Les Parlements dans la société de l'information



Palais du Luxembourg, 18 et 19 novembre 1999

IV. INTERVENTION DE M. WILLIAM DUTTON, ANNENBERG SCHOOL FOR COMMUNICATION

« Je précise que je suis moi-même Sénateur puisque je suis Vice-président du Sénat de l'Université dans laquelle j'enseigne. Nous partageons donc les mêmes problèmes que les "vrais" organes parlementaires : c'est l'exécutif qui domine et nous avons le plus grand mal à nous frayer une place sur le site web de l'Université...

Le Herald Tribune faisait sa « Une » ce matin sur l'utilisation des médias aux États-Unis, avec un article qui soulignait le fait que dans ce pays, un enfant passe en moyenne 5,5 heures par jour, 7 jours sur 7, devant sa télévision, le plus souvent seul. Cela n'est pas nouveau, c'est même un thème récurrent. Il faut bien avoir à l'esprit que les gens qui s'occupent de communication politique songent avant tout à la télévision, qu'ils considèrent encore aujourd'hui comme le mass média par excellence.

L'influence d'Internet sur la communication politique

L'utilisation du web et du net est le dernier avatar d'une longue tradition de tentatives d'introduction des nouvelles technologies dans la communication politique : informatique en réseau dans les années 60, ordinateurs personnels dans les années 80, programmes de télévision interactive par câble dans les années 70 et au début des années 90, etc. Aujourd'hui, tout ou presque est focalisé sur le web.

Dans tous les cas, l'accent a été mis sur l'amélioration de l'information. Mais les politiques ont aussi cherché à augmenter le degré d'interactivité de leur communication avec les citoyens. Ce besoin est d'ailleurs à l'origine des expériences d'introduction de technologies nouvelles que je viens d'évoquer. Nombreux sont les politiques qui estiment que les électeurs doivent être formés et recevoir, préalablement à leur vote, des informations appropriées. C'est l'origine des critiques très sérieuses qui sont faites à l'encontre des médias télévisés aux États-Unis, et cela explique en grande partie l'intérêt du monde politique américain pour les médias électroniques.

Pour sa campagne présidentielle, Georges Bush Jr a déjà levé 40 millions de dollars. C'est une somme considérable, que tous les candidats ne sont pas à même de rassembler. L'argent devient aujourd'hui une dimension essentielle dans la communication politique. Habituellement, les candidats disposent d'espaces publicitaires télévisés d'une trentaine de secondes, ce qui ne leur permet pas de faire de longs exposés et conduit nécessairement à réduire la teneur du message électoral. D'une manière générale, ni la presse ni la télévision ne sont plus capables de présenter de manière détaillée les grands enjeux de société. Lors des dernières élections du gouverneur de Californie, le Los Angeles Times n'a couvert que la campagne des quatre principaux candidats, alors qu'il y en avait 17 en lice !

Au-delà des pages web que tous les partis politiques proposent désormais, on trouve maintenant des applications un peu plus intéressantes.

The Democracy Network (DNet)

Il s'agit d'un véritable guide de l'électeur internaute. Sur ce réseau, un citoyen disposant de peu de temps a la possibilité, s'il le désire, de sélectionner les contenus proposés par les candidats qui l'intéressent directement. Lancée en 1996 sous une forme réduite, cette méthode sera déployée sur l'ensemble du territoire pour les sélections de l'an 2000 : tous les abonnés d'AOL, en particulier, trouveront un lien vers DNet sur leur page d'accueil. Il est à noter que le site a été labellisé par la Ligue des Électrices, qui a toujours réclamé une information électorale de meilleure qualité.

Lorsque l'on se connecte sur ce site, on trouve sur la page d'accueil une carte des États-Unis, en cliquant sur l'État de son choix, on trouve la liste des élections à venir et les différents candidats en lice, avec leur photo. On peut prendre connaissance de leur biographie et de leur programme, savoir où les rencontrer, consulter des témoignages de leurs supporters, ou encore la liste des financeurs de leur campagne.

La principale innovation du site est constituée par la « candidate grid » (la matrice du candidat), qui permet de connaître sous forme synoptique le positionnement des candidats sur les principaux enjeux de société. Bien entendu, sur chaque sujet, un candidat peut ajouter une réponse ou modifier une réponse précédemment rédigée. Lorsqu'il s'exprime sur un thème, un candidat remonte en tête de page, ce qui incite ses rivaux à en faire autant et favorise donc le débat.

Conclusions

L'Internet et le web constituent le principal modèle actuel, du moins dans le contexte américain. Il faut aussi pointer l'interdépendance croissante entre le web et les médias : le premier ne remplace pas les seconds, ils s'auto-entretiennent. Ainsi, les télévisions reprennent le contenu du DNet, tandis que les reportages des chaînes locales sont disponibles sur le site. Le réseau lui-même couvre désormais tout le territoire, il offre des liens avec les sites associatifs, etc. Il serait donc désormais très coûteux d'ouvrir un site concurrent aussi performant car le prix du ticket d'entrée commence à être élevé. Par ailleurs, le comportement des sondés et des électeurs laisse parfois perplexe. On peut par exemple se demander pourquoi ils n'utilisent pas le web de manière plus rigoureuse, lorsque l'on sait combien il est facile d'obtenir une importante mobilisation par voie électronique. La question n'est donc plus de savoir si les technologies nouvelles vont avoir un impact sur la vie politique, mais bien de deviner comment ces phénomènes irréversibles vont évoluer. »

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