Les défis de la paix



Sénat - 11 juin 2005
Pour commander ce document, cliquez ici

La réponse des jeunes aux « défis de la paix »

Dans le cadre des commémorations du 60 e anniversaire de la Libération, arrêté par le bureau du Sénat, nous avons décidé d'organiser, en partenariat avec le Mémorial de Caen, un concours destiné aux lycéens français et européens. Il nous est en effet apparu important d'associer la jeunesse à ces commémorations, mais dans une perspective « constructive » : face au bilan désastreux du « premier XX e siècle », il était important d'envisager le parcours accompli depuis ce 9 mai 1950, où Robert Schuman et Jean Monnet dévoilèrent le projet de Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), embryon de la construction européenne.

L'objectif du concours était donc de faire réfléchir et travailler ensemble des équipes binationales sur le thème de la paix et de la construction européenne, au regard des enseignements tirés des deux guerres mondiales.

Chaque équipe a dû réaliser une présentation des institutions politiques nationales, rencontrer et interviewer un parlementaire (une quarantaine de mes collègues sénateurs, et moi-même, avons pu ainsi nous exprimer devant un public exigeant), chacun de ces travaux étant traduit dans la langue du partenaire. Une dernière épreuve consistait en la rédaction commune d'une synthèse sur la construction et la citoyenneté européennes.

L'originalité pédagogique de ce concours était double : elle a consisté, d'une part, à fédérer des enseignants de langues, d'histoire et d'éducation civique dans un travail interdisciplinaire et, d'autre part, à faire travailler sur un projet commun des établissements scolaires et des équipes d'enseignants français et étrangers, qui ne se connaissaient pas ou peu. Sur ce dernier point, nous avons eu la surprise de constater que les échanges entre établissements scolaires se limitaient le plus souvent à des voyages de classes et des stages d'enseignants mais que la pratique de travaux réalisés en commun par les élèves n'était guère répandue. Le Sénat se flatte donc d'avoir apporté, par son initiative, une contribution au développement des échanges interscolaires européens.

En dépit de ce niveau d'exigence élevé, nous avons eu le plaisir d'enregistrer la candidature d'une cinquantaine d'équipes binationales, représentant en tout une centaine d'établissements européens. Parmi les établissements européens, les Allemands et les Italiens étaient les plus nombreux à concourir, ce qui ne surprendra personne, mais nous avons eu également le plaisir de constater la présence significative d'établissements espagnols, mais aussi belges et britanniques.

Le jury du concours, réuni sous la présidence de mon collègue Hubert Haenel, sénateur du Haut-Rhin, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne a couronné 6 lauréats et attribué huit mentions spéciales. Les membres des quatorze équipes ainsi distinguées ont été invitées à recevoir leur prix au Sénat le 11 juin 2005 dans le cadre des Rendez-vous citoyens du Sénat - Histoire, consacrés cette année au « Printemps des démocraties ».

Souhaitons que cette initiative contribue au renouveau des échanges scolaires entre lycées européens ! Quelle que soit la forme que notre génération lui donnera, l'avenir de notre continent repose sur une meilleure connaissance des jeunesses de nos pays. Souhaitons qu'elles sachent mieux faire que leurs aînés et qu'elles ajoutent aux ambitions économiques et sociales ce supplément d'âme qui transforme la vie en destin.

Christian PONCELET

Remerciements

Le Sénat tient à remercier tout particulièrement :

M. Hubert HAENEL, sénateur (UMP - Haut-Rhin), président de la Délégation pour l'Union européenne, président du jury et les membres de celui-ci, Mmes les sénatrices Joëlle GARIAUD-MAYLAM (UMP - Français établis hors de France), Marie-Thérèse HERMANGE (UMP - Paris), Monique PAPON (UMP - Loire-Atlantique) et Catherine TASCA (Soc - Yvelines), ancien ministre, MM. les sénateurs Pierre ANDRÉ, (UMP -Aisne), Jean-Marie BOCKEL (Soc - Haut-Rhin), ancien ministre, Jean-Léonce DUPONT (UC-UDF - Calvados), André FERRAND (UMP - Français établis hors de France), Yvan RENAR (CRC - Nord), Michel THIOLLIERE (RDSE - Loire), Richard YUNG (Soc - Français établis hors de France) et François ZOCCHETTO (UC-UDF - Mayenne), Mmes Laure FLAVIGNY (Éditions Autrement), Laura SERANI (FNAC), Brigitte PERUCCA (Le Monde de l'Éducation) et Michaela WIEGEL (Frankfurter Allgemeine Zeitung), MM. Michel ASSEMAT (Association européenne des chefs d'établissement), le Général Jean-Yves BLOUIN (ONISEP), Henri DUDZINSKI (La Voix du Nord), Patrick LA PRAIRIE (Ouest France), Tristan LECOQ, Inspecteur général de l'Éducation nationale, Benoît MENU (CLEMI), Massimo NAVA (Corriere della sera) ;

Le Mémorial de Caen, co-organisateur de ce concours, et plus particulièrement, son directeur, M. Jacques BELIN, Mme Isabelle BOURNIER, M. Marc POTTIER et leurs collaborateurs du service éducatif, pour leurs précieux conseils, leur appui pédagogique et la gestion des dossiers de candidature ;

Le Ministère de l'Éducation nationale, et notamment Mme Marie-Joëlle MANTEAU, conseillère technique au cabinet du Ministre, pour son soutien et ses encouragements, ainsi que les services de l'administration centrale et des rectorats qui se sont mobilisés pour faire connaître ce concours aux lycées ;

La SNCF et Air France qui ont participé au transport des lauréats ;

La FNAC, les éditions Autrement, la revue L'Histoire, l'ONISEP et France Télévisions qui ont participé à la dotation du concours ;

Le Monde de l'Éducation, L'Histoire, le magazine lycéen Citato, le site Cafébabel.com, l'ONISEP, l'Association Jean Monnet, l'Association européenne des chefs d'établissements, l'Association européenne des enseignants et le secrétariat général de l'enseignement catholique, pour leur contribution à l'information des professeurs et des élèves ;

MM. les Ambassadeurs d'Allemagne, de Belgique, d'Espagne, d'Italie, du Luxembourg et du Royaume-Uni, les services culturels des ambassades de France à Berlin, Bruxelles, Londres, Madrid et Rome, European Schoolnet, eTwinning, les Alliances françaises, l'Office Franco-Allemand pour la Jeunesse (OFAJ) et les services des Communautés françaises de Belgique, qui ont contribué à l'information des établissements dans les pays concernés par le concours et se sont mobilisés pour faciliter la création de partenariats avec les lycées français.

Les sénateurs français répondent aux lycéens

1. Interview de M. Jean-Paul Amoudry, sénateur UC - UDF de Haute-Savoie
réalisée par les élèves du Lycée Vaugelas - Chambéry

9 mars 2005

L'élargissement à 25 peut-il permettre une diffusion plus rapide du modèle de la démocratie européenne dans le reste du monde ?

Il s'agit d'une question complexe car s'il est évident que 25 états comptent plus que 15, il faut aussi rappeler que la démocratie européenne implique le respect des droits fondamentaux que sont la liberté, l'égalité, le droit de vote. S'ils veulent devenir membres, les pays candidats doivent respecter ces principes et ce modèle démocratique. Avec l'élargissement, ce modèle se répand dans les pays slaves : cette extension est un phénomène nouveau, et il va permettre à la démocratie de s'ouvrir à l'Est.

- Cependant, avant l'élargissement, le rayonnement du modèle européen était déjà fort : le modèle bicaméral, issu de l'Angleterre et de la France, a inspiré le modèle politique de nombreux États dans le monde. Avant cet élargissement à 25, il y a donc déjà eu extension.

- Il faut cependant relativiser : des problèmes de diffusion de la démocratie sont constatés en Chine, Afrique, ... et l'élargissement de 15 à 25 n'aura pas de véritable incidence sur la façon dont est perçue l'Europe par ces espaces.

- La construction sociale, économique et diplomatique apparaît comme une nécessité car elle permettra à l'Union européenne de rayonner, et donc de propager son modèle démocratique. Or cette construction, déjà difficile à 15, le sera inévitablement plus à 25 ...

- L'Union européenne permet de stabiliser la paix et d'assurer le développement de chacun. Or la démocratie passe aussi par là : respecter la dignité de chacun.

Selon vous l'élargissement de l'Union européenne pourrait il entraîner une hausse des inégalités sociales entre les pays d'Europe, et donc remettre en cause la démocratie ?

Au début, les inégalités Est/Ouest vont être mises en relief. Puis avec les délocalisations qui vont s'opérer, on va assister à un rééquilibrage vers les pays les moins développés. A ce moment les pays nouveaux devront par alignement constituer des droits sociaux. L'élévation du niveau de vie des nouveaux membres entraînera une diminution des délocalisations et donc un rééquilibrage avec moins de risques pour les citoyens de l'Europe de l'Ouest.

Pensez-vous que la création d'institutions uniques en Europe participerait au développement de la démocratie (à travers un système éducatif semblable par exemple) ?

- Certaines institutions doivent être uniques : il faudrait, par exemple, un seul ministre des affaires étrangères. Un pouvoir relativement grand lui reviendrait, ce qui permettrait à l'Europe d'avoir plus d'influence pour diffuser ses principes, et également une plus grande unité. De même, une défense commune est-elle nécessaire ?

- En revanche, il n'est pas certain que ce soit utile en matière d'éducation. Certes, il faut faire valoir les diplômes au niveau européen mais il ne faut pas oublier que l'éducation de chaque État est basée sur une culture propre, ancrée depuis longtemps ; il faut conserver ces cultures qui font la richesse de l'Europe.

- D'autres domaines, comme par exemple ceux de la justice, de l'ordre public, doivent incontestablement être gérés au niveau de l'État. Il faut alors appliquer le principe de subsidiarité : pour chaque institution, chaque chose à gérer, il faut choisir l'échelle d'organisation la plus appropriée.

La constitution d'une armée européenne permettrait-elle de défendre la démocratie ?

- Une armée européenne serait utile en cas d'agression qui menacerait la démocratie (comme en 1940-1944). Même si aujourd'hui, sans armée unique, il est probable que la solidarité entre pays membres pourrait jouer en cas de conflit, il faut une armée et une défense unique, pour sauvegarder les valeurs fondatrices.

- La paix est le fruit de la construction européenne : on connaît depuis 60 ans la plus longue période sans guerre dans l'histoire de l'Europe : il est donc important de maintenir cette paix.

Quel doit être le rôle du citoyen et celui des élus tels que les sénateurs ?

Incontestablement, le citoyen doit être actif, c'est-à-dire : se rendre aux urnes pour voter, avoir un rôle critique pour faire des choix, chercher à s'informer, rechercher les responsabilités, travailler dans le sens de l'Union européenne.

Mais, s'il apparaît qu'une souveraineté européenne s'avère essentielle, il est nécessaire de conserver aussi sa souveraineté nationale.

On en vient donc au rôle de l'élu en tant que citoyen à part entière, l'élu a les mêmes devoirs que ce dernier. Il a également un devoir de participation au processus de construction qu'il doit concilier avec le devoir de conserver les valeurs de la France.

Un législateur tel que l'est un sénateur doit donc veiller à ce que les directives européennes soient en harmonie avec le droit français, pour en faire des lois applicables et respectant les valeurs françaises.

2. Interview de Mme Michèle André, vice-présidente du Sénat,
sénatrice socialiste du Puy-de-Dôme
réalisée par les élèves du Lycée Fénelon - Clermont-Ferrand

1 er trimestre 2005

Comment les règles de la démocratie sont-elles suivies et défendues au quotidien et comment réagir face à ceux qui les violent en paroles ou en actes ?

« Nul n'est censé ignorer la loi », telle pourrait être la phrase qui illustre le mieux la cohabitation entre les citoyens. En effet la démocratie est d'abord définie par le respect des autres qui passe par le respect des lois.

Il y a divers acteurs chargés de faire respecter les lois : les maires, les procureurs de la République, etc....

Les lois sont votées au Parlement par les deux Chambres qui ont le même rôle législatif (même si on met davantage l'accent sur l'Assemblée nationale dont les débats sont retransmis par les médias).

Ces lois sont là pour fixer les règles de la démocratie ; en effet la démocratie reconnaît que chacun est libre et donc, il faut établir des règles pour pouvoir vivre ensemble. Les citoyens, en votant, donnent leur confiance aux élus ; ceux-ci sont mandatés pour faire appliquer les décisions en notre nom (exemple : le Conseil général).

Donc, la démocratie est une ambition partagée, une façon de diriger avec de multiples acteurs qui, tous, servent le respect de la démocratie.

De ce fait, au quotidien, nous sommes tous dépositaires d'un petit morceau de la démocratie, nous en sommes tous responsables.

Est-ce que le fait qu'il y ait plus de pays dans l'Union européenne pourrait mettre en péril la démocratie ?

Il ne faut pas oublier que l'Europe, dès le départ, c'est une volonté, celle de la France et de l'Allemagne. Les conflits répétés et leurs conséquences (hémorragie chez les hommes jeunes, en particulier lors de la guerre de 14) ont conduit à un accord après la seconde guerre mondiale entre ces deux pays. France et Allemagne sont vite rejoints par 4 autres pays qui mettent en commun valeurs et richesses.

L'Europe à 25 ? Ce qui est difficile à 25, c'est que les nouveaux venus n'ont ni les mêmes constitutions, ni la même relation à la démocratie. Certains venus de l'ancien bloc de l'Union Soviétique, ont une habitude récente des élections et de la démocratie.

Il faut donc qu'ils apprennent vite et il faut les ancrer dans l'Union. Il s'agit pour eux de montrer que la démocratie, avec des élections libres organisées, est la valeur première. Pour tous ces pays, il n'y a pas de retour en arrière possible. C'est une façon de dire que les dictatures sont définitivement derrière nous.

On peut donc conclure que l'Union ne menace pas la démocratie, mais chaque pays doit respecter ces valeurs propre à notre communauté et faire vivre sa propre constitution qui est en quelque sorte un traité pour gérer la vie en commun, définir quelques cadres de vie pour la communauté, soit un rôle semblable à celui qu'aura à jouer le traité constitutionnel pour l'ensemble de ses partenaires.

En cas de coup d'état dans un pays de l'Union, existe-t-il un moyen non violent, à l'intérieur de la Communauté, pour empêcher une prise de pouvoir arbitraire ?

Quel est le gendarme de l'Europe ? Quelle en est l'autorité ? C'est le Conseil des Ministres de l'Union européenne (par exemple tous les Ministres de l'Intérieur de tous les pays membres).

Pourrait-on aller jusqu'à un état de guerre contre un membre de la Communauté ? Ce serait un paradoxe par rapport aux idées de la démocratie. Cependant celui qui aurait franchi la ligne jaune ne pourrait pas rester, même si l'exclusion est une décision très difficile.

De fait, les parlementaires européens sont garants des libertés et doivent être vigilants ; ils peuvent donner un avertissement aux contrevenants (cela s'est produit avec l'Autriche).

L'Europe dispose donc de tous les moyens de pression (dire, rapporter, contredire, manifester...) dont dispose chaque pays démocratique. Cela signifie que pour protéger la Communauté Européenne, il faut - à tous les niveaux - rester toujours vigilant. Il faut que partout les opinions publiques, la presse, l'expression restent libres. Il faut que partout la citoyenneté soit exercée. C'est à dire qu'il faut aller voter.

Tout cela est très important pour prévenir et empêcher toute prise de pouvoir par la force ou par la ruse.

Trouvez-vous que l'immunité des hommes politiques appartient à l'état d'esprit de la démocratie ?

C'est une question sensible, car les choses ne sont pas vues de la même manière selon où l'on se trouve.

Il est logique que le parlementaire bénéficie d'une protection dans le cadre de son mandat. Il est normal, par exemple, qu'un parlementaire en déplacement à l'étranger, dans le cadre de sa mission, ne puisse pas être inquiété ou mis en prison.

En revanche il est anormal qu'il profite de sa situation pour s'adonner à des activités illicites ou s'enrichir personnellement. Dans ce cas il est condamnable.

C'est pourquoi l'immunité parlementaire peut être levée si la faute paraît devoir être jugée de droit commun.

Parfois il est plus compliqué de prouver la faute, par exemple lorsque le parlementaire commet des actes de façon très dissimulée (vente d'armes...).

En conclusion, l'immunité ne doit exister que pour ce qu'elle couvre. On n'a pas le droit, parce que l'on est parlementaire, de déroger à la règle commune.

Oui à l'immunité pour le mandat ; non pour le reste !

Comment enseigner la démocratie dès le plus jeune âge ?

Peut-on enseigner la démocratie ? L'apprentissage de la démocratie se fait dès le plus jeune âge grâce à l'exemple que les parents peuvent donner. Certains enfants -privilégiés- ont la chance de naître dans une famille qui pratique la démocratie : parents qui vont voter avec les enfants, qui discutent de ce sujet... D'autres n'ont pas cette chance et se contentent de voir leurs parents « râler » devant la télé sans agir. Ces enfants comprennent souvent moins bien ce qu'est la démocratie.

L'école, dans le cadre de l'instruction civique, donne des explications sur les mécanismes de la démocratie et sur les institutions. Elle peut aussi favoriser les rencontres comme celle-ci, qui aident à comprendre ce qu'est la démocratie. L'actualité permet d'acquérir ou de renforcer cette connaissance des principes démocratiques.

En conclusion, il est nécessaire de se servir de tous ses droits et d'utiliser toutes les lois si l'on veut protéger et renforcer la démocratie. En effet, une loi non utilisée est une loi qui meurt et donc une parcelle de démocratie qui disparaît.

3. Interview de M. Bertrand Auban, sénateur socialiste de Haute-Garonne
réalisée par les élèves du Lycée Bellevue - Toulouse

22 février 2005

Dans quelle mesure le Sénat participe-t-il à la défense de la démocratie ?

Le Sénat est issu du suffrage universel au même titre que l'Assemblée nationale, même si le mode d'élection des sénateurs est différent. Les deux chambres forment le Parlement qui est un organe essentiel de notre démocratie. Vous savez, l'Assemblée nationale et le Sénat se retrouvent, ne serait-ce que lundi prochain, de temps en temps en Congrès, qui s'appelle le Congrès du Parlement, c'est-à-dire députés et sénateurs réunis lorsqu'il s'agit de modifier la Constitution. Le Sénat participe, comme l'Assemblée nationale, à l'élaboration et au vote de la loi. Mais c'est l'Assemblée nationale qui a le dernier mot car elle est élue au suffrage universel direct, c'est-à-dire par tous les citoyens en âge et mesure de voter, tandis que le Sénat est élu par les délégués des collectivités locales.

Si vous voulez, dans la démocratie, ou dans la République, il y a l'exécutif, le législatif et le judiciaire qui sont les trois pouvoirs séparés. L'exécutif, c'est, dans notre Constitution, le Président de la République et son bras agissant : le Premier ministre. Ensuite, il y a la partie législative : le Gouvernement ne fait jamais les lois, il propose de les faire. Et le pouvoir judiciaire est complètement indépendant. Voilà les socles de la République.

Une démocratie parfaite est très certainement une utopie : peut-on toutefois améliorer la nôtre, et comment pouvez-vous, vous sénateurs, l'améliorer ?

Une démocratie parfaite est une utopie, oui je suis d'accord, si ce n'est qu'il y a très peu de pays au monde qui vivent la démocratie. Notre démocratie est régulée par le bicamérisme : l'Assemblée nationale et le Sénat. Pour ce qui est de la Constitution française, elle est modifiée, soit par le Congrès, soit par référendum. La France est quand même une démocratie, c'est incontestable, si ce n'est que les pouvoirs d'un seul homme ou d'une femme, le Président, sont exorbitants.

On peut améliorer notre démocratie en réduisant les pouvoirs du Président de la République et en donnant davantage de pouvoir aux élus du peuple, c'est-à-dire aux parlementaires.

La démocratie est le moins mauvais système. La France est un pays de liberté où l'on a le droit de se réunir en syndicat, de créer des associations, etc. Il y a une certaine importance de la vie associative. De plus, la séparation des pouvoirs est un gage de la démocratie.

Une démocratie peut être facilement fragilisée : y a-t-il des signes qui le montrent pour la nôtre et quels sont les moyens qui permettent de la préserver, voire de la rendre plus forte ?

Elle peut toujours être menacée par les anti-démocrates mais disons qu'il y a des pays qui sont davantage inscrits dans l'histoire démocratique que d'autres, dont la France qui a une vieille histoire démocratique depuis une centaine d'années, depuis la Révolution française, même s'il y a eu entre temps des monarchies.

Tout d'abord, le peuple est important pour défendre la démocratie, vous pouvez toujours avoir des idées différentes mais dès que vous touchez un peu à la République ou à la démocratie, les gens se réveillent et y sont sensibles. Ils peuvent être mécontents d'un gouvernement mais ils savent qu'ils auront l'occasion de manifester leur mécontentement en votant. D'où l'idée du vote qui est une conquête phénoménale pour la démocratie. C'est un choix et une liberté de voter et vous savez qu'il y a un débat « est-ce que l'on compte les bulletins blancs ou pas ? ». Car quand on vote oui ou quand on vote non, ce n'est pas tout à fait pareil que quand on vote oui et non ; disons que ceux qui votent oui et non, ils ne choisissent pas.

Quel est le statut des femmes dans la démocratie ? Au niveau politique, ont-elles toutes leur place ? Sur un plan plus général, y a-t-il une véritable égalité des sexes ?

Je pense qu'il y a une inégalité entre hommes et femmes. Aujourd'hui, à qualification égale, à poste égal, il y a des domaines où les femmes sont moins payées que les hommes. Il y a d'autres domaines, au niveau des recrutements, mettons qu'il y ait une tendance : on s'aperçoit que dans les entreprises, vous avez au bas de la pyramide, dans les postes non qualifiés, autant d'hommes que de femmes. Dès qu'on monte dans la hiérarchie, ça devient une denrée rare. Donc, il y a un choix culturel qui n'est pas normal, et en politique, c'est un peu pareil, si ce n'est que le gouvernement a instauré la parité, qui ne produira ses effets que dans quelques dizaines d'années. Aujourd'hui, les élections à la proportionnelle imposent qu'il y ait autant d'hommes que de femmes, pour les municipales et les sénatoriales. Avant, il y avait un scrutin uninominal : la Haute Garonne aura un scrutin avec automatiquement des listes : un homme-une femme ou une femme-un homme. Pour les municipales, c'est pareil, dans les six premiers, il doit y avoir trois hommes, trois femmes. Dans les six autres, trois hommes, trois femmes.

Tout de même, la discrimination envers les femmes est en train de s'arranger, il y a autant d'hommes que de femmes dans les études, et professionnellement, il y a de plus en plus de femmes qui travaillent. En politique, il y a autant d'hommes que de femmes, par exemple, pour le Sénat qui est élu pour partie à la proportionnelle, (alors que l'Assemblée nationale qui n'y est pas) il y a aujourd'hui un pourcentage de femmes bien plus élevé qu'à l'Assemblée. Et la prochaine fois, encore plus. Donc, contrairement à ce que l'on croit, le Sénat est plus féminisé que l'Assemblée.

La mondialisation et le libre-échange ont-ils une incidence dans le développement de la démocratie ? Comment faire pour satisfaire économiquement le plus grand nombre d'individus ?

La démocratie se joue sur un plan économique et social. Les services publics sont des facteurs d'égalité, par exemple la baisse des impôts peut être très pernicieuse. C'est la seule façon de rendre les choses un peu égalitaires. Ceux qui ont beaucoup d'argent payent davantage d'impôts que ceux qui n'en ont pas. Ces impôts servent à tout le monde. Donc l'économie et la démocratie sont étroitement liées si ce n'est qu'au niveau de la mondialisation, cela rend les choses plus compliquées. La mondialisation est un vrai débat.

Les capitaux français sont souvent minoritaires. Lorsque les actionnaires commandent : il faut de la rentabilité, donc il y a uniquement des chiffres. Et si cela ne marche pas, on ferme telle entreprise, donc c'est anti-démocratique, car les gens concernés ne sont que des bouchons qu'on délocalise. Donc, si vous voulez, s'il y a des combats aujourd'hui anti-trusts au niveau mondial, sachez que dans la nuit des flux boursiers traversent l'Atlantique qui font quinze fois le budget de la France.

Donc tout ceci est forcément anti-démocratique et c'est le problème qui perturbe toute la logique politique.

4. Interview de M. Denis Badré, sénateur UC - UDF des Hauts-de-Seine
réalisée par les élèves de la classe de 1ère européenne du Lycée Rabelais - Meudon

9 mars 2005

Quelle est votre définition de la démocratie ?

Il y a démocratie quand c'est le peuple qui gouverne. Il faut distinguer la démocratie directe d'une part de la démocratie parlementaire d'autre part. La première forme de démocratie est présente en Suisse d'une certaine manière, son principe est que c'est le peuple lui-même qui vote directement toutes les lois. La deuxième forme de démocratie est celle qui est présente dans l'ensemble des pays démocratiques plus peuplés : les représentants élus par le peuple votent les lois et contrôlent le pouvoir exécutif. On s'est posé récemment la question de savoir si avec l'apparition d'Internet il n'était pas possible d'instaurer une forme de démocratie plus directe. Mais je pense qu'il n'est pas possible de consulter tous les Français sur tous les sujets en particulier des sujets techniques ou pointus. Dans ce cas, seul un lourd travail d'analyse, effectué systématiquement par les députés et les sénateurs à chaque examen d'une nouvelle loi, permet de se faire un avis.

Je voudrais insister sur un principe de base de la démocratie qui me semble parfois oublié c'est celui du consentement à l'impôt. A partir du moment où l'on vit en société, il faut accepter de payer l'impôt qui permet de satisfaire les besoins essentiels de tout un chacun : la sécurité par exemple.

Pourquoi la démocratie est-elle selon vous le meilleur des régimes ?

La démocratie n'est peut être pas le meilleur des régimes mais pour reprendre les termes de Churchill je dirais que c'est en tous les cas le moins mauvais. Tout système politique est structuré autour d'un principe dominant, ce principe est parfois l'armée, l'argent... Dans une démocratie, ce principe dominant est le peuple et son consentement, c'est une bonne chose. ... Dans une démocratie, il y a également ce principe essentiel qui fait que force reste à la loi.

Au Sénat, une cérémonie symbolique se déroule à l'ouverture de chaque séance : lorsque le président rejoint la tribune, une haie de gardes républicains l'encadre en présentant les armes ; cela signifie que « force doit rester à la loi ». D'ailleurs, sur les murs de l'hémicycle, les mots vis (force) et lex (loi) se font face.

Comment faire face aux dangers qui menacent actuellement la démocratie française à savoir l'abstention et la montée des partis extrémistes en particulier le Front National ?

L'éducation civique me paraît être la meilleure des réponses. Il faut multiplier les initiatives en direction des jeunes pour leur faire comprendre comment fonctionne notre régime démocratique. Il faut expliquer aux citoyens français la chance qu'ils ont de pouvoir voter. Beaucoup de gens dans le monde qui vivent dans des régimes autoritaires nous envient, il ne faut pas l'oublier.

A votre avis, la Constitution Européenne serait-elle un moyen d'ancrer encore davantage la démocratie et les valeurs démocratiques dans l'Union européenne ?

L'Union européenne a longtemps fonctionné avec un système de traités : il y a eu tout d'abord le Traité de Rome, puis des enrichissements ont été apportés successivement par les traités suivants. Les vingt-cinq pays de l'Union européenne étaient donc liés par des traités. On va à présent avoir une véritable union dans l'exercice des compétences de l'Union européenne grâce à la constitution.

L'élargissement possible de l'Union européenne engendrait autant de peur que d'espoirs, c'est pourquoi l'Europe s'est élargie progressivement : c'est une bonne chose.

Il est bien que des pays aient fait ce choix, notamment des pays de l'est qui, en quittant l'Union soviétique, qu'ils n'avaient pas choisie, ont décidé de rejoindre l'Union européenne.

Une question sur l'intégration de la Turquie dans l'Union européenne : est-ce, à votre avis, un moyen de diffuser la démocratie en obligeant la Turquie à s'aligner sur un certain nombre de critères, en particulier sur les droits de l'homme pour pouvoir un jour rejoindre l'Union européenne ? Ou la Turquie représente-t-elle au contraire un danger pour les valeurs démocratiques de l'Union européenne ?

Cet élargissement de l'Union européenne, nous allons devoir le vivre dans le quotidien de l'action, jour après jour. La Turquie est un pays très différent, très lourd économiquement. Peut-être faudrait-il d'abord consolider l'Europe des vingt-cinq avant d'envisager la candidature de la Turquie.

On se pose souvent la question de savoir si la Turquie est réellement, historiquement et géographiquement parlant, une partie de l'Europe. Mais le détroit du Bosphore (qui signifie « pont ») relie plus qu'il ne sépare l'Europe et la Turquie. D'ailleurs, dans notre Histoire, les mers ont souvent joué un rôle de liaison : il n'y a qu'à prendre l'exemple de la Grèce antique, qui était bien plus tournée vers la mer que vers les terres. La Rome antique était également axée sur la mer Méditerranée. De nos jours, on peut citer l'Atlantique, qui est une nouvelle Mare Nostrum , grâce à nos échanges avec l'Amérique.

Par ailleurs, on exagère peut-être les différences historiques entre l'Europe et la Turquie. St Nicolas, très populaire dans les pays de l'Europe du nord et de l'est, était Turc, et Thalès, mathématicien dont nos écoliers connaissent bien le théorème, était Anatolien. Alexandre le Grand, Macédonien, a régné sur la Grèce. La France s'est même alliée avec Soliman le Magnifique.

Politiquement, la Turquie ne satisfait pas les critères de candidature : ce n'est pas encore un pays très démocratique. Les droits de l'homme, et ceux de la femme, n'y sont pas encore bien respectés. Mais la Turquie évolue très vite. On y enregistre 400 000 nouveaux étudiants par an. L'armée turque, très importante avec ses 800 000 hommes, n'est pas négligeable ; c'est d'ailleurs pourquoi la Turquie adhère à l'OTAN depuis les débuts.

Je pense qu'un non catégorique à la candidature de la Turquie serait une très mauvaise chose, totalement contre les intérêts de l'Europe. La Turquie pourrait dériver vers un islamisme intégriste, ce qui serait très mauvais pour l'Europe ; mieux vaut s'allier.

Je pense qu'il faudrait donc encourager la Turquie, souligner ses améliorations, et lui laisser la perspective d'une future candidature à l'Union Européenne, lorsqu'elle aura effectué les changements nécessaires. On pourrait également faire jouer aux Turcs un rôle dans les tentatives d'apaisement des conflits du Moyen-Orient : les Turcs sont musulmans, et entretiennent de bonnes relations avec Israël ; ils pourraient être de futurs médiateurs.

Une dernière question : à votre avis, faut-il, dans certains cas, exporter la démocratie par les armes ? (On peut penser à la politique américaine au Proche Orient et en Irak en particulier). Quels sont, à votre avis, les autres moyens de diffuser la démocratie ?

Je vais vous raconter une histoire, celle d'une femme dont j'ai récemment assisté au centième anniversaire ; cette femme a d'abord fui, avec ses parents, vers la Russie tsariste pour échapper à la Première Guerre mondiale. Puis le tsar a été assassiné en 1917, et la femme dont je vous parle a fui les Bolcheviks pour retourner en France, où elle s'est mariée à un homme qui a combattu durant la guerre d'Espagne avant de prendre part à la résistance pendant la Deuxième Guerre Mondiale. Cette femme a donc connu tous les totalitarismes du vingtième siècle. Et voici ce qu'elle disait, lors du discours de son centenaire : « il n'y a pas de guerre juste ».

De plus, je suis revenu il y a trois jours d'un voyage professionnel en Colombie. C'est un grand pays de quarante-cinq millions d'habitants, dont la superficie représente environ le double de celle de la France, dont les médias ne parlent pas si souvent. Eh bien, j'irais presque jusqu'à dire que la situation, là-bas, est pire qu'en Irak. Les FARC contrôlent la production de drogue, achètent des armes ; les AUC, mouvements paramilitaires, font pareil. Ainsi deux puissances militaires et financières se sont formées, qui contrôlent tout le pays. 3000 assassinats politiques par an sont perpétrés en Colombie, sans distinction de classe ou de fonction, et des milliers d'otages politiques sont déplacés vers des bidonvilles. Les élections sont dites libres, mais les candidats qui n'agréent pas aux terroristes sont souvent assassinés.

Dans un système pareil, forcément, les gens rêvent d'une vraie démocratie, car la démocratie, c'est la liberté. La démocratie n'a pas de prix.

Quant aux moyens de diffuser la démocratie, Vaclav Havel disait dans un discours que « notre histoire est faite de gloire et de misère ». Nous avons vécu, en Europe, toutes les horreurs imaginables, avant de s'en sortir grâce à la démocratie pour en arriver finalement à l'Union européenne. Ainsi, sans dire aux autres peuples de nous imiter, nous pouvons leur dire que, quoi qu'il se passe, quelle que soit la situation, il y a des gens qui ont vécu ça avant et qui s'en sont sortis. Nous pouvons leur dire qu'il y a toujours un moyen de s'en sortir. Pour nous, ç'a été la démocratie.

5. Interview de M. Joël Billard, sénateur UMP d'Eure-et-Loir
réalisée par les élèves du Lycée Rotrou - Dreux

7 mars 2005

M. Le sénateur nous a, pour commencer, parlé de la démocratie, en insistant sur le fait que la démocratie "c'est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple", la démocratie repose également sur des droits : droit de se déplacer librement, droit d'asile, droit au travail, droit syndical, droit de grève, droit de protection de la santé et droit à l'instruction et les applications de cette démocratie sont : les libertés de conscience, de pensée, d'expression, d'association, de presse et l'égalité politique, ces libertés apportent une quantité de devoirs : le fait d'exprimer ses opinions, de s'informer et surtout de respecter les opinions des autres. La démocratie c'est aussi l'état de droit c'est-à-dire un état dans lequel les pouvoirs publics sont soumis au respect de la légalité, et la séparation des pouvoirs entre les domaines exécutif, législatif - celui auquel le Sénat appartient - et judiciaire. Il y a différentes démocraties : participative, représentative, directe... la démocratie de la France est semi-directe.

Notre rendez-vous a été retardé car la semaine dernière votre présence était requise au Congrès. Pouvez-vous nous expliquer ce qui s'est passé au Congrès ?

On est réuni en Congrès chaque fois que l'on doit modifier les institutions. Le Congrès réunit les députés élus par le peuple et les sénateurs élus par les grands électeurs. C'est une élection indirecte. Dans le parlement aujourd'hui le pouvoir revient toujours aux députés lorsqu'il y a une discordance entre les députés et les sénateurs. Après les navettes entre les deux assemblées et une commission mixte paritaire de 7 députés et 7 sénateurs qui doit trouver une voie qui satisfait tout le monde. Si on n'est pas d'accord, les députés ont le dernier mot, sauf en matière constitutionnelle. Au Congrès où on doit voter la constitution c'est égalitaire et pour modifier la constitution il faut avoir l'accord des trois cinquièmes des parlementaires... Cette égalité est importante parce que les députés élus directement par le peuple bénéficient du poids du nombre sont plutôt les élus des villes même s'ils s'intéressent au monde rural. En Eure-et-Loir il y a 4 députés, 4 maires de grandes villes...

Pourtant les circonscriptions s'étendent largement....

Le poids électoral favorise les villes. Globalement l'Assemblée nationale est plutôt urbaine et on aurait une partie de la population qui n'aurait pas mot à dire. Le vote égalitaire du Congrès se fait avec les députés qui représentent le peuple et les sénateurs qui représentent les territoires.

Nous on est élu indirectement. On représente le peuple aussi.

Qu'est-ce qui s'est passé ?

Il a fallu modifier la constitution pour instaurer le principe du référendum et inclure dans la constitution la charte de l'environnement... comme en mars 2003 on a inclus le principe de décentralisation.

Le Congrès est là seulement pour modifier la Constitution. Avec ce vote, pour toute nouvelle entrée dans l'Union européenne, il y aura auparavant recours au référendum, et donc accord du peuple.

Est-ce que le mode de suffrage pour les sénateurs et pour vous même n'éloigne pas trop de la vie concrète ?

M. Billard évoque son intérêt pour les affaires locales : la loi oblige un maire à payer des impôts pour être élu dans sa commune, ... moi je trouve important que le maire habite dans sa commune, on vit les problèmes de tous les jours.

Pour défendre la démocratie et la garantir, il semble en effet important d'être présent sur le terrain près des concitoyens...

Cela me paraît indispensable d'être maire... moi qui était atteint par la loi sur le cumul des mandats, j'ai abandonné le conseil général et ai fait le choix devenant sénateur de rester maire, d'être proche de la réalité... On a la chance en France d'avoir 36000 communes qui constituent comme une immense toile d'araignée de bénévoles, qui travaillent écoutent les concitoyens et animent les communes, montent des projets, font des budgets...c'est la base de la démocratie. D'ailleurs les Français ne s'y trompent pas, ces élections intéressent les électeurs...

Quel est le rôle des médias ?

Il est très important, ils informent, ce qui est important pour être plus proche de l'avis des gens et prendre les bonnes décisions concernant différents sujets. Pour développer la démocratie, il faut que le peuple soit écouté un maximum... Au Sénat, on a la chance d'être un peu oublié des medias...on peut peut-être délibérer avec plus de sérénité, on a beaucoup plus de recul au Sénat. Cela fait trois ans que je suis sénateur. J'étais, jusqu'à une date récente, membre de la commission des affaires sociales : les trente-cinq heures, la réforme des retraites, les problèmes de santé, on ne connaît pas tout, on n'est pas spécialistes, on auditionne beaucoup, avant de prendre une décision, on écoute beaucoup... Quand je suis entré au Sénat, il était question de l'arrêt Perruche : quand un enfant naît ou va naître handicapé qui est responsable ? Pour se prononcer là-dessus moi je ne me sentais pas compétent dans ce domaine, on a écouté des médecins, des personnes handicapées, des parents, des associations, on a essayé de prendre une décision la plus judicieuse possible en écoutant beaucoup.

Les commissions sont les lieux de préparation et de travail très important, leurs rapporteurs donnent les avis techniques et financiers sur la faisabilité des projets et de la loi et sur leurs coûts.

- il y a quelque chose de paradoxal : vous dites on auditionne beaucoup et on a l'impression que des rouages démocratiques ne fonctionnent pas et que la rue parle par des manifestations.

- la rue oblige à réfléchir, mais ce sont bien les parlementaires qui tranchent et votent la loi.

Monsieur Billard fait la distinction entre les projets de lois du gouvernement et les propositions de lois des parlementaires en rappelant que seules 25 % des lois viennent du Parlement.

Dans la loi Fillon sur l'éducation, la réforme du bac est avancée puis retirée. Avait-elle été assez préparée ? Pourtant la commission Thélot avait fait un gros travail en amont de la loi. Mais on a eu l'impression que la loi ne tenait pas compte de la commission...

Non cette loi avait tenu compte de la commission... pour nous c'est frustrant de voir un pas en avant, un pas en arrière, ce n'est pas très bon pour la démocratie.

D'autres questions sont posées sur la parité hommes / femmes .

M. Billard fait remarquer que le Sénat est plus féminisé que l'Assemblée Nationale.

A la question est-ce que les femmes ont une approche plus concrète des problèmes ? M. le sénateur répond, « oui, dans certains domaines » et évoque la démocratie locale. Il est sévère vis-à-vis du nomadisme politique qui amène une personne à choisir une circonscription électorale pour se faire élire sans forcément avoir de liens avec l'endroit. Il serait pour une loi obligeant le parlementaire à habiter sa circonscription. Ceci favorise les liens et la démocratie locale.

Un autre principe de la démocratie que M Billard nous a énoncé est celui de la délégation. Selon lui le fait de déléguer à ses adjoints est une action très favorable à la démocratie, puisque cela permet de ne pas donner tous les pouvoirs à une seule personne mais de les partager avec l'équipe municipale. Ses adjoints qui ont en charge un domaine le connaissent et sont les mieux placés pour décider. Il y a une vraie délégation et une responsabilité totale en fonction de l'intérêt et compétences. Sénateur, M Billard se soucie du terrain et circule dans toute sa circonscription, qui est le département : je suis allé dans toutes les communes, j'ai rencontré tous les maires et parfois assisté au conseil municipal rencontrer les personnes... Il fait l'éloge de la vie politique et des élus au service des personnes, de tous. « Ils ne méritent pas le mépris qui s'affiche parfois vis-à-vis du politique... la proximité doit se jouer, la démocratie doit rester cela.

M. Billard évoque le calendrier futur des différentes échéances électorales, et invite à voter : « la première défense de la démocratie c'est d'aller voter, allez voter, un bulletin blanc, une enveloppe vide, mais allez voter, la base de la démocratie c'est le droit de vote...

6. Interview de M. Jean-Marie Bockel, sénateur socialiste du Haut-Rhin
réalisée par les élèves du Lycée Albert Schweitzer - Mulhouse

10 mars 2005

Trouvez-vous intéressant d'organiser des événements comme celui-ci sur la paix et la démocratie en Europe ?

Oui, je suis totalement d'accord avec l'organisation d'événements, car on est en plein dans l'organisation d'un référendum sur une Constitution qui régirait toute l'Europe et que l'on fête cette année le 60 ème anniversaire de la fin du second conflit mondial. Je trouve très important d'organiser de tels événements qui font prendre conscience aux jeunes qu'ils sont les acteurs de la paix et de la démocratie en Europe.

Vous vous souviendrez de cet événement plus tard, vous avez au niveau de la classe fait des recherches importantes sur le système parlementaire qui vous permettront de jouer votre rôle de citoyen. Je pense que vous avez compris que le bulletin de vote est une arme. Ce concours, je le vois, a éveillé votre intérêt et vous a amené à une prise de conscience. Vous êtes devenus des acteurs.

De quelle façon pouvons-nous défendre et développer la démocratie et la paix ?

Vous êtes devenus maintenant des acteurs. Je pense que vous avez bien conscience du message que vous devez transmettre aux autres jeunes, ainsi vous défendez et développez la démocratie. En ce qui concerne la paix, l'Europe est devenue un espace de paix, les conflits se situent à l'extérieur de nos frontières. L'Europe est là pour intervenir dans les conflits. Plus l'Europe sera forte politiquement, plus elle aura de capacité à intervenir dans la gestion des conflits pour préserver la paix. Les jeunes, grâce aux émissions et documentaires, sont mieux informés (exemple : lors de la commémoration du Débarquement).

Qu'est-ce que reflète pour vous le Sénat et qu'elle a été pour vous sa plus grande évolution ?

En France, la démocratie locale est une composante de la démocratie nationale. Le Sénat a reçu la mission spécifique : assurer la représentation des collectivités territoriales de la République. Le Sénat et ses sénateurs entretiennent un dialogue constant avec les élus qu'ils représentent. Ils sont leur voix au niveau national. Le Sénat reflète pour moi la démocratie et il est un frein à tout abus de l'Assemblée nationale par le biais de navettes où les deux chambres discutent des détails des lois. Le Sénat, aujourd'hui, est plus jeune et, grâce au suffrage proportionnel, la présence des femmes est plus forte.

Quel est votre point de vue sur une Constitution applicable à toute l'Europe ?

La Constitution européenne ne régit pas l'Europe au sens où elle n'est pas imposée aux pays qui la composent. Elle a été rédigée notamment par des représentants des gouvernements et des élus de chacun des vingt-cinq pays européens. Elle doit être maintenant acceptée librement par chacun des peuples qui composent l'Europe, soit par voie référendaire, soit par voie parlementaire, comme c'est le cas en Allemagne. Je suis tout à fait d'accord avec une Constitution applicable à toute l'Europe, elle renforce les droits des citoyens et, par exemple, si un pays ne respecte pas les règles dictées par la Constitution européenne, il pourrait être sanctionné.

Nous pensons qu'en Allemagne, il y a beaucoup plus de libertés. Qu'en pensez-vous ?

Je suis d'accord avec vous. On y applique le principe européen. C'est une tradition libérale. Les länder allemands ont plus de pouvoirs, plus de liberté que nos départements. Ils agissent directement là où il y a un problème à régler. Ceci est possible en Allemagne car elle est une constitution fédérale.

7. Interview de M. Auguste Cazalet, sénateur UMP des Pyrénées-Atlantiques
réalisée par les élèves du Lycée Maurice Ravel - Saint-Jean-de-Luz

18 mars 2005

Quelles solutions peut-on proposer aux futurs électeurs collégiens et lycéens pour mieux les informer et les sensibiliser ?

Ce que peuvent faire les institutions (État, territoriales, Europe) c'est surtout de ne pas choisir à votre place mais simplement de vous offrir des conseils et des infos. Les Rendez-Vous de l'Engagement ont été mis en place en 2003. Beaucoup de sites Internet sont consacrés à l'information pour la jeunesse.

Il faut rechercher une meilleure complémentarité entre l'éducation «académique» et les activités sociales menées hors de ce contexte. On constate qu'entre sphère privée, celle de l'intimité, qui ne regarde que la famille et les jeunes, et sphère publique, celle de la vie scolaire et universitaire un vaste champ est à «labourer», celui de la société civile qui peut être un lieu d'engagements enrichissants pour les jeunes, désireux de s'investir dans des projets correspondant à leurs aspirations.

L'engagement reste un vecteur majeur de l'estime de soi et de la reconnaissance des autres sans laquelle il est difficile de s'insérer de manière féconde dans l'espace public. L'engagement n'est pas forcément idéologique mais peut s'incarner dans des valeurs ou des activités. Le fait de se réunir autour d'un projet, si modeste soit-il, procure une force intérieure irremplaçable. Il vous appartient de découvrir comment vos goûts personnels peuvent être employés au service de la collectivité.

Que fait l'Europe pour les jeunes ?

A la suite d'un Conseil des ministres «Jeunesse» de l'Union européenne qui s'est tenu le 22 février dernier, la présidence luxembourgeoise organise un Conseil exceptionnel pour travailler sur le Pacte européen de la Jeunesse . Cette initiative offre une opportunité d'affirmer la confiance en la jeunesse et de reconnaître la richesse qu'elle représente. En tant que Ministre de la Jeunesse, Jean-François Lamour a défendu cette démarche à Bruxelles : «la jeunesse doit être au coeur du projet collectif». Il faut développer et promouvoir l'esprit d'initiative, d'entreprise des jeunes, et les programmes européens doivent accompagner et valoriser les jeunes dans la réalisation de leurs projets.

Face au vieillissement démographique, il faut aider les 75 millions de jeunes européens de 15 à 25 ans à mieux s'intégrer dans l'Europe démocratique en favorisant leur mobilité et en améliorant leur insertion professionnelle et leur participation dans l'activité économique.

Existe-t-il au sein même de l'Union européenne des instances chargées de veiller au bon fonctionnement de la démocratie dans les États membres ? Si oui lesquelles ?

Il existe plusieurs instances chargées de maintenir le fonctionnement de la démocratie dans les États membres : tout d'abord le Conseil européen qui réunit quatre fois par an les chefs d'État et de gouvernement. Il donne à l'Europe une impulsion politique en dotant l'Union d'un programme de gouvernement à long terme pour les citoyens européens.

Ensuite, la Commission européenne, formée actuellement de 25 commissaires désignés par les États membres et investis par le Parlement européen, exprime l'intérêt général européen en proposant les directives et les règlements aux deux organes législatifs. Elle assure le respect des traités et elle est responsable des politiques communes.

C'est le Parlement européen, élu au suffrage universel pour cinq ans, qui représente les citoyens, vote les lois et le budget européens avec le Conseil des ministres. Ce dernier est un organe législatif qui regroupe en formations spécialisées les ministres des États membres et en particulier les ministres des affaires étrangères.

D'après vous, les partis extrémistes ont-ils leur place dans une démocratie ?

La cohésion d'une nation n'est jamais acquise une fois pour toutes. Chaque génération doit la préserver et l'enrichir. C'est une exigence essentielle.

Sur le vote extrémiste, aucun régime politique ne fonctionne à la perfection. Cela est valable pour toute activité collective (entreprise, administration). Il n'est pas anormal que cela suscite des mécontentements.

Cela est encore plus vrai dans un régime démocratique parce que, par nature, la démocratie laisse s'exprimer tous les mécontentements qui autrement ne sont pas transparents. En démocratie, la critique se donne libre cours et elle entretient le mécontentement. Elle le légitime presque.

Or, aujourd'hui, personne ne pense plus qu'il suffit de changer de régime : extrême droite, extrême gauche, altermondialistes... Qui veut renverser le gouvernement et prendre le pouvoir ? Surtout pas...

Dans le projet constitutionnel mis en place, existe-t-il des réformes susceptibles d'améliorer le fonctionnement de la démocratie ?

Oui, la Constitution est une véritable avancée démocratique puisqu'elle implique que le fondement de la légitimité de l'Union européenne sera recherchée dans le consentement des citoyens eux-mêmes. L'affirmation des valeurs de l'Union européenne montre que les droits des citoyens sont mis en avant. De plus, la Charte des Droits Fondamentaux est intégrée dans la Constitution, ce qui lui confère une force juridique dont elle ne disposait pas. Enfin, l'Union européenne adhèrera à la Convention européenne des Droits de l'Homme, ce qui renforce là encore la protection des droits fondamentaux des citoyens.

Le Parlement européen voit ses pouvoirs renforcés par la Constitution grâce au système de co-décision. De plus, par souci d'efficacité, pour éviter l'immobilisme de l'Union européenne dans des domaines importants, l'extension du vote à la majorité qualifiée (55 % des États représentant 65 % de la population) par le Conseil des ministres facilitera la prise de décision dans une Europe portée à 25. Enfin à partir de 2014, la Commission européenne comptera 18 commissaires pour 27 États membres au lieu des 25 qui forment une Commission trop lourde.

La transparence étant également un élément important pour que la démocratie progresse, toutes les délibérations du Parlement ainsi que celles du Conseil des ministres seront publiques, tous les documents de toutes les institutions seront accessibles aux citoyens.

Afin de rapprocher les citoyens de la prise de décision en Europe, on a créé un droit d'initiative populaire selon lequel les citoyens européens pourront, sur pétition d'un million de signatures, saisir la Commission, ce qui renforce leur possibilité de prendre part aux décisions européennes et assure une plus large participation des citoyens.

Ces avancées donnent un contenu à la citoyenneté européenne qui «s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas». Avec la Constitution européenne, il s'agit d'une nouvelle étape dans la définition de la citoyenneté européenne, élément au centre de la formation d'une démocratie européenne.

8. Interview de M. Bernard Cazeau, sénateur socialiste de la Dordogne
réalisée par les élèves du Lycée St Exupéry - Terrasson-Lavilledieu

29 janvier 2005

Comment défendre et développer la démocratie à l'intérieur et à l'extérieur de l'Union européenne ?

A l'intérieur de l'Union :

La partie II de la future constitution européenne est consacrée aux droits fondamentaux de l'union (dignité, libertés, égalité, solidarité, citoyenneté et justice) dont elle garantit l'application et le respect. Dans le préambule, il est notamment mentionné que « les peuples d'Europe, en établissant entre eux une union sans cesse plus étroite, ont décidé de partager un avenir pacifique fondé sur des valeurs communes ».

L'inscription de ces droits dans la constitution européenne est une grande première pour l'Europe et contribuera à l'émergence d'une forte identité européenne fondée sur les valeurs communes de solidarité, de démocratie et de liberté.

Quant au développement de la pratique démocratique et de la liberté d'expression, il passe notamment par :

- la modernisation de nos institutions : parité, limitation des mandats, droit de vote des européens aux élections locales, limitation ou suppression du recours à l'article 49.3...

- le développement de la démocratie participative et l'implication des citoyens dans des comités de quartier, des associations, des commissions, des sièges dans les communautés de communes, des référendums d'initiative locale,

- une lutte accrue contre l'intolérance et les discriminations par des aides, des commémorations, des débats, des prises de position,

- le rôle important joué par l'éducation civique dans l'Éducation nationale, des actions comme ce concours.

Il convient aussi de favoriser l'apprentissage des langues étrangères européennes et développer l'offre de formation dans ce domaine : l'anglais, même indispensable, ne doit pas devenir la seule langue étrangère enseignée dans notre pays. La suppression par le gouvernement d'une quinzaine d'options d'allemand en Dordogne à la prochaine rentrée ne va donc pas dans le bon sens.

« Nous n'avons pas fait l'Europe, nous avons eu la guerre » avait dit le 9 mai 1950 Robert Schuman, alors ministre des Affaires étrangères de la France.

Il faut continuer la construction de l'Europe qui porte en elle la liberté, la prospérité et la paix. Il est important de pouvoir permettre à des jeunes comme vous de partir à la rencontre de vos voisins européens, tisser des liens d'amitié, avoir une meilleure connaissance de l'Europe et de ses peuples et par là même savoir faire preuve d'ouverture d'esprit et de tolérance.

Le développement des échanges culturels, notamment entre les établissements scolaires y contribue. Le Conseil général soutient activement ce type d'action : des bourses sont notamment attribuées aux collégiens participant à des voyages scolaires à l'étranger ainsi qu'aux étudiants partant étudier dans un autre pays de l'Union européenne dans le cadre du programme Erasmus.

A l'extérieur de l'Union :

Aujourd'hui dans le monde sur 6,4 milliards d'habitants, la moitié vit dans la pauvreté avec moins de 2 euros par jour. Cette situation explosive ne fait qu'empirer. Comment agir sur ce qui ne doit pas être accepté comme une fatalité ?

L'Europe, l'État français, les communes, départements et régions peuvent aider des pays en difficulté. Cette coopération, qui a pour objet d'aider au développement économique des pays en difficulté, aide également les pays développés en permettant un maintien de la paix, en faisant reculer le terrorisme, en favorisant l'émergence de démocraties, en canalisant les épidémies, la pollution, en limitant à terme l'immigration. Le tsunami en Asie et les difficultés de coordination de l'aide massive qui afflue ont bien sûr été au coeur des débats. Mais il ne faut pas oublier que l'Afrique subit tous les 10 jours un tsunami silencieux, c'est-à-dire l'équivalent de la catastrophe en Asie en terme de mortalité, et ce, en raison de la pauvreté et de la rareté de l'eau.

Pouvez-vous préciser quelques actions du département pour plus d'entraide et de démocratie en Europe ?

Le Département participe également à de nombreux programmes européens et des échanges avec les divers pays d'Europe ont lieu régulièrement. Ces échanges permettent de confronter des modes de fonctionnement, des organisations et de faire ainsi connaître les expériences les plus réussies. Ce sont avant tout, des occasions de rencontres et d'enrichissements humains qui enracinent une paix durable.

Le département de la Dordogne accompagne depuis 2000 un projet de coopération décentralisée avec la commune de Sokone au Sénégal (Afrique). Il coopère également avec l'Afghanistan, la Hongrie et envisage d'accompagner un projet de reconstruction en Asie.

Le département de la Dordogne participe aussi au Programme Jeunesse dont l'objet est d'accueillir des jeunes européens en Dordogne, d'envoyer des jeunes de la Dordogne dans un autre pays d'Europe, d'organiser des échanges de groupes de jeunes.

Pour ne citer que trois programmes européens en exemple :

- le Raid européen est une manifestation éducative, culturelle et sportive pour permettre à des jeunes de tous les pays de l'Union européenne de se rencontrer ;

- le programme Pepee a permis l'élaboration d'un Cd Rom éducatif afin de rendre accessible au public la culture préhistorique commune à 3 régions européennes : la Vallée de la Vézère, la Vallée du Côa (Portugal) et les Asturies (grotte de Tito Bustillo - Espagne) ;

- le programme Equal pour favoriser l'insertion des personnes en difficulté et des travailleurs saisonniers a ainsi été conduit en partenariat avec la ville de Jaen en Andalousie, Espagne.

Le Conseil général possède son propre service des affaires européennes, chargé de mettre en oeuvre et d'accompagner les projets co-financés par l'Europe. Certains de ses projets sont même réalisés en collaboration avec des partenaires européens : ainsi, le projet expérimental Map (développement de l'administration électronique dans le domaine social) a été mené par le Conseil général, en partenariat avec, entre autres, des collectivités territoriales d'Italie et de Suède, et avec une Université polonaise...

Les jumelages en Dordogne

Favoriser les jumelages et les partenariats qu'ils impliquent sur le plan culturel, économique, social : de nombreuses communes du département sont ainsi jumelées avec des communes européennes : Ribérac avec Rietberg (Allemagne), Périgueux avec Amberg (Allemagne), Boulazac avec Bibbiena (Italie), le Pays d'Ans avec la ville d'Ans en Belgique, Terrasson avec Theux (Belgique), Bergerac avec Faenza (Italie), Les Eyzies de Tayac avec Puente Viesgo (Espagne)...

La richesse patrimoniale de la Dordogne a également conduit certains sites historiques ou naturels à travailler avec des sites européens : la grotte du Grand Roc aux Eyzies est par exemple jumelée depuis peu avec celle de Frasassi en Italie.

9. Interview de M. Michel Charasse,
sénateur socialiste du Puy-de-Dôme
réalisée par les élèves du Lycée de la Légion d'Honneur - Saint-Denis

1 er trimestre 2005

Pensez-vous que la démocratie française soit en danger par la montée de l'abstentionnisme ? Quels sont les gardes fous de la République française ? Quels sont ceux de l'Europe ?

Oui, la démocratie est en danger, car plus on en parle, moins on la supporte. La base, c'est que le perdant doit continuer le combat, mais il a perdu et attend les prochaines élections. Aujourd'hui, le perdant essaye de créer des institutions pour empêcher la majorité de gouverner et les médias ont une mauvaise influence pour la démocratie.

Le garde fou de la République française, c'est la conscience démocratique et républicaine des élus et il faut arrêter de monter des comités.

Il n'y a pas de garde fou de l'Europe, car l'Europe qui se construit est indifférente à la souveraineté des peuples.

Quelles pourraient être les mesures à prendre pour que les électeurs reprennent goût au vote ?

Le taux d'abstention élevé vient du fait que beaucoup de gens ont l'impression de ne pas être concerné. Aujourd'hui, les élus sont interdits de s'occuper de la moitié des affaires qui concernent directement les gens. Pour que les électeurs reprennent goût au vote, il faut faire en sorte qu'ils sentent que c'est eux qui ont le pouvoir.

Comment, selon vous, pourrait-on améliorer la démocratie ? Avec Internet ?

La démocratie peut être améliorée en revenant aux fondamentaux. Les seuls pouvoirs devraient être les pouvoirs élus et surtout les médias ne devraient pas être le quatrième. Non, je pense que l'utilisation d'Internet dans notre démocratie se révèlerait inutile. Il est clair que l'on ne peut pas voter à partir d'Internet. C'est un très bon moyen pour diffuser des connaissances, mais cela ne sollicite aucune intelligence.

Comment pourrait-on développer la démocratie européenne, sachant que les élections européennes sont celles où le taux d'abstention est le plus élevé ?

Les peuples ne croient pas que l'Europe existe. Ils croient que le Parlement européen n'a pas de pouvoir. Ils ne connaissent pas leur député européen. La démocratie européenne n'existe pas et les institutions européennes n'ont pas envie qu'elle existe. Le noeud du pouvoir, c'est la Commission européenne qui est désignée par les États : elle fonctionne seule et fait ce qu'elle veut.

Pensez-vous que la simplification des textes soit souhaitable pour les rendre plus accessibles à tous les citoyens ?

Il y a trop de lois et les textes sont mal écrits et cela ne veut rien dire. On peut à peine comprendre.

10. Interview de Marcel-Pierre Cléach, sénateur UMP de la Sarthe
réalisée par les élèves du Lycée Gérard de Nerval - Luzarches

1 er trimestre 2005

La démocratie, étymologiquement du grec « demos » le peuple et « kratos » le pouvoir, est née dans l'Antiquité par l'inspiration du savant et philosophe grec Périclès. Oubliée depuis ce temps, elle a refait surface avec Montesquieu qui la définit comme un système politique dans lequel le peuple exerce la souveraineté. Au cours du temps ce concept sera successivement renié puis amélioré, avant d'être le fil conducteur actuel de nombreux pays.

Nous nous sommes demandés, dans le cadre de ce concours, ce qui pouvait se cacher derrière cet idéal démocratique. C'est dans ce but, que nous avons rencontré M. Cléach, sénateur de la Sarthe qui a bien voulu nous recevoir pour répondre à nos questions.

Comment définiriez-vous la démocratie au jour d'aujourd'hui ?

Dans notre démarche et vocabulaire général, la démocratie est un ensemble de valeurs : il s'agit de la représentation du peuple dans son ensemble, peuple qui s'autogouverne par la voie de délégations des représentants, par la liberté (d'expression, de religion...), l'absence de discrimination (de sexe, d'éducation, couleur de la peau, nationalité...).

Le fonctionnement de ce concept repose en France sur un système représentatif, une élection à différents niveaux : au suffrage universel direct pour les communes, les départements, les régions, l'État, et au suffrage universel indirect pour l'élection des sénateurs, par collège électoral composé de délégués des conseillers généraux, municipaux, de conseillers régionaux et députés.

Quelques mots sur le mode de scrutin, le mode de fonctionnement de la démocratie ; on trouve deux modes de scrutin proportionnel ou majoritaire. Le premier est le plus démocratique car il permet théoriquement de représenter tous les mouvements de pensée.

En France nous avons une anomalie, les 15 % du corps électoral ayant voté pour Le Pen ne sont pas représentés à l'Assemblée nationale puisqu'il s'agit d'un scrutin majoritaire. On donne aux partis qui obtiennent le plus grand nombre de voix au premier tour un avantage forfaitaire lourd qui permet d'avoir des majorités plus sérieuses, c'est le cas à l'Assemblée nationale ou on arrive à avoir de très fortes majorités. Cet avantage fort permet d'assurer une majorité stable qui permet un gouvernement stable pendant la durée de la législature. J'ai vécu pendant la 4 ème république où les gouvernements ont parfois changé tous les 15 jours, comment diriger un pays dans ces conditions ?

Mais ce système tel que vous le définissez, possède t-il des faiblesses, est-il victime d'atteintes ?

Cette démocratie possède effectivement des faiblesses internes et externes.

Internes tout d'abord ; il y a une faiblesse à cause du nombre de scrutins et par la déception qu'entraîne l'action politique, les élus n'arrivent pas à satisfaire l'opinion publique. Cela entraîne une abstention de plus en plus forte, car les électeurs ne s'intéressent plus à la vie politique du pays. L'exemple des dernières présidentielles est flagrant, Chirac a obtenu 19 % au premier tour et Le Pen a passé le premier tour. Au 2 ème tour les gens ont voté contre Le Pen, et non pour Chirac, par urgence, il est donc élu par 19 % de la population et gouverne grâce à eux. Il y a un risque oligarchique, le plus grand nombre est représenté par un petit nombre. Comme j'en parlais tout à l'heure la non représentation de tous les courants de pensée constitue par ailleurs une faiblesse.

Une autre faiblesse interne se situe au niveau du parlement. Sa mission est de voter les lois et de contrôler leur exécution. Il vote beaucoup trop de lois, c'est vrai, mais ce n'est pas de sa faute, il est soumis à l'ordre du jour du gouvernement, qui envoie des rafales de texte à voter, donc le parlement les vote ; sa 2 ème mission est alors remplie de manière imparfaite car il n'a plus le temps de surveiller l'application de ces lois, c'est une faiblesse interne de la démocratie.

Voyons maintenant les faiblesses externes ; la France est très endettée (environ 1100 milliards d'euros). Pour vous rendre compte, c'est comme si la France empruntait tous les jours, à partir du premier octobre, pour subvenir à ses besoins, on dépense plus que l'on ne récolte, il faut donc emprunter. Cela réduit la marge de manoeuvre du gouvernement. Il faudrait prendre exemple sur le Canada qui a réduit considérablement sa dette et donc regagné une marge de manoeuvre. Cependant la France n'est pas en banqueroute comme le serait une entreprise, car elle a une crédibilité internationale.

Une certaine atteinte est la toute-puissance des technostructures, les fonctionnaires sont très pointus dans leurs domaines et lors de la présentation de projets, ils les présentent comme ça les arrange sans que tout le monde comprenne ; cela peut être parfois une atteinte, parce qu'ils peuvent faire passer ce qu'ils veulent, car les autres ne le comprennent pas. La justice aussi est à deux vitesses, quand les clients ont de l'argent ils se payent des avocats, sinon on a un avocat gratuit mais surchargé et qui ne va pas vraiment s'occuper de l'affaire. Ces atteintes et faiblesses doivent donc être corrigées pour défendre la démocratie aux yeux de tous.

Dans le cadre de la défense de la démocratie, l'Europe assure-t-elle une veille des états défaillants ?

Tout d'abord, l'Europe assure une sécurité par rapport à sa composition, tout pays européen ne respectant pas un des droits de l'homme ou des accords risque l'expulsion et la perte de tous les avantages liés à l'Union européenne en faveur des articles 6 et 7 du traité de Nice. Cela protège contre une éventuelle dérive de pays. L'Europe aide les États en voie de démocratisation à se développer en leur versant des subventions, à la condition expresse qu'ils respectent les droits de l'Homme. La démocratie empêche la guerre et renforce la paix, je dirais que c'est presque un théorème, il faut bien comprendre que les pays démocratiques sont plus paisibles que d'autres car ils sont la représentation du souhait du peuple et l'opinion publique y joue un rôle très important. Pour se protéger des états défaillants l'Europe a lancé, dans les années 70, une action de lutte anti-terroriste. Par des actions de répression tout comme des actions juridiques, l'Europe se prémunit contre des États qui pourraient devenir défaillants, tout en respectant au mieux les droits de l'Homme. C'est aussi en montrant aux pays potentiellement défaillants les bienfaits et avantages (diverses libertés, avantages économiques...) de la démocratie que l'Europe veille à ne pas se trouver face à des États défaillants présentant une menace pour elle.

L'optique de la constitution d'une armée européenne pouvant intervenir n'importe où, renforce aussi la protection contre un État en dérive, tout en assurant un ordre de paix mondiale. L'Europe noue aussi des relations diplomatiques avec les États environnants pour éviter de se trouver face à une situation de désaccord, ainsi des actions économiques d'aide au développement et donc à la démocratie, civiles, politiques et militaires « protègent » l'Europe contre une éventuelle déliquescence d'États.

La démocratie est une richesse de nos pays, comment peut-on faire pour continuer à la développer ?

La démocratie en Europe est ancrée, nous ne risquons pas réellement de voir ce régime compromis (sauf avec les partis politiques aux idées extrêmes.). De ce fait nous devons insister sur son développement en dehors de l'Europe. Nous pouvons par contre la développer, l'améliorer, la perfectionner et combler les failles dont je viens de parler. Cela intervient constamment, et la Constitution Européenne va simplifier les choses et les procédures.

Diverses commissions existent et aident les pays entourant l'Europe dont les anciens pays du bloc communiste, à développer la démocratie. La commission de Venise (créée en mai 1990) remplit ce rôle, elle assiste les pays dans la rédaction de leurs textes constitutionnels en tant que consultant. Elle a ainsi aidé l'Afrique du sud lors des problèmes de l'apartheid.

Il faut insister sur la valeur principale qu'est le respect de l'un par l'autre. La politique de la mémoire joue un rôle important, nous sommes amis avec les autres pays ; les anciens combattants doivent transmettre ce qu'ils ont vécu, la guerre est la chose la plus débile qui existe, seule la guerre contre le nazisme était justifiée. Les jeunes ne se rendent pas compte que c'était « hier », c'est encore récent. Il faut continuer à se battre, faire un effort important pour le respect des valeurs et des autres. Au niveau européen, une des avancées dans cette optique est la charte des droits fondamentaux. Comme je l'ai dit précédemment il faut pour développer cette démocratie, vanter les mérites, les avantages et les bénéfices d'une démocratie aux autres pays afin de leur donner envie. Cela bien évidemment ne suffit pas et il faut pour cela essayer d'influer sur les moeurs des gens pour les y habituer.

11. Interview de M. Serge Dassault, sénateur UMP de l'Essonne
réalisée par les élèves du Lycée du Parc des Loges - Évry

1 er trimestre 2005

Pensez-vous que l'abstention puisse remettre en cause la citoyenneté ?

Oui, bien sûr car cela remet en cause les élections. En effet, ceux qui ne votent pas laissent leur voix à ceux qui votent. Une des solutions serait peut être d'instituer un vote obligatoire. Les citoyens seraient ainsi contraints de voter même s'ils ne votent pas ou blanc parce que ne pas voter, c'est voter contre. Pour le référendum par exemple, s'il y avait peu de votes pour le référendum pour la Constitution européenne, cela signifierait qu'il y a peu de gens qui s'en préoccupent et dans cette optique on ne saurait pas qui du oui ou du non l'emporte réellement. Cela peut être dangereux pour la citoyenneté. Être un bon citoyen c'est aussi voter.

Quelles sont pour vous les raisons de cette abstention ?

On peut penser que cela vient peut-être du fait que les gens ne s'intéressent pas à la politique, à l'Europe, ne veulent pas prendre position. Aux élections cantonales, il y avait 45 % de votants et cela ne représente pas la volonté de la majorité populaire. On peut soutenir qu'un candidat qui récolte 40 % des suffrages avec 50 % d'abstention ne représente que 20 % de la population totale. Cela pose un problème de responsabilité. La solution serait peut-être de faire comme en Belgique où le vote est obligatoire. En cas de non respect de cette loi on est passible d'une amende.

Comment pourrait-on, selon vous, remédier à cela ?

Cela pourrait passer par une meilleure information, éducation. Les gens se désintéressent de la politique, ou ne la comprennent pas ou ne veulent pas prendre position quand il y a des dissensions entre différents candidats. C'est pour cela qu'ils ne votent pas.

Quel serait selon vous l'avenir de la citoyenneté européenne ?

Il n' y a pas encore de véritable opinion publique sur l'Europe. Elle est une juxtaposition de nations qui gardent chacune leurs droits, leurs coutumes, leur fiscalité sans aucune intégration. Il y a donc une nécessité d'harmonisation tout du moins fiscale pour que les gens aient le même régime partout.

Que pensez-vous de l'élargissement de l'Europe à 25 pays ?

Je pense qu'il est un petit peu grand. Il est très difficile de mettre d'accord 25 chefs d'État qui ont chacun leur propre intérêt politique. Quand on voit les problèmes d'intervention en Irak ou autres, on s'aperçoit que cela n'est pas simple.

Que pensez-vous de l'adhésion d'un pays comme la Turquie ? Est-ce que cela pourrait remettre en cause la démocratie ?

C'est une entrée qui pourrait être problématique. On se trouve déjà, en France, dans une situation difficile au niveau syndical, politique, de l'emploi, fiscal. On nous dit que l'on va constituer un grand marché de 20 millions, 30 millions de consommateurs mais c'est eux qui vont profiter de ce marché car ils travaillent à moindre coût et vont vendre leurs produits qui coûtent moins cher chez nous mais nous ne pourront pas vendre les nôtres chez eux. Grâce aux subventions dont ils vont bénéficier, leur industrie et leur agriculture auront la possibilité d'être les plus performantes et cet argent nous n'en profiterons pas alors que c'est nous qui leur donnerons.

De même un projet de directive indique qu'un membre de la communauté européenne, s'il se déplace, garde les prérogatives de son pays d'origine. Les personnes travaillant à un moindre coût que les Français, vont, en France, être payées de la même façon et de ce fait les travailleurs français auront plus de mal à trouver un emploi car ils désirent être rétribués de façon plus conséquente.

L'idéal aurait été de rester à 6 pays. On aurait ainsi constitué un noyau dur où l'on aurait travaillé ensemble. On aurait pu ainsi créer une Europe à « deux vitesses » avec ce noyau dur d'une part et, d'autre part, une autre organisation diplomatique, relationnelle mais sans que les autres pays soient intégrés au niveau fiscal mais seulement avec des aides et des directives.

Il faut cependant voter oui à la Constitution européenne car c'est un petit pas vers une intégration politique.

12. Interview de Mme Isabelle Debré, sénatrice UMP des Hauts-de-Seine
réalisée par les élèves du Lycée de la Légion d'Honneur - Saint-Denis

1 er trimestre 2005

Pensez-vous que la démocratie française soit en danger par la montée de l'abstentionnisme ? Quels sont les gardes fous de la République française ? Quels sont ceux de l'Europe ?

Non, je ne pense pas que la démocratie soit en danger. On ne reviendra pas en arrière mais c'est inadmissible de bafouer cette démocratie tant enviée dans le monde entier. Celle-ci a été chèrement acquise par nos anciens et nous leur devons du respect. C'est un manque de responsabilités de la part des citoyens de s'abstenir. Je pense qu'il faudrait mieux à la limite voter blanc.

Le garde fou, c'est la Constitution de la V e République, rédigée par Michel Debré à la demande du Général de Gaulle. Elle a tenu durant la cohabitation et a permis un bon fonctionnement du Gouvernement.

Le garde fou de l'Europe, c'est de voter « oui » à la Constitution afin que les pays conservent leur identité. La Constitution n'est pas parfaite, certes, mais indispensable pour le bon fonctionnement de l'Union européenne et de l'Europe. La Constitution est là pour donner des pouvoirs.

Quelles pourraient être les mesures à prendre pour que les électeurs reprennent goût au vote ?

Il faut d'abord intéresser les gens. Si on reconnaissait le vote blanc, peut-être y aurait-il moins d'abstention. Il faut parler aux gens de façon intelligente et vraie, dire ce que l'on pense et faire ce que l'on dit. Il faut donner aux Français l'envie de participer et ils reviendront.

Comment selon vous pourrait-on améliorer la démocratie ? Avec Internet ?

Grâce à la technologie, on peut faire plus vite, faciliter la participation par les échanges d'e-mail, les médias... Mais notre démocratie est déjà assez forte et il faut être vigilant vis-à-vis des fraudes, de la naïveté de certaines personnes.

Comment pourrait-on développer la démocratie européenne, sachant que les élections européennes sont celles où le taux d'abstention est le plus élevé ?

Il faudrait rapprocher les députés européens des concitoyens qui manquent d'informations. Pour les gens, l'Europe c'est loin. Ils connaissent le Président et sa couleur, leur maire et sa couleur et c'est tout en général. Mais les concitoyens s'en fichent. Les députés européens ne font pas leur travail. Ils devraient faire des réunions pour informer les gens, rendre compte de ce qu'ils font en faisant paraître par exemple un petit journal.

Pensez-vous que la simplification des textes soit souhaitable pour les rendre plus accessibles à tous les citoyens ?

Oui, la simplification des textes est souhaitable car ils sont trop compliqués. On légifère trop et cela devient inutile et incompréhensible pour les Français.

13. Interview de Mme Christiane Demontès, sénatrice socialiste du Rhône
réalisée par les élèves du Lycée Saint-Marc - Lyon

4 mars 2005

Concrètement, comment l'école française peut-elle former ses élèves à la démocratie afin qu'ils la mettent en pratique dans leur vie d'adulte ?

L'école est un lieu dans lequel la démocratie peut être très présente par l'intermédiaire de l'élection des délégués. Vous pouvez apprendre par ce moyen-là, le principe de base de la démocratie, à savoir, ceux qui exercent le pouvoir sont élus, choisis, désignés par l'ensemble des membres d'un groupe. Et on ne décide pas tout seul d'arriver au pouvoir. D'où l'importance de la participation du plus grand nombre à ces élections. Moins on vote et plus la démocratie est menacée, car la personne élue ne peut s'appuyer sur une légitimité issue d'un soutien populaire.

Riposter par une guerre est-il un moyen acceptable de défendre une démocratie ? Une armée européenne serait-elle efficace pour empêcher cela ?

Pour sauver la démocratie, il faut savoir parfois savoir en passer par là ! C'est, parfois, le seul moyen que les peuples ont pour défendre ou pour obtenir une liberté ou un système démocratique. La formation d'une armée européenne est importante. Cependant, ce serait la réflexion sur la création d'une armée commune plus que son application qui serait un élément de stabilité à l'intérieur de l'union. En effet, discuter ensemble des règles de fonctionnement est un élément de stabilité et de stabilisation à l'intérieur de l'Europe, mais également à échelle mondiale.

Comment serait-il possible de réduire le fossé entre les citoyens et les hommes et femmes politiques ?

En organisant des rencontres comme celle que nous avons ensemble aujourd'hui ! Je trouve que les élus sont moins inaccessibles qu'auparavant : il y a des permanences parlementaires, des réunions dans les quartiers, des échanges épistolaires... Il est en effet très important que les élus puissent rencontrer les électeurs.

En quoi la nouvelle constitution européenne fait-elle avancer notre continent sur la démocratie ?

Le référendum sur le traité constitutionnel est déjà un exemple de démocratie et de dialogue. C'est le peuple qui va décider de ratifier ou non le traité, et non uniquement l'ensemble des députés. Ce texte va régir l'ensemble du fonctionnement de tous les pays de l'Union. Pour la première fois, il est inscrit que les citoyens de l'Union européenne sont égaux, ont les mêmes droits, et les mêmes devoirs. C'est un texte très important.

D'après votre expérience, le principe de la démocratie est-il respecté en Rhône-Alpes ?

Bien sur que oui ! La démocratie en Rhône-Alpes fonctionne avec ses limites, ses risques comme dans toutes les autres régions de France. Des réunions se tiennent régulièrement avec les rhônalpins afin d'entendre les habitants et de faire des bilans. La démocratie représentative doit s'exercer en même temps que la démocratie participative. Les deux sont nécessaires.

14. Interview de M. Yves Détraigne, sénateur UMP de la Marne
réalisée par les élèves du Lycée Jean Jaurès - Reims

M. Yves Détraigne est l'un des trois sénateurs du département de la Marne. Il siège au sein de la commission des Lois et est également, depuis 1989, maire de Witry-lès-Reims.

Quelle signification a pour vous l'élargissement de l'Union européenne et quelle contribution apporte-t-il à la démocratie ?

L'élargissement est capital pour le maintien de la paix, c'est là sa contribution la plus importante. Depuis 60 ans, il n'y a eu aucun conflit armé dans la partie occidentale du continent européen ; c'est la plus longue période de paix en Europe. L'Union européenne repose sur le principe de l'État-Providence. Elle éloigne tout risque de guerre car chaque décision politique s'appuie sur un système économique solide. L'Union européenne a été fondée par six « vraies » démocraties (l'Italie, la France l'Allemagne et les trois États du Bénélux), c'est-à-dire des démocraties institutionnelles. Le modèle élaboré en 1957, que beaucoup nous envient, n'a pas changé depuis. Mais pour adhérer à l'Union européenne, la démocratisation du régime est un préalable indispensable. C'est pourquoi on peut dire que l'élargissement garantit la paix mais renforce également la démocratie.

Cependant, l'Union européenne est relativement impuissante sur la scène internationale, en raison de divergences d'opinion entre États membres (par exemple, dans la guerre avec l'Irak ou le conflit dans l'ex-Yougoslavie). C'est pourquoi la ratification de la constitution européenne offrirait la possibilité, avec la nomination d'un ministre commun des Affaires étrangères, de parler d'une seule voix, après concertation entre les États membres. L'Europe peut également faire prévaloir les valeurs démocratiques au-delà de ses frontières, et elle est également la seule région du monde qui diffuse le modèle de l'État-Providence.

Quelles conséquences pourrait avoir l'adhésion de la Turquie ?

Nous venons de voir que parmi la liste des tâches que s'assigne l'Union européenne, figure le développement de la démocratie. La Turquie devra s'y conformer si elle veut adhérer à l'Union. Du fait de sa tradition musulmane, la Turquie présente des différences considérables avec les Etats européens, notamment en ce qui concerne les droits de l'homme. L'adhésion de la Turquie suppose donc une évolution du régime à l'image de l'Occident, c'est-à-dire que la Turquie devra proclamer son attachement aux idéaux européens. C'est ainsi que la société turque devra respecter le principe d'égalité entre les hommes et les femmes et toutes les autres valeurs de l'Europe. En revanche, la Turquie remplit déjà les conditions d'adhésion en ce qui concerne les institutions politiques et l'économie de marché. L'intégration de la Turquie dans l'Union contribuerait ainsi à aider la société turque à se développer, ce qui serait l'un des principaux apports de l'adhésion.

Que devrait faire l'Union pour éviter l'émergence de rivalités ou de méfiances entre les États membres en ce qui concerne le dumping salarial (cf. la directive Bolkestein) ?

La plupart des normes européennes sont adoptées à l'unanimité, ce qui affaiblit l'Union, car tous les États membres ne sont pas toujours du même avis. C'est en partie pour y remédier que la nouvelle constitution européenne a été élaborée. Cette avancée permettra le développement et le renforcement de la démocratie. Sur le plan économique, les délocalisations au sein de l'Union (par exemple en Pologne) se sont accrues, mais également vers l'extérieur, comme en Chine, car les frontières tarifaires ont été démantelées. Il est dans l'intérêt de l'Europe de réduire l'écart entre les pays. Les entreprises délocalisent leurs emplois vers des pays où les coûts salariaux sont plus faibles, mais les pays qui veulent entrer dans l'Union doivent se mettre à notre niveau : ils sont ainsi obligés d'adopter les mêmes règles économiques que les autres États membres. C'est ce qui s'est passé lors de l'adhésion du Portugal et de l'Espagne. Beaucoup craignaient que ces adhésions ne provoquent des délocalisations. Celles-ci ont eu lieu mais, dans la mesure où ces deux pays ont rattrapé le niveau social et économique du reste de l'Europe, leur adhésion a permis qu'on ne perçoive plus aujourd'hui que très faiblement les différences ; c'est pourquoi l'élargissement sera profitable d'un double point de vue : en encourageant la démocratisation et en réduisant les écarts économiques.

Quel rôle devrait jouer l'Europe dans les conflits futurs ? Que devrait-on faire si l'un des États membres entre en guerre ?

La nouvelle constitution, actuellement soumise à ratification, contient une clause d'assistance mutuelle. Celle-ci garantit à chaque État membre le soutien des autres membres en cas d'agression. Mais l'Europe doit progresser dans le domaine de la défense, car cette clause ne garantit pas la paix. L'Europe n'a pas d'armée commune. Ceci à des conséquences très négatives, car pour tenir son rang de puissance mondiale, l'Europe a besoin d'avoir sa propre armée. En outre, l'Europe doit développer son industrie d'armement. Comme dit l'adage « Si vis pacem, para bellum ». On peut se référer au contexte de la guerre froide : à partir du moment où les Etats-Unis et l'Union soviétique ont possédé tous les deux la bombe atomique, la dissuasion réciproque a fonctionné. La construction d'une armée européenne et le développement des industries d'armement contribueront à la sécurité européenne.

Selon vous, l'Union européenne est-elle en premier lieu une communauté économique qui cherche à conforter la place de l'Europe dans le monde, ou est-ce une communauté politique pour laquelle il importe de promouvoir et diffuser la démocratie ?

Lors de son lancement, en 1950, la construction européenne se présentait comme un modèle de communauté économique dont les membres partageaient des idéaux politiques communs. Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour que la démocratie devienne le but ultime de l'Union européenne. Chaque pays a sa propre histoire, qu'il est difficile d'oublier ou de concilier avec celle du voisin. Il faut beaucoup de temps pour méditer les leçons de l'Histoire et se décider à avancer ensemble. À l'origine, la Communauté européenne avait un but économique ; mais l'élargissement actuel fournit l'occasion d'encourager la diffusion de la démocratie et des droits de l'homme.

15. Interview de Mme Muguette Dini, sénatrice UC - UDF du Rhône
réalisée par les élèves du Lycée La Favorite - Ste Foy-lès-Lyon

5 février 2005

En 2004, le gouvernement français a pris des mesures pour renforcer la laïcité dans les établissements publics, scolaires et administratifs. Est-ce une action positive pour la défense de la démocratie ?

Dans le dictionnaire, le mot « démocratie » est défini comme étant un régime politique où le peuple exerce sa souveraineté lui-même, et le mot « laïcité » traduit une indépendance des concepts religieux et partisans. C'est un système qui exclut les églises des systèmes politiques, administratifs et de l'organisation de l'enseignement public.

Donc, j'ai tendance à dire que « oui », le renforcement de la laïcité est une action positive. La religion est une affaire personnelle, quelle que soit la religion, et ne doit en aucun cas entrer dans le système politique, administratif et scolaire. Elle peut être source de conflit car toutes les guerres sont des guerres de religion.

Il est évident qu'il faut une totale neutralité. Et cela n'empêche pas de penser ce que l'on veut, de croire à qui l'on veut, et d'exercer sa religion. Les signes religieux doivent être bannis afin que la démocratie soit maintenue.

Aujourd'hui, les médias et le gouvernement parlent beaucoup de « politiques sociales » en faveur des personnes handicapées. Qu'en est-il de l'intégration des handicapés dans la démocratie ?

La démocratie est un régime politique dans lequel le peuple exerce sa souveraineté. Un handicapé est un citoyen comme un autre. Il a donc le droit d'exercer ses pouvoirs de citoyens, c'est-à-dire d'être électeur, candidat et éventuellement élu. S'il y a discrimination, il faut y remédier.

Ici, il ne faut pas confondre citoyenneté avec vie quotidienne. Il est vrai que les handicapés ne sont pas traités comme des citoyens ordinaires dans la vie quotidienne (trottoirs, escaliers, indications sonores aux feux rouges, etc) mais le gouvernement a pour souci d'améliorer le confort de ces citoyens.

Comment intéresser les futures générations, futurs électeurs, à la vie politique nationale, européenne et internationale ?

C'est difficile car il y a un certain manque dans notre enseignement. Pour les élèves, la façon dont sont élus les députés ou les sénateurs semble très abstraite et très lointaine. Aux États-Unis, par exemple, l'hymne national est très respecté. Cela nous paraît futile mais les citoyens ici donnent à la Nation un geste qui est le même pour tout le monde à un moment donné. On ne le fait pas en France alors que cela donne l'impression d'appartenir à une Nation.

De plus, il y a un dénigrement des politiques dans les médias qui est très nocif. La majorité des politiques est honnête. Les gens malhonnêtes sont peu nombreux. C'est dommage que l'on dénigre à ce point le monde politique.

De nos jours, le sexisme existe encore (salaire, emploi ...), comment peut-on y remédier et en tant que citoyen développer la démocratie ?

Toutes les discriminations : racisme, sexisme, ... sont à bannir. Si on veut bien s'en occuper, ça peut fonctionner. Si on veut une égalité, il faut que chaque partie de la société se sente concernée. Les femmes doivent se manifester, elles représentent 53 % de la population française. Il faudrait plus de femmes candidates, élues, ... et surtout un souci d'une meilleure égalité.

Pour cela, il faut une véritable motivation et mobilisation.

Dans certains pays, existe encore une monarchie. N'est-ce pas un danger pour la démocratie ?

Les monarchies européennes fonctionnent bien car le peuple exerce sa souveraineté. Ils votent, élisent des représentants pour leur Parlement... Nous avons pour exemples : la Grande Bretagne, la Hollande, la Suède, ...

Ce n'est pas la monarchie qui représente un danger mais la dictature.

16. Interview de Mme Muguette Dini, sénatrice UC -UDF du Rhône
réalisée par les élèves de seconde 1 du Lycée St Joseph - Tassin-la-Demi-Lune

5 février 2005

L'élargissement de l'Union européenne peut-il provoquer des changements (positifs ou négatifs) pour la démocratie ?

Je suis favorable à l'élargissement de l'Europe, car il y a plusieurs aspects positifs. Tout d'abord l'Europe doit former un bloc, un bloc fédéral où chaque pays garde son autonomie à l'intérieur. L'Europe doit pouvoir faire face aux grandes puissances que représentent les États-Unis, la Chine et bientôt l'Inde. Cela permet aux petits pays tels que le Luxembourg, le Danemark... de trouver une place culturelle et économique. Nos pays d'Europe ont une culture commune, un intérêt économique commun, et des valeurs communes. Et puis, une Europe réunie peut mieux faire entendre sa voix face aux autres blocs.

L'élargissement est donc souhaitable, de plus la démocratie s'exerce bien au niveau européen.

Faut-il limiter les libertés, et en particulier la liberté d'expression afin de défendre la démocratie ?

Je suis assez partagée entre le souci républicain de laisser une totale liberté d'expression et la censure. Car si l'on pratique la censure, on se dirige vers des risques terribles. L'information passe par les médias, si on bride les moyens de communication, les citoyens non informés ne pourraient plus exercer leur souveraineté.

Et pourtant, lorsque l'on voit les dérives dans les journaux, sur les sites internet (pédophilie par exemple)... on s'aperçoit que la liberté d'expression est un problème constant, qui se pose tous les jours et dont on doit faire face tous les jours.

Grâce à l'Union européenne, quels moyens avez-vous pour lutter contre les extrémismes religieux et politiques ?

Je ne pense pas que l'Union européenne soit vraiment prête, il n'y a pas d'organisation européenne pour l'instant. Il y a une collaboration entre les polices, mais aucune collaboration entre les pays.

Quels moyens existent-ils pour défendre la démocratie en cas de crise, telle l'installation d'une dictature ?

Hitler est arrivé au pouvoir de façon parfaitement démocratique. Il a été élu démocratiquement. Toute démocratie a le risque de générer un « fou ». Il y a un certain nombre de barrières dans les démocraties qui font que cela ne risque pas d'arriver. La seule vraie barrière, c'est la barrière du citoyen qui exerce sa capacité de voter et à empêcher qu'une majorité dangereuse arrive au pouvoir. C'est la responsabilité de chacun et en particulier la responsabilité d'aller voter. Les gens dangereux font le maximum et ont tous leurs électeurs.

Le meilleur moyen de lutter contre le risque d'une dictature, c'est d'aller voter.

Que pouvons-nous faire pour améliorer l'égalité entre les citoyens ?

La pauvreté est en augmentation et les personnes sans abris ont très peu de moyens pour survivre.

Quand on travaille, on retrouve une dignité, même si le salaire est peu élevé. Le chômage n'est jamais nul, on ne descend jamais en dessous de 5%. Actuellement, notre pays connaît un taux de 10%, c'est donc un véritable fléau. Le gouvernement essaye de prendre des mesures pour réduire ces inégalités.

17. Interview de M. Michel Doublet, sénateur UMP de Charente-Maritime
réalisée par les élèves du Lycée Louis Audoin-Dubreuil - Saint-Jean-d'Angély

1 er trimestre 2005

Des progrès démocratiques peuvent-ils encore être accomplis en France ? Dans quelles voies ?

La démocratie française est le fruit d'une longue élaboration au cours de l'histoire, avec quelques parenthèses comme lors de la période de Vichy. La démocratie française tourne autour de la Constitution qui garantit les droits et les devoirs des individus, encadre les fonctions des pouvoirs législatif et exécutif et garantit l'indépendance du pouvoir judiciaire.

Avons-nous pour autant atteint la perfection ?

Des progrès sont sans doute nécessaires, puisque la société évolue, la démocratie a le devoir de s'adapter et de ne pas rester figée. Par exemple, lorsqu'on remarque un taux d'abstention élevé, c'est qu'il y a un problème. Un effort pédagogique doit être fait pour démontrer combien voter est important. Le droit de vote est l'expression même de la démocratie.

Quelle peut-être l'action des élus sur le terrain ?

Il faut rapprocher le citoyen de son élu. Il faudrait plus de démocratie participative par l'intermédiaire des referendums ; relancer la démocratie sociale par des négociations syndicales par exemple et plus de communication pour expliquer les choix politiques.

En quoi la liberté d'expression peut-elle soutenir la démocratie ou lui nuire ?

La France est une démocratie constitutionnelle ; la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen fait partie intégrante de la Constitution. L'article IV y définit la liberté en général et l'article X y précise la liberté des pensées et des opinions : Aussi, la liberté d'expression doit être totale, aussi choquante qu'elle puisse être.

Même pour des propos antisémites ou racistes ?

C'est à la justice de dire si cette liberté a dépassé les limites fixées par la loi.

Les progrès de la démocratie dans le monde peuvent-ils passer par des institutions internationales ?

Les démocraties occidentales ne peuvent en aucune manière imposer leur modèle de démocratie au reste du monde. Chaque pays a son histoire, sa vision du monde, sa culture. Il ne peut y avoir d'uniformisation.

Toutefois, les institutions internationales peuvent aider les nouvelles démocraties. Par exemple, lorsque Maroc a institué un Sénat, il a pris modèle sur le Sénat français et des échanges ont eu lieu entre les deux parlements. L'ONU pourrait faire encore plus avec des pouvoirs plus étendus.

Pensez-vous que l'intervention d'une armée étrangère dans un pays non démocratique soit nécessaire à la défense de la démocratie ?

Cette situation peut être justifiée mais toute intervention, à mon sens, devrait être faite sous l'égide de l'ONU dont la vocation est de maintenir la paix et la sécurité internationale. Cependant, aucune disposition de la Charte de l'ONU n'autorise l'organisation à intervenir dans les affaires intérieures d'un pays.

Pensez-vous que l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne puisse avoir une influence sur la démocratie en Europe ?

Cette question est assez politique et la réponse n'engage que moi. Dans le cas de la Turquie NON à l'adhésion mais OUI à un partenariat privilégié ; c'est la position définie par ma formation politique.

La Turquie a une partie de son territoire en Europe.

La Turquie ne dispose que d'une petite enclave européenne représentant 5 % de son territoire et 8 % de sa population, la majorité se situe en Asie.

La Turquie est un pays dynamique en pleine évolution.

La Turquie est une menace pour l'équilibre des Institutions européennes : avec une perspective de 97,6 millions d'habitants en 2025, elle aurait 96 députés au Parlement européen, nombre maximal autorisé par pays. Elle deviendrait la première force du Conseil Européen, avec 17,7 % des votes contre 13,8 pour l'Allemagne et 11,2 % pour la France. Elle serait ainsi le premier décideur européen.

18. Interview de M. Ambroise Dupont, sénateur UMP du Calvados
réalisée par les élèves du Lycée Louis Liard - Falaise

1 er trimestre 2005

Comment défendre et développer une "vraie" démocratie ?

En faisant ce que vous faites. C'est-à-dire en vous informant, en étant curieux, en vous posant des questions, en votant. On dit souvent que les Français sont trop éloignés de la politique. On parle d'un fossé entre le citoyen et le politique. C'est sans doute vrai dans la vie de tous les jours. Nos sociétés développées sont devenues très compliquées. Lorsque, au quotidien, vous êtes à votre travail ou dans vos activités personnelles, il est difficile de suivre toute l'action législative ou gouvernementale. Ce qui est important, c'est d'apprendre à exercer un esprit critique. Vous me posez des questions. Je trouve que certaines sont bonnes, que d'autres sont moins bonnes. J'y réponds comme je peux, comme je veux. Vous trouvez mes réponses bonnes ou mauvaises. Mais ce qui est important c'est que, à partir de cet échange, vous soyez capables de poser des jugements sur la vie publique. C'est ça, exercer l'esprit critique. La vraie façon de faire progresser la démocratie, c'est de vous éduquer par rapport aux responsabilités qu'implique la vie en société. Si vous lisez l'Humanité, Libération, le Figaro ou Minute, vous découvrirez des points de vue différents. La démocratie, c'est faire le chemin de sa propre pensée dans le discours politique. Il faut s'informer et juger.

Comment expliquez-vous le développement massif de l'abstention ? Comment la combattre ? N'est-elle pas le plus grand danger pour la démocratie ?

Je comprends mal l'abstention. J'espère bien qu'aucun d'entre vous ne s'abstiendra jamais. On vote oui, on vote non, on vote blanc, mais on vote. Nous avons la chance de pouvoir nous exprimer dans une liberté totale. Bien des peuples dans le monde n'ont pas cette chance.

J'explique l'abstention par la complexité des sujets et aussi parce que la population attend souvent énormément de la part des élus. Or les élus ne peuvent pas tout faire. Ils peuvent gérer l'État, mais ils ne peuvent pas résoudre tous les problèmes de tout le monde ! De plus, dans l'esprit de beaucoup, que l'on vote pour celui-ci ou pour celui-là, c'est la même chose. Ce n'est pas exact. Car indépendamment de la personnalité des candidats, la démocratie est organisée autour des partis politiques dont les idées sont représentatives de courants de pensée existant dans la société : soit il s'agit d'une société qui met plus l'Homme au coeur du processus social, soit on rend la société plus importante que l'Homme en tant qu'individu.

Mais, ce n'est pas toujours comme cela que les citoyens le ressentent. Ils ne mesurent pas toujours les enjeux. Je regrette très sincèrement qu'il y ait tant d'abstention ! Aussi, votez et battez-vous pour faire voter !

Comment encourager l'accès à la vie politique des personnes défavorisées ?

La vie politique, chacun peut y accéder ! Tout le monde peut se présenter. Tout citoyen peut se faire élire. Moi, je ne suis pas partisan des quotas. Parce que les quotas cela amène irrémédiablement quelque chose qui n'est pas un choix. Cela devient une obligation. Election vient du verbe latin « eligere » qui veut dire choisir. Pour ce qui est des personnes défavorisées, je connais des ministres qui viennent des quartiers défavorisés et qui ont parfaitement réussi. Certes, il faut donner à chacun les chances et les moyens. Mais c'est avant tout une démarche personnelle

Serait-il souhaitable d'établir dans l'Union Européenne, une démocratie directe telle qu'elle fonctionne en Suisse ?

Dans la loi française sur la démocratie de proximité, on a offert aux collectivités locales la possibilité de consulter la population. Mais, il y a quand même un inconvénient. Rappelez-vous, il y a une dizaine d'années. La ville de Caen s'est lancée dans un referendum consultatif pour savoir si oui ou non, il fallait faire un tram. Le referendum a rassemblé peu de votants et a donné un résultat négatif. Néanmoins, le maire de Caen a quand même fait construire le tram et n'a donc pas respecté le referendum.

En fait le referendum est un système parfait et authentiquement démocratique mais les questions sont très difficiles à formuler. Il est fréquent que les citoyens mélangent les réponses. C'est d'ailleurs ce qui peut se produire pour le referendum sur la Constitution européenne.

Vous posez la question : « Voulez-vous un tram ? »

On vous répond « non », non pas à propos de l'existence du tram, mais parce qu'on n'est pas content du maire, parce qu'il y a tel ou tel autre problème dans la ville. Pour tout projet, il est aussi difficile de se projeter dans l'avenir. Il était difficile, il y a 10 ans, de comprendre qu'en raison de l'augmentation de la population, de l'augmentation des déplacements, la circulation en voiture dans le centre des villes ne serait plus possible. Je ne sais pas si la réponse par referendum est toujours utile. Il faut aussi prendre en compte la participation. L'abstentionnisme pose réellement problème. Le système, tel qu'il se pratique en Suisse ne me paraît pas souhaitable, en tout cas, pas sur tout, mais la possibilité est offerte par la loi.

Selon vous, le niveau de la démocratie en Europe est-il actuellement satisfaisant ou y a-t-il une marge de progression significative ?

Tant que l'Europe n'a pas finalisé le projet politique, il y a toujours des progrès à faire. Il y a aussi des progrès à faire dans l'idée de l'Europe au sein des peuples. On oublie souvent que l'Europe constitue un énorme progrès dans la vie politique. C'est plus difficile de se mettre d'accord à 6 ou plus encore à 25 que de décider tout seul. Cela exige un consensus, il y a toujours des gens qui ne sont pas satisfaits. Néanmoins, la démocratie progresse.

19. Interview de Françoise Férat1 ( * ), sénatrice UC-UDF de la Marne
réalisée par les élèves du Lycée Léon Bourgeois - Epernay

17 janvier 2005

Que pensez-vous de la répartition des pouvoirs entre l'Assemblée Nationale et le Sénat, sachant que l'on entend beaucoup parler de l'Assemblée Nationale et assez peu du Sénat ?

C'est la même chose. Ce qui change dans l'organisation, c'est le mode d'élection. Le sénateur est élu par les grands électeurs alors que le député est élu directement par le peuple. Une autre différence : le Sénat ne peut être dissout par le Président de la République mais il ne peut pas, à l'inverse, renverser le gouvernement. Le travail législatif est le même dans les deux assemblées.

Il est vrai que le Sénat est beaucoup moins médiatisé, même s'il a un président qui s'emploie, depuis quelques années, à faire davantage parler de lui, mais le résultat est faible. Est-ce le mode d'élection qui l'éloigne un peu plus de la population ? Probablement, parce que le sénateur est l'élu des élus, donc son électorat est plus réduit, et les problèmes évoqués sont en priorité ceux que rencontrent les élus locaux. Mais cela s'améliore. Le Sénat a, par exemple, une chaîne parlementaire qui met en valeur les travaux des sénateurs en liaison avec ceux de l'Assemblée. Avec le temps, les sénateurs réussiront à être mieux entendus.

Depuis une récente révision constitutionnelle concernant les collectivités locales, il s'est produit un renversement dans l'équilibre des pouvoirs législatifs des assemblées. L'usage habituel - mais ce n'est une obligation que pour les lois de finances - est que l'Assemblée soit saisie la première, le Sénat ensuite et que le texte revienne à l'Assemblée Nationale. Désormais, pour tout ce qui concerne la décentralisation, le texte doit d'abord être examiné par le Sénat. Il n'y a pas pour autant de suprématie, la première assemblée saisie a simplement en général plus de temps pour aborder le projet en profondeur. En cela, la modification de la Constitution est une véritable révolution. Sur les textes relatifs aux collectivités locales en effet, l'expérience de l'élu local prend tout son sens parce que cela permet de faire appel à son expérience, il a un point de vue plus intéressant et plus pertinent.

On parle du « droit de vote » et du « devoir citoyen de voter ». Pourquoi en France le vote n'est-il pas obligatoire comme dans certains pays d'Europe ? Ne serait-ce pas le moyen d'obliger les citoyens à exercer un acte civique important ?

Sans aucun doute, mais ma devise est « qu'il vaut mieux convaincre que contraindre ». Il serait préférable que chacun, à son niveau, puisse convaincre son entourage de l'importance d'aller voter. La démocratie a été très difficile à obtenir dans certains pays. Si nous l'avons à notre disposition et que nous ne l'utilisons pas, c'est une grande erreur. Je vais prendre un exemple concernant l'obligation de vote et, justement, en lien avec le Sénat : les grands électeurs sont obligés d'aller voter le jour du vote sous peine d'avoir une amende. Quand j'ai été élue en 2001 par 1600 grands électeurs, une bonne vingtaine ne se sont pas déplacés. La peine a été une amende de 20 euros, alors même qu'ils avaient des suppléants. Jusqu'à quel point pouvons-nous punir ceux qui ne se déplacent pas ? Il faut essayer de faire partager autour de nous cette volonté, cette envie de faire de la politique à tous les niveaux avec le sentiment très noble du but poursuivi. Je crois en cette force de conviction plus qu'à la contrainte.

Nous nous disons en pays égalitaire et démocratique mais les sans abris ne peuvent pas voter. N'est-ce pas une limite à la démocratie ?

C'est une question excellente, qui appelle une réflexion approfondie. Le système électoral est ainsi fait qu'il oblige à une domiciliation, une inscription sur les listes électorales et la nature même de sans abri fait qu'il manque ce lien matériel. Il existe des moyens nouveaux comme le vote électronique. Il y a justement une expérience de vote électronique qui a été lancé par le Sénat. Le vote électronique, avec un identifiant et un code d'accès permettra peut-être de remédier à ce genre de situation.

Selon vous, la hausse de l'abstention exprime-t-elle plus une indifférence ou une manière de montrer son mécontentement, par exemple avec la montée des extrêmes comme le Front National, sachant que l'on dit que « la liberté d'un individu se termine là où commence celle des autres » comment peut-on limiter les pouvoirs des partis antidémocratiques et extrémistes en respectant la liberté d'expression de la démocratie ?

Bien que tout ceci comporte une part de vérité, les extrêmes politiques n'ont-ils pas eux aussi le droit de se faire entendre ?

Le politique doit écouter, entendre ce qui se passe autour de lui. Il ne suffit pas d'occuper un siège ici ou là et attendre d'être sollicité mais il faut prêter l'oreille à ce qui se passe autour de soi. Les différents mandats des élus locaux sont des espaces privilégiés pour ce genre d'écoute.

Si l'on fait référence aux élections présidentielles où le Front National a obtenu un score important, il est peu probable qu'il y ait autant d'adhérents à ce parti. C'était sans aucun doute aussi l'expression d'un mécontentement. Cela doit demeurer un signal fort pour les politiques qui doivent écouter, essayer de réformer en tenant compte des besoins de leurs concitoyens et essayer d'apporter des améliorations aux problèmes et défis actuels.

Il n'y a pas nécessairement de limites à la médiatisation des paroles ou des actes du Front National ou d'un autre parti. En France, nous sommes dans un Etat de droit. Le Front National est un parti comme un autre sur le plan juridique même si le message qu'il véhicule est un message aux antipodes des partis républicains comme le sont l'UDF, l'UMP ou le parti socialiste. La loi est cependant là pour sanctionner. Par exemple, Jean-Marie Le Pen sera sûrement sanctionné pour des paroles qu'il a prononcées récemment. En tout cas, une action en justice est en cours. Mais l'on doit faire une différence entre des paroles antisémites et xénophobes et les actes politiques du Front National.

Au niveau de l'Europe, le parlement européen et le parlement français entretiennent des liens particuliers. Les parlementaires français ont-ils des liens avec ceux des autres pays d'Europe ?

Oui, 36 sénateurs sont attentifs en permanence aux travaux des institutions et du Parlement européen au sein de la délégation sénatoriale pour l'Union Européenne.

Les sénateurs sont également répartis entre les différentes commissions et les organismes extra parlementaires. Moi-même, j'occupe un siège au sein de la Commission des affaires culturelles. A côté des commissions qui sont législatives, il existe d'autres organismes plus ou moins officiels, tels que les groupes interparlementaires d'amitié. Je fais partie du groupe d'amitié France Roumanie. J'ai eu à m'occuper en tant que député de coopération centralisée avec la Roumanie, ce qui m'a permis d'aller dans ce pays et d'apprécier le peuple roumain. Avec le département de la Marne et un département roumain, nous avons créé en Roumanie le Centre de Documentation et d'Information qui n'existait pas dans les établissements scolaires roumains. Plus tard, avec l'aide du Centre National d'Enseignement à Distance, nous avons organisé une formation des professeurs roumains qui fonctionne bien.

J'ai accompagné Hervé Gaymard, Ministre de l'agriculture, en Roumanie en tant que rapporteur sur l'enseignement agricole au nom de ma commission. Cela m'a permis de rencontrer des parlementaires, le Président de la République, le Premier ministre. La délégation sénatoriale pour l'union européenne s'est proposée de rédiger un rapport d'information sur la situation du droit roumain afin de le comparer avec l'acquis communautaire et oeuvrer à la préparation d'un transfert adapté de celui-ci. Il reviendra ensuite aux parlementaires d'adopter les textes proposés.

A côté de cette délégation pour l'union européenne, il existe également des rencontres de commissions à commissions ou de délégations à délégations. C'est un autre aspect des relations européennes que peuvent avoir les sénateurs à travers les pays ou les peuples. Il y a aussi, de façon moins institutionnalisée ou plus informelle, des échanges entre parlementaires du même parti avec les députés européens pour que le Parlement européen puisse légiférer avec un poids comparable à celui du Conseil des Ministres. Il ne faut pas oublier non plus les intérêts nationaux et assurer leur défense tout en essayant de promouvoir l'intérêt collectif, ce qui n'est pas simple.

20. Interview de M. François Fortassin,
sénateur socialiste des Hautes-Pyrénées, réalisée par les élèves du Lycée Théophile Gautier - Tarbes

7 mars 2005

Selon vous, sur quoi se base la démocratie ?

Tout d'abord, il y a un principe démocratique sur l'ensemble des pays européens mais malgré tout avec des différences entre eux dues à l'histoire, à la culture et aux évolutions récentes. Par exemple, l'Espagne est beaucoup plus active que la France car la France est une « vieille démocratie » et elle ne fait pas une véritable différence entre la démocratie participative et représentative, ce qui freine l'évolution du pays.

Pensez-vous que les Européens se sentent vraiment citoyens Européens ?

Incontestablement. L'immense majorité de la population se sent profondément européenne, surtout les jeunes. Mais il y a un vrai problème : le fait que les gens ne se rendent pas aux urnes. Le droit de vote est l'un des droits et devoirs fondamentaux du citoyen, pour lequel des hommes se sont battus, et qui ne peut exister sans l'éducation. Par exemple, l'Espagne a donné un oui très massif au projet de nouvelle constitution européenne avec un taux de participation de seulement 40 % car les règles sont d'une telle complexité qu'elles ne sont comprises que par un certain nombre de spécialistes et que le citoyen de base se sent en quelque sorte « largué ». C'est-à-dire que le citoyen européen de base quelque part est européen mais pourtant il ne se sent pas suffisamment concerné. C'est un principe qui lui n'est pas démocratique.

Les gens se sentiraient-ils plus européens si les lois de tous les pays d'Europe étaient harmonisées ?

Non, je ne le crois pas. Je crois qu'il faut une cohérence dans la législation, mais pas forcément une harmonisation complète ; je considère qu'il y a des cultures sur lesquelles peuvent s'appuyer un certain nombre de lois qu'il faut maintenir, simplement il faut que ces lois soient compatibles avec la constitution européenne. Et je vais donner un exemple : je suis personnellement laïque, je ne veux pas imposer à un certain nombre de pays qui n'ont pas cette tradition laïque la notion de laïcité, mais ça m'ennuierait fortement qu'on puisse me dire que la laïcité n'est plus une référence en France sous prétexte qu'il faut se fondre dans une unité européenne.

Etes-vous satisfait de notre démocratie ? Quels changements effectueriez-vous ?

Je ne vais pas prendre l'avis d'un Gascon ou d'un Normand, je vais vous répondre assez généralement, oui, c'est quand même quelque chose d'exceptionnel que de vivre dans un pays démocratique, mais la démocratie, il faut la faire vivre en permanence. Ce n'est pas quelque chose de figé, d'acquis. Les changements, comme le cumul des mandats et la parité, sont de très bonnes idées sur le plan de l'évolution démocratique, le seul point est qu'il faut peut-être aller progressivement mais encore un peu plus loin dans ce domaine. Pour cela, il faut donner un peu plus la parole aux citoyens. Le système des médias, ainsi que celui des sondages, ne sont pas toujours adaptés. Ils influencent souvent les citoyens sur des considérations un peu futiles. Par exemple, lors d'un débat politique télévisé, la règle devient : ne pas en dire trop pour ne pas déplaire, d'où un cadre artificiel de l'expression : la médiatisation ne fait pas forcément évoluer la démocratie dans le bon sens.

Dans notre région, qu'est-ce qui peut être fait plus particulièrement pour développer cette unité européenne ?

D'abord, il faut dire qu'à chaque fois que nous le pouvons, nous essayons de développer des programmes européens, et pas simplement pour aller chercher de l'argent. C'est aussi pour démontrer à nos concitoyens qu'on peut faire un certain nombre de réalisations, non seulement avec l'aide financière de l'Europe mais aussi pour montrer que l'on s'intègre dans cet espace européen.

D'autre part, à chaque fois qu'un de mes collaborateurs ou moi nous nous exprimons publiquement, c'est rare que ceux qui sont pro-européens comme moi ne fassent pas référence à l'Europe.

Conclusion :

L'après guerre était une période d'hostilité très forte entre la France et l'Allemagne en particulier, or le traité de Rome a permis de gommer ce genre de conflit. Si l'Europe n'avait servi qu'à instaurer la paix entre ces pays, cela aurait déjà valu le coup d'être vécu. L'économie et la diplomatie commune entre les pays européens ont permis à l'Europe d'accéder à un rang de puissance mondiale. Les pays candidats à l'entrée en Europe font de grands efforts démocratiques, point positif pour ces pays qui se développent donc plus rapidement. La perspective de rentrer dans l'Europe est la seule chose qui empêche certains pays d'engager d'autres pays d'engager des hostilités. Donc, elle garantit la paix. Reste encore peut être à améliorer cette « unité européenne » entre tous les citoyens, tâche difficile mais qui devra s'instaurer dans la durée.

21. Interview de M. Jean-Pierre Fourcade, sénateur UMP des Hauts-de-Seine
réalisée par les élèves du Lycée Jacques Prévert - Boulogne-Billancourt

1 er trimestre 2005

Nous avons bénéficié de l'enseignement civique, juridique et social au lycée, à trop petite dose à notre avis, ne pensez-vous pas qu'il faudrait renforcer ce type d'enseignement ? Voyez-vous d'autres moyens de sensibiliser les jeunes à la vie politique en général ?

L'ECJS d'après les horaires indiqués ne semble pas suffisamment développé et nous avons en France un problème de préparation des jeunes à la vie externe, or il est nécessaire de bien comprendre comment s'articulent les différents niveaux de responsabilité dans son propre pays.

La France a la particularité d'avoir trop de communes, elle en a à elle seule 36 000 soit plus que dans tout le reste de l'Union Européenne. Une réforme communale est nécessaire à la coopération intercommunale, et est mise en place soit sous forme de communautés de communes, de communautés d'agglomérations ou de communautés urbaines.

Boulogne-Billancourt est une ville importante qui se situe au 36 ème rang par sa population et il faut partir de sa propre commune pour bien comprendre et connaître le fonctionnement de ces communautés, qui est complexe. L'enseignement civique, juridique et social devrait contribuer en étant un enseignement plus vivant à mieux appréhender les responsabilités et compétences à tous les niveaux des pouvoirs locaux.

Pensez-vous que la concentration des différents médias au sein de grands groupes est nuisible à la liberté de la presse et donc à la démocratie ? Pensez-vous que cette concentration de la presse nuise à la liberté d'expression ou influence l'opinion publique ?

Dans tous les pays libres, la presse est forcément concentrée, il faut cependant savoir éviter une trop forte concentration des médias pour que chacun d'entre nous puisse se faire une opinion objective d'une situation.

Il existe deux parades à cette concentration de la presse : la montée des autres médias d'une part, tels les radios, internet, la télévision surtout, mais aussi les journaux gratuits que vous lisez certainement... tout ceci fait perdre à la presse son caractère de média essentiel dans notre société, les supports d'information y sont de plus en plus diversifiés ; et la liberté de ton de cette presse d'autre part. En effet, les journalistes sont beaucoup plus libres aujourd'hui et rendent la presse moins conformiste, la télévision l'est davantage et la radio me semble plus « tranquille ».

Le problème est plus celui du rôle des journalistes et de leur formation.

Pensez-vous que le cumul des mandats favorise la démocratie ? Vous-même, Sénateur, êtes aussi Maire de Boulogne-Billancourt (ville de plus de 100 000 habitants). Vous avez deux mandats : en tant qu'élu municipal vous avez été élu au suffrage direct, en tant que Sénateur au suffrage indirect ; ressentez-vous une différence de légitimité ? Envisageriez-vous de modifier l'attribution de ces mandats ?

En France, le pouvoir est encore très centralisé, c'est pour cette raison qu'un maire est privé d'une grande partie de ses moyens (les trois quarts environ) s'il n'est pas aussi parlementaire.

Etre parlementaire me permet de faire avancer beaucoup plus rapidement les projets que j'ai pour Boulogne en tant que maire : je peux par exemple interpeller le gouvernement lors des séances de questions, je peux aussi intervenir lors des votes et dans l'élaboration des lois.

Le cumul des deux mandats me permet de gagner du temps, d'être plus efficace et c'est dans l'état actuel des choses, celui d'un système trop peu décentralisé, un facteur de bon fonctionnement de ma commune.

Ce cumul me semble donc nécessaire pour défendre au mieux les intérêts de la population puisque le mandat municipal assure une grande proximité des citoyens, alors qu'un simple parlementaire est plus isolé.

En tant que Sénateur, vous avez déjà participé au vote de nombreux textes de lois. Avez-vous le sentiment de répondre ainsi à des attentes de la population ? Quels sont les textes que vous avez votés et qui vous semblent le plus avoir fait avancer la démocratie ?

En France, tout sénateur a l'obligation de faire partie d'une des six commissions chargées d'étudier projets et propositions de lois afin de préparer discussion et vote. En tant que sénateur, j'ai participé à la Commission des Affaires économiques, à la Commission des Affaires Culturelles, à la Commission des Finances Locales, à la Commission des Affaires Sociales que j'ai présidée pendant quinze ans ; je suis actuellement à la Commission des Affaires étrangères et de la Défense.

J'ai voté de nombreux textes importants par exemple sur la bioéthique ou sur les 35 heures, j'ai aussi participé aux réformes constitutionnelles qui se font comme vous le savez en Congrès à Versailles (à la majorité des 3/5 èmes ).

Un des derniers textes que j'ai « rapporté » à la Commission des Affaires Sociales a permis la mise en place d'un statut d'assistante maternelle ; ce qui devrait faciliter les problèmes de garde d'enfants de nombreuses familles...

La réponse aux attentes de la population est constante et chaque texte qui résulte de nombreuses discussions et amendements passe en principe deux fois dans chacune des deux assemblées voire ensuite en commission mixte paritaire en cas de désaccord.

En tant que membre de la Commission des fonds spéciaux, en tant que Président de la Commission des Finances Locales, j'ai pu aussi faire avancer notre démocratie ; je viens d'être nommé Président de la Commission consultative de l'évaluation du transfert des charges (une commission mixte qui comprend 11 élus et 11 fonctionnaires)... Il s'agit par exemple de voir comment on reverse un peu de la T.I.P.P (Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers) perçue par l'État aux départements pour les aider à financer le R.M.I (Revenu Minimum d'Insertion) désormais à leur charge.

Je suis heureux d'avoir pu contribuer et de continuer grâce à mes diverses fonctions et statuts à améliorer le fonctionnement de notre société.

L'Union européenne regroupe des pays démocratiques ; ne faut-il pas réserver l'intégration qu'à ce type de régime ? Comment voyez-vous l'avenir politique de cette Union européenne à 25 ?

Tous les pays de l'Union européenne sont effectivement démocratiques. L'élargissement s'est toujours bien organisé, hormis quelques difficultés concernant Chypre - à moitié turque et à moitié Européenne. Plusieurs élargissements sont à envisager avec la Roumanie, la Bulgarie puis la Turquie et les pays de l'ex-Yougoslavie ; et l'on arriverait vite à une Europe à 30, voire plus. L'entrée de la Turquie poserait tout de même le problème des frontières de l'Union et celui de son fonctionnement puisque la Turquie ayant la population la plus importante serait majoritaire au parlement européen et pourrait gravement modifier les projets européens en s'y opposant...

Le projet de constitution européenne qui est soumis à notre approbation par référendum le 29 mai prochain devrait aider à remédier à ce genre de problème. Cette constitution prévoit le fonctionnement d'institutions européennes avec un exécutif européen (un président stable), un ministre des affaires étrangères représentant de l'Union, une défense avec un corps militaire européen. Ce projet de constitution définit bien les rôles et s'il est envisagé de mettre fin au processus d'élargissement dans un futur plus lointain, c'est pour ne pas affaiblir l'Union ou nuire à son statut actuel. Un système à deux vitesses pourrait être mis en place avec des coopérations renforcées entre certains états-membres, une sorte de pacte de pays privilégiés.

L'Europe compte beaucoup de réussites à son actif, mais il reste beaucoup à faire pour harmoniser nos différents régimes fiscaux ou sociaux. Nous pouvons prendre l'exemple de la directive Bolkestein qui provoque beaucoup de réactions.

L'Europe est le résultat d'un long processus, sa consolidation et la mise en place de nouvelles institutions constituent un défi majeur pour nos démocraties, les nouvelles générations doivent s'y impliquer !

22. Interview de M. Charles Gautier, sénateur socialiste de Loire-Atlantique
réalisée par les élèves du Lycée Carcouët - Nantes

1 er trimestre 2005

Est-ce que vous pourriez nous expliquer votre parcours et votre engagement démocratique jusqu'à votre élection de sénateur ?

Je suis d'un milieu traditionnel de paysans bretons. Mes parents n'étaient pas paysans, mais c'est la filiation ..., donc ma famille n'était pas très portée sur la vie politique, c'est ce que je voulais vous faire toucher du doigt. Je suis ingénieur agronome de formation. En sortant de l'école, j'ai voulu travailler pour la collectivité, et je suis entré dans un corps de fonctionnaires que l'on appelle le corps d'agronomie, qui s'occupait de tout ce qui était formation des agriculteurs, formation des hommes du secteur rural, etc., puis je suis parti faire mon service national en Algérie.

J'observais un peu les partis politiques. J'avais fait « mai 1968 » aussi en tant qu'étudiant. Pour vous, ce n'est pas des souvenirs, mais vous avez entendu parler de ça. J'étais politisé, même si je n'appartenais à aucun parti. Quand je suis revenu de coopération, j'ai été affecté à la Roche-sur-Yon pour mon premier poste, et très rapidement, je me suis dit : c'est bien gentil d'être fonctionnaire, mais pourquoi pas travailler avec ceux qui préconisent un certain type de société pour faire changer les choses ? Un fonctionnaire, il est là pour appliquer, il a une marge de manoeuvre bien sûr, mais il n'est pas là pour définir ce qu'est la société. Ça, c'est le rôle des partis politiques.

Et, à partir du moment où je me suis dit, plutôt qu'obéir, autant changer les textes, j'ai pensé que la vie politique était faite pour cela. Donc, je me suis orienté vers celui qui était le plus proche de ce que je pouvais penser, et c'était le parti socialiste. Je suis rentré au parti socialiste en 1974. J'étais en Vendée à ce moment-là (...) Arrivent les élections de 1977. Je me suis retrouvé sur la liste comme candidat aux élections de Saint-Herblain, la tête de liste étant Jean-Marc Ayrault et le deuxième, c'était moi. On a gagné, lui était maire, moi je devenais premier adjoint, et après, c'est un engrenage... Un peu plus tard, il y a eu de nouvelles élections : Jean-Marc Ayrault a été candidat sur Nantes et élu maire, alors, je me suis retrouvé maire ici.

Et puis arrivent les élections sénatoriales, on avait deux sénateurs socialistes sortants, un homme et une femme ; l'homme avait déjà fait deux mandats (...) On a donc dit à celui qui était là depuis le plus longtemps « Est-ce que tu peux laisser ta place ? ». C'est un homme qui partait, (...) et l'homme qui rentrait, c'était moi. Vous voyez, pour moi, j'ai eu au départ un engagement de travailler suivant des idées politiques. Après, vous êtes pris au mot et il y a un engrenage... Je n'ai jamais débuté ma carrière en me disant, un jour, je serai sénateur-maire de Saint-Herblain !

Pensez-vous que les lycéens ont un rôle à jouer dans le fonctionnement de la démocratie ?

Les lycéens ont un rôle à jouer de deux façons : compte tenu qu'ils sont dans le système éducatif, c'est d'abord de profiter de cette situation pour connaître le mieux possible l'ensemble du système, c'est ce qu'on appelle l'instruction civique, comment cela fonctionne, connaître le « mode d'emploi » de la société dans laquelle vous démarrez...

Et puis, le deuxième aspect, c'est que vous êtes aussi un corps de la société et donc, ce corps a le droit, bien sûr, de recevoir, mais il a le droit aussi de donner son point de vue. Votre rôle, c'est aussi de vous exprimer par rapport à vos aspirations, qui sont celles de votre condition de lycéen ou celles représentées par la tranche d'âge à laquelle vous appartenez. C'est sûr que quand on quitte une tranche d'âge, on a parfois des souvenirs émus, mais cela ne reste que des souvenirs, et quand on veut savoir ce qu'il faut pour des jeunes de 15 à 18 ans, il est mieux d'aller le leur demander, et alors, eux, il faut qu'ils se préparent à pouvoir l'exprimer (...) Bien sûr que vous jouez un rôle, un rôle très fort.

Moi, je vous ai parlé de 1968 tout à l'heure. C'étaient des étudiants, des mouvements de lycéens...Ces mouvements de lycéens, ils sont pris par les responsables très au sérieux. Alors, l'expression est parfois maladroite, mais on est très attentif à ce qu'ils disent : attention, c'est la société de demain...

Nous souhaiterions revenir à l'échelle nationale : pensez-vous que les partis extrémistes aient leur place dans la démocratie ?

Ça, c'est un paradoxe. La démocratie, c'est la tolérance, ensuite, dire que certains n'ont pas de place dans la démocratie, c'est antidémocratique. Enfin, c'est un débat vieux comme la démocratie. « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté », disait Danton... Pour les partis extrêmes, vous avez raison de poser la question comme ça, on peut mettre dans le même sac les extrêmes d'un côté et ceux de l'autre côté. Ils ont souvent les mêmes méthodes, et souvent leurs intérêts se rejoignent. D'abord, ils ne sont pas très nombreux et ont des réactions de secte. Les réactions de secte, c'est un système de provocation. Ils sont à la fois provocateurs vers l'extérieur et sécuritaires pour eux. Comme ils savent qu'ils n'y arriveront pas par la voie normale, ils essayent la voie brutale ; brutale dans les propos, brutale dans le geste. Donc, il faut les empêcher de grandir, et pour les empêcher de grandir, il faut d'abord combattre les idées qu'ils développent. Combattre leurs idées et faire l'analyse : comprendre pourquoi elles peuvent se développer. Vous savez, moi, je suis « agro » : c'est comme la végétation, si une plante se développe, c'est parce qu'il y a des racines et du terreau. Si vous supprimez les racines ou le terreau, il n'y a plus rien, donc si on constate que ça prend, c'est que des idées sont bien vendues de leur part, ou en tout cas mal combattues par les autres. En plus, il y a un contexte qui fait qu'il y a un public, c'est le terreau, ceux qui se disent : « Moi, je ne partage pas ces idées, mais sur certaines, il n'a peut-être pas complètement tort » et ils se laissent séduire. Pour l'interdiction de partis extrémistes, j'hésite. Je n'ai pas de réponse claire, je pense qu'il le faudrait, s'il y avait un danger vital pour la démocratie, mais je répugne à le faire si c'est uniquement pour se donner les moyens de les empêcher de s'exprimer.

Et pour continuer dans ce sens, quels sont selon vous les risques majeurs qui menacent la démocratie ?

Le principal risque qui menace notre démocratie, c'est l'indifférence. On voit finalement, d'élections en élections, de rendez-vous en rendez-vous, un taux d'abstention qui prend des proportions que l'on peut considérer comme dangereuses.... Peut-être que les rouages de la démocratie ne fonctionnent pas bien, quand les électeurs s'expriment, ils ont l'impression de ne pas être entendus, donc ils disent « c'est plus la peine d'y aller ». Il faut prendre tout ça en compte, mais le principal ennemi, c'est l'indifférence... Parce que les extrémistes, eux, iront voter. Le risque n'est peut-être pas énorme, parce qu'ils ne sont pas si nombreux que ça et parce que les citoyens n'ont pas envie de vivre dans une société complètement policière puisque cela se retournera contre eux.

Quelles sont, d'après vous, les limites de l'Europe ?

Ah ! Les limites de l'Europe... Je crois qu'on aurait dû commencer par cela. Je crois qu'on est mal « barré » en ce moment concernant l'Europe parce qu'on fonctionne comme une tâche d'encre sur un buvard. Se pose, par exemple, la question de la Turquie. Moi, je pense que ça ne sert à rien de faire l'Europe si on ne veut pas qu'elle soit efficace. Je pense que plus on sera nombreux, moins on sera efficace. D'ailleurs, ce n'est pas pour rien si ceux qui poussent à la roue pour que la Turquie entre, ce sont les États-Unis. Ils n'ont pas envie de voir une Europe efficace.

En conclusion, quelle serait, selon vous, la protection la plus nécessaire à la démocratie ?

La protection ?... C'est lui ( il désigne le professeur qui nous accompagne ). C'est l'éducation, c'est la formation, c'est la conscience politique des gens. Si on a des personnes qui s'en « foutent », on peut raconter tout ce que l'on veut. Mais vous savez, il y a des forces politiques à qui ça ne déplaît pas : « Braves gens, dormez chez vous, on veille pour vous... ». Mais ce n'est pas ma conception. Ma conception, c'est que les gens sont élus, élus parce que désignés pour représenter et rendre des comptes. Ils sont élus provisoirement, jusqu'à ce que les électeurs décident qu'ils ne sont plus en conformité avec ce qu'ils souhaitent. Alors, on les remplace par d'autres !

23. Interview de M. Alain Gérard, sénateur UMP du Finistère
réalisée par les élèves du Lycée St Joseph - Concarneau

1 er trimestre 2005

En quoi le Sénat développe-t-il la démocratie ? Dans quelle mesure la défend-t-il ?

Dans son mode de fonctionnement, le Sénat développe la démocratie car il tempère les grands mouvements de changement politique (élection par tiers de l'assemblée qui pondère les alternances).

Le Sénat développe également la démocratie car il pondère les impétuosités des députés de l'Assemblée nationale, les sénateurs étant plus indépendants et moins tentés de donner suite aux exigences de leurs électorats les plus revendicatifs (ex. : le Sénat a défendu la loi sur la liberté d'association - dernièrement il a pondéré les lois sur le bracelet électronique.

L'abstention n'attaque-t-elle pas la démocratie ? Et si oui, faut-il rendre le vote obligatoire ?

L'abstention ou plutôt le désintéressement de la population peut effectivement être un souci pour la démocratie. La résignation de la population est pour une grande part due au manque de confiance envers ses représentants politiques. Ce n'est donc pas le peuple qu'il faut blâmer mais c'est aux personnels politiques de se remettre en question.

Rendre le vote obligatoire reviendrait à obliger l'individu à avoir une opinion sur tout et tout le temps ! Il y a donc un risque du « voter n'importe quoi » ceci pour éviter une sanction. Certes, on peut voter blanc, encore faut-il que ce vote soit pris en compte, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle.

Les modèles démocratiques américain et européen sont-ils transposables dans les autres pays ? Et, imposer la démocratie à un pays, est-ce vraiment démocratique ?

Le système démocratique tel que nous l'entendons, nous autres occidentaux, est récent et résulte d'une civilisation policée qui a su régler ses difficultés internes. Il n'en est pas de même, loin de là, dans le monde entier.

De plus, la démocratie n'est vraiment démocratie qui si elle est voulue par le peuple qui en est destinataire, c'est le principe de la souveraineté, c'est-à-dire une nation libre de choisir son destin.

La démocratie est-elle toujours utilisée à bon escient ? Certaines valeurs démocratiques sont-elles à remettre en cause ?

Cela revient à parler de la force de la démocratie face à ses ennemis de mauvaise foi. Il n'y a pas de valeur démocratique à remettre en cause, il y a plutôt la faiblesse ou le manque de courage à revoir face à ceux qui veulent attenter à nos libertés.

Quel rôle peut jouer l'école au niveau du développement de la démocratie ?

« La connaissance vous rendra libre ... ! », rien que ce précepte montre l'utilité de l'école. C'est souvent à l'école que l'on apprend la confrontation des idées, le respect mutuel et la promiscuité sociale. C'est pour ça qu'une grande discipline y est nécessaire mais là, c'est une question de professeurs...

24. Interview de M. Francis Giraud, sénateur UMP des Bouches-du-Rhône
réalisée par les élèves du Lycée Joliot-Curie - Aubagne

1 er trimestre 2005

Les Français sont mal informés sur le rôle d'un sénateur. Pensez-vous que l'instauration d'un suffrage direct soit plus propice à vous faire connaître des Français ?

Ma réponse est plutôt non. Si les sénateurs étaient élus au suffrage direct, les Français éliraient une deuxième assemblée comme celle des députés, ce serait une Assemblée nationale bis. On dit que les députés représentent le peuple, quand les élus votent pour les sénateurs, ils représentent les collectivités territoriales. L'Assemblée nationale représente le peuple directement, le Sénat établit des lois.

Pourquoi ne pas faire des lois pour encourager les citoyens à plus de participation aux élections ?

Voter, c'est extraordinaire, je trouve que les Français ne sont pas assez informés sur l'instruction civique. Mieux que faire des lois, il faudrait éduquer les futurs citoyens à voter. Les obliger serait dommage, si on se sent citoyen, on vote. Je suis effaré du nombre d'abstentions. Si vous aimez la liberté, respectez la loi de la démocratie, sinon c'est la dictature.

Comment l'Union européenne pourrait-elle aider les pays entrants, anciennement communistes, à développer l'application des droits de l'Homme ?

L'Europe doit s'inspirer des principes démocratiques, et c'est le cas : le peuple élit ses représentants. Pour ces pays, ils aspiraient à la liberté, à cette démocratie, les autres pays doivent tout faire pour aider ces peuples.

Pensez-vous que la Turquie soit assez développée pour intégrer l'Union européenne ? Et si non, est-ce que son intégration n'aidera pas à l'amélioration de la démocratie dans ce pays ?

Le débat sur la Turquie est très difficile. Il y a une question géographique, c'est de la géopolitique. Si le pays n'est pas en Europe, alors il est de l'autre côté. Si la Turquie répond aux conditions démocratiques imposées, elle pourra intégrer le bloc européen, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Le problème est dans le fait que la religion musulmane est très présente. Le génocide arménien n'a pas été reconnu par la Turquie. L'acceptation de la demande d'intégration a été actée par des chefs de gouvernement. Le processus est en route, il faut le laisser faire. Les Turcs ont demandé, ils doivent être en conformité avec les autres pays. Ce qu'il faut retenir, c'est que l'Europe, ce sont des hommes qui veulent vivre ensemble.

Nous nous définissons en tant que citoyens français, pensez-vous qu'une identité européenne puisse nuire à notre identité nationale ?

C'est une question de fond dès que l'on collabore avec quelqu'un, soit on se dit : les autres, « je m'en fous », mais à partir du moment où vous vivez dans une démocratie, vous avez des droits, notamment celui d'expression. Est-ce que l'on risque de perdre notre identité, oui mais je pense que c'est pour un bien.

25. Interview de M. Pierre Hérisson, sénateur UMP de Haute-Savoie
réalisée par les élèves de seconde 3 du Lycée Gabriel Fauré - Annecy

1 er trimestre 2005

Il arrive que la démocratie vacille... Par exemple, des menaces ont existé lorsque M. Jean-Marie Le Pen est arrivé au second tour des dernières élections présidentielles. Il y a eu des manifestations de protestation. Beaucoup de jeunes n'ayant pas l'âge de voter étaient aussi dans la rue : ils n'avaient que ce moyen pour s'exprimer car il faut attendre d'avoir 18 ans pour voter. Comment permettre aux jeunes de prendre part à la vie politique car ils se sentent souvent tenus à l'écart ?

L'engagement citoyen et l'engagement politique se superposent parfaitement dès lors que l'on croit à l'indépendance de son pays, dès lors que l'on croit aux institutions républicaines et qu'on les respecte. En 2002, la France a connu un choc politique, dans la mesure où au second tour de l'élection présidentielle, il restait 2 candidats.

Ce qui peut interroger les jeunes ce serait de ne pas pouvoir vous exprimer officiellement : il est fortement probable que si l'âge du vote dans notre pays avait été abaissé à 15 ou 16 ans, on n'aurait pas eu ce même résultat.

Il y a quelques mois, des cimetières juifs ont été profanés... A Annecy, une mosquée a été incendiée... Comment à votre avis peut-on conserver un état tolérant en démocratie ? Quelles mesures peut-on prendre pour faire respecter la démocratie et les droits de l'homme ? Autrement dit, comment peut-on lutter contre le racisme dans notre quartier et dans notre commune, dans la vie professionnelle aussi ?

Nous devons tout d'abord apprendre qu'un noir est l'égal d'un blanc, qu'un pauvre est l'égal d'un riche et qu'un homme est l'égal d'une femme. Il est vrai qu'aujourd'hui, face au phénomène de la délinquance ou aux problèmes liés à la criminalité nous pouvons nous apercevoir que l'on pourrait glisser en direction non pas du racisme mais de différences, au motif que l'on serait noir, blanc ou autres...

Pour maintenir la démocratie, pensez-vous qu'il soit nécessaire au niveau de l'Europe de créer une armée commune aux 25 États membres (comme c'est le cas par exemple aux États-Unis) ? Quel rôle l'Europe peut-elle jouer dans le monde pour défendre la démocratie ?

Chacun a son appréciation sur le comportement de l'Amérique dans le monde, notamment avec l'Irak - la France a d'ailleurs fait le choix de ne pas suivre les Américains. Les élections ont eu lieu et la démocratie est en train de se mettre en place en Irak, même si certains portent l'essentiel de leurs critiques en direction des armes de destructions massives qui n'existent pas en Irak... mais qui sont peut-être dans un pays voisin.

Pourquoi aujourd'hui encore se demande-t-on comment « défendre » et développer la démocratie, alors que tout cela devrait être acquis depuis longtemps ?

Liberté, Egalité, Fraternité... cela n'a jamais été une fatalité sur le plan universel. Nous sommes égaux en droit. A propos de la difficulté d'harmonisation des statuts sociaux, toutes les pseudo-démocraties ou les semblants de démocratie ont montré que cela pouvait aussi nous conduire à une catastrophe. Car l'esprit d'entreprendre n'existe plus.

Que feriez-vous si vous aviez la possibilité de changer quelque chose aujourd'hui dans le monde ? Quelle action un parlementaire peut-il mener pour défendre la démocratie ?

Il faut exporter dans le monde notre système républicain et notre fonctionnement démocratique. Il est vrai que la démocratie peut paraître la pire des choses car on consulte le peuple sur des sujets qui sont évidemment complexes, techniques dans une société où tout le monde n'a pas la même égalité de chances pour accéder aux études, à l'information. Tout le monde n'a pas les mêmes capacités malgré tout.

26. Interview de Mme Odette Herviaux, sénatrice socialiste du Morbihan
réalisée par les élèves du Lycée Jeanne d'Arc St-Ivy - Pontivy

4 février 2005

Comment donner plus de place aux femmes dans la vie politique ?

Les femmes sont en minorité dans la vie politique alors qu'elles s'investissent beaucoup dans le milieu associatif et la vie citoyenne.

Je pense que ce phénomène est lié à leur éducation, aux stéréotypes, à leurs peurs face aux trop grandes responsabilités. Elles manquent de confiance en elles.

C'est pour cela que la loi sur la parité s'est avérée nécessaire car elle contribue à réduire les inégalités hommes/femmes. Mais elle ne règle pas pour autant le problème : il faudrait une réelle volonté des femmes de s'engager et de s'imposer en politique.

Comment donner plus de place aux jeunes dans la vie politique ?

Afin que les jeunes soient plus présents en politique, je pense qu'il faut avant tout leur apporter la connaissance pour qu'ils puissent faire la démarche de s'y intéresser.

En effet, sans connaissances, les jeunes ne sauront pas comment s'investir, il y a donc un besoin d'informations. C'est tout le rôle de l'école. L'engagement commence d'ailleurs par l'implication dans l'élection des délégués de classe mais aussi dans les associations ou encore lors de manifestations.

Par ailleurs, une fois intéressés, les jeunes doivent persévérer et suivre le cheminement de leurs prédécesseurs. Je trouve normal que les personnes ayant une plus grande expérience dominent les partis politiques.

Cependant, face à la difficulté et au nombre d'étapes à franchir, les jeunes ont tendance à se décourager et sont donc peu nombreux à s'engager.

Comment faire en sorte que les élus soient plus proches des citoyens et que ceux-ci se sentent davantage concernés par la vie politique ?

Etant maire d'une petite commune, je joue la carte de la proximité avec les citoyens. On ne peut pas s'adresser à tout le monde sur un grand territoire. Les médias jouent donc un rôle très important.

Ceux-ci occupent une place prépondérante dans la communication des élus, notamment Internet. Les parlementaires ont de plus en plus leurs sites officiels. Chaque citoyen a donc la possibilité de consulter les comptes rendus de mandats.

Pour moi, l'élu doit être à l'écoute. J'estime qu'il faut un contrat moral entre l'élu et l'électeur. Il faut créer des réunions ouvertes en dehors des campagnes électorales pour que les citoyens puissent s'exprimer librement.

Mais le citoyen peut également s'impliquer : il n'y a aucune honte à adhérer à un parti politique....

Pourquoi les citoyens ne pourraient-ils pas proposer des lois ? Ne serait-ce pas plus démocratique ?

Je pense que pour créer des lois ou en proposer, il faut avoir un minimum de connaissances et connaître celles qui existent déjà. On ne peut pas décider lorsqu'on ne connaît pas.

Le processus d'élaboration des lois est très complexe et nécessite beaucoup de recherches. Nous les élus, sommes là pour cela. Nous représentons le peuple. La démocratie, c'est donner le pouvoir au peuple mais la démocratie directe est impossible.

Le premier acte de citoyenneté est l'accomplissement du droit de vote. Les citoyens participent à la construction des lois en votant pour des personnes qui les représenteront.

La démocratie permet-elle de réduire les inégalités ?

La démocratie permet de s'exprimer, de voter et de se faire représenter. Mais en elle-même, elle ne permet pas de réduire les inégalités. Ce sont les représentants des citoyens qui doivent avoir la volonté de les réduire ou pas.

27. Interview de M. Benoît Huré, sénateur UMP des Ardennes,
réalisée par les élèves du Lycée Paul Verlaine - Rethel

1 er trimestre 2005

Quel rôle l'école et aussi les médias doivent-ils jouer dans la diffusion d'une culture démocratique ?

Je crois que l'on a dans ce pays, qui est une vieille démocratie, peut être un fossé entre le citoyen, qui est sur le terrain, le citoyen de base et l'élu. Je crois que notre volonté, c'est d'être en permanence en lien avec les hommes et les femmes que des mandats tant municipaux, départementaux ou nationaux, nous ont portés pour les représenter et prendre en compte leurs intérêts et organiser le fonctionnement de la France en fonction de leurs préoccupations, qui relèvent de beaucoup d'aspects, sociaux, de formation, scolaires, l'équipement du territoire, autoroutes, TGV ... C'est divers et varié, cela suppose que l'on associe le concitoyen, et donc cela suppose une bonne communication. Il faut en effet que les médias rendent compte du travail démocratique fait par ceux qui en ont la responsabilité pour un temps. Ce temps est soumis au suffrage universel. C'est le moyen pour le peuple d'avoir le dernier mot.

L'école a un rôle très important par ce que, pour former votre opinion, il faut d'abord apprendre le fonctionnement des institutions, apprendre notre histoire, d'où on vient, les chamboulements qui ont fait ce que l'on est aujourd'hui et ça, c'est le rôle de l'école. L'école doit aussi nous éveiller aux préoccupations et aux grands enjeux de notre société et doit vous amener à formuler un certain nombre de demandes qui correspondent à vos attentes. Car s'il est bien une génération pour laquelle on doit inscrire notre action, c'est bien la vôtre. En fait, c'est notre devoir : prendre en charge la vie politique, sociale, économique, culturelle, éducative pour que vous, vous puissiez entrer de plain-pied dans cette société française, y prendre des responsabilités et y apporter votre contribution.

Comment faire respecter les valeurs des droits de l'Homme, surtout sa dignité, alors qu'aujourd'hui se développent de nombreux propos et actes racistes ?

Le racisme, c'est souvent un phénomène collectif, mais qui est alimenté par des phénomènes humains. Et je crois, il y a un travail de vigilance permanente à faire. Là aussi, l'école et l'éducation, la famille doivent apprendre à faire respecter l'autre, à vivre en société, comme on dit « en famille », suivre un certain nombre de règles, prendre les différences, non pas comme des oppositions, mais comme des complémentarités et en faire des valeurs ajoutées.

Il faut être très vigilants et vous le voyez encore aujourd'hui, on a des relents, des groupes de pression antisémites, anti-arabes, anti-noirs. La couleur de la peau, les origines culturelles deviennent des sujets violents, des sujets d'opposition. Alors souvent derrière le racisme, il y a des peurs qui s'expriment plus facilement quand il y a de la précarité, de la misère. On cherche des boucs émissaires : « s'il y a du chômage, c'est la faute des arabes ! ». Ce sont des rengaines qui sont diffusées dans l'opinion publique et qui accrochent l'attention des gens qui n'ont plus trop de repères, qui ont de l'inquiétude. Il faut être extrêmement attentifs. Il faut en permanence rappeler les règles. Le devoir des institutions, des hommes et des femmes qui les représentent, c'est de faire respecter ces règles, de poser en permanence des limites. C'est au pouvoir judiciaire après, de condamner et derrière des condamnations de démarches racistes, vous avez un aspect éducatif. Il ne faut pas croire que l'on est au-dessus des risques. Quand on regarde l'histoire, il y a toujours des risques de basculement, c'est une attention de tous les instants. C'est lié à une forme d'immaturité, de peur et on peut trouver des boucs émissaires à tout. L'État de droit et avec lui la Déclaration des droits de l'Homme précisent toutes les règles pour vivre en société, le respect des personnes et le respect des différences, des origines et des croyances. Nous sommes dans un État laïc qui doit observer par rapport à toutes les croyances une neutralité. Il faut en permanence passer par l'éducation, mais cela ne s'arrête pas à l'école, il faut d'autres relais et les médias ont un pouvoir et un devoir de par la force de leur diffusion, de rétablir les choses, d'appeler à la vigilance et de donner l'envie de vivre ensemble.

La coordination des actions pour développer une démocratie proche des citoyens est-elle possible entre l'échelle française et l'échelle européenne ?

C'est un devoir. L'Europe qui se constitue se fait avec les démocraties. Le peuple doit d'ailleurs se prononcer prochainement sur la ratification de la Constitution européenne.

Finalement, à l'échelle de la planète, les démocraties ne sont pas une majorité. L'Europe est-elle porteuse de ces valeurs ? Elle a un devoir, je pense, vis-à-vis du monde, de diffuser ces valeurs démocratiques. Un certain nombre de pays, notamment les dix qui viennent de nous rejoindre, ont vécu une parenthèse dans la vie démocratique. Le XX ème siècle a été pour eux non démocratique. Donc, l'Europe a de jeunes démocraties. Et vivre ensemble, montrer comment on peut s'entendre sur ce qui nous rassemble plutôt que sur ce qui nous divise. L'Europe, c'est déjà cela.

En visitant un musée militaire, je me demandais si l'Europe ne nous avait apporté que cela ? Mais depuis plusieurs années, nous ne sommes plus en guerre. Or, pendant des décennies, rares étaient les générations qui échappaient à des conflits armés. Sur les monuments aux morts, vous pouvez lire le nom des gens qui sont à peine plus vieux que vous. Pendant des décennies ce fut le sort de la France. L'Europe aujourd'hui a permis de vivre dans un espace de paix. C'est un espace de paix et la paix n'a pas de prix.

Un espace qui a des devoirs vis-à-vis du reste de l'humanité et vis-à-vis des jeunes démocraties naissantes. En Irak, au Moyen-Orient, en Afrique, il faudra de l'Europe pour épauler ces arrivées vers la démocratie.

Comment pouvoir devenir de véritables citoyens acteurs, alors que beaucoup méconnaissent les lois du fait de leur multiplication ?

Il faut un fond de textes législatifs qui organisent la vie en société que l'on doit connaître. Si vous voulez connaître les lois, c'est accessible. Le Journal Officiel paraît tous les jours. Être citoyen, c'est connaître les lois, mais c'est surtout faire vivre l'esprit des lois, ce qui suppose la participation de chacun. Ce qui se fait à tous les niveaux, vous à votre niveau, nous à notre niveau d'élu et au niveau de toutes les catégories sociales.

Effectivement, trop de lois finit par tuer la loi. Il y a en effet des périodes où l'on légifère sur tout. Plus on multiplie les lois, moins on a de lisibilité. Il ne faut donc pas dévoyer la loi. Il faut rester sur les aspects essentiels de la vie en société, les différentes catégories doivent s'organiser entre elles. Nos concitoyens autour de pivots de lois principales peuvent s'organiser. Il est d'actualité d'alléger la législation au Parlement.

La Constitution européenne est une étape dans la construction européenne. Si beaucoup ne la lisent pas, il y a l'esprit. Il faut aller à l'essentiel. La Constitution, c'est une manière de s'organiser. Tôt ou tard, il va falloir se référer à un texte qui devra être très large. Mais pour le citoyen comme vous et moi, ce qui importe, c'est l'esprit de toute cette loi constitutionnelle pour l'Europe.

On va transférer des pouvoirs de chacun des États vers une entité « Europe » et il fallait donc réformer notre propre Constitution. La réunion en Congrès à Versailles des deux Assemblées, le Sénat et l'Assemblée nationale doit débattre de la suppression des articles de notre Constitution française qui deviendraient incompatibles avec la Constitution européenne. Une constitution vit, change. Notre propre constitution abandonne nos propres prérogatives pour les donner à l'Europe. Nous décidons de faire front commun et d'organiser nos intérêts dans l'Europe.

Comment peut-on défendre la démocratie en tant que lycéens, alors que nous n'avons pas encore le droit de vote à 16 ans ?

On peut tout à fait s'exprimer sans le droit de vote. L'élu qui n'entend pas l'expression ne fait pas bien son travail. Vous exprimez votre mécontentement dans les manifestations lycéennes. Bien sûr, participer à la démocratie passe par l'acte solennel du vote par les urnes. Mais la démocratie, c'est tous les jours et on ne vote pas tous les jours. La démocratie, c'est aussi s'exprimer et crier son mécontentement dans la rue. Lorsque vous participez au développement du tissu associatif, sportif, à but humanitaire, vous faites vivre la démocratie. C'est votre responsabilité, vous ne pouvez pas vous en désintéresser.

Il faut bien fixer un âge, avant c'était 21 ans, aujourd'hui 18 ans. Cependant, il faut faire attention, la démocratie ne peut fonctionner en dent de scie. Il faut qu'il y ait des tendances. Le privilège de la jeunesse, c'est d'être impulsive, volontairement provocatrice et finalement de vouloir prendre les commandes, ce qui est normal. Cependant, celui qui a plus d'expérience sait que la stabilité permet d'éviter le désordre afin de bien avancer et de diriger un pays. Alors, le droit de vote à 16 ans ? Il est sûr qu'en quelques années la maturité des jeunes a beaucoup évolué. Je pense que du fait d'avoir accès à toutes ces informations avec les moyens de communication modernes comme la télévision ou Internet, le monde est devenu un village. Les jeunes aujourd'hui sont beaucoup plus mûrs, mais aussi beaucoup plus déstabilisés face à la misère du monde par rapport à l'époque d'il y a 25 ou 30 ans. Le déversement d'informations, rend notre maturité beaucoup plus grande, mais votre exaspération et votre angoisse sont surtout plus fortes.

Alors, beaucoup ne s'inscrivent pas sur les listes électorales. C'est sans doute notre faute. On ne sait pas suffisamment expliquer les choses, mobiliser et écouter et finalement être proches de nos concitoyens. Les médias ne nous y aident pas non plus, parce qu'ils ne montrent pas assez le côté utile de l'élu et ne savent pas expliquer les enjeux. Certains se disent : « à quoi bon aller voter, ça ne changera rien aux enjeux, c'est la mondialisation ». Alors que peuvent faire les élus ? On veut un développement pour tous, des moyens de communication ... Mais la concurrence nous oblige à partager. Nous sommes attristés quand une usine se délocalise, mais en même temps pour ces gens, c'est du boulot qui arrive, du développement. Alors, c'est délicat. Aujourd'hui, on ne vit plus en vase clos d'où la nécessité de s'organiser en bloc beaucoup plus important. L'Europe, par sa masse de population, peut faire entendre sa voix dans les domaines de la solidarité sociale, du partage du développement, d'une meilleure répartition des richesses entre ceux qui travaillent et ceux qui apportent les capitaux. Mais en ne participant pas au vote, c'est avoir peu de reconnaissance pour nos ancêtres qui se sont fait tuer pour la démocratie et faire peu de cas pour ceux qui dans le monde, et notamment en Irak, veulent voter au péril de leur vie. Certains risquent leur vie, alors que nous ne nous déplaçons même pas pour voter. Ce qui donne un sentiment d'amertume. Aujourd'hui, les moyens d'information montrent au monde dans quelle opulence nous vivons et dans quel dénuement certains survivent. Il n'y a plus de fatalité. Désormais, il faut changer nos comportements et à travers cet ensemble de démocraties qui s'appelle l'Europe, prendre le monde à bras le corps.

28. Interview de Mme Sandrine Hurel, sénatrice socialiste de Seine-Maritime
réalisée par les élèves du Lycée de la Côte d'Albâtre - St-Valéry-en-Caux

1 er trimestre 2005

Une grande majorité des lycéennes pensent qu'il est plus difficile pour une femme que pour un homme de faire de la politique. Qu'en pensez-vous ?

Oui et non.

Oui car il est plus difficile pour une femme d'être désignée au sein d'un parti politique, surtout lors d'un scrutin uninominal comme les cantonales, les législatives.

Les femmes sont souvent obligées de prouver beaucoup plus leurs compétences que les hommes.

Non, de moins en moins grâce à la loi sur la parité de juin 2000 qui permet notamment sur les scrutins de liste d'avoir 50 % d'hommes et de femmes. Avancée notable qui a permis entre autres d'avoir plus de femmes au sein des conseils municipaux, d'avoir plus de femmes au Sénat : 17 % au lieu de 12,5 à l'Assemblée nationale.

Les mentalités au fil du temps évoluent doucement car les hommes ont souvent du mal à abandonner leurs mandats. Du chemin reste à parcourir mais il faut toujours se rappeler que les femmes françaises n'ont eu le droit de voter qu'en 1945... de tous les pays européens nous avons été les dernières à acquérir ce droit !

Certaines pensent qu'elles sont moins écoutées et leurs projets moins pris en compte

Une fois élues, les femmes sont respectées et écoutées dans leurs propositions. Je ne rencontre aucune difficulté dans l'exercice de mes mandats, ni mes collègues.

Même qualité d'écoute et surtout une prise en considération des projets. Au Sénat comme au conseil général, les femmes interviennent autant que les hommes.

Rappel : c'est grâce à Madame Simone Veil, qui a dû à l'époque se battre contre une assemblée masculine, que des avancées en matière de santé, notamment sur la loi sur l'avortement ont eu lieu. Elle a su convaincre et imposer son projet de loi. Idem pour Martine Aubry qui est à l'origine de la loi sur les 35 heures.

Certaines pensent qu'elles sont cantonnées aux sphères de la vie sociale et de la famille et qu'elles peinent à se faire entendre dans d'autres domaines.

Longtemps au sein des municipalités, les femmes ont eu des postes d'adjointes en charge de l'action sociale. Là aussi, grâce à la loi sur la parité, notamment dans les conseils municipaux, la situation évolue car des femmes sont aujourd'hui en charge de l'environnement, des finances par exemple.

Comme conseillère générale, je suis membre de la commission de l'aménagement du territoire, et au Sénat, je suis membre de la commission des affaires économiques, qui traite des problèmes de l'emploi, de l'agriculture, de la pêche, du tourisme...

Les femmes doivent aussi elles-mêmes revendiquer leurs compétences dans ces domaines et ne pas se cantonner aux postes dans le social.

A la fois, il faut bousculer nos élus masculins, mais il faut aussi que les femmes s'affirment dans leurs domaines de compétences.

Certains garçons pensent que les femmes pourraient apporter peut-être un regard différent sur la politique. Qu'en pensez-vous ?

Pas peut-être. Sûrement ! Il est souvent dit « que les femmes sont plus directes, plus pragmatiques, moins langue de bois ».

Je crois surtout qu'un homme ou une femme politique, chacun dans son domaine, avec ses compétences, ses centres d'intérêt, peut apporter un regard différent, une façon de faire différente.

Chacun avec sa sensibilité, sa force de conviction, contribue à faire évoluer le quotidien de nos concitoyens.

La loi sur la parité avait pour but, non pas, d'exclure les hommes en politique ou d'être plus nombreuses que ces messieurs, mais bien de rétablir une égalité entre les deux sexes.

29. Interview de M. Dominique Leclerc, sénateur UMP d'Indre-et-Loire
réalisée par les élèves du collège - lycée Saint-Denis - Loches

15 mars 2005

L'intégration de nouveaux états a permis d'élargir la démocratie. Pouvez-vous nous dire les principales avancées ? Dans quels états ont-elles été les plus visibles ?

Les pays de l'Est, ce sont des pays qui découvrent pour les plus jeunes un exercice démocratique qu'ils trouvent légitimes. Vous par exemple, vous êtes en âge de voter, vous êtes impatient de voter ? La démocratie qui est basée sur l'adhésion dans un vieux pays par rapport aux autres, aujourd'hui pour exister, il ne suffit pas de prendre un micro.

Vouloir s'organiser selon les mêmes règles que nous, peut apparaître comme un néo-colonialisme. Ça a été la plaie au XX ème siècle par rapport à l'Afrique, le Moyen-Orient, et c'est pour ça qu'aujourd'hui, ce fossé et ce vocabulaire pénalisent des gens qui ont pour la première fois organisé une consultation auprès de leurs citoyens. Demain, assez rapidement on leur imposera les mêmes règles démocratiques qu'il y a dans la Constitution européenne et qui va régir 27 pays. Pour moi, c'est une aberration, les pays n'ont pas du tout le même passé. Dans un siècle, les Français auront une autre maturité intellectuelle, d'abord l'éducatif fera qu'ils auront une autre maturité parce qu'on n'a jamais pu à mon sens, les consulter sur le fond. La Constitution européenne voudrait aller plus loin, veut plus de démocratie. Le pouvoir central n'est pas organisé partout comme chez nous : on fait confiance aux gens localement pour organiser un grand thème de politique, y compris l'éducation comme en Allemagne ou en Espagne, qui est le fait des régions. Il faudra que dans un équilibre européen on donne une certaine consistance à ce mot région pour être crédible à l'échelle européenne ; donc on a beaucoup à faire. Les états sont le ferment de l'Europe, états co-décideurs. Il y a une disparité énorme entre les lois sociales des uns et des autres. A l'entrée de la Pologne, on a senti beaucoup d'aspirations. Aujourd'hui il y a un souffle de vie démocratique, et d'un autre côté, lors du referendum d'adhésion, ils ont moins voté que les autres ; ils sont désabusés des politiques polonaises qui en peu d'années ont galvaudé l'expression démocratique, en France dans d'autres démocraties, on a un quotidien démocratique, une connaissance reste à acquérir au-delà de la soif qu'ils ont.

Dans quel sens peut-on développer davantage la démocratie en Europe ? Quelles sont vos actions dans ce domaine ?

Demander une démocratie veut tout dire et ne veut rien dire, pourquoi ? Si l'on veut plus de démocratie en Europe deux choses sont nécessaires : que les jeunes expriment leur confiance dans les politiques, hommes et femmes qui soutiennent le projet européen ; et aujourd'hui, ça a été un des enjeux de la compétition, de crédibiliser la politique avec un grand « P ». Et ça c'est l'enjeu extraordinaire de la démarche que l'Europe est en train d'entreprendre, redonner à l'action citoyenne plus de noblesse, une volonté de rapprocher les institutions des citoyens. Ça a été fait un peu aux dernières élections européennes à la proportionnelle puisque la région Centre et la région Limousin ont été jumelées pour désigner deux ou trois députés européens, une qui est proche de chez nous, Mme Descamps, je la vois dans les manifestations, elle essaie de rendre compte de son action à Strasbourg et à Bruxelles, ce qui n'est pas évident. La constitution manifeste une volonté énorme de vouloir rapprocher l'Europe des citoyens. En Europe, il y a des expressions de démocraties qui sont simplifiées, mais le préalable c'est qu'il faut que les citoyens européens retrouvent une confiance dans le « faire politique » et dans la façon de l'exprimer. Je travaille à Saint-Pierre-des-Corps, je reçois des étrangers, dont les trois-quarts sont en France depuis très longtemps, je ne crois pas que nous pourrons les écarter encore durablement de la vie politique.

Pouvez-vous nous préciser ce que la Constitution européenne va modifier ? Est-ce une avancée dans la défense de la démocratie ?

L'Europe de demain, plusieurs l'ont dit - c'est pour ça que votre démarche est intéressante : « on ne sait pas », « on est incapable de se faire une idée de l'enjeu de cette Constitution » ; donc cela explique une partie de leur désintérêt. Là, c'est sur le fond. C'est tout l'enjeu de la Constitution. Pour la forme, nous entendons « hurler » certains Français, du moins ceux qui suivent, peuvent dire que l'Europe n'est pas assez sociale ou que l'Europe est trop libérale. Une volonté aujourd'hui d'impliquer la politique européenne sur des vecteurs qui nous touchent, on parle social, c'est-à-dire l'éducation, les règles, les lois de travail etc.... Une avancée énorme sur le quotidien, c'est ça la première chose, redonner plus de pouvoir à certaines institutions et notamment au Parlement européen, c'est ça la citoyenneté. Il faut s'intéresser ; Barosso est le président de la Commission mais il a dû être accepté par le Parlement. Les commissaires devaient passer un examen, ils ont passé des auditions pendant des heures et les parlementaires européens les ont assaillis de questions. Barosso a réécrit sa copie, c'était une expression de la démocratie plus forte. Le Parlement, sur les textes qui régissent l'Europe, a été plus présent. On est en démocratie et on n'a pas à récuser un avis majoritaire. Le Parlement exprime beaucoup plus sa volonté ; la réalité européenne, elle va évoluer, la réalité politique est un des enjeux de l'Europe. La Constitution mettra en place les conditions nécessaires dans les années à venir, pour tous ces Européens, une expression citoyenne au travers de la participation aux élections locales. En Europe, il y a des règles à mettre pour le passage des idées, d'un pays européen à un autre, des personnes d'un pays européen à un autre, et, je crois, que la pire chose, c'est l'immobilisme. L'enjeu du referendum est donc énorme car on peut avancer plus ou moins bien, mais il faut avancer. La prochaine fois, vous voterez. Il faut moderniser l'élection par l'utilisation des nouvelles technologies.

On a beaucoup à faire, autrefois le traité de Rome était axé sur les échanges commerciaux, aujourd'hui pour une Europe politique, pour retrouver dans le projet européen une ambition politique donc plus de place pour le Parlement, un Président de l'Europe élu pour deux ans et demi sur les règles démocratiques, et vous aurez un ministre des affaires étrangères, aujourd'hui c'est un fonctionnaire, rôle assez important mais sans légitimité démocratique. Cette Constitution donne une place essentielle à la majorité qualifiée, on est bien dans l'expression démocratique ; ça ne se fera pas du jour au lendemain même si elle est adoptée. Elle représente une avancée énorme en terme de démocratie individuelle. La majorité qualifiée modère tout le monde au delà du poids démographique des pays par exemple la France et l'Allemagne ne seront pas obligatoirement parmi les 18 commissaires européens, il y aura un turn-over des pays.

En conclusion, nous avons une obligation de nous développer tous ensemble parce qu'on a un développement intellectuel et social commun. Il faut maîtriser la langue anglaise, la langue française c'est évident et puis toutes les nouvelles technologies. Nous avons une obligation de vouloir bouger dans le sens des rails qui ne peuvent plus être franco-françaises mais qui doivent être européennes. C'est ma conviction.

30. Interview de M. Jacques Legendre, sénateur UMP du Nord
réalisée par les élèves du Lycée St Michel - Solesmes

1 er trimestre 2005

Qu'est-ce que la démocratie pour vous aujourd'hui ?

Le principe de la démocratie est que tous les citoyens puissent s'exprimer. Référons-nous à la signification de « démos » : le peuple en grec. Le pouvoir appartient au peuple. Mais le principe de démocratie n'est pas seulement politique, il est aussi social. Les gens pauvres qui se sentent exclus ont les mêmes droits que les autres citoyens.

Les démocraties ont progressé : après la chute du Rideau de Fer, dix nouveaux pays ont adhéré à la Communauté européenne, ils sont devenus pour cela des démocraties, ce qu'ils n'étaient pas forcément au départ. Certains d'entre eux n'avaient que des partis uniques, il y a donc eu dans ces pays une évolution de la notion de démocratie. On peut penser que la démocratie est un luxe des pays riches, ce qu'elle n'est en aucun cas.

Comment protéger la démocratie ?

Aujourd'hui, la démocratie ne doit pas être protégée de l'extérieur par des soldats armés mais de l'intérieur par ses citoyens. Ceux-ci doivent se sentir concernés par l'évolution de leur démocratie ; ils doivent pouvoir faire le choix de leurs lois, de leur gouvernement, mais surtout le choix de leurs dirigeants. Mais il y a une différence entre les démocraties des pays pauvres et des pays riches : la démocratie n'est pas seulement politique, elle est aussi économique et sociale.

La démocratie doit vaincre les menaces internes à son bon fonctionnement. Il faut veiller à l'équilibre de la démocratie et à la résolution des problèmes sociaux.

Comment envisager la démocratie demain ?

La notion de démocratie telle qu'elle sera demain risque d'être plus compliquée. Avec l'élargissement de l'Union européenne, nous assistons à un élargissement de la notion de démocratie qui nous met face à des structures internationales telles que la Commission européenne, le Conseil des ministres et le Parlement européen. Nous assistons donc à une extension des champs de décisions au niveau international. L'ONU est le garant du droit des États : il décide si une intervention militaire est nécessaire. Grâce à un tribunal pénal, un droit international s'exerce. Les lieux où sont prises les décisions sont plus nombreux. Les États peuvent néanmoins bénéficier de plus de sécurité : ils offrent à leurs citoyens la possibilité de prendre part à leur démocratie.

Comment assurer la transition démocratique des pays entrant dans l'Union européenne ?

Ne peuvent entrer dans l'Union européenne que les démocraties. Les pays qui ne sont encore que de jeunes démocraties doivent s'y initier : la Biélorussie a été écartée de l'Union européenne parce qu'elle avait fait une rechute dans un régime dictatorial.

Les pays membres de l'Union européenne doivent se composer de démocraties, mais il faut néanmoins respecter les traditions, les coutumes de ce pays à condition qu'elles respectent les principes de la démocratie. La démocratie n'est pas réservée aux pays riches. Des pays tels que le Mali ou le Niger sont devenus des démocraties.

Pensez-vous que l'Europe puisse être considérée comme un modèle de paix dans le monde ?

Je souhaite que l'Union européenne soit un modèle de paix dans le monde.

Les démocraties ne se font pas la guerre entre elles, l'Union européenne est un espace de paix et de liberté. Même s'il y a beaucoup de pauvres, nous sommes considérés comme des pays riches, nous sommes pour cette raison enviés par beaucoup. Les menaces ne sont donc pas internes, mais externes.

C'est pourquoi l'Union européenne a créé une force militaire destinée non pas à attaquer, mais à se défendre en cas d'attaques extérieures, menaçant nos systèmes démocratiques. Cela nous permet également de ne pas être dépendants d'autres pays (tels que les États-Unis) ou d'organisations (comme l'ONU).

31. Interview de M. Jacques Legendre, sénateur UMP du Nord
réalisée par les élèves du Lycée Châtelet - Douai

21 février 2005

Pourquoi la démocratie aurait-elle besoin d'être défendue, est-ce un régime fragile par nature ?

La démocratie est un régime très fragile et très fort à la fois. Vous vivez dans une Europe où les vraies démocraties sont majoritaires depuis fort peu de temps. J'entends par là des systèmes politiques avec des élections libres, plusieurs candidats, la possibilité d'exprimer un point de vue sans risquer de finir en prison.

Je suis né à Paris en 1941 alors que notre pays était sous la dictature nazie. Hitler paradait sur la place de Cambrai le 1 er juin 1940... Beaucoup de gens encore vivants ont vécu ces périodes difficiles. La démocratie ne va pas de soi.

A partir de 1947, l'Europe a été coupée en deux par le « rideau de fer ». Vous allez aujourd'hui à Prague, à Budapest ou à Varsovie sans même y penser. C'était quasiment impossible il y a quelques années. Je me souviens de ma première manifestation politique. J'étais lycéen comme vous. C'était en 1956. Nous sommes descendus dans la rue pour protester contre l'intervention des chars soviétiques en Hongrie. La menace dictatoriale est une menace constante pour la démocratie. L'Espagne, le Portugal, la Grèce en ont également fait la triste expérience sous la forme de dictatures d'extrême droite.

Les libertés démocratiques ne sont jamais définitivement acquises. Leur défense requiert la vigilance de tous.

Que pensez-vous des taux d'abstention élevés lors des dernières consultations électorales françaises, des taux qui contrastent avec la participation observée dans les dix pays récemment entrés dans l'Union européenne ?

C'est un problème préoccupant dans un pays où la participation électorale était traditionnellement élevée. C'est un signal inquiétant auquel les hommes politiques doivent prêter beaucoup d'attention en ne dissimulant pas les vrais enjeux aux électeurs. Rien n'est pire pour la démocratie que le citoyen se demandant à quoi bon aller voter.

Pour ce qui concerne les dix pays entrés dans l'Union au 1 er mai 2004 - Chypre et Malte mis à part -ils se caractérisent par le fait d'avoir été privés de vraie vie démocratique pendant des années. Entrer dans l'Union européenne et dans l'OTAN constitue pour eux un moyen de se mettre en sécurité par rapport à tout risque de retour d'autoritarisme de leur puissant voisin. Il ne faut pas non plus oublier que ce sont des pays où le niveau de vie moyen est largement plus bas que celui des pays d'Europe du Nord Ouest. L'Union européenne a rendu possibles dans le passé des progrès économiques considérables à l'Irlande, au Portugal, et à l'Espagne. Entrer dans l'Union, c'est aussi la perspective de se mettre à niveau économiquement, de moderniser ses infrastructures, bref de devenir un pays européen comme un autre. C'est à la fois compréhensible et très légitime.

Quel est votre avis sur la candidature de la Turquie ?

Je pense qu'il n'est pas possible d'intégrer la Turquie actuellement. Pas pour des raisons géographiques, ou culturelles, ou religieuses, mais pour des motifs beaucoup plus pragmatiques. 70 millions d'Européens - et je m'en réjouis - viennent à peine de nous rejoindre. Leur intégration économique ne sera pas chose facile et prendra du temps. Pensez aux efforts considérables réalisés depuis 15 ans en Allemagne pour mettre à niveau les Lander de l'ex-RDA sans que tous les écarts aient été réduits. N'oubliez pas l'entrée de la Roumanie, de la Bulgarie, de la Croatie à l'horizon 2007... La Turquie représente à elle seule 80 millions d'habitants, et beaucoup plus pauvres... L'Ukraine qui vient récemment de nous donner une formidable leçon d'esprit démocratique ne mériterait-elle pas aussi sa place ? Non vraiment, je pense que tout n'est pas possible à la fois. Cela dit, il ne s'agit pas non plus de laisser ces pays de côté, de les ignorer ou de tuer les espoirs que leurs populations investissent en nous. Il faut poursuivre et renforcer les liens que nous entretenons avec eux, et en faire, pour l'instant, des partenaires privilégiés. Je refuse la perspective de travailler mal en étant trop nombreux ».

La scène mondiale a-t-elle réellement besoin de l'Europe comme nouvel acteur politique ? En quoi serait-ce une chance pour la France ?

Comment être absent lorsque vous représentez 450 millions de personnes et que vous constituez potentiellement la première puissance économique mondiale ?

Le débat interne aux Européens réside dans le fait de savoir s'ils doivent être des acteurs par eux-mêmes ou continuer de s'appuyer sur les Américains. On ne peut pas à la fois dire aux États-Unis « ne nous dominez pas », et leur laisser assumer la moitié des dépenses militaires de la planète. Cette différence de point de vue s'est manifestée récemment à propos de la crise irakienne. Notre pays a bien fait, à mon sens, de montrer son désaccord en ne cautionnant pas une vision envahissante de la démocratie qui peut susciter des réactions contre l'idée même de démocratie. Cela dit, n'oublions pas que les valeurs que nous partageons avec la démocratie américaine sont plus nombreuses et plus profondes que nos divergences épisodiques.

Le XXIème siècle sera sans doute celui des grands ensembles. Regardez la Chine, l'Inde, leur poids démographique gigantesque et leur croissance économique ! Que pèserons-nous face à eux dans cinquante ans ? Si aujourd'hui encore, la France, le Royaume-Uni, ont encore leur mot à dire - en tant que membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, en tant que puissances nucléaires - leur poids sur la scène internationale risque fort d'aller diminuant. La seule dimension qui puisse équilibrer les grands ensembles de demain, c'est la dimension européenne. Pour que la France puisse continuer à dire des choses au monde, il lui faut l'Europe.

Donc, oui l'Europe représente un véritable poids, oui elle a son mot à dire dans le monde, oui la France à beaucoup à y gagner ».

E. Renan écrivait à la fin du dix-neuvième siècle qu' « une Nation est une âme, un principe spirituel, un plébiscite de tous les jours ». La formule peut-elle s'appliquer aujourd'hui à l'aventure européenne ?

L'Europe n'est pas encore une Nation. C'est une union de nations dont les histoires se sont forgées, croisées, affrontées au long des siècles passés. Il n'y a donc pas de « nation européenne », mais un ensemble de pays qui partagent beaucoup de points communs et un héritage qui incarne de façon plus large la « civilisation européenne » dont nous sommes à la fois dépositaires et co-responsables. C'est une civilisation fondée sur la démocratie, la liberté, les droits de l'homme...

Mais n'était-ce pas là le point de départ de notre discussion ?

32. Interview de M. Jean-Claude Merceron, sénateur UC - UDF de la Vendée
réalisée par les élèves du Lycée Jean XXIII - Les Herbiers

1 er trimestre 2005

Quels sont les problèmes que l'on peut rencontrer en Europe et qui sont une menace pour la démocratie ?

Je crois que pour protéger la démocratie, il faut lutter contre toutes les inégalités.

Tout d'abord, celles liées à l'emploi car quand les hommes et femmes ont du travail, leurs vies privées et en société se déroulent tout à fait normalement. Donc l'emploi est un premier problème. Le logement aussi est un élément important parce qu'il faut que chacun puisse posséder un logement décent pour vivre une vie normale. Et puis il y a aussi les problèmes liés à la santé, parce que la santé est un élément important pour faire en sorte que chacun puisse avoir accès aux soins, que chacun puisse être suivi. Pour protéger la démocratie il faut aussi réduire les déficits publics c'est vrai que lorsque l'on vit au-dessus de ses moyens à un moment ou à un autre les choses craquent donc il est important qu'il y ait un équilibre sur le plan financier.

Assurer la sécurité publique c'est assurer la vie dans un pays où la tranquillité des promenades, la vie de tous les jours est parfaitement sécurisée. Malheureusement aujourd'hui la montée des extrémismes, et de tout ce qui se passe dans l'actualité est un véritable souci. Il faut absolument que l'on se protège de ces problèmes de terrorisme et là on a un très gros effort à faire. La montée du terrorisme est une atteinte à la démocratie, aux règles. Une société qui n'a pas de règles est une société qui ne peut pas vivre longtemps : c'est une question de discipline. Le problème c'est qu'aujourd'hui les pays n'ont pas le même statut social, les mêmes règles sociales, donc il y a des pays qui font travailler des hommes et des femmes dans des conditions plus que déplorables alors il faut absolument, sur ce plan-là, une régulation de l'économie pour faire en sorte que les entreprises qui sont chez nous, n'aillent pas ailleurs pour les problèmes de délocalisation. Il faut chercher à ce que l'équilibre se refasse mais il ne peut se faire que par palier est donc il faut se doter d'outils pour que justement on amène tout le monde au même niveau. Lorsque tout le monde est au même niveau, les échanges peuvent se faire tout à fait naturellement. Alors pour le moment c'est un peu du rêve mais il faut que ce rêve devienne réalité.

Enfin la démocratie c'est écouter, écouter les peuples, leur donner la parole, c'est aussi, et cela est important, continuer à voter. C'est vrai qu'il y a certainement des hommes et des femmes qui ne sont pas corrects mais il y a quand même une très grande majorité des gens qui se battent pour les réalités de la vie de tous les jours, et donc c'est important d'aller voter. D'ailleurs le cancer de la démocratie c'est l'absentéisme. Peu importe les difficultés et les désaccords qu'on peut avoir, peu importe les problèmes qui peuvent se présenter, il faut voter, dire ce que l'on pense.

Est-il possible de gérer l'Europe à 25 ? Est-ce qu'on peut dire qu'un dialogue est possible entre les différents pays sans risque qu'un pays veuille uniformiser ses idées?

C'est vrai que c'est un vrai problème. C'est ce qui est en train de se passer aujourd'hui avec l'histoire de la constitution, on est parti de règles avec des commissions qui ont permis une certaine avancée. En Europe il y a des climats sociaux différents, il y a des habitudes qui sont bien ancrées et il faut du temps pour amener les gens à accepter certaines réglementations et il ne faut pas non plus que ces réglementations soient uniformes, il faut tenir compte des coutumes. Heureusement il y a eu différentes étapes, des décisions un peu technocratiques mais il faut petit à petit pour que les choses évoluent, que ce soit le monde politique qui s'empare de ces décisions. De plus, il faut qu'au niveau des parlements des différents pays, il y ait des échanges continus parce que se sont au travers de ces échanges, des discussions entre les hommes que l'on peut bâtir une Europe solidaire, une Europe qui tient compte des réalités.

Quelles sont les chances que l'Europe donne aux citoyens ?

D'abord je crois que la première des choses c'est la paix. Je crois que la paix est absolument essentielle pour que les choses évoluent. Il faut donc bâtir l'Europe sur le plan de la solidarité, sur le plan de la protection des plus faibles car il y a des gens qui ont besoin d'être aidés. Il y a une liberté culturelle qu'il faut surtout mettre en avant, je dis souvent que quand on a des atouts diversifiés on est bien meilleur que lorsque l'on est tous dans le même moule. Au contraire, la diversité peut jouer son rôle, la diversité culturelle, la diversité des traditions, il faut les préserver. Et puis pour que l'Europe joue un poids important, la défense des droits de l'homme me paraît essentielle et puis il faut qu'il y ait aussi un véritable pacte social. Il faut un grand pays pour exister et il faut qu'il soit généreux et solidaire. Il faut toujours travailler à faire en sorte que les hommes et les femmes se rencontrent, qu'ils échangent. On est dans une société aujourd'hui qui est bien différente de ce qu'elle était il y a une cinquantaine d'années, quand on voit les progrès qui sont réalisés sur le plan d'Internet, sur le plan de la communication, il faut que vous, demain vous puissiez utiliser au mieux ces moyens de communication que l'on n'avait pas hier, au service de cette ambition européenne.

Comment peut agir l'Europe localement et concrètement, au niveau économique et culturel ?

Ce qu'il faut, c'est tenir compte de chaque pays dans sa réalité d'aujourd'hui et travailler pour qu'il y ait des échanges sur le plan de la jeunesse. Il faut absolument là aussi que vous n'hésitiez pas à aller à la rencontre des autres pays, il faut uniformiser les moyens pour les études, pour les bourses mais il y en a pour des décennies, cela ne va pas se régler du jour au lendemain, il ne faut jamais partir battu ni se décourager. Par exemple, pour les diplômes européens, il y a 20 ans qu'on en parle et aujourd'hui cela se concrétise : depuis la rentrée on peut très bien aller faire son cursus en Angleterre, en Allemagne alors qu'avant c'était simplement des échanges programmés dans le cadre de programme européens. Aujourd'hui, on rentre dans la concrétisation des échanges de formations, on n'est pas encore rendu aussi loin dans la formation professionnelle mais on va y arriver dans les années proches.

Pour bâtir l'Europe il ne faut pas hésiter à voir ce qui se passe chez nos voisins et également chez ceux qui sont en discussion avec nous pour bâtir cette Europe par exemple le tourisme est un élément certainement important.

33. Interview de M. Aymeri de Montesquiou, sénateur RDSE du Gers
réalisée par les élèves du Lycée de l'Oratoire - Auch

1 er trimestre 2005

En ce qui concerne le développement de la démocratie en France, pensez-vous que nos institutions doivent tenir compte davantage de l'expression de l'opinion publique ?

L'expression de l'opinion publique est indissociable de la démocratie. Il faut cependant prendre en compte le paramètre temps, c'est-à-dire du contexte historique (ex: Pétain en 1940). En effet, l'opinion publique peut-être sensible à la médiatisation (Pétain en 1944). La difficulté du rôle de l'élu est d'anticiper, de prendre des initiatives en étant à l'écoute des citoyens.

Pensez-vous que la coexistence (ou cohabitation) de régions et d'un gouvernement de tendance politique différente soit une défense de la démocratie ?

La cohabitation est bien sûr une défense de la démocratie. En effet, la constitution définit le droit des régions, le pouvoir central ne peut pas négliger les besoins de celles-ci malgré une tendance politique différente.

Comment défendre la démocratie lorsque l'exclusion par la pauvreté prive certains de nos concitoyens de leurs droits politiques ?

La pauvreté ne prive pas certains de nos concitoyens de leurs droits politiques. En effet, la priorité d'une personne en condition de survie est la recherche d'un travail et non l'exercice du vote.

Pensez-vous que reconnaître le vote blanc serait un frein à la montée de l'abstentionnisme ?

La prise en compte du vote blanc n'est pas un frein à l'abstentionnisme, le vote blanc est « symbolique », il marque le mécontentement. Le vote obligatoire serait une meilleure solution quant au problème de l'abstentionnisme.

Quel rôle les institutions doivent avoir pour défendre le pluralisme dans la presse ou les médias ?

Le conseil supérieur de l'audiovisuel veille au respect du pluralisme. La réalité retransmise en toute neutralité par les médias peut-être interprétée par l'opinion publique selon le contexte politique.

34. Interview de M. Jean Marc Pastor, sénateur socialiste du Tarn
réalisée par les élèves du Lycée Jean Jaurès - Carmaux

1 er trimestre 2005

Comment définir et développer la démocratie ?

La démocratie est le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple. Les citoyens possèdent un droit de participation (vote) et un droit de contestation (liberté d'opposition). Il existe plusieurs formes de démocratie. La démocratie représentative signifie que les citoyens donnent mandat à certains d'entre eux d'exercer le pouvoir en leur nom et place. C'est la démocratie que l'on a adoptée en France. La démocratie directe signifie que les citoyens exercent eux-mêmes le pouvoir sans intermédiaire. En usage dans les antiques cités grecques, la démocratie directe ne survit de nos jours que dans quelques communautés. La démocratie pluraliste est fondée sur la reconnaissance de la légitimité d'une pluralité effective de partis politiques et de leur alternance au pouvoir. Cette conception de la démocratie a représenté l'une des différences essentielles entre les démocraties « occidentales » et les démocraties autoritaires. La démocratie autoritaire est un régime qui fonctionne par l'instauration d'une société unanime où le pouvoir étant réellement issu du peuple, l'opposition n'a donc plus de sens et n'est donc pas admise d'où un rejet du pluralisme, un monopole du parti unique et une négation de la séparation des pouvoirs au profit de l'unité du pouvoir d'État. Nous, occidentaux, disons qu'il ne s'agit pas de véritables démocraties.

Est-ce que la démocratie est bien installée en France ?

C'est sans doute la Révolution française qui, en raison de son caractère radical et de son retentissement en Europe, a exercé l'influence la plus déterminante sur la formation de l'idée démocratique moderne. Découlant de la Déclaration des droits de l'Homme adoptée en 1789, la consécration des principales libertés publiques (sécurité et sûreté individuelle, liberté d'opinion, d'expression, de circulation) a dessiné d'une manière définitive l'idéal d'une société démocratique, quel que soit le type de régime politique dans lequel elle s'incarne. On peut dire que la démocratie depuis 200 ans est bien installée dans notre pays.

Toutefois, les élections présidentielles du 21 avril 2002, avec l'éviction du candidat socialiste et le maintien au second tour de deux candidats, un républicain et un qui ne l'est pas nous pousse à nous interroger fortement.

Comment est-elle représentée ?

En France, la démocratie est représentée par les élus. Il existe plusieurs types d'élus : les élus locaux, les élus nationaux, et les élus européens. Les élus locaux sont les élus des trois niveaux de collectivités locales : conseil régional, conseil général et conseil municipal. Les élus nationaux sont les élus du parlement : Assemblée et Sénat. La « Haute Assemblée » est composée de 331 membres, ce nombre sera porté à 346 en 2010 pour mieux respecter la représentation des équilibres démographiques et des collectivités territoriales. Les élus européens sont répartis entre les commissions, le conseil européen et le Parlement européen. Toutes ces institutions sont là pour veiller au bon fonctionnement de la démocratie au niveau régional, national mais aussi européen.

Peut-elle être améliorée ?

La démocratie n'est qu'un concept vide si tous les citoyens n'ont pas accès à l'information ou à un niveau d'instruction qui leur permet de participer au débat politique. La démocratie est toujours fragile, à moins que l'action des corps intermédiaires et la qualité du débat public évitent la fragmentation du corps social, qui laisserait le citoyen seul face au pouvoir.

Existe t-il des menaces contre la démocratie ?

En France, la démocratie est menacée de l'intérieur à cause des différences sociales entre les citoyens qui peuvent faire des écarts. Il faut aussi veiller à maintenir l'équilibre entre les deux chambres. Pour instaurer une loi, il y a la commission mixte paritaire qui réunit sept députés et sept sénateurs lesquels doivent trouver un juste milieu. Sinon, le texte est lu au jugement d'une seule personne et cela est une menace pour la démocratie car il n'y a pas de débats.

La constitution européenne peut-elle définir et développer la démocratie ?

Le nouveau traité constitutionnel contient de nombreuses avancées sur le plan social et démocratique par rapport aux traités existants. Il vise à constitutionnaliser la charte européenne des droits fondamentaux et contient notamment : le droit de grève, le droit à l'information et la consultation des travailleurs. Désormais, les objectifs de l'Union européenne seraient :

-le plein emploi,

-le progrès social et la justice sociale,

- la lutte contre l'exclusion sociale,

- la lutte contre les discriminations,

- l'égalité entre les hommes et les femmes,

- la cohésion territoriale,

- le développement durable,

- la diversité culturelle et linguistique,

- la paix,

- la solidarité entre les peuples.

Le traité prévoit un président du conseil qui assurera une stabilité nouvelle. Un ministre européen des affaires étrangères permettant l'expression d'une parole commune des européens sur la scène internationale sera nommé par le Conseil. Un droit d'initiative populaire permettra à un million de citoyens de l'Union européenne d'inciter la Commission à soumettre une proposition législative.

35. Interview de M. Jacques Peyrat, sénateur UMP des Alpes-Maritimes,
réalisée par les élèves de la 1ère BAC PRO Vente du Lycée Magnan - Nice

22 mars 2005

En tant que sénateur, quel rôle avez-vous dans la vie quotidienne des citoyens français ?

Permettez-moi de faire une observation préalable : l'activité d'un sénateur est moins identifiée, dans l'esprit des citoyens français, que ne l'est celle d'un député. De fait, le plus souvent, lorsque les citoyens s'inquiètent du rôle du Parlement, ils pensent avant tout à l'Assemblée Nationale. Il n'est pas sûr, pour autant, qu'ils estiment qu'un député fasse suffisamment pour leur vie quotidienne. Alors que peuvent-ils penser d'un sénateur, qu'ils n'élisent pas directement.

Le Sénat, est, dans notre République - qui admet le principe du bicaméralisme - la deuxième chambre parlementaire. C'est, en général, celle qui examine les projets de loi après qu'ils ont déjà été discutés et votés par l'Assemblée nationale. En cas de désaccord entre les deux chambres, le Sénat n'a toutefois pas le dernier mot. Par cette position, le Sénat illustre peut-être cette forme de distance, souvent mal comprise, de tout Parlement par rapport à la société.

Dans une démocratie comme la nôtre, les parlementaires sont ceux que les citoyens distinguent pour être leurs représentants. Tout élu, et ainsi tout parlementaire, est, par l'élection même, séparé des citoyens : il est délégué pour assumer des responsabilités qui engagent toute la collectivité. La responsabilité d'un parlementaire, c'est de voter les lois et de contrôler le gouvernement.

Les Français ne voient pas toujours le rôle que jouent les parlementaires dans leur vie quotidienne. Mais en examinant les projets de lois, article par article, et en les votant, les parlementaires élaborent et adoptent les règles communes que chaque citoyen est amené à respecter, ils définissent les droits de chacun et les obligations de tous, et aménagent les contours de la solidarité nationale.

Considérons par exemple le budget de la France, dont ils débattent et qu'ils doivent approuver chaque année : c'est alors que les parlementaires décident des impôts, autrement dit de la manière dont les uns et les autres contribuent à la mise en commun des richesses qui permettent à l'État d'accomplir ses missions, de garantir la défense du pays et la sécurité des personnes, d'assurer l'avenir collectif, de protéger les personnes et d'aider ceux qui sont dans le besoin.

En fin de compte, un sénateur, en votant une loi, intervient dans la vie quotidienne des Français, et chaque citoyen peut le solliciter au même titre qu'un député. Et, parfois, parce qu'ils ont la possibilité d'avoir un peu de recul par rapport à l'Assemblée nationale, les sénateurs corrigent les défauts d'une loi.

Un sénateur est, en définitive, quelqu'un qui est chargé, par les citoyens, de réfléchir une deuxième fois. Son rôle est de rappeler à chaque citoyen l'importance de la délibération : une bonne intention ne suffit pas à faire une bonne loi.

Généralement, durant les élections, on constate que les jeunes de 18-25 ans s'expriment peu par le vote. Que proposez-vous pour changer cela ?

La tentation de l'abstention ne concerne pas seulement les jeunes mêmes si ceux-ci sont encore plus portés à ne pas voter. Mais cette situation n'est pas irréversible parce qu'il se trouve que, parfois, les jeunes électeurs comprennent que s'ils ne choisissent pas, d'autres le font pour eux...

S'agissant des solutions, certains envisagent de rendre le vote obligatoire. Ce serait, en somme, un devoir civique. Mais cela ne règlerait pas forcément la difficulté réelle qu'éprouvent les citoyens devant le choix électoral. Si ceux qui s'abstiennent décidaient de voter blanc : serions-nous plus avancés ?

Il faut peut-être admettre que, parmi les libertés qu'offre la démocratie, celle de ne pas prendre part au vote en est une. Même si c'est un luxe que les citoyens peuvent payer à leurs dépens...

Les sociétés contemporaines sont de plus en plus complexes, non seulement pour le citoyen ordinaire, mais également pour l'homme politique. L'interdépendance de plus en plus grande au niveau planétaire, l'importance des décisions techniques, la multiplicité des lieux de décisions - de la ville à l'État, sans parler de l'Europe, et des décisions prises au niveau international - voilent l'importance des choix politiques individuels. Plus encore, cela conduit les jeunes et les moins jeunes à ne plus voir l'importance de la politique en tant que telle.

Or, alors même que les choix sont plus difficiles, l'époque médiatique qui est la nôtre nous incite aux jugements à l'emporte-pièce, au dénigrement et à la dérision.

Comment dès lors, préserver et transmettre le sens de la responsabilité politique ? Je serai tenté de faire une réponse paradoxale et provocatrice, qui n'est pas dans l'esprit du temps. Plutôt que de donner aux jeunes gens que vous êtes l'illusion d'être des citoyens dès l'adolescence, nous devrions vous montrer davantage que vous n'êtes pas encore des citoyens, afin de mieux vous donner l'impatience de l'être et le goût de le rester, même quand vous douterez et que les choix seront difficiles.

Dans une démocratie, les citoyens ont des droits et des devoirs à respecter. On constate cependant un manque de civilité dans certains domaines, le code de la route, par exemple. Quelles solutions envisagez-vous pour y remédier ?

Ce qui est intéressant dans votre question, c'est l'identification de la civilité et de la citoyenneté.

La civilité est, à mes yeux, la condition préalable de la citoyenneté. Diriez-vous d'une personne qui, dans sa vie quotidienne, bafoue les règles et méprise les autres que c'est un bon citoyen ? La civilité, c'est le respect des règles qui permettent la vie en société, mais la citoyenneté, c'est davantage encore, car c'est l'obéissance à la loi que tous les citoyens se donnent au moyen de leurs représentants.

La citoyenneté, c'est effectivement, avoir des droits et des devoirs. Car si les droits garantissent la liberté et le bien-être de chaque individu, les devoirs rappellent à chaque citoyen qu'il vit en société. A mes yeux, la démocratie se développe quand les individus consentent à appartenir à une société unie sous un gouvernement et des lois communes. C'est la République.

La civilité démocratique doit être ancrée dans l'esprit civique. C'est ce que montre l'exemple que vous prenez, le respect du code de la route.

Si la lutte contre les infractions du code de la route relève de la civilité, il s'agit essentiellement de mieux éduquer les personnes. C'est le rôle de la famille, de l'école, bien sûr et de chacun d'entre nous, dans la vie de tous les jours. Quand vous voyez quelqu'un enfreindre le code de la route, en conduisant trop vite, en ne respectant pas un feu de signalisation, en mettant ainsi la vie d'autres personnes en jeu et la sienne propre en danger, vous devez donc le rappeler à l'ordre. C'est cela la civilité.

Donc pour remédier au non respect du code de la route, comme pour remédier au non respect de toutes les règles qui fondent la vie en société - comme la tolérance ou la politesse par exemple -, il s'agit de les transmettre et de les apprendre les uns aux autres. Ainsi, dans notre société, on apprend dès l'école à respecter le code de la route, et, des publicités, à la télévision, rappellent l'importance de ce respect.

Mais la civilité ne suffit pas. Vous aurez beau rappeler à quelqu'un qu'il doit respecter les bonnes manières, un règlement ou le code de la route, il peut très bien ne pas vous écouter. Alors que faire ? C'est à ce moment que la force de la loi est nécessaire, et qu'il est question non plus seulement de civilité mais de civisme. La civilité recommande, mais seule la loi autorise ou interdit. C'est la raison pour laquelle, pour faire respecter le code de la route, il est également nécessaire de voter des lois. Récemment, ces lois ont accru les peines encourues par celui qui dépasse la limitation de vitesse ou qui grille un feu rouge.

Pour autant, une loi qui ne serait pas approuvée ou défendue par les citoyens serait soit répressive, soit sans effet. La loi prend appui sur la civilité.

Pour développer la démocratie, il faut toujours lier le goût de vivre ensemble (la civilité) et le respect de la loi commune (le civisme). On ne peut pas se contenter de l'un ou de l'autre.

En quoi peut-on dire que la nouvelle constitution européenne va renforcer la démocratie ?

Il n'est pas facile de répondre à cette question avec impartialité dans la mesure où elle est au coeur de la controverse qui accompagne le referendum du 29 mai.

Un constat s'impose : les partisans et les adversaires de la constitution européenne veulent la même chose, le renforcement de la démocratie. L'honnêteté conduirait à dire que, par certains côtés, la nouvelle constitution renforce la démocratie, et que par d'autres, cela peut sembler discutable.

En fait, la question qui est posée aux Français et aux Européens, c'est celle de leur gouvernement.

Si vous estimez qu'il faut donner plus de possibilités au gouvernement européen : dès lors, vous serez, a priori, plutôt favorable à la constitution. En effet, elle vise à rendre plus facile le mode de décision dans une Europe composée de 25 États membres.

Mais si, au contraire, vous redoutez que les décisions prises au niveau européen ne remettent en cause le libre choix des Français dans un certain nombre de domaines, vous serez plutôt hostile à cette nouvelle constitution.

La question de savoir s'il vaut mieux des décisions au niveau européen ou au niveau national oppose les démocrates entre eux, et non les partisans et les adversaires de la démocratie.

Vous me permettrez donc de vous faire une réponse ambiguë : la nouvelle constitution européenne renforce la démocratie parce qu'elle affirme « les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit et du respect des droits de l'homme ».

Mais la nouvelle constitution vise surtout à renforcer le gouvernement au niveau européen. Et certains citoyens peuvent s'inquiéter de voir s'éloigner le lieu où sont prises les décisions qui les préoccupent.

Dans une certaine mesure, la querelle ouverte sur la question de savoir si la constitution européenne renforce ou affaiblit la démocratie ressemble un peu à la dispute qui a opposé, dans les États-Unis du XVIIIème siècle, les fédéralistes, favorables à un pouvoir fort au niveau fédéral, et les anti-fédéralistes, défendant les prérogatives des États. Ce sont deux visions de la démocratie qui s'opposent. C'est ce qui rend le débat si difficile à trancher.

Alors, il vaudrait mieux se demander s'il est préférable de renforcer le gouvernement européen ou non. Mais, pour prolonger la comparaison avec les États-Unis, il faudrait observer que si, dès l'origine, ceux-ci formaient une grande nation, l'Europe rencontre deux difficultés inédites : celle d'être composée de plusieurs nations, et, celle de ne pas s'entendre sur sa frontière.

36. Interview de M. Jean-François Picheral, sénateur socialiste des Bouches-du-Rhône
réalisée par les élèves du Lycée Joliot-Curie - Aubagne

1 er trimestre 2005

Les Français sont mal informés sur le rôle d'un sénateur. Pensez-vous que l'instauration d'un suffrage direct soit plus propice à vous faire connaître des Français ?

Je ne pense pas, mais il y a un intérêt à se faire connaître des Français. Je vais d'ailleurs dans les collèges et les écoles pour expliquer ce qu'est le Sénat. Le Sénat et l'Assemblée ont le même rôle. Les députés sont les porte-parole des citoyens alors que les sénateurs sont les représentants des collectivités territoriales.

Pourquoi ne pas faire des lois pour encourager les citoyens à plus de participation aux élections ?

Les Belges ont l'obligation de voter, ça se passe bien en Belgique mais ils sont six millions. Je pense qu'il faudrait le rendre obligatoire car le seul pouvoir qu'ont les citoyens est celui de voter. Les manifestations dans les rues lassent, le vrai pouvoir est de voter, non de manifester.

Comment l'Union européenne pourrait-elle aider les pays entrants, anciennement communistes, à développer l'application des droits de l'Homme ?

Tout d'abord, ceux qui sont déjà entrés, on les a tous obligés à s'engager et à mettre en place les droits de l'Homme. L'Union européenne est très à cheval là-dessus. Les anciens pays communistes ont souffert de la dictature mais ils sont maintenant démocratiques. La priorité des priorités, c'est les droits de l'Homme.

Pensez-vous que la Turquie soit assez développée pour intégrer l'Union européenne ? Et si non, est-ce que son intégration n'aidera pas à l'amélioration de la démocratie dans ce pays ?

Non, aujourd'hui non. C'est un immense pays dont un tiers est comme nous (européen dans l'âme) et dont les deux tiers vivent encore au moyen âge. Quinze ans, c'est long. Aujourd'hui, en dehors du problème économique, il y a deux problèmes majeurs. Le premier, c'est qu'ils sortent de Chypre, et le deuxième, qu'ils reconnaissent le génocide arménien. Economiquement, ça a toujours été un grand pays mais il n'évolue pas aussi vite que le reste. On ne peut pas les laisser tels quels, il faut les aider. Il faut rééquilibrer tout ça, il faut qu'ils entrent dans le marché commun économique. Il faut les aider à se mettre au niveau des occidentaux car certaines régions sont très pauvres. Il faut qu'on les aide en économie mais ils doivent régler leurs problèmes intérieurs.

Nous nous définissons en tant que citoyens français, pensez-vous qu'une identité européenne puisse nuire à notre identité nationale ?

Aujourd'hui, non. Chaque pays tient énormément à ses racines. Il faut faire connaître son pays. Pour les gens de ma génération, l'Europe a d'abord été faite pour la paix. Le premier but à atteindre était ça. Il faut que l'on devienne une entité, on a trop d'intérêts communs. L'Europe sert à faire la paix.

37. Interview de M. Bernard Piras, sénateur socialiste de la Drôme
réalisée par les élèves du Lycée Henri Laurens - Saint-Vallier

1 er trimestre 2005

Quelle est votre définition de la démocratie ?

Poser cette question signifie, et vous avez raison, qu'il n'existe pas de définition universelle du terme démocratie. Cependant, le principe exprimé par la Constitution française, « gouvernement du peuple, par le peuple, et pour le peuple », est celui qui correspond le mieux à l'idée que je me fais de la démocratie. Les gouvernants doivent émaner du peuple, chaque citoyen pouvant prétendre accéder à des responsabilités politiques. Par ailleurs, l'action menée par ces gouvernants doit être en faveur de l'intérêt de l'ensemble des citoyens, le risque étant de ne pas être réélu. Il ne faut pas oublier que la notion de démocratie est inséparable de celle des libertés fondamentales (penser, se réunir...) qui sont, en France, insérées dans la Constitution. Enfin, la démocratie exige une séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.

La démocratie directe étant très difficile à réaliser, même si elle correspond à un idéal, la démocratie représentative est de ce fait incontournable. La V ème République se rapproche de plus en plus d'un régime présidentiel, et le rôle minoré du pouvoir législatif pose désormais un réel problème.

Pour répondre directement à votre question, « gouvernement du peuple, par le peuple, et pour le peuple », un respect des libertés fondamentales et une séparation des pouvoirs sont des éléments indispensables à un pays qui se dit démocratique.

Est-il difficile de créer un citoyen européen et d'appliquer la démocratie aux 25 pays de l'Europe, de cultures et de traditions différentes ?

Pour répondre à cette question, il est nécessaire de définir ce qu'est un citoyen européen. Pour ma part, ce qui doit caractériser avant tout un citoyen européen, c'est le sentiment, d'une part, d'appartenir à une même communauté, celle des 25 pays membres et, d'autre part, d'avoir un avenir commun avec les autres citoyens membres de cette communauté. La notion de citoyen européen est plus psychologique que juridique, le juridique venant se greffer sur le psychologique, qui doit être un préalable. Créer un citoyen européen est utopique tant que cette conscience collective n'existe pas.

A priori, au regard des conditions d'adhésion à l'Union européenne, chacun des 25 pays membres est considéré par les autres comme démocratique ou, du moins, comme remplissant les conditions minima. Chaque pays a une approche de la démocratie différente, liée à son histoire. Il est difficile, et peut-être non souhaitable, d'envisager une unification en la matière, un régime idéal n'existant pas. En revanche, il semble que les trois principes énumérés à la fin de la première question constituent un socle commun minimum.

Quels sont les principaux moyens de diffusion et de défense de la démocratie en Europe ?

Les institutions européennes doivent représenter les garants et les promoteurs de cette idée de démocratie. Sur ce point, il est évident que cet objectif n'est pas atteint, et cela, en raison de cette impression d'éloignement et de décalage donné par les institutions européennes. Les citoyens européens se sentent dépossédés de ce « pouvoir européen », ce qui constitue par ailleurs un frein majeur à l'émergence du sentiment d'appartenance, et incite au détachement voire à l'ignorance.

Il est paradoxal de constater que ces institutions, censées promouvoir cette idée de démocratie, et en constituant même une concrétisation, puissent en devenir l'obstacle majeur.

Est-il possible de défendre la démocratie et de la développer vers plus de laïcité dans un espace géographique de plus en plus vaste et parfois marqué par un fait religieux prononcé ?

Le meilleur moyen de défendre cette notion de démocratie est de la promouvoir sur le plan international. L'organisation politique de l'Europe permettra, à terme, de peser plus fortement sur les décisions internationales, et cela, sur la base d'une organisation démocratique, pouvant servir de modèle. Un état démocratique ne peut être que laïque, et le modèle européen repose logiquement sur cette séparation entre le religieux et l'État.

Quelle sera notre place, en tant que jeunes, dans l'amélioration de la démocratie en Europe et dans l'avenir européen ?

Il ne faut jamais oublier ce qui a motivé, à l'origine, la construction européenne, c'est l'espoir de ne plus voir les pays européens se déchirer comme cela a pu durer pendant des siècles. La génération de l'après seconde guerre mondiale est la première à ne pas avoir connu de conflit entre les pays européens. Ceci constitue une réussite qui n'a pas de prix, et qui est la base d'un approfondissement des relations entre les états européens.

La jeunesse doit absolument poursuivre dans cette voie. Le renforcement des échanges est sur ce plan primordial, car on ne craint que ce que l'on ne connaît pas. Le brassage des peuples européens est sans doute la meilleure garantie de l'émergence de ce sentiment d'appartenir à une communauté d'intérêts et de destin. Je ne peux que vous y encourager.

38. Interview de M. Christian Poncelet,
Président du Sénat, sénateur UMP des Vosges
réalisée par les élèves du Lycée Claude Gellée - Épinal

1 er trimestre 2005

La démocratie est-elle une valeur fondamentalement européenne ?

Dès le V ème siècle avant Jésus-Christ, la cité grecque d'Athènes fait de l'Europe la mère de la démocratie.

Aujourd'hui, grâce à la construction européenne et aux retrouvailles de l'Europe avec elle-même, nous sommes réunis dans la même communauté, autour de valeurs communes que nous devons, ensemble faire vivre et fructifier.

L'idée démocratique est au centre de ces valeurs communes, et plus précisément l'idée d'une démocratie équilibrée et apaisée, respectueuse des minorités, garantissant les droits de l'homme, respectant les libertés locales, fondant les décisions sur le débat et le dialogue.

Les références au système démocratique abondent d'ailleurs dans les textes fondateurs de la Communauté économique européenne. Et les critères fixés en 1993 lors du sommet de Copenhague visant à évaluer les candidatures à un nouvel élargissement de l'Union européenne mettent en bonne place le respect des règles du jeu démocratique.

Cette exigence démocratique, nous devons la faire vivre à tous les échelons : à l'échelon local, à l'échelon national, et aussi, naturellement, à l'échelon européen.

Bien sûr, en ce qui concerne l'échelon européen, c'est d'abord le Parlement de Strasbourg qui a la responsabilité de faire vivre la démocratie parlementaire. Mais les parlements nationaux ont eux aussi une responsabilité importante à cet égard.

Pour vous répondre en quelques mots, je dirais que si la démocratie est une valeur fondamentalement européenne, elle est avant tout une valeur fondamentale de, et pour l'Europe. L'Europe devait être, en effet, dans l'esprit même de Jean Monnet, une « contribution à un monde meilleur » et je crois qu'elle y arrive plutôt bien.

Qu'en est-il aujourd'hui de l'état de la démocratie en Europe ?

Beaucoup se plaisent à disserter sur le déficit démocratique de l'Union européenne. Les mêmes se plaisent à décrire la crise démocratique que traverserait l'Europe. Je ne suis pas de ceux-là.

Je me plais à comparer l'Europe à une grande famille : l'Europe est pour moi une grande famille, et comme beaucoup de familles, en effet, l'Europe a longtemps été divisée. Après avoir vaincu la barbarie nazie, l'Europe semblait immuable dans ses divisions, incarnées par cet abominable rideau de fer qui la coupait en deux, condamnant les peuples à la séparation, quand ce n'était pas, pour trop d'entre eux, à la répression et à l'arbitraire.

Depuis le Congrès de Vienne, en 1815, jamais l'Europe n'aura connu de transformation aussi fondamentale que l'entrée dans l'Union européenne de Chypre, de l'Estonie, de la Hongrie, de la Lituanie, de Malte, de la Pologne, de la Slovaquie, de la Slovénie et de la République tchèque. En 2004, fort heureusement, cette nouvelle Europe voit le jour sans violence, sans drame et sans guerre.

L'Europe est et doit rester un exemple de démocratie. L'Europe, ne l'oublions pas, a favorisé, il n'y a pas si longtemps, la chute de dictatures en Grèce, en Espagne ou encore au Portugal.

C'est d'ailleurs la paix qui reste le principal acquis mais aussi le principal dessein de l'Europe. L'avenir, notre avenir, et surtout votre avenir, ne peut rimer qu'avec Europe, une Europe désormais forte de 25 États et de près de 500 millions d'habitants.

A votre avis, la démocratie est-elle applicable à tous les pays, à toutes les religions et à tous les peuples ? Si oui, comment la diffuser et la développer dans les pays qui n'en sont pas encore pourvus aujourd'hui ?

Si votre question est de savoir si la démocratie est le monopole du monde occidental, alors ma réponse est non !

Je suis convaincu que les démocraties traversent une période charnière de leur histoire. Il me semble, en effet, qu'on assiste à une vague démocratique sans précédent, à un printemps des démocraties... L'exemple de l'Ukraine est de ce point de vue probant.

Et je ne vois pas de raison pour que cette déferlante démocratique s'arrête aux portes de l'Occident. Ainsi, l'adhésion d'un pays comme la Turquie préviendrait non seulement le danger d'un « choc des civilisations », mais en serait une démonstration sans faille.

Rien ne s'oppose d'un point de vue théorique à ce qu'un pays musulman ne soit pas une démocratie. Contrairement à ce que beaucoup voudraient nous faire croire, l'Islam n'est pas incompatible avec des valeurs démocratiques.

Je forme le voeu que la démocratie règne en Orient, nous promettant ainsi des perspectives nouvelles d'enrichissement mutuel.

Vous souhaitez savoir comment ouvrir à la démocratie les portes de l'Orient, je vous répondrai qu'il n'y a pas de recette magique ni de mode d'emploi. C'est en écoutant les différences, en entendant et en comprenant d'autres manières de penser ou d'agir, en parvenant à ce que le recours à des élections libres soient une norme reconnue et appliquée que nous prouverons que la démocratie fait son effet.

Que signifie pour un sénateur français, défendre et développer la démocratie ?

La démocratie est un principe qui, aujourd'hui encore et bien plus qu'hier, mérite d'être défendue. La démocratie est une conception de la vie, un guide que l'on veut suivre pour que la vie en communauté soit une réalité. Défendre la démocratie, c'est préserver notre vouloir vivre ensemble. C'est mettre en actions les mots qui forment notre pacte social. Développer la démocratie, c'est permettre à chacun de vivre dignement, d'être traité de manière humaine et équitable.

Défendre et développer la démocratie, c'est faire de notre vouloir vivre ensemble une priorité absolue ; c'est faire de la devise républicaine une valeur non négociable et de la paix une finalité en soi et pour soi. C'est croire que demain, nous vivrons tous dans une communauté de citoyens. C'est vouloir, demain, être citoyen du monde.

La démocratie doit être une exigence citoyenne. Défendre et développer la démocratie, c'est refuser que la violence, dont le terrorisme est la manifestation extrême, constitue dans une société mondialisée, de plus en plus inégalitaire, « l'arme des pauvres ».

39. Interview de M. Hugues Portelli, sénateur UMP du Val-d'Oise
réalisée par les élèves de terminale BEP secrétariat du lycée professionnel privé Jeanne d'Arc - Argenteuil

1 er trimestre 2005

En tant qu'élu, quelle est votre relation avec les citoyens ?

J'ai deux mandats : sénateur et maire. J'assume donc deux fonctions différentes mais somme toute complémentaires.

Comme sénateur, je siège au Sénat avec mes collègues sénateurs pendant une période de l'année bien déterminée, appelée « session », d'octobre à juin, ce qui représente environ 120 jours de séance par an, pour étudier les textes de loi proposés par le gouvernement (projet de loi) ou par le Parlement (proposition de loi) que nous discutons et votons. Le reste du temps, je demeure dans mon département et je me mets à l'écoute des gens et des élus locaux, qui me parlent des difficultés du terrain. Cela me permet de bien connaître les problèmes des Français.

Comme maire d'une commune à administrer, je suis encore au plus près des citoyens que je côtoie quotidiennement en mairie, dans les permanences de quartiers, dans les rues, dans les cités, au marché, dans les transports en commun (bus, RER ) . Je les écoute et j'essaie de les aider au mieux, même si je sais, hélas, que je ne pourrai pas résoudre tous leurs problèmes.

Mais ainsi, de retour au Sénat, fort de mon expérience de terrain, je peux améliorer les lois et demander des explications aux ministres.

Pour moi, c'est la manière la plus satisfaisante de pratiquer la démocratie au quotidien.

Quels sont vos pouvoirs réels ?

En tant que sénateur et parlementaire élu, je constate que mon pouvoir réel est moindre par rapport au gouvernement. En effet, celui-ci organise l'agenda et l'ordre du jour où sur un mois, un seul jour est consacré à l'étude d'une proposition de loi émanant d'un parlementaire, alors que les projets de loi émanant du gouvernement le sont les autres jours. Aussi, les textes de loi les plus élaborés sont donc ceux du gouvernement, présents à 90% contre 10% issus des parlementaires.

De plus, la modification de la loi ne doit pas augmenter les dépenses ni diminuer les recettes déjà prévues par le budget élaboré pendant l'été et voté entre octobre et décembre.

Enfin, comme nous faisons partie de l'Union européenne, c'est de plus en plus le droit européen qui est à juste titre utilisé et appliqué en France. Ainsi, 60% des lois de France sont votées à Bruxelles et non pas à Paris. Le droit du travail est européen, le droit du commerce est européen, et c'est normal puisque l'on fait partie de l'Europe.

Comment défendre et développer la démocratie, d'après vous ?

Tout d'abord, définissons la démocratie. La démocratie, c'est « le droit de vote » pour choisir ses représentants, et c'est « le droit de contrôle » qui demande aux élus de rendre compte de leur travail. C'est le pouvoir du peuple, qui a même le droit de se montrer parfois ingrat avec ses élus ; on pense au général de Gaulle désapprouvé et éloigné du pouvoir par le Parlement en 1945, et à Churchill remercié en 1946 ; pourtant, tous deux avaient oeuvré avec succès pour sauver la démocratie du nazisme pendant la 2 nde guerre mondiale.

La démocratie est ancienne. Elle nous vient de la Grèce antique qui nous l'a laissée en héritage et il nous faut en faire un bon usage. On ne doit pas la laisser mourir. C'est une chose, belle et fragile, qui demande beaucoup de soins et d'attentions, comme une plante que l'on arrose tous les jours sous peine qu'elle dépérisse. Les heureux hommes qui en bénéficient se doivent de l'entretenir, de la protéger et de la développer en participant de manière active à la vie de la cité et du pays. Ils doivent utiliser leur droit de vote qui s'use quand on ne s'en sert pas. Tant de gens de par le monde encore n'ont pas ce droit de vote, ou alors ne peuvent voter que pour un seul candidat, sans choix.

Pour nous, Français et Européen, ce rêve est une réalité. Mais, habitué depuis longtemps à cette démocratie ancrée dans notre culture antique et judéo-chrétienne, celle-ci est devenue une routine. Aux élections, il y a peu d'électeurs ; les citoyens se désintéressent de la chose publique ; c'est dommage et dommageable. C'est encore plus vrai pour les élections européennes et tout ce qui touche à l'Europe. C'est d'ailleurs en grande partie la faute aux médias qui n'en parlent pas sauf pour faire de l'audimat sur certains sujets.

Le droit européen régit de plus en plus la vie française, mais qui le dit dans les médias et qui le sait sauf s'il prend la peine de lire le Journal Officiel ? Aucun journaliste français accrédité par Bruxelles ne suit les débats européens régulièrement, à l'exemple des Allemands. Ça ne les intéresse pas ! C'est irresponsable !

Le même, les Français ne parlent pas ou si peu de langues étrangères. A l'heure de l'Europe, c'est un handicap certain, car même si l'anglais est la langue commune lors des échanges, il n'en reste pas moins qu'il faut connaître et pratiquer les autres langues des pays européens par courtoisie et curiosité des autres et de leurs spécificités. La tolérance va de pair avec la connaissance, et la démocratie se développe dans un climat de concorde, de confiance et de paix, dans le respect des différentes cultures.

Attention toutefois à ne pas s'américaniser ! On est européen !

L'Europe est une mosaïque de peuples unis dans l'Union européenne par des accords économiques et politiques, elle-même fondée sur la démocratie et la défense des droits de l'homme. Ne peuvent entrer dans l'Union européenne que les pays démocratiques qui s'engagent à protéger et développer cette démocratie. Construire l'Europe selon les rêves et les voeux de Robert Schuman et de Jean Monnet, équivaut au maintien et à l'élargissement de la démocratie.

La pratique de la citoyenneté nationale et européenne est la garante d'une démocratie vivante, vigoureuse et contagieuse. Cependant, la démocratie ne s'exporte, ne se vend, ni ne s'achète « clé en main » comme une marchandise, elle s'apprend lentement et patiemment, sinon on court à l'échec, comme en Irak où les États-Unis ont cru possible de l'imposer de but en blanc et violemment par la guerre à un peuple qui n'en avait pas la pratique depuis longtemps comme nous. La démocratie nous vient de loin, de l'Antiquité, elle fait partie de notre patrimoine et de notre civilisation. Elle a grandi et évolué avec nous. Continuons d'écrire son histoire formidable. Faisons la fructifier.

La démocratie se construit ensemble, au fil du temps. Comme une plante vivace, dans un bon terreau, elle s'épanouit et donne envie à d'autres d'y goûter. Elle est alors un exemple à suivre. Pourtant, même si elle n'est pas en danger en France et en Europe, elle n'est pas à l'abri d'une éventuelle menace. Rien n'est définitivement acquis et il faut rester vigilant. Il faut participer activement à la vie politique et citoyenne en votant. La démocratie perdurera ainsi.

40. Interview de M. Hugues Portelli, sénateur UMP du Val d'Oise
réalisée par les élèves du Lycée St Martin - Pontoise

1 er trimestre 2005

Pour accélérer la construction d'une Europe politique, peut-on envisager la naissance d'une Europe à deux vitesses, en renforçant notamment l'axe Paris-Berlin ?

L'Europe n'est pas une Europe « à la carte ». Il faut construire une Europe forte et unie, et donc la construire d'un seul bloc. Une Europe à plusieurs vitesses pourrait nuire au sentiment d'appartenance à l'Europe du citoyen européen.

Cependant, pour faire avancer l'Europe, on peut se reposer sur des relations particulières entre différents pays, comme par exemple l'axe Paris-Berlin. Cet axe est un des moteurs de l'Union européenne, et il doit donc prendre des décisions bilatérales, tout en faisant attention à ne pas s'enfermer dans une politique à deux. En effet, il faut aussi respecter les autres visions de l'Europe. La construction d'un État fédéral à deux évoqué à plusieurs reprises (1963 et 1988) est une utopie.

Il y a aujourd'hui une ambiguïté sur le discours fédéral européen, et on ne sait pas quel modèle privilégier.

La nouvelle Constitution prévoit cependant un principe de coopération renforcée entre un sous-ensemble d'États sur des sujets validés par l'ensemble.

A mi-chemin de l'échéance posée par le traité de Lisbonne, comment l'Union européenne peut-elle atteindre ses objectifs et que pensez-vous des conclusions du rapport Kok ?

Je pense que les échéances du traité de Lisbonne ne seront pas respectées et que les objectifs ne seront pas atteints avant qu'il n'y ait de véritable volonté politique commune suivie d'actions unies pour donner à l'Europe une véritable envergure économique. Il faut une stratégie d'ensemble, une stratégie commune, qui soit suivie de réalisations concrètes. Lisbonne, ce sont de bonnes volontés, mais elles sont lancées dans le vent. Il ne suffit pas de dire ce que l'on veut, il faut aussi agir, et se donner les moyens d'atteindre son but. Un rêve ne se réalise pas en rêvant. Or, l'Europe de 2005 n'a pas pris les responsabilités politiques de son destin économique.

Un rapprochement politique est donc plus que jamais nécessaire. Et il faut aussi par un rapprochement politique, opérer un rapprochement financier, créer des infrastructures financières qui permettraient l'essor d'une véritable puissance économique européenne.

Quelle Europe pour demain ? Un vaste espace de libre-échange, sans réelle unité autre qu'économique, ou une union politique solide dans laquelle le citoyen est vraiment européen ?

Il y a actuellement deux visions dominantes du rôle de l'Europe et de son organisation. Il y a la vision anglo-saxonne qui vise un vaste espace de libre-échange sans véritable union politique, et qui privilégie le pouvoir politique de chacun des États, et la vision que partagent notamment la France et l'Allemagne, d'une Europe unie sur le plan politique, partageant une diplomatie commune et parlant d'une seule voix, une Europe où le citoyen est vraiment européen.

Une Europe dans le contexte de la compétition internationale ne peut qu'aller au-delà de la vision minimaliste anglo-saxonne et implique un minimum de mise en commun de politiques. C'est un des objectifs de la nouvelle Constitution à travers un ministre en charge des affaires étrangères. C'est aussi un des objectifs de la nomination d'un « M. Euro » chargé de soutenir les politiques monétaires des États partageant la même devise.

Je pense que l'Europe de demain sera forcément fortement unie politiquement si elle veut continuer à avoir un rôle à l'échelle mondiale.

Y a-t-il une volonté de puissance de l'Europe ?

Une volonté de puissance européenne est inéluctable. Si l'Europe veut avoir une place sur la scène internationale, face à la montée en puissance des États-Unis, de la Chine ou de l'Inde, il lui faut, au-delà d'une unification politique, une vision de puissance, qui lui permettrait de jouer pleinement son rôle. La mondialisation impose une volonté de puissance à l'Europe.

Pour avoir une réelle puissance, il faut une dynamique interne, que nous n'avons pas encore aujourd'hui. L'autorité est aux États-Unis et l'Europe a créé les conditions minimales pour être vassale. Mais avec un renforcement politique, l'Europe pourra prendre son envol.

Le Parlement européen est-il le garant de la démocratie ?

Le Parlement européen gère la démocratie à l'échelle européenne. Ce sont les parlements nationaux qui prennent cette responsabilité à l'échelle des États. Ce sont les parlements nationaux qui garantissent la démocratie et le Parlement européen n'est que la représentation d'un ensemble de démocraties.

41. Interview de M. Daniel Raoul, sénateur socialiste du Maine-et-Loire
réalisée par les élèves de seconde 1 du Lycée Sainte-Marie - Cholet

27 janvier 2005

Depuis la Libération de 1944-1945, quel est, selon vous, le fait européen le plus marquant ?

Je crois que, 60 ans après la Seconde Guerre mondiale, la principale avancée en tous les cas, a été de maintenir l'Europe en paix. On ne va pas revenir sur tout ce que vous entendez ces jours-ci à la radio, dans tous les médias : la Shoah, etc...

Je crois que l'avancée principale a été l'engagement d'hommes politiques, Schuman, etc... qui ont voulu construire une Europe en paix. Je crois que la construction européenne, après des siècles de guerre entre la France, l'Allemagne, l'Angleterre, et cela fait partie des cours d'histoire que, j'imagine, vous avez eus. Depuis 60 ans, il n'y a pas eu un conflit entre ces pays. Je crois que c'est le côté positif d'une organisation qui était très courageuse parce que les premières tentatives de communauté européenne, si on peut appeler ça comme ça, ont démarré à peine trois ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Les premiers contacts de l'époque datent de 1948 : alors que les populations avaient encore des griefs ou un esprit de revanche les unes envers les autres (les esprits en tous les cas n'étaient pas apaisés après toutes les exactions qu'on avait pu connaître) et que la Résistance en France n'était pas prête, non plus, à passer un traité d'amitié avec l'Allemagne. Vous imaginez tout ce qui peut traîner après une guerre [...]. Ce que je dis est aussi vrai en Allemagne qu'en France.

Il est question de plus en plus de « défendre la démocratie », pensez-vous donc que la démocratie est menacée et en danger, et pourquoi ?

D'abord, la démocratie, c'est quelque chose qui se gagne tout le temps, c'est comme la liberté. Et donc : « menacer », ce n'est peut-être pas le terme, mais il faut toujours se battre pour. Il peut toujours arriver des dérives de toute nature. Le principal danger pour la démocratie, c'est une désaffection des gens vis-à-vis de la participation à la vie démocratique.

Vous connaissez la définition de la démocratie, c'est quoi ?

Réponse d'un élève : « système politique où le peuple ou ses représentants exerce le pouvoir ».

Moi, j'en ai une autre. Démocratie : le moins mauvais des systèmes d'organisation d'une société. Alors le meilleur ! Tout dépend comment vous faites pour positiver. C'est un système d'organisation qu'on n'a pas inventé. Ce n'est pas récent, les Grecs le connaissaient déjà sauf qu'il faut mettre un bémol dans le système d'organisation : en Grèce, n'y participait qu'une certaine classe sociale, tous les hommes n'y participaient pas. Mais sur le reste, si vous regardez le fonctionnement démocratique en Grèce, on a encore des choses, je dirais, à exploiter et en tous les cas à mettre en action. Et on a encore des leçons à tirer de la civilisation grecque, parce qu'on n'a rien découvert concernant la démocratie depuis. Après on peut mettre des textes, des règlements, des choses sur les principes même.

Est-ce que vous pensez que la démocratie a besoin d'être développée davantage ? Et en particulier, nous les jeunes, quels rôles pourrions-nous avoir pour consolider la démocratie ?

D'abord la défendre. Le jour où il y a désaffection de la population vis-à-vis de toutes les institutions et de toutes les élections, le principal danger est là, d'avoir cette désaffection. On parle de la désaffection de la population vis-à-vis des politiques, par exemple. C'est le lit à n'importe quelle aventure.

Autrement dit, un homme ou une femme (on est dans le cadre de la parité) peut très bien faire du populisme sur des idées, je dirais, assez basses, les cultiver s'il n'y a pas d'organisation démocratique, que ce soit des partis, etc...

On peut revenir peut-être sur la notion des partis politiques, mais s'il n'y a pas ce genre d'organisation, s'il y a une désaffection au moment des élections, c'est le lit à n'importe quelle aventure et ça c'est le danger qui nous guette. On voit bien les événements qui se sont passés en France lors des élections présidentielles en 2002. C'est lié à plusieurs phénomènes, certes il y eu une pluralité d'expressions, je dirais, mais on confond quelquefois les élections présidentielles qui ont pour but d'élire un président avec une tribune d'expression de différentes sensibilités. Les effets, on les a vus, de ce second tour qui ne donnait pas de la France une image, en tous les cas, très positive [...].

La démocratie est très faible vis-à-vis de ça. Il appartient aux habitants, aux citoyens que vous êtes ou que vous n'êtes pas encore, d'ailleurs, de se prendre en main et d'assumer ses responsabilités. Mais la démocratie, c'est ce que vous en ferez, je crois que c'est trop facile de dire : oui, la politique, les élections, les hommes... !

C'est aux citoyens de s'exprimer et ça suppose évidemment là aussi une certaine formation. En tous les cas, je félicite vos professeurs de vous avoir amené à discuter de ce genre de choses et vous, d'y participer bien entendu, j'espère que vous êtes tous actifs, qu'il n'y a pas d'abstention, c'est là que ça se joue, c'est une confiance entre les habitants et le système démocratique. Si les citoyens n'y trouvent pas leur compte, il faut se poser des questions sur ce qu'ils attendent et sur ce que les politiques doivent faire ou dire. Est-ce que ce n'est pas notre système d'éducation qui est en cause ou qu'il ne forme pas assez les citoyens et qu'il forme peut-être des scientifiques ou des littéraires mais qu'il ne contribue pas à former les citoyens. C'est tout un débat qui va avoir lieu, sans doute, ces jours-ci, avec le projet de réforme de Fillon sur l'éducation : c'est un autre débat.

Monsieur le Sénateur, en tant que représentant des citoyens, n'avez-vous pas un rôle à jouer pour défendre, développer et surtout informer les jeunes des bienfaits de cette démocratie ?

Tout d'abord, une petite correction, vous savez comment sont élus les sénateurs, ce sont des élections par des grands électeurs et non directement par des citoyens. Je ne dis pas que je ne suis pas un représentant des citoyens, que les choses soient claires. Le corps électoral qui élit les sénateurs, ce sont essentiellement les maires, et les conseillers municipaux [...]. Ça c'était juste pour la forme.

Bien sûr qu'on doit tous y contribuer, je dois dire que j'ai beaucoup de plaisir à aller dans les écoles, les collèges même en primaire, c'est très intéressant de voir les questions des jeunes en école primaire concernant l'organisation de notre démocratie, bien sûr qu'on doit y participer et y témoigner de ce qu'on vit.

Je dirais que notre système n'arrivera jamais à la perfection. Je n'y crois pas, il faut y tendre et on dit quelquefois que le rôle du politique est de rendre le souhaitable possible. Donc, ça veut dire que (comme quand on vous met des notes quelquefois sur vos copies comme je vous l'ai dit tout à l'heure) : peut mieux faire, toujours ! Autrement dit améliorer, améliorer, et avec le retour des expériences, apporter des corrections, c'est un système en interaction permanente.

Je crois qu'il faut qu'on soit conscient, ne pas s'installer dans un système qui a ses limites, tenir compte aussi des évolutions de la population et contribuer à la formation des citoyens. Si on prend le système comme l'ex-URSS, qu'est-ce qui a provoqué l'éclatement de ce système qui n'était pas démocratique, loin de là ? C'est bien par l'élévation du niveau de formation de la population que ce système a implosé, sans qu'il y ait besoin d'ailleurs d'interactions ou d'actions extérieures. Même si dans le cadre de l'économie mondiale il y avait des effets internes, c'est bien par le niveau de formation globale sur lequel d'ailleurs l'URSS avait pas mal investi qui a fait imploser le système. Les citoyens n'ont pas accepté cette politique.

42. Interview de M. Daniel Raoul, sénateur socialiste du Maine-et-Loire
réalisée par les élèves de la classe de 1ère ES1 du Lycée Sainte-Marie - Cholet

1 er trimestre 2005

Est-ce que l'abstention est une menace pour la démocratie et, si oui, quelles sont les possibilités d'y remédier?

L'abstention est un réel problème pour la démocratie. Cela vient du fait que la citoyenneté n'est pas vraiment ancrée dans l'esprit des Français. La désaffection des Français envers la politique a pour contrepartie que seule une partie des citoyens s'approprie le pouvoir de choisir. Il est important de ne pas oublier que le vote est un droit mais aussi un devoir et que les hommes se sont battus pour l'obtenir.

L'abstention doit être perçue comme un échec de la transmission de la citoyenneté qui peut s'expliquer par un écart entre l'aspiration des citoyens et l'action des politiques. Afin de rapprocher les jeunes de la politique, des mesures ont déjà été prises telles que l'abaissement de l'âge du vote.

Quel est le pouvoir de manipulation des médias ?

En théorie, la règle des trois tiers permet d'assurer le pluralisme : un tiers est accordé au gouvernement, un autre à la majorité, le dernier à l'opposition. Cependant, d'après le Conseil supérieur de l'audiovisuel, ne peuvent s'exprimer que les partis ayant déjà eu des résultats aux élections. Cet aspect constitue une limite à l'expression des citoyens.

La sur-médiatisation correspond à un problème de déontologie des journalistes qui fournissent une information sélective. Par exemple, les journaux télévisés commencent souvent par le problème de l'insécurité. Ainsi c'est la perception de l'insécurité qui est cultivée et non les faits eux-mêmes. Une fois de plus l'information diffusée est trop sélective.

Enfin, dans les journaux télévisés ainsi qu'à la radio, on dispose de trop peu de temps pour fournir une information profonde et exhaustive.

Seule issue à ces inconvénients : favoriser les médias "alternatifs" tels que la presse écrite ou encore le web et choisir des médias de point de vue opposés pour se forger sa propre opinion quant à l'information sur le sujet en question.

La présence d'autant de partis politiques en France n'est-elle pas un frein au bon déroulement de la démocratie ?

La pluralité favorise la démocratie. En effet un grand nombre de partis permet à l'ensemble de la population de se retrouver dans des programmes différents. La liberté d'expression est plus développée. Du fait de cette multiplicité des partis les personnes sont plus susceptibles de se reconnaître et ainsi de limiter l'abstention.

De plus si les partis venaient à disparaître cela pourrait mettre en danger la démocratie en incitant des individus à essayer de prendre le pouvoir, en créant de nouveaux partis et à mettre fin à la démocratie comme en Allemagne avec le parti nazi, en 1933.

En France, en 2002, avec le grand nombre de partis politiques, les Français ont voté pour des partis extrémistes et cela, ce n'est pas normal. Donc, le grand nombre de partis embrouille les gens dans leur choix de vote et ne trouvant personne pour les représenter soit ils votent blanc ou bien votent pour des partis extrémistes ou bien s'abstiennent.

La loi relative aux symboles religieux à l'école ne va-t-elle pas à l'encontre de la démocratie, n'est-elle pas une atteinte à la liberté d'expression ?

Cette loi ne va pas à l'encontre de la démocratie cependant elle porte atteinte à la liberté d'expression.

Le voile est perçu par les législateurs plutôt comme un signe de soumission que comme un signe d'appartenance. Elle a été votée pour qu'il n'y ait plus de distinctions religieuses. Malgré tout, cela constitue une atteinte à l'expression personnelle puisque les personnes ne sont pas libres de porter ce qu'elles veulent ; mais il est vrai aussi que le port du voile empêche d'assister à certains cours ou de pratiquer certaines activités scolaires.

Ainsi se pose la question de l'uniforme : celui-ci apporterait plus d'égalité entre les élèves car il n'y aurait plus de distinctions sociales.

Le système éducatif doit-il éveiller davantage le sentiment de citoyenneté des jeunes ?

Mais comment faire en sorte que ce soit suffisamment impartial ?

Il y a eu une période d'oubli de transmission des valeurs à travers l'instruction civique à l'école. Pourtant face à la difficile régulation économique et financière à l'échelle internationale il serait nécessaire que les citoyens participent à la politique ; les citoyens doivent se prendre en charge et ne pas laisser les institutions s'autogérer.

De plus, il faudrait mobiliser l'ensemble des jeunes par le biais des enseignants. Ceux-ci devraient être tous capables de présenter différentes analyses de toutes les politiques, des analyses extérieures à leurs propres convictions. Ils devraient être capables de donner aux élèves les moyens de se forger leur propre opinion.

43. Interview de M. Thierry Repentin, sénateur socialiste de la Savoie
réalisée par les élèves du Lycée Vaugelas - Chambéry

15 janvier 2005

L'Europe est-elle un moyen de diffusion de la démocratie ? Si oui comment s'y prend-elle ?

Oui, à ses marges, l'exemple de l'intégration récente des 10 nouveaux membres montre que l'Europe sait développer ses valeurs, en particulier les droits de l'Homme.

L'Ukraine et la Géorgie montrent aussi que la volonté d'intégrer l'Europe peut créer la chute des régimes peu démocratiques : en cela l'Europe est un moyen d'extension de la démocratie.

Mais à l'intérieur même de l'Union européenne la démocratie se développe, une pratique plus démocratique du pouvoir s'instaure d'elle-même au niveau européen. Là encore les exemples ne manquent pas :

- l'augmentation du rôle du parlement démocratiquement élu,

- l'audition des membres de la commission par le parlement,

- l'évolution des institutions depuis 1957 qui deviennent beaucoup plus démocratiques.

Voilà comment l'Union européenne développe la démocratie en s'ouvrant à d'autres pays et en sachant elle-même se remettre en question pour devenir plus démocratique.

Quels sont les grands chantiers d'extension de la démocratie qui attendent l'Union européenne ?

C'est tout d'abord l'adoption d'une constitution commune aux 25 membres, mais une constitution qui dépasse la vision du traité de Rome qui voyait en l'Union européenne un simple appareil commercial, il faut que cette constitution fixe quel type de démocratie et quel modèle social on veut en Europe. C'est aussi se doter d'un appareil décisionnel qui met tous les peuples à égalité devant le vote sans prendre en compte leur poids démographique. A l'extérieur, c'est l'ouverture de l'Union européenne à de nouveaux membres car si on les rejette ils rejoindront le camp opposé : ce n'est pas la bonne solution.

Quels sont les ennemis de la démocratie ?

Il y en a deux :

- tout d'abord le terrorisme international qui menace la démocratie partout dans le monde. Nous luttons contre lui par une coopération des polices et par Interpol ;

- et surtout la pauvreté car on ne peut pas développer la démocratie dans un pays pauvre. La pauvreté est le berceau des guerres civiles et d'autres problèmes et si l'Europe ne veut pas être confrontée un jour à de graves problèmes il faut qu'elle accepte de sortir ces pays de la misère en payant leurs produits d'exportation (minerais, produits agricoles) à leur juste prix c'est-à-dire plus cher qu'actuellement. Elle doit aussi accorder une part plus importante de son budget dans l'aide au développement.

Quel est le rôle du citoyen dans la défense de la démocratie ?

Le citoyen doit absolument voter : c'est le fondement même de la démocratie ! Il doit élire lui-même ses représentant nationaux, même si aujourd'hui l'esprit cocardier est ridicule puisqu'il pèse peu dans le concert des nations.

Il faut maintenant voter « européen » car c'est désormais l'Union européenne qui agit dans le monde et non plus les États.

Les citoyens doivent aussi se rendre compte du privilège de la monnaie unique : en effet la mise en circulation de l'euro est l'acte le plus important entrepris par l'Union européenne. Afin de créer davantage un esprit « européen » et non plus « national », ce n'est plus l'État lui-même qui frappe sa monnaie, mais une ville choisie par l'Union européenne : Francfort.

Comment faire naître un esprit de citoyenneté chez les jeunes ?

Faire naître un esprit de citoyenneté européenne chez les jeunes c'est tout d'abord favoriser ce qui permet de voir l'extérieur avec par exemple les programmes scolaires LEONARDO ou ERASMUS. C'est aussi inciter les jeunes à pratiquer des langues étrangères, à voyager. C'est important de s'ouvrir au monde extérieur, de ne pas s'arrêter aux frontières nationales, en votant par exemple pour les représentants au parlement européen. Participer à la journée du 9 mai c'est aussi affirmer que l'on est citoyen européen.

44. Interview de M. Gérard Roujas, sénateur socialiste de Haute-Garonne
réalisée par les élèves du Lycée Charles de Gaulle - Muret

1 er trimestre 2005

Qu'est-ce qui vous a poussé à participer à la vie politique de votre Pays ?

Je suis issu d'une famille ouvrière. J'ai quitté l'école à l'âge de 16 ans avec une formation d'ajusteur. Quand j'ai commencé dans le monde du travail, je faisais 52 heures et demi par semaine et j'avais 3 semaines de congés. Très vite, je me suis engagé dans le mouvement syndicaliste. J'avais pris conscience que les conditions de travail des ouvriers étaient très pénibles et que seul un engagement syndical de chacun pouvait faire avancer les choses.

J'ai été candidat pour la première fois aux élections municipales à l'âge de 21 ans et j'ai été élu maire.

Pourquoi êtes-vous allé au-delà d'un mandat local ?

C'est toujours dans un souci d'engagement personnel au service de la communauté. Je suis devenu sénateur il y a 26 ans. A cette époque, j'étais le plus jeune sénateur du Sénat.

Actuellement, j'associe cet engagement politique national à un engagement local, puisque j'ai participé à la création de la Communauté des Communes du Volvestre et je préside le « Pays du sud Toulousain ». J'ai toujours pensé qu'en s'unissant on pouvait mener des actions et avancer plus facilement.

Le fonctionnement du Sénat ne doit plus avoir de secrets pour vous : pouvez-vous nous l'expliquer ? Comment est élu un sénateur et quelle est la durée de son mandat ?

Le mode d'élection d'un sénateur a été modifié en 2003. Les sénateurs sont élus au suffrage universel indirect et pour un mandat de 6 ans (auparavant il était de 9 ans) : ils sont élus par 150 000 « grands électeurs ». Les « grands électeurs » sont les députés, les conseillers généraux, les conseillers régionaux et des délégués des conseils municipaux qui participent à l'élection des sénateurs.

Combien y a-t-il de sénateurs et la parité hommes/femmes est-elle une règle respectée par le Sénat ?

Depuis la modification votée en 2003, le Sénat doit compter 331 parlementaires (321 sénateurs auparavant) parmi lesquels nous avons 17 % de femmes. Ce pourcentage est plus important que celui de la représentation féminine à l'Assemblée nationale.

La répartition du nombre de sièges de sénateurs à pourvoir se fait en fonction du nombre d'habitants dans le département.

Quel est donc le rôle du Sénat ?

Le rôle du Sénat est de voter les lois et d'exercer un contrôle sur l'action du gouvernement. En ce qui concerne le vote des lois, il existe un système de navettes entre les deux assemblées : le texte de loi est étudié par une assemblée puis par l'autre (deux navettes sont ainsi prévues) et si un désaccord subsiste, c'est l'Assemblée nationale qui aura le « dernier mot ».

L'accord du Sénat est toutefois indispensable quand il s'agit d'un texte de loi qui doit réviser la Constitution. Le Sénat et l'Assemblée nationale exercent conjointement le pouvoir législatif. Contrairement à l'Assemblée nationale, le Sénat ne peut pas être dissous. Le rôle du sénateur consiste à participer à des commissions, au total il en existe 6. Dans le cadre de sa fonction de parlementaire il participe à des discussions, il rencontre les représentants d'organisations syndicales, des personnes représentatives en fonction du texte de loi qui doit être voté. Au fil des années, je constate que le rythme de travail du sénateur a évolué : avant, il avait plus de temps pour la réflexion, la discussion.

Selon vous à quoi est due cette évolution ?

Certainement à l'évolution que connaît l'Europe et à la nécessité de mettre en adéquation notre Constitution avec les textes européens.

Puisque vous abordez la question de l'Europe, quel est le lien entre l'évolution de l'Europe et la Constitution française ?

Depuis que j'exerce la fonction de sénateur, j'ai participé à 11 révisions de la Constitution française. Chaque modification doit être approuvée par les 3/5 des représentants du Congrès du Parlement. Le Congrès du Parlement est l'assemblée qui réunit les députés et les sénateurs sous la présidence du Président de l'Assemblée nationale. Ils sont convoqués à Versailles pour voter les modifications de la Constitution.

Plusieurs des révisions de la Constitution, auxquelles j'ai participé, étaient justifiées par les exigences de l'Union européenne. Il fallait mettre en adéquation la Constitution française avec les textes européens. Ce développement européen doit se faire en tenant compte du citoyen et du respect de la démocratie.

Si nous restons sur le thème de la démocratie, pouvez-vous nous en donner une définition ?

Il y a une classification dans l'exercice de la démocratie. Nous pouvons parler de la démocratie directe : le peuple exerce sa souveraineté en participant à un référendum (il y en a eu plusieurs au cours de la Vème République). D'autre part, nous pouvons parler de la démocratie représentative : le peuple exerce sa souveraineté par l'intermédiaire des représentants qu'il a élus. Je considère que la démocratie c'est une représentation collective où tout le monde participe à la construction du futur.

Qu'est-ce qui pourrait nuire à notre démocratie ?

Il existe différents éléments qui à mon sens pourraient nuire à la démocratie. Tout d'abord l'indifférence des citoyens qui ne prennent pas part aux votes. Ils laissent aux autres toute latitude pour décider à leur place.

D'autre part, il faut que la loi qui est la même pour tous soit respectée par tous : personne ne peut se placer au-dessus de la loi.

Le troisième élément qui à mon sens peut nuire à la démocratie, c'est le phénomène de mondialisation qui se développe : un marché financier mondial qui dicte des lois ne peut laisser que peu de place à la défense des intérêts des citoyens.

Que peut donc faire un citoyen pour défendre la démocratie ?

Tout homme et toute femme doit pleinement jouer son rôle de citoyen. Chacun doit s'interroger sur la société, sur ce qu'il souhaite qu'elle devienne. Chaque citoyen doit proposer des solutions et participer à la vie de la cité. Au-delà de ses origines culturelles, familiales ou de sa formation professionnelle, chacun doit participer et essayer de construire une société juste de laquelle il ne sera pas exclu. Il en est de même pour la place du citoyen français en Europe.

Le citoyen français doit se projeter dans une Union européenne en plein développement. Pensez-vous justement que, dans quelques années, « l'identité européenne » pourrait se substituer à l'identité française ?

Si nous voulons atteindre une Europe construite et forte, je pense effectivement que « l'identité européenne » prévaudra. Mais il faut s'interroger sur quelles bases ? Mettra-t-on en avant les intérêts humains ou les intérêts financiers ?

Pour conclure, quels conseils donneriez-vous aux futurs citoyens que nous serons demain ?

Je reviens sur le fait que chaque citoyen doit participer à la vie culturelle, associative ou politique de sa ville ou de son village. Les origines importent peu. Vous ne devez jamais oublier que d'autres citoyens avant vous ont lutté, se sont engagés pour obtenir les droits que nous avons aujourd'hui.

Pour que la démocratie soit véritablement représentative, il faut que tous les citoyens participent à sa construction.

45. Interview de Mme Patricia Schillinger, sénatrice socialiste du Haut-Rhin
réalisée par les élèves du Lycée Kirschleger - Munster

14 mars 2005

Comment vous, Mme Schillinger, nouvelle sénatrice, voyez-vous votre rôle dans ce cadre pour faire avancer la démocratie de manière générale ?

Je vous demande votre indulgence car je suis élue depuis cinq mois et c'est ma première expérience de ce genre. Je pense que mon rôle en tant que sénatrice est de représenter le département et les collectivités locales avec pour la première fois la parité hommes et femmes. Les sénateurs sont les voix des élus locaux au niveau national. On porte les dossiers des villes et des écoles au niveau national en modifiant la loi selon les besoins.

En quoi le Sénat a-t-il son mot à dire dans la construction européenne ?

Toutes les modifications législatives et projets européens sont obligatoirement soumis au Sénat. Le Sénat entend également le ministre des affaires européennes et dispose d'une délégation spécialisée. La convention présidée par M. Valéry Giscard d'Estaing, [pour préparer le traité constitutionnel], était composée des parlementaires venant de tous pays avec deux sénateurs français : Hubert Haenel pour la majorité et Robert Badinter pour l'opposition.

Vous avez participé au Congrès qui s'est tenu à Versailles. Comment avez-vous vécu cet événement ? Comment le Congrès s'intègre-t-il dans la construction européenne ?

Cet événement était pour moi un moment émouvant et fort. La Constitution européenne prévoit la participation des parlements et des élus nationaux à la construction européenne.

On reproche souvent à l'Union européenne de ne pas être assez démocratique. Qu'en pensez-vous ?

L'intégration du droit européen au droit national me paraît la plus importante évolution dans nos institutions. Notre défi est de bâtir un système sans précédent, l'aventure européenne, librement consentie entre peuples européens. L'élargissement nous a obligé à réaffirmer nos valeurs (10 nouveaux pays membres de l'Union européenne en 2004). Le traité constitutionnel propose un code d'idées communes sur le rôle de l'Union européenne dans le monde et sur sa politique de défense. Elle doit être acceptée librement par les 25 pays par référendum ou vote des Parlements. Les avancées du nouveau traité sont : le référendum d'initiative populaire, l'extension des compétences de la Cour de Justice, la participation des Parlements nationaux aux textes européens et l'augmentation des pouvoirs du Parlement européen, de nouveaux droits fondamentaux dont l'égalité hommes et femmes, l'interdiction du travail des enfants....

Il y aura un ministre européen unique des affaires étrangères et un président du Conseil européen élu pour deux ans et demi. Une délégation du Sénat s'occupe de toutes les questions européennes qui sont obligatoirement soumises au Parlement donc au Sénat.

D'après vous, quels rôles pouvons nous jouer en tant qu'élèves et jeunes citoyens pour développer et défendre la démocratie ?

L'école est un endroit d'apprentissage de la citoyenneté, avec des thèmes importants comme : le respect d'autrui, la tolérance, la laïcité, la lutte contre le racisme. L'éducation civique, juridique et sociale au lycée a également son rôle avec des débats en classe argumentés, et également l'implication dans la vie associative qui permet d'être citoyen et peut être plus tard conseiller municipal.

46. Interview de M. Michel Thiollière, sénateur RDSE de la Loire
réalisée par les élèves du Lycée Notre Dame de Valbenoîte - Saint-Etienne

4 mars 2005

Qu'est-ce que la démocratie et que faites-vous en tant qu'élu local et national pour la défendre et la développer ?

Selon moi, la démocratie c'est beaucoup de choses à la fois. Elle permet au citoyen de participer à la vie de son quartier, de sa ville, de son pays en élisant au suffrage universel des conseillers municipaux, des députés, des sénateurs ainsi que le Président de la République.La démocratie n'est pas une valeur si répandue dans le monde et nous avons la chance de vivre sous un régime démocratique.

En tant que maire, je peux défendre la démocratie puisque je suis moi-même élu par un vote démocratique. Ainsi, chaque mois, je propose des projets au conseil municipal qu'il accepte ou non. De plus, je privilégie la démocratie de proximité : des conseils de quartiers se réunissent au moins trois fois par an et me font part de leurs idées en ce qui concerne la ville et son aménagement.

Avec les menaces qui pèsent sur la démocratie (attentats, antisémitisme, néo-nazisme) pensez-vous que les jeunes sont suffisamment informés, sensibilisés et éduqués à la démocratie ?

La démocratie est toujours menacée, ce n'est pas quelque chose d'éternel. C'est un système ouvert, libre mais fragile. Dans une démocratie tout le monde a la parole, les démocrates et ceux qui ne le sont pas. Il y a toujours le risque, dans une démocratie de voir arriver au pouvoir une personne qui ne la respecte pas. Ce fut le cas en Allemagne. Vous avez appris qu'Hitler a accédé au pouvoir démocratiquement mais il a rapidement instauré une dictature. Il faut donc être vigilant. Les jeunes ne sont pas plus mal informés que les autres catégories de population. En tout cas, ils ont plus de moyens pour s'informer : les médias, Internet.....Mais les jeunes ainsi que les adultes n'utilisent pas toujours les moyens mis à leur disposition pour s'informer et je suis surpris de voir que certaines personnes ne savent pas comment fonctionne la démocratie dans leur propre pays !

L'école a un rôle à jouer : elle doit apprendre aux jeunes à être de bons citoyens mais aussi à devenir des adultes capables de s'engager, a se proposer comme candidats à une élection par exemple. Bien sûr, cela demande des efforts...

Quelle est votre position par rapport à la constitution européenne et considérez-vous qu'elle défend et développe la démocratie ?

Pour ma part, j'y suis favorable et je voterai oui lors du référendum. Ce texte même s'il n'est pas parfait constitue un socle, une bonne fondation pour aller plus loin. Ce sera le texte le plus important de l'Union. De plus, il me semble que cette constitution défend la démocratie car , elle est composée, entre autres, d'une charte des droits fondamentaux qui est si vous voulez, l'équivalent de notre Déclaration des Droits de l'Homme . Elle rappelle quelques points fondamentaux : l'égalité des droits, le respect des croyances...

L'élargissement de l'Europe favorise-t-il la démocratie sachant que certains pays ont adopté depuis peu ce régime ?

Je pense que c'est un défi qui n'est pas facile à relever pour la démocratie, la liberté et la paix car une Europe à 25 c'est déjà plus difficile à organiser qu'une Europe à 6 ! Mais cela vaut le coup de s'en occuper ! Il faut aider les jeunes démocraties à rester des démocraties et aider ceux qui veulent entrer à adopter le régime démocratique. Ainsi, je suis favorable à l'entrée de la Turquie car cela l'obligera à consolider sa démocratie.

D'après vous, comment la démocratie peut-elle évoluer en France et en Europe ?

C'est une question qui me préoccupe. La démocratie est en constante évolution. On la vivait différemment en 1900 et on la vivra autrement en 2050. Il n'y a pas si longtemps que les femmes votent ou que le Président de la République est élu au suffrage universel. Comment vivre mieux la démocratie demain ? A mon avis, on va aller de plus en plus dans le sens de la collégialité. C'est fini le temps ou l'on décide de tout, tout seul. Pour que la démocratie fonctionne, il faut se concerter beaucoup plus, c'est un atout majeur. Avant de prendre une décision, il faut savoir écouter tous ceux qui sont concernés et lorsqu'une opinion se dégage, agir. Et puis, prendre le temps, faire mûrir les décisions.

47. Interview de M. François Trucy, sénateur UMP du Var
réalisée par les élèves
du Lycée technologique et professionnel Marie-France - Toulon

1 er trimestre 2005

Pourquoi « construction européenne et démocratie » vont-elles de pair ? Sont-elles indispensables ?

L'Europe « chance exceptionnelle » pour la démocratie. S'il n'y avait pas le projet européen, un problème difficile à résoudre, on se débrouillerait tout seul. La Communauté Européenne serait encore « au charbon et à l'acier » si on n'avait pas développé davantage l'Europe. Cette constitution est une étape de la construction européenne. Si on gère l'Europe, ce serait exceptionnel pour la démocratie.

Quelles sont les grandes menaces qui pèsent sur la démocratie en Europe ?

Le premier est d'ordre politique (actualité référendum en France en mai 2005). Modification au sujet de la Constitution que l'Europe avait adoptée. Le risque premier est le coup d'arrêt de la marche européenne.

Les pays risquent de devenir politiquement fasciste ou d'extrême gauche car l'Union européenne fonctionne sur la démocratie. Les partis politiques prennent un risque de se faire battre sur l'idée européenne. Il peut y avoir des dérives européennes car de nouveaux pays tels que « la Roumanie, la Hongrie » s'opposent à l'intérieur de l'Union européenne sur de grandes questions : risque de surplace et d'à coups.

Il peut y avoir des dérives internes. Certains pays ont un niveau de vie qui n'a pas grand-chose à voir avec celui de la France ou de l'Italie ou de l'Allemagne par exemple, qui apparaissent aux nouveaux adhérents comme un paradis avec beaucoup de richesses.

Ils vont tous s'améliorer comme « le Portugal et la Grèce ». Les Portugais ont un niveau de vie qui a augmenté. Autrefois, il y avait une immigration portugaise et les gens allaient prendre des bas emplois pour travailler dans l'agriculture en France.

Dans le contexte politique, économique et social français, quelles sont les grandes menaces qui pèsent sur la démocratie française ? Pouvez-vous nous les énumérer et nous les expliquer ?

Je serai « optimiste ». On a connu des périodes épouvantables. La liberté d'expression, c'est la liberté, celle de voter, de penser, de religion. Toutes ces libertés sont bien mises en place. C'est le respect de la liberté, on peut critiquer le pouvoir politique par exemple celui du maire, du Parlement... et puis la presse est libre même si elle n'est pas riche financièrement.

Elle est riche d'idées. La presse britannique est honteuse d'idées, elle fait du « fric » avec n'importe quelle histoire invraisemblable. Ce n'est pas de l'information sans discernement. Ce n'est pas de l'information si le peuple reçoit des histoires « fadas », ils ne sont pas instruits. Cette montée vers la reconnaissance des choses ne se passe pas bien mais on peut l'espérer. La Hongrie, c'était un pays qui était derrière. Maintenant, il plafonne mais à un moment donné, on a dit : « mais où vont les théories comme ça sur le racisme, l'immigration, tout ce qui fait peur aux gens ». On s'aperçoit qu'il y a beaucoup de différences mais la meilleure politique qui prend comme fond de commerce exploite la crainte naturelle des gens, la « trouille », l'égoïsme. Tout parti qui fait comme ça est dangereux (vision optimiste).

Le risque est permanent et universel. Il n'y a pas de régime politique épargné. La corruption se trouve dans n'importe quel régime, n'importe quelle organisation démocratique car c'est une défaillance personnelle, ce n'est pas une défaillance d'idée mais d'un homme ou d'une femme qui tout à coup détourne de l'argent, combine et mélange la caisse de tout le monde, ce qui n'est pas permis, et c'est à la justice du pays, l'organisation démocratique du pays, de critiquer son comportement.

La guerre droite/gauche qui était virulente, il y a 20 ou 30 ans, se trouve amoindrie sur le plan économique, sur l'évolution des idées, des programmes des deux groupes droite/gauche. Ils se sont incroyablement rapprochés alors qu'il n'y a maintenant plus de différence. Les Américains ne sont pas un grand exemple de démocratie, c'est ceux qui votent le moins. Aux élections, le pays qui vote le plus est la France comparée aux voisins européens et aux États-Unis.

L'instabilité économique et sociale constitue un risque. Il faut donc créer de nouveaux emplois. Ce qui veut dire de nouvelles formations techniques. On était dans le temps le quatrième pays exportateur pour la taille de notre pays, c'est pas mal. Maintenant, on est cinquième « fusée Ariane » et autres prouesses. Mais, ailleurs, on n'est pas forcément les meilleurs. Tout le matériel informatique ne vient pas de chez nous, donc on a raté d'être les leaders dans ce domaine, alors la lutte contre le chômage, c'est la formation.

Que peut et doit mettre en place l'État français afin de préserver le système républicain et démocratique dans le contexte de la construction d'une Europe enfin pacifique et démocratique et face à des menaces fortes ?

La grande base des choses, c'est la loi qui peut interdire un parti dangereux, un parti qui est l'émanation d'une secte, par exemple. Celles-ci peuvent endormir des milliers de gens et leur piquer leur argent. C'est une partie des précautions qu'on peut prendre.

Il faut surtout donner des informations aux gens, ceux-ci doivent être vigilants sur ces informations, donc l'État ne doit pas être faible économiquement.

Le développement de la démocratie française et européenne doit être envisagé de quelle façon ?

Les gouvernements sont perpétuellement vigilants là-dessus, quelle que soit leur nature politique. Depuis un grand nombre d'années, il n'y a jamais eu de majorité qui a gardé le pouvoir au-delà de cinq ans. Les majorités de gauche et de droite disent la même chose.

48. Interview de M. André Vantomme, sénateur socialiste de l'Oise
réalisée par les élèves du Lycée Cassini - Clermont-de-l'Oise

25 février 2005

Quand on veut défendre la démocratie en Europe, on doit tout d'abord savoir quels sont les fondements de cette union originale d'États ?

L'idée de l'Union européenne est née après la seconde guerre mondiale. Après les deux conflits mondiaux, l'Europe était totalement ravagée. Dans un premier temps, on a décidé de créer une coopération économique entre la France et l'Allemagne pour éviter une nouvelle confrontation entre ces deux puissances et pour sauvegarder la paix en Europe.

Qui est à l'origine de cette démarche ?

Deux hommes politiques français sont à l'origine de cette politique novatrice. Il s'agit tout d'abord de Jean Monnet, qui a pris l'initiative de créer la CECA à laquelle ont participé la France, l'Allemagne, les pays du Benelux et l'Italie. Robert Schuman a concrétisé ensuite ces idées et a trouvé en Konrad Adenauer, chancelier allemand, un homme d'État allemand favorable à l'idée de la construction européenne. Ce que ces trois hommes nous ont appris sur l'Europe, c'est que sa construction avance à petits pas concrets et non pas par de grandes visions.

Que peut faire alors un jeune d'aujourd'hui pour poursuivre le travail de ces pères fondateurs de l'Europe ?

Un jeune Français a plusieurs possibilités pour s'investir dans l'Europe. Premièrement, l'apprentissage des langues vivantes me paraît indispensable. Puis, il peut utiliser les comités de jumelage ou les programmes européens (Erasmus, Voltaire, ...) pour aller à la rencontre des autres européens. C'est fondamental. Et puis, le jeune citoyen doit utiliser son droit de vote. Par ce biais, il peut participer au développement de la construction européenne. Enfin, pourquoi ne pas s'investir dans la vie associative ou les partis politiques ? Pour que l'Union européenne réussisse, il faut des citoyens passionnés. Cela suppose un investissement de leur part.

Quel est le poids de l'Union européenne dans la vie du citoyen français ?

L'Europe est de plus en plus importante. Il faut savoir qu'une grande partie du travail parlementaire en France est en réalité l'adaptation des lois européennes à la législation française. En réalité, le droit communautaire prime dans beaucoup de domaines sur le droit national. La Cour européenne de justice est le dernier recours du citoyen français en cas de problème juridique.

Quelle influence politique reste-t-il alors aux institutions françaises ?

Le gouvernement français par exemple participe aux débats européens pour faire valoir les intérêts de la France. Cette influence dépend de l'importance d'un État dans l'Union, de la puissance économique et de son poids démographique.

Mais ne trouvez-vous pas qu'il y a en France trop d'instances administratives ?

Non, pas du tout. Les gens qui pensent qu'il faut imiter un autre pays et supprimer les départements, par exemple, font une grave erreur. Les départements sont un espace de proximité et font vivre la démocratie française. Sur le plan national, il faut respecter l'histoire d'un pays et les institutions démocratiques qui en découlent. Ne serait-il pas préférable au sein de l'Union européenne de maintenir une « biodiversité politique » des institutions des pays membres ?

Justement, en parlant des institutions, estimez-vous que la future constitution européenne constituera un progrès pour l'Union ?

Ce n'est pas si simple que ça. Une Constitution est un texte qui rappelle les valeurs fondamentales et qui détermine l'organisation du pouvoir politique pour gouverner un pays démocratique. Or, le traité constitutionnel qui nous est proposé dépasse le cadre d'une Constitution dans la mesure où on essaye de définir, une fois pour toutes, des règles économiques et sociales, basées sur une vision néo-libérale de l'Europe. Cela fige donc l'avenir de l'Union européenne pour cinquante ans.

Vous êtes donc, apparemment, plutôt contre cette Constitution ?

Je voterai cette Constitution s'il n'y avait pas ce volet social et économique qui n'a rien d'une Constitution. D'autre part, on ne devrait proposer à un référendum que des textes lisibles pour tous les citoyens et compréhensibles de tous. Ce n'est manifestement pas le cas.

Vous seriez donc plutôt favorable pour adopter cette Constitution par un vote parlementaire ?

Le référendum n'est pas utile si la population n'est pas en mesure de comprendre un texte extrêmement compliqué et que beaucoup n'auront pas le courage de lire. D'autre part, le risque est fort dans notre culture politique de répondre davantage à l'initiateur du référendum qu'à la question posée.

Un autre débat actuel en Europe, c'est l'élargissement de l'Union européenne à d'autres pays, y compris la Turquie. Pensez-vous qu'il existe une limite naturelle de l'Union européenne ?

Pour moi, il existe plusieurs définitions de l'Europe : une définition géographique, historique et culturelle. On peut comprendre qu'un pays veuille partager le bien être économique et la vie démocratique de l'Union européenne, surtout si celui-ci fait de grands efforts pour partager nos valeurs démocratiques et pacifiques. Mais l'adhésion à l'Europe doit aussi rester cohérente avec l'histoire et la géographique. Il faut mesurer les inconvénients d'une Europe hypertrophiée et imaginer qu'on pourrait avoir recours à d'autres formes de collaboration avec les pays qui voisinent l'Europe.

Finalement, quelle est votre position par rapport à l'Europe ?

Je suis un européen convaincu. Je suis profondément, résolument européen. Je suis confiant en l'avenir de l'Europe. C'est pourquoi, je suis si exigeant concernant son développement démocratique.

49. Interview de M. Jean-Paul Virapoullé, sénateur UMP de La Réunion
réalisée par les élèves du Lycée Leconte de Lisle - St Denis La Réunion

2 décembre 2004

A votre avis, quels sont respectivement les rôles d'un citoyen actif et d'un homme politique responsable au sein de notre démocratie ?

Le rôle du citoyen a été forgé par ceux qui ont crée la République pendant la Révolution française. La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen avec ses trois principes fondateurs que sont la liberté, l'égalité et la fraternité a donné la matrice de toutes les constitutions démocratiques. Ce document définit ainsi jusqu'à nos jours le rôle du citoyen. Initialement celui-ci a donc été un révolutionnaire, un contestataire. Aujourd'hui encore, il doit être à la fois fondateur et acteur de la démocratie, et ceci d'une façon permanente. Le citoyen doit exercer un rôle d'observateur actif et vigilant et ainsi contrôler le bon fonctionnement de la démocratie. Participer aux élections et à d'autres consultations populaires est essentiel à cet égard, mais ce n'est pas la seule possibilité de remplir ce rôle. Les récents événements en Ukraine en sont un exemple actuel. Le citoyen doit s'informer et être au courant de l'actualité locale, nationale et internationale pour pouvoir être un maillon actif d'une véritable démocratie participative afin de saisir les (ou au moins une des) différentes formes de celle-ci, que ce soit le syndicalisme, la vie associative ou politique. Finalement, le concept de citoyenneté est essentiellement défini comme un ensemble interdépendant de droits (accès à l'éducation, à l'emploi, aux soins, à l'hébergement, le droit de vote et les autres libertés fondamentales), mais également de devoirs (le respect de l'autre, des lois, mais également d'autres obligations comme le paiement des impôts). En somme, le citoyen actif et responsable doit donc exercer ce triple rôle d'observateur, de juge et d'acteur afin que l'idéal républicain puisse être, sinon parfaitement atteint, au moins un objectif réaliste.

L'homme politique se doit tout d'abord dire la vérité aux citoyens, quel qu'en soit le prix. Son rôle essentiel est donc d'abord de communiquer, d'informer la population qui certes constitue son électorat. Il doit être à l'écoute des citoyens avant de défendre ou de prendre telle ou telle décision. Pour cela, il doit suivre son intime conviction de ce qui est juste et dans l'intérêt du bien commun. Il doit ainsi faire, si nécessaire, un travail de conviction, soit auprès des citoyens, soit auprès de son propre parti ou du gouvernement. Il lui faut donc éviter de suivre des motivations purement électoralistes, car un homme politique qui agirait ainsi perdrait rapidement sa dignité, sa crédibilité et donc sa capacité de participer au gouvernement de la cité. Un homme politique responsable ne doit donc pas prendre ses désires pour la réalité, ne pas se laisser déconnecter de celle-ci. Il doit rester humble et sincère et ne jamais oublier qu'il est au service de la communauté. Pour pouvoir exercer le rôle qui est le leur au sein de la démocratie, l'homme politique et le citoyen doivent donc tous les deux se mettre en question d'une façon continue.

Pourquoi, selon vous, relativement peu de citoyens s'intéressent-ils au thème de l'Europe politique ? Qui devrait faire quoi pour que cela change et pour que l' « Europe des citoyens » soit plus qu'une simple déclaration d'intention répétée à volonté ?

Il faut d'abord rappeler les immenses avantages que le processus de l'intégration européenne a apportés aux Européens depuis les Traités de Rome: bientôt cinquante ans de paix, les quatre libertés fondamentales communautaires dont profitent tous les citoyens européens, et bien que certains affirment souvent le contraire, une démocratisation grandissante des institutions de l'Union, par exemple l'élection directe du Parlement depuis 1979, ensuite l'instauration du mécanisme de codécision entre le Parlement et le Conseil des Ministres européens ou encore la nécessité pour la Commission d'être approuvée par le Parlement. Il faut donc achever cette démocratisation de l'Europe, son gouvernement, à savoir la Commission et un futur président européen, n'étant pas encore démocratiquement élus, mais nommés par les États-membres. De plus, il faut informer et consulter les citoyens des grands dossiers qui attendent l'Union dans un avenir proche, c'est-à-dire l'Europe sociale et l'Europe de la défense, afin de pouvoir défendre le modèle européen face aux autres deux grands blocs que sont l'Extrême-Orient et l'Amérique. Je voudrais citer l'ancien président de la commission, Jacques Delors, qui m'a confié un jour : « L'Europe sera politique ou elle disparaîtra. » Il faut donc impliquer concrètement les citoyens dans une Europe qui est la leur. Il faut dire clairement aux gens qu'ils sont de plus en plus concernés dans leur vie quotidienne par les lois européennes transcrites ensuite dans le droit national. Il ne faut donc pas laisser les autres décider à sa place. La participation en augmentation aux dernières éditions des élections européennes (1) et également au référendum interne socialiste sur la constitution européenne sont autant de signes encourageants qui montrent qu'il n'est pas vrai que les gens ne s'intéressent pas à l'Europe. Plus les eurodéputés élus par le peuple auront de pouvoir, plus les citoyens se sentiront concernés par l'Europe. Il faut continuer à oeuvrer dans ce sens et l'Europe des citoyens, votre Europe, deviendra réalité.

Le projet de constitution européenne, qu'apporte-t-elle de vraiment nouveau pour le citoyen et pourquoi devrait-elle être adoptée ou rejetée ?

Il faut d'abord préciser qu'il s'agit d'un traité constitutionnel, pas vraiment d'une constitution. Il s'agit d'un document très complexe qui va vers une constitution. Celle-ci devra, dans l'avenir, clairement définir un idéal européen. Car c'est cela, le rôle primordial d'une constitution. Si le « non » l'emporte, l'Europe n'est pas morte. Il resterait toujours le Traité de Nice qui certes est loin d'être un traité parfait. L'Europe connaîtrait dans le cas d'un rejet de la constitution sans aucun doute une situation très critique, mais c'est toujours en surmontant des crises que la construction européenne a réussi d'avancer. Si c'est par contre le « oui » qui l'emporte lors du référendum de ratification en France, cela contribuerait largement à rendre l'Europe plus démocratique et donc à se rapprocher de l'Europe des citoyens.

La récente notion de citoyenneté européenne, signifie-t-elle pour vous la possibilité de créer éventuellement un jour les États-Unis d'Europe ou plutôt le maintien d'une Europe purement intergouvernementale des États-Nations ?

Si vous me demandez s'il nous faut une souveraineté européenne, la réponse est « oui » sans hésitation. Il nous faut une relation de cause à effet entre les électeurs et les institutions européennes. Autrement dit, il doit y avoir un parlement démocratiquement élu, ce qui est déjà le cas, et peut-être un jour également un président européen élu par le peuple, ce qui n'est pas encore le cas pour le moment. Mais je suis convaincu qu'il y aura d'ici dix, quinze ou vingt ans un État européen doté d'une légitimité démocratique. C'est seulement par ce biais que l'on pourra donner un contenu concret à la notion de citoyenneté européenne. Il faudra un État européen avec un système économique, social et politique commun dont les bases sont jetées. A cela doivent s'ajouter un budget et une véritable défense commune pour réduire la dépendance de l'OTAN et des États-Unis. En outre, dans cet État européen, l'aspect humain doit primer sur l'économique, autrement dit : l'économie sociale du marché. Les États-Unis sont sans doute un exemple, mais pas forcément un modèle. Par rapport à la question qui est de savoir quel genre d'État européen on aura, donc une Europe fédérale ou une Europe autrement faite, c'est l'avenir qui nous en donnera la réponse.

Comment pourrait-on définir le rôle et la place de la Réunion dans l'Union européenne et dans quelle mesure ce rôle va-t-il évoluer suite à l'élargissement de l'Union à 25 membres ?

L'objectif pour la Réunion doit rester l'égalité et la justice sociales et économiques par rapport à la France et l'Europe, et cela en prenant en compte les handicaps naturels et structurels de notre île, tels que l'insularité extrême et l'éloignement. Il a fallu et il faudra encore se battre pour qu'un statut spécial soit octroyé aux départements d'outre-mer dans le cadre des Traités de l'Union européenne et dans la nouvelle constitution européenne pour que ces spécificités locales soient prises en compte par les autorités communautaires. Comme Madère et les Açores côté portugais et à l'instar des Canaries côté espagnol, la Réunion ainsi que la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique bénéficient désormais du statut de Régions ultrapériphériques, mais font bien entendu partie intégrante de l'Union européenne. Ceci permet notamment de recevoir des aides considérables des différends fonds européens. Mais en échange de cette solidarité, les Réunionnaises et les Réunionnais doivent se demander, comme tous les autres Européens aussi, ce qui leur vaut le privilège d'être des citoyens européens. Ils devraient réfléchir à ce qu'ils peuvent de leur part apporter aux métropoles française et européenne, et bien que la Réunion ne pèse pas très lourd économiquement, ce ne sont pas les arguments qui manquent. Dans le domaine purement économique, notre île dispose d'une zone maritime assez considérable qui est un atout essentiel pour l'Europe et la France dans l'Océan Indien. En ce qui concerne notre société, la Réunion pourrait, avec ses valeurs d'intégration et de respect mutuel entre les différentes origines culturelles, ethniques et religieuses de sa population, être un modèle pour une future société européenne en gestation. Ni le récent, ni d'éventuels élargissements futurs de l'Union européenne ne devraient empêcher d'atteindre ces objectifs. La République française a donné à notre île une identité politique, sociale, économique et culturelle. C'est grâce à cette identité-là que la Réunion a aujourd'hui le droit de s'appeler une région européenne dans l'Océan indien, une région ultrapériphérique certes, mais une région qui fait partie de la communauté de valeurs qu'est l'Europe. C'est cela en quoi consiste notre avenir.

(1) Vu les chiffres, le contraire nous semble tout de même être le cas, au moins à l'échelle européenne

50. Interview de Richard Yung, sénateur socialiste représentant les Français établis hors de France
réalisée par les élèves du Lycée français Molière - Madrid

1 er trimestre 2005

La démocratie doit-elle autoriser la représentation parlementaire de groupes politiques extrémistes ?

Si ces groupes politiques sont « parlementaires », cela veut dire qu'ils ont été élus selon les règles en vigueur dans le système démocratique en question. Il faut donc vivre avec eux. Il faut alors les combattre politiquement, les isoler (aucun accord avec eux pour quoi que ce soit : ni sur les idées ni sur les élections même régionales ou locales). C'est ce que nous avons fait et faisons avec le Front National en France ou avec les partis néo-nazis en Allemagne. Si ces partis vont encore plus loin et utilisent la violence, il faut alors les interdire et les combattre avec tous les moyens de répression policiers (ETA, mouvements islamistes radicaux, ...) mais il faut bien avoir conscience qu'interdire ou dissoudre une formation politique n'est qu'un pis-aller, car la formation va renaître immédiatement sous une autre forme et clandestinement, donc plus difficile à traquer. Les combattre politiquement sur le plan des idées et de l'électorat est préférable et plus efficace.

En quoi la nouvelle constitution européenne sera-t-elle en mesure de favoriser le développement de la démocratie ?

Le projet de traité constitutionnel européen représente une avancée dans la démocratisation des institutions européennes puisqu'il prévoit, entre autres : l'élection d'un Président de l'Union pour 2,5 ans, l'élection d'un Président de la Commission par le Parlement européen, la nomination d'un Ministre des affaires étrangères, un développement des lois européennes prises en co-décision par le Parlement européen, l'intégration de la Chartre des droits fondamentaux, la possibilité d'un référendum d'initiative populaire.

L'abstentionnisme est-il un danger pour la démocratie ?

Oui, c'est même le premier d'entre eux ; si les citoyens ne votent pas, c'est qu'ils ne se sentent pas concernés ou qu'ils pensent que cela ne sert à rien. Il n'y a donc plus d'adhésion populaire aux choix et orientations politiques du Parlement et du gouvernement. C'est la porte ouverte aux idéologies antidémocratiques, populistes, autoritaires. C'est malheureusement le cas dans le vote des Français hors de France (20 % de votants) mais pour d'autres raisons, parce que voter y est difficile (éloignement des bureaux de vote, inscriptions sur les listes ...). Il nous faut tout faire pour combattre ces tendances.

Dans quelle mesure l'armée peut-elle contribuer à défendre la démocratie ?

Dans une démocratie parlementaire classique (Grande-Bretagne, France, Pays-Bas, ...), l'armée ne joue pas de rôle politique. Elle est sous le contrôle du gouvernement élu, rend compte au Parlement, prend acte des changements de majorité politique et se tait (on l'appelle « la grande muette »). Sa fonction est technique : défendre le territoire, protéger les institutions, porter l'action à l'étranger si le gouvernement le lui demande. En période de guerre, les choses sont plus complexes car l'armée est alors au coeur de toute l'action mais elle doit néanmoins rester sous le contrôle des politiques (Clemenceau disait : « la guerre est une chose trop importante pour être confiée aux militaires »). Dans certains pays où les autres institutions de l'État sont faibles ou inexistantes, il arrive que l'armée comme force organisée et implantée sur tout le territoire joue un rôle politique (par ex. certains régimes caudillistes d'Amérique latine, l'Algérie, plusieurs pays d'Afrique subsaharienne, les pays communistes comme la Chine).

En quoi l'Union européenne peut-elle contribuer à consolider la démocratie dans les pays candidats à l'adhésion ?

L'adhésion à l'Union européenne est un puissant vecteur de renforcement de la démocratie pour les pays qui le font et dans lesquels, pour différentes raisons, la démocratie avec ses règles relatives à la liberté de penser, de s'exprimer, de fonder des partis politiques, de libres élections, ... n'est pas encore fortement enracinée. L'adhésion à l'Union européenne est subordonnée au respect de toutes ces règles plus des milliers d'autres (suppression de la peine de mort, construction d'une économie de marché, protection minimale des travailleurs, ...). Ceci s'appelle « l'acquis communautaire » et n'est pas négociable. L'Union contrôle tous ces éléments de façon très sérieuse et fait pression sur les gouvernements des pays. Pensez à ce qui se passe pour la Turquie, à ce qui s'est passé pour l'Espagne, le Portugal, la Grèce qui sortaient de périodes sombres de dictature. Bonne chance pour vos défis de la paix !

L'Europe vue par les équipes candidates
Le point de vue de personnalités étrangères

1. Interview de M. Axel Berg, membre (SPD) du Bundestag
réalisée par les élèves du Werner-Heisenberg Gymnasium - Garching (Allemagne)

1 er trimestre 2005

Qu'est ce que la démocratie pour vous ?

« Très classiquement : la souveraineté du peuple à l'inverse du règne de certaines personnes comme dans les monarchies ou les dictatures.

La démocratie donne aussi aux citoyens la possibilité de dire ce qu'ils pensent, il y a pourtant beaucoup de différences dans l'interprétation et la réalisation de la démocratie.

Il va de soi, que la démocratie doit « s'épanouir » d'une manière naturelle et que certaines conditions sont nécessaires à son bon développement. Les citoyens ont besoin par exemple d'une certaine conscience et d'un certain « savoir » vis-à-vis de la démocratie.

On ne peut pas s'attendre à ce que des gens élevés sous un régime totalitaire deviennent du jour au lendemain des démocrates.

C'est ce que l'on voit en Allemagne avec l'exemple de la RDA, qui à part la courte interruption de la République de Weimar est passée sans transition de la monarchie à Hitler puis au régime communiste totalitaire. En tout cas, le concept de démocratie a pour moi une connotation toujours positive. »

Pensez-vous que l'intégration de la RDA aux structures démocratiques de la RFA a été réussie ?

« Il faut être indulgent, parce que cette situation était unique jusqu'à ce jour et que tout s'est relativement bien passé.

Ce qui n'était pas bon, c'est qu'on a quasiment imposé le système de l'Allemagne de l'ouest aux Allemands de l'est bien que les institutions de la RDA n'aient pas été toutes mauvaises.

Il y avait en RDA un système de crédit qui fonctionnait très bien, mais qui fut supprimé lors de la réunification.

Il est aussi insatisfaisant selon moi que l'on ait dit par principe : « tout est mauvais à l'est et tout est bon à l'ouest ».

On aurait dû plus examiner au cas par cas ce qui fonctionnait le mieux à l'est ou à l'ouest pour trouver ensuite dans chaque cas la meilleure solution pour l'Allemagne. De cette manière, on aurait pu mieux intégrer la population de la RDA, qui finalement n'avait aucune expérience de la démocratie, aux structures de la RFA ».

Que peuvent faire les citoyens et l'État pour couper l'herbe sous le pied des partis extrémistes de droite ?

« J'ai peur que nous ayons en Europe centrale un noyau d'électeurs (à peu près 10%) de tendance extrémiste. Les 90% restants de la population doivent faire attention à ce que ces 10% ne reprennent plus jamais le dessus. On ne doit pas les passer sous silence, mais leur demander des explications, ce qui devrait commencer au plus petit niveau comme par exemple dans les dialogues avec des voisins.

En Allemagne, nous avons été un petit peu négligents ces 10 dernières années en ce qui concerne les partis d'extrême droite, parce qu'ils ne parviennent pas à se maintenir au sein des parlements régionaux. L'électorat des partis d'extrême droite se recrute le plus souvent parmi les insatisfaits, qui n'ont pas de perspectives d'avenir. Nous devons en fin de compte nous rapprocher des gens.

Une interdiction des partis radicaux de droite ne serait vraisemblablement pas une solution, parce que ce n'est pas ainsi que le problème de l'extrémisme de droite serait résolu. Les extrémistes de droite se rencontreront de toutes façons, sans que le grand public en soit informé. »

Est-ce que la démocratie allemande a des points faibles ?

« Je ne connais aucune démocratie plus satisfaisante que la démocratie allemande, car ici les institutions démocratiques comme la séparation des pouvoirs fonctionnent très bien.

Mais je souhaiterais que les citoyens puissent prendre part plus directement à la démocratie. Par exemple, grâce aux référendums qui auraient l'avantage supplémentaire de réduire la lassitude politique de beaucoup de citoyens. Ceux-ci auraient ainsi le sentiment de pouvoir peser plus directement sur les événements. »

Comment puis-je, en tant que citoyen, protéger et améliorer la démocratie ?

« On peut protéger la démocratie quand on s'y investit. En Allemagne, par exemple seulement 2% des citoyens sont membres d'un parti. Ces 2% forment presque les 100% du personnel politique.

En Allemagne, nous avons des partis dont le programme est déterminé par leurs membres actifs. 98% des citoyens ne prennent absolument pas part à l'élaboration de ces programmes. Pourtant la démocratie est un processus qui dépend de la participation des citoyens.

Un homme, un vote ! Nous devons tous nous investir. La plupart des personnes ne s'intéressent à la politique que lorsqu'elles ont des problèmes. Alors que la démocratie est un processus qui a besoin de continuité.

Malgré tous les inconvénients existants, la démocratie est pour moi la meilleure forme de gouvernement. »

2. Interview de M. Ernst Burgbacher, membre (FDP) du Bundestag
réalisée par les élèves du lycée de Villingen - Schwenningen (Allemagne)

1 er trimestre 2005

Comment se développera à votre avis la démocratie dans l'Union européenne avec ses nouveaux pays adhérents ?

L'Union européenne est constituée d'États démocratiques légitimes. La démocratisation des institutions de l'Union Européenne peut bien sûr être approfondie. Le Parlement Européen n'a pas encore assez de droits et de compétences face à la Commission Européenne. Par l'adhésion à l'Europe en mai 2004 de dix États qui sont essentiellement des États de l'Europe centrale et orientale, la démocratie de ces États a été substantiellement consolidée. En même temps l'Europe élargie représente une Europe démocratique.

Pensez vous que la réputation des formes de gouvernement démocratiques soit mise en danger par la politique du Président américain qui justifie sa politique extérieure militante par l'encouragement des systèmes démocratiques ?

Il est très problématique d'imposer la démocratie avec des moyens militaires. Les manifestations dans le monde entier ont montré que cette manière d'agir n'est pas acceptable pour beaucoup de gens. D'un autre côté, la démocratisation de l'Afghanistan et de l'Iraq n'aurait pas été possible sans une intervention militaire. La démocratie dans ces pays - si imparfaite soit-elle encore - profite aux gens, en particulier aux femmes, car elles sont libérées de l'oppression et du règne de l'arbitraire.

Comment peut-on développer/défendre la démocratie face au terrorisme ?

Il est indispensable de lutter contre le terrorisme et de ne pas reculer devant lui. En effet il y a souvent un conflit entre les intérêts de la sécurité d'un côté et les intérêts de la liberté de l'autre. Le droit à la liberté et les droits fondamentaux ne doivent pas être sacrifiés sur l'autel de la sécurité. Cela vaut par exemple pour les débats concernant une limitation du droit de réunion. Je refuse strictement une restriction de la liberté de se réunir et de manifester.

Comment défendre la démocratie face à des partis d'extrême-droite qui ont toujours plus de partisans ?

Tous les partis démocratiques ont le devoir d'engager une explication franche avec les mouvements d'extrême droite et de lutter contre les causes de l'extrémisme. Dans ce contexte, il nous appartient aussi de ne pas seulement gérer le chômage mais de le combattre par une politique économique active.

Dans cette situation, l'interdiction du parti me semble être le dernier moyen à employer ; la restriction du droit de réunion n'est pas non plus un moyen efficace pour lutter contre les dangers de l'extrême droite. Notre constitution ainsi que le droit pénal et la législation relative au droit de réunion offrent déjà aujourd'hui la possibilité de faire face efficacement aux excès des militants « bruns ». A cause de cela, je refuse de modifier le droit de réunion pour quelques groupes.

Peut on créer durablement un statut pour les élus qui assument la représentation démocratique, notamment en ce qui concerne les règles relatives à leurs activités professionnelles annexes et à leurs indemnités?

Les activités annexes des politiciens ne doivent pas être interdites. Quand les élus n'ont plus la possibilité de revenir dans leur emploi initial, leur existence dépend alors uniquement de la politique. Une restriction des activités annexes fait que de moins en moins de gens qui exercent une profession libérale sont candidats au Parlement fédéral. Cela va à l'encontre de l'objectif de garantir que le Bundestag soit représentatif du peuple. Je suis pour la transparence des activités annexes des députés. Toutefois je refuse que l'on exige de connaître les revenus de ces activités annexes, parce que dans beaucoup de cas cela mènerait de fait à une interdiction d'exercer son métier.

Le groupe parlementaire FDP a déjà déposé un projet de loi en avril 2003, dans lequel il propose de réunir une commission d'experts pour évaluer et fixer une indemnité convenable pour les députés. Qui plus est, il doit être du seul ressort du député de souscrire les assurances nécessaires en cas d'incapacité à travailler ou de grand âge. Cela couperait court aux débats sur les indemnités et les retraites des élus.

3. Interview du Dr Hans-Peter Friedrich, membre (CSU) du Bundestag
réalisée par les élèves du Jean-Paul Gymnasium - Hof (Allemagne)

16 mars 2005

Dans quels domaines la démocratie peut-elle être encore développée ?

La démocratie est d'abord une question de conscience. Il faut toujours y travailler. Chacun a des intérêts propres et les défend, mais s'il accepte aussi que les autres aient des intérêts différents qui sont pourtant légitimes, on a déjà gagné beaucoup. La démocratie doit être vue et défendue comme mécanisme de résolution des conflits, pas comme un système de répartition de l'abondance.

A presque chaque élection en Allemagne aujourd'hui, la participation baisse de plus en plus. Est-ce que cette lassitude à l'égard des élections est aussi une lassitude à l'égard de la démocratie ?

Je l'appellerais un « oubli de démocratie ». La plupart des gens sont ennuyés par la démocratie, parce que les processus démocratiques sont longs et difficiles. Malheureusement, beaucoup de gens en Allemagne ont oublié ce que la dictature signifie, d'autant plus que les jeunes ne l'ont jamais connue eux-mêmes.

Quelles sont les raisons de cette lassitude à l'égard de la démocratie ?

En Allemagne, des conflits sociaux n'ont pas été réglés au fond pendant des décennies, ils l'ont été par de la redistribution, c'est-à-dire avec de l'argent, du fait de la croissance économique. Engager une discussion politique musclée sur la meilleure voie à suivre est considéré par l'opinion et les médias comme une « querelle partisane ». Si nous ne changeons pas d'état d'esprit, l'Allemagne ira à l'abîme. La démocratie n'est pas une organisation de l'harmonie, mais une lutte pour la meilleure voie à suivre dans l'intérêt du peuple.

Comment est-ce que l'on peut inciter les jeunes à participer et à travailler au développement démocratique de l'Allemagne ?

La chose la plus importante chez des jeunes, c'est de fortifier la volonté et le désir de participer à la société ; peu importe que ce soit dans une association, un groupe de jeunes ou un parti politique. Les jeunes doivent savoir qu'ils sont aussi responsables à l'égard de la collectivité et que l'on a besoin d'eux.

Comment est-ce qu'on peut défendre la démocratie ?

On ne peut pas laisser calomnier la démocratie par ceux qui veulent l'éliminer. C'est pourquoi je suis pour une démocratie qui se défend sur le terrain du droit et de la sécurité. L'État doit se défendre contre ses ennemis avec des lois et des forces de sécurité.

4. Interview de M. Frank Hoffman, membre (SPD) du Bundestag,
réalisée par les élèves de Egbert Gymnasium - Munsterschwarzach (Allemagne)

1 er trimestre 2005

Croyez-vous que la restriction de la liberté de réunion (à propos d'une manifestation néo-nazie à la porte de Brandebourg à Berlin le 8 mai 2005) représente un danger pour la démocratie ou est-elle plutôt une mesure pour la défendre ?

Consultons d'abord ce que nous en dit l'article 8 de la constitution allemande :

« (1) Tous les Allemands ont le droit de se réunir pacifiquement et sans armes, sans autorisation ni déclaration préalable.

(2) Pour les réunions en plein air, ce droit peut être limité par une loi ou sur la base d'une loi. »

De telles manifestations n'ont pas toujours été tolérées : par exemple dans les années 60, la police a interdit des manifestations dans les rues, parce que les rues sont, en définitive, réservées à la circulation. Donc la constitution doit être interprétée : ceux qui veulent se réunir, exercent leurs droits fondamentaux. Mais la loi prévoit des restrictions. Dans le débat autour du 8 mai, la question se pose de savoir si on fait valoir ce droit ou non.

En ce moment, il y a deux tendances : la CDU (Union chrétienne démocrate) estime que le quartier du gouvernement, où se trouve la porte de Brandebourg serait à considérer comme un périmètre de sécurité où les manifestations sont interdites ; le fonctionnement du Parlement pourrait être menacé.

Le SPD (Parti social-démocrate), au contraire, est d'avis qu'on peut manifester les jours où le Parlement ne siège pas. Une solution particulière au Land de Berlin est aussi envisageable, mais je doute de sa conformité à la Constitution.

Selon moi, le Bundestag n'est pas menacé par le NDP, mais il faut que la résistance contre l'extrême droite, par exemple par des contre-manifestations, vienne principalement du peuple, des citoyens. Bien sûr, la démocratie n'est pas en danger à cause d'une telle manifestation, mais l'image de l'Allemagne à l'étranger est gravement endommagée. La porte de Brandebourg est enfin un symbole de défaites et de victoires pour lesquelles beaucoup de gens ont perdu leurs vies. Par ailleurs, Berlin n'est pas seulement frappée par des manifestations des néo-nazis. Ceux-ci choisissent des lieux et des événements symboliques comme Wunsiedel et Würzburg pour leurs manifestations. Comme il n'est pas question d'interdire toute manifestation dans tous ces lieux, il faut en débattre.

A Berlin, le fait que des travaux de construction sont entrepris dans le quartier en question, empêchant ainsi une manifestation à la porte de Brandebourg pour des raisons de sécurité, peut être la solution du problème.

Est-ce que l'influence grandissante des tendances de l'extrême droite signifie une
régression dans le développement de la démocratie ?

Il faut se demander si l'extrémisme de droite gagne vraiment en importance. Le NPD était aussi représenté dans le parlement de « Bade-Wurtemberg » dans les années 60, mais le pourcentage des voix d'extrême droite en Allemagne s'est constamment limité à 13%.

Ce qui m'inquiète est le fait que ce ne sont plus des « porteurs de bottes », mais qu'ils viennent aussi des classes moyennes. L'extrême droite a une autre base sociale aujourd'hui.

Nous devons maintenant réagir différemment. Je pense que dans chaque société chaque génération doit apprendre à nouveau certaines choses. En tant qu'Allemands, nous avons une responsabilité spéciale à l'égard des minorités ; mais pour les générations actuelles, il n'y a plus cette responsabilité personnelle pour ce qui s'est passé autrefois.

« Une vie dans la liberté n'est pas facile, la démocratie n'est pas parfaite. » (John F. Kennedy) Est-ce qu'il y a en général un système gouvernemental idéal et la démocratie se développera-t-elle jusqu'à ce stade ?

Quand on regarde l'histoire, chaque époque avait sa forme d'État spéciale. Au début, l'exercice du pouvoir était lié à la démocratie, puis la politique a dû de plus en plus céder la place à l'économie. En transférant des postes de travail à l'étranger, le nombre de chômeurs grandit. La crise actuelle est le résultat de tous ces facteurs. Auparavant nous avons vécu dans notre démocratie pendant une cinquantaine d'années et la prospérité ne cessait de croître ; maintenant nous assistons à une stagnation dans ce développement. Pour cette raison, des doutes pèsent sur notre système actuel. Quand la législation essaie par exemple d'attaquer le problème des taux d'imposition dans les différents pays de l'Union Européenne, elle réagit trop tard parce que les choses se développent très rapidement depuis la globalisation. Cependant, il faut reconnaître que nous avons toujours revendiqué plus de justice sociale pour les autres pays, alors nous devons accepter et assumer aujourd'hui ce que nous avons réclamé dans le passé.

Avec la globalisation se développent de nouveaux modes de démocratie. Un de ces développements est l'influence accrue des ONG (Organisations non-gouvernementales), comme Greenpeace et Amnesty International. A mon avis, ces organisations sont très importantes, parce qu'elles incitent les citoyens à s'engager.

La démocratie est considérée beaucoup trop fréquemment comme un simple processus électoral, mais la démocratie c'est aussi la participation des citoyens à l'action, et la participation de la population est importante pour moi. Les lobbies prennent aussi part à la politique, mais on doit veiller à ce que leur pouvoir ne devienne pas trop grand, parce que les membres d'un lobby travaillent pour les entreprises. Les ONG, au contraire, interviennent dans des secteurs différents qui sont très importants pour le maintien de la démocratie. Dans leur travail, Internet joue un grand rôle. Il rend la vie dure aux dictateurs parce que tout le monde a la possibilité de donner son opinion et un nombre énorme de gens dans le monde entier a accès à Internet. En conclusion, on peut dire, que le Bundestag perd de son pouvoir, volontairement en partie, parce que le marché, selon beaucoup de gens, se régule mieux sans intervention extérieure. Un autre aspect, dont je n'ai pas encore parlé, est le fait que le système social, tel qu'il est en ce moment, ne peut pas non plus continuer à fonctionner. C'est certain, parce que tous les gens qui travailleront dans 20 ans sont déjà nés. La part des personnes âgées dans la population augmente, cela peut se voir dans les spots publicitaires qui mettent de plus en plus en scène des personnes âgées.

Où voyez-vous l'avenir de l'Europe, dans une union plus étroite des pays ou dans des États autonomes?

Je pense que l'Europe a plus besoin de profondeur que d'étendue. Tous les pays doivent arriver à un standard commun, par exemple un standard social minimum, un standard écologique et civique. L'Europe est née de la réconciliation fondamentale entre l'Allemagne et la France et donc les amitiés (par exemple : l'Allemagne/la France, la Bavière/l'Autriche) mèneront vers un rapprochement des États au sein de l'Europe et permettront une intégration croissante.

Je ne crois pas que nous arriverons à la formation des « États unis d' Europe », parce qu'il y a beaucoup trop de traditions qu'on n'abandonne pas facilement. En plus, chacun a besoin d'une patrie.

5. Interview de M. Josef Hovenjürgen,
membre (CDU) du Landtag de Rhénanie du Nord - Westphalie
réalisée par les élèves du Lycée Comenius - Datteln (Allemagne)

1er trimestre 2005

Que signifie pour vous la démocratie ?

La démocratie donne à l'individu la possibilité de prendre en main son avenir.

Quel rôle joue le peuple dans la démocratie ?

En démocratie, le pouvoir émane du peuple par le biais des élections, donc la démocratie tire sa vie du peuple.

Comment le peuple peut-il être impliqué dans la politique?

L'individu décide lui-même de son degré d'implication dans la démocratie. D'une part en participant aux élections et de plus en s'engageant dans les partis, les associations, les initiatives de citoyens (Bürgerinitiativen), etc.

Quel rôle jouent les jeunes dans la politique actuelle?

Même les jeunes peuvent devenir députés, dès qu'ils sont majeurs. La politique de mon parti est très axée vers l'avenir des jeunes parce que leur avenir, et en particulier leur avenir professionnel, est décisif pour l'évolution de notre pays, notamment du point de vue des systèmes sociaux.

Où y a t- il des résistances à la démocratie ? (par exemple, les partis radicaux)

Elles sont tout autant à droite qu'à gauche. Il est du devoir des démocrates de les combattre.

Que peut encore faire aujourd'hui un citoyen isolé en politique ?

La prise de conscience d'un individu en politique est certainement bien difficile. C'est pour cela qu'il doit essayer de se faire une opinion et chercher du soutien pour réussir à l'exprimer et à créer une majorité autour de ses idées, afin de permettre leur mise en oeuvre.

Où commence l'éducation à la démocratie ?

Tout d'abord dans la famille et ensuite à l'école. A cet effet une bonne connaissance de l'histoire est à mon avis nécessaire, en particulier celle du national-socialisme. Car seule une connaissance de l'histoire empêche qu'une répétition se produise.

Quel rôle jouent les possibilités d'échanges (entre différents pays-villes-jumelages, échanges culturels entre villes-écoles jumelées) pour la démocratie ?

La possibilité qu'ont les jeunes gens de connaître les habitudes de vie d'autres nations (ou peuples), de comprendre leurs points de vue et ainsi de contribuer à la compréhension entre les peuples, facilite l'entente entre les peuples, ce qui réduit les conflits potentiels et rend impossible les conflits armés.

Comment la démocratie peut-elle être maintenue et développée ?

Maintenir la démocratie n'est possible que si l'individu est prêt à s'engager pour la société, même s'il n'en tire aucun avantage, car la démocratie n'aura de chance que dans une société où l'individu ne se perd pas, parce qu'ainsi le risque d'une persécution des minorités ne trouvera pas de terrain favorable.

La démocratie peut se développer dans la mesure où chacun est responsable de lui-même mais aussi de son voisin et tend vers une société imprégnée par l'esprit de l'économie sociale de marché.

6. Interview de Mme Elizabeth Jeggle, membre (PPE) du Parlement européen
réalisée par les élèves du Gymnasium - Aulendorf (Allemagne)

1 er trimestre 2005

Comment définissez-vous la démocratie ?

La démocratie s'exerce non seulement dans le cadre rigoureux du respect du principe majoritaire, mais elle implique aussi le respect des droits fondamentaux, de la liberté et des droits de l'Homme.

Comment voyez-vous la situation politique actuelle ?

Je pense que de façon générale nous sommes actuellement confrontés à une situation politique vraiment difficile. En Allemagne, nous devons tenir compte du fort taux de chômage ainsi que, depuis plusieurs années, de la faible croissance économique. A cause de l'évolution démographique, il y a toute une série de bouleversements de la société dont les effets se font de plus en plus sentir.

Notre société dans les trente dernières années a vécu au-dessus de ses moyens ; tous les budgets de celui des communes à celui de l'État sont en déficit structurel, ce qui pèsera sur les générations à venir. Pour les réduire nous devons dans beaucoup de domaines faire des coupes budgétaires. Il est certainement difficile pour tous les partis de gouvernement de sortir de cette situation puisque la société est habituée inconsciemment à un certain niveau de vie et que le principe « oui aux économies, mais pas chez moi » domine dans une large partie de la population.

Quand il s'agit de faire les réformes nécessaires et de les réaliser, chaque parti court le risque d'être censuré par les électeurs ce qui veut dire ne plus être réélu. On a besoin d'un projet et d'une stratégie durable pour qu'à court, moyen et long terme, l'Allemagne soit à nouveau sur le devant de la scène économique. Il nous apparaît primordial de transmettre à la population le sentiment de la nécessité d'un train de réformes.

La situation politique sur le plan européen est marquée en ce moment, en plus de la ratification du projet de la constitution européenne par chaque État-membre, par l'intégration des nouveaux membres, ainsi que par les discussions au sujet de l'admission définitive de la Roumanie et de la Bulgarie, et par la question de savoir quelle est la capacité d'intégration de l'Union européenne. En somme, on peut retenir que la tendance est à une importance croissante du niveau européen pour tous les États membres, car de plus en plus de compétences lui sont transférées. La critique passée du manque de légitimité démocratique des institutions européennes perdra beaucoup de sa pertinence avec la nouvelle constitution européenne qui favorise la seule institution européenne légitime, car directement élues par des citoyens de l'Union, le Parlement européen.

Citons les innovations suivantes :

· Élection du Président de la Commission par le Parlement européen, au lieu d'une simple confirmation ; les citoyens de l'Union avec leur droit de vote aux élections européennes auront plus d'influence pour l'attribution de cette fonction.

· La procédure de codécision par laquelle le Parlement européen et le Conseil agiront conjointement comme législateurs deviendra la procédure législative pour 95% des lois européennes (avec seulement quelques exceptions comme la politique fiscale et sociale).

· L'égalité des droits entre le Parlement européen et le Conseil pour les questions budgétaires de l'Union européenne. Il s'agit d'un « consensus forcé » entre le Conseil et le Parlement européen.

· La « clause de flexibilité » n'exige plus seulement la consultation mais aussi l'accord du Parlement européen dans le cas où une intervention législative n'est pas prévue dans la constitution.

Est-ce que l'application de la démocratie s'est développée depuis la fin de la seconde guerre mondiale ?

Je pense qu'elle s'est développée dans la mesure où les hommes ont appris à estimer la paix et les facteurs de stabilité.

Du fait de l'écroulement du communisme en Union Soviétique et en RDA, la démocratie a fait son entrée en Allemagne de l'Est et dans les pays d'Europe de l'Est ; elle est devenue entre temps la forme politique dominante dans toutes l'Europe.

Voyez vous la démocratie « attaquée » de quelque façon que ce soit ?

Je ne la vois pas attaquée, même pas avec le succès ça et là des partis de droite auxquels il faut prendre garde, mais dont il ne faut pas surestimer l'importance.

La démocratie ainsi que la conscience de celle-ci sont à mon avis très enracinées dans la société en Allemagne. Malgré tout, cette prise de conscience que la démocratie vit grâce au concours actif de la population et qu'elle ne va pas de soi, doit être renforcée précisément en cette période de morosité politique, de baisse de la participation électorale et de réformes nécessaires et énergiques, mais impopulaires.

Auriez-vous des conseils pour améliorer la démocratie ?

En plus de l'élargissement des compétences du Parlement Européen maintenant ancrée dans la Constitution européenne, je pense que la transparence des réseaux d'influence et des circuits de décision politiques concernant les citoyens, plus spécialement dans le domaine européen, pourraient être encore améliorée.

La revendication sans cesse renouvelée d'un plus grand recours aux techniques de la démocratie directe est une chose que nous voyons en revanche d'un oeil critique.

Les responsables politiques élus de façon légitime sont à notre avis tout à fait habilités, du fait de leur connaissance des dossiers qu'ils traitent depuis des années, à représenter les citoyens, à défendre leurs intérêts et à prendre des décisions fondées.

Mais je pense également que chacun d'entre nous a sa responsabilité démocratique personnelle à prendre en main. La démocratie existe à tous les niveaux et, à chacun de ces niveaux, beaucoup plus de citoyens doivent faire preuve de leur capacité d'agir au service de la démocratie.

7. Interview de M. Volker Kauder, membre (CDU) du Bundestag,
réalisée par les élèves de Realschule de Schramberg (Allemagne)

1 er trimestre 2005

En 1948 les trois commandants en chef occidentaux ont donné l'ordre au conseil parlementaire d'élaborer une loi fondamentale. Comment pouvez-vous expliquer que la République fédérale d'Allemagne soit devenue un état démocratique ?

Les leçons de l'histoire ont produit leurs effets en montrant les conséquences de l'exercice du pouvoir par des idéologies niant la dignité humaine. Beaucoup de gens, non engagés en politique, se sont engagés dans celle-ci après la deuxième guerre mondiale comme par exemple les fondateurs de la CDU. Certes l'attractivité de la démocratie a été grandement aidée par le fait qu'en même temps l'Allemagne connaissait une croissance économique d'une ampleur inconnue jusqu'alors.

Quelles erreurs ont été commises pour qu'un grand nombre d'habitants des nouveaux Länder en arrivent à considérer que la démocratie ne soit pas la meilleur des régimes alors qu'ils ont dû vivre sous une dictature pendant 60 ans ?

La plupart des gens envisagent leur avenir du point de vue de la réussite économique et de l'emploi. Nous avons dans les nouveaux Länder un chômage extrêmement élevé, comme par exemple en Mecklembourg-Poméranie occidentale jusqu'à 30%.

C'est le problème principal. Une fois la liberté acquise, plus personne ne se souvient du temps où il n'y avait pas de liberté. Nous ne pouvons améliorer la situation économique que si nous encourageons la création de petites et moyennes entreprises et le développement de l'artisanat. Pour cela, il faut diminuer la bureaucratie et les impôts. Mais ceux qui cherchent à obtenir ce résultat sont confrontés à la concurrence venue, par exemple, de Pologne, etc.

Mais nous ne sommes pas obligés d'accepter les produits à bas prix. Réfléchissez : on est heureux de rentrer dans un supermarché et d'en sortir avec des produits à bas prix. Il faut donc que chacun se demande ce qui lui arriverait si son emploi était remis en cause par la concurrence de ces produits à bas prix.

L'extrême droite et les Islamistes désapprouvent la démocratie libérale. Quelles menaces voyez-vous pour notre démocratie dans ces deux groupes?

La démocratie en Allemagne est stable et n'est pas mise en péril par ces deux groupes. Notre démocratie est en état de se défendre. Mais on ne doit pas avoir peur quand il faut dire la vérité. On doit pouvoir dire ouvertement que les islamistes prêchant la haine doivent être expulsés du pays. Et cela ne fait pas de nous des xénophobes, comme on le prétend toujours. Il faut aussi combattre clairement et nettement l'extrême droite. Je le répète encore une fois : les difficultés économiques sont la raison pour la montée de l'extrême droite, surtout chez les jeunes, qui ne voient pas où est leur avenir. Concernant le NPD (un parti d'extrême droite en Allemagne) il n'y a pas de formule magique. Quand on interdit le NPD, il y a le DVU (un autre parti d'extrême droite en Allemagne) qui arrive et on peut recommencer. Ce qu'on doit faire c'est prendre en compte les soucis et les désirs de ces gens qui votent NPD et surtout s'occuper des jeunes. C'est pourquoi je veux qu'on engage des travailleurs sociaux et des assistants pédagogiques pour la jeunesse. Bien sûr, il est impossible que l'État paie tout ça. Mais s'il est possible de collecter autant d'argent pour les victimes du tsunami, alors il est aussi fort pensable d'organiser une grande collecte afin de pouvoir payer par exemple des travailleurs sociaux.

La République de Weimar a péri car elle n'était pas capable de lutter contre l'extrême droite et l'extrême gauche. Est-ce que la République fédérale d'Allemagne est mieux préparée et comment pourrait-elle lutter contre ses ennemis ?

Dans la question se cache déjà toute la vérité. La République de Weimar n'est pas morte à cause du grand nombre d'extrémistes de gauche ou de droite, mais au contraire du trop grand nombre de gens qui ne se sont pas engagés pour la démocratie. Nous avons besoin de gens qui s'engagent pour la démocratie, surtout des jeunes. C'est là qu'il faut faire quelque chose car trop peu de gens s'intéressent à la politique. Mais la politique est déterminante pour les conditions de vie de la jeune génération. C'est pourquoi j'invite les jeunes à s'engager dans un parti démocratique et surtout les jeunes femmes. Et ne nous faisons pas d'illusions : si nous ne le faisons pas, d'autres le feront et ce sont eux qui exerceront le pouvoir.

Il y a actuellement des réflexions qui sont engagées sur le développement de la démocratie en Allemagne. L'une d'elles porte sur l'introduction du référendum. Certains réclament également un référendum sur la constitution européenne et sur l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne.

Je sais qu'il y a dans la population la volonté non seulement de participer aux élections mais aussi d'être associé à la prise des décisions politiques. Je crois personnellement que la démocratie représentative a fait ses preuves. C'est pourquoi je pense que nous n'avons pas besoin de référendums au niveau fédéral. Cette possibilité existe au niveau de la commune et du Land. Je ne crois pas que nous tirerions un grand bénéfice si nous essayions de trancher des questions politiques par un référendum. Je me demande quelle serait la participation. Je n'apprécierais pas qu'on décide de l'adhésion de la Turquie avec une participation de 40 %. Dans cette hypothèse, même si une faible majorité de 51 % devait se prononcer pour ou contre l'adhésion, ce ne serait en fait qu'un cinquième du corps électoral qui aurait tranché cette importante question. Quand je vois la faiblesse de la participation aux élections municipales, alors qu'elles concernent très directement les citoyens, je ne pense pas que nous emprunterions le bon chemin avec le référendum.

8. Interview de M. Werner Kuhn, membre (FDP) du Landtag de Rhénanie-Palatinat
réalisée par le Burggymnasium - Kaiserslautern (Allemagne)

14 février 2005

Est-ce que la démocratie est garantie en Allemagne et en Europe ou voyez-vous des dangers ? Comment doit-on réagir, par exemple face aux exactions de l'extrême droite ?

Il ne faut pas oublier que 60 ans de démocratie en Allemagne, c'est déjà une période assez longue; on peut donc supposer que cette démocratie s'est consolidée. En regardant le développement de l'Allemagne il y a 60 ans, c'est-à-dire avant la deuxième guerre mondiale, on s'aperçoit que les Allemands n'ont pas eu, comme en Grande-Bretagne, par exemple, une démocratie stable ; au contraire, les Allemands, eux, ont longtemps vécu sous la monarchie. Il n'y avait que quelques timides tentatives d'émancipation, comme par exemple lors de la fête de « Hambach » (1832). Même pendant la courte durée de la République de Weimar, la démocratie fut souvent et sérieusement menacée, avant de sombrer finalement, pour des raisons connues ! Ce n'est donc pas étonnant si les Français et les Britanniques abordent cette question de la démocratie avec plus de sérénité, tandis qu'en Allemagne on fait preuve au moins d'une confiance plus limitée. En fin de compte, la démocratie allemande a une base solide et est bien ancrée, mais on ne doit pas oublier, toutefois, le danger que représentent les partis extrémistes. Comment, alors, éradiquer cette menace ? On doit s'attaquer à l'extrémisme uniquement par des moyens politiques, c'est à dire sans recourir à la violence. Le problème doit être traité légalement. Interdire des partis extrémistes tels que le NPD, par exemple, n'améliore en rien la situation, puisque cela leur fait une publicité et ils s'en trouvent renforcés. Il serait par ailleurs très facile de contourner une telle interdiction, en changeant simplement le nom du parti par exemple. Voilà donc ce qu'il faut faire: que chacun s'engage à lutter contre l'extrémisme. Personne ne doit se cacher ni se laisser détourner de cette lutte! La démocratie ne sera solide que lorsque les citoyens auront le courage de s'engager pour elle. Ainsi on mettra fin au danger de l'extrémisme.

Quelles mesures doivent être prises pour garantir la démocratie, avant tout dans les pays qui viennent d'adhérer à l'Union européenne ?

La démocratie est déjà fortement ancrée ! Il n'y aucun risque qu'elle soit remise en cause par les nouveaux pays membres de l'Union Européenne. La constitution de l'Europe est étroitement liée à notre vision de la démocratie, c'est pourquoi ses valeurs ne sont pas menacées. La Pologne est un bon exemple. Les Polonais sont des démocrates convaincus. La population rurale ne se sent certes pas très concernée ; ce sont les jeunes Polonais, très engagés, qui soutiennent la démocratie. Les anciens préjugés sont pour la plupart oubliés. Même dans les pays baltes, où les anciennes structures sont souvent mafieuses et jouent encore un rôle trop important, les structures démocratiques gagnent du terrain et s'affirment, même si la peur de la corruption n'est pas sans fondement. Un certain mécontentement à ce sujet n'est pas à exclure. La démocratie ne peut fonctionner harmonieusement que si on met en place des règles que chacun respecte. C'est pour cette raison que de telles règles doivent être établies dans ces nouveaux pays membres, pour assurer la victoire de la démocratie. Il est certain que des disparités économiques croissantes représentent une menace potentielle pour la démocratie. Il me semble cependant peu probable que les forces anti-démocratiques gagnent du terrain dans l'Union européenne.

Que pensez vous de l'entrée de la Turquie dans l'Union Européenne ? Voyez-vous des conséquences pour le fonctionnement démocratique de l'Europe ?

Je suis personnellement très favorable à l'ouverture de négociations pour l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne ! Nous faisons un pas vers un pays d'une culture très différente, ce qui provoque parmi la population allemande une peur diffuse, due aux problèmes liés à l'intégration des ressortissants turcs en Allemagne. D'un autre côté, il ne faut pas oublier que l'État turc, assez ouvert sur le monde, est très tourné vers l'Occident, et relativement indépendant de l'idéologie islamique. Le pays, de par sa position géographique, est d'une grande importance géostratégique, aussi bien pour l'OTAN, que pour les États-Unis. Si l'Union Européenne accueillait une Turquie réellement démocratisée, cela s'avérerait à long terme un réel pas en avant pour l'élargissement du monde démocratique dans la mesure où cet État pourrait servir de garde-fou contre les mouvements islamistes. Il est clair que la Turquie a encore quelques efforts à fournir pour sa démocratisation, mais elle est en excellente voie d'atteindre ce but ; c'est pourquoi, à mon avis, il ne devrait pas s'écouler plus de quinze à vingt ans avant qu'elle n'y parvienne. Nous, Allemands, ferions bien de « balayer devant notre porte » et d'aider à l'intégration dans notre propre pays, et de ne pas gêner les négociations avec la Turquie.

Pensez-vous que le terrorisme mondial représente un danger sérieux pour les démocraties occidentales ? Comment jugez-vous les différences d'appréciation des Européens et des Américains en ce qui concerne le terrorisme mondial ?

La question doit être posée ainsi : comment réagissent les États démocratiques face au terrorisme ? La République Fédérale d'Allemagne a déjà une première expérience du phénomène avec par . exemple la RAF 2 ( * ) . Les activités terroristes avaient préoccupé la population à l'époque et on discutait pour la première fois sur la question de savoir comment l'État devait se comporter face à cette menace. Helmut Schmidt a pris la décision grave et importante de ne pas céder aux terroristes. Dans cette épreuve, la démocratie a au contraire mûri car chacun était obligé de prendre position et de trouver la meilleure réponse démocratique au terrorisme. La population s'est donc rangée du côté du gouvernement en refusant de répondre aux exigences des terroristes. La menace des attentats est aujourd'hui bien réelle, mais elle ne pourrait altérer l'attachement du peuple allemand à la démocratie. Il faut bien sûr prévoir des mesures de prévention et rester vigilant. Des mesures trop sévères comme par exemple une « politique de mise sur écoute », aboutirait à l'établissement d'un État policier - une surveillance excessive va à l'encontre de la liberté personnelle, qui est un élément indispensable de la démocratie. Si on laisse s'installer un État policier à cause du terrorisme, alors les terroristes auront déjà atteint leur but !

Que peut faire l'individu pour soutenir la vie démocratique en Europe ? Est-ce que l'instruction civique vous paraît être suffisante à l'école ?

La démocratie suppose la possibilité et le devoir pour chacun de défendre activement sa liberté personnelle. L'individu doit prendre cette tâche au sérieux ; on a déjà fait suffisamment l'expérience à l'époque du totalitarisme en Allemagne. Les extrémistes cherchent à attiser notre peur ; on le sait, et on ne doit pas y céder. C'est à nous de faire preuve de courage personnel pour nous y opposer et nous battre pour le bien de tous. Il existe d'innombrables façons de s'investir et d'apporter son aide à l'État. La manière dont on s'y prend est évidemment une question de caractère et les différences individuelles subsistent et varient radicalement selon les influences de l'éducation, du milieu familial ou de l'école. Chacun doit donc avoir le courage de ses opinions. Si on adopte cette attitude, qu'on a le courage de se battre, si on fait preuve d'assez d'esprit civique pour prendre activement parti en faveur de la démocratie, alors celle-ci pourra bien fonctionner, et sera renforcée !

9. Interview de M. Dirk Manzewski, membre (SPD) du Bundestag
réalisée par les élèves du Fleesensee-Gymnasium - Malchow (Allemagne)

1 er trimestre 2005

Est-ce que vous considérez la démocratie comme un bon régime ?

Oui, comme le meilleur.

Est-ce que les référendums sont utiles pour développer la démocratie ? Qu'est-ce que vous en pensez ?

Avec des restrictions. Il y a des situations où un parlement doit prendre des décisions impopulaires. Si toutes les affaires étaient décidées par référendum, cela risquerait d'empêcher de prendre des mesures indispensables mais impopulaires. En plus, on risque de s'exposer à une dérive populiste comme, par exemple, durant les débats sur la double nationalité où il a été impossible d'engager une discussion objective.

Dans quelques États fédérés des États-Unis, on vote actuellement par ordinateur. Est-ce qu'un tel mode d'élection serait praticable en Europe ?

Oui, mais personnellement, je ne le préfère pas. Celui qui se sert trop des moyens techniques doit se rendre compte que ces moyens peuvent être manipulés.

Est-ce que vous mettez la renaissance des partis d'extrême droite (NPD, DVU, REP) en Saxe et en Brandebourg en relation avec la République de Weimar ? Comment est-ce que les gens peuvent défendre la démocratie pour éviter une victoire électorale de ces partis comme en 1933 ?

Je ne vois pas de rapport parce que nous avons toujours un des meilleurs systèmes sociaux du monde - même s'il y a eu des détériorations - comparé à la République de Weimar.

D'ailleurs, l'histoire a montré ce que les gens, du temps de la République de Weimar, ne savaient malheureusement pas : où les partis d'extrême droite peuvent nous mener.

Les gens peuvent défendre notre démocratie surtout en participant aux élections et en refusant les partis d'extrême droite.

Comment est-ce vous expliquez personnellement que les partis d'extrême droite deviennent plus populaires et quelles conséquences peuvent en résulter par rapport à la démocratie ?

Les élections en Schleswig-Holstein ont montré que ces partis ne gagnent pas forcément en popularité. Nous avons de gros problèmes qu'il faut résoudre. Pendant de telles périodes les partis d'extrême droite ont beau jeu de troubler l'opinion publique par des slogans populistes. On veut faire croire aux gens que les problèmes sont résolus par des moyens simples. Malheureusement, beaucoup de gens sont sensibles à ce type de discours : ils devraient étudier de plus près les idées et l'argumentation des partis d'extrême droite. C'est comme cela qu'ils comprendront qu'il ne s'agit que de populisme qui ne propose pas de solutions aux problèmes de nos jours. Il n'y a qu'une réponse politique : restaurer la crédibilité.

10. Interview du Docteur Christian Ruck, membre (CSU) du Bundestag
réalisée par les élèves du Gymnasium Maria Stern - Augsburg (Allemagne)

1 er février 2005

En regardant les tendances du moment comme par exemple le chômage de masse, l'abstention des électeurs et le succès des partis d'extrême droite aux élections régionales de 2004 dans les « nouveaux Länder » (Länder de l'ancienne RDA), pensez-vous que la démocratie en Allemagne soit menacée ?

La démocratie en Allemagne est bien consolidée. Je ne vois donc pas de tendances qui montrent qu'elle soit menacée. Certes, des élections avec un score élevé pour les partis d'extrême droite sont un signe qu'il y a un nombre important d'électeurs mécontents qui ne sont pas satisfaits des partis en place. Dans les périodes de chômage élevé, la démocratie doit s'affirmer car c'est elle qui est la force d'un pays.

Certes, notre gouvernement, en période de mondialisation, fait preuve d'immobilisme et de conservatisme lorsqu'il s'agit de prendre des décisions rapides. Ceci est principalement le fait du fédéralisme car beaucoup d'instances alourdissent considérablement le quotidien du gouvernement. Un exemple qui le montre est le fait que l'Allemagne est le dernier pays qui applique les décisions de l'Union Européenne. C'est pourquoi l'État doit être réformé pour donner au citoyen plus de lisibilité.

Les compétences réparties entre le « Bund » et les « Länder » doivent s'en trouver équilibrées, c'est-à-dire qu'une séparation claire des décisions entre le « Bund » et les «Länder » ainsi qu'un partage des compétences est indispensable.

En outre, nous considérons qu'il n'y a pas de danger venant des partis d'extrême droite, puisqu'ils n'entrent en jeu la plupart du temps qu'au niveau régional et que, de plus, une grande partie de la population allemande soutient les grands partis comme la CDU/CSU, le SPD ...

Certes un énorme travail de réformes incombe au gouvernement allemand qui mécontente la plupart des citoyens allemands. Ils voient le chômage de masse et veulent des changements. Mais ceci n'est pas, loin s'en faut, l'unique problème qui repose momentanément sur les épaules de l'Allemagne. Tout d'abord, nous avons un besoin urgent d'une réforme des institutions. Le gouvernement a besoin de règles claires. Les « Länder » doivent avoir la compétence exclusive et plus d'argent, ainsi l'électeur obtient davantage de droits à participer et se sent respecté.

Pour revenir à l'abstention, je voudrais mentionner qu'à mon avis l'électeur pense que sa voix ne sert à rien. C'est pourquoi beaucoup d'électeurs, qui n'ont la plupart du temps aucune idée de ce qu'est le gouvernement, regardent avec indifférence quel parti gagne les élections.

Comment peut-on améliorer chez les jeunes en Allemagne la compréhension de la démocratie et ainsi développer leur intérêt pour la politique ?

D'une part, nous avons besoin d'une démocratie vivante, d'autre part, le citoyen allemand doit comprendre les événements qui se passent dans son pays et pouvoir, le cas échéant, empêcher ce qui ne va pas.

De plus, on doit donner aux Allemands le sentiment que la démocratie est quelque chose de particulier car l'ordre libéral n'a pas toujours été quelque chose de naturel. Il faut surtout renforcer cette idée dans les écoles. C'est pourquoi je plaide pour davantage d'instruction civique à l'école.

Comment peut-on faire apprendre la valeur de la démocratie aux États non démocratiques où la démocratie ne s'appuie pas sur une tradition ?

Tout d'abord il faut dire qu'il n'est pas aussi facile de décréter la démocratie. Dans chaque culture, il faut obtenir par un travail acharné la prise de conscience individuelle de la démocratie. Les expériences d'un pays ne peuvent de plus être tout simplement transposées à un autre et ne peuvent être transmises car il faut passer par la démocratie elle-même pour pouvoir changer quelque chose. Les premiers pas de l'Iran vers la démocratie ont été un processus très long et très pénible, et en fin de compte pas seulement à cause du régime religieux. La population aussi regardait alors avec un grand scepticisme la nouvelle forme de gouvernement. Certes le soutien des pays qui connaissent déjà la démocratie est absolument nécessaire. Les démocrates doivent être soutenus, c'est pourquoi des bourses et des formations sont offertes par l'Allemagne et toujours bien acceptées par les citoyens des pays dans lesquels la démocratie n'est pas encore développée.

11. Interview de Mme Annette Widmann-Mauz, membre (CDU) du Bundestag
réalisée par les élèves du Wildermuth Gymnasium - Tübingen (Allemagne)

1 er trismestre 2005

Il y a beaucoup de tentatives pour améliorer l'exercice de la souveraineté du peuple. A ce sujet, il faut mentionner la discussion récente sur les éléments plébiscitaires dans la Constitution allemande. Est-ce que qu'un élargissement de l'emploi des référendums signifie forcément un développement de la démocratie ?

Les référendums sont des éléments qui peuvent contribuer à la formation de la volonté populaire car l'intention du peuple s'y exprime directement. Mais dans la démocratie représentative, cette intention est normalement exprimée par l'élection des représentants. Ceux-là prennent des décisions avec l'objectif du bien public en toute indépendance.

Moi, je suis favorable à la participation directe du peuple aux décisions politiques, mais elle devrait se limiter aux questions de niveau communal. Les réponses aux questions compliquées et abstraites ont souvent des conséquences imprévisibles, donc il est très important de trouver une solution adéquate. Les questions importantes comme l'introduction d'une nouvelle monnaie ou des changements dans le système d'assurances doivent certes être discutées avec le peuple, mais, à mon avis, il est raisonnable de laisser les décisions complexes aux représentants élus par le peuple. Je suis une partisane passionnée de la démocratie représentative car elle donne également aux minorités l'occasion de défendre leurs intérêts. Leurs arguments qui sont souvent plus compliqués peuvent mieux être suivis dans le cercle des représentants que dans une population de 82 millions d'habitants.

Pour conclure, les référendums présentent des avantages et des inconvénients, mais je pense que notre système est bien équilibré entre la démocratie représentative et la démocratie directe.

Cependant, particulièrement ces derniers temps, de plus en plus de doutes sur ce système représentatif naissent parce que les députés ne semblent plus êtres proches du peuple. Maintenant, toute l'Allemagne débat de la transparence quant aux revenus des parlementaires.

Pensez-vous qu'une plus grande transparence pourrait protéger notre système en renforçant la confiance de la population dans la représentation nationale ?

La transparence est une affaire très importante parce que les citoyens ont le droit de savoir quels intérêts leurs représentants défendent et pour qui ils travaillent. Si le peuple perd toute confiance et tout respect pour ses propres représentants, la démocratie est, à long terme, vraiment menacée. Pour la défendre, il faut veiller plus strictement à la déclaration obligatoire en ce qui concerne les activités professionnelles des députés. Il faudrait augmenter les sanctions en cas de manquement.

Malgré tout, il ne faut pas que cela empêche les représentants de rester ancrés dans la population et de connaître ses intérêts car le parlement a comme but de représenter le peuple entier. En plus, les parlementaires doivent avoir la possibilité d'une réinsertion professionnelle après la perte de leurs mandats - c'est pourquoi il ne faut pas couper les députés du monde du travail.

Mais pour simplifier, on peut dire : la transparence protège notre système.

Dans ce contexte, le terme de « député de verre » (« gläserner Abgeordneter ») est fréquemment mentionné. Est-ce que c'est pour vous, en tant que membre du Parlement fédéral, un concept acceptable ou le trouvez-vous inutile à cause de l'article 48 de la Constitution qui vous lie seulement à votre conscience ?

Il faut préciser le terme « de verre ». Chaque député doit pouvoir préserver sa vie privée comme tous les autres citoyens. Mais il devrait dévoiler les activités exercées pendant son mandat et les motifs de ses décisions et les rendre accessibles à la population. Après tout, c'est elle qui lui a donné son mandat. Mais il ne faut pas exagérer et revendiquer, par exemple, que les parlementaires publient leurs déclarations d'impôts. Cela serait problématique, surtout s'ils sont des entrepreneurs. Bien sûr, un député doit rendre compte au président du Parlement de ce qu'il fait et de ce qu'il gagne pendant son mandat de député, mais si la vie privée est touchée, de moins en moins de gens voudront devenir membres du parlement. Et cela serait plus nuisible que positif pour la démocratie. Nous voulons un parlement qui ne se compose pas seulement de fonctionnaires, mais qui représente toute la population.

Le scandale dans le parlement du Land de Saxe nous a récemment montré comment les « ennemis intérieurs », auxquels on n'a apparemment pas imposé assez de limites, menacent la démocratie. Comment peut-on empêcher que la partie de la population qui sympathise avec les groupes anti-démocratiques augmente ?

En refaisant de la politique un thème de discussion publique. Une grande partie de la population, la « masse silencieuse », n'a plus d'intérêt pour la politique. Quand cette grande masse au centre se tait, les petits groupes extrémistes deviennent forts. Le silence est une sorte de luxe que l'on peut seulement se permettre si l'on est satisfait de la situation. Mais il ne faut pas que cette satisfaction nous semble naturelle, il faut toujours se souvenir que nous devons notre bien-être à la démocratie. C'est pourquoi il ne faut pas se taire et laisser les groupes anti-démocratiques répandre leurs slogans, mais imposer des limites clairement définies. Il ne faut pas qu'un député profite de la liberté d'opinion et puisse impunément tenir des propos extrémistes comme l'incitation à la violence.

En ce moment, nous examinons si la liberté de parole peut être limitée afin qu'il soit possible de punir les propos extrémistes. Sinon, la démocratie pourrait être vaincue avec ses propres armes.

Les jours anniversaires comme le 27 janvier [Le Parlement Fédéral a évoqué la mémoire des victimes de l'Holocauste] nous rappellent la valeur de la démocratie et ils aident aussi à éclairer la population pour empêcher qu'elle sympathise avec les groupes d'extrême droite ou d'extrême gauche. Quant aux députés du NPD [un parti nationaliste allemand], il faut trouver un compromis: d'une part, chercher le débat politique et montrer en public la fausseté de leurs arguments historiques, et d'autre part, poser des limites et plus strictement faire usage du droit d'interdire les propos extrémistes.

George W. Bush a récemment prêté serment pour la deuxième fois comme 43 e Président des États-Unis. Est-ce que le combat américain contre le terrorisme, l'oppression et la tyrannie en Afghanistan et en Irak est une possibilité pour défendre la démocratie ?

C'est une question difficile. Les bombes ne peuvent pas apporter la démocratie dans la tête et le coeur des gens. La démocratie ne peut pas être créée par la guerre. La violence militaire doit toujours être le dernier moyen, si les négociations diplomatiques, les relations économiques et les sanctions ont échoué. En plus, après la guerre, il faut aider à construire un nouvel ordre, comme les Américains le font en Afghanistan. Toutefois, il y a une pensée derrière le terme de « démocratie vaillante ». La communauté mondiale pacifique doit défendre et protéger les droits de l'Homme. Si cela ne réussit pas avec les discussions et l'effort de persuasion, il faut quand même poser des limites et respecter le droit international pour que la démocratie reste vaillante. Pourtant, l'objectif doit toujours être d'éviter le moyen le plus effroyable, la guerre.

12. Interview de M. Rainer Wieland, membre (PPE) du Parlement européen
réalisée par le lycée Wilhelm - Stuttgart (Allemagne)

7 Mars 2005

Depuis les élections au Landtag de Saxe en 2004, on remarque que le parti NPD et de l'extrême droite ont des résultats de plus en plus élevés. A votre avis, quel danger cela représente-t-il pour la démocratie en Allemagne et en Europe ?

Le seul fait qu'une partie de l'extrême droite ou de l'extrême gauche soit représentée dans un Parlement n'est pas une preuve suffisante pour affirmer que cela constitue un danger pour la démocratie. Le danger est seulement réel si les démocrates ne prennent pas au sérieux ce problème. Ce qui est décisif, c'est de miser sur le pouvoir de l'argumentation, en direction des élus de ces partis et surtout envers les électeurs.

En Allemagne, la démocratie directe est très limitée car le référendum n'existe même pas pour des sujets aussi décisifs que la nouvelle constitution européenne. A votre avis, cela aurait-il un sens de poser cette question aux Allemands comme cela se fait en France ou en Pologne ?

Le fait que d'autres pays font un référendum doit toujours être comparé à la réalité de leur Constitution. Aux Pays-Bas, le référendum existe mais le Gouvernement n'est pas lié par le résultat. Je conseille de se poser la question du référendum en Allemagne dans une période moins agitée. A mon avis, il y a beaucoup de bons et sérieux arguments en faveur de la démocratie directe, mais les inconvénients l'emportent, car la question du référendum se pose toujours quand une masse critique de gens est opposée à une décision et sent qu'on ne tient pas compte de son opinion sur le sujet. Il ne faut pas prendre la décision d'introduire le référendum en tenant compte que d'une question spécifique.

La démocratie qu'on connaît chez nous n'est pas une réalité partout en Europe, par exemple dans certains pays de l'Est. Donc jusqu'à quel point l'Allemagne peut-elle aider ces pays à développer leur propre démocratie ?

Une question importante que l'on doit se poser avant tout, est de savoir si nous sommes l'élite de la démocratie. La France, dont le Président est directement élu par le peuple mais où le Parlement a moins de pouvoir qu'en Allemagne, est-elle une nation plus démocrate que la nôtre ? La plupart des pays de l'Est ont changé deux à trois fois de gouvernement depuis le renversement de 1997. La possibilité pour les électeurs de provoquer le renversement de la majorité du gouvernement est un aspect important de la démocratie ; ils sont sur la bonne voie. Ce qu'ils peuvent par contre apprendre de nous est que l'on peut s'entendre même si on ne fait pas partie du même parti politique.

En Allemagne, et surtout à l'Est de notre pays, les gens manifestent leur insatisfaction envers la politique et leurs représentants. A votre avis, à quel point vous sentez-vous responsable de la protection de la démocratie vis-à-vis d'elle-même et de groupes anti-démocratiques ?

Celui qui est démocrate doit se défendre contre les extrémistes car ceux-ci donnent une image négative de l'Allemagne à l'étranger. Je dois admettre que le problème de l'insatisfaction envers les élus est un problème contre lequel chacun d'entre eux doit agir. Par contre, on doit aussi se poser la question de savoir dans quelle mesure chaque électeur est responsable du développement de cette insatisfaction. L'inconvénient de la démocratie est que le politicien qui dit la vérité aux électeurs, et qu'ils ne veulent pas l'entendre, court le risque de ne pas être réélu. Nous devons être conscients que l'État, ce n'est pas seulement la classe politique mais nous tous.

Pensez-vous que les décisions prises dans l'Union européenne ont suffisamment de légitimité démocratique ? (problème du déficit démocratique)

Le problème du déficit démocratique s'est amélioré. Le Parlement a plus de possibilités de contribuer aux décisions mais manque toujours du pouvoir d'initiative. Seule la Commission européenne possède ce droit d'initiative contrairement au Parlement et au Conseil. A mon avis, ce ne serait pas utile de donner ce droit au Parlement car on devrait aussi l'accorder au Conseil et il n'est pas sûr que ce soit une bonne idée.

Le Parlement a seulement le pouvoir d'agir en fonction des droits qui lui sont accordés par les États membre dans le cadre des traités. Nous ne devons pas sous-estimer que si le Parlement oppose son veto à une décision, rien ne peut être décidé. C'est pourquoi la Commission doit écouter la voix du Parlement. Actuellement, chaque parlementaire doit essayer de tirer le meilleur parti des circonstances.

13. Interview de Philippe Mahoux, sénateur socialiste,
réalisée par les élèves de l'Athénée royal François Bovesse - Namur (Belgique)

1 er trimestre 2005

La politique est souvent une préoccupation mineure pour les jeunes. Avez-vous des idées pour développer l'esprit citoyen ? Comment sensibiliser les jeunes ?

Premièrement, il faut bien leur expliquer que la politique s'occupe d'eux même si elle ne les intéresse pas ou qu'ils ne se rendent pas compte de ses implications réelles dans leur vie. Ils doivent pouvoir appréhender à sa juste valeur la situation de bonheur dans laquelle ils évoluent au quotidien. Cette prise de conscience s'opère rarement d'elle-même durant l'adolescence mais survient souvent vers l'âge de la majorité lorsque les jeunes sont appelés à voter pour la première fois ou lors de leur entrée dans le monde du travail. En outre, il faut utiliser l'enseignement pour « éduquer » les jeunes en leur inculquant les rudiments nécessaires pour qu'ils puissent assumer leur rôle de citoyen. L'école doit aussi servir à les mettre en garde contre des phénomènes de société néfastes tels que le racisme ou la xénophobie. Pour conclure; les jeunes doivent pouvoir considérer concrètement le rôle de la politique dans notre société.

L'Union européenne ressemble de plus en plus à une grosse machine. Les gens ont l'impression que les décisions se prennent loin d'eux. Comment remédier à cela ?

Il est vrai que le fonctionnement des institutions européennes et la répartition des pouvoirs sont des choses complexes à comprendre et à expliquer aux citoyens. De plus, les gens ont souvent l'impression que les décisions se prennent loin d'eux.

Il faut donc sensibiliser les gens avec des exemples concrets qui les touchent et qu'ils sont à même de comprendre, comme leur alimentation, les soins de santé, leur sécurité sociale ou leurs conditions de travail.

Il faut savoir que 60% des textes de lois sont européens ou proviennent de directives européennes.

Il faut souligner également le caractère pacifique de l'Union européenne et cela a permis une évolution démocratique dans les pays membres. En effet, plus aucune nation de l'union européenne n'a été en guerre depuis 1945, fin de la seconde guerre mondiale.

Il faut également que le citoyen prenne conscience de ses devoirs et de ses droits ; même s'il est vrai que les institutions sont impressionnantes et peu abordables, on peut toujours y demander des comptes, rencontrer les élus nationaux ou régionaux. Mais trouver des exemples concrets restent pour moi la meilleure manière de sensibiliser les gens à la vie politique européenne.

La démocratie est un système politique qui permet la montée de l'extrême droite. Comment diminuer l'influence de ces mouvements ? La situation sociale est très liée à leur succès ?

Cela est une grosse question puisqu'elle n'a jamais été résolue. Premièrement, la meilleure manière de lutter contre les partis d'extrême-droite est de sans cesse continuer à prôner les valeurs de liberté et les richesses de la différence. Deuxièmement, un parti politique doit pouvoir proposer des politiques sociales ; cela me paraît fondamental. Mais il est vrai que l'exclusion, le non-emploi et donc le précarité sont des terreaux où les partis d'extrême droite peuvent venir semer leurs mauvaises paroles et leurs solutions simplistes aux problèmes actuels. Attention cependant à ne pas fustiger les gens les plus pauvres en prétendant que eux seuls votent pour les partis extrémistes. Il est vrai cependant qu'une personne au chômage depuis plusieurs années va avoir envie de se révolter contre le système pour réclamer ce qu'elle veut mais cela doit être en prônant des valeurs qui donnent le droit de liberté à chacun ; sûrement pas en épousant les thèses d'un parti politique qui justement restreint ces mêmes libertés.

Rappelons au passage que chaque fois qu'un parti d'extrême droite s'est retrouvé au pouvoir, la première mesure prise a été de limiter la liberté d'expression.

Et donc j'en reviens aux politiques sociales précises qu'il faut mener à l'égard de l'ensemble de la population en remettant sans cesse les droits de l'Homme : d'ailleurs je suis un fervent partisan de ce que l'on appelle « le cordon sanitaire »Je pense également que les médias ont leur rôle à jouer dans tout cela. Cela me paraît évident qu'il ne faut pas laisser la parole à des personnes bafouant les droits de l'Homme et les libertés de chacun.

Il faut aussi se poser la question du financement de ces partis extrémistes. Nous venons d'avancer de manière assez précise puisque nous avons adopté des textes qui permettent de ne plus financer les partis ayant été condamnés pour des atteintes aux droits de l'Homme.

D'un côté la Belgique a été première en matière européenne mais par contre. pour ce qui est de la constitution le gouvernement a décidé de ne pas organiser une consultation populaire comme en France . N'est-ce pas une belle occasion ratée de donner la participation aux citoyens et de devoir mieux les informer sur cette constitution européenne ?

La raison principale est que la constitution belge ne prévoit pas qu'on puisse faire une consultation populaire! Pour demander l'avis aux citoyens, il faudrait d'abord modifier notre constitution. Or, l'article qui a trait à Ici consultation populaire est un article qui ne peut être soumis à révision pour l'instant.

Néanmoins, si la loi n'était telle, les résultats belges de ce référendum seraient certainement favorables ; par contre, les quelques non seraient sans doute enregistrés par les partis d'extrême droite flamands. Il est donc préférable, vu Ici montée de l'extrême droite en flandre, de ne pas faire de consultation populaire.

Notre état fédéral accorde une grande place à la région. Ne pensez-vous pas qu'au sein de l'Union européenne les États - nations gardent trop d'importance pour que naisse vraiment un esprit européen ?

Il est certain que ceux-ci ont beaucoup de pouvoir. Cependant, il faut conserver le vote à l'unanimité dans certaines matières car si on l'abandonnait, nous risquerions de perdre nos avantages (par exemple : si une loi européenne prévoyait de changer le système de la sécurité sociale, nous y perdrions forcément puisqu'il n'est pas possible de faire mieux que ce que nous avons). Ceci met en évidence le rôle des États parce qu'un seul a le pouvoir de bloquer le processus. Par conséquent, il est important que l'Europe ne s'occupe pas de choses dont on s'occupe mieux au niveau de l'état ou des régions comme c'est le cas en matière sociale. De la même façon pour toute une série de problèmes ce sont les régions qui sont compétentes parce qu'elles sont plus efficaces. Hélas, certains États très centralisés délèguent encore trop peu de pouvoirs aux régions.

Vous êtes membre du parti socialiste. Le citoyen entend des critiques virulentes contre le caractère libéral de la future constitution européenne et pourtant votre parti veut la ratifier. Comment expliquer cela au citoyen qui a déjà du mal à s'y retrouver ?

Il est certain que cette constitution n'est pas parfaite mais elle promeut le marché. A partir du moment où le marché est productif, les objectifs du parti socialiste peuvent être remplis. Elle est utilisée comme un moyen d'action et non pas comme un programme. Il est vrai qu'elle a une forte tendance libérale mais il est prévu qu'elle puisse être modifiée et améliorée. Avec tout le temps et les moyens qui ont été investis dans ce projet, on peut obtenir un résultat Qui ne sera pas parfait mais constitue une avancée supplémentaire. De toute façon, ce n'était pas pensable de créer un constitution qui répondait aux attentes de tout le monde.

14. Interview de M. Philippe Mahoux, sénateur socialiste,
par les élèves de l'Athénée royal - Namur (Belgique)

1 er trimestre 2005

L'élargissement de l'Union Européenne conduira-t-il forcément à un plus grand respect de la démocratie et des droits de l'homme ?

Tout d'abord, je tiens à dire que cet élargissement est nécessaire et positif, en particulier pour les nouveaux pays membres. Pour ce qui est de la démocratie et des droits de l'homme, je pense que la nouvelle Constitution européenne doit être acceptée car elle constitue indubitablement un plus pour certains des nouveaux adhérents ayant fait partie de l'ancien bloc de l'Est. Il faut bien vous dire que pour des anciennes dictatures communistes telles que la Pologne et la Hongrie, cette constitution est synonyme d'une avancée significative en matière des droits de l'homme. Elle se positionne comme une base solide pour une vraie démocratie dans ces pays qui ont connu bien pire. Enfin, cette démocratie, positive pour nous comme pour eux, ne pourra être obtenue dans ces pays que si l'on met en oeuvre une volonté politique et citoyenne.

Personnellement, je vois une Europe fédérale, régie par des lois communes et dans laquelle les problèmes sociaux ne seraient pas oubliés. Telle est ma conception mais elle ne fait pas l'unanimité car plus il y a de membres, plus c'est difficile d'harmoniser les législations.

La politique est souvent une préoccupation mineure pour les jeunes. Avez-vous des idées pour développer l'esprit citoyen ? Comment sensibiliser les jeunes ?

Premièrement, il faut bien leur expliquer que la politique s'occupe d'eux, même si elle ne les intéresse pas ou qu'ils ne se rendent pas compte de ses implications réelles dans leur vie. Ils doivent pouvoir appréhender à sa juste valeur la situation de bonheur dans laquelle ils évoluent au quotidien. Cette prise de conscience s'opère rarement d'elle-même durant l'adolescence mais survient souvent vers l'âge de la majorité lorsque les jeunes sont appelés à voter pour la première fois ou lors de leur entrée dans le monde du travail. En outre, il faut utiliser l'enseignement pour « éduquer » les jeunes en leur inculquant les rudiments nécessaires pour qu'ils puissent assumer leur rôle de citoyen. L'école doit aussi servir à les mettre en garde contre des phénomènes de société néfastes tels que le racisme ou la xénophobie. Pour conclure, les jeunes doivent pouvoir considérer concrètement le rôle de la politique dans notre société.

L'union européenne ressemble de plus en plus à une grosse machine. Les gens ont l'impression que les décisions se prennent loin d'eux. Comment remédier à cela ?

Il est vrai que le fonctionnement des institutions européennes et la répartition des pouvoirs sont des choses complexes à comprendre et à expliquer aux citoyens. De plus, les gens ont souvent l'impression que les décisions se prennent loin d'eux.

Il faut donc sensibiliser les gens avec des exemples concrets qui les touchent et qu'ils sont à même de comprendre, comme leur alimentation, les soins de santé, leur sécurité sociale ou leurs conditions de travail.

Il faut savoir que 60% des textes de lois sont européens ou proviennent de directives européennes. Il faut souligner également le caractère pacifique de l'Union européenne et cela a permis une évolution démocratique dans les pays membres. En effet, plus aucune nation de l'union européenne n'a été en guerre depuis 1945, fin de la seconde guerre mondiale.

Il faut également que le citoyen prenne conscience de ses devoirs et de ses droits ; même s'il est vrai que les institutions sont impressionnantes et peu abordables, on peut toujours y demander des comptes, rencontrer les élus nationaux ou régionaux. Mais trouver des exemples concrets reste pour moi la meilleure manière de sensibiliser les gens à la vie politique européenne.

La démocratie est un système politique qui permet la montée de l'extrême droite. Comment diminuer l'influence de ces mouvements ? La situation sociale est très liée à leur succès. Cela est une grosse question puisqu'elle n'a jamais été résolue. Premièrement, la meilleure manière de lutter contre les partis d'extrême droite est de sans cesse continuer à prôner les valeurs de liberté et les richesses de la différence. Deuxièmement, un parti politique doit pouvoir proposer des politiques sociales ; cela me paraît fondamental. Mais il est vrai que l'exclusion, le non-emploi et donc la précarité sont des terreaux où les partis d'extrême droite peuvent venir semer leurs mauvaises paroles et leurs solutions simplistes aux problèmes actuels. Attention cependant à ne pas fustiger les gens les plus pauvres en prétendant que eux seuls votent pour les partis extrémistes.

Rappelons au passage que chaque fois qu'un parti d'extrême droite s'est retrouvé au pouvoir, la première mesure prise a été de limiter la liberté d'expression.

Et donc j'en reviens aux politiques sociales précises qu'il faut mener à l'égard de l'ensemble de la population en remettant sans cesse les droits de l'Homme : d'ailleurs je suis un fervent partisan de ce que l'on appelle « le cordon sanitaire »*.

Il faut aussi se poser la question du financement de ces partis extrémistes. Nous venons d'avancer de manière assez précise puisque nous avons adopté des textes qui permettent de ne plus financer les partis ayant été condamnés pour des atteintes aux droits de l'Homme.

A ce propos, dans notre région voisine, la Flandre, un parti nationaliste et extrémiste, le Vlaams Belanq, recueille 25% des voix. Il n'est pas vraiment pro-européen.

Ne confondons pas les choses ! Tout le monde a le droit de ne pas être partisan de l'Europe, ceci n'est pas une idée anti-démocratique. Le problème de l'extrême droite n'est pas qu'elle soit opposée à l'Europe mais de tenir des thèses d'exclusion, de stigmatisation,... Bref, des propos racistes ! Ce sont ses thèses « liberticides » (c'est-à-dire qui touchent à la liberté de tout un chacun) qui sont illégitimes car contraire à la démocratie. C'est vrai que ce phénomène se répand davantage en Flandre (20 - 25%) mais il ne faut pas stigmatiser l'ensemble d'un peuple. Ce qui est le plus inquiétant, c'est que bon nombre de partis flamands pensent qu'il faut rompre le cordon sanitaire et qu'il serait opportun à présent de négocier avec eux pour nous wallons, c'est inadmissible.

D'un côté la Belgique a été première en matière européenne mais par contre, pour ce qui est de la constitution le gouvernement a décidé de ne pas organiser une consultation populaire comme en France. N'est-ce pas une belle occasion ratée de donner la participation aux citoyens et de devoir mieux les informer sur cette constitution européenne ?

La raison principale est que la constitution belge ne prévoit pas qu'on puisse faire une consultation populaire ! Pour demander l'avis aux citoyens, il faudrait d'abord modifier notre constitution. Or, l'article qui a trait à la consultation populaire est un article qui ne peut être soumis à révision pour l'instant.

Néanmoins, si la loi n'était telle, les résultats belges de ce référendum seraient certainement favorables ; par contre, les quelques NON seraient sans doute enregistrés par les partis d'extrême droite flamands. Il est donc préférable, vu la montée de l'extrême droite en Flandre, de ne pas faire de consultation populaire.

Notre état fédéral accorde une grande place à la région. Ne pensez-vous pas qu'au sein de l'Union européenne les états - nations gardent trop d'importance pour que naisse vraiment un esprit européen ?

Il est certain que ceux-ci ont beaucoup de pouvoir. Cependant, il faut conserver le vote à l'unanimité dans certaines matières car si on l'abandonnait, nous risquerions de perdre nos avantages (par exemple : si une loi européenne prévoyait de changer le système de la sécurité sociale, nous y perdrions forcément puisqu'il n'est pas possible de faire mieux que ce que nous avons). Ceci met en évidence le rôle des États parce qu'un seul a le pouvoir de bloquer le processus. Par conséquent, il est important que l'Europe ne s'occupe pas de choses dont on s'occupe mieux au niveau de l'état ou des régions comme c'est le cas en matière sociale. De la même façon pour toute une série de problèmes ce sont les régions qui sont compétentes parce qu'elles sont plus efficaces. Hélas, certains États très centralisés délèguent encore trop peu de pouvoirs aux Régions.

* accord conclu en Belgique entre les partis démocratiques et aussi les différents organes de presse en vue d'isoler l'extrême droite et de refuser toute transaction avec elle.

15. Interview de M. Jean-Marc Nollet,
député écologiste à la Chambre des Représentants de Belgique
réalisée par les élèves de l'Athénée royal Ernest Solvay - Charleroi (Belgique)

1 er trimestre 2005

Fallait-il effectuer un référendum en Belgique ?

Selon Jean-Marc Nollet, ce mode de consultation présente trois lacunes :

1. Rien dans la constitution belge ne donne de valeur à ce mode de consultation et il faudrait préalablement modifier la constitution

2. Le débat risquerait d'être pollué par des thématiques telles : Turquie et Europe ?

3. Au niveau communautaire, il existe trop de différences d'attitude entre les habitants du nord et du sud du pays.

Pour conclure, M.Nollet estime que l'absence de référendum est légitime.

L'Europe n'applique-t-elle pas une politique néo-libérale. ?

Selon notre député, il est évident que l'Europe privilégie l'aspect économique avant le volet social et environnemental.

Pour expliquer cette situation , M. Nollet cite deux pays tels que la Belgique et la Pologne et nous montre qu'il ne faudrait certainement pas que les « minima » polonais soit adapté en Belgique et ce aussi bien pour la Pologne que pour la Belgique. Il faut au contraire par des mécanismes de paliers et de cliquets, hisser les pays les moins développés vers de meilleures normes sociales et environnementales.

Ne faut-il pas élargir les compétences ?

La réponse de notre homme politique est nuancée. En effet, ce serait une bonne chose d'élargir les compétences afin de légitimer encore davantage l'Europe mais d'un autre côté cette augmentation des compétences passe par une augmentation du pourcentage du P.I.B au service de l'Europe.

Selon les élèves, il serait préférable de cibler mieux les besoins avant de parler d'augmentation. Notre orateur marque son accord avec cette réflexion et nous rappelle que le social est souvent vu pour corriger les erreurs de l'économie.

A la fin de l'entretien M. Nollet clame haut et fort sa croyance dans l'Europe en nous rappelant que depuis près de 60 ans l'Europe vit dans la paix.

N'est-ce pas là l'origine même de la création européenne ?

Poser la question c'est déjà y répondre. A ce moment, les étudiants avons rappelé que pour nous l'Europe c'était aussi le processus de Bologne et déjà nous aspirions à rencontrer d'autres étudiants universitaires issus de la grande Europe.

Pour finir, tous acquiescèrent quand l'orateur termina en disant : « Quand on rencontre les autres, on a moins peur et on va moins se battre ».

C'est par ces paroles de fraternité, de paix et d'espoir que le député Jean-Marc Nollet nous a quittés.

Ce débat fut riche en informations et nous, les élèves de l'Athénée Solvay de Charleroi, n'espérons qu'une chose : recommencer l'année prochaine ce type de concours et de rencontres.

Ceci nous a permis de mieux appréhender l'Europe et de démythifier le monde politique.

16. Interview de M. Sébastian Pirlot, député socialiste
au Parlement de la Communauté française de Belgique
réalisée par les élèves de l'Athénée royal - Athus (Belgique)

1 er trimestre 2005

Un trop grand nombre de lois - parfois difficiles à comprendre - ne risque-t-il pas d'éloigner les jeunes de la vie politique ?

Evidemment les lois doivent être respectées mais l'accumulation de lois, de décrets, de règlements semble parfois limiter la liberté. Cela risque d'éloigner les jeunes du monde politique ou, en tout cas, des institutions. Il faudrait peut-être les simplifier pour les rendre accessibles à tout le monde.

Le manque d'accès à la loi ne renforce-t-il pas l'inégalité sociale et l'insécurité dont la fracture sociale est une des grandes causes ?

C'est vrai que les inégalités en Europe augmentent. La fracture sociale est de plus en plus forte. On est face à un phénomène de mondialisation économique. Les écarts entre riches et pauvres se creusent. L'insécurité envahit certaines zones, mais il faut relativiser tout de même. Pour éviter l'insécurité, il faudrait que les parents donnent d'abord une meilleure éducation à leurs enfants et leur enseignent davantage de respect. Il faudrait renforcer la politique dans ce sens.

Est-ce que l'implication des jeunes dans la démocratie peut faire avancer la société ?

Aujourd'hui plus que jamais, les enfants et les jeunes ont des droits et des devoirs. Ils ont un rôle actif à jouer pour défendre la démocratie, c'est à dire que ce sont eux qui plus tard et nécessairement vont faire avancer la société. Il n'y a pas un type d'engagement spécifique aux jeunes, il est à chaque fois différent. Il dépend des générations. Les jeunes peuvent défendre la démocratie de manière différente car ils n'ont pas tous les mêmes idées. Ils voient le monde différemment, mais ils ne sont pas désintéressés du tout comme on le prétend souvent. Les jeunes doivent participer et se renseigner sur la démocratie. Les écoles devraient enseigner plus clairement aux jeunes ce qu'est la démocratie car beaucoup n'en savent rien. Une mauvaise implication de personnes malsaines peut entraîner une mauvaise influence sur la démocratie. L'exemple du Ille Reich est à ce titre éloquent. Il faut donc que les jeunes soient bien entourés, ni influencés et avec tous ces arguments, ils pourront s'y impliquer.

Une prise de pouvoir par un parti liberticide (extrême droite) ne risque-t-elle pas d'entraver nos libertés, voire de faire disparaître la liberté ?

Si, bien sûr. En cas d'accession au pouvoir, leur but est clairement d'entraver la bonne marche démocratique des autres partis. Ils chercheraient alors à diminuer nos libertés progressivement, de manière à ce que nous ne nous rendions compte directement. Quand leur système aurait été mis en place, il serait vraiment difficile de faire marche arrière. Ce serait la porte ouverte à tous les excès et à toutes les atrocités auxquelles nous avons déjà été confrontés.

17. Interview de M. Joël Riguelle, Conseiller régional bruxellois
réalisée par les élèves de l'Institut des Techniques et des Commerces Agro-alimentaires - Arvalée (Belgique)

1 er trimestre 2005

Quel rôle peut, jouer le politicien dans la défense et le développement de la démocratie ?

Les hommes politiques ont un grand rôle à jouer pour permettre le développement de la démocratie. Pour y parvenir, il faut veiller à respecter deux grandes règles.

La première est celle de l'éthique personnelle. Elle doit être irréprochable. La démocratie passe pour le politicien par le respect de la législation et des règles en vigueur. Non seulement, il doit les respecter, mais il a aussi le devoir de veiller à ce qu'elles soient respectées et de dénoncer tout manquement.

La deuxième règle est celle de l'attention portée au citoyen. Le politicien doit se montrer attentif vis à vis de ses concitoyens. Il faut également lui donner la possibilité de s'exprimer, de faire entendre sa voix. Dans la mesure du possible, il faut tenter de donner la possibilité aux gens de participer au processus décisionnel.

Quelles sont les actions qu'il faudrait mener pour permettre à la démocratie de se renforcer

Pour permettre un développement efficace de la démocratie, il faut faire des gens des citoyens responsables. Pour y arriver, il faut informer et faire comprendre la politique aux gens. Pour cela deux axes doivent être mis en avant.

Dans un premier temps, c'est le politique qui doit faire oeuvre didactique. C'est à lui de montrer que finalement la politique n'est pas si compliquée que cela. Il faut lui expliquer les enjeux. Le citoyen n'est pas bête.

En collaboration avec les politiciens, le monde de l'éducation a aussi un rôle à jouer. C'est à l'école, que les futurs citoyens doivent apprendre comment fonctionnent les institutions de leurs pays. Il faut les confronter au principe démocratique en développant l'idée des conseils de participation au sein des écoles. Tout cela permet de développer la conscientisation des jeunes. Cela doit être une des priorités de tout enseignant : le développement de citoyens consciencieux.

La défense de la démocratie doit-elle passer par l'interdiction des partis liberticides ?

Il ne faut pas avoir peur de lutter par tous les moyens contre les partis liberticides. L'Allemagne, qui a un plus lourd passé que nous, l'a bien fait. Face à ces partis, il faut avoir un langage clair. Il n'est pas normal que des partis qui ne respectent pas le jeu démocratique puissent bénéficier d'un financement public.

Par contre, il faut être plus proche des gens attirés vers ces partis. Il faut essayer de comprendre leur choix et leurs problèmes. Il faut donc tenter de les aider et de les rassurer. Il ne faut pas les critiquer mais les soutenir.

La lutte contre les partis liberticides et la défense de la démocratie passe donc par un rapprochement entre le personnage politique et le citoyen.

Quel rôle peut jouer l'Europe dans la défense de la démocratie ?

L'Europe véhicule en général des valeurs de respect des droits de l'homme. C'est aussi un vecteur de démocratie.

L'élargissement de l'Europe doit aussi être vu comme un formidable moyen de développer les politiques d'intégration.

L'Europe n'est pas seulement économique, elle peut être sociale et donc proche du citoyen.

Quel est le meilleur moyen de renforcer la démocratie ?

Le renforcement de la démocratie passe donc inévitablement par un rapprochement entre électeurs et élus. C'est en étant à l'écoute des gens que l'on parvient à réduire le fracture entre le politicien et le citoyen.

Il faut également développer les modalités de participation des citoyens au processus décisionnel.

Pour protéger la démocratie, il faut rendre facile la compréhension de la politique. C'est en associant les citoyens à la politique, que l'on parviendra à mieux analyser les situations.

18. Interview de M. Marc Tarabella, membre socialiste du Parlement européen
réalisée par les élèves de seconde 1 de l'Athénée Royal - Philippeville (Belgique)

21 mars 2005

Le projet de Constitution européenne doit être ratifié par les 25 États membres, quid en cas d'échec dans un ou plusieurs pays ? Est-ce que tout est bloqué ? Est-ce qu'on ne peut pas imaginer que des pays continuent dans le projet de fédéralisation pendant que d'autres restent en arrière ?

Si le projet de Constitution n'était pas adopté par l'un des États, l'Europe continuerait à fonctionner selon le traité de Nice : système un peu figé (application de la règle de l'unanimité, les membres ont le droit de veto), il n'y aurait pas de Ministre des Affaires étrangères commun, l'Union européenne manquerait de crédibilité du point de vue international. Dans le ou les pays qui diraient non, des efforts d'information devraient être réalisés.

Si le traité n'est pas ratifié, une coopération renforcée dans certains domaines pourrait exister mais il y aurait alors danger d'une Europe à deux vitesses.

Que pouvons nous espérer de la nouvelle constitution européenne du point de vue économique et du point de vue social ?

Actuellement les personnes et les biens circulent déjà librement dans l'Union européenne. La directive Bolkestein propose la libre circulation des services avec comme principe directeur la législation du pays d'origine.

Si la libéralisation des services entrait en vigueur, la concurrence serait forte et entraînerait une régression sociale (dumping social) pour des pays comme le nôtre. Il faudrait d'abord harmoniser les salaires, la législation sociale.

Entr+er dans l'Union européenne est-ce réellement une aubaine pour les nouveaux pays entrants ?

Ces pays nouvellement entrés sont déçus à juste titre : l'Europe ne répond pas à leurs espérances. Ils sont entrés trop tôt car il aurait été préférable d'améliorer d'abord le mode de fonctionnement des institutions et d'établir des règles claires. L'Europe a été créée sur base de la solidarité, mais les difficultés économiques présentes en Europe occidentale rendent difficile leur entrée.

Ces pays ne se rendent pas toujours compte des problèmes de concurrence qu'ils créent chez nous par leur arrivée.

Au Parlement européen, l'extrême droite est-elle représentée ? Si oui, ses députés sont-ils actifs et comment ? Comment les représentants des autres partis démocratiques réagissent-ils ?

Oui, l'extrême droite est représentée, mais il y a moins de 19 députés sur 732 et donc les élus d'extrême droite ne peuvent pas constituer un groupe, ils sont peu présents dans les différents groupes de travail, peu actifs dans leurs différentes commissions et rarement présents.

L'Europe est née sur les ruines de 1945, mariage de raison, aujourd'hui, l'Europe est devenue trop lointaine, les citoyens européens ne comprennent pas ou plus. Comment remédier à cette déficience ?

Il faut organiser plus de contacts avec la population. Il faut que les députés européens rencontrent la population, fassent plus de travail de communication. La presse ne fait peut-être pas tout ce qu'elle devrait, le texte des directives est trop technocratique, sujet à interprétations, comme par exemple la directive Bolkenstein qui autorise 15 interprétations différentes.

Le paradoxe est que l'Europe décide de choses pour notre mode de vie, et que les citoyens ne les connaissent pas.

19. Interview de M. Elio Di Rupo, député socialiste
à la Chambre des Représentants de Belgique
et de M. Gérard Deprez, membre du Parlement européen
(Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe)
réalisée par les élèves de l'Athénée Royal - Ath (Belgique)

1 er trismestre 2005

Nous avons commencé à étudier les Institutions belges et leur évolution, cela nous semble fort compliqué (nombreux niveaux de pouvoirs, compétences de chacun, évolution des partis politiques ...) Pensez-vous qu'une telle complexité a contribué à sauvegarder la démocratie en Belgique depuis 1970?

M. Elio Di Rupo - Nous sommes en effet dans un pays à la structure institutionnelle bien complexe. D'un point de vue historique, les Flamands ont voulu mettre en avant leur culture et leur langue, les trois Communautés ont donc été créées en 1970. Par contre, les Wallons souhaitaient insister sur l'économie, les trois Régions ont donc été créées lors de la deuxième vague en 1980. Pour la Région Bruxelles Capitale, il a fallu attendre 1988 pour qu'elle soit dotée d'institutions propres. Les entités fédérées ont acquis de plus en plus de compétences au fur et à mesure des réformes institutionnelles. La Belgique n'est pourtant devenue un véritable État fédéral qu'en 1993, le 14 juillet exactement. Ce n'est qu'à partir de ce moment que le fédéralisme belge est devenu une réalité juridique formellement reconnue.

La démocratie existe à tous les niveaux de pouvoirs car les électeurs choisissent leurs représentants dans les assemblées. Notons que les Flamands ont de suite décidé de fusionner la Communauté et la Région, ce n'est pas le cas pour les Francophones afin de ne pas se désolidariser de Bruxelles. Cependant, la complexité est toujours mal perçue, c'est un obstacle souvent inévitable. Dans le cas belge, c'est le chemin du moindre mal.

M. Gérard Deprez - «J'entends parler de l'éclatement de la Belgique depuis trente ans, est-ce une éventualité? Peut-être, mais je ne le souhaite pas». Prenez l'exemple de l'ex-Tchécoslovaquie : c'est la Slovaquie, la région la plus défavorisée qui voulait la séparation de la Tchéquie majoritaire et plus riche.

Depuis qu'elles se sont séparées, ces deux Républiques vont mieux. C'est un exemple de scission réussie. En irait-il de même pour la Belgique? Les conséquences seraient différentes, en particulier parce qu'il y a le problème de Bruxelles. Mais, sur le plan institutionnel, la Wallonie serait bien représentée. Sur le plan financier, elle bénéficierait du plan de cohésion (qui résoudrait le problème du financement de la sécurité sociale dont elle ne peut bénéficier dans le cadre de l'État fédéral).

Et si la Belgique éclatait ? Quel poids politique auraient encore les Régions à l'échelle de l'Union européenne? Serait-il suffisant d'après vous pour sauvegarder les intérêts des citoyens wallons, flamands et bruxellois? Quel serait le statut de Bruxelles?

M. Elio Di Rupo - Le risque serait énorme et ce processus a commencé depuis 1968 notamment par l'éclatement des partis politiques, plus de partis nationaux.

Actuellement, certains États membres de l'Union Européenne sont bien plus petits que la Wallonie ou que la Flandre. Par exemple, le Grand Duché du Luxembourg avec 430 000 habitants, Chypre avec 800 000 habitants, l'Estonie avec 1,4 millions d'habitants, la Lettonie avec 2.4 millions d'habitants, Malte avec 400 000 habitants ou la Slovénie avec 2 millions d'habitants.

Nous aurions un poids démographique et économique suffisant pour faire entendre notre voix dans l'Union Européenne mais un éclatement de la Belgique impliquerait beaucoup d'autres difficultés pratiques au niveau national. Quant à Bruxelles, il faudrait lui trouver un statut particulier, il y aurait plusieurs scénarios possibles ... à suivre.

Que pensez-vous pouvoir et devoir faire pour que la Constitution européenne présente toutes les garanties de respect des valeurs démocratiques dans tous les pays membres?

M. Elio Di Rupo - La Constitution de l'Union européenne est un véhicule qui devient plus performant mais dont la route est encore semée d'embûches. Il faut donc améliorer la route en informant les citoyens et en obtenant d'eux qu'ils s'investissent dans la réalisation des projets qui les concernent.

M. Gérard Deprez - La Constitution prévoit des sanctions contre les gouvernements qui ne respecteraient pas les principes de la démocratie. Par essence, l'idée européenne s'oppose aux nationalismes de tous bords. Dans certains pays, l'extrême droite fait partie du gouvernement mais tant que les règles démocratiques sont respectées, 1'UE n'a pas à intervenir. On défend la démocratie avec les armes de la démocratie pas avec celles de ses adversaires.

Que pensiez-vous de l'organisation en Belgique d'une «consultation populaire» à propos d'une Constitution (Traité) européenne ? Etait-ce une menace pour la démocratie comme le disent certains partis?

M. Elio Di Rupo - Nous ne sommes pas opposés au principe mais nous nous posons des questions par rapport au cadre juridique actuel. Une telle consultation populaire demande une révision de la Constitution. Une proposition de loi qui se base sur la modification de l'article 167§2 de la Constitution était en effet à l'agenda de la Commission parlementaire. C'était une solution possible mais ne résolvait pas tout.

Dans le même esprit, nous nous demandons quel sera le pouvoir réel du Parlement européen ? Quel sera sont poids par rapport aux Parlements nationaux ? Quelle sera la place du citoyen (en tant qu'individu) dans l'Union européenne ? Dans ce contexte ne croyez-vous pas qu'il faut encourager et élargir à tout le pays les initiatives transfrontalières comme le programme Interreg, collaboration en matière de programmes télévisés entre C9 Télévision Lille, West Vlaams Televisie et NO Télé (Hainaut occidental) ? Est-ce possible d'après-vous, compte tenu de la mentalité des collectivités qui, dans le cadre de la mondialisation veulent surtout sauver leur identité et développent une tendance au repli sur soi ?

M. Elio Di Rupo - L'Europe est l'espace où la démocratie est la plus présente. Le pouvoir du Parlement européen ne cesse de s'accroître.

Les citoyens élisent lors des élections européennes les parlementaires qui représenteront leur pays au sein du Parlement Européen. Les citoyens européens ont le droit de vote et sont éligibles aux élections municipales dans leur pays de l'Union Européenne de résidence.

Le Traité constitutionnel renforce la place et le rôle du citoyen : la démocratie participative devient un élément fondateur du fonctionnement de l'Union. Le Traité constitutionnel consacre dans sa partie II la Charte des droits fondamentaux et la Cour de Justice sera compétente pour vérifier la compatibilité de l'action de l'Union européenne avec les principes contenus dans la Charte. C'est une avancée énorme pour les citoyens européens car même si certains droits fondamentaux ne sont pas prévus dans leur législation nationale, ils pourront se prévaloir d'une protection européenne.

Quant aux échanges transfrontaliers, ils doivent évidemment être encouragés, ils sont indispensables. La ville de Mons offre un exemple de collaboration culturelle avec la ville de Maubeuge, et bientôt celle de Valenciennes.

Il faut se guérir de la simplification de la vie, ce n'est pas de perdre son identité que de s'ouvrir à une autre culture. Si nos ancêtres hominidés n'avaient pas eu la curiosité de partir, de découvrir ce qui se passait à des milliers de Km, nous ne serions peut-être pas là aujourd'hui.

20. Interview de Mme Rosa Aguilar, maire de Cordoue, ex-parlementaire
réalisée par les élèves du Collège Cervantes - Cordoue (Espagne)

1 er trimestre 2005

Bonsoir. Merci de nous accorder cette interview. Comme vous le savez, nous allons vous interroger sur les moyens de défendre et développer la démocratie D'abord, quelle définition pourriez-vous nous donner de ce mot ?

Et bien, je crois que le grec nous en donne une assez exacte : c'est un système politique dans lequel le peuple exerce la souveraineté. C'est la raison pour laquelle, nous, les politiques, devons toujours maintenir cette responsabilité envers les gens qui nous ont élu tandis qu'eux ont parfaitement le droit, je dirais même le devoir, d'exiger de nous des responsabilités.

Et comment croyez-vous que, nous, les citoyens de la rue, pouvons défendre la démocratie ?

Je crois, d'abord, en étant conscients de vos droits et en exigeant le respect de ceux-ci, sur les sujets liés à l'éducation, la santé, l'information, ... D'autre part, le premier droit d'un citoyen dans une démocratie est le droit de vote. C'est ainsi qu'il peut manifester l'orientation politique, sociale et économique qu'il veut voir dans les organes qui le représentent. D'autre part, il peut aussi participer au changement de la société dans différentes associations ou groupes, comme ici à Cordoue où les associations de quartier se réunissent pour décider ce que la Mairie doit faire dans les quartiers, exprimer leurs besoins, etc. A un niveau plus global, les citoyens ont toujours le droit de grève ou de manifestation pour protester contre des situations qu'ils jugent injustes ou incorrectes, comme ça a été le cas ici avec la guerre en Irak, où le peuple espagnol manifesta clairement qu'il était contre et élut finalement le parti qui a respecté cette volonté, ou bien avec le cas des mauvais traitements aux femmes, pour lequel la pression populaire a permis qu'un projet de loi soit élaboré pour défendre les victimes. En outre, je crois qu'il est très important que les citoyens aient un engagement très clair envers la démocratie, qu'ils la revendiquent et qu'ils l'exigent.

Et ici même, depuis la Mairie de Cordoue, que fait-on pour defendre la démocratie ?

Et bien, comme je vous l'ai déjà dit, Cordoue est l'une des villes d'Espagne où la vie associative est la plus riche. Les associations de quartier font un travail important et, depuis la Mairie, nous travaillons en étroite collaboration avec elles. Par exemple, Cordoue a été la première ville espagnole à implanter les budgets participatifs, qui nous viennent de Porto Alegre, au Brésil, où nous sommes allés pour voir comment cela fonctionnait là-bas et pouvoir les implanter ici. Cela consiste dans le fait que les citoyens, par le biais d'assemblées périodiques, décident des investissements à faire dans leurs quartiers respectifs. Ensuite, nous nous réunissons pour étudier les propositions de toutes les assemblées de quartier et nous votons les budgets municipaux en établissant un ordre de priorité qui respecte ces propositions. Nous nous efforçons également de tenir compte des revendications de tous les secteurs de la population cordouane, parce qu'une maire (ou un maire) doit être maire de tous les Cordouans et Cordouanes et pas seulement du secteur de la population qui l'a élu(e).

Vous, en plus d'être maire, vous avez aussi été représentante au Congrès des Députés. Depuis quel poste pensez-vous qu'il soit plus facile de défendre la démocratie ?

Ah, très intéressant. Et bien, je crois que ce sont deux niveaux différents et par conséquent les actions vont être différentes. D'abord, sans aucun doute, être Maire de Cordoue, ma ville, avec laquelle je m'identifie à cent pour cent, fait que l'implication est plus importante, parce que ce qui se passe à Cordoue m'affecte personnellement autant que n'importe quel citoyen ou citoyenne cordouan. Être maire implique qu'on se sente plus proche des préoccupations réelles des autres citoyens et citoyennes. D'autre part, la Mairie étant une structure relativement petite, elle est aussi plus souple et la rapidité d'action est plus grande au moment de tenir compte des demandes des gens.

Mais il est vrai que depuis une mairie isolée, il y a des paris importants pour la démocratie qu'on ne peut pas faire parce qu'ils requièrent une infrastructure plus vaste ou l'implication d'un plus grand nombre de secteurs ou de personnes. Dans ce sens, au Parlement, je me sentais également utile pour cela : pouvoir transmettre les préoccupations de mes concitoyens à un niveau beaucoup plus élevé et surtout faire en sorte que ces préoccupations puissent être traduites par des lois, comme celle dont je vous ai parlé auparavant sur les mauvais traitements aux femmes. Tout cela, une Mairie ne peut pas le faire.

En ce qui concerne la défense de la démocratie au niveau de l'État, quelles difficultés l'État espagnol a-t-il rencontrées ?

Je crois qu'elles sont assez évidentes. Avant la Guerre Civile, l'Espagne avait l'une des Constitutions les plus avancées d'Europe. Plus tard, avec l'arrivée au pouvoir de Franco, la démocratie reçut l'un des coups les plus sévères de l'histoire récente, avec l'implantation d'un système dictatorial qui a duré presque quarante ans. A la fin de cette période, les gens avaient complètement perdu la conscience de ce que devait être un État démocratique. Bon, évidemment, beaucoup de personnes ont lutté pour elle et pour maintenir les principes fondamentaux d'un État démocratique durant ces longues années, mais la peur, la répression et la censure firent que de vastes secteurs de la population se virent complètement éloignés de la démocratie. C'était un concept alors irréel, lointain. Ensuite, avec la mort de Franco, on commença à entrevoir d'autres possibilités, d'autres façons de gouverner, en grande partie grâce aux secteurs les plus progressistes de la population qui avaient maintenu vivante la flamme de la démocratie durant toutes ces années. Mais elles ne pouvaient pas non plus être implantées du jour au lendemain : il y avait encore des gens qui, s'étant vus favorisés par le régime franquiste, ne voyaient pas d'un bon oeil l'implantation d'un autre système. Pensez que nous avons mis trois ans à voter la Constitution et que même ainsi, trois ans plus tard, une tentative de coup d'État mit sérieusement en péril les résultats déjà obtenus. Ainsi, nous pourrions dire que la démocratie mit plus de six ans à s'implanter en Espagne après la dictature, au moins dans les institutions. Ce n'est pas non plus un laps de temps très long si l'on considère qu'il existait beaucoup de rancoeurs et de rivalités à apaiser, beaucoup de craintes de part et d'autre qui rendaient les accords difficiles, beaucoup de méfiance. Il est également vrai que certains secteurs durent accepter une espèce d'amnistie de certains fidèles du régime pour que les réformes puissent se poursuivre. De toutes façons, je crois que dans les mentalités, l'arrivée de la démocratie a été plus longue parce que, comme je l'ai dit auparavant, les gens ont eu du mal à croire qu'ils pouvaient réellement faire quelque chose pour changer la situation, qu'ils avaient vraiment un pouvoir. Il faut les convaincre que ce sont eux qui peuvent réellement défendre la démocratie, qu'ils doivent croire en elle pour que leurs représentants en appliquent les principes avec rigueur et honnêteté.

21. Interview de M. Raimundo Benzal, membre socialiste du Congrès des députés
réalisée les élèves de IES Las Encinas - Villanueva
de la Cañada (Madrid) (Espagne)

1 er trimestre 2005

Que pensez-vous de l'existence de groupes parlementaires extrémistes de droite ou de gauche ?

D'abord, il est de l'intérêt des citoyens que ces groupes n'aient pas de représentation institutionnelle. Les élections doivent être un tamis pour que les citoyens disent ce qu'ils préfèrent, mais même s'il n'y a pas de loi qui les empêche de rester (ils ont tous le droit de se présenter), il va de soi qu'ils sont très éloignés des positions du Parti socialiste espagnol. Dans l'hypothèse où il y a une règle qui empêche leur fonctionnement, les tribunaux ont la charge de la faire appliquer.

Quels sont les moyens les plus utiles pour défendre la démocratie ?

Tout d'abord, la Constitution en soi est déjà un bénéfice, car 25 pays se sont mis d'accord, bien qu'au niveau des gouvernements seulement. Elle sera ratifiée par certains pays par la voie parlementaire, et pas avec un référendum tel que nous l'avons fait.

L'existence d'une Constitution est un symbole et nous pouvons le dire très nettement, parce que la Constitution espagnole, pour l'Espagne, a été un énorme progrès pour notre pays. D'abord, de la Constitution européenne sont tirées des lois, en outre il y a trois questions fondamentales : la démocratie signifie transparence et ça veut dire une projection accrue de la démocratie vers les citoyens, car tout, de plein droit ou bien parce que le gouvernement même le fait, est transmis aux citoyens ; la transparence de l'action des gouvernements et en définitive la transparence de la vie publique en général. Ensuite, il doit y avoir de la proximité, puisque nous voulons changer les organismes qui existaient dans la législature précédente, et savoir rester proches des nécessités des citoyens. Et enfin, l'accomplissement de la Constitution est en soi un bénéfice ; comme les lois qui en dérivent, la proximité, la transparence.

De quelle façon les médias influencent la consolidation de la démocratie ?

Les médias l'influencent beaucoup, surtout dans une société comme l'actuelle, dans laquelle sont répétées des choses qui ne sont pas vraies mais qui s'installent socialement.

En fait, l'autorégulation fonctionne dans les pays qui ont sur nous un avantage, surtout en termes de nombre d'années de démocratie. A présent on discute des moyens de limiter la durée de consommation des mass-médias, en particulier des émissions pour enfants et de contrôler la « télévision poubelle ».

D'abord l'information doit être objective, distincte de l'opinion personnelle, et ensuite, elle a une importante fonction de formation.

Dans quelle mesure l'Union européenne peut contribuer à consolider la démocratie dans des pays qui veulent y entrer ?

Largement, puisque les pays qui désirent entrer dans l'Union européenne sont censés remplir une série de conditions démocratiques telles qu'une Constitution, des élections libres, etc.

D'abord, en ce qui concerne les règles, ces pays doivent avoir des institutions démocratiques, ce qui est déjà une conquête en soi. Ensuite, c'est fondamental, la séparation des pouvoirs, une division tripartite classique qui ne s'est pas forcément produite dans tous les pays qui sont aujourd'hui dans l'Union européenne non plus que dans les pays qui souhaitent leur entrée.

D'ailleurs, tout cela conduit à un progrès commun. L'Espagne, depuis son incorporation à l'Union européenne, dans les années 80, a consolidé certains aspects que la transition avait commencé à résoudre, au fur et à mesure, et nous avons progressé sur le plan économique et social.

De la même façon, une fois dans l'Union européenne, on va consolider cette démocratie qu'on désire.

22. Interview de Mme Consuelo Catala, députée du département d'Alicante aux Cortes generales valencianas
du gouvernement autonome de Valencia (Espagne)
réalisée par les élèves de l'IES historiador Chabas Denia (Espagne)

1 er trimestre 2005

La Constitution Européenne, qu'apporte-t-elle à tous les citoyens ?

Pour commercer, laissez-moi vous dire que la Constitution européenne se divise en quatre parties. La 1 ère définit les valeurs, les objectifs, les compétences, les procédures de prise de décision et les Institutions de l'Union européenne ; elle aborde aussi les symboles, la citoyenneté, la vie démocratique et les affaires financières de l'Union. Dans la 2 ème partie nous pouvons trouver la Charte des Droits Fondamentaux. La 3 ème partie décrit les politiques et les actions internes et externes ainsi que le fonctionnement de l'Union Européenne. La 4 ème partie contient les dispositions finales, où l'on trouve les procédures d'adoption et de révision de la Constitution.

Elle apporte la garantie du respect de certaines valeurs communes et d'un modèle européen de société. Le respect de la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l'égalité, l'État de droit et les Droits de l'Homme. Une société caractérisée par le pluralisme, l'absence de discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre hommes et femmes. Seuls les États qui respectent ces valeurs peuvent adhérer à l'Union Européenne. De la même façon, on peut prendre des mesures contre les États membres qui ne respectent pas ces mêmes valeurs.

Pour la défense et le développement de la démocratie, on peut souligner, pour leur importance : art. I-2 : l'égalité comme valeur ; art. I-3 : l'égalité comme objectif ; art. II-81 : l'interdiction de la discrimination ; art. II-83 : le droit à l'égalité et à la discrimination positive ; art. II-93 : la protection de la maternité contre le licenciement ; art. III-124 : la loi européenne pour l'égalité ; art. III-120 : l'égalité pour le marché du travail et le salaire ; art. III-267 : la lutte contre le commerce d'êtres humains et l'exploitation sexuelle et art. III-116 : la lutte contre la violence de genre.

... et précisément pour les jeunes ?

La partie III « Politiques et fonctionnement de l'Union », dans son Titre III « Politique et actions internes », le chapitre V « Domaines où l'Union peut décider de mener une action d'appui, de coordination ou de complément » dans la Section 5 ème « Education, jeunesse et formation professionnelle ». L'article III-282 développe toute la dimension éducative et le chapitre III-283 celui de la formation professionnelle.

De quels moyens disposent les responsables politiques pour que la voix des jeunes soit écoutée et transmise sans aucune distorsion à la classe politique ?

Nous pouvons dire, au premier abord, que la participation politique présente plusieurs facettes. L'une d'elles c'est la politique institutionnelle qui naît par l'intermédiaire d'un parti politique qui, par le canal d'un programme qu'il s'engage à accomplir et des personnes qui sont élues, conduit à la formation de groupes parlementaires qui doivent poursuivre cette action. Bien sûr, la responsabilité est très différente si l'on appartient à la majorité ou bien si on fait partie de l'opposition. Une autre facette c'est la participation démocratique de la jeunesse moyennant la participation existante dans les lycées, c'est votre cas, ou dans la participation citoyenne.

Il doit y avoir des changements dans les deux facettes. Je pense qu'il faut introduire des mécanismes directs de communication par le canal des antennes parlementaires, des réunions périodiques des parlementaires qui s'occupent de ces thèmes, etc. et que les organismes de participation soient envisagés non seulement du point de vue de la consultation et/ou de l'information mais aussi des aspects qui doivent être pris en considération.

Que se passerait-il si la Constitution Européenne n'était pas ratifiée par le reste des pays européens ?

Permettez-moi de parler d'abord de l'importance de la Constitution européenne. Son approbation est obligatoire seulement sous la forme de la ratification parlementaire. Le referendum est un mécanisme complémentaire mais pas obligatoire. Le Président du Conseil, M. Zapatero, a planifié le referendum et, en plus, il a décidé, de manière volontaire, de le rendre politiquement obligatoire. Malgré tout, notre parlement devra le ratifier. Il s'agit d'un mécanisme qui rend possible la consultation des citoyens, donc sa valeur démocratique est grande, d'où la volonté du Gouvernement socialiste de le respecter. Il s'agit primordialement d'encourager d'une manière concrète la participation des citoyens. Cela signifie un débat, d'une manière publique, sur un thème, la participation des citoyens à ce débat, le rapprochement des décisions des citoyens et citoyennes.

Le dernier mot de la Constitution européenne revient aux parlementaires des pays membres. Le thème politique de fond, quand on soumet à referendum la Constitution Européenne, c'est qu'un pays est mal représenté si l'opinion du Gouvernement ne coïncide pas avec celle des citoyens.

Mais ... si elle n'était pas ratifiée ?

Il n'y a rien de prévu si un pays ne la ratifie pas du premier coup. Moi, je pense que même si un pays reste en dehors, cela dépendra du pays, mais puisqu'il y a cette liberté d'action, cette non imposition, il n'est pas vrai que rien ne va se passer. Je pense que cela supposerait un recul assez important de la Constitution. On reviendrait en arrière. Aux accords fondés sur des recommandations avec des équilibres assez difficiles à trouver (la décision est trop conditionnée par l'accord unanime. Quand il n'y avait que 15 pays membres cela était assez ardu ; maintenant, avec 25 pays membres cela serait impossible). Il y aurait une perte de l'opportunité historique de construire un cadre légal obligatoire pour tous les pays, à la base de l'ultérieur développement législatif, non seulement dans les affaires économiques mais aussi dans les affaires sociales. Je pense honnêtement que le projet européen, qui existe depuis 1957 et qui, évidemment, a accompli de grands efforts pour arriver à cette véritable Union, a besoin d'une Constitution. Une seule voix par Gouvernement, est, pour concrétiser, l'alternative de construction d'une société basée sur la défense des Droits de l'Homme et des nouvelles valeurs sociales.

J'aimerais vous faire comprendre comment l'Europe a toujours été le symbole de la liberté, de la solidarité et de la démocratie. Même quand elle a été ravagée par la guerre, par le nazisme, par le fascisme, même quand elle a construit un mur, Maria Zambrano, dans ses articles écrits entre 1940-1944, affirmait que « l'Europe ne peut pas mourir, puisque sans elle on fermerait la porte à l'espérance. »

Quelle serait votre réflexion finale ?

La Constitution espagnole a été, en son temps, pour la génération qui l'a vu naître, le cadre qui a rendu possible la normalité démocratique dans notre pays. En ce moment, pour nous mais surtout pour les jeunes, la Constitution européenne signifie la normalité démocratique, la solidarité, la convivialité dans l'égalité entre les hommes et les femmes, le développement de leur vie comme génération. Parce que la Constitution européenne ne consacre pas seulement l'égalité comme valeur mais aussi le texte constitutionnel lui-même envisage comme objectifs le combat contre la discrimination exercée en raison du sexe, l'application du principe du salaire égal entre les travailleurs hommes et femmes et, au nom de la conciliation de la vie en famille et au travail, elle reconnaît le droit de toutes les personnes à la protection qui empêche un licenciement sans indemnité, par exemple, en cas de maternité... C'est-à-dire, nos jeunes seront en mesure d'exiger des pouvoirs publics la concrétisation de ces mesures, dont j'ai parlé, et de beaucoup d'autres qui, en définitive, ne parlent que de la réorganisation sociale nécessaire à l'égalité, pour que les hommes et les femmes puissent développer leurs projets de vie en commun sans qu'une personne ne renonce à rien (ni à la promotion professionnelle, ni à la maternité, etc.). Ainsi tout le monde pourra être plus heureux.

23. Interview de Mme Carmen Juanes Barciela,
membre socialiste du Congrès des députés
réalisée par les élèves du Lycée Leonardo da Vinci - Alba de Tormes (Espagne)

1 er trimestre 2005

Que croyez-vous que nous, les européens, devons faire pour continuer à maintenir la démocratie ?

Je crois que ce que nous devons faire avant tout, c'est y croire, en tant que meilleur moyen que nous ayons aujourd'hui, nous les citoyens, les régions et les pays qui formons l'Union Européenne, de vivre ensemble et de nous développer en tant que peuple. Ensuite, il faut la vivre, dans notre quotidien, en famille, au travail et dans les institutions. La démocratie ne se réduit pas au monde des partis politiques, mais elle englobe tous les espaces qui constituent notre vie. C'est pourquoi nous devons croire en la liberté et aider autrui à la vivre, nous devons pratiquer l'égalité et la solidarité de peuple à peuple, de région à région et de citoyens à citoyens.

Quels avantages et quels inconvénients présente la démocratie pour les européens et leur société ?

Tout y est avantage. L'Europe s'est accrue économiquement plus que jamais dans toute son histoire grâce à la démocratie. Grâce à la démocratie nous avons vécu la période de paix la plus longue de toute l'histoire de notre continent. La démocratie a permis aux peuples d'Europe de choisir librement la voie qu'ils ont voulue, sans aucune emprise. La démocratie facilite la participation des citoyens à la construction de la nouvelle Europe des citoyens, à travers les élections, mais aussi à travers des associations et des mouvements divers (culturels, politiques, économiques, sociaux). Enfin elle a aidé à créer des liens de solidarité entre les peuples qui, au lieu de ne regarder que leurs propres intérêts, voient les besoins de tous.

Pour ce qui est des inconvénients, plus que ceux du système, que l'on peut toujours améliorer quant à la participation des citoyens, je crois que le plus grand peut être celui de la délégation des responsabilités à d'autres, et le manque de participation des citoyens par déception face à un possible abus de pouvoir ou face à la corruption des politiques.

Liberté, égalité et solidarité : laquelle de ces trois valeurs croyez-vous qu'il est le plus important de développer aujourd'hui ?

Actuellement nous avons développé de façon importante les libertés formulées dans notre Constitution à travers les institutions et dans la vie quotidienne. La Solidarité est une valeur en hausse dans notre société européenne et cela se manifeste aussi bien dans les politiques menées par l'Union Européenne à travers les fonds de cohésion, que dans les actions de la société qui se mobilise face à des catastrophes naturelles dans n'importe quelle partie du monde comme cela s'est récemment produit lors du raz de marée du Sud-Est asiatique, ou vis-à-vis des victimes d'attentats terroristes tel que celui que nous avons tragiquement subi dans notre pays le 11 mars 2004.

En revanche, l'égalité est une valeur qui passe inaperçue chez les citoyens et qui est moins présente dans les discours ou les conversations de politiques et de citoyens. L'égalité est une valeur essentielle dans la démocratie, et sans elle, la liberté ne peut pas se réaliser dans sa plus haute expression. Il n'y a pas d'égalité dans le monde du travail. Aujourd'hui encore, dans certains métiers, les hommes continuent à percevoir des salaires supérieurs à ceux des femmes pour des tâches identiques ; il y a des inégalités entre les pays, les régions et les localités, quant aux ressources ou aux infrastructures, qui ne permettent pas de donner une égalité des chances aux citoyens de l'Union, etc. C'est pourquoi je pense qu'il est important de développer cette valeur-là, pour obtenir un monde plus juste, plus libre et plus solidaire.

Quels moyens croyez-vous que la société européenne peut apporter aujourd'hui pour apprendre aux jeunes à vivre les valeurs démocratiques ?

Le mieux que nous puissions faire pour continuer à maintenir la démocratie, c'est de vous transmettre aujourd'hui, à vous les jeunes, ces valeurs démocratiques à travers la famille, le système éducatif, les institutions, etc. Nous devons vous apprendre à vivre en démocratie, à respecter la liberté de l'autre, à valoriser l'égalité et à pratiquer la solidarité. Je crois que le système éducatif doit transmettre ces valeurs et il doit aussi enseigner aux jeunes à participer à travers des structures à la vie de la société (Assemblées de délégués, Associations de jeunes, etc.)

Comment le citoyen européen peut-il se protéger de la manipulation politique ?

Pour se protéger de la manipulation politique, le citoyen européen doit beaucoup lire. Il doit recouper les informations et chercher d'autres moyens d'information. Aujourd'hui, Internet est un forum où l'on peut trouver beaucoup d'opinions sur divers sujets. Nous devons avoir une conscience critique, et ne pas tout croire sans mener notre propre réflexion. La démocratie doit nous enseigner à penser par nous-mêmes et à avoir nos propres critères, indépendamment de notre idéologie ou de notre façon de penser.

24. Interview de M. Membrado Giner,
membre socialiste du Congrès des députés
réalisée par les élèves de l'Instituto Miguel de Molinos - Saragosse (Espagne)

Vendredi 18 février 2005

Quelle est votre opinion sur l'évolution de la démocratie ?

Du point de vue démocratique, nous sommes un pays jeune parce que notre constitution n'a été approuvée que depuis 25 ans. Nous avons, par conséquent, un système de relations constitutionnelles très récent, d'autant que, pendant 100 ans, notre pays n'a connu pratiquement que la dictature. C'était une étape très importante et je crois que nous avons entamé une trajectoire positive. Aujourd'hui, parler des questions politiques est quelque chose de normal.

En second lieu, du point de vue constitutionnel, il y a certes des choses qui se traitent dans les parlements mais il y en a d'autres qui sont décidées par le gouvernement, en liaison avec les syndicats, les entrepreneurs, les associations de citoyens... C'est un autre type de démocratie qui émerge, appelée démocratie sociale.

Pour autant, la démocratie est quelque chose de plus que l'image de l'Assemblée ou du Sénat ; c'est la participation active de la société. La démocratie est fondamentalement tolérance et respect, non seulement parce que nous votons pour ou contre, mais aussi parce que nous nous comportons de manière respectueuse face à ce qui est différent ou face aux opinions différentes des nôtres. Pour cela, je crois que l'évolution a été très positive puisque nous avons gagné en culture du respect et nous avons essayé de résoudre un problème historique qui remonte au XV e siècle, en resserrant les liens entre les différents « peuples » qui forment l'Espagne à travers ce que nous appelons « l'Etat des Autonomies ».

Que pensez-vous des « Autonomies » et du plan Ibarretxe ?

Dans notre pays, nous avons essayé de résoudre un problème très ancien grâce aux « Autonomies ». Pour cela, chaque communauté autonome doit avoir la possibilité de gérer les services essentiels pour le citoyen ; aujourd'hui, toutes les communautés autonomes gèrent la santé, l'éducation, l'essentiel du secteur agricole, les politiques industrielles, une partie des politiques environnementale et sociale. Pour cela, elles ont des compétences importantes de gestion qu'elles assument de façon démocratique avec un Gouvernement et un Parlement.

Aujourd'hui, on recommence à débattre de ce dont on discutait déjà il y a 25 ans parce que certaines Communautés considèrent que les transferts de compétences sont insuffisants.

Quant au plan Ibarretxe, le pays Basque a quelques particularités. En premier lieu, la majorité des hommes politiques nationalistes doivent être accompagnés d'une escorte ce qui prouve que la démocratie et le respect ne sont pas aussi clairement assurés que dans le reste du pays. En deuxième lieu, les provinces basques possèdent des pouvoirs autonomiques que n'ont pas les autres. Par exemple, l' « Ertzaintza », une police basque. Mais elles ont aussi des droits économiques qui leur permettent de percevoir les impôts et ont ainsi plus de ressources. Elles ont un statut appelé « statut de Guernica » qui ne s'est pas développé complètement pour plusieurs raisons. Il y en a plusieurs qui n'ont pas été réunies ce qui fait que le statut ne s'est pas mis en place à 100% mais peut-être à 85%. Ce qui se passe en ce moment, c'est que les basques sont en train de définir un projet de réforme statutaire qui comporte une connotation indépendantiste et qui propose des institutions tellement particulières qu'elles pourraient s'éloigner des principes de la constitution espagnole. C'est pourquoi nous pensons que le plan Ibarretxe est contraire à la constitution.

Où en sont aujourd'hui les libertés ?

En ce qui concerne la religion, la constitution consacre le fait que notre pays est un pays non confessionnel puisque notre Etat ne se déclare pas constitutionnellement catholique. Ceci est un grand compromis, qui a supposé l'intervention d'une séparation de l'Eglise et de l'Etat. L'Eglise est là où elle doit être et l'Etat, là où il doit être. Mais l'Eglise reçoit toujours une partie de ses ressources de l'Etat à travers l'impôt sur le revenu et aussi de façon indirecte, par exemple par le fait que les professeurs de religion sont payés par l'Etat espagnol. Cependant, c'est l'archevêque qui les sélectionne. En outre, l'Eglise bénéficie de l'entretien des lieux de culte, des monastères... Elle conserve une influence énorme.

En ce qui concerne l'immigration, deux questions se posent :

Pourquoi les immigrants viennent-ils ? Pour manger. Personne ne veut en effet quitter son pays, abandonner sa famille et sa culture par plaisir.

La seconde est de savoir ce que nous faisons vis à vis de ces immigrants : le problème est qu'à leur arrivée, ils exercent des métiers dont personne ne veut, avec des bas salaires, ce qui crée des tensions avec les espagnols et alimente un sentiment de xénophobie. Beaucoup ne sont pas dans une situation régulière. Depuis 1996, sont intervenus des processus de régularisation, c'est à dire que l'on a donné des papiers à des personnes en situation irrégulière pour qu'elles puissent continuer à travailler. La dernière régularisation a commencé depuis peu avec la loi sur les étrangers qui dit plus ou moins que les travailleurs étrangers qui vivent ici dans des conditions illégales, mais qui peuvent démontrer qu'ils occupent un emploi, pourront obtenir des papiers dès lors qu'ils pourront produire un contrat de travail.

Allons-nous nous sentir plus européens qu'espagnols ?

Je crois que nous ne nous sentirons jamais plus européens qu'espagnols, même s'il est vrai que chaque jour nous avons le sentiment d'être un peu plus européens. La possibilité d'aller travailler en Autriche, Italie, avec des droits identiques, la possibilité de se déplacer dans 25 pays, c'est cela que permet l'Europe. Voilà ce que construit l'Europe. La Constitution sera un petit pas, mais sera un pas. En Espagne, ce dont nous avons besoin, ce sont de programmes européens qui permettent aux jeunes d'avoir chaque jour plus de liberté pour choisir.

Comment défendre la démocratie ?

Je pense que c'est en construisant la société civile. La démocratie se défend par l'association, la participation, la structuration. Comment ? Pour les jeunes, en faisant partie des associations pour jeunes, des conseils de classe. On gagne du temps en participant aux associations, c'est ce qui garantit et renforce la démocratie parce que cela permet de la défendre jour après jour. Chaque jour, les associations ont plus de force. On ne résout pas tous les problèmes en votant, mais il est important de participer. Il est très important que se renforce la société civile.

25. Interview de Mme Maria Xosé Porteiro Garcia,
membre socialiste du Congrès des députés
réalisée par les élèves du Lycée Tomino (Espagne)

28 février 2005

Où résident les idéaux démocratiques? Ont-ils beaucoup changé ces dernières années ?

Les idéaux démocratiques résident surtout dans la souveraineté qui émane du peuple. Ce sont les citoyens qui, à travers leur suffrage, décident sur les grandes questions qui concernent leur vie. Ces idéaux ont évolué : avant, par exemple, les esclaves et les femmes étaient privés de leur droit de vote ; à présent, le suffrage est universel et libre, tous les citoyens, ayant l'âge de la majorité légale, peuvent voter. Mais, l'essence de la démocratie, le fait que ce sont les citoyens qui, grâce à leur participation aux élections, décident de la politique de leur pays, est toujours la même.

Comment le Traité constitutionnel européen pourrait-il favoriser le développement de la démocratie ?

D'une manière très importante parce qu'il unifie des critères dans un espace très ample, habité par 450 millions de personnes, à peu près, et formé par 25 pays. Un texte constitutionnel commun à tous ces pays, sans pour autant annuler chacune de leurs Constitutions, favorise la participation des citoyens à la vie politique européenne. Ainsi, par exemple, si un million de citoyens européens veulent faire une proposition à une institution européenne, ils peuvent le faire en y apposant leurs signatures. La Constitution européenne offre donc aux citoyens européens un niveau de participation dont ils manquaient jusqu'à présent.

Est-ce que les citoyens jouent un rôle important dans le développement et la défense de la démocratie ou est-ce une question qui ne concerne que nos dirigeants?

Les dirigeants sont là parce que les citoyens les ont élus. Les citoyens jouent donc un rôle très important. Mais, il existe aussi d'autres moyens de participer à la vie politique à travers des mouvements associatifs non gouvernementaux comme les ONG, les associations de voisins, de pères et de mères (à l'école) qui, avec leur opinion, leur influence dans la société et leurs voix participent d'une manière très importante à la vie politique. Une seule voix peut faire changer le panorama politique d'une ville ou d'un pays, c'est pourquoi nous les politiciens nous demandons aux citoyens de se rendre aux urnes, d'exercer leurs devoirs et leurs droits de citoyens et de participer à la vie politique.

Peut-on imposer la démocratie?

Non, parce que dans son essence même la démocratie est un acte de liberté. Les véritables régimes démocratiques se caractérisent par la liberté. Dans un pays où il n'y aurait pas de liberté de la presse, de liberté d'expression ni d'association, la démocratie n'existerait pas ; même s'il se définissait comme un pays démocratique, ce type de démocratie serait très imparfait ou virtuel. On ne peut donc pas imposer la démocratie, pour qu'elle existe il faut qu'il y ait des conditions basées sur la liberté. Mais, il y a aussi d'autres manières de concevoir la démocratie. Par exemple, avant, les femmes disaient qu'en Europe il y avait une semi-démocratie et qu'il n'y aurait pas de démocratie réelle tant que le pourcentage d'hommes et de femmes dans les niveaux de représentation politique ne serait pas équivalent.

Comment la démocratie est-elle appliquée et défendue au quotidien?

L'exemple que je viens de donner est également pertinent pour cette question. On en trouve un autre dans ce qui est arrivé en Espagne il y a un an, quand le gouvernement du parti alors au pouvoir a pris la décision de participer à la guerre d'Irak, cette décision n'a pas été bien accueillie par les citoyens et ils ont protesté. Cette protestation des citoyens contre une décision prise par leur gouvernement a influencé quelque temps après leur vote et a entraîné un changement de gouvernement. Les citoyens peuvent décider, quand ils veulent qu'il y ait un changement politique, ils l'obtiennent.

26. Interview de M. Moreno Sánchez, Jesús, Conseiller Municipal,
Président de la Mairie de l'arrondissement de Usera, Madrid,
réalisée par les élèves du Lycée Pío Baroja - Madrid (Espagne)

1 er trimestre 2005

À votre avis, quelles sont les caractéristiques les plus importantes de la Démocratie ?

La liberté, les droits et l'égalité de chances

Quels sont les actes les plus importants que les citoyens peuvent réaliser pour defendre la Démocratie ? Pourquoi ?

Participer activement aux processus électoraux. De cette façon les citoyens peuvent élire librement ceux par qui ils souhaitent être gouvernés.

Au cours de l'histoire, il y a eu beaucoup d'actes menés dans des pays démocratiques contre ce système de gouvernement. Pourriez-vous mentionner les plus importants, à votre avis ?

Sans doute nous avons un exemple clair dans les événements du 11 mars 2004. Profiter d'un attentat terroriste pour attaquer le gouvernement légitime d'un pays en le faisant coupable de l'attentat dans le seul but de gagner les élections.

Un acte terroriste comme celui du 11 mars, affaiblit-il la démocratie, ou au contraire la fortifie-t-il ?

En Espagne, sans doute, il l'a affaiblie, car la réponse du pays qui l'a subi et celle du Gouvernement issu des élections qui l'ont suivi, n'ont pas été adéquates. Par contre, après les attentats du 11 septembre à New York, tous les citoyens et les partis politiques ont soutenu leur Président dans un moment critique pour l'unité du pays.

Considérez- vous antidémocratique que le Gouvernement du Parti Populaire maintienne l'Espagne dans la guerre contre l'Irak, quand la majorité du pays avait montré son opposition à cette guerre ? Pourquoi ?

Non. Ce que vous affirmez dans votre question n'est pas vrai. La plupart des pays "démocratiques" de l'Europe ont soutenu la guerre contre l'Irak, et en ce qui concerne notre pays, il est évident que la majorité de la population ne s'est pas manifestée contre la présence de notre armée collaborant dans des tâches humanitaires en suivant une résolution de l'O.N.U. pour la reconstruction de l'Irak, de la même forme qu'elle le fait aujourd'hui en Haïti ou en Afghanistan. Cela signifie-t-il être pour une guerre?

Comme conclusion, le plus grand ennemi de la démocratie est la manipulation des citoyens dans le seul but d'obtenir le pouvoir.

27. Interview de M. Domingo Tabuyo Romero,
membre socialiste du Congrès des députés
réalisée par les élèves de IES Xunquerai - Pontevedra (Espagne)

1 er trimestre 2005

Depuis la mort du Général Franco en novembre 1975, la démocratie a-t-elle été menacée, dans quelles occasions ?

Francisco Franco a gouverné l'Espagne pendant 40 ans, après un coup d'état, il a instauré une dictature. Lors de ces années, certains groupes sociaux profitaient de privilèges dont le reste de la population ne profitait pas. En plus, la politique était présentée comme quelque chose de négatif qui devait être éloignée des citoyens. En étant sous un régime militaire, l'armée avait un grand pouvoir et une grande influence dans la vie sociale espagnole, de même que l'Église catholique, qui jouissait de certains privilèges.

Après la mort de Franco, et avec l'arrivée de la Démocratie, pendant cette période appelée la Transition, ces groupes qui avaient acquis certains privilèges n'étaient pas prêts à les perdre. C'est ainsi que certaines opérations militaires d'essai de coup d'état ont eu lieu : Opération Galaxia, Opération Almendro, et surtout le coup d'état du 23 février 1981, mais le peuple espagnol souhaitait la réconciliation et l'arrivée de la paix.

Le 23 février 1981 la démocratie espagnole a été sérieusement menacée. Est-ce que, actuellement, une situation comme celle présentée le 23 février serait possible ?

La situation la plus grave de la démocratie espagnole a été le coup d'état du 23 février sous le commandement du lieutenant-colonel Tejero. Encore aujourd'hui nous pouvons voir dans le Parlement les traces des coups de feu réalisés ce jour-là. Il est évident qu'à ce moment-là d'un côté l'opinion populaire contre le coup d'état a eu une grande importance, et de l'autre le Roi a clairement montré son rejet de cet essai de retour au passé.

De nos jours une telle situation serait impossible, car nous avons une démocratie beaucoup plus consolidée ; en plus nous sommes l'un des 25 états membres de l'Union européenne, et il est évident que l'Union Européenne interviendrait dans un conflit aussi grave.

Comment l'Union Européenne pourrait-elle intervenir dans un cas d'essai de coup d'état dans n'importe quel pays de l'ensemble ?

L'Union Européenne est aujourd'hui un grand espace de paix et de solidarité, avec 25 pays et 450 millions de personnes qui ont en commun d'être européens. Le 20 février, les Espagnols ont voté et accepté par referendum la Constitution européenne qui est la première constitution transnationale, née de la volonté de construire un objectif commun. Les 25 pays s'engagent à protéger la liberté, la démocratie, l'égalité et le respect des droits de l'homme. Cette constitution nous assure que dans cet espace commun où les frontières sont éliminées, il existe des mécanismes constitutionnels qui empêchent la possibilité d'un coup d'état dans un pays européen, de même que n'importe quelle agression contre un droit démocratique.

Comment est-ce que nous, les jeunes, nous pouvons protéger les valeurs démocratiques ?

Vous les jeunes, vous pouvez protéger les valeurs démocratiques en participant par l'intermédiaire de ce que l'on appelle la citoyenneté active et les éducateurs, nous devons vous aider à devenir des citoyens libres et réfléchis qui sachent interpréter la réalité et ces éléments de la réalité que les médias et d'autres sources vous offrent.

Un autre élément essentiel, c'est l'éducation aux valeurs avec une connaissance de ce que nous sommes, des institutions qui nous gouvernent, de la réalité. Cette éducation doit se baser sur des valeurs comme la tolérance, le respect, et la non violence. Tout cela fait avancer une société.

Vous pensez qu'il faudrait réformer notre constitution pour développer la démocratie ?

Notre constitution va subir quelques réformes parce qu'elle a 25 ans d'existence et dans ce temps, beaucoup de choses ont changé. Quand elle a été élaborée, nous n'appartenions pas à l'Europe, nous avions comme monnaie la peseta, pas l'euro. Dans cette constitution, on parle déjà de la diversité des territoires de l'État espagnol, mais en tenant compte de l'actualité politique espagnole, il est possible que certains aspects soient modifiés pour que l'on puisse continuer à avancer dans la convivialité.

Pour qu'elle puisse être modifiée, l'accord entre les représentants des citoyens serait nécessaire, mais ces modifications seront ponctuelles.

Quelles mesures adopter pour aider les régions du Sud, les chômeurs, leurs moyens d'expression et avoir plus d'entraide ?

Il est vrai qu'en Italie, les jeunes et les chômeurs ne perçoivent aucune indemnisation, ni de salaires minimum d'insertion pour sauvegarder leur dignité. Le gouvernement n'intervient pas dans ce domaine. La nouvelle génération vit dans l'angoisse du travail. Autrefois, il appartenait aux enfants de subvenir aux besoins de leurs parents. Aujourd'hui, on assiste au contraire : ce sont les familles qui subviennent aux besoins de leurs enfants. Une proposition pour verser un minimum garanti a été faite à la région des Pouilles. L'émigration est un phénomène lié à la mentalité d'un peuple. Les gens fuient leurs pays pour trouver de meilleures conditions ailleurs, toujours dans l'espoir de revenir dans leur terre natale. La main d'oeuvre du Sud à bon marché n'est plus recherchée car les pays de l'Est offrent une main d'oeuvre à meilleur marché et les entreprises préfèrent investir dans les pays pauvres. Il est vrai que la politique agricole européenne a contribué à appauvrir les campagnes du Sud riches exportatrices d'huile d'olive et à limiter la production du lait dans le nord de l'Italie.

28. Interview de M. Francisco Trigo Duran,
député du Bloque Nacionalista Galego (BNG)
pour la province de Pontevedra au Parlement de Galice
réalisée par les élèves du Lycée Vilagarcia de Arousa (Pontevedra) (Espagne)

1 er trimestre 2005

Pouvez-vous nous expliquer votre parcours politique ?

Plusieurs raisons peuvent nous pousser à faire de la politique, mais la politique est une activité propre à l'être humain, ce n'est pas un choix conscient. J'ai fait mes études à Vilagarcia bien que je sois de Cambados. Lorsque j'étais au lycée, j'ai été expulsé pour avoir organisé une grève. C'est mon frère aîné (nous étions 9 frères et soeurs et mon père était décédé) qui a dû aller parler avec le proviseur pour que je sois réadmis au lycée. En arrivant à la maison, mon frère m'a dit : "à partir de maintenant tu ne liras plus le journal tous les jours, tu ne feras rien d'autre que d'étudier". J'avais alors 15 ans et je lisais le journal tous les jours depuis que j'avais 9 ans. Le proviseur lui avait dit que j'étais communiste et un tas d'autres choses. Voilà ma façon d'entrer en politique : s'intéresser aux autres.

Après, quand j'étais étudiant, pendant la dictature, toute forme d'expression politique libre était interdite, je me suis engagé dans la lutte contre le régime de Franco. Depuis mon enfance je me suis toujours préoccupé des problèmes des autres et j'ai essayé d'y apporter une solution.

Pourquoi vous êtes-vous engagé dans le nationalisme ?

Lorsque j'ai terminé mes études, j'avais 21 ans, j'ai monté un cabinet d'architecte et je me suis inscrit au Parti Socialiste Galicien, qui n'a rien à voir avec le PSOE, le mien est un parti nationaliste. J'ai donc fait mon entrée en politique pour changer les choses, mes préoccupations étaient dans le domaine social, culturel et régional.

Je suis convaincu qu'il n'est pas possible d'être apolitique, nous avons tous nos idées et il faut les défendre.

Comment s'est faite la transition de la dictature à la démocratie et comment avez-vous vécu ce changement ?

Nous sommes passés de la dictature à la démocratie par la rupture et la réforme : voilà les deux mots clé. Il est évident que dans un contexte occidental les dictatures sont un anachronisme. L'État espagnol, fondé sur la répression ne pouvait donc pas subsister. La rupture s'est faite tout naturellement.

Que signifie pour vous le mot démocratie?

Et bien, pour moi, la démocratie est quelque chose que je construis au jour le jour, un grand espoir lorsque je l'ai connue, un monde nouveau, dans le sens d'un monde normal et réel. La démocratie pour moi est la tolérance, le dialogue, le respect des autres. C'est aussi accepter le dialogue et le débat, accepter ce qui est différent. Pour moi la démocratie est avant tout tolérance et liberté.

Croyez-vous que les jeunes ne participent pas à la politique?

Oui, je crois que les jeunes ne participent pas à la vie politique, on dit beaucoup de choses des jeunes... La jeunesse est quelque chose d'extraordinaire, je ne crois pas que les jeunes sont ce qu'il y a de mieux dans la société, je crois qu'ils sont une partie importante de la société. Je pense que les jeunes doivent connaître les idées, l'histoire de leur pays, mais ils doivent aussi chercher leur formation. Je crois que les jeunes devraient s'intéresser plus à la politique, non pas comme une issue professionnelle, aussi ils ne devraient pas voir les hommes politiques comme des êtres isolés du monde; nous sommes le reflet de la société, nous sommes une partie de la société qui nous a engendrés. Parfois, les jeunes ne veulent pas participer à la politique car ils nous voient comme des parasites de la société.

29. Interview de M. Daniel Varela, membre (PPE) du Parlement européen
réalisée par les élèves du Lycée Saint-Jacques de Compostelle (Espagne)

1 er trismestre 2005

Quelles mesures sont en train de se mettre en pratique dans les nouveaux pays qui vont entrer dans l'Union européenne pour favoriser la démocratie et d'autres aspects qui les mettent au niveau des autres ?

L'Union européenne doit avoir des limites donc tous les pays ne peuvent pas entrer. C'est le cas de la Turquie. On doit savoir si c'est un pays européen ou pas européen. Le grand aimant de l'Europe est son niveau de vie, c'est le lieu du monde où il y a le plus de droits et de sécurité sociale. Beaucoup de gens veulent y entrer mais on ne peut les admettre tous. Il faut partager des valeurs démocratiques, sans démocratie les pays ne peuvent pas entrer. Ce sont les principes de Copenhague. Il doit y avoir des élections démocratiques avec la participation des citoyens, des droits de l'homme, une économie de marché, l'état ne peut pas interrompre l'économie. On doit avoir une constitution et être dans la géographie de l'Europe. C'est avec tout ça qu'on pourra demander l'entrée dans l'Union européenne. Dans le Parlement européen on a créé une institution qui évalue la situation. La candidature doit être acceptée par les parlements de tous les pays de l'Union et aussi par le Parlement européen et après on commence les négociations pour s'adapter progressivement à la vie de l'Union.

La Turquie a un morceau européen mais ni les droits des femmes ni les droits dans les prisons ne sont comme les nôtres. Pourtant ils ont une économie de marché mais ils doivent encore faire des changements s'ils veulent être européens.

Quelle est la position de l'Union européenne avec la religion ? Exemple de la Turquie

Le conflit vient de l'origine chrétienne de l'Europe. Les États dans leur constitution sont pour la laïcité. Bien qu'on n'oublie pas nos origines on n'impose aucune religion. Dans la constitution on ne fait aucune mention de quelque religion pour ne pas arriver à des conflits et pour respecter la variété parce qu'elle nous fait plus cosmopolites. Quand un pays qui a une religion différente du christianisme veut entrer dans l'Union, c'est le cas de la Turquie, c'est une grande confrontation. La Turquie est le seul état musulman laïc et ça c'est une bonne chose pour entrer dans l'Union européenne. S'ils satisfont aux valeurs européennes ils pourront entrer donc ils ne diront pas que nous sommes anti islamistes.

Quels sont les aspects profitables de l'Union européenne ? Qu'est-ce qui ne va pas ?

L'incorporation des pays qui étaient derrière le rideau de fer signifie la consolidation de la démocratie. En Espagne, on va soumettre à referendum la Constitution européenne, la plus grande manifestation de la démocratie. Il n'y a pas un état dans tout le monde avec les niveaux démocratiques des européens. On doit obtenir de tous les habitants de la mettre en pratique. Dans l'Union, nous sommes 500 millions d'habitants profitant de tous les avantages de la démocratie. Vraiment, si tout ne marche pas c'est qu'on n'a pas fini de faire tous nos projets. Nous sommes tous unis dans un projet de construction commun mais on doit travailler beaucoup.

Est-ce que la pauvreté du monde pourrait être éliminée? L'Union promeut-elle une politique destinée à éradiquer le problème ?

L'Union européenne est l'organisme qui donne le plus d'argent pour l'élimination de la pauvreté et le développement de quelques territoires. On donne trois fois plus que les États-Unis. Par exemple, dans la catastrophe du tsunami on a donné 1000 millions d' euros, cinq fois plus que les États-Unis. On ne sera pas tranquilles tant qu'il y aura des disparités entre des riches et des pauvres. L'éradication de ce problème c'est la matière en suspens de l'humanité. Le Parlement européen connait la situation et est en train de développer des politiques pour les aider. C'est un problème dont tous les jeunes devraient se préoccuper. Je dois répéter que l'Union européenne travaille pour mettre fin à ce problème et personne n'a une plus grande conscience sociale que les européens.

L'Union européenne pourrait-elle cesser d'être une union de nations pour être une union de peuples semblables aux Communautés Autonomes?

L'Union ne peut pas englober tout, les pays sont trop grands pour résoudre les petits problèmes mais trop petits pour résoudre les grands problèmes. Chaque organisme a ses compétences et limitations de même que ses propres problèmes. La Xunta de Galicia par exemple ne pourrait pas résoudre le problème palestinien. À l'intérieur des 25 états membres il y a, à peu près 20 régions, s'il est déjà difficile de se mettre d'accord avec 25 gouvernements et 25 parlements... Si dans cette union européenne toutes les régions étaient au même niveau que les États il serait très difficile de mener la situation, peu pratique. Ce qu'on fait dans la constitution c'est de dire les compétences de chacun : Union européenne, États et régions. On pourrait dire que de même que la constitution espagnole établit le pouvoir, les compétences dans le gouvernement et délègue dans des statuts des 17 communautés d'autres compétences. La constitution européenne dit quelles sont les compétences de l'Union au-dessus des États : monnaie unique, économie... Là, on dit ce que l'Union fait et ce que font les États membres et il revient à chaque état de dire ce que fait chacune de ses communautés autonomes.

30. Interview Giuliano Amato, sénateur de la République italienne,
Vice-Président de la Convention Européenne
réalisée par les élèves de la classe 4ème
du Liceo Scientifico « E. Amaldi » - Novi Ligure (Italie)

10 mars 2005

La définition que Thucydide donne de la démocratie est citée dans le Préambule de la Constitution européenne comme suit : « ... notre Constitution s'appelle Démocratie parce que le pouvoir n'est pas dans les mains de peu de personnes mais dans celles des plus nombreux ». Selon vous, que pourrions-nous ajouter à cette définition à l'époque actuelle de la globalisation ?

... Afin que, dans le monde d'aujourd'hui, le pouvoir ne soit pas le privilège d'un petit nombre, nous devons élargir la Démocratie au-delà des frontières nationales, desquelles les « plus » mais pas les « peu », sont prisonniers.

De quelle manière et avec quels instruments, le citoyen, les jeunes citoyens en particulier, peuvent-ils être sensibilisés au concept de Démocratie ?

Est-il juste d'affirmer que la Démocratie est une valeur qui s'acquière à partir de la société et de la culture dans lesquelles on vit ?

Et quels sont, à votre avis, les dangers que la Démocratie court dans la société européenne?

A travers l'implication dans des identités et des actions collectives qui les persuadent à ne pas rester enfermés dans la solitude de leur vie individuelle et à se rendre compte que beaucoup d'aspirations qu'ils ont pour leur futur dépendent de leur engagement envers les autres, parce qu'ils ne peuvent pas les réaliser tout seuls, les jeunes, plus encore que les adultes, ressentent le besoin de se rassurer à travers des identités collectives. La chose la plus difficile est, si nécessaire, de donner à ces identités collectives une dimension et une finalité pas seulement privées.

L'école et les stimulations qui leur viennent de l'information sont cruciales. Les amis le sont souvent aussi, comme cela a été le cas pour moi.

En ce qui concerne l'influence de la société et de la culture, cela ne signifie pas que nous, sommes impuissants face aux régimes non démocratiques des autres pays.

Ça signifie, cependant, que nous pouvons et devons promouvoir la démocratie, en aidant et en soutenant ceux qui, dans ces pays, se battent pour la réaliser (les femmes, dans l'application leurs propres droits, sont un levier crucial), non pas que nous pouvons l'exporter.

Il faut souligner que la démocratie européenne n'est pas une démocratie entièrement saine : il y a le virus du populisme, qui tire profit des émotions et qui exaspère les conflits ; il y a le risque qu'à travers les mass medias, la participation politique se transforme en un supporter pour les leaders opposés, il y a une échappée aux devoirs et une course aux droits seulement, il y a trop souvent le Moi et il n'y a pas les Autres. Mais nous discutons de cela et nous cherchons des antidotes.

Et peut-être, à cause de cela, nous sommes mieux placés que les autres.

Étant donné que la Turquie, pour rentrer en Europe, a élargi dans son propre État les espaces de Démocratie, peut-on parler de diffusion de l'idée de Démocratie de la part de l'Europe?

Cela peut-il être une alternative à l'exportation de la Démocratie avec l'utilisation des armes?

C'est comme ça. Le pouvoir d'attraction que l'Europe exerce sur les voisins qui désirent s'unir à nous est un puissant facteur de transformation de ces mêmes pays, un facteur qui démontre que l'Europe n'est pas perçue seulement comme un marché économique commun, mais comme une communauté de valeurs, de droits, de tutelle des minorités. Mais elle a des limites géographiques et nous devons savoir avoir d'autres ressources pour les pays du monde les moins proches.

L'Europe a sûrement permis d'améliorer la cohésion économique et sociale des Pays de l'Union et elle est aussi un instrument de solidarité parmi les États membres.

Ne faudrait-il peut-être pas une plus grande participation et une implication plus forte de la part de chaque pays ? Quels sont, selon vous, les nouveaux défis qui l'attendent au jour d'aujourd'hui ?

Les pays individuels sont impliqués, même trop en ce sens que, souvent, ils décident à la place de l'Europe. Si on se réfère aux opinions publiques nationales, c'est alors indiscutablement vrai. L'Europe aurait besoin d'eux, et pour eux, l'Europe est distante.

Enfin, le défi le plus important qui attend l'Europe est de contribuer à donner au monde la paix qui, outre la cohésion économique et sociale, qu'elle s'est donnée à elle-même, après des siècles, de sanglantes guerres intérieures, devenues mondiales au XX ème siècle. Pour cela, il leur faut être un acteur global dans la lutte contre la pauvreté et dans l'affirmation des droits fondamentaux et de la Démocratie.

L'Europe des citoyens est un concept très récent et pour qu'elle devienne une réalité, il faudrait que les symboles d'identité commune se multiplient. Ces derniers éléments pourraient-ils être favorables à la diffusion de la conscience communautaire afin que les citoyens se sentent directement partie intégrante de l'Union Européenne?

Quelles sont enfin les institutions qui garantissent, de nos jours, l'exercice de la citoyenneté en Europe et comment la Constitution Européenne satisfait-elle les besoins des citoyens selon les limites et les conditions qu'elle a déjà définies ?

Les symboles peuvent servir pour solliciter fierté et identité communes et pour cela la Constitution leur dédie un article approprié, consacré au drapeau, à l'hymne, à la devise, à la Fête annuelle de l'Union Européenne. Mais les symboles seuls, seraient seulement rhétoriques. En ce qui concerne les institutions européennes, je dirais tout d'abord, les institutions judiciaires, à partir de la Cour de Justice Européenne, qui, depuis quarante ans fait valoir et défend les droits des européens. Mais maintenant, avec ce qui s'appelle : «Espace de Liberté, Sécurité et Justice commune», un espace qui devra être construit, la Commission et le Parlement européen pourront faire beaucoup. Pour conclure, la Constitution ne satisfait pas les besoins, elle indique aux institutions les moyens pour le faire.

Et ses indications, avec toutes leurs limites, sont les plus avancées que l'Europe ait jamais eues.

31. Interview de M. Alfredo Antoniozzi, membre (PPE) du Parlement européen
réalisée par des élèves de l'Institut Technique Commercial
« Sandro Pertini » - Rome (Italie)

1 er trimestre 2005

Comment développer une identité européenne en respectant les différences culturelles des pays membres ?

Il serait utile de parler d'abord de l'Europe comme une réalité géographique qui nous est très proche. Chaque pays a sa propre histoire qui a ses racines profondes dans le passé. Il n'est pas facile d'imaginer une homogénéisation des diverses langues et cultures présentes en Europe.

L'Europe naît avant tout pour des raisons économiques et industrielles. La première Communauté européenne la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier), a représenté le dépassement des intérêts nationaux de la France et de l'Allemagne, en conflit depuis des siècles pour l'exploitation des richesses naturelles de l'Alsace et de la Lorraine.

Après la recherche d'une identité commune et la défense des questions c ommerciales devant les deux grands blocs, les États Unis et la Russie, les européens ont relancé l'idée d'une Europe unie. N'oublions pas que l'Union Soviétique a constitué pour quelques décennies un danger pour la démocratie et pour la liberté des pays européens.

Successivement naît l'exigence de se doter d'une politique commune qui conjugue les stratégies commerciales d'un côté et politiques de l'autre. Il ne suffit plus de se préoccuper des frontières, de la libre circulation des biens et des services, de la politique agricole commune, qui ont été les objectifs de la CEE, instituée par le Traité de Rome de 1957. C'est l'Union européenne, instituée par le Traité de Maastricht en 1992, qui pose les bases pour la construction d'un projet politique sur plusieurs piliers.

Mais le processus de construction d'une Europe politique est très long, Il faut surmonter de nombreux obstacles parmi lesquels les langues, les différences culturelles, l'histoire. Parmi les nouveaux états qui ont été intégrés en Europe, 10 s'affranchissent de l'influence de la Russie ; ils ont subi pendant 60 ans un régime militaire communiste et ils ont demandé l'adhésion à l'Europe de laquelle il se sentent plus proches géographiquement et culturellement : il suffit de penser à la Pologne catholique, ou à la Hongrie centre de l'empire austro-hongrois.

Où en sommes-nous actuellement? Il y a une forte volonté aujourd'hui de faire de l'Union européenne une union politique qui dépasse toutes diversités. L'Europe commerciale a été créée : aux jeunes la responsabilité d'une Europe sans barrières culturelles avec une forte identité dans le respect de toutes les cultures.

Sur quels principes se fonde la Constitution Européenne ?

Sur la nécessité d'avoir une constitution commune basée sur les valeurs de la démocratie, de la paix, de la liberté tout en respectant l'histoire et les traditions de chaque pays membre.

La constitution est une tentative visant à rassembler les éléments qui nous unissent et à mettre en arrière plan les choses qui nous séparent.

Par exemple l'accent est mis sur la Charte des droits de la femme qui n'a pas eu le développement social qui lui était dû. La Constitution est la carte d'identité de l'Europe, nécessaire pour développer une politique qui dépasse les nationalismes et qui soit l'expression d'une volonté populaire. En Espagne elle a été récemment approuvée. En Italie elle le sera bientôt. La Constitution est le dénominateur commun des pays membres.

Comment développer la démocratie en Europe?

La démocratie est la grande valeur fondamentale.

L'Europe ne peut reconnaître aucune organisation sociale qui ne soit pas démocratique, contraire au totalitarisme, aux discriminations sociales, à toute violation des droits de l'homme. La démocratie est le premier élément d'unification et d'intégration des peuples. Les pays qui sont intégrés à l'Europe doivent reconnaître et accepter les valeurs sur lesquelles se fonde l'Europe et devront démontrer vouloir faire des efforts pour s'insérer dans ce processus de démocratisation interne.

Au niveau stratégique et économique qu'est-ce que l'adhésion de la Turquie signifie pour l'Europe?

La Turquie n'a malheureusement pas la pratique de la démocratie et du respect des droits de l'homme. La violence physique et mentale, l'ostracisme, le manque de liberté ne sont pas les caractéristiques de la communauté européenne. Les conditions de vie des prisonniers, la torture, les conflits ethniques, encore présents dans ce pays, ne sont pas des éléments favorables à son intégration. Cependant il y a eu dans son histoire une certaine ouverture au dialogue avec la culture européenne : faire partie du bloc atlantique et de l'Otan lui confère courage et fiabilité. Bien qu'elle soit proche de la Russie, elle a démontré la volonté de se détacher de son orbite. Ces considérations favorisent l'accueil de la Turquie au sein de l'Europe.

D'un point de vue stratégique, La Turquie est un pays islamique modéré, avec lequel on peut mettre en marche un processus de collaboration. Ouvrir des négociations signifie donner la possibilité d'ouvrir un parcours de démocratisation et empêcher que 80 millions de personnes glissent vers une alliance avec les pays islamiques comme l'Irak et l'Iran.

Chypre, Malte sont désormais en Europe. L'intégration de la Turquie est aussi un projet politique qui va durer 12 ans pendant lesquels on ouvrira un dialogue culturel, social et politique plus intense, nécessaire à sa transformation.

A un niveau économique son intégration pourrait altérer les rapports économiques entre les états membres. Actuellement les aires à développer sont certaines régions de l'Espagne, les régions du sud de l'Italie, mais ces régions pourraient être considérées comme avancées par rapport aux zones défavorisées et moins développées de la Turquie.

C'est un grand défi pour un grand projet politique ! Il serait réducteur de considérer seulement les aspects économiques. Il faut créer une Europe plus forte même au détriment de quelques intérêts économiques. Cela explique l'intégration de la Pologne, un pays pauvre mais qui va nous rapporter une certaine richesse sociale et politique.

Le président des États-Unis, Bush, lui-même a constaté que l'Europe a un poids politique. 500 millions de personnes ne raisonnent pas seulement en termes économiques mais aussi en termes politiques. Pour aller au Vietnam les États-Unis, eux-mêmes, sont sortis de la logique de l'intérêt pour celle de l'élargissement et du poids politique.

Une autre réalité à considérer est la Chine, où le bas coût de la main d'oeuvre serait impossible sans la violation des droits des travailleurs et sans le grand nombre d'heures de travail que les chinois sont obligés de faire.

Une Europe politique forte aura beaucoup plus de pouvoir économique.

Le vrai projet, donc, est de nature politique. Voilà pourquoi il faut s'élargir et diffuser la culture européenne et la démocratie.

32. Interview de M. Franco Asciutti, sénateur (Forza italia) de la République italienne,
réalisée par les élèves du Lycée Jocopone - Todi (Italie)

1 er trimestre 2005

Au cours des premières années du XIX ème siècle, Dewey écrivit que la démocratie n'est pas une fin mais un moyen grâce auquel les gens découvrent, développent et manifestent leur propre nature et leurs propres droits. La démocratie est fondée sur la liberté, la solidarité, le libre choix du travail et la capacité de participer à l'organisation sociale. Lesquels, parmi ces éléments constitutifs et fondamentaux du système démocratique, sont, à votre avis, négligés par la société d'aujourd'hui (ou par la politique d'aujourd'hui) ?

L'affirmation de Dewey, selon laquelle la démocratie n'est pas une fin mais un moyen, est valable dans la mesure où le système politique d'un état qui se déclare démocratique se fonde sur un système de règles dont le respect est un principe absolu auquel on ne peut déroger. Et ceci parce que ces règles servent non seulement à sauvegarder les droits de chaque citoyen, mais elles représentent elles-mêmes les éléments constitutifs du système démocratique, des libertés de choix et de participation de la part des citoyens à l'organisation et au développement social de la communauté à laquelle il appartient. Je pense que ces principes et ces règles, parce qu'ils sont absolus justement, finissent quelquefois par être inadéquats par rapport à l'évolution des événements et à la réalité qui se transforme sans cesse.

En politique par exemple, l'équilibre qui règle le principe de la majorité apparaît très délicat. C'est-à-dire qu'une application mécanique de ce principe pourrait - si nous voulons employer un oxymoron - empiéter sur une sorte de «dictature démocratique». Chose qui, en ces termes, serait une contradiction.

Ceci me conduit à penser qu'une application purement mécanique du principe de majorité peut finir par rendre vain et léser le principe du respect des minorités : minorités linguistiques, culturelles, politiques, religieuses, etc., en réduisant de cette façon les possibilités d'action et d'expression qu'une démocratie qui fonctionne se doit de garantir.

Il est donc indispensable pour la politique de ne pas négliger d'autres principes importants qui font partie de la démocratie comme le principe de solidarité, d'aide sociale, de respect de la personne. En ce qui concerne le libre choix du travail je ne pense pas qu'il faille accuser la politique de négligence ou de responsabilités en ce sens qu'elle ne peut et ne doit s'occuper qu'à créer de l'emploi et de nouveaux postes de travail à une époque où il est déjà très difficile de trouver du travail à cause de l'innovation technologique incessante, de la mécanisation et de la mondialisation. Malheureusement, ce qui contribue à dicter les lois de la croissance et du choix de l'emploi ne sont ni la solidarité ni l'aide sociale mais la forte présence des multinationales et de la mondialisation économique des marchés à laquelle, pour le moment, le pouvoir politique même est contraint parfois à s'adapter.

La « pax Augusta » était fondée sur le contrôle des dissidences au sein de la patrie et sur l'écrasement de l'ennemi à l'extérieur. Pensez-vous que la politique extérieure mise en oeuvre par les États-Unis en Irak dans le but d'apporter la paix soit très différente ? Peut-on justifier le recours à la guerre pour apporter la démocratie dans un pays ?

Il ne me semble pas que la « Pax Augusta » ait été essentiellement fondée « sur le contrôle des dissidences intérieures et sur l'écrasement de l'ennemi à l'extérieur ». Il me semble plutôt que les causes fondamentales d'une longue période de paix après de nombreuses décennies dominées par les guerres civiles et les luttes intérieures, naissent de la prise de conscience d'un Empire qui est désormais virtuellement universel, et par conséquent de son renoncement à toute volonté d'expansion limitant ses actions militaires au seul renforcement de son territoire.

Je dirais donc que la comparaison avec la politique actuelle des États-Unis n'est pas envisageable, ou du moins qu'elle est singulière, anormale.

En ce qui concerne la question « d'ordre général » : si l'on peut « justifier le recours à la guerre pour apporter la démocratie dans un pays » il est nécessaire de se mettre d'accord clairement pour ne pas risquer de tomber dans la différenciation banale entre pacifistes et bellicistes ou dans des exagérations rhétoriques et démagogiques. Je pense qu'il n'existe aucun homme politique, aucun citoyen ou être humain au monde qui aime la guerre en tant que telle. La guerre, en tant que valeur en soi, est un mal absolu. Mais je suis convaincu que le recours à la guerre en Irak de la part des États-Unis, s'il n'a pas été provoqué par des prémisses justes ou justifiables, peut toutefois s'expliquer, d'un point de vue émotionnel, par le sentiment de la légitime défense. Ce conflit, à mon avis, est la conséquence de la forte émotion suscitée par l'attaque terrifiante (les Twin Towers) laquelle fut suivie d'un incendie épouvantable où plus de trois mille victimes périrent en un instant.

Avoir la conviction, ensuite, que le terrorisme provienne de l'Irak ou penser qu'il ne provienne que de Ben Laden est matière qui peut être sujet de discussion et d'opinions divergentes.

On ne peut toutefois s'empêcher de penser que, s'il est vrai que le régime irakien de Saddam Hussein - comme le régime serbe de Milosevic - a largement effectué le «nettoyage ethnique», l'extermination en masse et fait usage des fosses communes, il nous est difficile de comprendre pourquoi quand on intervient au Kosovo on parle d'«intervention humanitaire» alors que quand on intervient en Irak il faut parler d'«agression» et d'«impérialisme américain».

De toutes façons, je suis convaincu que le pouvoir politique doit investir toutes ses forces pour éviter la guerre et qu'il ne devra jamais renoncer à la confrontation démocratique pour résoudre les conflits internationaux.

Une grande révolution démocratique est en train de se réaliser parmi nous, tout le monde la voit mais tout le monde ne la juge pas de la même façon. Certains la jugent comme quelque chose de nouveau et, pensant qu'il s'agit d'un accident, ils espèrent encore pouvoir l'arrêter ; d'autres, au contraire, estiment qu'elle est irrésistible, parce qu'elle leur paraît être le fait le plus continu, le plus ancien et le plus permanent qu'on connaisse dans l'histoire ». Charles Alexis de Tocqueville, « De la démocratie en Amérique » . C'est ce qu'écrivait Tocqueville, vers 1850, dans ce traité qui a été fondamental pour la démocratie moderne. A votre avis, existe-t-il aujourd'hui encore ceux qui espèrent arrêter le processus «le plus continu, le plus ancien et le plus permanent qu'on connaisse dans l'histoire», et si oui, qui sont-ils ?

Je crois que Tocqueville a raison. Le processus de la démocratie ne peut être arrêté, à condition qu'il ne se configure que comme une méthode et jamais comme un système parfaitement accompli.

Karl Popper, un des philosophes les plus libéraux, au vrai sens du terme, de notre temps, en accord avec Tocqueville, affirme dans « La société ouverte et ses ennemis » que « la démocratie fonctionnera bien dans une société qui respecte la liberté et la tolérance ». La tolérance des minorités linguistiques, religieuses, culturelles, mais aussi des droits individuels de la personne, représente le principe méthodologique qui permet la correcte réalisation de la démocratie. Malheureusement, au cours de l'histoire, au sein même de l'histoire de l'Europe, les forces qui se sont opposées à la démocratie n'ont pas manqué. Ces forces représentées par des régimes totalitaires ont eu des effets catastrophiques pour notre civilisation.

Le nazisme et le fascisme, les systèmes du socialisme réel et du communisme se sont écroulés parce qu'étant structurés comme système fermé de société, ils ont fini par trahir les aspirations individuelles des hommes et donc leur liberté.

Mais le danger demeure si la société s'oriente aujourd'hui, en Orient, vers des formes de fondamentalisme et d'intégrisme religieux et en Occident vers des formes de capitalisme sauvage, qui prétend planifier la société dans une seule direction -la direction économico-financière- pour la contrôler ensuite sous tous ses aspects à travers la mondialisation de la production.

Au contraire, adopter la démocratie comme méthode et comme système qui peut être sans cesse amélioré, signifie être persuadés que le développement de l'histoire et de la société n'est pas guidé par des lois inexorables ni même garanti par une formule qui règle les événements des hommes et à laquelle il est inutile de s'opposer, mais plutôt par le choix d'une démarche politique qui répond au présent de l'histoire, à une société qui évolue et se transforme continuellement.

De quelle façon et en quelle mesure les intellectuels et la diversité des intérêts de la culture européenne peuvent-ils favoriser la démocratie et la mise en acte des libertés fondamentales ?

Je pense que le rôle des intellectuels au sein d'un système démocratique est d'éclairer et d'expliquer les principaux problèmes de la politique, de débattre les grands sujets de la paix, de la justice sociale, de la liberté, de l'indépendance des peuples, et des droits fondamentaux de la personne.

Je crois également que c'est le devoir de l'intellectuel d'en dénoncer les dangers à travers la presse, les médias, les moyens de communication si la menace de ces droits plane sur la démocratie.

Je considère au contraire que la fonction de « l'intellectuel organique », enrôlé dans l'idéologie dans le but d'orienter la recherche scientifique, sociale, culturelle vers des fins qui tendent à justifier l'idéologie même et donc une ligne politique, est fallacieuse.

Je ne veux pas dire par là que l'intellectuel aligné ne se comporte pas de façon démocratique, puisque, si la démocratie signifie éduquer dans la liberté, on ne peut ôter la parole à ceux qui ne partagent pas nos opinions, ni même à ceux qui nient la liberté. Carlo Cattanco, un grand libéral du « Risorgimento » soutenait que « la liberté est l'essence de la raison ». D'où le rôle de l'intellectuel : témoigner à travers son oeuvre, à travers ses écrits de la démocratie et exercer, au cours de sa vie la liberté comme une vraie force, la seule force qui puisse vaincre la violence sans devenir violente.

Noam Chomsky, un politologue qui analyse avec une implacable lucidité le système démocratique américain, affirme qu'une société est démocratique si ses citoyens ont des opportunités significatives de prendre part à la construction de la vie politique. Il existe différentes façons de le faire, mais ce n'est qu'à partir du moment où cela arrive qu'une société peut être définie démocratique. « Noam Chomsky, le coup d'état silencieux, Secrets, mensonges, crimes et démocratie » par David Barsamian. Pourriez-vous nous indiquer les façons de participer à la construction de la vie politique pour un jeune de notre âge ?

D'après ce que j'ai pu constater, je pense que les jeunes aujourd'hui affrontent la politique dans un contexte relativement nouveau et différent par rapport à celui des générations de leurs parents. C'est-à-dire qu'ils abordent la politique davantage comme sujet d'intérêt social et d'approfondissement culturel que comme champ de participation active. Je pense évidemment que, tout comme la démocratie, la politique ne doit pas être le privilège de quelques-uns mais le patrimoine de tous. Je pense que pour que les jeunes s'intéressent à la politique il faut promouvoir davantage l'inclusion de nouveaux projets qui puissent encourager et favoriser l'implication sociale, qui facilitent à travers la naissance d'associations de jeunes -organisées d'un point de vue culturel et social- la participation des jeunes au processus de croissance démocratique à un niveau local, régional et national.

Je suis en outre convaincu que le rapport entre les jeunes et la politique ne doit pas être à sens unique, c'est-à-dire que la poussée ne doit pas venir des jeunes seulement mais d'abord et surtout de la classe politique.

Quant aux motifs du détachement des jeunes de la politique, je pense qu'il est dû à une croissante « érosion » -aussi bien au niveau européen qu'international- envers ceux qui gouvernent, mais aussi au lent déclin des rapports avec les partis, à cause peut-être du dépassement des idéologies et de la fin de la guerre froide.

Je me souviens de l'enthousiasme des jeunes des années soixante et soixante-dix qui s'étaient engagés dans le but de transformer la société et d'obtenir la sécurité aussi bien du point de vue social qu'économique.

A partir des années quatre-vingt au contraire, les intérêts des jeunes se sont manifestés à travers de nouvelles formes de participation qui tendaient à des thèmes plus circonscrits et à brève échéance.

Je pense que pour tâcher de récupérer en grande partie l'approbation perdue des jeunes, les partis et les institutions doivent considérer comme une ressource précieuse leur engagement civil et social, quel qu'il soit, en les aidant à grandir, en leur fournissant des espaces, des structures et en acceptant leurs idées même quand ils ont une attitude critique envers la démarche institutionnelle.

Le rôle et l'engagement des jeunes se sont aujourd'hui libérés de la tutelle des partis. Ceci est une bonne chose. Mais il est plus que jamais nécessaire d'instaurer un dialogue entre eux et les institutions.

33. Interview de M. Giovanni Battafarano,
sénateur (Démocratie de gauche - L'Olivier) de la République italienne
réalisée par les élèves du Lycée Aristosseno - Taranto (Italie)

1 er trimestre 2005

La démocratie doit être défendue et développée progressivement. Par exemple, dans tous les pays européens et non européens, l'exercice du droit de vote est un premier pas vers la démocratie. Il existe des pays où les femmes ne votent pas, mais il existe aussi des pays où le droit de vote est reconnu aux travailleurs immigrés résidents. Le droit de vote s'exerce dans les élections politiques, administratives et régionales, mais il s'exerce aussi dans les sociétés pour élire les représentants syndicaux du personnel. Tout cela est l'expression de la démocratie comme l'est aussi la défense des libertés civiles, de la presse, de l'opinion. La démocratie s'exerce à travers un processus continuel non seulement à l'intérieur d'un pays, mais aussi au niveau d'un continent comme l'Europe.

Comment défend-on et renforce-t-on la démocratie ?

On défend la démocratie quand il y a un attentat aux libertés civiles. On la défend aussi en garantissant la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. De la sorte, on évite l'ingérence d'un pouvoir envers l'autre. L'opinion publique attentive est aussi très importante. Elle ne doit pas s'intéresser seulement au bien-être matériel. En résumé, la démocratie est un bien acquis qu'il faut toujours défendre car une régression est toujours possible.

Quel est l'état de la démocratie en Italie en ce moment ?

En ce moment, en Italie, il n'existe pas de menace à la démocratie. Toutefois, je remarque une volonté d'ingérence dans le pouvoir judiciaire. Par exemple, ces jours-ci la Ligue du Nord a manifesté contre un magistrat qui a ouvert une enquête sur quelques membres de ce parti.

L'élargissement de l'Union européenne est-il un facteur d'affaiblissement ?

D'un côté, il est vrai que l'on a tendance à inclure les pays qui géographiquement font partie de l'Europe, de l'autre il est vrai aussi que l'élargissement pourrait affaiblir la capacité décisionnelle de l'Union. Une extension pondérée serait préférable.

Les élèves affirment que la Turquie pour entrer en Europe doit assurer le plein respect des libertés civiles, des droits de l'Homme en abolissant la peine de mort. Le fait que la Turquie soit un pays musulman n'est pas un problème pour faire partie de l'Union européenne composée de pays à majorité chrétienne.

Quel est le facteur de progrès de l'Union européenne ?

Le progrès existe, même s'il n'est pas continu. Si on pense à la monnaie unique par exemple, elle a permis de rapprocher les économies des différentes nations. Mais on doit aussi penser aux positions différentes prises par les pays européens face à la guerre en Irak. Le progrès devrait assurer la cohérence et l'unicité d'un point de vue.

La constitution d'une armée européenne représente-t-elle un danger pour la démocratie ?

L'existence d'une armée européenne n'est pas une menace pour la démocratie quand elle est utilisée dans des buts humanitaires. On pourrait éviter de cette façon l'intervention des forces américaines et elle serait utile en Europe pour affronter une crise comme celle des Balkans, mais aussi dans les pays africains où il existe de nombreux conflits ethniques.

34. Interview de Mme Mercedes Bresso,
Présidente de la région Piémont (Coalition de centre gauche),
membre du Parlement européen (jusqu'au 24 mai 2005)
réalisée par les élèves de Liceo Blaise Pascal - Chieri (Italie)

1 er trimestre 2005

Quel futur voyez-vous pour une démocratie qui est en train de se dévaluer dans ses contenus et qui est de moins en moins représentative ? Un élargissement de cette dernière et l'institution de la démocratie directe sont-ils possibles ?

A vrai dire je ne sais pas si l'on peut dire que la démocratie est en train de se dévaluer, nous pouvons peut-être dire que la démocratie, en s'élargissant à différents centres sociaux et à ces pays qui, jusqu'à maintenant ont seulement connu des gouvernements autoritaires, se modifie et s'adapte aux différents contextes, mais elle n'est pas en train de se dévaluer de ses contenus. Certes cela signifie aussi devoir changer les règles de la démocratie pour les adapter à des pays qui ont des traditions culturelles et politiques complètement différentes de celles occidentales, mais on ne peut pas dire qu'elle soit toujours moins représentative.

Même dans le respect des règles de la représentation, il y a des intentions nouvelles et certaines sont aussi positives, telle l'expérience de démocratie participative, d'autres au contraire tendent à l'exploitation des moyens de communication de masse pour supplanter les principes de représentation, car ces instruments permettent de percevoir le consensus à travers des sondages qui n'ont pas toujours de caractère scientifique.

Quelle est votre opinion sur les mouvements de démocratie participative ? Des expériences comme celles de Porto Alegre sont-elles généralisables dans les pays de l'Union Européenne ?

Je pense qu'il y a plus de disponibilités d'information, même si souvent elle est déformée ou mal interprétée mais aussi les exigences des citoyens changent. Il est possible, aujourd'hui suivre en direct le procès décisionnel et cela produit un nouveau type de participation de la part des citoyens.

La démocratie participative, sur le modèle de Porto Alegre, est très intéressante, surtout dans un pays moins développé où les choix politiques sont plus importants parce qu'il manque beaucoup de services. C'est un instrument qui naît pour combler l'écart dû au fait que les citoyens connaissent, par les médias, l'état du débat, mais ils ne peuvent pas participer aux décisions. Elle permet, donc, de surmonter un peu cette sensation d'affaiblissement de la démocratie représentative, parce que tous les sujets du débat sont toujours à l'ordre du jour des représentants mais aussi des représentés.

Les nouvelles technologies informatiques peuvent-elle représenter une aide pour la défense et le développement de la démocratie ?

Probablement oui. Nous assistons toujours plus à la naissance de débats et de sondages sur Internet, en ce qui concerne les thèmes de notre société, qui certainement sont un élément de démocratie participative, parce qu'ils font participer les citoyens au moins dans le procès d'expression des opinions, mais ils gravent aussi sur le procès décisionnel, parce qu'ils poussent la classe dirigeante politique à accepter, ou au moins à tenir compte, de l'opinion des citoyens. D'autre part, je ne sais pas si on peut imaginer un procès structuré de démocratie directe (comme par exemple voter les lois sur Internet) remplaçant les instruments traditionnels de la démocratie représentative. À ce sujet, j'ai quelques perplexités, parce qu'il manquerait le peu de méditation et de professionnalisme nécessaires.

En outre, dans une démocratie participative, on perdrait tout à fait l'exigence de médiatiser les différentes exigences et de satisfaire les intérêts collectifs.

Cela deviendrait une espèce de guerre où gagne toujours la majorités sans tenir compte des minorités, surtout des minorités qui n'ont pas la possibilité de s'exprimer en ce moment-là à cause de différents motifs.

Quels défis, les différents systèmes démocratiques des pays européens présentent à l'Union européenne ? A l'avenir, on pourra parler d'un système démocratique européen ?

L'Union Européenne s'est élargie dans ces années avec l'intention d'élargir pas seulement les frontières et les marchés, mais aussi les institutions démocratiques, surtout en faisant participer les pays de l'Est européen comme dans cette dernière phase. On a essayé de stimuler les institutions de ces pays à marcher plus rapidement sur le parcours de la démocratie, en adaptant les institutions nationales et locales, la législation et les habitudes aux règles de la démocratie, pas seulement formelle, mais aussi substantielle.

L'Union Européenne a beaucoup travaillé sur la démocratie substantielle, c'est-à-dire sur les droits, sur les mêmes opportunités et sur la suppression de toute forme de discrimination.

Tous ces principes ont été dans un certain sens imposés à ces pays, mais ils ont permis de les intégrer dans un procès d'élargissement vers de nouveaux espaces de démocratie, même si cela comporte beaucoup de problèmes. Pensons, par exemple, à l'intégration de la Turquie, qui porte avec elle, un rapport différent entre société et religion et pose beaucoup de limites à l'affirmation des droits.

Quelles garanties existe-t-il pour les droits fondamentaux dans une Europe qui est en train de prendre toujours plus le signalement d'un village global et où la nationalité et la citoyenneté ne peuvent plus être l'unique source de droit ?

On doit, d'abord, dire que dans la discussion sur les droits humains à l'intérieur de l'Union européenne, on ne parle plus de « droits des citoyens » parce que l'Union Européenne veut être un continent inclusif et il veut, donc, garantir les droits à tous ceux qui vivent sur le territoire européen (immigrés, étudiants, réfugiés...).

Par conséquent, la première considération qu'il faut faire est celle-ci : la Charte des droits fondamentaux fait abstraction de la citoyenneté de la nationalité ; au moins pour ces droits qui sont de compétence de l'Union Européenne. Il existe, en effet, une forte limite, parce que la Charte des droits s'applique seulement pour les matières de compétence de l'Union, tandis que pour ce qui est de la compétence de chaque État, sont encore en vigueur les Constitutions nationales. Le prochain pas qu'il faut faire concerne l'extension à tous les pays membres des règles de l'Union en matière de nationalité.

Quels instruments scolaires et extrascolaires, conseillez vous pour éduquer ou respect des valeurs de la démocratie ?

Pour ce qui concerne les instruments scolaires, ceux plus traditionnels sont le Parlement des jeunes ou la Convention européenne des jeunes, c'est-à-dire des moments qui demandent de l'approfondissement et une analyse des Chartes Constitutionnelles et législatives et qui obligent les jeunes à se confronter sur le procès décisionnel. Ceux-ci sont les instruments les plus intéressants et les plus actifs qui demandent de l'étude, mais aussi une dynamique de groupe.

Il existe beaucoup d'instruments extrascolaires, mis je crois qu'il est indispensable surtout de voyager et de connaître les autres réalités et les autres systèmes institutionnels, pour apprécier, au-delà de la ressemblance apparente, ces diversités pas toujours évidentes. Il est indispensable de voyager pour changer sa propre perception de la réalité et pour faire l'expérience de la grande force de la démocratie. Je crois qu'il n'y a pas de substitut à l'expérience.

35. Interview de M. Pier Ferdinando Casini, Président de la Chambre des Députés
réalisée par les élèves du Lycée Galvani - Bologne (Italie)

1er trimestre 2005

Le débat au Parlement est le moment par excellence dans lequel se réalise l'esprit démocratique. Comment un tel débat peut se dérouler de façon efficace et constructive ?

La démocratie italienne est une démocratie parlementaire dont le coeur est le Parlement, dans lequel se rassemble la représentation populaire dans les deux chambres : la Chambre des Députés et le Sénat. Certainement le mécanisme du débat dans ces derniers cinquante ans a présenté différentes limites, et pour cette raison on devrait examiner certains aspects qui concernent ce débat ; on ne peut pas ignorer, en effet, que d'abord avec les institutions des régions et, aujourd'hui, avec le fédéralisme, le problème de l'équilibre institutionnel entre les régions et le Parlement, qui est d'ailleurs le thème du débat actuel, devient de plus en plus important. Par expérience, je crois que quelques procès de simplification seraient opportuns. En effet, l'opinion publique ne se rend pas compte que le travail le plus absorbant et le plus important se déroule au dehors de la salle des séances, dans les commissions, où les dispositions législatives sont examinées de façon plus technique. En suite, ces dispositions sont reprises en Parlement, et donc elles doivent parcourir un iter plutôt compliqué.

Mais un autre problème que vous posez dans cette question est aussi celui du rapport entre le Parlement et la société. Ce dernier certainement doit prendre la décision finale, mais il doit tenir compte de ce qui provient de la société. Quand j'étais dans le monde de la politique, les partis étaient plus forts et ils représentaient en quelque sorte les filtres entre la société, dont la participation était plus importante, et le Parlement ; aujourd'hui, je pense que ce lien est moins fort parce qu'on a tendance plutôt à remettre les décisions politiques à des structures spécifiques et à des spécialistes. Mais une disposition ou une loi devrait être toujours la réponse efficace aux attentes de la société et donc le lien avec cette dernière est extrêmement important.

Comment le citoyen est-il appelé à participer à la démocratie et comment se réalise concrètement cette participation ?

Une démocratie sans partis perd son essence. En effet, ils sont les filtres à travers lesquels la participation se réalise. Il faut analyser la condition des partis aujourd'hui: autrefois ils étaient très liés à la société, ils étaient peut être plus idéologiques mais certainement meilleurs que l'excessif pragmatisme actuel qui ne suscite ni des enthousiasmes ni des passions. Le parti doit être soutenu par une idéologie politique, mais malheureusement aujourd'hui il n'y a pas une condition sociale qui puisse favoriser l'intérêt pour la politique, vu qu'elle ne sait plus respecter l'opinion de ses adversaires.

Dans des sociétés multiculturelles et toujours plus touchées par le phénomène de l'immigration, comment le concept de citoyenneté a changé-t-il et/ou comment devrait-il changer ?

Chaque période historique a ses problèmes : aujourd'hui, la question des sociétés multiculturelles est certainement une des grandes problématiques de ce nouveau siècle et je crois que notre société est destinée à des grands et profonds changements dans le développement de ces processus qui sont en train de se réaliser. Si on fait référence à l'Europe, on enregistre des taux de natalité très bas et du point de vue des nécessités du marché du travail, les Européens ont besoin d'importer de la main d'oeuvre. Les puissants moyens de communication permettent de connaître des réalités arriérées qu'on ne peut pas ignorer, aussi dans l'intérêt même des pays les plus riches. Les sociétés sous-développées du tiers-monde font une grande pression sur les sociétés occidentales : le problème qui naît donc du point de vue politique est celui de la réponse que ces pays plus riches et évolués sont capables de donner à cette requête.

La rencontre entre les différentes cultures devrait être alimentée par le besoin d'affirmer des valeurs de solidarité, peu prises en considération dans les sociétés actuelles, où, au contraire, les égoïsmes (nationaux et politiques aussi) l'emportent. Toutefois, c'est à travers la solidarité qu'on doit agir dans les pays les plus nécessiteux, parce que c'est là-bas que va se jouer le futur de l'humanité. Il faut savoir organiser une réponse même face au phénomène de l'immigration qui caractérise notre pays ; une réponse qui se fonde sur des valeurs comme le respect et la compréhension de la diversité que ces mondes représentent. Ceux qui arrivent en Italie ont laissé des réalités économiquement et socialement en crise et pour cette raison, il faut leur offrir un aide immédiate; mais pour résoudre vraiment les problèmes et construire un rapport de parité, l'aide doit être donnée directement à leur pays d'origine.

L'évolution du concept de citoyenneté est profondément liée à ce processus d'intégration et d'aide réciproque et il est évident que cette parité peut être obtenue aussi grâce à la participation des étrangers aux élections italiennes. De cette façon, on cesserait de considérer seulement le pire aspect de l'immigration, la criminalité ; phénomène qui, d'autre part, est typique de tous les flux migratoires, même du passé (le développement de la mafia italienne en Amérique).

Quels sont les problèmes et les difficultés principales que l'adaptation à la Constitution européenne implique pour les pays de l'Union et pour l'Italie en particulier ?

L'idée d'Europe naît pour s'opposer à la guerre. Ce sont surtout les hommes qui ont vécu le plus directement les deux conflits mondiaux (par exemple de Gasperi) qui veulent en éloigner le souvenir. Une fois affirmée, cette volonté aura beaucoup de conséquences culturelles, sociales et économiques, en premier lieu la conscience qu'il s'agira d'une évolution longue et difficile. Ce n'est pas simple d'établir des règles économiques communes pour tout le monde : l'introduction de la monnaie unique a rendu impossibles même des manoeuvres internes aux pays comme par exemple la dévaluation de la Lire. En Italie, on a le gros problème de la différence entre Nord et Sud, tandis que dans les autres pays, l'idée de donner ses propres pouvoirs à quelqu'un d'autre rend difficile l'acceptation de la Constitution européenne, même au citoyen moyen. Il faut dire de toute façon que pour jouir ensuite des avantages apportés par le nivellement des déséquilibres entre différentes nations, maintenant c'est la partie la plus riche du continent qui doit payer pour la plus pauvre.

De nos jours, la guerre semble être devenue un moyen pour diffuser la démocratie. Croyez-vous que ce moyen puisse s'avérer efficace ?

La guerre est une blessure de la démocratie. En Italie, nous avons une Constitution qui exclut la guerre ; un conflit est prévu et considéré licite seulement en cas d'agression extérieure. La guerre est violence et l'utilisation de la violence contraste avec le principe de la démocratie ; les processus de développement démocratique traversent des phases différentes, mais il est impensable que la guerre puisse représenter une de ces phases. Le consensus se construit à travers la communication, la voie diplomatique : la route qu'on devrait continuer à suivre est celle-ci, mais malheureusement l'histoire du présent et du passé sont plus riches de conflits que de mots.

36. Interview de M. Giusto Catania,
membre (Gauche unitaire européenne) du Parlement européen,
réalisée par les élèves du Lycée Maria Adelaïde - Palerme (Italie)

1 er trimestre 2005

La superposition progressive des pouvoirs : exécutif, économique, et médiatique risque d'altérer -si elle n'est pas réglementée-, les principes d'égalité des citoyens et même le droit de vote qui représentent les bases fondamentales de la démocratie. Quelles initiatives peuvent être prises à ce propos et à quel niveau ? Connaissez-vous des mesures efficaces adoptées dans les autres pays européens ?

Je partage votre analyse : il est vrai que nous sommes dans une phase de crise de la démocratie, à partir du moment où son principe cardinal, ce que Montesquieu définissait comme «la séparation des pouvoirs», est en train de disparaître. La séparation du pouvoir parlementaire, législatif, exécutif et judiciaire est très importante pour l'essence même de la démocratie. En Italie, mais pas seulement, il y a une tentative d'homogénéisation des pouvoirs pour les assujettir tous à une seule entité. En outre il y a aussi la superposition d'un « nouveau » pouvoir, celui des médias qui détermine de plus en plus des formes de démocratie que je définirais « autoritaires », ce n'est pas un autoritarisme mais une démocratie qui se manifeste sous forme autoritaire. C'est un problème préoccupant en Italie et dans d'autres pays d'Europe. Je vous donne un exemple : il y a un spot publicitaire d'une télévision privée suédoise qui ironise sur la « liberté » de la télévision italienne, fortement contrôlée par le Président du Conseil, et en disant a contrario : « nous, nous ne sommes pas comme ça ». Dans d'autres pays nous devenons la référence de ce que ne devrait pas être la démocratie lorsque le pouvoir de la communication en vient à se substituer aux formes normales de représentation de la démocratie. Que peut-on faire ? Quelqu'un comme Berlusconi aux États-Unis, dans ce pays libéral des États-Unis d'Amérique, ne pourrait même pas se présenter, parce que, dans une « démocratie libérale , celui qui a le pouvoir communicatif et le pouvoir économique ne peut pas être candidat. Ce principe est valable aux États-Unis et dans la plupart des pays européens. Je pense que ce principe doit être adopté aussi en Italie, alors qu'aujourd'hui, au contraire, nous avons une loi qui contourne la question mais qui, en réalité, ne s'occupe pas de la question centrale de la propriété des moyens de communication. Au Parlement européen cela est en discussion dans ma commission et la Commission européenne a rédigé un décret qui va en direction de la sauvegarde de la démocratie et de la séparation du pouvoir politique des organismes d'information. De toute évidence, cette directive n'est pas comminatoire dans les pays de l'Union et l'Italie la détourne toujours. Je crois qu'il est important au contraire, d'exercer une forte pression, pour que l'opinion publique se rende compte de cette anomalie italienne et qu'elle essaie d'uniformiser cet élément de démocratie avec les autres pays européens. Pour l'instant, l'Europe n'a pas le pouvoir d'imposer cette directive aux États, mais l'attention d'une partie de l'opinion publique peut faire changer d'avis même par rapport à la législation italienne.

Sauvegarder la démocratie implique l'attention et le soin constant de toutes les citoyennes et de tous les citoyens, mais actuellement il semble que la pratique de la démocratie se réduise au simple fait de voter. Ne pensez-vous pas que dans de telles conditions la démocratie ne soit en péril ? Quels instruments peut-on prévoir pour réaliser une participation active à la vie politique, sociale et culturelle ?

Sur cela aussi je suis d'accord, dans la mesure où on pense que la démocratie ne serait exclusivement liée qu'à l'exercice du vote. Un peu comme si la démocratie se terminait à partir du moment où on s'est présenté aux urnes pour voter. Au contraire, le processus démocratique est un processus long et accompli. Il y a un exemple qui, selon moi, nous devrions chercher à importer : celui du Brésil. Le Brésil a une administration locale, celle de « Porto Alegre », où nous trouvons une organisation communément appelée « démocratie participative ». En respectant une échéance qui varie selon l'importance des questions à discuter, une assemblée à laquelle participent des citoyens, des associations et des organisations syndicales est convoquée. Pendant cette assemblée on décide des instances et des priorités à fixer à l'administration locale. Dans certaines communes italiennes nous avons tenté d'instaurer ce modèle afin d'établir un budget communal en partant des instances des citoyens et avec leur participation. Cela peut être une façon efficace de rapprocher des citoyen(ne)s d'une participation démocratique, parce que le vrai principe de la démocratie n'est pas celui qui vote, quand il vote, ni même la liberté d'expression. A mon avis, le plus important dans la démocratie est de savoir comment on arrive à la décision, et quel niveau de participation est possible pour arriver à une décision. Nous, nous sommes dans une phase où désormais les assemblées électives sont vidées de plus en plus de leurs pouvoirs, ce qui fait que, paradoxalement, le droit de vote n'est plus en soi un exercice démocratique. Voici un exemple : le « conseil communal » est l'organisme le plus démocratique de la ville, il en représente toutes les instances politiques, toute l'articulation de la société ; pourtant le conseil communal, élu par tou(te)s les citoyen(ne)s, est désormais vidé de son pouvoir, parce que la plupart des décisions sont assumées par le Maire et ses adjoints et non par le Conseil municipal élu par les citoyens. Cela vaut pour tout par extension, même pour le Parlement italien. Le Parlement italien l'année dernière a voté moins de projets de loi que le gouvernement n'a fait passer de décrets. Donc, étant donné que les assemblées électives sont expropriées de leurs pouvoirs, le droit de vote, lui-même, n'est plus un principe de démocratie.

Nous ne devons donc pas seulement redonner de la valeur aux assemblées électives, les hauts lieux de la démocratie représentative, mais surtout penser les moyens pour construire de nouveaux éléments de démocratie participative. Je prends un exemple plus percutant encore sur la façon de s'y prendre pour tenter de construire des éléments de démocratie participative. Nous avons trop pris l'habitude de penser la démocratie en termes de représentativité. Porto Alegre est un exemple un peu plus évident de démocratie directe, sur laquelle nous devrions discuter, un modèle de démocratie où il y a une rencontre entre les institutions et les citoyen(ne)s, ce n'est pas simplement une représentation mais une participation active dans laquelle les citoyen(ne)s assument directement la responsabilité de la décision. Voici un autre exemple dans la réalité palermitaine qui peut vous sembler provocateur : tous les jeunes de la ville, ceux qui n'ont pas de maison, ou qui vivent avec leurs parents sans avoir la possibilité économique pour vivre seuls, devraient, pour exercer le droit de démocratie directe, se réapproprier tous les édifices abandonnés de la ville. Une provocation ? Bien sûr c'est une provocation, mais qui peut être un point de départ pour rediscuter les formes de la démocratie directe, participative, et donner plus de valeurs à leurs formes expérimentales.

Comment pouvons-nous apprendre « La démocratie » et devenir citoyen(ne)s conscient(e)s ? Quel peut- être le rôle de l'école et de l'éducation ?

La question est très stimulante, parce que moi, je suis d'abord un enseignant avant d'être un parlementaire, donc mon rôle consiste à penser aussi à l'éducation et à l'école comme les éléments fondamentaux pour la construction des citoyen(ne)s. Je pense que nous devrions avant tout, et cela est un des devoirs de l'école, définir la notion de citoyenneté.

Regardez en Europe : est considéré citoyen européen quiconque naît dans un Pays de l'Union. Selon moi, cette conception de la citoyenneté, et même le concept qui donne forme à cette définition, est une idée déformée de la citoyenneté et de la démocratie même. Je pense que l'Europe ne devrait pas seulement appartenir aux personnes qui naissent en Europe, parce qu'on ne décide pas où naître. Par contre, on peut décider où vivre, et donc lier la citoyenneté à la résidence, au lieu où je choisis de vivre, d'aimer, de travailler, de partager des valeurs, de bâtir mon futur. Je pense donc que cet élément doit être le principe cardinal de la construction d'une citoyenneté européenne. Je pense que l'école a un rôle fondamental dans tout cela parce qu'à la base de cette idée de construction de la citoyenneté, il y a le rôle pédagogique de l'école qui devrait essayer de faire vivre dans une société interculturelle. Nous pensons trop souvent vivre, et nous le disons, dans une société multiculturelle. C'est un fait. Il suffit de voir tes « Doc Martins » qui ne sont pas fabriquées en Italie, ce qui signifie que tu portes aux pieds le fruit du travail d'une autre culture, d'une autre forme d'organisation du travail, etc... Ta montre est probablement de facture japonaise, ton téléphone portable suédois. Nous vivons donc dans une société multiculturelle parce que chacun de nous est impliqué dans des processus culturels qui ne sont plus nécessairement liés à notre territoire.

Dire que nous vivons dans une société multiculturelle, c'est seulement une photographie de la société, et je ne crois pas que ce soit une valeur en soi. L'approche que doit en avoir l'école, au contraire, c'est la construction d'une société interculturelle à l'intérieur de laquelle les cultures se confrontent mutuellement, vivent certes le mode statique de la différence, mais en se confondant et en cherchant à construire une relation différente où non seulement se conservent les identités particulières, mais où ces mêmes identités particulières reçoivent l'influence d'autres cultures dans un échange continu. C'est cela une approche propédeutique à la construction d'une société et d'une citoyenneté européennes qui auraient comme principe premier une citoyenneté liée à la résidence et non à la naissance.

La représentation démocratique devrait impliquer une présence équilibrée entre les femmes et les hommes ; mais la représentation féminine dans les institutions représentatives est inférieure à celle masculine, ce qui implique une « démocratie imparfaite ». Quelles mesures peut-on adopter afin de dépasser cette limite ? Êtes-vous d'accord avec la « politique des quotas», ou pensez-vous que le problème de la représentation féminine ne peut pas se réduire à une question de pourcentage ?

Je ne suis pas d'accord avec la politique des quotas parce que je pense qu'elle est limitée. Je pense que le problème de la participation des femmes à la politique, et de la représentation féminine dans les institutions est réel et je crois aussi que cela dépend de la modalité même du fonctionnement des institutions et pas seulement du fait que les femmes ne participent pas, ne veulent pas participer ou que leurs rythmes de vie leur rendent l'implication dans la vie publique plus difficile. Je crois que le fait que les femmes participent en nombre restreint à la vie des institutions tient à la façon dont elles sont organisées, de la façon dont le pouvoir actuel se manifeste, de cette tendance de plus en plus forte à une représentation majoritaire et même aux lois électorales. La modalité même de sélection des candidats, en effet, et la compétition électorale sont perçues comme un exercice « musculaire » qui exclut les femmes de la direction et de la gestion de la vie politique. Pour cette raison, je pense qu'il y a un problème lié à la démocratie : le fait que peu de femmes participent à la vie publique est une limite à l'essence même de la démocratie, du moment qu'il nous prive d'une façon différente de voir les choses : les femmes ont en effet une approche différente de la politique que celle des hommes, même dans les questions d'ordre général. Le thème de la participation des femmes à la vie démocratique peut être donc résolu en mettant en discussion la forme et les modalités dans lesquelles le pouvoir se manifeste réellement, et pas à travers les quotas ou encore, comme on est en train d'en discuter en Sicile, par la double préférence de genre. Mais pour réaliser tout ça, nous avons besoin de leur point de vue.

A l'occasion de la guerre en Irak, on a beaucoup parlé d' « exporter la démocratie ». Ne croyez-vous pas que ce principe soit inconciliable avec l'idée même de démocratie ?

Je pense que la démocratie n'est pas exportable et, bien sûr, elle ne l'est pas avec les canons et les bombardements. Je crains même que la démocratie exportée avec les troupes d'occupation soit un élément qui dégrade les conditions démocratiques mêmes de ceux qui pensent exporter la démocratie. Le concept même de démocratie, celle de notre époque, est un concept valable exclusivement pour nous. Canfora, historien italien d'inspiration marxiste, nous explique que la démocratie dans laquelle nous vivons en ce moment en Europe et dans le monde occidental est une démocratie oligarchique : par conséquent l'idée communément représentée de la démocratie est en crise.

Par rapport à ce qui s'est passé en Irak, il est désormais clair que la prétendue volonté d'exporter la démocratie était un prétexte. En réalité on a « seulement » destitué un dictateur qui avait été précédemment utile puisqu'il avait été financé avec l'argent américain pour faire la guerre à l'Iran. Les États-Unis ont révoqué un dictateur, ce qui est bien pour la démocratie, mais ils ont inventé un concept pour justifier une agression belliqueuse qui a exclusivement une cause économique. Le simple fait que nous parlions d'« exporter la démocratie » nous démontre que nous sommes restés prisonniers du mécanisme, que ce modèle nous a été imposé. Tout aussi imposée la pensée unique et dominante qui nous fait croire à une unique vision possible du monde. Un monde dans lequel une personne qui est différente de toi est ton ennemi : l'arabe est ton ennemi, voire tous les arabes sont des terroristes et de dangereux subversifs qui viennent ici te voler ton travail et compromettre le bonheur de ta vie de famille. Tout cela est construit avec des mots d'ordre qui ont pour but d'asservir les esprits, nos corps, notre façon de faire et d'être. Il y a quelques années, cette opération semblait ne pas avoir d'obstacles, maintenant pour l'accomplir ils sont même obligés de faire la guerre. Mais il y a dans le monde pour la première fois une opposition des peuples, des hommes et de femmes qui s'opposent à ce modèle de construction de la planète. Par conséquent à l'intérieur de ce cadre pessimiste je suis très optimiste sur le destin de l'humanité et sur la possibilité de construire un autre monde qui ne mette pas au centre l'économie, mais la vie de chacun de nous et donne la possibilité à chacun d'être acteur de son propre futur.

37. Interview de M. Mario Mauro, membre (PPE) du Parlement européen
réalisée par les élèves du Liceo Galileo Galilei - Caravaggio (Italie)

1 er trimestre 2005

A votre avis, existe-t-il des menaces pour la démocratie en Europe ? Si oui, lesquelles ?

En Europe je ne vois pas de menaces particulières pour la démocratie, mais je voudrai quand même mettre l'accent sur un risque très important que l'Union Européenne est, silencieusement, en train de courir. Ces dix dernières années ont vu un sentiment croissant contre le catholicisme dans les institutions de l'Union Européenne, comme en témoigne une série d'actions malheureusement méconnues par l'opinion publique italienne. La profondeur idéologique du climat contre le catholicisme qui règne dans les institutions européennes a été sûrement bien exprimée par le vote avec lequel le 13 mars 2002 le Parlement Européen a adopté un rapport sur « Femmes et Fondamentalisme », rédigé par le « Comité pour les droits des femmes » et « Egales opportunités ». D'après une première lecture de ce document, les objectifs semblaient être les régimes fondamentalistes d'origine islamique qui ne garantissaient pas la parité des droits entre hommes et femmes. L'intention la plus évidente était celle d'interrompre les rapports avec les gouvernements qui ne permettaient pas la participation des femmes à leurs propres organismes décisionnels. Un objectif à première vue politiquement correct sur lequel cela vaut la peine de réfléchir. Il existe un seul état au monde interdisant l'accès des femmes aux organismes de gouvernement : le Vatican. Donc l'unique résultat pratique de cette proposition de loi votée par le Parlement aurait été l'expulsion du Vatican des organismes internationaux qui laisserait l'Eglise sans aucune voix au chapitre en ce qui concerne les relations internationales. Cependant l'attaque provenant du rapport « Femmes et Fondamentalisme » n'a pas été la seule action exprimée par le Parlement Européen contre le Vatican. Durant ces 10 dernières années, on a présenté 19 questions écrites à la Commission Européenne contre l'Eglise ou le Vatican, 5 relations et 4 propositions de résolution qui ont « critiqué » les positions du Saint-Siège, dont deux sur une supposée ingérence du Vatican dans le secteur européen. En conclusion, presque 30 occasions dans lesquelles le Parlement Européen a attaqué l'Eglise ou les positions du Vatican, en faisant passer pour «fondamentaliste » la simple expression d'un credo religieux. En politique, ce qui est important, ce sont les relations de pouvoir et il est certain que, si les racines de notre continent sont chrétiennes, il est aussi sûr que les catholiques en Europe comptent beaucoup moins que leurs racines, comme il a été encore une fois démontré dans le cas du ministre Buttiglione, dont il est émergé une évidence : « les chrétiens aux lions! ».

La décision de la Commission « Liberté » du Parlement Européen, contraire à la nomination de Buttiglione a démontré que chaque bon catholique qui manifeste sa propre foi sans réticence n'est pas apte à remplir des fonctions au sommet de l'Union et que, entre le christianisme catholique et les principes dans lesquels on reconnaît les institutions européennes, il existe une incompatibilité importante.

A votre avis, comment est-il possible d'intégrer les cultures non européennes, de plus en plus présentes, sans mettre en danger l'identité originaire de l'Europe ?

Cette question me renvoie au problème de l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. Sur cet argument ce qui me touche prioritairement et qui me fait surtout peur c'est que nous, européens, nous ne devrions pas redouter les Turcs. Nous devrions plutôt nous inquiéter de la fragilité de l'identité européenne, une faiblesse qui ne nous permet pas de considérer Ankara comme une ressource mais uniquement comme une menace. Je suis préoccupé par une Constitution comme celle qui vient d'être signée et qui sera ratifiée. Je suis préoccupé par une Europe qui, quand elle se heurte à l'Islam, ne trouve d'arguments meilleurs que le fondamentalisme nihiliste de la loi qui interdit le voile. Ce n'est pas pour rien si la France est l'un des pays opposés à l'entrée d'Ankara, bien qu'en Turquie le voile soit interdit et que les filles du premier ministre Erdogan, de tradition très religieuse, ont été envoyées aux États-Unis pour étudier, pays dans lequel le voile n'est pas interdit. Donc je pense que l'Europe devra investir plus sur l'éducation, l'instruction et la formation, c'est-à-dire le carrefour où les peuples pourront devenir amis sans perdre leur propre identité.

De quelle façon la Constitution Européenne garantit-elle la cohabitation démocratique entre les citoyens européens ?

L'insertion dans les textes du principe d'égalité démocratique et de démocratie représentative ne donne pas de nouveaux droits aux citoyens européens, mais il établit des principes émanant de l'esprit des traités. Ainsi les citoyennes et les citoyens sont représentés directement au niveau de l'Union dans le Parlement Européen. En outre, les gouvernements nationaux qui envoient leurs représentants au Conseil européen et au Conseil des ministres sont responsables devant les parlements nationaux, eux-mêmes élus par des citoyens européens.

La participation démocratique devient ainsi un des piliers du fonctionnement de l'Union. La principale innovation dans ce secteur est représentée par l'apparition d'un droit d'initiative populaire. L'article 1-47 prévoit qu'une pétition qui recueillerait au moins un million de signatures dans plusieurs états membres puisse inviter la Commission à prendre une initiative législative à condition que cette dernière soit compatible avec la Constitution et en particulier avec la Charte des droits fondamentaux. L'initiative populaire ne porte pas atteinte au droit d'initiative de la Commission étant donné que cette dernière est libre de répondre à l'invitation de présenter des propositions.

Il s'agit toutefois d'une nouveauté fondamentale qui introduit pour la première fois la notion de démocratie participative dans le cadre politique européen. Une telle mesure donne donc aux citoyens européens, ayant l'intention de dénoncer le « déficit démocratique européen », les moyens pour faire entendre directement leur voix. Cette innovation s'associe aux efforts qui ont permis l'explication de la répartition des compétences et la simplification des instruments juridiques qui ont pour but de rapprocher le citoyen aux institutions communautaires.

La notion de démocratie participative comprend d'autres aspects importants. Le même article rappelle, aussi, en effet, que les institutions maintiennent un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives de la société civile et que la commission procède à d'importantes consultations mettant en cause les parties intéressées.

A partir de votre expérience de parlementaire européen, quelles sont les priorités à poursuivre pour renforcer la démocratie en Europe ?

La priorité pour renforcer la démocratie en Europe consiste sûrement dans l'application du principe de subsidiarité, c'est-à-dire le principe garantissant des décisions, qui, une fois adoptées, sont les plus proches possibles du citoyen. On vérifiera constamment que l'action à entreprendre au niveau communautaire soit justifiée par rapport aux possibilités offertes par l'action au niveau national, régional ou local. Concrètement cela signifie que, dans les secteurs qui ne sont pas de sa compétence, l'Union intervient seulement quand son action est considérée plus efficace que celle entreprise au niveau national, régional ou local.

De quelle manière un citoyen peut-il contribuer à la consolidation de la démocratie ?

Il faut considérer que dans n'importe quel État, sous n'importe quelle forme d'organisation sociale, rien ne peut remplacer la personne comme protagoniste de l'action dans tous les secteurs, de l'initiative économique à la passion politique.

38. Interview de M. Rollandin,
sénateur (Groupe pour l'autonomie) de la République italienne
réalisée par les élèves du Lycée classique et Institut d'art - Aoste (Italie)

1 er trimestre 2005

Quelles sont, à votre avis, les caractéristiques d'une démocratie effective ?

Les définitions du mot « démocratie » ont changé au cours des siècles et selon les différentes théories politiques. Toutefois une caractéristique fondamentale de la démocratie est la liberté, c'est-à-dire la possibilité de choisir entre différentes options politiques et d'élire au pouvoir celui que la majorité aura choisi. Cela implique évidemment la participation des citoyens au débat politique et au moment électoral; mais une participation consciente n'est pas possible sans une information libre et accessible à tous. Le cadre dans lequel une démocratie s'insère est celui des règles qu'on se donne et qu'on s'engage à respecter: règles qui sont exprimées à différents niveaux - les constitutions des États et de l'Europe, les Statuts des régions et des communes - mais qui ont en commun l'engagement au respect qu'on se doit réciproquement, et qu'on doit même à ceux qui ont des opinions différentes des nôtres. Règles qu'on doit respecter, quitte à en proposer un changement si on les considère dépassées par les événements; mais tant qu'elles sont en vigueur, on ne peut pas les transgresser. Enfin, une autre caractéristique de la démocratie est l'égalité entre tous les citoyens, hommes et femmes: un aspect qui n'est pas encore réalisé partout, et qui constitue donc encore un défi en plusieurs lieux du monde.

Là où elle est instaurée, la démocratie est-elle menacée ? Quels sont les principaux risques auxquels elle est exposée ?

On voit heureusement un progrès de la démocratie, qui commence à se réaliser dans des pays qui auparavant n'en jouissaient pas (Europe de l'Est, Asie, Afrique). Dans ces situations, souvent la démocratie est faible, encore exposée aux tentations, de la part de pouvoirs « forts » (militaires, financiers) d'éliminer les règles qui fondent la démocratie et de revenir à un régime totalitaire. Le premier passage d'une tentative de ce type est d'éliminer la liberté de presse, c'est-à-dire la possibilité des citoyens de s'informer: il leur arrive seulement la voix du pouvoir, qui leur dit « tout va bien, tout marche bien, tout est en règle ».

Peut-on envisager un développement, une amélioration de la démocratie dans notre région, dans notre Pays, en Europe ?

Là où la démocratie est instaurée, il y a parfois des excès. Certains utilisent mal cette liberté, en outrepassant les règles que l'on ne fait pas respecter. C'est ce qui se passe dans quelques pays européens, dans certains domaines. C'est à l'école qu'on peut se préparer à bien vivre la démocratie et à la faire s'épanouir. Il faut avant tout connaître l'histoire, pour être conscient des luttes qui ont été nécessaires pour la conquérir ; les textes scolaires même devraient mieux expliquer certains passages cruciaux de notre histoire récente, les mêmes qui sont célébrés par des dates et des manifestations qui trop souvent pour les jeunes sont dépourvues de signification. L'école devrait transmettre aux jeunes les passions, les sentiments, le goût pour la liberté qu'ont encore les vieillards qui ont vécu en première personne la lutte contre le fascisme.

Que peuvent faire, d'après vous, les jeunes pour s'engager en faveur de la démocratie ?

Les jeunes sont portés naturellement à être contestataires, à être « contre »: contre le « système », contre les règles... Mais ils sont aussi curieux, désireux de se mettre en relation entre eux, et aujourd'hui les moyens modernes de communication leur donnent des possibilités immenses de connaissance, même de réalités très éloignées. Les jeunes devraient donc avant tout connaître des réalités différentes de celle où ils vivent, particulièrement en voyageant, si cela leur est possible: ce serait le meilleur moyen pour couper à la racine toute forme de racisme, c'est-à-dire de refus de ce qui est différent de nous. Si on voyage, on voit que tout le monde est pareil, qu'on a partout les mêmes difficultés, à part le fait qu'il y a des différences importantes quant au développement. Une formation plus approfondie serait aussi un remède à cet esprit grégaire qui amène quelquefois les jeunes à se tenir en groupe et à en partager l'idée, en refusant tout ce qui est différent. L'alternative c'est le dialogue, où des idées différentes se confrontent et cherchent à se comprendre réciproquement, tout en restant différentes. C'est ainsi que peut croître la démocratie, le sens civique de participation.

Que pensez-vous de la « mission » que se sont attribuée les États-Unis d'établir la démocratie en Irak, en abattant par une guerre le dictateur Saddam Hussein ?

Tout le monde est d'accord que le régime de Saddam Hussein était inhumain. Toutefois, je crois qu'il y avait d'autres systèmes que la guerre pour le faire cesser. Un des acquis de la démocratie est la diplomatie, et si elle a le temps de travailler, elle arrive à des résultats meilleurs que ceux qui peuvent être garantis par une guerre. Lors des votes au Parlement italien, j'ai voté contre cette intervention militaire. Je pense que la guerre est justifiée seulement pour résister à une invasion (ce fut le cas du Koweït, agressé par l'Irak), tandis que dans le cas de la dernière guerre contre l'Irak on n'avait pas épuisé toutes les ressources de la démocratie. En outre, une solution militaire contre Saddam Hussein aurait dû être autorisée et approuvée par des organismes internationaux, l'ONU en premier lieu. La situation actuelle, après les élections, est différente: à ce stade, il est nécessaire que la présence d'une force militaire multinationale, qui ne soit plus une force d'occupation, puisse soutenir la création dans le pays d'un système démocratique et protéger la population de la violence des terroristes.

39. Interview de M. Pietro Ruzzante,
membre (Démocratie de gauche - L'Olivier) de la Chambre des députés
réalisée par les élèves du Lycée Enrico Fermi - Padoue (Italie)

1 er trimestre 2005

Quels sont les facteurs qui peuvent être un obstacle pour l'affirmation d'un gouvernement ?

La question est un peu trop vague, mais je crois que les facteurs essentiels sont deux : l'absence du consentement populaire et l'absence de stabilité économique. Naturellement dans le cas du Gouvernement Berlusconi je crois que l'incapacité à respecter les engagements et les promesses électorales ont eu une certaine importance. Dans la question, je crois qu'il y a un élément important également : l'expression « affirmation ». Qu'est-ce que c'est l'affirmation d'un gouvernement ? Est-ce l'affirmation des « intérêts » d'une partie politique, comme par exemple ceux personnels du Premier ministre, ou est-ce la réalisation d'un projet politique et d'un programme, ou mieux encore, garantir le bien-être et le bonheur de la population à partir des personnes plus faibles ou de ceux qui possèdent le moins ?

Est-ce qu'il y a des caractéristiques particulières qu'un pays doit posséder pour être démocratique ? La démocratie est-elle accessible à tous les pays ?

Oui. Je crois qu'elles sont clairement énoncées dans la Charte des Nations Unies (je vais en énumérer seulement quelques-unes : le suffrage universel, l'existence d'un Parlement élu librement et d'une Constitution, la liberté d'information, de religion, l'absence de formes de racisme ou de ségrégation, la présence dans les lieux de travail de syndicats pour la protection des droits des travailleurs, l'absence de torture dans les lieux de détention, une magistrature indépendante, l'équilibre entre les pouvoirs législatifs, judiciaires, constitutionnels, ainsi que le contrôle démocratique des forces armées. Ceux-ci me paraissent les aspects les plus importants. Je crois non seulement que l'aspiration de tous les pays du monde à parvenir à un système démocratique est une juste aspiration, mais aussi qu'elle est réalisable.

La démocratie en Occident est le fruit d'un long parcours historique dans lequel n'ont pas manqué les massacres, les tyrannies et les horreurs. Elle est née parce qu'elle était considérée comme une nécessité soutenue par une conscience politique. Dans des pays avec un parcours historique différent, qui sont arrivés à un niveau de développement différent par rapport au nôtre, est-ce que la démocratie peut arriver de l'extérieur, en sautant ces passages ?

Je ne crois pas que la démocratie puisse être exportée de la façon dont elle a été réalisée en Occident. Chaque pays a ses racines et ce serait une erreur de ne pas en tenir compte. Je ne crois pas non plus qu'il existe un seul modèle de démocratie (hormis quelques principes fondamentaux que j'ai cité dans la réponse précédente). Mais je crois que les longs parcours pour arriver à la démocratie qui ont caractérisé l'Europe de la Révolution Française à la constitution européenne ne sont pas nécessaires. Il y a des pays comme l'Afrique du Sud de Nelson Mandela par exemple, qui ont montré comment on a pu passer rapidement du régime de l'apartheid à l'élection démocratique du président.

La démocratie n'est pas parfaite. Elle sert les intérêts de beaucoup de monde, de la majorité, mais pas de tous. Quel doit être le rapport de la démocratie avec la liberté et les droits des minorités ou de l'individu ?

Bien sûr, elle n'est pas parfaite, mais c'est la meilleure organisation que nous connaissions. Une vraie démocratie n'est pas seulement celle qui permet la liberté d'action, de propagande, d'organisation d'une minorité, mais elle donne aussi la possibilité qu'à force d'idées et de programme, cette minorité ou opposition devienne force de gouvernement en garantissant ainsi l'alternance entre majorité et opposition. Naturellement la seule condition qu'on peut établir en démocratie est la pratique de la non violence comme moyen pour la diffusion de ses propres idées.

Quel est le rôle, selon vous, des médias dans un régime démocratique ? Est-ce qu'ils favorisent la transparence politique sur laquelle devrait se baser la démocratie ou, au contraire, peuvent- ils la compromettre ?

Le rôle des médias dans la société de la communication globale est absolument central. Ce n'est pas par hasard si c'est l'un des premiers moyens que les dictatures musèlent et utilisent pour le contrôle du consentement. Au cours de ces années, et l'Italie est un très mauvais exemple, s'est manifesté le problème du conflit d'intérêts et de l'incompatibilité entre le pouvoir économique et politique et le contrôle des grands moyens d'information. Pour le moment le problème n'a pas pu être résolu. Au cours de cette législature je crois même que la situation est devenue pire. Bien sûr, la confusion de divers pouvoirs (politique, économique et de l'information) représente un vrai risque pour notre démocratie. C'est le « Cinquième Pouvoir » qui va s'affirmer et qui devrait être réglementé opportunément pour éviter tout abus.

40. Interview de M. Giannicola Sinisi, membre (Margherita-DL-L'Olivier) de la Chambre des députés
réalisée par les élèves du Lycée « R. Nuzzi » - Andria (Italie)

11 février 2005

Comment est née la démocratie en Italie ?

La démocratie est la base des institutions républicaines. Celle-ci est née de la volonté de sortir de la guerre, de réconcilier les pays et avec le désir de rendre les règles égales pour tous. Ces règles sont inscrites dans la constitution approuvée par le peuple. La date de la fondation de la démocratie est 1948 parce que au-delà de l'approbation de la Constitution, il y eut l'introduction du suffrage universel qui jusqu'à cette date était limité aux hommes.

Est-il possible de préserver et d'améliorer la démocratie ?

C'est possible, si avant tout nous préservons les principes qui sont ceux des pères fondateurs de la République. Après la guerre le désir de paix était très fort, ainsi que le désir de liberté et d'égalité qui sont les principes fondamentaux de la démocratie. Il faut, avant tout préserver ces principes, et ils sont solidaires avec les autres pays.

L'une des plus grandes menaces contre la démocratie et la paix, est la pauvreté. C'est pour cela que nous ne pouvons pas ignorer les peuples qui nous entourent. Notre réalité est la même que celle qui a inspiré les pères fondateurs de l'Europe unie : De Gasperi, Schuman et Adenauer. Ils disaient que l'Europe est le point de départ et ce n'est pas l'arrivée. Avec la nouvelle Constitution européenne, ils vont suivre leurs idéaux qui n'ont pas changé. Il faut regarder au-delà de l'Europe, défendre les principes de l'Europe qui font de celle-ci un exemple pour les autres peuples.

Quelle est la vraie signification de la démocratie ? Peut-on l'affirmer dans le monde entier de la même façon ?

Ça dépend de la façon dont on l'interprète. La démocratie peut être un ensemble de procédures, mais peut être aussi un principe fondamental. Les deux choses se confondent. En réalité, les procédures servent pour la réglementation et la sauvegarde. Au début, la démocratie était le gouvernement du peuple par le peuple, et donnait la possibilité aux citoyens d'être maîtres de leur propre destin. La démocratie doit se baser sur des réalités dans lesquelles elle peut opérer : nous devons comprendre que chaque peuple fait son chemin dans l'histoire, donc il a sa propre culture, ses propres traditions, son histoire et c'est pour cela que la démocratie surtout dans la partie qui concerne ses règles doit s'adapter.

Le Président de la république a le droit de « veto » sur les lois : il est garant de la démocratie. Quelques variations sur le pouvoir du Président pourraient-elles améliorer la démocratie ? Quel type de pouvoir devrait-on lui attribuer ?

Je crois que notre Parlement est un système assez démocratique. Ce système existe depuis cinquante ans dans notre pays, et fait vivre la liberté et la démocratie. L'unique et véritable défaut de notre Constitution est le régionalisme car en 1948 on avait pensé à tout, sauf à une forme de 'Fédéralisme'. Je ne pense pas que changer les pouvoirs du Président de la République modifierait la qualité de la démocratie dans notre pays.

Est-ce que l'immunité parlementaire ternie l'image de la démocratie ?

L'immunité parlementaire est un principe qui a été introduit par nos constituants en 1948.

En 1993 le Parlement, pendant la période du ' tangentopoli', modifia l'article 68 de la Constitution et limita l'immunité parlementaire seulement pour les dispositions restrictives de la liberté personnelle, qui sont des mesures très protectrices, les perquisitions, les séquestrations, et même les interceptions. Cela ne signifie pas que le parlementaire ne peut pas être poursuivi en justice, mais que pour être arrêté la condamnation doit se faire par l'intermédiaire d'un juge.

Tout cela est fait pour que la vie politique et l'activité judiciaire n'interfèrent pas. Et donc, toutes entraves et tous dangers peuvent être évités pour défendre notre démocratie.

Telle qu'elle est conçue, l'immunité parlementaire, n'est pas tant un privilège du parlementaire que la garantie de la liberté politique de notre pays. Il est évident qu'un abus de l'immunité serait mauvais pour notre Constitution.

41. Interview de M. Nichi Vendola, député italien (Refondation communiste)
réalisée par les élèves du Lycée Sandro Pertini - Turi (Italie)

8 mars 2005

Comment entendez-vous défendre et développer la démocratie dans notre pays et en Europe ?

La démocratie s'exprime à travers la participation du peuple au gouvernement. Mais comment peut-on parler aujourd'hui de démocratie si le gouvernement fait en sorte que le peuple n'intervienne pas dans ses décisions. Les nouvelles lois de plus en plus restrictives s'éloignent des idées dictées par la Constitution de 1948. Elles parviennent à effacer la démocratie au sens strict du terme. Il faudrait faire intervenir le peuple pour les présidentielles par exemple en donnant plus de pouvoirs au Président de la République pour mieux équilibrer les pouvoirs du Premier ministre.

Autrement, le pouvoir est toujours concentré dans les mains d'une seule personne, maires, présidents de la Région, du Département, etc.

La politique gouvernementale intervient dans plusieurs domaines dans le sens démocratique avec des initiatives comme la lutte contre l'intolérance et les discriminations, des commémorations comme celle de la « Journée de la mémoire » contre le génocide juif, « la journée régionale pour les porteurs d'handicap », « la journée pour les droits de l'enfance », etc. dans le domaine éducatif avec des bourses d'études, des projets pour l'apprentissage des langues étrangères, formation professionnelle (les PON). La L.R. n°14 de 2002 reconnaît le rôle joué par les universités du troisième âge pour une meilleure intégration et divulgation de la culture, concours, valorisation du patrimoine culturel en accord avec le ministère des biens et activités culturelles. Notre région assure des aides financières et l'assistance sanitaire gratuite pour les plus démunis.

Dans le domaine européen, la Région et les communes favorisent les jumelages, les initiatives d'échanges scolaires avec les programmes Socrates et Erasmus à l'université. Le Parlement européen représente tous les citoyens des pays membres, on parle alors d'une Europe des peuples (Partie II de la future Constitution européenne). Pour défendre la démocratie des peuples, le Parlement européen est en train d'élaborer la future Constitution européenne dont les droits reposent sur les libertés, l'égalité, la justice, la dignité et le respect de la personne. Nous déplorons que cette Constitution omette de tenir compte de l'article 11 de la Constitution italienne qui condamne la guerre vue comme une offense à la liberté des peuples, là où il faudrait un gouvernement qui assure la paix, la justice entre les nations. Aucun article de la Constitution en projet n'en fait mention.

Comment se fait-il qu'aujourd'hui encore, même si les femmes ont obtenu le droit de vote, dans la politique italienne, la gestion de la Nation soit confiée aux hommes ?

Le monde d'aujourd'hui est conjugué au masculin. L'origine du mot patrie lui-même s'apparente à la sphère masculine « pater »... L'Italie, par rapport aux autres pays, est le dernier de la liste pour la représentation féminine dans le domaine politique. Il y a moins de femmes dans le monde politique, non parce que les partis refusent leurs candidatures, mais parce qu'elles ne veulent plus être instrumentalisées, utilisées seulement à la dernière minute pour figurer sur les listes des candidats aux élections. Elles voudraient participer activement à la vie politique mais ce n'est pas facile d'envahir un monde réservé aux hommes.

Comment développer la démocratie plus localement ? Dans le domaine social et environnemental ? Quelles mesures adopter pour sauvegarder l'environnement ?

En ce moment, plusieurs plans de réformes régionales sont en cours comme celui du recyclage des déchets domestiques, le ramassage des ordures à domicile imposé par l'Union Européenne et l'implantation d'usines de compostage de qualité, car la région des Pouilles est considérée comme la grande poubelle d'Italie. Interviennent ensuite la protection de la santé contre la pollution acoustique et l' « électrosmog », la réalisation d'une « cartographie » du territoire régional pour avertir des risques sur les sites pollués par l'amiante, usines insalubres, zones sismiques, zones à risque d'inondation, etc. avec l'actualisation d'un Système d'Information Territorial de la Région Pouilles (L.R. 28/96). Il faut prévenir avant de guérir. Informer les citoyens de la nouvelle politique des déchets, c'est-à-dire réduire et recycler. Pour ce qui concerne les côtes maritimes des Pouilles, elles sont les plus polluées d'Italie, à cause de plusieurs facteurs comme le manque d'épurateurs, la forte densité de la population. Il existe un autre danger, le recul des côtes rocheuses sujettes à l'érosion. Notre région a pris en main le projet de nettoyage des plages de Bari sous lesquelles sont enfouies des tonnes d'amiante, les terrains contaminés de la Fibronit sont interdits de construction, la zone sera imperméabilisée. Il manque également un système de contrôle sur la perte, le gâchis et le contrôle de la qualité des eaux superficielles et souterraines mises à part celles contrôlées par la Compagnie des Eaux (Acquedotto Pugliese - (AQP). Il faut aussi remarquer que Bari se distingue par son manque d'espaces verts et de pistes cyclables, services utiles, récréatifs, sportifs et culturels pour la population. En conclusion, il faut jouer une politique de prévention de l'environnement en informant et sensibilisant la population.

42. Interview de M. Charles Goerens, député luxembourgeois (Parti démocratique)
réalisée par les élèves du Lycée classique de Diekirch (Luxembourg)

1 er trimestre 2005

Le sujet sur lequel nous voulons nous entretenir avec vous est le suivant « Comment défendre et développer la démocratie en Europe ? » Nous nous sommes posé la question de savoir s'il s'agit là d'une préoccupation prioritaire des citoyens européens ?

Dans votre question il y un élément impliquant la défense de la démocratie et un second élément faisant référence au développement de la démocratie. En ce qui concerne sa défense, je pars de l'idée qu'elle n'est pas menacée, donc faut-il développer une défense contre une absence de menace ? Mais ce qui importe avant tout, c'est de constater que le citoyen européen a l'impression que nombre de décisions sont prises à son insu donc il faut rapprocher le citoyen, il faut réconcilier le citoyen avec l'idée européenne et aussi avec l'idée nationale dans la mesure où la plupart des décisions sont prises au niveau européen, très souvent à l'insu du citoyen européen. Il s'agit de développer d'avantage l'information et la participation du citoyen aux décisions.

Dans l'opinion publique s'expriment des inquiétudes au sujet, notamment, du terrorisme, de l'islamisme, de la montée de l'extrême droite, mais aussi du poids du monde commercial, de la bureaucratie, de la corruption, etc. ... Quels sont pour vous les dangers pour la démocratie en Europe ?

Il faut rester hypersensible, il faut faire appel à la vigilance : l'islamophobie, le terrorisme sont des dangers qui menacent la démocratie, une démocratie fortement ancrée dans des valeurs de tolérance et de défense des libertés publiques, individuelles et collectives. Donc il faut être absolument sensible aux diverses menaces qui se profilent à l'horizon. Je rappelle au passage qu'à Vienne il y un observatoire des phénomènes xénophobes, racistes, antisémites et aussi islamophobes. Il faut s'inspirer des renseignements tirés par cet observatoire et faire en sorte que les menaces que vous venez d'indiquer soient conjurées, que les risques liés à ces menaces soient conjurés. Donc il faut être extrêmement vigilant. Il faut préparer les jeunes d'abord à la conjuration de ces dangers et il faut faire en sorte que nous préparions un monde basé sur la tolérance et sur les valeurs qui sont inhérentes à notre démocratie.

Pour contribuer au développement de la démocratie au niveau national et européen, la voie référendaire vous paraît-elle un moyen souhaitable ?

La voie référendaire peut être un moyen utile, néanmoins le referendum est un moyen et il faut veiller à ce que ce moyen ne soit pas manipulé. Je fais référence notamment à la façon dont le rapprochement entre la Turquie et l'Union Européenne est en train de se faire. Personnellement je suis d'avis qu'il faut tenir les promesses que nous avons faites à la Turquie depuis 1963. Ces promesses d'adhésion devraient se concrétiser à l'issue des négociations qui risquent de prendre une quinzaine d'années, peut-être vingt ans. A l'issue de ce processus, nous devons tenir nos promesses. Si toutes les conditions sont remplies par la Turquie (respect des droits de l'homme, respect des droits des minorités, respect de l'acquis communautaire, donc de l'ensemble de la législation qui est en vigueur pour les 25 États membres déjà à l'heure actuelle), si toutes ces conditions sont remplies il n'y a pas moyen, il n'est pas question de remettre en cause les promesses qui ont été faites, donc là le referendum risque d'être contre-productif. Donc je pars de l'idée qu'il importe de manier cet instrument avec une extrême prudence, il faut rester cohérent dans ses décisions, ce qui ne veut pas dire que le referendum ne peut pas être utile, mais, dans ce cas précis, je crois qu'il faut y renoncer.

Quelle politique l'Union Européenne doit-elle poursuivre pour approfondir la démocratie en son sein et pour la promouvoir dans le monde, à commencer par les pays qui ne sont pas encore membres ?

D'abord au sein de l'Union européenne il importe de faire l'inventaire des déficits démocratiques, il y en a, je fais notamment référence au contrôle des dépenses publiques de l'Union européenne, 80 % des dépenses qui sont opérées à partir du budget de l'Union européenne, de la communauté européenne, comme il était convenu de l'appeler d'antan, transitent par l'intermédiaire des administrations nationales. Elles sont, de ce fait, soustraites aux contrôles du Parlement européen et elles ne sont pas non plus contrôlées par les instances nationales. Donc là il y a une démocratie à organiser entre les commissions de contrôle budgétaire du Parlement européen et les commissions de contrôles budgétaires au niveau national. Voilà un exemple concret montrant comment on pourrait développer davantage le contrôle démocratique.

Deuxièmement, (ce n'est qu'un seul exemple, la réponse n'est pas exhaustive), en ce qui concerne la promotion de la démocratie en dehors de l'Union, vous faites la distinction entre deux sortes de pays, ceux qui ont vocation à adhérer à l'Union européenne et ceux dont l'adhésion ne peut pas être envisagée. Aux futurs membres, on impose le respect de l'acquis communautaire, le respect des droits de l'homme et le respect des minorités, c'est ce qu'il est convenu d'appeler les critères de Copenhague. C'est un élément de conditionnalité, qui dans les pays qui veulent adhérer à l'Union européenne doit être rempli, sinon il n'y a pas d'adhésion. Voilà un moyen puissant, j'irai jusqu'à dire que c'est un moyen de pression que l'on peut exercer sur ces pays en vue de promouvoir la démocratie. Donc les pays qui veulent adhérer doivent avoir développé une démocratie respectueuse des droits de l'homme et des minorités, être basé sur un système de partage des responsabilités. Il faut que le parlement, librement élu, puisse contrôler le gouvernement démocratique, et que le tout soit bien entendu sujet à des vérifications par le système judiciaire qui doit jouir d'une indépendance totale.

En ce qui concerne les autres pays qui n'ont pas vocation à adhérer à l'Union européenne, mais qui néanmoins entretiennent avec elle des relations là aussi on introduit des éléments de conditionnalité, notamment dans le rapport avec des pays ACP, donc le groupe des pays de l'Afrique et des Caraïbes et du Pacifique, dans la mesure où la bonne gouvernance, le respect de l'État de droit et la démocratie sont un des éléments de conditionnalité pour pouvoir développer d'avantage ces relations. Donc ces pays ne peuvent être bénéficiaires des accords que dans la mesure où ils respectent ces conditions. Voilà de façon très concrète quelques éléments qui permettent à l'Union européenne d'influer sur le développement de la démocratie dans le monde.

43. Interview de Mme Jane Davidson, membre travailliste
de l'Assemblée nationale pour le Pays de Galles, Ministre de l'Education
réalisée par les élèves du Lycée Cardinal Newman RC school - Pontypridd (Royaume-Uni)

1 er trimestre 2005

A votre avis, quelle est la base de la démocratie ?

Pour moi, c'est l'aptitude des gens à choisir leur propre gouvernement, et ils peuvent seulement le faire en exerçant leur droit de vote. Dans des pays comme les nôtres c'est impératif que les gens exercent leur droit de vote.

Etes-vous satisfaite de notre démocratie ?

Je ne suis pas satisfaite parce que les gens n'exercent pas leur droit de vote. Ils sont heureux de pouvoir voter, mais ils ne le font pas, ils n'utilisent pas ce droit. J'entends les gens autour de moi se plaindre à propos du gouvernement et des sujets importants qui sont de la responsabilité du gouvernement, et quand je demande à ces gens s'ils ont voté, très souvent ils disent que non. Ceci amène à l'inévitable question du vote obligatoire. Cela obligerait les gens à exercer leur droit de vote et donc à faire que le gouvernement soit en effet le choix des électeurs. Je pense que le gouvernement serait plus fort s'il était élu par plus de gens. Cela entraînerait une meilleure relation entre la population et les membres du Parlement.

Comment encouragez-vous les gens à voter plus ?

Je parle souvent à des élèves de lycées de toutes régions de notre pays, qui n'ont donc pas encore le droit de vote. Je leur explique que chaque décision qui est prise au sujet de l'Education, du nettoiement des rues, etc, relève des compétences du gouvernement.

Les jeunes gens sentent que le gouvernement ne s'occupe pas de leurs préoccupations.

Quels changements apporteriez-vous à notre démocratie ?

Je pense que le vote obligatoire serait un changement positif. Je pense aussi qu'il y a actuellement trop d'élections - en cinq ans il y en aura eu six ! Tout cela ennuie les gens. Or il est important qu'ils comprennent les différences entre les divers échelons du gouvernement. Par exemple il est important pour les Gallois de comprendre qu'une élection générale concerne des sujets tels que la défense nationale, tout ce qui a trait aux affaires étrangères ou au système de couverture sociale. Car l'enjeu de l'élection pourra être la santé ou l'éducation nationale, qui concernent aussi directement le Pays de Galles. Nous avons besoin d'illustrer de façon beaucoup plus claire les relations entre les divers échelons du gouvernement, pour que les gens sachent qui est responsable de quoi. Ainsi ils se sentiront plus contents de voter parce qu'ils savent pourquoi ils votent.

Comment pourrait-on développer l'unité européenne ?

Elle peut être développée de nombreuses façons. Par exemple, je pense que le Royaume-Uni doit engager des négociations avec tous les États membres afin de mettre en oeuvre la Stratégie de Lisbonne. Quant à l'accord sur l'éducation (ELL), il prévoit que le Royaume-Uni est impliqué dans les débats sur l'éducation.

Pensez-vous que les autres européens se considèrent vraiment comme tels ?

Cela dépend ... J'ai été élevée dans divers pays, et, malgré tout, je me considère d'abord galloise puis européenne. Je pense que la plupart des gens en Grande-Bretagne se considèrent d'abord britanniques puis européens. La principale raison en est que, géographiquement, la Grande-Bretagne est une île, et de ce fait séparée de l'Europe. Toutefois, il y a de très nombreux échanges commerciaux avec l'Europe, donc nous sommes loin d'en être isolés.

Pensez vous que les gens se considéreraient plus européens si les lois étaient harmonisées ?

En fait, la législation européenne traite de sujets qui me tiennent à coeur. Par exemple, la protection maternelle/paternelle infantile, une politique sociale plus juste. Toutefois, de nombreuses entreprises trouvent que ceci freine pour ainsi dire leur course au profit. On doit pouvoir trouver un équilibre entre ce qui ressort sur une base européenne et ce qui ressort sur une base individuelle. Je pense vraiment que les droits de l'Homme sont une notion essentielle dans l'Union Européenne, je suis heureuse que cette notion y soit née et c'est la raison pour laquelle je ne souhaite pas voir la Turquie en faire partie.

44. Interview de M. Stephen Dorrell,
membre conservateur de la Chambre des Communes,
réalisée par les élèves du Lycée Uppingham (Royaume-Uni)

15 Mars 2005

Pensez-vous que la démocratie est souhaitable pour tous les pays européens ?

Oui, et je ne la cantonnerais pas seulement à l'Europe. Il y a diverses raisons de penser que la démocratie est le meilleur des systèmes pour nos sociétés, malgré l'opinion de W. Churchill selon qui : « c'est le pire des systèmes à l'exception de tous les autres ». Je suis pour la mise en place de sociétés plus transparentes fondées sur le respect des lois. L'alternative c'est la corruption du gouvernement qui se sert, lui, plutôt que la société. La démocratie rend responsable le gouvernement. Il doit justifier ses actions et les expliquer aux citoyens. Il doit y avoir un système de lois qui vous dit ce que vous pouvez faire et ne pas faire. La loi est faite par les autorités élues. C'est elle qui définit les pouvoirs de chacun. Une fois ce système établi, les élections sont le moyen de contrôle.

Si l'on devait accepter l'euro, est-ce que vous pensez que l'on pourra préserver notre « individualité » ? Est-ce qu'il y a un risque que nous devenions les « Etats-Unis d'Europe » ?

Je ne pense pas que nous serons moins « britannique » si l'on accepte l'euro. Je pense que l'identité nationale est beaucoup plus puissante que de simples changements politiques. Notre nation est protégée par sa langue et sa culture. En revanche, si le pouvoir est donné à une autorité politique qui donne l'impression de ne pas être contrôlée par les électeurs alors il y a un problème. Je pense que c'est ce qui se passe à l'heure actuelle avec l'Europe centralisée. Le vote est important car d'un côté il peut permettre l'élection d'un meilleur parti ou bien déposer un mauvais gouvernement.

Pour l'euro, c'est purement technique. Il y aura un jour une monnaie unique, incluant la Grande-Bretagne, mais je pense que plusieurs pays qui l'ont déjà adoptée ont voulu aller trop vite et en paient le prix. A titre d'exemple un taux d'intérêt fixe n'est une bonne chose pour personne. Quand les taux de change auront convergé nous pourrons envisager de rejoindre l'euro.

L'apathie est-elle un danger pour la démocratie et comment y remédier ?

Je pense souvent que c'est le devoir des hommes politiques d'intéresser les citoyens plutôt que ce ne soient les citoyens qui abandonnent les politiques. Je ne pense pas que le vote obligatoire soit la voie de l'avenir, l'abstention peut au contraire être vue comme une décision politique. L'un des problèmes du Parti Conservateur est que nous avons été dénoncés comme ne prenant pas en compte les intérêts du peuple et même si les gens apprécient notre programme ils ne voteront pas pour nous parce que nous sommes le Parti Conservateur - nous avons un problème d'image -. Cela vient de l'image dégradée qui reste depuis le gouvernement de John Major et la complaisance qui est née pendant le long règne « Tory » des années Thatcher et Major. Cela dit ce n'est pas seulement un problème d'image pour les Conservateurs, c'est bien plus fondamental que ça. L'attitude des députés au sein du parti est bien plus importante parce que sans la bonne attitude nous ne réussirons jamais à produire la bonne impression.

Qu'est-ce qui peut attirer les gens et les amener à s'intéresser à la politique ?

Je pense que les hommes politiques n'expriment pas assez les problèmes des électeurs. C'est ce que l'on voit avec l'Europe. Les électeurs veulent voir des réalisations concrètes comme l'amélioration des routes, des écoles ou des hôpitaux.

Les électeurs veulent que les hommes politiques les comprennent. C'est ce que le Parti Conservateur commence à comprendre.

45. Interview de Ivan Lewis, membre travailliste de la Chambre des Communes, sous-secrétaire d'État pour les jeunes et la formation
réalisée par les élèves de William Hulme's Grammar school - Manchester (Royaume-Uni)

4 mars 2005

Quel rôle spécifique, le Royaume-Uni, a-t-il joué au cours des 60 dernières années pour favoriser la paix, la démocratie et les relations harmonieuses en Europe ?

En soutenant la reconstruction de l'Allemagne après la fin de la deuxième guerre mondiale.

En jouant un rôle principal en tant que membre de l'OTAN et en même temps en assurant que la Grande-Bretagne puisse maintenir sa capacité d'influencer les États-Unis.

En intervenant en ex-Yougoslavie quand beaucoup de pays avaient choisi d'ignorer la nouvelle forme de purification ethnique qui s'y déroulait.

En plaidant pour la coopération au sein de l'Union Européenne, et non pas pour une fédération, ce qui est sans doute plus conforme aux vues de la grande majorité des citoyens de l'Union Européenne.

Le Premier Ministre actuel a développé de bons rapports avec le président de la Russie tout en étant un défenseur important de l'agrandissement de l'Union européenne.

En favorisant le programme économique de Lisbonne pour assurer que l'Union Européenne réponde au défi et aux possibilités venant de Chine, d'Inde et d'autres économies naissantes

Les forces armées britanniques

Le ministère des affaires étrangères

Les premiers ministres à succès

Les institutions qui ont plaidé pour que la Grande-Bretagne puisse être au coeur de l'UE tout en maintenant la souveraineté en tant qu'État-nation où c'est nécessaire et souhaitable.

La National Society for the Prevention of Cruelty to Children (NSPCC) : dans quelle mesure son travail a-t-il, au Parlement, et dans la sphère publique, contribué au développement et au maintien des droits des enfants au Royaume-Uni ?

La NSPCC a apporté une contribution importante. La protection des enfants, les droits des enfants se trouvent maintenant à l'ordre du jour de l'action gouvernementale comme jamais auparavant.

Des niveaux d'investissements records sont faits pour répondre aux besoins des enfants et de leurs familles à l'école, dans la maison et dans la communauté. Le gouvernement donne la priorité aux premières années d'éducation et à la protection infantile comme étant la manière la plus efficace d'augmenter les chances de développement et de vie des enfants.

Les textes de loi successifs se sont concentrés sur l'amélioration de la qualité et de la responsabilité des services de protection de l'enfant.

La NSPCC a été l'une des « voix » principales qui ont assuré que ces questions ne soient plus en marge mais fassent partie du courant dominant.

A propos de la Commission pour les relations inter-raciales (CRE) : est-il vrai de dire, à votre avis, que le Royaume-Uni est un modèle pour l'Europe, en favorisant d'excellentes relations inter-raciales entre ses diverses communautés ?

La Commission pour l'égalité raciale a été une voix puissante pour l'égalité raciale au Royaume-Uni. De façon générale, il y a des rapports positifs au sein de diverses communautés. Cependant, récemment les inquiétudes concernant l'immigration et les demandeurs d'asile, plus les perturbations dans quelques communautés, ont apporté de nouveaux défis.

À la différence de quelques autres pays de l'Union Européenne le gouvernement cherche à faire face à ces défis d'une façon globale, par des politiques économiques et sociales. En outre, il y a une stratégie nationale de cohésion de la communauté pour réunir les communautés et briser les barrières qui causent l'ignorance et la crainte.

Malheureusement des éléments de la presse populaire et des partis politiques de droite parlementaire et extrême renforcent la division, particulièrement, dans le cadre des débats sur l'asile et l'immigration.

En dépit de ces défis contemporains la CRE a contribué à des rapports inter-raciaux globalement positifs.

Ce concours `Les Défis de la Paix' est conçu pour célébrer 60 ans de paix en Europe depuis la Libération de Paris. Pensez-vous utile de célébrer un tel événement ? Si oui, pourquoi ?

Très important, oui. Quelles que soient les différences qu'ont les alliés de l'Union Européenne sur des questions de détail, l'Union Européenne a connu un grand succès en empêchant une autre guerre majeure en Europe.

Il est important que la génération actuelle de jeunes ne croient pas que la paix, la stabilité et la prospérité, c'est facile. Ils doivent comprendre les sacrifices et les tragédies qui se sont produits pendant les deux guerres mondiales. Ils devraient être encouragés à être fiers de leur identité nationale tout en célébrant leur citoyenneté européenne et non pas à faire un faux choix.

Le contact entre personnes peut souvent être plus puissant et significatif que les liens politiques et diplomatiques. Ce type de concours plaide en faveur de l'Union Européenne plus efficacement que les conférences au plus haut niveau ou les activités du Parlement européen ou même de la Commission européenne. Nous pouvons être fiers de beaucoup de choses - on devrait fêter cela plus souvent !

46. Interview de Mme Linda McAvan, membre travailliste du Parlement européen
réalisée par les élèves du Lycée King Edward VII - Sheffield (Royaume-Uni)

1 er trimestre 2005

Combien y a-t-il de femmes au Parlement européen?

Il y en a un peu plus d'un tiers, je n'ai pas le chiffre exact, mais il y en a plus qu'au Parlement britannique où elles constituent à peu près un sixième de l'effectif. Je pense qu'elles sont environ 100 à Westminster contre 180 à 200 au Parlement européen.

Y a-t-il une variation de la représentation en fonction des partis ?

En fonction des pays ? Oui, comme on peut s'y attendre, la représentation est plus forte dans les pays scandinaves. Mais les choses changent : nombre de pays pratiquent désormais la discrimination positive, pour impliquer plus de femmes dans la vie politique. Les Français, par exemple, comptaient très peu de femmes en politique à tous les niveaux, ils ont changé la loi et pratiquent désormais la discrimination positive grâce à une répartition équitable sur les listes électorales entre hommes et femmes. Ils font se qu'on appelle le « zipping » en alternant une femme, un homme, il y a donc plus de femmes élues. Avant, certains avaient tendance à placer les femmes en fin de liste, donc à limiter leurs chances d'être élues ... Grâce à ce système de listes à la proportionnelle, on a tendance à penser qu'il y aura de plus en plus de femmes qui seront élues par ce système.

Pourquoi y a -t-il moins de femmes au Parlement britannique ?

Parce que nous n'avons pas le même système électoral, nous n'avons pas un scrutin de liste mais le principe du système majoritaire à un tour, qui ne nous permet pas la pratique de la parité. Maintenant, le nombre de femmes est énorme comparé à ce qu'il était avant 1997. Je ne veux pas être partisane, mais, c'est le parti travailliste qui a permis le changement en 1997. Les travaillistes se sont assurés que des femmes soient choisies pour des sièges qu'ils pouvaient gagner, et cela a amené 100 députés femmes ce qui a transformé le Parlement. Avant cela, les deux partis présentaient peu de candidates. C'est grâce à la discrimination positive que tout a changé radicalement.

Pourquoi la politique est-elle encore une profession dominée par les hommes  ?

Je pense que les hommes planifient mieux leur carrière. En politique, ils savent se mettre en avant pour se présenter à des postes, ils font cela mieux que les femmes qui ont besoin de plus d'encouragements. Elles ont besoin qu'on les incite à faire ceci ou cela tandis que les hommes affirment vouloir faire ceci ou cela. Dans les partis politiques britanniques, la plupart des membres sont des hommes et très peu d'entre eux envisagent d'avoir une femme comme successeur. Cela ne leur vient pas à l'esprit, c'est comme dans le milieu des affaires, ils pensent en priorité à leurs relations sociales: un homme va mettre en avant un autre homme, mais les choses changent car les femmes se conduisent de la même façon...

Y a-t-il d'autres exemples de discrimination positive en Europe ?

Oui, dans le parti travailliste anglais, nous avons un programme de discrimination positive où les candidatures pour certains sièges sont réservées aux femmes. Pour les dernières élections européennes, par exemple, on a placé les femmes en tête de liste, mais cela dépend de la politique du parti. Là où se pratique la discrimination, les femmes sont plus nombreuses.

47. Interview de Mme Arlene McCarthy, membre travailliste du Parlement européen
réalisée par les élèves de William Hulme's Grammar school - Manchester (Royaume-Uni)

Quel rôle spécifique, le Royaume Uni, a-t-il joué au cours des 60 dernières années en favorisant la paix, la démocratie et les relations harmonieuses en Europe ?

En tant que l'un des cinq états-clefs, le Royaume-Uni a joué un rôle principal en favorisant la paix et la démocratie en Europe. Par exemple, le Royaume-Uni a joué le rôle le plus fort en plaidant pour la restauration de la paix et démocratie en Europe de l'Est et maintenant nous avons les nouveaux États-membres, qui sont des démocraties dans l'Union Européenne. Il est important de se souvenir que beaucoup d'organisations non-gouvernementales ont joué un rôle fondamental en soulevant les questions des droits de l'homme, de la démocratie et de la paix. Nous travaillons, aussi, très étroitement avec Oxfam parce que nous pensons que nous avons une obligation en Europe d'aider dans le domaine international en soutenant des démocraties naissantes. Le succès de la Commission de l'Afrique qui a été publiée aujourd'hui est dû en partie au travail de tels organismes comme Oxfam. Amnesty International, aussi, a joué un très grand rôle dans ce domaine.

La National Society for the Prevention of Cruelty to Children (NSPCC) : dans quelle mesure son travail a-t-il, au Parlement, et dans la sphère publique, contribué au développement et au maintien des droits des enfants au Royaume-Uni ?

Je pense que ceci est une très bonne question parce que c'est l'un des organismes avec lequel j'ai beaucoup travaillé, parce qu'il est très actif en Europe. Il est très actif parce qu'il est de plus en plus plus reconnu qu'on ne peut pas réaliser les droits des enfants dans un seul État membre. Il y a beaucoup de thèmes qu'il nous faut traiter à travers les frontières européennes. Un des secteurs où j'ai travaillé très étroitement avec la NSPCC est dans le domaine de l'abus de l'enfant sur Internet. Comme vous le savez le réseau Internet peut exercer une influence salutaire, mais il peut également exercer une influence malsaine. Il a permis à des pédophiles d'échanger des images d'enfants et c'est exactement cela que la NSPCC nous a fait connaître en Europe. En conséquence, dès que quelqu'un voit l'une de ces images sur Internet il peut téléphoner à une ligne directe spéciale, de sorte que le criminel puisse être dépisté. Si nous réussissons à avoir une constitution européenne, les droits des enfants y seront inclus.

A propos de la Commission pour les relations inter-raciales (CRE) : est-il vrai de dire, à votre avis, que le Royaume-Uni est un modèle pour l'Europe, en favorisant d'excellentes relations inter-raciales entre ses diverses communautés ?

Lorsque Tony Blair a été élu président de l'union européenne en 1997, il s'est assuré qu'un nouvel article soit inclut dans le Traité d'Amsterdam sur l'anti-discrimination C'était une initiative britannique. En raison de cela tous les États membres ont une politique anti-discriminatoire. Il ne s'agit tout simplement pas de discrimination raciale, mais, il s'agit aussi de n'importe quelle sorte de discrimination. Nous avons pu exiger cela car notre propre législation au Royaume-Uni était déjà assez avancée dans ce domaine, mais beaucoup d'autres États membres n'avait aucune législation ou une législation très faible et donc aucune protection pour les minorités raciales ou les personnes avec des incapacités. En lien avec cela, nous avons un programme d'action pour s'assurer que nous avons les finances pour ce programme, et une agence, qui a été installée à Vienne, pour assurer l'égalité raciale. Ainsi, il y a eu beaucoup d'initiatives en particulier depuis la présidence du Royaume-Uni. Quand de nouveaux états comme la Roumanie et la Turquie veulent devenir membres nous leur posons des questions sur leur politique à propos de ces questions. Maintenant que l'égalité des droits fait partie de la constitution européenne les nouveaux États membres doivent s'y engager aussi. C'est l'un des secteurs où le Royaume-Uni a eu l'impact le plus grand, et qui a dépassé les États membres européens existants, puisque n'importe quel État qui veut devenir membre de l'Union européenne doit avancer sur ces questions d'intégration.

Que faut-il faire d'autre, pour promouvoir les droits des femmes au RoyaumeUni?

Je pense qu'il reste beaucoup à faire. Une des campagnes à laquelle j'ai participé cette semaine parce que c'était le Jour des Femmes c'était de poser la question « Pourquoi se fait-il qu'en 2004, les femmes, aussi bien formées et aussi bien qualifiées que les hommes, soient toujours payées en moyenne 40% de moins? ». Ce fossé n'a pas diminué et je pense qu'il reste énormément à faire dans ce domaine. Depuis les dix dernières années il y a eu beaucoup de changements positifs pour les femmes, par exemple dans le domaine des soins des enfants. Au Royaume-Uni, où nous avons une population qui vieillit, il est important de soutenir les femmes au cours des années où elles s'occupent de leurs propres enfants, de sorte qu'elles puissent retourner travailler après, afin de ne pas perdre leurs compétences. On a fait beaucoup dans ce domaine, mais il reste beaucoup à faire en ce qui concerne l'égalité des droits des femmes.

Ce concours `Les Défis de la Paix' est conçu pour célébrer 60 ans de paix en Europe depuis la libération de Paris. Pensez-vous utile de célébrer un tel événement ? Si oui, pourquoi ?

Je pense qu'il est utile de rappeler aux gens la raison pour laquelle nous avons l'Union Européenne puisque il est si facile de l'oublier et aussi il faut que les jeunes sachent pourquoi. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons notre Parlement à Strasbourg parce que c'est symbolique de la fin de la guerre dans laquelle nous étions tous impliquées. Il est important de célébrer et de se souvenir du passé et en même temps de se tourner avec intérêt vers ce que nous pouvons faire à l'avenir, non pas seulement en Europe mais aussi globalement en favorisant la paix, la prospérité et la démocratie. Cette semaine le ministre des affaires étrangères britannique, Jack Straw, est venu nous parler en Europe. Il a fait la remarque très importante que dans les pays européens où il n'y a pas assez de démocratie, il n'est pas acceptable de dire que nous faisons des affaires avec ces états; nous devons nous engager avec eux et insister sur le fait qu'ils réforment leurs programmes d'une façon démocratique et qu'ils fassent des réformes économiques de sorte que leur richesse soit également distribuée parmi leurs citoyens. L'Union européenne est une force économique (25 États membres avec plus de 500 millions de personnes dont tous à fort pouvoir d'achat) qui peut également être une force pour le changement dans le monde parce qu'elle peut insister sur des politiques commerciales justes avec les pays avec lesquels nous commerçons.

48. Interview du Professeur Steve Webb, membre libéral-démocrate
de la Chambre des Communes
réalisée par les élèves du Lycée de Bristol (Royaume-Uni)

1 er trimestre 2005

« Avant de répondre précisément aux questions, il est important d'être clair sur ce que nous entendons par démocratie et il est certain qu'il existe différentes définitions qui peuvent être utilisées. Nous dirons que la démocratie est une forme de gouvernement dans laquelle ce sont les souhaits et priorités de la majorité de la population qui façonnent les actions du Gouvernement, plutôt que la politique d'un seul dictateur ou d'un petit groupe d'oligarques. Il apparaît cependant qu'il y a un grand nombre de manières par lesquelles les souhaits de la « majorité de la population » peuvent se traduire, dont la composition et les actions du gouvernement. »

Comment peut-on défendre et développer la démocratie?

« Je crois qu'il vaut mieux défendre la démocratie en empêchant des individus ou de petits groupes d'obtenir un pouvoir disproportionné. Les plus grandes menaces pour la démocratie sont probablement l'essor d'empires médiatiques mondiaux et le pouvoir des entreprises multinationales. Nous avons besoin de fortes réglementations nationales et internationales pour empêcher qu'un seul individu ne possède tous les médias, l'audiovisuel et la presse. Il doit aussi y avoir des structures pour s'assurer que les hommes politiques ne soient pas financièrement dépendants des intérêts de ces grandes multinationales. L'ouverture et la transparence quant au financement de la vie politique sont un aspect important de n'importe quelle démocratie. »

Dans quelle situation se trouve la démocratie au Royaume-Uni ?

« La démocratie du Royaume-Uni est inégale. Trop de décisions sont effectivement prises par des bureaucrates non élus, qui n'ont de compte à rendre à personne. La menace de fermeture de notre hôpital local de Frenchay en est un exemple frappant : les électeurs locaux ne peuvent retirer leur soutien aux personnes qui prennent les décisions principales. Notre système électoral basé sur le scrutin majoritaire uninominal est, de mon point de vue, profondément non-démocratique. Le fait que les partis politiques concentrent tellement leurs efforts sur les électeurs indécis votant habituellement pour les partis marginaux entraîne effectivement le désintérêt de millions d'électeurs. Ce n'est pas surprenant que les jeunes, en particulier, ne voient pas de raisons de voter.

Le pouvoir politique est également beaucoup trop centralisé. Bien que des progrès aient été faits avec le nouveau Parlement Ecossais, l'Assemblée Galloise et la Grande Assemblée de Londres, même ces corps politiques ont des pouvoirs limités, et une grande partie de l'Angleterre n'a pas de pouvoir décentralisé, ce qui crée, pour les citoyens, le sentiment d'être éloignés de ceux qui les gouvernent. »

La démocratie peut-elle être développée dans des pays tels que l'Irak?

« Je pense qu'il est possible de développer la démocratie dans des pays composés de nombreuses ethnies ou de différents groupes religieux, mais cela représente un véritable défi. L'organisation de tels états doit impliquer une part importante de dévolution et d'autonomie (et d'autant plus pour les Kurdes) et il est nécessaire qu'il y ait une protection constitutionnelle des intérêts des groupes minoritaires. Avec le temps il sera peut être possible d'encourager le développement de partis politiques qui surmonteraient les divisions ethniques et religieuses, bien que l'expérience de l' Alliance Party d'Irlande du Nord montre que cela est plus facile à dire qu'à faire. »

La démocratie vaut-elle la peine d'être défendue?

« A moins que nous ne défendions vigoureusement la démocratie, nous allons bientôt nous trouver réellement contrôlés par les puissants intérêts particuliers des médias et des grandes multinationales. Lorsque les individus se sentent impuissants, ils deviennent frustrés et cette frustration peut se transformer en de violentes révoltes. Celles-ci peuvent être à leur tour réprimées par un État oppresseur. Ce n'est pas le genre de scénario auquel j'adhérerais de préférence à notre système démocratique, malgré toutes ses imperfections. »

Synthèse des dossiers :
L'avenir de l'Europe vu par les lycéens

I. Les valeurs de l'Europe

L'Union européenne est un étendard qui permet de porter haut certaines valeurs telles que la démocratie, le pluralisme politique, l'absence de discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité ainsi que l'égalité entre hommes et femmes dans de nombreux domaines. On y ajoute d'autres principes fondamentaux : la liberté nécessaire à toute démocratie et le respect indispensable pour la cohésion sociale. Lycée Ste Marie - Cholet et Lycée Xunquerai - Pontevedra (Espagne)

Lycée professionnel Charles de Gaulle (Muret)

Depuis le traité de Maastricht, l'Union Européenne tente de faire évoluer le traditionnel point de vue économique et commercial pour adopter une dimension humaine . Lycée Maurice Ravel - St-Jean-de-Luz et IES Leonardo da Vinci - Alba de Tormes (Espagne)

Le but principal reste de mettre en garde les hommes devant toute attitude visant à dominer l'homme et à la considérer comme un être inférieur, pour n'importe quelle raison. Tout ceci relève donc d'un acte de citoyenneté pour une société plus juste et respectueuse de l'individu . Lycée de la côte d'Albâtre - St- Valéry-en-Caux et Kings Edward VII - Sheffield (Royaume Uni)

Lycée professionnel Charles de Gaulle (Muret)

Les valeurs communes aux européens sont l'héritage d'une histoire commune des hommes et du patrimoine intellectuel de chaque pays. Les droits de l'homme sont des valeurs fondatrices de la construction européenne. Après les crimes nazis, les artisans de l'Europe ont décidé de condamner les discriminations. La convention européenne des droits de l'homme est adoptée par le Conseil de l'Europe, en 1950. L'UE lutte contre le racisme, l'homophobie et l'inégalité entre les femmes et les hommes. Lycée Professionnel La Favorite - Ste-Foy-lès-Lyon et Liceo scientifico R. Nucci - Andria (Italie)

Lycée professionnel Charles de Gaulle (Muret)

Cette communauté de principes peut s'expliquer, en partie, par l'héritage commun que partagent les États membres, en particulier celui des philosophes des Lumières et des préoccupations sociales . Ils constituent désormais des éléments de l'identité de l'Union. D'ailleurs, les États qui souhaitent adhérer à l'UE doivent obligatoirement les respecter pour pouvoir se porter candidat. Lycée Jacques Prévert - Boulogne-Billancourt et Gymnasium Aulendorf - Aulendorf (Allemagne)

Ainsi, on peut peut-être voir un signe de l'histoire au fait qu'Europe signifie « celle qui a de grands yeux », en ce sens que son ouverture sur le monde ne cesse de s'élargir et que ses ambitions s'accroissent afin de lui permettre d'exporter ses idées fondamentales telles que l'humanisme, les droits de l'homme ... Lycée Saint-Joseph - Concarneau et Realschule - Schramberg (Allemagne)

II. L'âme de l'Europe

L'Europe, en ce moment, peut apparaître comme une structure à laquelle vient petit à petit se rattacher une âme . Lycée Théophile Gautier - Tarbes et Cardinal Newman RC - Pontypridd (Royaume Uni)

Le temps ne suffit pas, l'Union européenne nécessite d'autres changements. En effet, il n'existe pas d'impôt direct européen, pas de service militaire européen, le citoyen ne possède ainsi pas de devoir civique envers l'Union. Il faut également rapprocher les institutions des citoyens, inciter celui-ci à s'impliquer dans le processus de décision et de désignation de ses représentants : le vote. L'instauration d'une citoyenneté européenne passe désormais par une évolution des mentalités et une union non pas économique ou politique mais spirituelle. Lycée Rabelais - Meudon et Winterbourne High school - Winterbourne (Royaume Uni)

III. Forces et faiblesses du sentiment européen

L'Europe, il faut surtout la faire naître dans le coeur de chacun , faire advenir plus de démocratie ressentie. L'enjeu est de faire ressentir la démocratie et vivre l'Europe . Se sentir européen et solidaire des pays d'Europe : lorsqu' il y eut l'attentat de Madrid qui blessait tous les peuples d'Europe et au premier chef, le peuple espagnol, on s'est senti concerné, concerné aussi par les otages italiens enlevés en Irak quand nous-mêmes avions nos propres otages. Il y a une communion dans l'émotion : la démocratie c'est une organisation juridique mais aussi un ressenti. Lycée Rotrou - Dreux et Liceo Jacoponne da Todi - Todi (Italie)

L'exercice de la citoyenneté européenne serait plus évident si nous avions une véritable identité européenne juridique, indépendante de chaque nationalité. L'idée de la politique de fraternité, que nos politiciens nous montrent par leurs rencontres fréquentes et leur collaboration entre les différents pays, créant une relation étroite sur le plan politique entre les pays, doit également gagner la population et lui donner une identité européenne commune. Les Français doivent penser européen, ils doivent se sentir Européens. Lorsqu'un évènement surgit à Bratislava, Rome ou Stockholm, ils doivent réagir comme si cela s'était passé à Paris. Les Allemands doivent réagir comme si cela s'était produit à Berlin. Il faut donc acquérir une conscience européenne. Lycée Gérard de Nerval - Luzarches et Wildermuth Gymnasium - Hof (Allemagne)

Au quotidien, les citoyens européens apprécient le confort du passeport commun, de la monnaie commune ainsi que la libre circulation des biens et des personnes avec le maximum de liberté. Mais également, c'est lorsqu'il se retrouve hors des frontières européennes que n'importe quel ressortissant d'un pays de la communauté ressent particulièrement son appartenance au groupe européen ; c'est un sentiment de reconnaissance d'une entité commune, basé non seulement sur un passeport et une localisation mais surtout sur une communauté d'idées et de finalités . Lycée Théophile Gautier - Tarbes et Cardinal Newman RC - Pontypridd (Royaume Uni)

L'adhésion morale du plus grand nombre de citoyens européens à l'Union constitue un élément primordial pour faire de l'Europe une grande puissance politique. Malgré tout peu se sentent concernés par « cette Europe » qui apparaît fictive, confuse et lointaine . Lycée du parc des Loges - Evry et Lycée de Villingen - Schwenningen (Allemagne)

Il y a aujourd'hui nécessité à réintroduire les citoyens dans la construction européenne, de les y responsabiliser pour développer leur intérêt et les y rendre plus favorables. Lycée français Molière - Madrid et Instituto Las Encinas - Villanueva de la Canada (Espagne)

Tout en reconnaissant au processus d'intégration européenne la grande victoire d'avoir remplacé la guerre par la coopération économique et politique, nous croyons qu'il n'est pas suffisant de posséder des droits pour fonder une démocratie si celle-ci se base sur du vide. Il faut aussi la présence d'une réalité sociale, d'un peuple avec son identité collective, et non pas composé d'individus étrangers les uns aux autres. Pour réaliser une union effective, il faut que les citoyens fassent mûrir en eux un lien d'identité politique, sociale, culturelle et le sentiment d'appartenance et d'identification à un organisme commun perçu en tant que tel et au développement duquel ils doivent participer. Lycée Claude Gellée - Épinal et Liceo Blaise Pascal - Chieri (Italie)

On peut observer aussi que l'opinion à l'égard de l'Europe évolue en dents de scie, au gré de facteurs qui ne sont pas directement liés aux institutions : ainsi, l'idée d'Europe progresse dans les périodes de croissance ; à l'inverse, l'euroscepticisme augmente quand la situation se dégrade. Lycée Louis Liard - Falaise et Lycée classique - Diekirch (Luxembourg)

Centrée au départ sur des objectifs économiques et politiques, l'Europe a aussi pour vocation de développer au sein de ses membres le sentiment de citoyenneté européenne, c'est-à-dire de favoriser le sentiment d'appartenance et d'implication à la communauté composée par l'espace européen. C'est à cette condition qu'elle gagnera en légitimité et cohérence. (...) Néanmoins, on peut quand même constater que le sentiment d'appartenance à l'Europe, l'idée qu'il existe une communauté de destins entre les différents pays est de plus en plus inscrit dans les esprits. Lycée Notre Dame de Valbenoîte - St-Etienne et Colegio Marista Cervantes - Cordoue (Espagne)

IV. « Unis dans la diversité »

L'idée de création d'une Europe unie se base sur un projet d'intégration, de libre adhésion, volontaire et consciente des États souverains avec un objectif commun de coopération politique, sociale, culturelle et économique. Mais une nécessité pour que l'Europe réussisse son évolution aujourd'hui c'est de reconnaître à chaque peuple , son histoire et sa culture et surtout ne pas établir une politique d'acculturation . Lycée Ste Marie - Cholet et Lycée Xunquerai - Pontevedra (Espagne)

Lycée professionnel Charles de Gaulle (Muret)

La découverte d'autres peuples, de leurs cultures par le biais de l'étude de la langue et des coutumes locales est primordiale. Ouvre ton esprit et ta richesse est faite ! Le droit de vote est une clef, prends-la pour t'impliquer politiquement et ouvre ta porte à l'Europe. Lycée Ste-Marie - Cholet et Lycée Historiador Chabas - Denia (Espagne)

L'Union Européenne, c'est 25 pays regroupés, mais chacun avec sa langue, ses coutumes de manière à échanger, partager et découvrir l'autre . Lycée Charles de Gaulle - Muret

La question de l'identité nationale se pose, mais sa réponse devient aussitôt évidente : il n'est pas question, il n'a jamais été question de nous « travestir ». La force de l'Europe est dans le rapprochement des différences, dans leur imbrication harmonieuse, non dans la disparition de ce qui fait de chacun un citoyen à part entière. Nous n'avons donc aucunement peur de perdre notre identité nationale, au contraire, elle rend la base de nos communications plus intéressante. Maison d'éducation de la Légion d'Honneur - St-Denis et Uppingham school - Uppingham (Royaume Uni)

« - Je me sens française avant d'être européenne et j'ai envie de rester française.

« - C'est normal. Être citoyen européen ne veut pas dire renoncer à sa nationalité d'origine, perdre son originalité.

« - D'ailleurs, il n'est pas prévu de langue unique, chacun continue à parler sa langue. » Dialogue établi entre le Lycée Audoin Dubreuil - St-Jean-d'Angely et l'IES Arcebispo Xelmirez 1 - St Jacques de Compostelle (Espagne)

L'Europe est géographiquement floue, historiquement contestable, économiquement disparate, culturellement très diverse. Trois millénaires de concurrences vives, de rivalités âpres et de guerres sanglantes attestent des difficultés qu'ont eues les Européens à vivre, tout simplement, les uns à côté des autres . (...) Désormais, l'Europe est une réalité économique et institutionnelle, mais surtout elle est devenue la communauté de destin des peuples européens. Après avoir été rêvée par les intellectuels, construite par les politiques, l'Europe devient l'Europe des citoyens. Lycée Louis Liard - Falaise et Lycée classique - Diekirch (Luxembourg)

V. Les jeunes, moteur de l'Europe

L'Union Européenne et son projet est un modèle pour l'ensemble des pays : une référence de réussite pour le modèle économique mais qui doit aussi le devenir pour le politique et le social. Chaque européen doit être, et en particulier, nous les jeunes, un acteur de cette construction pour aujourd'hui et l'avenir. Lycée Ste-Marie - Cholet et Lycée Xunquerai - Pontevedra (Espagne)

Si toi, citoyen d'un État membre, tu prônes ces valeurs communes et que ton but est de construire l'Europe au fil de l'évolution , tu es citoyen européen ! Use de ta citoyenneté afin de proposer des améliorations à l'Union européenne déjà existante. Lycée Ste Marie - Cholet et IES Historiador Chabas - Denia (Espagne)

Nous avons retenu que la Démocratie n'est jamais acquise et qu'il faut constamment l'entretenir, en vérifier la validité au fur et à mesure des évènements et des expériences dans nos deux pays. Qu'elle n'est jamais finie, qu'il y a toujours des combats à mener, des améliorations à apporter, qui sont l'affaire de tous. Lycée Saint-Exupéry - Terrasson-Lavilledieu et ITC Sandro Pertini - Turi (Italie)

Les choses que l'on ne connaît pas font peur. La construction européenne en pourra se poursuivre que par l'adhésion massive des jeunes, adhésion qui passe nécessairement par une intensification de la pratique des langues dans les écoles européennes, par un développement des échanges scolaires, estudiantins, et culturels, indispensables à l'approfondissement des liens économiques et à l'ancrage définitif de la Paix entre les hommes et les femmes du monde entier. Lycée Henri Laurens - Saint-Vallier et Liceo scientifico "Galileo Galilei" - Caravaggio (Italie)

Cette Europe passe particulièrement par la jeunesse , car l'Europe représente l'avenir. En effet, les jeunes vivront dans le futur avec une Europe plus forte et auront également un rôle plus important à jouer. Si l'Union Européenne veut apparaître comme une puissance inégalable dans le monde entier, il faut un investissement total de la part de tous ses membres. Lycée Jean Jaurès - Reims et Werner-Haisenberg Gymnasium - Garching (Allemagne)

Au niveau des jeunes l'intéressement est plus important. Ils se sentent plus impliqués (...). Ils sont nés avec l'Union européenne ! En revanche, les personnes de plus de 50 ans n'ont pas toujours assimilé l'idée d'« Europe unie ». Il est plus difficile, plus délicat pour elles d'être pro-européen par rapport à un contexte historique. Lycée Claude Gellée - Epinal et Liceo Blaise Pascal - Chieri (Italie)

Lycée professionnel Charles de Gaulle (Muret)

VI. L'Europe et les religions

L'Europe doit être un espace cosmopolite où toutes les religions cohabiteraient en harmonie. Une solution pourrait être d'éveiller dès le plus jeune âge aux différentes religions car l'absence de connaissance des principes de certaines religions amène à les repousser. Qui peut pardonner les profanations dans les cimetières juifs ou encore les récents incendies de mosquées ? Lycée Ste Marie - Cholet et IES Historiador Chabas - Denia (Espagne)

Les malentendus ou les conflits religieux sont souvent liés à une mauvaise information. Tout jeune citoyen européen doit connaître les bases des grandes religions . Un cours d'histoire des religions pourrait même être dispensé dans les établissements scolaires. Ainsi chaque jeune est tenu de respecter ses semblables quelles que soient leurs croyances. Lycée Gabriel Fauré - Annecy et Instituzione scolastica di istruzione classica ed artistica - Aoste (Italie)

VII. Les frontières de l'Europe

Actuellement, d'autres pays comme la Turquie, la Roumanie et la Bulgarie désirent entrer dans l'Union. Leurs candidatures sont à l'étude. Plus qu'une mise à niveau économique, c'est leur engagement dans la défense et la préservation des droits de l'homme qui est fondamentale et déterminante. Lycée Jeanne d'Arc - Argenteuil et Instituto tecnico commerciale Statale - Rome (Italie)

Pour ce qui est de l'élargissement de l'Europe, beaucoup de pays souhaiteraient être admis dans l'UE, mais l'entrée dans la communauté se fait sur deux critères : la situation économique et le respect des valeurs démocratiques. On insiste surtout sur cette dernière. Si l'élargissement a l'avantage d'aller dans le sens de la paix, il soulève de multiples questions, notamment le coût pour les États membres les plus développés et le problème de la cohésion d'un ensemble si vaste. Lycée Bellevue - Toulouse et Miguel de Molinos - Zaragoza (Espagne)

Suite à ces nombreux élargissements, nous pouvons nous demander quelles limites attribuer à l'Union européenne. Pour délimiter celle-ci, doit-on se baser sur la géographie, la politique, ou l'histoire ? En effet, si l'on se base juste sur l'histoire, tous les pays ayant été impliqués dans les deux guerres mondiales, comme les États-unis par exemple, pourraient adhérer à l'UE. D'autre part, si l'on prend en considération la politique seule, tous les pays démocratiques, tels la Corée du Sud, pourraient appartenir à l'Europe. De même, des limites géographiques seraient trop strictes ne laissant aucune ouverture ; elles stopperaient l'élargissement. Ainsi, la question de la Turquie se pose : quelles limites prévalent à son adhésion ? La Turquie a participé à l'histoire de l'Europe, mais seule une petite partie de son territoire est dans les limites géographiques de l'Europe. Lycée Cassini Clermont-de-l'Oise - Groupe 3 et Burggymnasium - Kaiserslautern (Allemagne)

VIII. L'Europe politique : mythe ou réalité ?

En édifiant une Europe pacifique, intégrant économiquement les États membres entre eux, le projet européen s'oriente de plus en plus, surtout depuis les années 1980, vers une Europe politique , où la démocratie, déjà élément de base de chaque État de droit, s'élève au niveau européen. Lycée Paul Verlaine - Rethel et Athénée royal - Athus (Belgique)

L'Union apparaît également comme purement économique . On lui reproche de mettre l'accent sur l'économie au mépris du social. On lui reproche également de trop s'intéresser à sa propre évolution. Bref, on reproche aux politiques européens de ne pas s'intéresser à leurs vrais problèmes. Il faudrait donc rapprocher l'élu des citoyens européens . Lycée professionnel Marie-France - Toulon et ITCA - Suarlée (Belgique)

Lycée professionnel Charles de Gaulle (Muret)

IX. L'Union inachevée ?

L'Europe n'est pas toujours aussi « unie » qu'on veut bien le dire. On peut voir par exemple que certains pays n'adhèrent pas aux décisions européennes, comme le Royaume-Uni qui ne souhaite ni la monnaie unique, ni l'espace Schengen. Les nouveaux pays de l'Union Européenne (Europe des 25) peuvent se sentir moins européens car ils ne répondent pas aux critères pour avoir le droit à l'Euro ou à l'Espace Schengen pour des raisons économiques ou migratoires. Lycée Joliot Curie - Aubagne et Athénée royal - Namur (Belgique)

X. L'Europe puissance

Aujourd'hui, grâce à toutes ces alliances, l'Europe est un des blocs économiques et sociaux parmi les plus puissants du monde . Lycée Jean Jaurès - Carmaux et Athénée royal - Namur (Belgique)

Lycée professionnel Charles de Gaulle (Muret)

XI. Les devoirs du citoyen européen

Un citoyen européen doit :

- participer à la vie de la communauté

- avoir des droits, mais aussi des devoirs

- reconnaître la légitimité de l'Union européenne

- s'intéresser à l'UE et contribuer à la construction

- apprendre une ou plusieurs langues appartenant à l'UE

- participer à la vie politique, éventuellement au sein d'une association

- contribuer à un programme d'éducation civique européenne

- accepter la création d'une carte d'identité européenne

- participer personnellement à la journée du 9 mai. Lycée Vaugelas - Chambéry et Liceo Aristosseno - Taranto (Italie)

Construire une Europe politique et sociale ne peut exister que par l'exercice de la citoyenneté. Les citoyens européens doivent se sentir concernés et prendre conscience qu'ils ont le devoir de participer. Participer à des programmes scolaires, universitaires et professionnels (Erasmus, Comenius ...), participer à des syndicats, des associations, voter ..., se connaître , pour construire une véritable cohésion européenne autour de la démocratie et pour assurer un espace de Paix. Lycée privé de l'Oratoire - Auch et Athénée royal Ernest Solvay - Charleroi (Belgique)

XII. L'Europe, gage de paix

L'Europe est le nid de la paix et de la solidarité. Dans ce cadre, une présentation de l'armée et de son rôle, tant européen qu'international, est dispensée à chaque habitant, ouvrant une perspective d'armée européenne, même s'il faudrait d'abord que l'Europe reste cohérente dans ses décisions politiques ou militaires. Ces décisions, couplées au devoir de mémoire des hommes politiques, doivent permettre d'éviter toute guerre, tout génocide et toutes les autres atrocités commises au cours du 20 ème siècle. Lycée Gérard de Nerval - Luzarches et Wildermuth Gymnasium - Tübingen (Allemagne)

Lycée professionnel Charles de Gaulle (Muret)

L'Europe allait naître sur les cendres des conflits les plus meurtriers de l'histoire et à partir d'idées humanistes. Elle a pour but la paix. Lycée privé Jean XXIII - Les Herbiers et Liceo scientifico "Enrico Fermi" - Padoue (Italie)

L'Europe est devenue pour nous un espace de paix. Les conflits se situent à l'extérieur de nos frontières. L'Europe est là pour intervenir dans les conflits. Plus l'Europe sera forte politiquement, plus elle aura de capacité à intervenir dans la gestion des conflits pour préserver la Paix. Lycée Schweitzer - Mulhouse et Jean-Paul Gymnasium - Hof (Allemagne)

XIII. Citoyenneté européenne et citoyenneté nationale

Toute personne présentant la nationalité d'un état membre acquiert et possède la nationalité de l'UE. Cette citoyenneté s'ajoute à la citoyenneté nationale, sans la remplacer, conférant autant de droits et de libertés recueillis dans chaque Constitution, que de droits complémentaires tels que le droit de circulation et de résidence sur tout le territoire de l'Union, le droit à la protection consulaire et diplomatique dans les pays tiers, etc... Lycée Ste-Marie - Cholet et Lycée Xunquerai - Pontevedra (Espagne)

L'Europe ainsi construite -une réunion d'esprits et d'histoire, d'individualité et de collectivité- ne peut fonctionner que si chaque citoyen se « dédouble », en devenant citoyen de son propre pays et citoyen de sa propre Europe. La modernité, le futur est dans l'adaptation de sa propre ancienne citoyenneté à un cadre plus vaste, à l'ouverture de toutes les frontières, autant physiques que celles que nous bâtissons autour de nous-mêmes dans un espoir de nous protéger des autres et de nous replier sur des questions nationales ou locales qui nous paraissent plus proches, plus en prise avec notre vie quotidienne et nos préoccupations. Maison d'éducation de la Légion d'Honneur - St-Denis et Uppingham school - Uppingham (Royaume Uni)

La citoyenneté européenne suscite donc des questionnements permanents. Elle n'en est pas moins moderne car plurielle, transnationale, énonçant plus de droits que de devoirs . Elle est dissociée de la nationalité tout en s'appuyant sur elle. Pour terminer, si se « sentir » citoyen d'une communauté politique, c'est avoir une histoire commune, un pas vient d'être franchi avec la décision de la France et de l'Allemagne d'élaborer un manuel commun d'histoire. Lycée Jeanne d'Arc St Ivy - Pontivy et Maria Stern Schule (Allemagne)

L'exercice de la citoyenneté se base, selon nous, plus sur le devoir que sur le droit de vote. Il se base également sur la possibilité de participer à la prise de décision concernant l'Europe. Lycée Léon Bourgeois - Epernay et IES Pio Aroja - Madrid (Espagne)

La citoyenneté de l'Union est complémentaire de la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. La Constitution affirme clairement les droits qui découlent de la citoyenneté de l'Union : le droit de libre circulation et de libre séjour, le droit de vote et d'éligibilité au Parlement européen ainsi qu'aux élections municipales, le droit à la protection diplomatique et consulaire, le droit de pétition devant le Parlement européen. Lycée Saint-Joseph - Tassin-La-Demi-Lune et Athénée royal - Philippeville (Belgique)

Nous nous sommes rendus compte que la construction européenne était un processus démocratique, complémentaire et parallèle au travail des parlements nationaux. Notre citoyenneté européenne apparaît comme complémentaire des citoyennetés nationales. C'est une richesse supplémentaire. Lycée Frédéric Kirschleger - Munster et Fleesensee Gymnasium - Malchow (Allemagne)

XIV. Les élections européennes

C'est une chance et un devoir de participer aux élections européennes. Grâce à elles, chacun de nous devient un peu plus « important » , un peu plus « responsable », un peu plus « ouvert au monde ». Notre vote dépasse l'échelle nationale, il influence non seulement notre position individuelle dans notre pays, mais aussi la position de notre pays dans l'Europe, et celle de l'Europe dans le monde. Maison d'éducation de la Légion d'Honneur - St-Denis et Uppingham school - Uppingham (Royaume Uni)

XV. L'Europe des régions

Les pays les plus engagés dans l'Europe sont souvent ceux dans lesquels les régions ont un très grand rôle, comme l'Allemagne avec les länder ou l'Espagne avec les autonomies : un galicien fortement impliqué dans la vie de sa région se sent tout aussi concerné par la vie de l'Espagne et cet engagement le porte tout naturellement à se sentir impliqué dans la vie de toute la Communauté européenne. Lycée Fénelon - Clermont Ferrand et IES de Tomino - Tomino (Espagne)

XVI. L'Europe et les nations

L'Europe est la seule dimension pertinente pour traiter des problèmes sur lesquels les États Nations n'ont plus de prise : chômage, sécurité alimentaire, protection de l'environnement, grande criminalité, mondialisation. Lycée St-Michel - Solesmes et Lycée Comémius - Datteln (Allemagne)

Lycée professionnel Charles de Gaulle (Muret)

La citoyenneté européenne et donc l'Union européenne peuvent être analysées comme un projet de dépassement des États Nations. Or, plusieurs faits peuvent être constatés :

- une adhésion ambiguë des citoyens aux interventions communautaires ;

- des obstacles nationaux à la construction européenne ; une identité européenne difficile à percevoir. Lycée Fénelon Ste-Marie - Paris 8 ème et Lycée Galvani - Bologne (Italie)

XVII. La sécurité et la défense européennes

L'Europe doit maintenir la paix et la sécurité de ses habitants (...). Pourquoi ne pas développer la PESC naissante ? L'Europe munie de cette armée de défense commune garantirait une sécurité permanente au sein de l'Union. Ainsi, on pourrait réduire le risque lié au terrorisme tel que l'a subit l'Espagne au mois de mars 2004 sur l'ensemble du territoire européen. Lycée Ste Marie - Cholet et IES Historiador Chabas - Denia (Espagne)

Peut-on construire une Europe autonome sans lui donner une défense propre et sans « citoyen-soldat européen » ? École Saint-Martin de France - Pontoise et Egbert Gymnasium - Munsterschwarzarch (Allemagne)

XVIII. Le rôle des symboles européens

L'Europe des citoyens repose aussi sur la multiplication des symboles d'identification commune, tels le passeport européen, en circulation depuis 1985, l'hymne (l'Ode à la Joie de Beethoven) et le drapeau (un cercle de douze étoiles d'or sur fond azur). Un permis de conduire européen est délivré dans les États de l'Union depuis 1996. L'élection directe du Parlement européen, depuis 1979, a établi un lien de légitimité directe entre le processus d'unification et la volonté populaire. L'Europe démocratique doit être approfondie par l'accroissement du rôle du Parlement, par l'engagement plus marqué des citoyens à travers les associations et les formations politiques, par la création de véritables partis européens. La mise en circulation, le 1 er janvier 2002, de la monnaie unique a eu un effet psychologique décisif . La suppression des contrôles de police aux frontières entre les pays membres de la convention de Schengen accroît déjà la conscience d'appartenir à un espace unifié. Lycée Cassini - Clermont-de-l'Oise et Burggymnasium - Kaiserslautern (Allemagne)

En fin de compte, le concept de l'« Europe des Citoyens » est assez récent mais il va se renforcer par la diffusion des symboles de l'appartenance. L'Euro, en effet, représente un symbole d'union très fort chez les européens : il matérialise l'Europe face aux citoyens, comme cela ne s'est jamais vérifié dans le passé. De plus, il représente un facteur puissant d'intégration politique, plus fort que les autres symboles communs existants, plus ou moins connus selon des pays, comme le drapeau, l'hymne, le passeport, la journée de l'Europe... Lycée Magnan - Nice et Liceo scientifico "E. Amaldi" - Novi Ligure (Italie)

XIX. L'éducation à l'Europe

L'Europe commence à l'école, dès le plus jeune âge, et se poursuit tout le long de notre éducation. Les barrières linguistiques et culturelles ne sont pas censées disparaître, mais vont enrichir notre vie quotidienne. Grâce à cet enseignement, grâce aux langues modernes que nos systèmes éducatifs se chargent de nous enseigner, grâce à toutes ces précieuses passerelles, l'Europe devient à portée de main, accessible autant physiquement qu'intellectuellement. Maison d'éducation de la Légion d'Honneur - St-Denis et Uppingham school - Uppingham (Royaume Uni)

Seul un citoyen accompli peut comprendre et défendre la démocratie. L'idéal est donc que, dès le plus jeune âge, en famille , chacun se familiarise avec les droits et les devoirs liés à la pratique de la démocratie : qu'il commence par savoir ce qu'est un maire, un conseiller municipal, un ministre..., qu'il les choisisse librement par le vote, qu'il sache que par leurs décisions ils contribuent à améliorer notre vie quotidienne. Lycée Fénelon - Clermont Ferrand et IES de Tomino - Tomino (Espagne)

Ne serait-il pas plus intéressant d'intégrer dans le cursus scolaire des temps de cours pour étudier l'U.E. ? Car malgré les moyens mis en oeuvre pour informer le public des affaires de l'U.E., nous ignorons ou connaissons mal certains éléments capitaux de l'Union. Cela permettrait de former de réels citoyens européens. (...) On a créé une Europe, il nous faut maintenant des Européens. Lycée privé Jean XXIII - Les Herbiers et Liceo scientifico "Enrico Fermi" - Padoue (Italie)

Lycée professionnel Charles de Gaulle (Muret)

Le sentiment d'appartenir à une même collectivité, de partager le même destin, ne peut être créé artificiellement. L'Europe culturelle doit dorénavant prendre le relais de l'Europe économique et contribuer à la formation d'une conscience commune . Les programmes éducatifs et de formation, encouragés par l'Union Européenne à travers Erasmus (programme d'action de la Communauté européenne en matière de mobilité des étudiants universitaires), Comett (programme communautaire d'éducation et de formation dans le domaine des technologies) et Lingua (encouragement à l'apprentissage des langues étrangères), se sont engagés dans cette direction. Lycée Cassini - Clermont-de-l'Oise et Burggymnasium - Kaiserslautern (Allemagne)

Il paraît assez évident à tous que notre avenir se trouve en Europe et dans sa construction. Pour qu'un sentiment de citoyenneté européenne se développe il faut former les jeunes Européens et informer les adultes. Les autorités européennes se doivent de renforcer les échanges culturels et linguistiques entre les États membres, car les jeunes d'aujourd'hui sont les garants de la paix pour demain. Lycée Carcouët - Nantes et IES Castro Alobre - Arousa (Espagne)

Tous ces objectifs, qu'ils soient politiques, économiques, sociaux, pacifiques, trouveront leur plein épanouissement si tous les citoyens comprennent les rouages de l'Europe dont ils sont les membres actifs. Lycée Saint-Joseph - Tassin-La-Demi-Lune et Athénée royal - Philippeville (Belgique)

XX. L'avenir du projet européen

L'Union s'agrandit et doit repenser son fonctionnement. Son avenir passera-t-il par une Fédération Européenne avec au dessus des États un Président, un Gouvernement et un Parlement de l'Union ? Quelle Constitution pour l'Union ? Les questions sont ouvertes. Lycée Jeanne d'Arc - Argenteuil et Instituto tecnico commerciale Statale - Rome (Italie)

En toute franchise, nous ne savons pas encore dire si nous voulons vivre un jour dans un État européen (fédéral ou non). Il faudra encore du temps pour répondre à cette question, vu à la fois notre âge et l'état actuel des choses. Mais il y a un point que nous croyons pouvoir affirmer. Il y a une notion qu'il faudra mettre beaucoup plus en pratique qu'elle l'est actuellement. Il s'agit d'un terme que nous avions pourtant du mal à comprendre au début et nous supposons qu'il est même inconnu à une grande partie de nos concitoyens français, allemands et européens adultes : la subsidiarité. Une décision doit être prise et appliquée au niveau qui correspond au mieux aux besoins de la population. Lycée Leconte de Lisle - St Denis La Réunion et Wilhelm-Gymnasium - Stuttgart (Allemagne)

L'aventure européenne n'est pas l'apanage des États, c'est surtout celui des peuples désireux ou non de se construire un avenir en commun. (...) Un projet politique commun porté par vingt-cinq peuples, cela peut faire sourire, hausser les épaules, ou laisser craindre une cacophonie générale, un « volapük intégré » ou pas, bref une version européenne de la Tour de Babel. La polyphonie, c'est bien connu, ne donne de bons résultats qu'en musique... L'Hymne à la Joie, vous entendez ? Lycée Albert Chatelet - Douai et Maria Adelaide - Palerme (Italie)

Lycée professionnel Charles de Gaulle (Muret)


* 1 Françoise Férat est maire de la Commune de Cuchery dans la Marne depuis 1992. Elue conseiller général en 1992, réélue en 1998 et encore en 2004 et Sénatrice de la Marne depuis septembre 2001. Elle s'implique donc depuis une quinzaine d'années dans la vie publique.

Elle a répondu à nos différentes questions aussi bien sur notre système politique comme sur l'union européenne en précisant qu'il s'agissait de sa propre opinion et que tout ce qu'elle nous déclarait était seulement son sentiment personnel.

* 2 Rote Armee Fraktion, appelée en France « bande à Baader ».

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page