1.4. LE BILAN ET LES PERSPECTIVES DE LA RÉGIONALISATION EN EUROPE
PAR MONSIEUR PHILIPPE DE BRUYCKER
Professeur de droit public à l'Université Libre de Bruxelles,
Expert consultant auprès du Conseil de l'Europe et secrétaire général de l'ARCOLE
(Association pour la Recherche sur les Collectivités Locales en Europe)

Merci beaucoup Monsieur le Président.

Mesdames, Messieurs,

Je vais tenter, dans mon exposé, de vous présenter un bilan et aussi quelques perspectives pour la régionalisation en Europe. Comme je suis belge et non pas français, je vais diviser mon propos en trois et non pas en deux parties, comme c'est la coutume en général en France.

Dans une première partie, je tenterai de définir autant que faire se peut, la notion de région. Dans une deuxième partie j'envisagerai l'évolution de la régionalisation dans les Etats européens et enfin je tenterai, dans une troisième partie, de conclure sur l'impact de l'intégration européenne sur la régionalisation.

Premièrement, peut-on définir la notion de région ?

La réponse à cette question est assurément en grande partie négative. Il n'y a pas en Europe de modèle pour la régionalisation. On se trouve en présence d'une très grande diversité qui se cache derrière la notion de région, une grande diversité masquée quelque peu par cette notion couramment employée.

Cependant, je crois qu'il faut insister sur un élément important, à savoir que s'il n'y a pas de définition univoque de la notion de région, il y a néanmoins un minimum ; un minimum qui doit être la qualité de la collectivité dont on parle pour qu'on puisse véritablement la qualifier de région. Pour ma part je n'adhère pas à certaines présentations qui parlent de régionalisation, tout en insistant dans le même temps sur l'inexistence d'un véritable échelon régional.

Quel est ce minimum nécessaire pour qu'on puisse qualifier une collectivité de région ?

Je crois que ce minimum se compose de deux éléments : il faut d'abord que l'on se trouve en présence d'une collectivité territoriale qui se dote d'organes élus et il faut que cette collectivité et ces organes jouissent d'une certaine autonomie.

Dans cette définition extrêmement sommaire, le fait de bénéficier pour la collectivité d'organes élus est, à mon sens, le minimum incompressible. Si l'on ne se trouve pas en présence de cet élément, je ne pense pas que l'on puisse véritablement parler de région. On se trouvera en présence de structures déconcentrées, peut-être d'une forme d'organisation régionale de l'administration d'Etat, mais pas véritablement d'une région. Je n'emploierai pas non plus ce mot pour désigner des établissements publics ou pour désigner des organes de coopération intercommunale alors que parfois l'expression de région est employée en ce sens, par exemple aux Pays-Bas.

Par contre, l'élément d'autonomie dont j'ai également parlé, est un élément qui est variable. Je crois qu'on se trouve là en présence d'une question de degré : le degré d'approfondissement variable de la régionalisation. Pour éclairer quelque peu ce degré, je crois qu'on peut distinguer deux sortes de régions. Je qualifierais les premières de régions décentralisées et les secondes de régions à vocation fédérale.

Je crois que le critère qu'on peut employer pour distinguer les régions décentralisées et les régions à vocation fédérale est au fond assez simple même si bien entendu il élimine un grand nombre de nuances.

Je crois que le critère qui permet de faire la distinction entre ces deux sortes de régions, tient à l'organisation du pouvoir législatif au sein de l'Etat concerné. Si le pouvoir dans l'Etat est un, s'il est unitaire, les régions qui existeront dans ce type d'Etat, seront des régions plutôt décentralisées disposant de prérogatives d'auto-administration.

Par contre si le pouvoir législatif est éclaté, s'il est partagé, dans ce cas-là, on se trouvera en présence de régions à vocation fédérale. J'entends par régions à vocation fédérale, non seulement les entités fédérées donc membres d'un Etat fédéral, mais également des régions politiques disposant du pouvoir législatif, comme par exemple les régions italiennes ou les communautés autonomes en Espagne. Dans ce cas-là, on n'est plus en présence d'un Etat unitaire, mais en présence d'un Etat composé, soit fédéral, soit régional.

Ainsi définie avec cette courte typologie, on s'aperçoit évidemment que la notion de région recouvre des réalités extrêmement hétérogènes. Cette hétérogénéité étant véritablement une caractéristique de la notion en Europe. Le seul point commun à toutes ces régions, c'est au fond qu'elles se situent au niveau intermédiaire dans l'Etat. Il s'agit de la collectivité intermédiaire entre, d'une part, le pouvoir central et, d'autre part, les collectivités locales.

Mais encore cette notion de pouvoir intermédiaire dans ce cas-là, est plutôt entendue au sens géographique, c'est-à-dire au niveau où elle se trouve véritablement, entre les collectivités locales et le pouvoir central de la collectivité la plus vaste au sein de l'Etat, ce qui par exemple en France permet d'exclure les départements de la notion de région.

Après cette très rapide introduction conceptuelle, je voudrais maintenant rapidement tâcher de passer en revue les tendances de la régionalisation dans les Etats européens et je vais utiliser pour ce faire la classification que je viens d'ébaucher devant vous en distinguant les Etats à vocation fédérale des Etats unitaires. Dans un troisième temps, dans cette seconde partie, je tâcherai de faire le point sur l'évolution en Europe centrale et orientale.

Premièrement, le groupe des Etats à vocation fédérale.

Il y a incontestablement, une tendance à l'approfondissement de la régionalisation en Europe au travers du fédéralisme. Si l'on observe ce qui s'est passé depuis la Seconde Guerre mondiale, on voit qu'au cas de l'Allemagne, de l'Autriche et de la Suisse, sont venues s'ajouter l'Italie, l'Espagne et la Belgique ; sans compter le cas très particulier du Royaume-Uni, depuis les projets de dévolution qui sont actuellement mis en oeuvre dans ce pays au profit de l'Ecosse et du Pays de Galles, dans une moindre mesure d'ailleurs qu'en Ecosse. Sans doute est-il extrêmement audacieux de rattacher le Royaume-Uni à la catégorie des Etats composés, mais on se trouve là, manifestement en présence d'un Etat qui démembre le pouvoir législatif du Parlement de Westminster.

Le nombre d'Etats composés en Europe, en cinquante ans, a doublé, ce qui est tout de même significatif, même si incontestablement la catégorie des Etats unitaires reste dominante. Néanmoins, la tendance à la régionalisation dans ces pays fédéraux ou à vocation fédérale, est la plus achevée et s'inscrit dans un contexte particulier, puisque les nouveaux Etats qui tendent au fédéralisme, sont des Etats qui s'inscrivent dans un schéma de dissociation, alors que le mode traditionnel de formation de l'Etat fédéral relève de l'association. Le régionalisme dans ces Etats a été le plus souvent une réponse à des préoccupations identitaires, avec des régions à fortes connotations linguistiques ou culturelles comme la Flandre en Belgique, la Catalogne en Espagne et également l'Ecosse au Royaume-Uni.

Quel est l'un des plus importants débats en cours actuellement dans ces Etats à vocation fédérale ?

Le débat qui présente le plus d'intérêt aujourd'hui, est, je crois, le débat sur la péréquation financière entre les régions. C'est un débat récurrent dans les Etats fédéraux comme la Suisse. C'est un débat qui d'ailleurs s'est renouvelé en Allemagne où un certain nombre d'experts ont remis en cause le niveau trop important de péréquation entre les länder, considérant qu'en réalité cette péréquation, certes extrêmement efficace et organisée, avait, malheureusement aussi dans certains cas, pour résultat de décourager un certain nombre de länder de lever encore certains impôts.

C'est un débat qui dans ce pays a bien entendu été renouvelé en raison de la réunification avec les länder d'Allemagne de l'Est, et c'est un débat aussi qui devient de plus en plus dur, dans un certain nombre de pays comme l'Italie, entre le Nord et le Sud, mais aussi la Belgique, où la question porte véritablement sur le partage des richesses, et plus uniquement à travers le système fiscal, mais également à travers le système social, puisqu'il y a en Belgique des tensions qui se manifestent entre les régions pour ce qui est de l'organisation de la sécurité sociale, bien que ce système réalise normalement une solidarité interpersonnelle, et non pas inter-régionale.

Deuxièmement, le groupe des Etats unitaires.

C'est évidemment le reste des Etats, groupe extrêmement vaste, trop nombreux, et que l'on pourrait tâcher de diviser en sous-groupes. Je ne vais pas vous parler de la France dont mon collègue Hugues Portelli va vous entretenir tout à l'heure en vous décrivant l'évolution de la régionalisation dans ce pays. On pourrait tâcher d'utiliser un certain nombre de critères pour distinguer l'état de la régionalisation ou les différents types de régionalisation parmi les Etats unitaires.

On pourrait par exemple, retenir le critère du nombre de niveaux. Bien entendu ce nombre est en général de trois, mais il y a un certain nombre de pays, comme la France, où on peut considérer qu'il y a quatre niveaux, si on tient compte du niveau étatique. C'est également le cas, depuis peu, de la Pologne qui a renouvelé son niveau intermédiaire.

Un autre critère serait de voir comment les différents niveaux de collectivités locales s'articulent entre eux. Le système français est un système égalitaire, où il n'y a pas de prédominance d'un niveau de collectivité sur un autre niveau de collectivité, alors que plus classiquement le niveau intermédiaire dans nombre d'Etats, est appelé à jouer un rôle soit de coordination, soit de contrôle des collectivités locales.

Finalement, l'un des critères le plus intéressant tient au mode de désignation des élus régionaux et permet d'opposer aux autres pays ce que j'appelle un modèle scandinave. Il s'agit notamment, dans le cas de la Finlande, de régions qui sont construites à partir des collectivités locales et qui procèdent véritablement des communes dans la mesure où les élus communaux siègent en qualité d'élus indirects dans les collectivités intermédiaires que sont les comtés. En Suisse et en Norvège ceux-ci s'appellent « communes du Conseil général. Très curieusement aussi, je fais là une petite incise concernant l'Europe orientale, on peut aussi rattacher au modèle scandinave la Slovénie qui a également organisé ses collectivités intermédiaires à partir des collectivités locales de base.

Dans les groupes des Etats unitaires, je crois qu'il faut encore mentionner un certain nombre d'Etats qui n'ont pas de véritables régions. Outre la Turquie, il s'agit du Portugal, pays dans lequel les régions sont inscrites dans la Constitution de 1976, mais dont le projet de régionalisation a été repoussé par un référendum du 8 novembre 1998 avec 64 % des voix, de sorte qu'il n'existe dans ce pays que deux régions insulaires : Madère et les Açores. Il n'existe pas non plus de véritable niveau régional en Grèce où l'on se trouve en présence d'organes déconcentrés.

Je signalerai aussi le cas assez particulier de l'île de Malte. Il s'agit au fond, d'un Etat extrêmement petit appartenant à la catégorie des micro-Etats dans laquelle on considère en général que la régionalisation n'a pas de raison d'être, ou n'a pas de sens, comme Monaco, le Liechtenstein, Andorre, Saint-Marin, le Luxembourg. Pourtant l'île de Malte approfondit la décentralisation en son sein, non seulement au profit des communes, mais également au profit des trois îles qui la composent, et qui à Malte sont parfois présentées comme des régions.

J'en viens au groupe des pays d'Europe centrale et orientale qui viennent d'accéder à la démocratie, groupe que je présente de manière générale, mais qui est bien évidemment également en voie de diversification. Le processus de décentralisation dans ces pays a d'abord concerné les collectivités locales, les collectivités à la base de l'organisation, donc au niveau communal. Il s'est agi de reconstruire un système de décentralisation, après la parenthèse centralisatrice qu'a été la période communiste. Par contraste avec le niveau communal, le niveau intermédiaire reste dans ces pays, soit inexistant, soit extrêmement faible parce qu'il relève plutôt de la déconcentration.

Il y a cependant je crois, quatre exceptions à cette situation.

Premièrement, la Pologne. La Pologne qui a renouvelé son niveau intermédiaire en 1999, en ramenant les 49 "voïvodies" au nombre de 16 "voïvodies". Deuxièmement, la Hongrie qui a également réorganisé un niveau intermédiaire qui s'appelle le "comitat" en 1994. Il y a également deux autres pays dans lesquels on peut déceler l'existence d'un véritable niveau régional. Il s'agit d'une part de la Moldavie où une loi de 1998 a créé 9 "judets" autonomes à la place des 37 arrondissements déconcentrés qui existaient antérieurement, et de la Croatie où il existe ce que l'on appelle des "zupania". Mais dans ces deux derniers pays, la Moldavie et la Croatie, je crois qu'il faut constater que le niveau intermédiaire est beaucoup plus faible pour ce qui est de ses compétences et de ses finances que dans le cas de la Pologne et de la Hongrie.

Par contre, dans les autres pays de l'Europe centrale et orientale, il n'existe pas de véritable niveau régional, dans la mesure où on se trouve en présence d'un niveau déconcentré. C'est le cas en République tchèque, bien que 14 régions devraient éventuellement se mettre en place, si le projet aboutit au cours de l'année 2000. Par contre en Slovaquie les projets de régionalisation sont bloqués depuis le début des années 90.

La Bulgarie est un des rares pays dans lequel il existe des projets de décentralisation au niveau intermédiaire, mais qui auraient pour conséquence, ce qui en fait une exception par rapport à la tendance générale en Europe, qu'en Bulgarie on projette d'augmenter le nombre de collectivités intermédiaires et non pas de les réduire.

Les Etats baltes, Lituanie et Lettonie en particulier, restent eux, par contre, très marqués par des tendances unitaires, le caractère unitaire de l'Etat étant dans ces pays considéré comme un obstacle à la régionalisation, ce qui pourtant ne se vérifie pas dans les pays d'Europe occidentale. De même, il y a des projets de régionalisation en Ukraine, mais qui n'ont jusqu'à présent pas abouti.

Pour conclure je voudrais vous dire quelques mots de l'impact de l'intégration européenne sur le processus de régionalisation en Europe, pour la raison que ces deux mouvements entretiennent des relations extrêmement étroites. Cela peut paraître évidemment un petit peu surprenant, voire même contradictoire, qu'un processus de centralisation au niveau européen ait pour conséquence de contribuer simultanément à un processus de décentralisation et de régionalisation dans les Etats membres.

Mais je crois en réalité, qu'il s'agit effectivement de mouvements non pas contradictoires, mais complémentaires, de la même manière que nous assistons aujourd'hui au niveau de la planète à un mouvement de mondialisation, de globalisation, nous assistons aussi à un phénomène de localisation ou de territorialisation.

Au départ pourtant, la régionalisation qui a vu le jour en Europe au cours des années 70, en Belgique, en France, au Royaume-Uni, en Italie et en Espagne, n'était pas due à l'intégration européenne, mais répondait à des problèmes spécifiques. Mais c'est cependant durant la période des années 70 que les politiques communautaires vont commencer à se territorialiser avec, bien évidemment, la création en 1975 de la politique régionale, qui va notamment amener un certain nombre de régions européennes à ouvrir un certain nombre de bureaux de représentation à Bruxelles et faire du lobbying auprès des institutions communautaires pour obtenir la meilleure part des fonds affectés à la politique régionale.

C'est aussi la politique régionale communautaire qui va faire s'instaurer une concurrence, non plus seulement entre les Etats membres, mais également entre les régions des Etats membres et au sein des Etats membres entre les différentes régions. On peut constater qu'en réalité, si la Communauté européenne n'a pas de compétences institutionnelles pour ce qui est de l'organisation des Etats membres, les politiques qu'elle développe ont néanmoins des conséquences institutionnelles dans les différents Etats membres.

De manière générale, on peut dire que la construction communautaire en Europe a pour conséquence d'entraîner une réorganisation du cadre régional, lorsqu'il existe, dans les différents pays, même si un certain nombre de pays ne disposent pas de régions. C'est notamment le cas de la Grèce et du Portugal, la construction n'ayant donc pas véritablement pour conséquence d'entraîner la création de régions dans des Etats qui n'en disposent pas.

Il y a aussi bien entendu, un effet de recentralisation qui s'est fait sentir avec l'intégration européenne, qui s'est d'autant plus fait sentir qu'il concernait les Etats les plus décentralisés et notamment les Etats fédéraux, de sorte que dans ces Etats, la construction européenne a eu pour conséquence une relance de l'autonomie locale ou, en tout cas, un regain d'un certain nombre de revendications d'autonomie régionale.

Que ce soit sur le plan interne, au sein même de l'Etat, c'est par exemple le cas en Belgique ou en Allemagne, où concomitamment au processus d'intégration européenne, les länder en Allemagne, les régions, les communautés en Belgique ont revendiqué la possibilité de jouer un rôle dans la définition de la position que leur Etat adopte au niveau européen.

Mais également, ces revendications régionales se sont faits sentir au niveau européen. Par exemple, en 1992 avec la signature du Traité de Maastricht, autorisant les Etats qui le souhaitent, à permettre à leur niveau d'entité fédérée, leurs régions, à être représentées au sein du comité des ministres. Ceci est quand même tout à fait remarquable lorsqu'on songe que le comité des ministres constitue pourtant un échelon de représentation des Etats membres.

Et bien entendu, il y a eu la création au même moment du Comité des régions.

Je ne vais pas m'intéresser aux compétences du Comité des régions, vous savez qu'il s'agit de compétences d'avis qui doivent obligatoirement être recueillies dans un certain nombre de matières.

Je crois qu'il est très intéressant de passer très rapidement en revue la composition du Comité des régions. Vous ne serez pas étonnés d'entendre que la composition du Comité des régions est évidemment extrêmement diversifiée pour ce qui est des représentants qui y siègent. A tel point qu'on peut dire que l'appellation de Comité des régions est totalement abusive.

Voilà un organe qui est censé représenter au travers d'une assemblée unique (une seule assemblée organisée en une seule chambre) à la fois les plus petites collectivités, comme par exemple les communes françaises qui comptent parfois moins d'une centaine d'habitants et les plus grandes collectivités, comme par exemple les Länder allemands qui, s'ils étaient indépendants en terme de population, se classeraient parmi les premiers Etats membres de la Communauté européenne.

Le général de Gaulle avait qualifié l'ONU de "machin", je vous laisse le soin de deviner la manière dont il aurait pu lui-même qualifier le Comité des régions s'il avait été confronté à l'émergence de cette institution. Cette institution est extrêmement hétérogène, c'est une donnée fondamentale qui est d'ailleurs parfois décriée au sein même du Comité des régions qui considère qu'il s'agit pour lui d'un signe de faiblesse.

Qu'en est-il des débats sur l'évolution de la régionalisation au niveau européen en termes institutionnels, et notamment ce fameux serpent de mer de l'Europe des régions ?

J'ai assez tendance à considérer qu'en termes institutionnels tout débat sur une Europe des régions débouche sur une impasse, qu'il s'agit d'une voie sans issue, dans la mesure où il est extrêmement difficile d'imaginer que la Communauté européenne pourra disposer un jour de compétences institutionnelles pour organiser ou participer à l'organisation des collectivités territoriales des Etats membres.

Comment cela pourrait-il se faire alors qu'on en n'est même pas au stade où la Communauté européenne dispose de compétences institutionnelles pour ce qui la concerne elle-même, dans la mesure où les conférences intergouvernementales disent bien ce dont il s'agit lorsqu'il est question de revoir les institutions européennes. Je crois que c'est en raison même de la puissance de la machine communautaire que les Etats vont encore pour très longtemps refuser de soumettre leur organisation politico-administrative à la Communauté européenne.

J'ai personnellement l'impression et le sentiment que tout débat sur la nécessité d'harmoniser ou d'uniformiser le système de collectivité territoriale des Etats membres en Europe est un débat inutile, un débat vain, dès le moment où le droit communautaire est d'application directe et unitaire dans l'ensemble des Etats membres.

Par contre, je crois, et je terminerai par là, qu'il y a un besoin de plus en plus fort de définir un certain nombre de principes communs en matière de décentralisation locale ou en matière de régionalisation. Je terminerai en évoquant à ce sujet les travaux du Conseil de l'Europe, qui a rédigé en 1985 une charte européenne de l'autonomie locale, qui est d'application dans près de trente Etats européens membres du Conseil de l'Europe et qui a également produit au cours des années 90 un projet de charte européenne de l'autonomie régionale qui a été élaboré au sein du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe et qui est actuellement examiné par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe. Je crois que ces projets-là sont des projets intéressants dans la mesure où il s'agit de définir à travers un certain nombre de principes, un cadre pour l'autonomie régionale mais, dans le même temps, de respecter la diversité de la régionalisation dans les différents Etats membres.

Voilà, Monsieur le Président, ce que j'ai essayé de faire en une vingtaine de minutes, j'espère être arrivé à relever le défi qui consistait à vous présenter la régionalisation en Europe de cette manière et je vous remercie de votre attention.

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