Actes du colloque "Les modèles français et japonais du regroupement intercommunal"



Sénat - 23 février 2006 - Palais du Luxembourg

CLÔTURE DU COLLOQUE

M. Henri Revol, Sénateur de la Côte-d'Or, Président fondateur du Syndicat intercommunal de protection du site de Val-Suzon,
Maire de Messigny-et-Vantoux, Secrétaire du groupe interparlementaire France-Japon

Merci. Mesdames, Messieurs, mes chers collègues, je voudrais dire un mot déjà parce que mon collègue Frécon a souligné l'échec de la loi Marcellin, en 71, et j'étais déjà Maire, je le suis toujours, et je suis arrivé à la tête de cette commune un peu subrepticement. Cette commune de 600 habitants s'appelait Messigny à côté d'elle il y avait une commune de 150 habitants qui s'appelait Vantoux. J'ai trouvé la situation un peu bizarre. Il y avait un syndicat entre ces deux communes pour gérer l'essentiel des services que gère habituellement une commune, car la commune de Vantoux n'avait pas de service propre. J'ai donc profité de l'opportunité de la loi Marcellin avec mon sous-préfet de l'époque, pour susciter cette fusion. Et dans le département de la Côte-d'Or, qui a 707 communes encore aujourd'hui, il y a eu à l'époque une vingtaine de fusions, ma commune a fusionné en 1973, elle est devenue Messigny-et-Vantoux, on a failli trébucher sur la fusion car le conseil municipal de Vantoux voulait absolument que l'on mette « et Vantoux ». Or, le projet, c'était un tiret, Messigny-Vantoux, donc nous avons mis « et Vantoux » et ça a marché, et ça marche toujours très bien. Par contre sur les 20 autres communes de mon département, qui ont fusionné, je crois qu'il en reste une ou deux seulement réunies car ensuite beaucoup de celles qui avaient fusionné ont divorcé.

M. Bruno Leprat . - Est-ce que vous auriez encore le droit de divorcer d'ailleurs ?

M. Henri Revol - Oui, tout à fait. Donc j'ai une petite expérience dans ce domaine. Ma commune est à 10 km de la ville centre, Dijon, qui elle, était organisée en district, qui est maintenant organisée en communauté d'agglomération, et s'appelle le Grand Dijon, avec quelques communes qui sont autour de la mienne. Nous n'avons pas souhaité intégrer cette grande communauté de communes qui représente 22 communes et plus de 200 000 habitants. Nous avons souhaité rester indépendants. Alors on verra bien dans l'avenir, nous sommes une petite communauté de communes : six communes, 4 300 habitants, sans doute trop petite, mais nous avons souhaité faire l'expérience du travail en commun, et puis probablement que nous évoluerons. Ceci pour dire, mes chers collègues, qui avez fait des présentations de la situation française fort intéressantes et détaillées, que l'on a toujours respecté la liberté ici dans notre pays et que l'on n'a pas imposé pour le moment d'intercommunalité obligatoire. La plus petite commune de la Côte-d'Or n'en est pas encore à zéro habitant mais à neuf habitants !

Je me félicite de l'excellent déroulement de ce colloque, c'est le signe de l'amitié profonde qui existe entre nos deux nations, comme je peux le constater régulièrement en tant que secrétaire du groupe d'amitié France-Japon du Sénat. C'est aussi le signe de la bonne entente existant entre le CLAIR et le Sénat dont les liens se renforcent d'année en année. Le colloque d'aujourd'hui est le signe d'un renforcement de nos amicaux échanges qui nous permet aussi de nous comprendre l'un et l'autre pour nous enrichir de nos comparaisons. Les débats qui se sont déroulés cet après-midi sur le regroupement communal en France et au Japon ont fait apparaître des différences des deux systèmes, choix de l'intercommunalité pour la France, de la fusion pour le Japon, quelques fusions en France, mais aussi des similitudes notamment sur les objectifs de rationalité économique et territoriale.

En effet, je crois comme le Président Jacques Valade l'a souligné dans le message qu'il vous adressait au début de cet après-midi, que l'on pouvait tirer de ce colloque des leçons pour améliorer nos institutions locales. La comparaison entre le modèle français d'intercommunalité et le regroupement des communes japonaises a permis d'améliorer l'analyse des aspects financiers de l'intercommunalité française et de sa pertinence territoriale. J'espère que nos amis Japonais vont pouvoir tirer les leçons de notre regroupement intercommunal, notamment pour celles de leurs communes qui n'ont pas encore fusionné. Les maux français sont bien connus. Multiplication des niveaux de l'administration, périmètre de gestion politique parfois peu pertinent, notamment en zone urbaine, et fiscalité locale complexe.

L'intercommunalité à fiscalité propre, issue de la loi de 1999, avait pour principal objet, l'aménagement du territoire, en vue du développement économique, mais comme l'a noté mon collègue Dallier, les objectifs plus larges d'amélioration des services rendus et de rationalisation territoriale sont vite apparus primordiaux. L'intercommunalité a pu ainsi apparaître comme la solution à tous les problèmes. Mais elle peut être améliorée, car elle est bénéfique, c'est la conviction exprimée par l'ensemble des intervenants aujourd'hui.

Monsieur Shikata, Directeur du CLAIR, nous a informés des importantes réformes qui ont été mises en oeuvre au Japon au niveau local, en particulier la réforme dite de la « Trinité », grâce à laquelle le nombre des communes est passé de 3 232 en 99 à 1 821 en 2006. Il est vrai que le Japon et la France se trouvent confrontés à des problèmes économiques et sociaux similaires, et que quelles que soient les voies choisies, fusion au Japon et regroupement intercommunal en France, l'objectif est toujours le même : il s'agit d'améliorer le service rendu aux citoyens et au vu des résultats établis pour la France, j'estime qu'il est fort utile d'approfondir la connaissance que nous avons de nos deux pays.

Monsieur Michel Verpeaux nous a livré un intéressant panorama du modèle français de coopération intercommunale, il est vrai, comme il l'a dit que le nombre et la taille des collectivités territoriales ont toujours fait l'objet de débats, nos collectivités sont souvent considérées trop petites, mais paradoxalement les tentatives de fusion se sont soldées par des échecs patents et j'en signalais des exemples pour mon département. Il a fort bien résumé la philosophie française, les communes sont libres de coopérer ou non. Si elles décident de le faire, un organisme supplémentaire est créé et on l'ajoute au millefeuille territorial. La libre administration est néanmoins sauvegardée, malgré le rôle fort de l'État dans la création des intercommunalités, il a bien souligné l'importance de la loi du 2 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de l'intercommunalité qui a mis fin à un siècle de tentatives plus ou moins réussies de regroupements et fusions intercommunaux.

L'intervention de M. Shinohara sur les fusions de communes vues du ministère de l'Intérieur nous a appris que le Japon avait su procéder à des réformes radicales. Passer de près de 40 000 communes au XIXe siècle à 1 821 au XXIe, en dépassant ainsi les objectifs fixés pendant chaque vague de fusions, cela ne peut qu'impressionner l'élu français que je suis, mais ce qui est remarquable, c'est que la volonté de l'État central japonais de rationaliser l'organisation du territoire s'est accompagnée d'un transfert progressif de compétences aux communes. Moins de communes et plus de compétences. C'est la clé du succès de la fusion de communes telle que décrite par M. Shinohara.

M. Marc Censi, Président de l'ADCF nous a bien fait comprendre que ce modèle de rationalité à la japonaise ne pouvait être transposé au modèle français, l'échec de la fusion après 71 a conduit les gouvernements à encourager le développement de l'intercommunalité pour améliorer le service rendu aux citoyens. Mais la recherche d'une nouvelle rationalité territoriale ne passe pas seulement par l'intercommunalité mais aussi par une réflexion sur le modèle de décentralisation. En réponse à un intervenant, il a bien aussi mis en relief l'importance du couple intercommunalité/région en termes de projets dans le respect de la subsidiarité, M. Shinohara est ensuite utilement revenu sur la loi de décentralisation au Japon, de 99, et les difficiles applications de ce principe de subsidiarité qui se heurte souvent aux réalités locales. Nous connaissons également cela chez nous, en particulier du fait de notre intégration à l'Europe qui a fait de ce principe un élément fondateur de nos politiques menées.

La seconde table ronde nous a permis d'approcher concrètement le modèle japonais avec la présentation si vivante de la commune regroupée de Takayama que nous a faite Monsieur Tsushino. Nous avons eu l'eau à la bouche et surtout nous avons apprécié la qualité des nouveaux services rendus à l'issue du regroupement.

S'agissant du modèle français, mon collègue Joël Bourdin a démontré que le but était de faire mieux et à moindre coût pour le contribuable avec l'intercommunalité. Les évaluations manquent encore et nous n'avons pas encore beaucoup de recul. L'État a apporté une contribution financière notable, considérée comme une « carotte ». Une partie de l'intercommunalité n'est pas encore satisfaisante, on va dans la bonne direction et l'intercommunalité s'est traduite par plus de projets au service des citoyens.

Et mon collègue Jean-Claude Frécon citait des exemples éloquents tout à l'heure. Pour ce qui est de l'expérience française, justement, Jean-Claude Frécon a répondu sans détour et par l'affirmative à la question de l'amélioration du service rendu. L'expérience montre ainsi qu'il existe une dynamique vertueuse ou positive qui fait que l'on s'aligne toujours sur la meilleure des solutions car l'intercommunalité, il nous l'a montré, permet d'améliorer les services rendus ; d'une part les services anciens sont gérés à moindre coût, de meilleure façon, et d'autre part les nouveaux services ont un surcoût d'accord, mais dont les citoyens sont satisfaits car ils leur apportent vraiment quelque chose de nouveau.

En conclusion finale, je dirais que chaque modèle correspond à des cheminements historiques différents, mais ils ont pour point commun la recherche d'une plus grande rationalité et d'un meilleur service rendu aux citoyens. Nous avons chacun beaucoup appris au cours de cette journée et je suis sûr que nous allons chacun pouvoir nous en inspirer pour donner à nos réformes respectives tous les atouts pour le succès.

Nous aurons côté français des résultats dans quelques années. Nous avons des interrogations, il ne faut pas se le cacher, mais je crois que nous sommes dans la bonne voie.

Je vous remercie Mesdames et Messieurs de votre attention.

M. Bruno Leprat. - Merci Monsieur Revol, merci à nos interlocuteurs, à nos intervenants français et japonais, Monsieur Shikata, Monsieur Tsushino, Monsieur Shinohara, et encore Monsieur Frécon bien sûr.

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