AFFAIRES CULTURELLES

Table des matières


Mardi 27 juin 2000

- Présidence de M. Adrien Gouteyron, président. -

Communication audiovisuelle - Liberté de communication - Examen des amendements en nouvelle lecture

La commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Paul Hugot, les amendements au projet de loi n° 418 (1999-2000), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

A l'article 1er A (responsabilité des prestataires techniques à raison des contenus des services de communication audiovisuelle en ligne - obligation d'identification des éditeurs de ces services), la commission a donné un avis défavorable à l'amendement de suppression n° 137, présenté par M. Jack Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen. Elle a décidé de demander le retrait des amendements, présentés par M. Michel Pelchat, n° 125, relatif à la responsabilité et à la définition de l'activité des fournisseurs d'accès, n° 126, précisant les obligations des hébergeurs à l'égard des contenus manifestement illégaux et n° 127, proposant la définition par décret en Conseil d'Etat d'une procédure de " notification et retrait " applicable par les fournisseurs d'accès. Elle a enfin donné un avis favorable, sous réserve de sa rectification, à l'amendement n° 146 du Gouvernement, tendant à coordonner l'article avec les dispositions de la loi " informatique et libertés " et celles de la directive communautaire relative à la protection des données personnelles.

Elle a estimé satisfait par l'amendement n° 9 de la commission l'amendement n° 129, présenté par M. Michel Pelchat, tendant au rétablissement de l'article 1er C (accès à la boucle locale).

A l'article 5 (Institut national de l'audiovisuel), elle a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 123, présenté par M. Michel Charasse, relatif aux relations contractuelles entre l'INA et les sociétés de perception et de répartition des droits.

A l'article 5 bis AA (article L. 212-7 du code de la propriété intellectuelle - droits à rémunération des artistes interprètes décédés), la commission a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 124, présenté par M. Michel Charasse, tendant au rétablissement de cet article.

A l'article 5 bis AB (article L. 321-8-1 nouveau du code de la propriété intellectuelle - exonération du paiement de droits au bénéfice des fêtes locales annuelles des petites communes), la commission a estimé satisfait par son amendement n° 25 l'amendement n° 134, présenté par MM. Jean-Pierre Plancade, Michel Charasse, Marcel Charmant, Jean-Pierre Demerliat, Jean-Marc Pastor, Gérard Roujas et Claude Saunier, tendant au rétablissement de cet article.

A l'article 5 bis A (contrôle des comptes et de la gestion des sociétés de perception et de répartition des droits), la commission a souhaité le retrait de l'amendement n° 121 rectifié bis, présenté par MM. Michel Pelchat et Jean Bernard, relatif aux pouvoirs d'information des associés des sociétés de perception et de répartition des droits.

A l'article 6 (contrats d'objectifs et de moyens, financement des organismes de l'audiovisuel public), la commission a donné un avis favorable à l'amendement n° 139 du Gouvernement, relatif aux modifications en cours d'exercice budgétaire de la répartition des ressources publiques allouées à France Télévision, et un avis défavorable à l'amendement n° 140 du Gouvernement, relatif au remboursement des exonérations de redevance intervenant après l'entrée en vigueur du projet de loi.

A l'article 16 (modalités d'attribution des autorisations d'utiliser les programmes pour la diffusion de services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre), la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 130, présenté par Mme Danièle Pourtaud et les membres du groupe socialiste et apparentés, relatif aux quotas de chansons françaises.

A l'article 17 (modalités d'attribution des autorisations d'utiliser les fréquences pour la diffusion de services de télévision par voie hertzienne terrestre), la commission a donné un avis défavorable aux amendements n°s141 et 142 du Gouvernement, relatifs aux télévisions locales.

A l'article 21 (conventionnement des candidats à l'attribution de fréquences pour la diffusion de services de radiodiffusion sonore ou de télévision par voie hertzienne terrestre), elle a donné un avis défavorable au sous-amendement n° 131 à son amendement n° 53, présenté par Mme Danièle Pourtaud et les membres du groupe socialiste et apparentés, relatif aux quotas de chansons françaises, et elle a estimé satisfaits les amendements n°s 135 et 122 rectifié, présentés par MM. Michel Pelchat et Jean Bernard, également relatifs aux quotas de chansons françaises.

A l'article 22 bis A (conditions techniques de diffusion des services de communication audiovisuelle par voie hertzienne terrestre), la commission a donné un avis favorable à l'amendement n° 143 du Gouvernement, relatif à l'interopérabilité des moteurs d'interactivité.

A l'article 22 decies (planification des fréquences), elle a donné un avis défavorable à l'amendement n° 144 du Gouvernement, relatif à la planification des fréquences de télévision.

A l'article 26 (obligations des distributeurs de services par câble), la commission a donné un avis favorable à l'amendement n° 132, présenté par Mme Danièle Pourtaud et les membres du groupe socialiste et apparentés, relatif à la distribution de TV5 sur les réseaux câblés français.

A l'article 27 (régime juridique des distributeurs d'offres de services par satellite), elle a donné un avis défavorable à l'amendement n° 128, présenté par M. Michel Pelchat, relatif à la durée des contrats entre les éditeurs de services et les câblo-opérateurs ainsi qu'à la contribution des câblo-opérateurs au développement des services. Elle a donné un avis favorable à l'amendement n° 133, présenté par Mme Danièle Pourtaud et les membres du groupe socialiste et apparentés, relatif à la diffusion de TV5 par les bouquets satellitaires.

Elle a donné un avis défavorable aux amendements n°s 136, présenté par M. Michel Pelchat, et 138, présenté par M. Pierre Hérisson, tendant à insérer après l'article 27 bis E un article additionnel relatif à la limitation des parts de capital des services nationaux de télévision numérique terrestre détenues par un même opérateur.

A l'article 29 quater (sanctions pénales attachées au non-respect des quotas de chansons francophones), la commission a estimé satisfait l'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Michel Pelchat et Jean Bernard.

A l'article 30 (coordination), elle a donné un avis défavorable à l'amendement n° 145, présenté par le Gouvernement, relatif à la prise en compte des services européens en français dans les quotas de services en langue française devant obligatoirement figurer dans l'offre du câble et du satellite.

Nomination d'un rapporteur

Au cours de la même réunion, la commission a désigné Mme Hélène Luc rapporteur de la proposition de loi n° 407 (1999-2000) de M. Guy Fischer et plusieurs de ses collègues tendant à la reconnaissance de la Langue des signes française.

Mercredi 28 juin 2000

- Présidence de M. Adrien Gouteyron, président. -

Mission d'information chargée d'étudier le fonctionnement de la Bibliothèque nationale de France (BNF) - Examen du rapport d'information

La commission a d'abord examiné le projet de rapport de la mission d'information chargée d'étudier le fonctionnement de la Bibliothèque nationale de France (BNF).

A titre liminaire, M. Philippe Richert, rapporteur de la mission d'information, a souligné que la mission, loin d'avoir voulu instruire le procès de la BNF, avait souhaité, au-delà des descriptions alarmistes et des propos caricaturaux, tirer un bilan objectif de cette institution qui, par référence à des critères budgétaires, a été le plus important des grands travaux et apparaît comme le premier établissement culturel de France.

Après des débuts extrêmement difficiles, la BNF semble avoir, de l'aveu de tous, réussi à surmonter beaucoup des dysfonctionnements qui avaient marqué son ouverture au public. La mission a constaté que le bâtiment du site François-Mitterrand-Tolbiac fonctionnait et que le service rendu au public connaissait de très significatives améliorations.

Le rapporteur a souligné toutefois que la BNF, dont la vocation est très éloignée du projet annoncé par le Président de la République en 1988, ne remplissait pas encore l'ensemble de ses missions de manière satisfaisante.

M. Philippe Richert a indiqué en premier lieu que la BNF était condamnée à composer avec les défauts fonctionnels du site Tolbiac.

L'ensemble des personnalités auditionnées par la mission a, en effet, constaté, pour le déplorer, l'inadaptation du bâtiment à la mission patrimoniale qui incombe à la BNF. Le nouveau site a été construit au mépris des principes habituellement retenus pour l'édification de bibliothèques. A l'organisation des espaces centrée sur un jardin inaccessible, s'ajoutent l'éclatement des salles de consultation et les limites du système de transport automatique de documents, ce qui complique les circuits de communication des ouvrages. Tolbiac est l'expression même d'une contre-performance en réussissant à être à la fois trop grand et trop petit. Ses dimensions imposent aux personnels et aux lecteurs des conditions de travail éprouvantes mais les magasins offrent des capacités d'extension limitées et les lieux réservés aux personnels frappent par leur exiguïté.

Ce constat est d'autant plus regrettable que les sommes consacrées à ce projet sont considérables et que son fonctionnement s'avère coûteux.

La BNF a représenté pour l'Etat un investissement de près de 8 milliards de francs. Par ailleurs, si l'opération a été soldée pour un montant correspondant à l'enveloppe initiale actualisée, le coût final est en réalité sensiblement supérieur dans la mesure où une partie des dépenses nécessaires à la réalisation du projet est désormais financée sur le budget courant de l'établissement, les crédits inscrits initialement ayant été consommés. C'est le cas notamment de dépenses informatiques qui n'avaient été que partiellement budgétées dans le cadre de l'enveloppe initiale et pour lesquelles on constate un surcoût de près de 95 %.

Le rapporteur a souligné que si la construction d'un nouveau bâtiment s'imposait pour désengorger et moderniser l'ancienne Bibliothèque nationale, le rapport entre le montant des sommes engagées et les services offerts s'avérait décevant.

Ce constat est d'autant plus regrettable que le coût annuel de fonctionnement de l'établissement pèse également très lourdement sur le budget de l'Etat : environ 980 millions de francs, dont 680 millions de francs pour les subventions versées par le ministère de la culture et 300 millions de francs correspondant aux rémunérations des personnels d'Etat affectés à la BNF.

La marge de manoeuvre dont dispose l'Etat pour infléchir cette donnée est très faible dans la mesure où le budget de l'établissement est très rigide puisque les dépenses de personnel et de fonctionnement proprement dites absorbent 87 % de ce budget et où ces dépenses, pour une bonne part incompressibles, se situent à l'heure actuelle à un niveau plancher.

Le rapporteur a indiqué que ce coût, sur lequel aucune économie substantielle ne pourrait être réalisée à court terme, apparaissait comme le tribut payé par la BNF à l'histoire, le bâtiment de Tolbiac n'ayant pas été conçu pour l'usage qui en était désormais fait. Le projet architectural a été retenu sur la seule base du projet d'une bibliothèque d'un type entièrement nouveau, annoncé à l'été 1988 par le Président de la République, projet qui, au fur et à mesure des revirements dont il a été l'objet, s'est apparenté peu ou prou à un plan de modernisation de la Bibliothèque nationale (BN).

Le rapporteur a souligné que la précipitation avec laquelle fut conduit le projet en raison des délais très serrés imposés pour la réalisation de l'ouvrage expliquait pour une large part les dysfonctionnements auxquels dut faire face la bibliothèque lors de son ouverture au public, bien que celle-ci se soit effectuée plus tard que prévu.

Ces difficultés prévisibles, imputables aux carences du maître d'oeuvre et à l'extrême complexité de l'architecture du système informatique, perturbèrent gravement le fonctionnement des salles du rez-de-jardin réservées aux chercheurs. Ces dysfonctionnements se doublèrent d'un mouvement de grève qui contraignit l'autorité de tutelle et la direction de la BNF à restreindre significativement les services offerts par la bibliothèque : fermeture le lundi du rez-de-jardin et abandon de la communication en direct des ouvrages.

Le rapporteur a fait observer que ces ajustements, présentés comme temporaires, avaient permis à l'établissement de procéder aux ajustements nécessaires pour garantir un fonctionnement minimal dans un contexte social apaisé.

Les progrès constatés depuis ont été obtenus grâce à une mobilisation des personnels comme de la direction. La montée en charge du système informatique, essentiellement réalisée par les équipes de la BNF depuis la résiliation du marché de réalisation passée avec la société Cap Gemini, a permis d'améliorer les modalités de réservation de places et de communication des ouvrages comme les performances du catalogue informatisé BN Opale Plus. Ce meilleur service rendu aux usagers s'est manifesté par une augmentation notable de la fréquentation de la BNF.

Parallèlement, a été engagée une modernisation de la gestion de l'établissement. L'absence de cohésion du personnel et de culture d'établissement nécessitait une adaptation des méthodes d'administration. Cependant, l'apaisement des tensions au sein du personnel dépendra essentiellement des solutions apportées aux difficultés qu'il rencontre, la précarité étant l'une des plus sensibles. Sur un effectif total de 2 853 agents, la BNF emploie 540 vacataires, dont certains occupent des emplois permanents non pourvus. Diverses mesures ont été engagées depuis juin 1999 pour améliorer leurs conditions d'emploi. Au-delà d'une définition plus stricte de leurs conditions de recrutement, des mesures de transformation de crédits en emplois, encore modestes mais appelées à s'amplifier, ont bénéficié à la BNF et ces agents devraient très prochainement se voir doter d'un contrat de droit public qui se substituerait au régime actuel de vacation. Au-delà de ces mesures de clarification bienvenues, mais encore partielles, l'établissement s'est attaché à résoudre l'épineuse question des contractuels recrutés par l'établissement public de la Bibliothèque de France (EPBF), la BN et la BNF elle-même lors de la construction et de l'aménagement du site Tolbiac. Un article du projet de loi de modernisation sociale déposé à l'Assemblée nationale devrait permettre de valider la situation pour l'heure très fragile de ces personnels.

Tout en se félicitant de ces premiers résultats encourageants, M. Philippe Richert, rapporteur de la mission d'information, a estimé qu'à bien des égards le chantier de la BNF était inachevé. Il a présenté les recommandations et les propositions présentées par la mission pour permettre à la BNF de remplir les missions que le décret institutif du 3 janvier 1994 lui confiait.

La nécessité d'assurer dans de bonnes conditions le fonctionnement du site Tolbiac demeure un impératif compte tenu de l'ampleur de l'investissement réalisé.

La réalisation du système informatique de la BNF comme l'informatisation des catalogues doivent être achevées. Le service rendu aux lecteurs peut être encore amélioré notamment grâce à une ouverture plus large au public. La priorité accordée à la présence des personnels de bibliothèques en salles de lecture complique le retour à l'ouverture le lundi pour le rez-de-jardin, qui devrait être néanmoins possible une fois le système informatique maîtrisé. Le rapporteur a toutefois relevé que si cette condition préalable n'était pas respectée, le coût budgétaire et social de cette mesure risquerait de s'en trouver accru.

La BNF doit faire face également à un afflux de lecteurs. Il serait regrettable qu'elle se révèle d'ores et déjà sous-dimensionnée. Si le haut-de-jardin ouvert au grand public connaît des pics d'affluence, il est à souhaiter cependant que les files d'attente puissent décourager le public qui peut trouver ailleurs les services qu'il vient chercher à Tolbiac. Le coût de ces salles comme la richesse de leurs collections exigent de la BNF un effort de diversification des publics. A cet égard, on regrettera que le nouvel établissement ait hérité en matière de communication des habitudes de Richelieu. La mission a constaté en ce domaine une frilosité injustifiée. Un effort s'impose, notamment grâce à une politique plus audacieuse de diffusion culturelle et de mise en valeur des collections. Pour le rez-de-jardin, faute de pouvoir accroître les capacités d'accueil des salles, la seule solution réside dans l'assouplissement de la procédure informatique de réservation des places.

L'amélioration de la gestion de la BNF suppose que soient résolues les difficultés résultant de la gestion centralisée par le ministère de la culture et le ministère de l'éducation nationale des corps des fonctionnaires d'Etat qui y sont affectés. L'établissement ne dispose que d'une faible latitude dans la maîtrise des personnels et pâtit de plus de la complexité de l'organisation des corps concernés et de sa mauvaise image auprès de ces fonctionnaires. En 1999, le déficit d'agents titulaires était estimé à 150 postes.

Pour résoudre cette difficulté, a été évoquée la possibilité de doter la BNF, comme d'autres grands établissements publics, de corps spécifiques ; la mission estime pour sa part qu'une telle réforme, très lourde à mettre en place, nuirait à l'établissement qui souffre déjà d'une insuffisante mobilité de ses cadres. Des mesures plus modestes comme la décentralisation vers l'établissement de l'organisation des concours ou la mise en place de commissions administratives locales seraient sans doute plus opportunes.

Par ailleurs, la mission s'est inquiétée de l'absence de toute politique d'amortissement. Cette question représente un enjeu majeur compte tenu du caractère sophistiqué des équipements dont sont dotés les nouveaux sites de la BNF mais également de l'ampleur du système informatique, dont le haut niveau de performance constitue la clé de son fonctionnement. Pour l'heure, la dotation annuelle inscrite à ce titre au budget de l'établissement ne dépasse pas 27 millions de francs, alors que les expertises réalisées par la BNF et le ministère de l'économie et des finances font apparaître un besoin de financement annuel de l'ordre de 120 millions de francs.

La modernisation des missions traditionnelles dont la BNF a hérité de la BN demeure incomplète.

Le projet de création d'un institut national d'histoire de l'art, qui aurait vocation à s'installer dans les locaux laissés vacants par le déménagement à Tolbiac des collections d'imprimés et de périodiques, constitue certes une occasion de remettre à niveau les conditions de conservation et de communication des collections spécialisées de la BNF restées rue de Richelieu. Cependant, outre les interrogations sur le montant exact des crédits destinés au redéploiement de ces collections, ce projet suscite des craintes sur la possibilité de leur rattachement progressif au nouvel institut qui remettrait en cause l'unité des collections de la BNF, qu'il convient de réaffirmer.

Les modalités de collecte du dépôt légal dont la BNF, à la suite de la BN, assume la charge, doivent être adaptées aux nouvelles réalités économiques du secteur de l'édition mais également permettre un meilleur partage du patrimoine documentaire au sein du réseau des bibliothèques publiques.

En dépit des améliorations significatives apportées à la suite de l'adoption de la loi de 1992, notamment grâce à l'augmentation du soutien accordé aux bibliothèques chargées du dépôt légal imprimeur en région et à l'attribution d'un exemplaire du dépôt légal éditeur au réseau des bibliothèques universitaires, des progrès restent à accomplir : le champ de compétence des centres régionaux de collecte pourrait être étendu et il serait envisageable d'accroître le nombre d'exemplaires redistribués et d'affiner les critères de répartition afin de favoriser la constitution de fonds aussi exhaustifs que possible en région. Enfin, la mission s'est interrogée sur l'intérêt, à l'heure du numérique, de recevoir six exemplaires " papier " de chaque ouvrage. Il semblerait judicieux de faire bénéficier la BNF d'un exemple numérisé de chaque ouvrage ou périodique déposé. De même, pour être exhaustive, la collecte doit également concerner les documents en ligne : mais la réflexion en ce domaine vient seulement d'être engagée.

Le rapporteur a souligné que la BNF ne remplissait pas encore l'ensemble des missions que lui avait confiées le décret institutif du 3 janvier 1994.

Il appartient à la BNF de relever le défi de l'encyclopédisme. Or, les crédits d'acquisition constituent une variable d'ajustement dans un budget contraint. Leur diminution depuis 1999 ne permet pas d'atteindre les objectifs initiaux, ce qui à terme ne peut que remettre en cause la valeur scientifique des collections.

Assurer la pérennité des collections suppose également que leur catalogage et leur conservation s'effectuent dans des conditions satisfaisantes. A cet égard, un effort de motivation des personnels s'impose pour remédier aux retards du catalogage. S'agissant de la conservation des ouvrages, la BNF se trouve dans la situation paradoxale où elle ne dispose pas des effectifs suffisants pour assurer la rentabilité des équipements coûteux dont elle est dotée.

M. Philippe Richert, rapporteur de la mission d'information, a estimé que la faiblesse la plus marquée de la BNF résidait dans les retards pris par la politique de mise en réseau.

Le catalogue collectif regroupant les notices des principales bibliothèques municipales ou universitaires de France n'a pas constitué une priorité de l'établissement, ce qui est regrettable au regard de l'intérêt que représente pour la recherche un tel instrument.

Le partenariat avec les bibliothèques en région relève d'une conception restrictive du partage documentaire. Dans les faits, les pôles associés censés constituer, à l'origine, les piliers du réseau de la BNF en province sont réduits à la portion congrue. Cette politique, qui mobilise environ 7 millions de francs par an, ne s'est accompagnée d'aucune redistribution du patrimoine de la BNF.

Le rapporteur a souligné toutefois que la BNF ne pouvait pas elle seule mettre en place une politique ambitieuse de partage documentaire, qui nécessitait l'élaboration d'un véritable schéma national élaboré conjointement par le ministère de la culture et le ministère de l'éducation nationale mais également un effort pour remédier à l'insuffisance des bibliothèques universitaires.

Par ailleurs, l'importance croissante prise par internet nécessite une réflexion sur le rôle des grandes bibliothèques numériques. Certes, le site Gallica 2000 de la BNF, qui présente une encyclopédie virtuelle de la langue française, rencontre un grand succès. Cependant, l'opportunité d'une numérisation systématique des collections ainsi que la possibilité d'instaurer un accès payant aux ouvrages non libres de droits communiqués en ligne doivent être envisagées.

En conclusion, le rapporteur a insisté sur la nécessité pour la BNF de se doter d'une stratégie. L'élaboration en cours d'un projet d'établissement pour les années 2001-2003 devrait sans doute aider la BNF à engager une réflexion sur ses ambitions, qui ne doivent pas se limiter aux exigences du quotidien. La BNF, qui comme avant elle la BN n'est guère familière des procédures d'évaluation, doit se fixer des objectifs culturels et scientifiques précis. Dans cette perspective, il convient que la BNF mais également l'autorité de tutelle se dotent d'instruments d'évaluation, qui font encore défaut.

Enfin, le rapporteur a souhaité que le contrat d'objectifs, signé avec l'autorité de tutelle, corollaire du projet d'établissement, soit l'occasion de préciser les engagements du ministère de la culture sur des questions décisives pour l'avenir de l'établissement, qu'il s'agisse du montant de la dotation aux amortissements ou de la gestion du personnel.

Confirmant les analyses du rapporteur, M. Ambroise Dupont a regretté les insuffisances de la politique de mise en réseau suivie par la BNF. Les relations entre la BNF et les pôles associés, qui se réduisent à l'octroi de crédits d'acquisition, certes bienvenus, n'ont pas débouché sur les collaborations scientifiques envisagées à l'origine.

M. Adrien Gouteyron, président, a souhaité savoir si la BNF envisageait, dans les années à venir, un approfondissement de la politique de mise en réseau. Il s'est, par ailleurs, inquiété des conditions de renouvellement du système informatique.

M. Marcel Vidal a estimé que l'exposé du rapporteur traduisait bien ce qu'avait pu observer la mission au cours de ses travaux, dont il a souligné l'intérêt.

M. Philippe Richert, rapporteur de la mission d'information, a indiqué que pour l'heure le renforcement du rôle des pôles associés ne constituait pas une priorité de la direction de l'établissement. Une telle évolution suppose que soit développé le réseau des bibliothèques, en particulier celles ayant une vocation interuniversitaire, qui sont à la fois peu nombreuses en France, et pour celles qui existent, insuffisamment dotées.

Il a indiqué que depuis la résiliation du marché de réalisation initial, la mise en oeuvre du système informatique était assurée par les services internes de la BNF, assistés par des entreprises extérieures. Le montant actuel des dotations aux amortissements ne permet pas de garantir son renouvellement dans des conditions satisfaisantes, alors même que son obsolescence sera rapide.

La commission a autorisé la publication du rapport de la mission d'information.

Audition de M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale, et de M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale, et de M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel.

Le ministre a d'abord rappelé les circonstances qui l'avaient conduit dans le passé à travailler avec la commission des affaires culturelles du Sénat et les résultats positifs de cette collaboration.

Il a ensuite indiqué que sa politique en matière d'éducation reposait sur une volonté d'établir avec l'ensemble des partenaires de la communauté éducative un dialogue, une écoute et des échanges réciproques, et sur le souci d'engager des réformes positives, après avoir apaisé des tensions apparues aussi bien dans les lycées professionnels que dans la filière générale et technologique.

Pour des raisons de méthode, il a précisé qu'il avait choisi d'engager d'abord une réforme de l'enseignement primaire, les mesures relatives aux collèges et à l'enseignement supérieur devant être examinées au cours de l'été. Il a par ailleurs noté qu'un bilan de la campagne d'habilitation des licences professionnelles avait fait l'objet, le matin même, d'une communication en Conseil des ministres. Il a ajouté que la réalisation de ces projets dépendra des financements qui seront inscrits au prochain projet de loi de finances et souhaité que le Parlement leur apporte son soutien.

M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué auprès du ministre de l'éducation nationale, chargé de l'enseignement professionnel, a ensuite précisé le champ de compétences de son ministère. Soulignant que l'enseignement professionnel doit rester dans le giron de l'éducation nationale, il a estimé que la licence professionnelle était une illustration concrète des réformes que l'on peut engager. Insistant sur la richesse scientifique et technique de l'enseignement professionnel, il a estimé que les difficultés rencontrées en ce domaine tenaient pour l'essentiel à des a priori culturels tendant à dévaloriser l'intelligence concrète et inductive ; il a par ailleurs manifesté son inquiétude devant la baisse démographique qui touche davantage l'enseignement professionnel que les filières générales, alors que des besoins importants de main d'oeuvre apparaissent dans des secteurs comme le bâtiment, la mécanique et l'électronique.

Un débat a suivi l'exposé des deux ministres.

M. Jean Bernadaux s'est enquis des moyens qui seront consacrés à la réforme de l'école primaire dans le prochain projet de loi de finances, des effets attendus de l'abaissement à cinq ans de l'âge de la scolarité obligatoire et de l'avenir de la Charte pour l'école du XXIè siècle, notamment au regard de l'aménagement des rythmes scolaires.

Il s'est inquiété de la situation future des emplois-jeunes et des moyens qui seront affectés à l'apprentissage des langues dans l'enseignement primaire et secondaire, compte tenu notamment d'un recul de l'enseignement de l'allemand. Il a demandé des précisions sur les mesures envisagées pour améliorer la transition entre l'école et le collège, afin de réduire l'échec scolaire et sur les intentions du ministre concernant les propositions formulées par la commission d'enquête du Sénat sur la gestion des personnels de l'éducation.

Mme Hélène Luc a souhaité obtenir des précisions sur la mise en oeuvre de la licence professionnelle et sur l'avenir des classes de 4e et de 3e technologiques. Elle s'est interrogée sur les suites qui seraient susceptibles d'être données au rapport Forestier tendant à réorganiser la filière technologique, sur la mise en oeuvre de certaines dispositions de la charte pour l'enseignement professionnel intégré, ainsi que sur les mesures envisagées pour améliorer l'accueil des élèves en grande difficulté scolaire.

M. Daniel Eckenspieller s'est inquiété de la pénurie de candidats aux fonctions de directeur d'école, due à son avis moins à des problèmes de rémunération et de décharge d'enseignement qu'à la complexité croissante de ces fonctions. Il a également évoqué le coût du remplacement des matériels informatiques dans les écoles qui est laissé à la charge des collectivités locales, alors que les seules aides de l'Etat en ce domaine consiste en prêts à taux zéro.

M. Ambroise Dupont a souligné l'importance de la formation des enseignants aux nouvelles technologies. Il est convenu de la nécessité d'un renforcement de l'apprentissage des langues dès l'école primaire mais a demandé comment les nouvelles mesures annoncées étaient susceptibles de s'articuler avec les initiatives linguistiques prises d'ores et déjà par les établissements, et s'est interrogé sur l'avenir des personnels recrutés à l'initiative des collectivités territoriales.

M. Marcel Vidal a évoqué la lourdeur de la procédure des conseils d'administration des lycées et collèges, le nécessaire soutien à apporter à l'enseignement de l'italien et les postes qui seraient à créer dans la région Languedoc-Roussillon, en raison de son évolution démographique. Il a souhaité obtenir des précisions sur les mesures qui seront prises à la prochaine rentrée pour développer l'informatique dans les établissements scolaires et pour former les enseignants aux nouvelles technologies.

M. Fernand Demilly a souligné la nécessité d'améliorer l'adéquation des formations aux besoins futurs de l'économie, évoquant en particulier le développement des programmes aéronautiques et des centres d'appels de télé-opérateurs.

M. André Maman
a rappelé que la France disposait du meilleur réseau d'établissements scolaires à l'étranger mais que celui-ci n'était pas toujours en mesure de répondre à la demande des Français qui acceptent en nombre croissant de s'expatrier ; il a suggéré de placer l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger sous la double tutelle du ministère des affaires étrangères et du ministère de l'éducation nationale. Évoquant la réussite de ce réseau scolaire en matière d'enseignement des langues étrangères, il a estimé que son expérience pouvait être riche d'enseignements pédagogiques pour les écoles métropolitaines.

S'appuyant sur un récent sondage, Mme Hélène Luc a noté qu'une majorité de Français souhaitait qu'une priorité soit donnée à l'éducation nationale et à son renforcement. Elle a également insisté sur la nécessité de prendre en compte les évolutions liées au développement des nouvelles technologies. Exprimant son soutien au plan pluriannuel annoncé par le ministre, elle s'est interrogée sur l'articulation de ce dernier avec le prochain projet de budget. Elle a souligné la nécessité de renforcer l'encadrement des élèves, dès l'école maternelle, et la formation des enseignants dans les IUFM. Elle s'est enfin enquise des mesures susceptibles d'améliorer l'accueil des étudiants étrangers, notamment en favorisant l'apprentissage de la langue française.

M. Xavier Darcos a souhaité un ralentissement du rythme des réformes, qui devraient, selon lui, se concentrer sur des objectifs clairs privilégiant l'acquisition des fondamentaux à l'école primaire, afin de ne pas disperser les efforts des acteurs éducatifs en faveur des élèves les plus modestes.

Il s'est enquis des mesures qui seront proposées pour réduire l'échec scolaire.

M. Adrien Gouteyron, président, a demandé des précisions sur l'avenir des classes de quatrième et troisième technologiques et sur les solutions susceptibles d'être retenues pour prendre en compte l'hétérogénéité des élèves dans le cadre du collège unique.

Répondant à ces interventions, M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale, a précisé que la question d'un abaissement à cinq ans de l'âge de la scolarité obligatoire restait posée, mais qu'aucune décision n'avait encore été prise. Il a insisté sur la convergence des rapports d'experts qui soulignent le rôle décisif des capacités d'expression orale des enfants dans leur aptitude à l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. Il a estimé que la charte du XXIe siècle constituait un cadre de réflexion, d'un caractère plus incitatif que contraignant, qui a donné lieu à des expérimentations intéressantes sous l'égide de l'Institut national de la recherche pédagogique, qui devaient être développées et prolongées.

Soulignant les inconvénients d'un rythme trop soutenu de réformes, il s'est engagé à se concentrer sur des mesures concrètes dans l'intérêt des élèves, notamment en matière d'apprentissage de la lecture et de l'écriture, qui constitue le " noyau dur " de notre école.

Insistant sur la nécessité d'assurer le plein épanouissement conceptuel, concret et sensible de l'enfant, il s'est déclaré favorable à une adaptation de la formation des maîtres pour établir un équilibre entre ces trois dimensions, et remobiliser les élèves en développant chez eux le goût des expériences concrètes.

Il a indiqué que la réflexion relative à l'aménagement des rythmes scolaires serait poursuivie, en précisant que des études avaient montré que la matinée n'est pas nécessairement le moment où les élèves sont le plus réceptifs aux enseignements scolaires.

Reconnaissant que les emplois-jeunes avaient apporté un soutien efficace aux enseignants, il a indiqué que ce système serait préservé, et sans doute recentré en direction des écoles ; il a estimé que la réinsertion professionnelle des aides-éducateurs ne posait, dans la grande majorité de cas, pas de difficultés, et a rappelé qu'une formation complémentaire était prévue pour venir en aide à ceux qui en auraient besoin. Les possibilités d'intégration au sein de l'éducation nationale étant par nature limitées, il a rappelé que son prédécesseur avait engagé avec les entreprises des négociations qui seront poursuivies.

Le ministre a estimé que les mesures envisagées en matière d'enseignement des langues vivantes à l'école primaire constituaient un véritable changement de cap, puisque le plan de cinq ans se propose d'assurer, par étapes, la généralisation d'une pratique jusqu'alors limitée, en s'appuyant sur les professeurs des collèges volontaires ; conformément aux recommandations de linguistes éminents, comme le professeur Hagège, qui insistent sur l'intérêt de former très tôt l'oreille et la prononciation des enfants, on s'efforcera également dans la mesure du possible de recourir aux locuteurs étrangers. Il a également indiqué que les IUFM consacreront une plus large place à l'enseignement des langues étrangères.

S'agissant de la liaison école-collège, il a estimé que la réforme de l'école primaire, en privilégiant la maîtrise de l'écriture, de la lecture, l'apprentissage d'une langue vivante, et l'initiation aux nouvelles technologies, devrait en elle-même contribuer à faciliter l'accès au collège.

Il a pris l'engagement d'équiper la totalité des écoles en matériel informatique d'ici 2002 : une enveloppe de 60 millions de francs a été inscrite à cet effet dans le collectif budgétaire, et devrait être renouvelée dans le projet de loi de finances pour 2001. Parallèlement, un certain nombre d'écoles, érigées en " écoles ressources " seront ouvertes aux professeurs soucieux de compléter leur formation en ce domaine. Il a ajouté que l'équipement des collèges et lycées était en revanche déjà très avancé, grâce aux efforts des collectivités locales.

Soulignant l'intérêt pédagogique de ces nouvelles technologies, il a cependant estimé que l'outil informatique ne saurait en aucun cas se substituer aux professeurs.

Reconnaissant la désaffection qui touche la fonction de directeur d'école, il a indiqué qu'un groupe de travail avait été constitué sur ce problème.

Il a par ailleurs exprimé son souhait d'améliorer le fonctionnement des conseils d'administration des établissements scolaires, de façon notamment à mieux prendre en compte les contraintes horaires des professeurs et des parents d'élèves. Déplorant le recul de l'enseignement de l'italien, il a rappelé que des expériences avaient été engagées dans certaines régions afin de susciter un regain d'intérêt pour cette langue.

Évoquant la situation des académies de l'Hérault et du Gard, qui connaissent une forte hausse démographique et des difficultés économiques et sociales, il a précisé que des créations de postes avaient déjà permis d'améliorer l'encadrement des élèves, cet effort, mené en liaison avec le rectorat devant être poursuivi.

Convenant que le dispositif d'enseignement français à l'étranger devait rester placé sous le signe de l'excellence, il a cité " le projet pédagogique et éducatif pour l'enseignement français à l'étranger " qui témoigne d'une collaboration renforcée entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'éducation nationale. Il a en outre précisé les démarches communes entreprises par ces deux ministères pour faciliter l'accès des étudiants étrangers à notre université.

M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué, a ensuite précisé les modalités de sélection des 200 dossiers retenus pour mettre en oeuvre la licence professionnelle.

Évoquant les nécessaires adaptations de l'enseignement professionnel aux besoins de l'économie, il a estimé que l'éducation nationale, qui se doit de travailler sur le long terme, faisait néanmoins preuve d'une bonne " réactivité " et pouvait par exemple mettre en place de nouvelles formations dans un délai d'un an.

Il a estimé que la charte de l'enseignement professionnel intégré, qui a suscité de vives réactions, devait être considérée comme un rapport d'étape qu'il conviendra de dépasser dans le cadre des conventions annuelles de la formation professionnelle.

Évoquant l'avenir des classes de 4e et de 3e professionnelles, il a déclaré qu'il convenait d'examiner sans préjugé la hiérarchie des difficultés, en évitant toute forme de stigmatisation et d'arrogance culturelle qui conduit à minorer l'" intelligence concrète ". Considérant qu'elles constituent aussi une voie de réussite pour certains jeunes et un vivier de recrutement pour les lycées professionnels, il a annoncé qu'il avait été décidé de suspendre la fermeture de ces classes.