POLITIQUES DU PATRIMOINE, DU MONDIAL AU LOCAL



Actes des colloques organisés au Sénat sous le Haut patronage de Christian Poncelet, Président du Sénat (2002 / 2003)

CLÔTURE DES TRAVAUX

A. ALLOCUTION : MINJA YANG, DIRECTRICE DE PROJETS SPÉCIAUX À L'UNESCO

Je vous remercie d'avoir invité l'UNESCO à cette réunion. Je suis impressionnée par la volonté d'innovation qui permet à votre Association Nationale de mettre en valeur et de sauvegarder à la fois les sites, les activités, les paysages. J'ai toujours cru qu'en France, l'État s'occupait de tout. Je vois qu'il existe différentes formes de coopération entre l'État et les collectivités dont les intercommunalités font partie.

Je voudrais aussi remercier Jean Rouger et l'Association Nationale d'être allés jusqu'en Chine pour partager votre expérience et cette volonté qui se traduit par une vraie solidarité et communauté d'esprit, de la grande ville jusqu'au petit village. Cette expérience, qui se développe notamment sous le vocable Pays d'art et d'histoire , fût précieuse pour les petites communes qui perdent beaucoup dans la décentralisation qui a lieu aussi en Chine.

Vos modalités de coopération, vos politiques fiscales, les fonds d'incitation intéressent l'UNESCO qui souhaiterait une ouverture plus grande de votre association vers les collectivités des pays émergents. Lille-métropole, Grand Lyon, Melun, Chambéry et d'autres villes sont en train de mettre en place une coopération décentralisée avec des villes de ces pays riches en sites classés patrimoine mondial tels Lahore, Katmandou, Saint-Louis, Porto- Novo, etc.

C'est donc un appel que je lance auprès de vous tous et plus particulièrement auprès de vos nouveaux territoires qui sont les porteurs exemplaires de la diversité et de l'intelligence de notre patrimoine. L'UNESCO souhaite que l'Association Nationale des villes et pays d'art et d'histoire s'engage à ses cotés dans la sauvegarde de nos sites, nos monuments et nos villes avec ce souci constant d'articulation avec un ensemble territorial cohérent.

B. ALLOCUTION : JEAN-PAUL ALDUY, SÉNATEUR DES PYRÉNÉES-ORIENTALES, MAIRE DE PERPIGNAN

Je vous remercie d'avoir choisi l'exemple de Perpignan pour clôturer ces débats sur la notion émergente de Nouveaux territoires du patrimoine . Ceci m'évoque dans le contexte européen, la Catalogne qui m'est chère et qui, prise dans son ensemble, me semble significative de ces nouveaux territoires. Je me contenterai toutefois ici, de mettre en perspective les caractéristiques et les fragilités de ma ville qui, elle aussi, recouvre les enjeux d'un vrai territoire notamment culturel et humain. Ce sont là des dimensions fondamentales de ce que nous désignons comme étant notre patrimoine.

De mon point de vue, l'originalité de la ville consiste justement à avoir développé une politique de sauvegarde liée tout autant à la trame urbaine qu'à la richesse et aux racines multiculturelles de sa population. Le secteur sauvegardé se caractérise tout autant par la densité et la richesse de son bâti et de ses espaces que par la diversité, la mémoire et les moeurs de ses habitants. Ainsi nous nous devons d'y protéger aussi sa population et notamment celle de la communauté gitane sédentaire dont les 8 000 membres sont installés au centre ville depuis plus de 400 ans.

La dimension architecturale, naturelle ou culturelle du patrimoine ne doit pas occulter sa dimension humaine, elle ne fait que la prolonger. Sans cette continuité et complémentarité de la protection, depuis notre littoral jusqu'au centre ville, ce sont des sociétés entières qui sont menacées de disparition. Tout un aspect du patrimoine qu'elles incarnaient n'a pas su être préservé. L'enjeu touristique et les modes de vie des nouvelles populations qu'il a drainées ont peu à peu éliminé les structures sociales pré existantes.

De mon point de vue de Président de la commission du littoral et suite à la pression du tourisme, l'érosion du patrimoine naturel et humain du littoral français, témoigne d'un d'échec en matière de protection. Il nous faut enrayer ces phénomènes. Perpignan tend à montrer que l'essor touristique et la sauvegarde du patrimoine ne sont pourtant pas incompatibles. La ville a pu renforcer son identité et en même temps exploiter la valeur touristique de son patrimoine en alliant différentes procédures et conventions et en les intégrant dans une stratégie précise et volontaire de reconquête. Elle s'est donc dotée d'un secteur sauvegardé et d'une convention villes d'art et d `histoire pour bénéficier de toutes les compétences et ressources, notamment celles des services de l'état et des différentes collectivités.

En tant que catalans la langue fait aussi partie de nos sujets de protection. Je rappelle que la France, avec la Turquie, est un des derniers pays européens à refuser de signer la charte des langues minoritaires. Notre coopération internationale avec Mahalo Tarchira et avec la ville de Tyr avec laquelle nous sommes jumelés, témoigne bien de cette conception innovante du patrimoine. Au-delà de l'aide technique que nous essayons d'apporter à la sauvegarde physique de ces villes, grâce à l'envoi d'architectes et d'ingénieurs, nous avons comme objectif de créer les conditions d'un territoire de réconciliation et d'entraide.

Pour fêter l'an 2000, à Perpignan, mon but était d'amener les maires de ces deux communes à se rencontrer, s'écouter et partager leurs difficultés communes. Mahalo Tarchira, au nord d'Israël, à la fois musulmane, juive et chrétienne, a connu le bombardement de sa crèche et de tous les enfants qui s'y trouvaient. Tyr, musulmane et chrétienne a aussi subi ce bombardement. La réconciliation de ces deux villes aux composantes religieuses différentes, mais ayant connu les mêmes traumatismes, est l'un des objectifs de cette coopération que je n'ai pas complètement atteint. J'évoque cette situation pour réaffirmer qu'outre les richesses architecturales, la civilisation, la culture, les religions et les coutumes, font aussi partie des préoccupations de notre coopération autour du patrimoine.

Toujours tout prés de nous, mais cette fois-ci du côté de la montagne, la démarche entreprise pour faire classer la Vallée de la Têt patrimoine mondial, elle non plus, n'a pas abouti. Cette vallée est en effet la seule partie de la région à posséder encore un ensemble de retables baroques remarquables. La présence des Cathares au nord de Perpignan, explique que l'on y trouve très peu de retables. Quant au sud, la plupart des retables a été brûlée par les anarchistes, pendant la guerre d'Espagne. L'UNESCO m'a fait savoir qu'en tant que mobilier, ce patrimoine n'avait aucune chance d'être inscrit. L'oeuvre du temps et un manque d'entretien régulier mettent en péril ce patrimoine.

Le constat de ces tentatives, de ces échecs et de ces réussites me conduisent à reprendre les termes de l'intitulé du programme. Le sens du mot patrimoine doit sans cesse être élargi, grâce à la mise en réseau de techniciens, de maires et en conséquence des territoires eux-mêmes. Cette notion de territoire a, semble-t-il, déjà fait l'objet de cette extension de sens, même si l'observation de certains paysages semble parfois témoigner du contraire.

Quant au mot nouveau, c'est de lui que nous puisons la force de nous constituer en réseau. Notre motivation tient au fait de la conscience de ce que nous sommes en train de faire : protéger et transmettre aux générations futures la matrice tant physique qu'intellectuelle ou spirituelle par laquelle se renouvellent les cultures. Dans mon département, on parle souvent de l'archipel des métiers. Ce mot me renvoie à cette idée de sociétés organisées le long d'un véritable chapelet où chacun protège son patrimoine tout en apprenant à aller vers les autres et à construire avec eux un nouveau territoire, un nouvel archipel de cultures en marche.

Yves Dauge, Sénateur d'Indre-et-Loire, Maire de Chinon

Merci à mon ami Jean-Paul Alduy qui a su conclure cette journée par une géographie si enthousiasmante et évocatrice de l'intitulé de ces journées.

Merci enfin à toute l'équipe organisatrice de l'Association Nationale et à tous les intervenants qui ont su nous faire partager leur passion.

REMERCIEMENTS

Nos remerciements vont tout particulièrement à Mme Minja Yang, chargée de mission auprès du sous-directeur général de la culture et directrice de projets spéciaux à l'UNESCO ainsi qu'à Mme Marylise ORTIZ et à M. Jean-Michel GALLEY, chargés de mission de l'Association Nationale des villes et pays d'art et d'histoire et des villes à secteur sauvegardé.

Ce colloque n'aurait par ailleurs pu voir le jour sans le travail de Mmes Myriam ENCAOUA, Marielle RICHON, Jehanne PHARES, Nadania IDRISS et Marie-Noëlle TOURNOUX. Transcription et relecture : Elizabeth Towns et Gilles Samson.

Page mise à jour le

Partager cette page