AFFAIRES CULTURELLES

Table des matières


MERCREDI 7 JUIN 2000

- Présidence de M. James Bordas, vice-président. -

Outre-mer - Loi d'orientation pour l'outre-mer - Examen du rapport pour avis

La commission a d'abord procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Victor Reux sur le titre IV du projet de loi n° 342 (1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'outre-mer.

A titre liminaire, M. Victor Reux, rapporteur pour avis, a souligné la portée particulièrement modeste des six articles du titre IV qui est consacré au développement de la culture et des identités d'outre-mer : à l'exception de l'article 17 qui autorise la création d'un Institut universitaire de formation des maîtres de plein exercice en Guyane, les autres dispositions sont disparates, ont un caractère plus déclaratif que véritablement normatif et ne modifient guère le cadre législatif régissant le développement culturel et l'organisation du système d'enseignement outre-mer.

Il a indiqué que ces dispositions étaient notamment en retrait par rapport aux propositions formulées dans le récent rapport de mission remis il y a juste un an au Premier ministre par M. Claude Lise, sénateur de la Martinique, et M. Michel Tamaya, député de la Réunion.

Il a ensuite abordé le volet éducatif de ce projet de loi en précisant que l'article 18 se proposait de valoriser les langues régionales des départements d'outre-mer et que l'article 18 bis (nouveau), introduit par l'Assemblée nationale, tendait à créer une commission d'adaptation des programmes scolaires.

Il a estimé que ces quelques mesures étaient loin de répondre aux problèmes et aux besoins constatés en matière d'éducation dans les DOM, qui ont d'ailleurs suscité la mise en place d'un plan de rattrapage pour la Guyane à l'automne 1996 et d'un plan pluriannuel de développement pour l'ensemble de ces départements à l'automne 1997.

Il a ensuite évoqué les caractéristiques générales du système scolaire des DOM, et plus spécifiquement de la Guyane, en reprenant certaines des observations effectuées par la commission d'enquête du Sénat sur la gestion des personnels de l'éducation.

Il a rappelé que les effectifs scolarisés outre-mer connaissaient une évolution inverse de celle de la métropole : dans le premier degré, comme dans l'enseignement secondaire, ces effectifs enregistrent une forte croissance qui est appelée à se poursuivre. La population scolaire en Guyane devrait ainsi passer de 50.000 à 100.000 élèves d'ici 2012, en raison notamment d'une immigration incontrôlée provenant pour l'essentiel du Surinam.

Il a également constaté dans ces départements un taux de scolarisation inférieur à celui de la métropole, qu'il s'agisse de la pré-scolarisation, du second cycle du second degré au-delà de l'obligation de scolarité, ou de l'accès au baccalauréat, ainsi que de moindres performances du système scolaire tenant sans doute, jusqu'à une époque récente, à la faiblesse de l'encadrement des élèves.

S'agissant de l'académie de Guyane qui est confrontée à des problèmes spécifiques, il a indiqué que l'obligation de scolariser environ 10 % d'élèves supplémentaires dont de nombreux enfants non francophones, chaque année du fait de l'immigration, et que les conditions de vie et de travail très difficiles des enseignants en forêt et sur les fleuves, étaient à l'origine d'un taux de rotation très rapide des personnels, qui sont le plus souvent jeunes, inexpérimentés et non guyanais : 60 % de la population est dépourvue de tout diplôme et 40 % des jeunes Guyanais ne disposent d'aucune qualification professionnelle.

Il a ajouté que dans le premier degré, les élèves d'origine étrangère représentaient près d'un tiers des effectifs et que seulement les deux tiers des enfants de trois ans étaient scolarisés. Par ailleurs, le corps enseignant se caractérise par un taux d'absentéisme important et par une forte mobilité des personnels, en majorité antillais, qui aspirent à revenir rapidement dans leur département d'origine.

S'agissant du second degré, il a précisé que la moitié des élèves n'étaient pas francophones et que les collèges devaient mettre en place des classes d'alphabétisation pour accueillir des primo-arrivants de tous âges. S'agissant des enseignants, il a rappelé que l'académie était très déficitaire en titulaires, qui demandent très rapidement une autre affectation, et devait donc recourir de manière permanente et massive à des personnels locaux à statut précaire, contractuels ou maîtres auxiliaires.

Il a considéré que le maintien d'un noyau suffisamment large d'enseignants guyanais apparaissait indispensable pour assurer le fonctionnement des écoles et établissements qui est trop souvent perturbé par ces " enseignants de passage ".

Il a rappelé que les enseignants affectés en Guyane bénéficiaient d'une surrémunération, d'une indemnité d'éloignement, d'une indemnité d'isolement pour ceux qui sont nommés dans certaines communes du fleuve Maroni et d'un remboursement de leurs frais de transport. Il a estimé que le maintien de ce dispositif indemnitaire était nécessaire pour conforter des vocations incertaines dans les écoles et les établissements particulièrement isolés.

Le rapporteur pour avis a ainsi considéré que la création d'un IUFM de plein exercice à Cayenne, destinée à développer une filière de formation de professeurs guyanais, apparaissait pleinement justifiée et permettrait de proposer une formation spécifique adaptée aux conditions d'enseignement dans le premier degré et de sensibiliser les enseignants venus d'ailleurs à la diversité linguistique et culturelle du département.

Il a rappelé à cet égard que la loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989 posait le principe du rattachement des IUFM à une ou plusieurs universités de chaque académie : si la Guyane est dotée depuis le début de 1997 d'une académie et d'un recteur, elle ne possède pas d'université de plein exercice et ne dispose que d'une antenne de l'IUFM des Antilles-Guyane dont le siège est en Guadeloupe.

Il a précisé que l'antenne de Guyane avait accueilli 183 élèves en 1999 dont 178 professeurs des écoles, 85 % des places étant occupées par des étudiants d'origine antillaise.

Il a rapproché ces effectifs des quelque 550 étudiants inscrits à l'Institut d'études supérieures de la Guyane, les autres formations supérieures se limitant à quatre sections de techniciens accueillant 120 élèves et à un IUT implanté à Kourou recevant 78 étudiants, dont seulement un tiers de Guyanais.

Il a ajouté que tout effort de formation était voué à l'échec s'il n'était pas accompagné de conditions matérielles décentes pour les enseignants, tant en termes de logement que d'incitations financières, ainsi que d'une coopération avec les Etats frontaliers de la Guyane qui doit être amplifiée pour contrôler l'immigration.

S'agissant du problème de la reconnaissance des langues et cultures régionales d'outre-mer, le rapporteur pour avis a estimé, comme les initiateurs du projet de loi, que l'amélioration de la maîtrise du français pouvait résulter d'une reconnaissance de ces langues, laquelle s'inscrit dans la démarche du gouvernement qui s'est traduite par la signature de la charte du Conseil de l'Europe sur les langues régionales et minoritaires : il a cependant rappelé que cette charte n'avait pas encore été ratifiée par le Parlement, le Conseil d'Etat ayant fait observer qu'une telle ratification supposait une révision constitutionnelle préalable.

Afin de renforcer l'usage de ces langues régionales, et notamment des créoles, le rapporteur pour avis a indiqué que l'Assemblée nationale avait tenu à préciser qu'elles entraient dans le champ d'application de la loi dite Deixonne du 11 janvier 1951 relative à l'enseignement des langues et dialectes locaux qui visait à l'origine le breton, le basque, le catalan et la langue occitane, le corse ayant été ajouté en 1974, le tahitien en 1981 et les quatre langues mélanésiennes de Nouvelle-Calédonie en 1992.

Il a rappelé que le rapport Poignant sur les langues et cultures régionales insistait sur le fait que les créoles étaient les langues maternelles les plus répandues sur le territoire de la République et seraient utilisées par environ un million de locuteurs des DOM.

Il a estimé qu'une prise en compte de la langue créole, notamment dans les petites classes, serait susceptible de lutter plus efficacement contre l'échec scolaire et pourrait être un atout pour l'apprentissage d'autres langues. Il a cependant tenu à souligner que l'enseignement des langues régionales dans l'éducation nationale restait fondé sur le volontariat des familles et des maîtres, dans le respect de la cohérence du service public pour chaque niveau d'enseignement.

Le rapporteur pour avis a donc jugé légitime d'accorder, un demi-siècle après la loi de 1951, leur juste place aux langues régionales des DOM en les alignant sur le droit commun de la métropole, de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie.

Il a cependant souhaité que cette consécration ne se réalise pas au détriment de l'apprentissage et de la maîtrise du français, qui reste la langue de la République, et encourage un repliement identitaire qui serait préjudiciable à l'unité de la nation, au rayonnement culturel et économique des DOM et au développement de la francophonie.

S'agissant de l'adaptation des programmes scolaires aux spécificités des départements d'outre-mer, il a rappelé que le projet ne prévoyait aucune disposition particulière, et que deux instructions récentes, du 16 février dernier, permettaient déjà, d'une part, d'adopter les programmes d'histoire et de géographie dans les départements concernés et, d'autre part, de modifier les programmes nationaux pour l'ensemble des élèves afin de tenir compte de la contribution de l'histoire et de la culture de l'outre-mer au patrimoine national. Il a indiqué que l'Assemblée nationale avait souhaité aller plus loin en ce domaine en proposant qu'une commission ad hoc, dans chaque DOM, ait pour mission d'adapter les programmes d'enseignement et les méthodes pédagogiques aux spécificités de chaque département.

Il a exprimé la crainte qu'une telle proposition soit de nature à porter atteinte au caractère national des programmes et à leur mode d'élaboration.

Le rapporteur pour avis a ensuite présenté les dispositions qui, outre l'article 18 relatif à la reconnaissance des langues régionales, constituaient le volet culture du projet de loi d'orientation.

Il a souligné que les habitants des départements d'outre-mer aspiraient à l'égalité culturelle. Ce désir se traduit par leur volonté de surmonter les handicaps qu'ils rencontrent pour accéder à la culture dans les mêmes conditions que les habitants de métropole, mais également de trouver une voie pour l'expression de leurs identités culturelles propres. A ce titre, il a fait observer que le rapport de MM. Claude Lise et Michel Tamaya contenait plusieurs propositions destinées notamment à développer des politiques de valorisation du patrimoine linguistique qui devait également permettre aux départements d'outre-mer de réaffirmer leur unité, en dépit de leur éloignement géographique, de contribuer à leur insertion dans leur environnement régional, mais aussi de favoriser une meilleure prise en compte des identités ultramarines en métropole.

Le rapporteur pour avis a constaté que, si, en ce domaine, l'initiative revenait naturellement aux collectivités locales, et que l'essentiel des mesures proposées ne relevait pas du domaine de la loi, le projet de loi ne répondait que très imparfaitement aux aspirations des départements d'outre-mer. En effet, outre les nouvelles compétences qui leur sont reconnues en matière diplomatique et qui leur permettront d'intensifier les actions internationales de coopération culturelle, le projet de loi ne prévoit qu'une mesure à portée symbolique inscrite à l'article 20.

Cette disposition pose le principe d'une compensation, pour le calcul du soutien financier automatique dont peuvent bénéficier les entreprises de production cinématographique établies dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon, de l'absence d'assujettissement de leurs salles à la taxe spéciale sur les places de cinéma.

Le rapporteur pour avis a estimé que si l'on pouvait approuver la volonté du gouvernement de remédier à l'insuffisance de l'expression des identités ultramarines, le projet de loi n'empruntait pas le vecteur le plus pertinent ; le cinéma est, en effet, un média coûteux, qui exige, en raison de l'exiguïté de ces départements comme de la concentration des industries techniques propre à ce secteur, de recourir aux ressources de la métropole.

Il a considéré qu'une réponse plus adéquate à la volonté des départements d'outre-mer de trouver de nouveaux moyens d'expression résidait dans un effort de rééquilibrage territorial des dépenses culturelles de l'Etat vers ces départements, conjugué à une intensification des collaborations avec les collectivités locales, dont les actions en ce domaine ne pouvaient égaler celles des collectivités de métropole, en raison de leur situation financière fragile.

Après avoir rappelé que lors des débats à l'Assemblée constituante de la loi de 1946 qui avait créé les départements d'outre-mer, le président Gaston Monnerville avait plaidé pour leur assimilation au territoire métropolitain au motif qu'ils constituaient des foyers de culture française dans des zones où celle-ci était traditionnellement peu présente, qu'il s'agisse du continent américain ou de l'Océan indien, et aspirait ainsi à une plus large présence de la culture française dans cette partie de la République, il a affirmé que cette préoccupation gardait encore aujourd'hui toute son actualité, qu'il s'agisse de renforcer l'assimilation des départements d'outre-mer à la Nation ou de contribuer au rayonnement culturel international de la France.

A cet égard, revêtent une importance fondamentale les actions destinées à remédier aux handicaps que rencontrent les habitants des départements d'outre-mer pour accéder à la culture dans des conditions comparables à celles de la métropole. A ce titre, l'éloignement géographique apparaît comme l'obstacle le plus pénalisant. Il se traduit par un renchérissement des prix des biens culturels, livres, presse ou encore multimédia, mais également par les difficultés rencontrées pour bénéficier des ressources culturelles de la métropole.

Au-delà de cette donnée physique, ces départements souffrent à l'évidence d'une situation économique et sociale très dégradée, situation qui aggrave les inégalités culturelles imputables à l'insularité.

Ces constats d'ordre économique et géographique imposent donc qu'une attention particulière soit accordée aux actions destinées à promouvoir une égalité culturelle.

Le rapporteur pour avis a cependant souligné que, bien que l'insularité les place au coeur de tous les débats relatifs à l'environnement socioculturel, la situation financière très fragile des collectivités territoriales ne leur permettait guère, à la différence de celles de la métropole, de prendre une part déterminante dans la politique culturelle. Cette situation explique pour une large part le sous-équipement culturel des DOM ; les déficits les plus marqués concernent les institutions culturelles de proximité dont le rôle en matière de médiation culturelle est pourtant essentiel, qu'il s'agisse des bibliothèques ou des écoles de musique, ce qui se traduit mécaniquement par la faiblesse des relations entre ces dernières et les établissements scolaires.

Il a estimé que ces constats imposaient que soit consenti un effort significatif pour rapprocher en matière culturelle les DOM de la métropole. Il a indiqué que le projet de loi propose à ce titre deux mesures de portée modeste.

En premier lieu, l'article 19 prévoit des mesures tendant, en matière de biens culturels, à la réduction des écarts de prix entre les DOM et la métropole. Il a relevé que le contenu de ces mesures, dont la nécessité avait été soulignée par MM. Lise et Tamaya, n'était pas précisé, à l'exception de celle relative au livre. L'engagement de l'Etat apparaît pour le moins limité : le financement de ces mesures, qui seront mises en place "progressivement", incombe, en effet, à l'Etat mais aussi aux collectivités territoriales, dont les ressources sont cependant très limitées.

M. Victor Reux, rapporteur pour avis, a considéré cependant que de telles mesures étaient nécessaires : elles doivent prendre la forme de compensations financières destinées à tenir compte de l'éloignement mais également porter directement sur les tarifs d'acheminement des biens et des personnes qui, bien souvent, faute de concurrence, sont très élevés. Il a fait observer qu'en ce domaine les responsabilités de l'Etat étaient éminentes.

La seule mesure concrète prévue à ce titre par le projet de loi réside dans l'extension aux départements d'outre-mer, à compter du 1er janvier 2002, de la loi du 10 août 1981 relative au prix unique du livre. Sur ce point, le rapporteur pour avis a regretté que le texte du projet de loi ne comporte pas de précisions sur l'engagement du gouvernement à compenser le coût de cette légitime mesure d'équité.

Faute d'une telle mesure dont les modalités devaient être étudiées dès le début de l'été par une mission mandatée par le gouvernement, il y a fort à craindre que l'équilibre financier, déjà très précaire, des libraires d'outre-mer soit gravement menacé et que les effets économiques induits par cette mesure d'équité n'annulent le bénéfice culturel à en attendre.

Le rapporteur pour avis a indiqué que la seconde mesure destinée à "rapprocher" physiquement en quelque sorte, les départements d'outre-mer de la métropole consistait dans la création, prévue par l'article 21, d'un fonds destiné à promouvoir les échanges éducatifs, culturels ou sportifs de ces départements vers la métropole ou les pays situés dans leur environnement régional. Il a estimé qu'il s'agissait là d'une mesure pragmatique bienvenue, qui permettrait de conforter les nombreuses initiatives prises en ce domaine par les collectivités territoriales, à condition toutefois que ce fonds bénéficie de manière pérenne du soutien financier de l'Etat.

A la suite de l'exposé du rapporteur pour avis, un large débat s'est instauré.

M. André Maman a souhaité obtenir des précisions complémentaires sur le système scolaire en Guyane et notamment sur le nombre d'enfants non scolarisés, sur l'origine des enseignants et sur les avantages dont ceux-ci bénéficiaient.

Il s'est enquis des langues régionales qui faisaient déjà l'objet d'un enseignement en Guyane dans le cadre de l'éducation nationale, et a demandé si l'obligation de scolarité s'appliquait à tous les enfants issus de l'immigration clandestine.

Il a par ailleurs évoqué la situation générale de l'ensemble des départements d'outre-mer dans le domaine de l'éducation.

M. Jacques Legendre s'est étonné de la proportion d'élèves non francophones en Guyane dans le second degré, et s'est demandé si les établissements avaient l'obligation de les accueillir. Il s'est interrogé sur la responsabilité de l'enseignement primaire en ce domaine. Après avoir exprimé ses plus vives réserves quant à une ratification de la charte du Conseil de l'Europe sur les langues régionales et minoritaires, il a manifesté son accord pour faire entrer les langues régionales ultramarines dans le champ d'application de la loi Deixonne.

Il a en revanche exprimé son scepticisme quant aux effets bénéfiques de l'instrumentalisation des langues régionales pour l'apprentissage et la maîtrise du français.

Il a souhaité que la mise en oeuvre de la loi de 1951 dans les DOM fasse l'objet d'un suivi, via un rapport au Parlement et a rappelé que l'enseignement des langues régionales devait rester fondé sur le volontariat.

Il a par ailleurs estimé que des mesures devraient être prises à l'encontre des enseignants qui se distinguent par un absentéisme excessif.

Après avoir évoqué les circonstances qui ont suscité l'éclatement de l'ancienne académie des Antilles-Guyane, il s'est demandé si les enseignants d'origine métropolitaine avaient contribué à freiner le développement des langues régionales dans ces départements.

Il a enfin souhaité obtenir des précisions sur les aménagements susceptibles d'être introduits dans les programmes d'histoire.

M. René-Pierre Signé a fait observer que la culture française avait été imposée à nos anciennes colonies sans référence à leur histoire, contrairement à l'attitude observée par le Royaume-Uni à l'égard de son empire colonial.

M. Louis de Broissia a rappelé que cette politique unificatrice avait été engagée surtout après Jules Ferry mais que des adaptations aux programmes existaient en fait dans nos anciennes colonies comme l'Indochine.

M. Alain Dufaut a fait observer que la situation de Cayenne et de Kourou ne pouvait être comparée à celle des villages du Maroni qui ne sont accessibles qu'en pirogue, et qui subissent une immigration permanente de familles du Surinam attirées par notre système sanitaire, social et éducatif, notre administration étant bien en peine de contrôler ces mouvements de population au plan local.

Soulignant les difficultés des conditions de vie et d'enseignement en forêt et sur le fleuve, il a estimé que le système actuel d'incitations financières devait être maintenu au bénéfice des enseignants concernés.

M. Serge Lagauche a estimé que l'échec scolaire outre-mer résultait davantage des conditions économiques et sociales que d'une absence de reconnaissance des langues créoles dans l'éducation nationale.

Répondant à ces interventions, M. Victor Reux, rapporteur pour avis, a notamment apporté les précisions suivantes :

- les enseignants exerçant en Guyane bénéficient d'une prime d'éloignement correspondant à un an de traitement, qui est susceptible d'être supprimée par l'article 12 bis du projet de loi, d'une surrémunération et d'une prime spécifique lorsqu'ils exercent dans certains villages du fleuve, ces avantages devant être préservés pour maintenir la qualité de l'enseignement ;

- les communautés surinamienne et brésilienne représentent environ 30.000 personnes en Guyane ;

- tous les enfants d'âge scolaire, même issus de l'immigration clandestine doivent être scolarisés en vertu de l'obligation scolaire ;

- les plans de rattrapage ont permis d'améliorer l'encadrement des élèves, mais leurs effets sont obérés en Guyane du fait de la croissance démographique et d'une immigration incontrôlée ;

- l'usage du créole à l'école, qui constitue la langue maternelle de la majorité des enfants, est de nature à réduire l'échec scolaire et le mutisme des élèves mais son enseignement doit rester optionnel et fondé sur le volontariat des maîtres et des familles ;

- l'usage de la langue vernaculaire dans l'enseignement, comme le préconisent des linguistes éminents, crée un lien entre la maison et l'école et doit contribuer à la maîtrise de la langue française ;

- la place de la langue française doit être préservée dans une perspective de développement de la francophonie ;

- la création d'un IUFM de plein exercice à Cayenne est essentielle pour " guyaniser " le corps des professeurs des écoles et les stabiliser ; les conditions de vie et d'enseignement difficiles sont à l'origine du fort absentéisme des enseignants et de leur court passage en Guyane ;

- l'adaptation des programmes scolaires a été réclamée par de nombreux élus des DOM qui demandent une plus grande reconnaissance des identités ultramarines ; il convient de rappeler que les instructions officielles existantes autorisent d'ores et déjà des aménagements substantiels aux programmes ;

- une coopération doit être développée avec les Etats voisins de la Guyane pour tenter de contrôler l'immigration.

La commission a ensuite abordé l'examen des articles.

A l'article 18 bis (nouveau) (adaptation des programmes scolaires), après les interventions de MM. Jean-Luc Miraux, Serge Lagauche, Jacques Legendre et Louis de Broissia, la commission a adopté un amendement tendant à permettre au conseil de l'éducation existant dans chaque département d'outre-mer de rendre tout avis sur les programmes scolaires et d'émettre toute proposition en vue de l'adaptation de ceux-ci aux spécificités locales.

A l'article 20 (compensation de la non-application de la taxe spéciale sur le prix des places de spectacles cinématographiques dans les départements d'outre-mer), la commission a adopté un amendement rédactionnel.

Après avoir adopté les amendements proposés par son rapporteur pour avis, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des dispositions du titre IV du projet de loi ainsi modifiées.

Presse - Statut de l'Agence France-Presse - Nomination d'un rapporteur et examen du rapport

Puis la commission a nommé M. Louis de Broissia rapporteur de la proposition de loi n° 368 (1999-2000) modifiant la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 portant statut de l'Agence France-Presse. Elle a ensuite procédé àl'examen du rapport sur cette proposition de loi.

M. Louis de Broissia, rapporteur, a rappelé que l'Agence France-Presse (AFP) souffrait d'un manque chronique de moyens financiers l'empêchant de mettre en oeuvre une stratégie de développement dynamique, et a noté l'urgence de porter remède à cette situation alors que l'avancée de la société de l'information bouleverse l'environnement technique et économique de l'ensemble des métiers de l'information. Il a estimé que le développement de l'AFP impliquait en particulier la création de nouveaux services multimédia.

Il a rappelé que, faute de moyens financiers, l'AFP avait notamment raté la diversification dans l'information et dans les transactions financières réussie par Reuters dans les années 70, ainsi que le virage de l'information audiovisuelle dans les années 90.

Il a estimé qu'une des causes de cette situation résidait dans le fait que le statut de 1957 ne permettait pas à l'Agence de lancer les initiatives nécessaires à la réalisation d'investissements importants.

Un plan stratégique de développement présenté par l'actuel président de l'AFP afin de permettre l'établissement de partenariats avec des opérateurs privés ou publics a été retiré le 29 novembre 1999 devant la forte opposition des syndicats à son adoption.

Devant les risques d'enlisement du débat sur l'adaptation du statut de 1957 et devant le risque d'une marginalisation progressive de l'AFP face à des concurrents en pleine expansion, il était nécessaire de prendre une initiative.

La proposition de loi présentée à la commission correspond à cet objectif. Elle ne reprend pas les propositions effectuées dans le cadre du plan stratégique de développement, mais tend à apporter au statut de 1957 quelques adaptations limitées, susceptibles de permettre à l'Agence de définir et de mettre en oeuvre une stratégie de développement dynamique dans le cadre des obligations fondamentales définies à l'article 2 de ce texte : indépendance à l'égard des intérêts de tous ordres, impartialité, développement, rayonnement mondial.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a regretté le très bref délai entre le dépôt de la proposition de loi et son examen par la commission, et a estimé qu'il aurait été utile que celle-ci procède préalablement à l'audition des différentes parties intéressées.

M. Louis de Broissia, rapporteur, a rappelé que le dépôt de sa proposition de loi s'inscrivait dans la logique du droit d'initiative parlementaire. Rappelant les difficultés qui ont marqué le processus d'examen du projet de loi sur la communication audiovisuelle, il s'est félicité du fait que, conformément à l'annonce qu'il avait faite en ce sens dans son avis budgétaire et lors de la récente audition par la commission du ministre de la culture et de la communication, une initiative ait pu être prise rapidement au Sénat en faveur de l'AFP.

La commission a ensuite procédé à l'examen du dispositif proposé par le rapporteur.

M. Louis de Broissia, rapporteur, a indiqué que l'article premier de la proposition de loi prévoyait de permettre à l'AFP de prendre des participations dans toutes sociétés françaises ou étrangères constituées ou à constituer. Il a précisé que cette disposition inscrivait dans la loi de 1957 une possibilité que prévoit d'ores et déjà le décret du 9 mars 1957 pris pour l'application de cette loi, et précisait le cadre et les finalités de cette possibilité. Il a notamment indiqué que les prises de participations effectuées par l'Agence devraient respecter l'objet et les obligations fondamentales définies aux articles premier et 2 de la loi de 1957, et tendre à assurer son développement, en particulier par la création de nouveaux services.

L'article 2 porte à cinq ans la durée du mandat du président. M. Louis de Broissia, rapporteur, a précisé que le mandat en cours ne serait pas touché par cette mesure.

Il a ensuite indiqué que l'article 3 permettait au conseil d'administration de l'Agence d'adopter un budget en déséquilibre, à titre exceptionnel et après avis motivé de la commission financière, à condition que le déséquilibre soit justifié par la mise en oeuvre des projets de développement et que les conditions du retour à l'équilibre dans les trois ans soient explicitement prévues. Il a noté que ce dispositif consacrait une possibilité que le texte actuel de la loi de 1957 admet implicitement et encadrait sa mise en oeuvre de façon précise.

Il a ensuite indiqué que l'article 4 consacrait d'une part le droit de l'AFP de recourir à l'emprunt, cette possibilité n'étant actuellement mentionnée que dans le décret du 9 mars 1957, et précisait, d'autre part, les conditions dans lesquelles l'Agence pourra recourir à cette modalité spéciale de financement par l'emprunt que constitue l'émission de titres participatifs et d'obligations.

Il a noté que cet article adaptait aux spécificités de l'AFP le régime juridique défini pour les obligations aux articles 285 à 339 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales. Ces dispositions précisent en particulier les modalités de regroupement des obligataires en une ou plusieurs masses jouissant de la personnalité civile, interdisent aux obligataires d'exercer individuellement un contrôle sur les activités de l'Agence, et interdisent aux masses d'obligataires de s'immiscer dans la gestion de l'Agence.

Enfin, l'article 5 prévoit la fixation par décret en Conseil d'Etat des conditions d'application de la loi.

A l'issue de cet examen, la commission a adopté les conclusions proposées par son rapporteur.