire depuis sa voiture en utilisant son téléphone portable. S'il fallait s'engager dans cette voie, on voit donc bien qu'il faudrait changer la Constitution.

Pour lancer notre débat, je suis allé naviguer sur la toile (et non pas "surfer sur le web"), et j'y ai trouvé quelques éléments amusants sur lesquels je vais conclure mon intervention. En tapant "élection et vote électronique", on trouve toutes sortes de sites consacrés aux isoloirs électroniques, qui imposent toujours aux électeurs de se rendre physiquement dans un bureau de vote, comme en Belgique actuellement. Or je pense que notre débat doit plutôt porter sur le vote à distance, ou à domicile pour ce qui concerne nos concitoyens. Dans ce cadre, je suis tombé sur le site d'un canadien, qui a étudié les conditions du développement de la démocratie électronique, en commençant par lister les différentes fonctionnalités possibles de cet outil : informer ; échanger (par courrier électronique) ; consulter (comme c'est le cas pour la consultation publique lancée par le Gouvernement pour préparer la future loi sur la société de l'information) ; débattre (par le biais des forums) ; influencer ; voter ; gouverner. Je vais m'arrêter quelques instants sur ces deux dernières fonctions. Notre internaute canadien estime ainsi qu'il est aisé d'utiliser les outils Internet pour organiser des votes électroniques. Il cite l'exemple de la ville de Barcelone, où les citoyens sont invités à donner leur avis sur les textes qui sont soumis au conseil municipal.

Un autre site www.planete-express.com , s'interroge quant à lui sur la possibilité de mettre en place des systèmes permettant de préserver un principe constitutionnel fondamental : le secret du vote. Mais comment vérifier que l'expéditeur est un votant identifié, ou que chaque votant ne vote qu'une seule fois ? Pour remédier à ce problème, les auteurs du site proposent la formule des deux centres, qui permet à la fois de garantir que le citoyen est bien autorisé à voter et qu'il ne le fait qu'une fois, ainsi que d'assurer que son vote est bien secret. Ce système est complexe, et ne vaut que s'il n'y a aucune collusion entre les deux centres... Bref je considère que le vote électronique est viable tant que le nombre de votants est limité, mais qu'il est encore très difficile à mettre en oeuvre avec un grand nombre de citoyens. »

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