Table des matières




Mardi 13 novembre 2001

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

Culture - Création d'établissements publics de coopération culturelle - Examen du rapport en deuxième lecture

La commission a tout d'abord examiné, sur le rapport de M. Ivan Renar, la proposition de loi n° 20 (2001-2002), modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la création d'établissements publics de coopération culturelle.

Rappelant que le Sénat avait adopté à l'unanimité, le 14 juin 2001, cette proposition de loi, M. Ivan Renar, rapporteur, a indiqué que le débat à l'Assemblée nationale, qui a eu lieu le 11 octobre dernier, avait fait apparaître quelques divergences avec la position du Sénat, qu'il proposerait à la commission d'examiner « dans un esprit de conciliation mais aussi de fermeté tranquille ».

Il a souligné qu'à l'issue de la première lecture, un large accord existait, entre les deux assemblées et au sein de chacune d'elles, sur le principe de la création d'une nouvelle catégorie d'établissements publics permettant d'individualiser les services publics culturels, de respecter leur individualité et d'organiser, dans un cadre juridique clair, les partenariats entre l'Etat et les collectivités territoriales, ou entre les collectivités territoriales.

Recensant en premier lieu les points de convergence entre les deux assemblées, il a relevé qu'ils portaient notamment sur :

- la possibilité de constituer les établissements publics de coopération culturelle (EPCC) sous forme d'établissements publics à caractère administratif ou à caractère industriel et commercial, cette dernière option permettant de résoudre les problèmes de recrutement et de statut des personnels artistiques et techniques des services publics gérant des entreprises de spectacle vivant ;

- la composition du conseil d'administration ;

- les modalités de choix du président du conseil d'administration ;

- les conditions de nomination du directeur, qui devra résulter d'une concertation entre les personnes publiques partenaires, afin de ne plus cantonner les collectivités territoriales dans le rôle de « guichet », mais aussi de conforter la liberté d'action du directeur ;

- les dispositions relatives au contrôle des EPCC et à leurs ressources ;

- la possibilité pour les collectivités territoriales ou leurs groupements de constituer des EPCC sans participation de l'Etat ;

- les dispositions transitoires permettant aux salariés d'une association ou d'une société transformée en EPCC à caractère administratif -ce qui pourra être le cas de certains établissements d'enseignement supérieur- de conserver le bénéfice de leurs contrats à durée indéterminée : le rapporteur a précisé que l'Assemblée nationale avait opportunément complété ces dispositions pour prévoir que les contractuels employés dans des régies directes transformées en EPCC pourraient à leur demande être réemployés par l'EPCC, du moins jusqu'au terme de leur contrat en cours.

Abordant ensuite les divergences entre les deux assemblées, M. Ivan Renar, rapporteur, a indiqué que les plus importantes, qui ne paraissaient cependant pas insurmontables, portaient, d'une part, sur les modalités de création des EPCC et, d'autre part, sur la possibilité pour les EPCC à caractère administratif -essentiellement les musées- de recruter des agents non titulaires par des contrats à durée indéterminée pour occuper certains emplois ne correspondant pas à des cadres d'emploi de la fonction publique territoriale.

Sur le premier point, M. Ivan Renar, rapporteur, a noté que l'Assemblée nationale avait réécrit les dispositions du texte relatives à la procédure de création des EPCC, en leur apportant trois modifications de fond, dont deux lui paraissaient pouvoir être retenues par le Sénat, une autre étant en revanche plus contestable.

Commençant par cette dernière, le rapporteur a exposé qu'elle prévoyait que lorsque l'Etat participait à la constitution d'un EPCC, le représentant de l'Etat compétent pour en approuver la création devrait au préalable prendre une « décision concordante » pour exprimer l'accord de l'Etat.

M. Ivan Renar a estimé que cette procédure était inutile.

D'une part, a-t-il remarqué, l'Etat aura en fait été associé à l'élaboration du projet d'EPCC avant même les délibérations des collectivités territoriales et en droit, d'autre part, le représentant de l'Etat compétent pour prendre l'arrêté de création d'un établissement public de coopération dispose d'un pouvoir d'appréciation sur la constitution de cet établissement. Le rapporteur a en conséquence exprimé sa préférence pour la procédure prévue en première lecture par le Sénat, plus simple et qui correspond aux deux cas de figure qui peuvent se présenter : si l'Etat participe à la constitution de l'EPCC, l'arrêté de création suffira à officialiser son accord ; si l'EPCC est constitué uniquement par des partenaires locaux, la procédure de création sera similaire à celle applicable aux syndicats mixtes.

M. Ivan Renar, rapporteur, a en revanche indiqué qu'il proposerait à la commission, sous réserve d'améliorations rédactionnelles, de reprendre les amendements de l'Assemblée nationale donnant compétence, pour prendre l'arrêté de création de l'EPCC, au préfet du département siège de l'établissement et prévoyant que les statuts de l'établissement seraient annexés à cet arrêté de création. Sur ce dernier point, il a rappelé que le texte du Sénat, inspiré de la procédure de création des universités, présentait l'avantage d'associer tous les membres du conseil d'administration à l'acte « fondateur » que représente l'adoption des statuts, étant entendu que ces derniers ne pouvaient procéder que d'un accord préalable entre les collectivités publiques partenaires. Il est convenu cependant que la solution proposée par l'Assemblée nationale apparaissait plus « classique ».

Le rapporteur a jugé « plus fondamental » le second point de désaccord résultant de la suppression, votée en deuxième délibération par l'Assemblée nationale, des dispositions permettant aux EPCC à caractère administratif de recruter des agents non titulaires sur des contrats à durée indéterminée. Il a estimé que cette suppression pouvait remettre en cause la capacité de certaines grandes institutions patrimoniales en région d'atteindre les objectifs mêmes que poursuit la création des EPCC, c'est-à-dire d'affirmer leur identité et d'étendre leur rayonnement en disposant à cette fin de moyens comparables, sinon équivalents, à ceux dont peuvent bénéficier les principaux établissements nationaux.

Il a rappelé que ces derniers pouvaient en effet bénéficier de l'application des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat qui permettent à certains établissements publics, en raison du caractère particulier de leurs missions, de déroger à la règle selon laquelle les emplois permanents doivent être occupés par des fonctionnaires : cette faculté a notamment été ouverte, et souvent assez largement, au Centre Georges-Pompidou, à la Bibliothèque nationale de France, au musée du Louvre, au musée d'Orsay, au musée et au domaine national de Versailles, à la cité de la Villette, au musée Rodin...

Il a souligné que les dispositions adoptées par le Sénat n'allaient pas aussi loin puisqu'elles tendaient simplement à permettre aux EPCC à caractère administratif de recruter, pour pourvoir des emplois ne correspondant pas à un cadre d'emploi de la fonction publique territoriale, des personnels spécifiques afin de faire fonctionner les services de communication, de diffusion culturelle, d'édition, ou les services à caractère commercial (restauration, boutiques, produits dérivés) que doivent aujourd'hui développer les grandes institutions patrimoniales pour élargir leur public et remplir leur mission culturelle. Notant que cette faculté ne concernerait qu'un petit nombre d'emplois dans un petit nombre d'établissements, et que les responsables locaux, traditionnellement ménagers des deniers publics et soumis au demeurant à de sérieuses contraintes budgétaires, en feraient de toute façon un usage modéré, il a considéré que le texte voté par le Sénat ne pouvait encourir le reproche d'ouvrir une brèche dans les principes du droit de la fonction publique.

Il a estimé que le Sénat devait poursuivre sur ce point le dialogue avec l'Assemblée nationale, et faire une nouvelle tentative pour doter les futurs EPCC d'un élément de souplesse qui paraît indispensable à leur succès.

M. Ivan Renar, rapporteur, a donc annoncé son intention de proposer à la commission de rétablir sur ce point le texte du Sénat, en retenant cependant, pour tenir compte des préoccupations exprimées par l'Assemblée nationale, une rédaction précisant -comme les dispositions de la loi « innovation et recherche » qui avaient inspiré la mesure adoptée par le Sénat en première lecture- la nature des services pour le fonctionnement desquels pourraient être opérés des recrutements sur contrats à durée indéterminée.

En conclusion de son propos, le rapporteur a rappelé le caractère optionnel du recours à l'EPCC, conçu comme un outil nouveau mis à la disposition des collectivités locales et de l'Etat pour permettre le développement des services publics culturels.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Observant que les questions relatives au statut des personnels étaient au coeur des interrogations que soulevaient, chez les acteurs de la vie culturelle, les futurs EPPC, Mme Marie-Christine Blandin s'est demandée si la possibilité pour les EPCC à caractère administratif de recruter des agents non titulaires sur des contrats à durée indéterminée resterait suffisamment ouverte. Elle a aussi posé une question sur le régime fiscal des EPCC.

M. Ivan Renar, rapporteur, a noté que les questions posées par Mme Marie-Christine Blandin portaient sur les deux problèmes majeurs auxquels est actuellement confronté le service public culturel : le statut des personnels et la fiscalité. Il est convenu que la création des EPCC ne pourrait évidemment pas régler à elle seule l'ensemble de ces problèmes, qui justifieraient un débat à l'échelle nationale, et une réflexion à laquelle il souhaitait que la commission des affaires culturelles du Sénat puisse participer.

La création des EPCC, a-t-il souligné, pourra cependant contribuer à clarifier le statut des structures culturelles, qui se caractérise actuellement par une très grande diversité et souvent par une certaine insécurité juridique. Il a noté que la possibilité de donner un caractère industriel et commercial aux EPCC gérant des entreprises de spectacle vivant pourrait résoudre les problèmes que pose actuellement l'emploi par des structures publiques d'artistes ou de certaines catégories de techniciens. Il a indiqué que s'il proposait à la commission de préciser les possibilités de recours aux CDI, en restant d'ailleurs dans la ligne des positions prises sur ce sujet par le Sénat en première lecture, c'était avec l'espoir de lever les objections de l'Assemblée nationale à une mesure de souplesse qui paraît indispensable pour assurer le rayonnement des grandes institutions patrimoniales en région.

M. Michel Thiollière a posé une question sur l'intervention de l'Etat dans la création des EPCC.

M. Ivan Renar, rapporteur, a indiqué que les deux assemblées avaient, à l'issue de la première lecture, manifesté leur accord sur le fait que l'initiative de la création d'un EPCC ne pouvait appartenir qu'aux collectivités territoriales, cette création résultant ensuite d'un arrêté préfectoral.

Il a insisté sur le fait que la proposition de loi était un texte « d'initiative locale », qui avait pour ambition de conforter le rôle des collectivités locales en matière culturelle, et d'organiser leur partenariat avec l'Etat. Il a relevé que ce développement du rôle et des responsabilités des collectivités territoriales avait suscité quelques inquiétudes, notamment chez les responsables de certaines structures, tels les centres dramatiques nationaux, qui sont actuellement nommés directement par l'Etat. Il a observé que cette procédure remontait à l'époque où ces structures étaient entièrement financées par l'Etat, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Notant que cette situation nouvelle obligeait déjà, en fait, leurs dirigeants à nouer des relations avec les autorités locales, il a considéré qu'en prévoyant que la nomination des directeurs des EPCC procèderait d'une concertation entre les collectivités publiques partenaires de l'établissement, la proposition de loi conforterait la position de ces responsables, qui pourraient se prévaloir de l'accord de toutes les collectivités partenaires sur leur projet artistique.

M. Jack Ralite a approuvé ces propos, notant qu'ils pourraient répondre à des questions qui étaient présentes à l'esprit de nombreux artistes.

Concluant ce débat, M. Jacques Valade, président, a félicité le rapporteur pour la qualité de son rapport, et a souhaité qu'il permette de réaliser un accord sur un dossier qui représente un enjeu important pour les collectivités territoriales comme pour les professionnels.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles restant en discussion.

A l'article premier (création et règles constitutives des EPCC), la commission a adopté trois amendements tendant respectivement :

- à supprimer les dispositions de cet article ayant pour objet de préciser que les collectivités territoriales peuvent créer des EPCC sans la participation de l'Etat, qu'elle a jugé redondantes avec l'article 2 de la proposition de loi, adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées et qui tend à insérer dans le code général des collectivités territoriales un article L. 1412-3 (nouveau) prévoyant expressément cette possibilité ;

- à proposer une nouvelle rédaction du texte proposé par cet article pour l'article L. 1431-2 (nouveau) du code général des collectivités territoriales (création des EPCC), afin de concilier les positions de l'Assemblée nationale et du Sénat sur la procédure de création des EPCC ;

- à rétablir, dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 1431-6 (nouveau) du code général des collectivités territoriales, les dispositions permettant le recrutement par les EPCC à caractère administratif d'agents non titulaires par des contrats à durée indéterminée, dans une rédaction précisant que ces recrutements ne peuvent être effectués que pour le fonctionnement de services de communication, de diffusion culturelle, d'édition, ou de services gérant des activités commerciales.

L'article 3 (dispositions transitoires) a été adopté sans modification.

Puis, la commission a adopté, à l'unanimité des commissaires présents, la proposition de loi ainsi modifiée.

Projet de loi de finances pour 2002 - Audition de M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, sur le projet de budget de l'environnement pour 2002.

Dans son exposé introductif, M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, s'est félicité de la progression importante du projet de budget 2002, en hausse de 7,4 % en moyens d'engagement et de 7,3 % en dépenses ordinaires et crédits de paiement.

Il a indiqué que l'ensemble des dépenses ordinaires et des crédits de paiement atteindrait ainsi 769,54 millions d'euros, soit pratiquement 5 milliards de francs, contre 716,3 millions d'euros en 2001 et que les crédits du fonds national de solidarité sur l'eau s'élèveraient à 83,4 millions d'euros, en progression de 6 %.

Il a précisé que ces chiffres tenaient compte d'un amendement gouvernemental adopté par l'Assemblée nationale, qui augmentait de 8,25 millions d'euros le montant des dépenses ordinaires et des crédits de paiement, et de 9,64 millions d'euros les moyens d'engagement, pour mettre en oeuvre les mesures annoncées par le gouvernement à la suite du tragique accident de Toulouse. Axées sur la prévention des risques industriels, celles-ci se traduiront par la création de 100 emplois supplémentaires pour le contrôle des installations classées, par un renforcement des moyens de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) qui sera doté de 25 emplois sur deux années, dont 12 dès 2002, par la généralisation de comités locaux de prévention, et par la création prochaine de plans de prévention des risques technologiques (PPRT) d'une durée de trois années, dotés d'un financement spécifique de 3,81 millions d'euros en 2002. Il a mentionné que le projet de budget intégrait un changement de périmètre, lié au transfert des crédits de l'Office pour la protection des rayons ionisants (OPRI) qui ramenait la progression du budget, à structure constante, à environ 6 %, soit une progression très satisfaisante au regard de la hausse moyenne du budget de l'Etat en 2002.

Il a estimé que cette augmentation des crédits, que l'on aurait évidemment pu souhaiter encore plus prononcée, tant sont grandes les attentes des Français, montrait de façon très claire combien l'environnement restait, pour la quatrième année consécutive, une des priorités les plus fortes du gouvernement. Evoquant son faible poids relatif, rapporté au budget de l'Etat, il a relevé que le budget du ministère de l'environnement ne représentait pas la totalité des actions et des crédits mis en oeuvre par l'Etat en faveur de l'environnement qui devraient s'élever en 2002 à 3,2 milliards d'euros.

Au demeurant, il a noté que le projet de budget pour 2002 viendrait prolonger une action déjà largement engagée, puisque le budget de l'environnement ne s'élevait en 1997 qu'à 285 millions d'euros, soit moins de 2 milliards de francs. Il a cependant reconnu que cette progression résultait, en partie, de la budgétisation ou du transfert d'un certain nombre de crédits.

Il a cité la réforme de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) et son corollaire, l'inscription budgétaire des crédits de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), estimant qu'elle avait permis de recadrer les dotations qui lui étaient allouées en ajustant le montant de ses crédits de paiement au rythme réel de leur consommation, sans perturber la programmation de ses actions.

Il a ajouté que le projet de budget pour 2002 réduirait encore les crédits de l'ADEME de façon à tenir compte du décalage dans le temps qui sépare les engagements des paiements.

Il a jugé peu justifiées les critiques exprimées sur la consommation des crédits du ministère relevant que ce dernier consommait à la fois les crédits inscrits en loi de finances et une partie des reports des années antérieures.

Reconnaissant cependant que les crédits de paiement de l'ADEME continuaient de faire l'objet de reports, ils les a attribués à l'adoption d'une clé de répartition des paiements trop volontariste, lors de la budgétisation de cette dépense. Observant toutefois que le moyen le plus significatif pour évaluer une politique d'intervention restait le niveau d'engagement de ses crédits, il a jugé le ministère de l'environnement exemplaire sur ce point.

Il a ensuite analysé les grandes priorités du projet de budget. Evoquant les politiques de protection de la nature, il a présenté la mise en oeuvre de la directive Natura 2000, désormais transposée en droit français, comme l'un des principaux enjeux, précisant qu'une hausse des crédits de 15  % permettrait d'accélérer la mise en place du réseau Natura 2000, tant par la poursuite de l'élaboration des documents d'objectifs que par la concrétisation des premières mesures de gestion.

Il a également indiqué que les réserves naturelles, les parcs nationaux et le conservatoire du littoral, qui contribuent chacun de façon différente à la politique de protection de la nature, connaîtraient tous en 2002 des hausses de leurs crédits assez nettement supérieures à la moyenne du ministère. Ainsi, par exemple, les réserves naturelles bénéficieront d'une augmentation de 25 % de leurs moyens de fonctionnement et de créations d'emplois, tout comme d'ailleurs les parcs nationaux.

Il a noté que dans le cadre de cette politique de protection de la nature, l'opération « grands sites », destinée à préserver des paysages remarquables, bénéficierait elle aussi, d'un effort budgétaire.

Passant à la prévention des pollutions et des risques, dont l'accident de Toulouse a rappelé l'actualité dramatique, il a indiqué qu'elle constituait la deuxième priorité du projet de budget et que son renforcement se traduirait par plusieurs mesures : création de 150 emplois dans les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement pour le contrôle des installations classées ; renforcement de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques dont les crédits seront encore accrus afin de permettre la création de 25 emplois supplémentaires sur deux années ; généralisation des comités locaux de prévention dans l'ensemble des régions.

Il a également insisté sur la lutte contre le bruit, qu'elle concerne les aéroports ou les autres sources de bruit, et notamment les transports routiers ou ferroviaires, indiquant que le programme de recensement des points noirs serait poursuivi en 2002 avec l'objectif de protéger en 10 ans les 200 000 logements les plus exposés.

En matière de lutte contre les inondations, il a annoncé que le financement des actions engagées par le cadre des contrats de plan Etat-Régions ferait l'objet d'une attention prioritaire et que des mesures particulières seraient prises pour l'amélioration du dispositif d'annonce de crues et pour la réalisation de travaux de protection, notamment en Bretagne et dans la Somme.

Il a également indiqué que le ministère consacrerait davantage de moyens à la prévention des mouvements de terrain et le cas échéant à la réparation de leurs conséquences. Il a noté que l'ensemble de ces actions entraînerait un doublement du budget consacré à la prévention de l'ensemble des risques naturels.

Evoquant ensuite le problème posé par la pollution de l'air et ses incidences sur la santé humaine, il a indiqué que les crédits consacrés à l'amélioration de la surveillance de la qualité de l'air seraient augmentés de 10 % .

Passant à la troisième grande priorité, le renforcement de l'expertise en matière de risques environnementaux, il a évoqué, outre le renforcement des moyens de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), le démarrage effectif de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE), et celui de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), né de la fusion de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (IPSN) et de l'Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI).

Il a indiqué que le développement des partenariats avec les associations actives dans le domaine de l'environnement constituait une quatrième priorité, et que ces partenariats bénéficieraient de moyens budgétaires conséquents, par le biais des conventions pluriannuelles d'objectifs (CPO) prévues par la circulaire du Premier ministre du 1er décembre 2000.

Il a annoncé en outre la création de 400 emplois, qui renforceront de 13 % les effectifs du ministère, et lui permettront de faire face à des missions de plus en plus nombreuses et de plus en plus diversifiées ; affectés en grande partie dans les structures déconcentrées du ministère, ces emplois contribueront aussi à la construction d'une administration centrale digne d'un ministère de plein exercice, qui doit se doter, progressivement, de corps qui lui soient propres.

En conclusion de son exposé, le ministre a évoqué la mise en place d'un certain nombre de mesures fiscales incitatives.

Il a d'abord rappelé que le Premier ministre avait décidé, dans le contexte général de la baisse des impôts voulue et mise en oeuvre par le Gouvernement, de ne pas étendre la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, aux consommations intermédiaires d'énergie et que le ministère de l'environnement, qui s'inscrit dans ce mouvement, avait préféré privilégier des mesures fiscales incitatives sous la forme de réductions d'impôts.

Il a indiqué que le projet de loi de finances pour 2002 comportait trois dispositions fiscales importantes : tout d'abord, afin d'encourager la maîtrise de l'énergie dans le domaine du logement, le plafond des dépenses ouvrant droit à crédit d'impôt sera augmenté d'un tiers, passant de 3.000 à 4.000 euros ; en outre, les entreprises qui réaliseront des investissements en vue d'économiser de l'énergie bénéficieront d'une amélioration de la base de leur impôts locaux, et d'une prorogation de quatre ans de l'amortissement exceptionnel des matériels correspondants ; enfin, le crédit d'impôt relatif à l'achat d'un véhicule propre, créé en 2001, fera l'objet de plusieurs améliorations : il sera étendu à l'acquisition d'un véhicule neuf fonctionnant au GNV, sera relevé à 2.300 euros, et pourra même être étendu aux propriétaires de véhicules de moins de trois ans qui les convertiront au gaz de pétrole liquéfié (GPL).

Un débat a suivi l'exposé du ministre.

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis des crédits de l'environnement, a interrogé le ministre sur la baisse préoccupante du taux de consommation de ses crédits par le ministère, relevée par la Cour des Comptes ; il lui en a demandé les raisons, souhaitant savoir si une amélioration de la situation pouvait être espérée pour les exercices 2001 et 2002. Évoquant la situation particulière de l'ADEME, dont les crédits de paiement subissent pour la deuxième année consécutive une baisse drastique, particulièrement dans le domaine du traitement des déchets ménagers, il a souhaité connaître les perspectives futures de l'Agence. Il a également demandé des précisions sur les modalités de la création de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire et sur le fonctionnement de sa cotutelle. Il s'est enquis de l'état des réflexions engagées en particulier avec le ministère de l'industrie, au lendemain de l'accident de l'usine AZF de Toulouse, en matière de prévention des risques industriels. Il a également demandé au ministre des précisions sur le déroulement de la seconde phase du plan Loire grandeur nature. Evoquant les conclusions du rapport fait par M. Louis Le Pensec sur le conservatoire du littoral, il a enfin posé des questions sur le renforcement des moyens financiers nécessaires à la poursuite d'une politique ambitieuse d'acquisitions de terrain, et sur l'éventualité de la création d'une structure spécifique assurant la protection des espaces intérieurs sensibles.

M. Jacques Valade, président, a demandé au ministre son appréciation sur les résultats de la conférence de Marrakech.

M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, a apporté les précisions suivantes :

- les crédits de fonctionnement inscrits en loi de finances initiale pour 2000 ont été intégralement consommés mais, du fait d'une clef de répartition fixée à l'origine de façon trop volontariste, l'ensemble des autorisations de programme correspondant aux dépenses en capital n'ont pu être utilisées ; les demandes de crédits pour 2002 ont en revanche été déterminées sur une base plus réaliste ;

- une des difficultés du ministère, dans sa gestion financière tient à la multiplicité de ses ordonnateurs secondaires, qui contribue à l'allongement des délais d'engagement des crédits ; l'exécution du budget de 2000 est très bonne, et l'état des engagements de crédits au 30 septembre 2001 laisse espérer pour 2001 un taux de consommations des crédits de 85 % ;

- une attitude par trop volontariste avait conduit à prévoir trop largement les premières dotations de l'ADEME, en sous-estimant le temps nécessaire au montage des dossiers. Le projet de budget pour 2002 ramène à 250 millions d'euros le montant des autorisations de programme, mais les reports de crédits permettront à l'ADEME de disposer des moyens nécessaires à son action ;

- la création de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et ses modalités résulteront d'un décret qui devrait être publié avant la fin de l'année, et sera effective au 1er janvier 2002. Le projet de budget opère, dans cette perspective, le transfert vers le budget de l'environnement des crédits de l'Office pour la protection des rayons ionisants (OPRI), auparavant inscrits au budget du ministère de la santé, pour un montant de 14 millions d'euros ;

- le Premier ministre a annoncé le déblocage de 1,5 milliard de francs au lendemain de la catastrophe de Toulouse et la secrétaire d'Etat au logement a présenté toute une série de mesures au cours d'une récente conférence de presse ; le groupe ELF-TOTAL a annoncé son intention de prendre à sa charge les surcoûts de dépenses de chauffage et d'éclairage occasionnés aux victimes des logements endommagés ; des débats sur la façon de se prémunir contre ce types d'accidents, seront organisés prochainement à Marseille, puis dans toutes les régions de France, et déboucheront, le 11 décembre sur un débat national auquel seront conviés des élus, des experts, et des industriels ;

- la seconde phase du plan Loire grandeur nature, qui vient de débuter, se poursuivra jusqu'en 2006, et 780 millions de francs lui seront consacrés ;

- le rapport rendu par M. Louis Le Pensec trace des perspectives intéressantes pour la stratégie de long terme du conservatoire du littoral ; l'objectif de préservation du « tiers naturel » des côtes françaises supposerait l'achat de 200 000 hectares alors que le coût de l'achat et de la restauration des terrains en question ne doivent pas être sous-estimés ; ainsi, récemment, le conservatoire a pu, avec l'appui de l'agence de l'eau du Bassin Rhône-Alpes, acheter pour 80 millions de francs le site inestimable des Salins d'Hyères.

M. Serge Lepeltier a demandé au ministre de lui préciser dans quelle mesure le crédit d'impôt institué pour favoriser l'achat d'un véhicule propre avait été effectivement utilisé, doutant pour sa part qu'il ait pu rencontrer un large succès. Il a estimé que la disposition fiscale prévoyant un relèvement du montant de ce crédit d'impôt en cas de destruction d'une voiture antérieure à 1993 pouvait certes à première vue paraître une bonne idée, mais il s'est interrogé sur son utilisation effective compte tenu du coût élevé de l'achat d'une voiture propre. Il a demandé si ce crédit d'impôt pouvait s'appliquer en cas d'achat d'un véhicule utilitaire, estimant pour sa part que ceux-ci constitueraient avec les voitures d'entreprise, le meilleur moyen d'amorcer l'arrivée de voitures propres. Jugeant peu probable l'achat par des particuliers de véhicules au GNV, il a estimé que ceux-ci ne pouvaient convenir qu'à des « flottes captives » et a déploré qu'aucune disposition incitative en ce sens ne soit prévue en faveur des collectivités territoriales. Il a enfin regretté que l'opposition n'ait pas été représentée à la conférence de Marrakech.

M. Jack Ralite a attiré l'attention du ministre sur la montée de la nappe phréatique en région parisienne et sur ses conséquences dangereuses. Il a souhaité qu'une véritable étude soit réalisée sur ce sujet et que soit organisée une table ronde à laquelle participerait les différents acteurs intéressés ; il l'a également interrogé sur les moyens d'inciter les Etats-Unis à cesser d'acheter des « droits à polluer ».

Mme Marie-Christine Blandin a estimé que le projet de budget constituait un bon budget et a approuvé le renforcement des effectifs du ministère. Elle a en revanche estimé qu'il restait beaucoup à faire en matière de formation, d'économies d'énergies, de prévention des pollutions et des risques, ainsi que dans la réalisation de Natura 2000.

Elle a décrit l'accueil peu encourageant réservé par les concessionnaires automobiles aux éventuels acheteurs individuels de véhicules propres ; elle a ensuite demandé au ministre des précisions sur les effondrements de terrains dans les zones d'exploitations minière et sur la politique menée par l'ADEME à l'égard des sites pollués dits « orphelins » qui n'ont pas de propriétaires.

M. Ivan Renar a déploré le caractère confus du débat auquel donnent lieu jusqu'à présent les OGM et a souhaité l'organisation d'un débat serein sur cette question scientifique ; il a demandé au ministère de lui préciser son approche.

En réponse aux différents orateurs, M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a donné les précisions suivantes :

- il est ouvert à la participation de représentants de l'opposition aux conférences mondiales sur le changement climatique, particulièrement s'il s'agit de personnalités dont l'engagement sur ce type de questions est bien connu ;

- l'achat, par un particulier, d'un véhicule à carburant écologique se heurte encore à de nombreux freins, qui expliquent peut-être en effet le peu de résistance opposé par le ministère des finances au projet de crédit d'impôt ; il est regrettable que celui-ci ne puisse pas bénéficier aux véhicules utilitaires, à l'exception toutefois des taxis roulant au GPL, car il s'agit d'une flotte très largement urbaine ;

- la remontée de la nappe phréatique en Ile-de-France peut s'expliquer par l'artificialisation des sols et par une pluviométrie plus forte que d'habitude ; l'organisation d'une table ronde sur ce sujet est en effet une idée à retenir ;

- la conférence de Marrakech a débouché sur des résultats dont on peut être assez satisfait car elle a confirmé les conclusions de Bonn ; le refus renouvelé des Etats-Unis à adhérer au protocole de Kyoto est évidemment regrettable ; en revanche les ratifications par le Japon et par la Russie, certes obtenues au prix de concessions significatives, permettent d'espérer une entrée en vigueur du protocole pour la conférence de Johannesburg, en septembre 2002 ;

- le développement de la pédagogie et de l'information fait partie des préoccupations du ministère, soucieux d'écologie de proximité ; des spots publicitaires sont, à cette fin, diffusés à la télévision ; en outre, le ministère s'est doté d'un institut (IFOR) destiné à améliorer la formation de ses 3 500 agents en matière de développement durable ;

- un effort est actuellement réalisé pour mener à bien l'inventaire des sites pollués ; les crédits budgétaires qui lui sont consacrés seront doublés en 2002 et portés à 40 millions de francs ; le nombre de sites orphelins répertoriés s'accroît, mais l'Etat ne doit pas se substituer aux exploitants lorsqu'ils sont connus ; un dispositif financier a été mis en place pour venir en aide aux propriétaires de sites pollués souhaitant décontaminer leurs terrains ;

- l'Etat intervient dans le cadre des plans de prévention des risques pour financer, dans la limite de 10 % de la valeur des biens, les travaux de prévention réalisés dans les constructions existantes menacées par des risques d'effondrement liés aux anciennes exploitations minières ;

- les questions posées par les OGM méritent de faire l'objet d'un débat public et les ministres de la recherche, de l'agriculture, et de l'environnement envisagent en effet d'en prendre l'initiative, et d'en confier la coordination à une personnalité incontestable.

Mercredi 14 novembre 2001

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

Projet de loi de finances pour 2002 - Crédits consacrés à la francophonie - Examen du rapport pour avis

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord examiné le rapport de M. Jacques Legendre, sur les crédits de la francophonie inscrits au projet de loi de finances pour 2002.

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis des crédits de la francophonie, a d'abord remarqué que la présentation des crédits de la francophonie en 2002 s'avérait un exercice délicat, dans la mesure où le sommet de Beyrouth, qui devait arrêter tout un ensemble d'orientations, en particulier dans le domaine financier, avait dû être reporté en raison de la situation internationale. Il reviendra donc à une conférence ministérielle qui devrait se tenir à Paris d'ici la fin de l'année, de fixer les contributions apportées par les différents Etats membres au fonctionnement des instances de la francophonie multilatérale.

Le rapporteur pour avis a rappelé qu'il avait interrogé le ministre délégué à la coopération et à la francophonie, à l'occasion de son audition par la commission, et que celui-ci avait indiqué que les crédits consacrés à la francophonie multilatérale devaient être, à tout le moins, reconduits, ce qui peut laisser augurer une légère hausse. Il a cependant précisé que le fascicule budgétaire du ministère des affaires étrangères n'inscrivait, pour l'instant, que la simple reconduction des enveloppes financières décidées pour le précédent biennum 2000-2001.

Il a, en outre, déploré que le « jaune » budgétaire qui recense les crédits concourant à la défense de la langue française et au développement de la francophonie ne lui soit toujours pas parvenu et a souhaité qu'une protestation soit adressée au ministre de l'économie et des finances pour dénoncer cette carence.

M. Jacques Valade, président, a déclaré qu'il relaierait cette protestation.

Analysant les crédits du service des affaires francophones, le rapporteur pour avis a souligné qu'ils étaient globalement reconduits au même niveau que l'an dernier, pour les raisons qu'il venait d'évoquer. Il a précisé que ces crédits s'élevaient à 37,4 millions d'euros, soit 245,4 millions de francs, répartis entre deux chapitres : le premier subventionne des associations oeuvrant en faveur de la francophonie ; sa dotation de 580.000 euros (3,8 millions de francs) diminue en 2002, du fait du transfert de deux subventions en direction du second de ces chapitres, doté de 36 millions d'euros (237 millions de francs) et qui regroupe l'ensemble des contributions apportées par le ministère des affaires étrangères au Fonds multilatéral unique, pour le financement de quatre des cinq opérateurs de la francophonie.

Le rapporteur pour avis a ensuite rappelé que la contribution globale de la France à la francophonie multilatérale s'était élevée à près de 116 millions d'euros en 2001, soit 760 millions de francs, contre 750 millions de francs en 2000.

Il a indiqué qu'elle transitait, pour une large proportion, par le Fonds multilatéral unique dont la France est le principal bailleur avec une contribution annuelle de 283,5 millions de francs pour le biennum 2000-2001, qui représentait 77 % du financement de ce fonds sur cette période.

Cette contribution est répartie entre l'Agence internationale de la francophonie (122,5 millions de francs), l'Agence universitaire de la francophonie (137,5 millions de francs), l'université Senghor (11,5 millions de francs) et l'Assemblée internationale des maires des villes francophones (AIMF) (12 millions de francs).

Le rapporteur pour avis a noté que ces enveloppes financières devraient donc -à tout le moins, pour reprendre les mots du ministre- être reconduites pour le prochain biennum 2002-2003.

Il a ajouté que d'autres financements ne transitaient pas par le fonds multilatéral unique, en particulier la contribution à TV5, le cinquième opérateur de la francophonie, qui dispose d'un mécanisme de financement distinct, et que la France financera à hauteur de 58 millions d'euros (385 millions de francs) en 2002.

Faute de disposer du recensement des crédits concourant au développement de la langue française et à la défense de la francophonie en 2002, il a rappelé que ceux-ci étaient évalués à 5.727 millions de francs en 2001.

Malgré la difficulté d'évaluer avec précision le montant des crédits de la francophonie de 2002, il a estimé que ceux-ci devraient rester à un niveau conséquent, comparable à celui des années précédentes, et a indiqué que l'avis qu'il proposerait prendrait plutôt en compte les orientations du Gouvernement et plus particulièrement un certain nombre de décisions récentes qui jetaient un doute sur la détermination du Gouvernement dans la défense de la langue française.

Il a d'abord relevé la transformation de la délégation générale à la langue française (DGLF) en délégation générale à la langue française et aux langues de France, qui s'accompagne d'une extension de ses missions. Rappelant que la DGLF est traditionnellement chargée de la défense de la langue française sur le territoire et de la défense de son statut dans les organisations internationales, et plus particulièrement dans l'Union européenne et le Conseil de l'Europe, il a déploré que le Gouvernement ajoutât à ces missions celle de veiller à la sauvegarde des langues de France, sans prévoir une augmentation concomitante de ses crédits et de ses effectifs, à l'exception d'une mesure nouvelle de 107.000 euros de crédits déconcentrés en faveur des langues régionales.

Il a ensuite déploré la signature par la France de l'accord de Londres, par lequel elle renonce à exiger la traduction intégrale des brevets européens rédigés dans une des autres langues officielles de l'Office européen des brevets. Estimant que cet accord se traduirait par une généralisation du recours à l'anglais, il a jugé qu'il constituait un recul préoccupant. Il a cité le rapport d'information présenté par M. Francis Grignon, au nom de la commission des affaires économiques, indiquant qu'il proposait d'assortir cette ratification d'un certain nombre de mesures d'accompagnement, qui constituaient des garanties minimales, et dont il faudrait surveiller la mise en oeuvre.

Il a ensuite évoqué la disposition figurant à l'article 14 du projet de loi relatif aux mesures urgentes de réformes à caractère financier qui, pour contourner l'arrêt Géniteau du Conseil d'Etat, autorise les émetteurs de titres de capital et de titres de créances à établir leur notice d'information, au titre de l'appel public à l'épargne, dans une « langue usuelle en matière financière ». Il a rappelé la résistance qu'il avait régulièrement opposée à une mesure généralement souhaitée par les milieux financiers et par la Commission de Bruxelles, indiquant qu'il avait, avec M. Philippe Darniche, cosigné un amendement rappelant l'obligation de recourir à la langue française. Il a ensuite expliqué les raisons qui l'avaient conduit à se rallier, en allant à l'extrême limite des concessions possibles, à la position défendue par la commission des finances, qui n'autorise de dérogation à l'usage du français que pour des produits financiers très techniques, susceptibles de ne s'adresser qu'à des investisseurs professionnels. Il a déploré que le Gouvernement n'ait pas retenu cette proposition, et a souhaité que le Conseil constitutionnel soit saisi de cette disposition.

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis, s'est étonné, en conclusion, d'une politique en faveur de la francophonie qui trouve une traduction positive dans les discours du ministre délégué à la coopération et à la francophonie, et dans ceux du ministre de la culture, qui comporte en outre l'octroi de crédits non négligeables, reconduits avec régularité, mais qui s'accompagne de reculs et d'abandons entraînant une dégradation de la place du français.

Rappelant les valeurs dont est porteuse la francophonie, en matière de diversité culturelle et de défense des droits de l'homme, il a avoué regretter un peu le report du sommet de Beyrouth qui, alors que certains sont tentés de parler de « choc des civilisations », aurait montré l'importance du dialogue des cultures, comme l'a rappelé le Président de la République dans son discours devant l'UNESCO, et le rôle que peut jouer la francophonie en ce domaine.

Déplorant que ses mises en garde et celles émanant d'un certain nombre d'autres voix, qui s'alarment du recul de notre langue, ne soient pas davantage prises en compte, il a proposé à la commission d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la francophonie, inscrits au projet de budget pour 2002 du ministère des affaires étrangères.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

M. Louis Duvernois a déclaré partager l'analyse du rapporteur pour avis et a indiqué qu'il s'associait à sa proposition de refuser de voter les crédits de la francophonie. Il a estimé que le Gouvernement n'avait pas su arrêter une position claire, qu'il s'agisse de la rectification des missions de la délégation générale à la langue française et des langues de France, ou de l'action en faveur de l'audiovisuel extérieur.

Même si la francophonie ne rencontre officiellement que des soutiens, il a cependant douté que sa défense, pourtant vitale, soit réellement prise en considération. Jugeant substantiel l'effort financier consenti par la France, à travers le fonds multilatéral unique, il a cependant déploré que la définition des programmes et l'utilisation de ces crédits restent dans un certain flou. Il a également regretté la fréquence des discordances de vues dans la définition des orientations de la francophonie, et la difficulté que rencontre celle-ci à articuler ses actions nationales et son action multilatérale.

Il a déploré enfin que, malgré la volonté, exprimée au sommet de Moncton, de procéder à la rénovation du fonctionnement des opérateurs de la francophonie, et malgré les efforts accomplis par le service des affaires francophones, l'utilisation des crédits soit toujours aussi mal appréhendée et a jugé urgent d'adresser un rappel à l'ordre.

M. Bernard Fournier a déclaré s'associer aux conclusions du rapporteur pour avis, et a déploré qu'à l'aéroport Charles-de-Gaulle certaines compagnies aériennes ne diffusent pas d'annonces en français.

M. Serge Lagauche a regretté la proposition formulée par le rapporteur pour avis de rejeter les crédits de la francophonie, qu'il a attribuée à une réaction d'humeur. Il a estimé que les difficultés rencontrées par la langue française pour défendre sa place s'expliquaient essentiellement par la primauté économique d'une autre sphère linguistique et ne pouvaient être imputées au Gouvernement, que l'on ne peut tenir responsable que de crédits qu'il affecte à la défense du cinéma ou au réseau des écoles françaises à l'étranger. Refusant de croire que la proposition du rapporteur pour avis pouvait se rattacher au prochain contexte électoral, il l'a appelé à renoncer à cette attitude de rejet.

M. René-Pierre Signé a jugé excessives et contradictoires les critiques formulées par le rapporteur pour avis, s'étonnant de ce qu'il puisse se féliciter des discours positifs tenus par le Gouvernement et du caractère non négligeable des crédits consacrés à la francophonie, et, dans le même temps dénoncer un abandon de la défense de la langue française.

Il a estimé qu'un rejet des crédits de la francophonie traduirait, plus qu'une réaction d'humeur, une prise de position politique et polémique à laquelle le groupe socialiste ne s'associerait pas. Il s'est en outre étonné de ce que les libéraux, qui sont les plus prompts à se rallier à la mondialisation, s'étonnent du recul de la francophonie et de la langue française.

En réponse aux différents intervenants, M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis, après avoir indiqué qu'il rejoignait les analyses de M. Louis Duvernois, a apporté les précisions suivantes :

- l'usage du français n'est en effet pas toujours respecté dans les aéroports français, et il a d'ailleurs fallu, récemment, une démarche vigoureuse, pour mettre fin à une règle qui imposait l'usage de l'anglais aux contrôleurs aériens, même dans leurs échanges avec des pilotes d'avions français ou francophones ; cet exemple, parmi d'autres, illustre les contradictions qui existent dans l'attitude des pouvoirs publics ;

- il présente depuis neuf ans le rapport sur les crédits de la francophonie, et, sensible à l'effort financier non négligeable dont ceux-ci témoignent, il a toujours proposé un avis favorable à leur adoption ; l'an dernier toutefois, l'inquiétude que lui inspiraient certaines dérives l'ont conduit à ne recommander qu'un avis de sagesse ; cette année, l'aggravation d'un certain nombre de tendances, auxquelles, hélas, n'échappe aucun gouvernement, l'incite à lancer un avertissement plus ferme ;

- l'action menée par le ministre délégué à la coopération et à la francophonie est digne de respect, et la sympathie de la ministre de la culture pour la défense de la langue française est bien connue ; il est cependant regrettable que, dans les arbitrages gouvernementaux, le poids des arguments techniques et économiques l'emporte trop souvent ;

- par delà le budget, c'est la contradiction, qui traverse d'ailleurs l'ensemble du monde politique, entre l'action en faveur de la francophonie et les abandons en matière d'utilisation de la langue française, qui doit être sanctionnée ;

- la défense par les flamands de la langue flamande, et par les catalans de la langue catalane, montre les résultats que peut obtenir une volonté politique ferme ;

- une politique économique libérale n'implique pas pour autant l'abandon de la défense de sa langue, comme le montre par exemple le souci des Etats-Unis d'Amérique de se prémunir contre les avancées de l'espagnol dans leurs états du sud.

Mme Danièle Pourtaud a relevé les propos tenus par le rapporteur pour avis sur la défense de la langue catalane et de la langue flamande, estimant qu'ils contrastaient avec les positions défendues au Sénat à propos de la langue corse.

Suivant les propositions de son rapporteur pour avis, la commission a émis ensuite un avis défavorable à l'adoption des crédits de la francophonie, inscrits au projet de budget pour 2002 du ministère des affaires étrangères.

Projet de loi de finances pour 2002 - Crédits consacrés à l'enseignement supérieur - Examen du rapport pour avis

La commission a ensuite examiné le rapport pour avis de M. Jean-Léonce Dupont, sur les crédits de l'enseignement supérieur pour 2002.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis, a indiqué que le projet de budget de l'enseignement supérieur pour 2002 s'élevait à 8,736 milliards d'euros (57,31 milliards de francs) et enregistrait une progression de 2,22 % par rapport à 2001, soit l'une des plus faibles augmentations enregistrées depuis quinze ans.

Il a fait observer que les crédits de l'enseignement scolaire progressaient dans le même temps de 4,11 %, et que l'évolution divergente entre ces deux budgets se poursuivait alors que l'université connaît toujours des besoins d'encadrement pédagogique dans les premiers cycles.

Il a ajouté que notre pays consacrait à l'enseignement supérieur une part de son PIB inférieure à la moyenne des pays développés membres de l'OCDE et estimé que ce projet de budget manquait d'ambitions : si l'université souffre d'un certain manque de moyens, elle pâtit aussi d'une organisation trop centralisée et d'une vision trop conservatrice qui appellent davantage d'autonomie.

Il a jugé que l'évolution générale des crédits était décevante, en dépit d'une augmentation non négligeable des créations d'emplois et des dépenses de fonctionnement : le projet de budget permettra ainsi de créer 3.500 emplois supplémentaires, dont 2.000 au titre du plan pluriannuel de recrutement et 1.500 au titre de la résorption de l'emploi précaire ; les 1.000 emplois enseignants créés se ventilent entre 600 enseignants-chercheurs, 100 emplois d'agrégés, 261 postes d'attachés temporaires d'enseignement et de recherche (ATER) et représentent un coût de près de 64 millions de francs.

Il a noté la création de 1.000 emplois non enseignants, dont 780 personnels ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers et de services (IATOS) et 150 emplois en faveur des bibliothèques universitaires. Constatant qu'étaient en outre prévus au titre de la résorption de l'emploi précaire 1.500 emplois gagés, c'est-à-dire financés sur les ressources propres des établissements, il a estimé que cette formule conduisait à pérenniser les charges des universités en introduisant une rigidité supplémentaire dans leur gestion.

S'agissant des mesures catégorielles destinées à améliorer la situation des personnels, il a indiqué que celles-ci bénéficieraient de près de 47 millions de francs et se traduiront notamment par un repyramidage des enseignants-chercheurs.

Il a par ailleurs rappelé que la gestion de ces derniers avait fait l'objet de critiques de la Cour des comptes et que les propositions du rapport Espéret, destinées à aménager leur statut, rejoignaient celles de la mission d'information créée en 1997 par la commission des affaires culturelles sur l'orientation des étudiants dans les premiers cycles universitaires quant à la prise en compte, dans le déroulement de leur carrière, de la totalité de leurs activités.

Il a indiqué que les perspectives de départs massifs en retraite conduiraient à recruter plus de 16.500 enseignants-chercheurs, dans les dix ans à venir, le plan pluriannuel de trois ans prévoyant, jusqu'en 2003, la création de 1.700 emplois budgétaires et de 900 ATER sur crédits, 3.600 postes devant être mis au concours pour chacune des trois années du plan.

S'agissant des subventions de fonctionnement, il a souligné que celles-ci enregistraient une hausse de 7,8 % qui devrait permettre notamment de procéder à un rattrapage des universités sous-dotées, en particulier dans les filières littéraires et de sciences humaines et sociales : il a salué cette augmentation qui est deux fois et demie supérieure à celle enregistrée lors des trois dernières années. Il a ajouté que ce rattrapage s'inscrivait dans la perspective de la réforme du système de répartition des moyens entre les établissements.

Concernant les crédits d'investissement, il a indiqué que les autorisations de programme s'élèveraient à 5,9 milliards de francs en 2002 et les crédits de paiement à 4,7 milliards de francs, ceux-ci devant permettre d'accélérer la mise en oeuvre des contrats de plan Etat-Régions (CPER), notamment en région parisienne, en privilégiant la maintenance des bâtiments et la recherche universitaire. Il a noté que le volume des crédits de paiement avait été recalibré pour les CPER et les grands travaux en fonction du rythme effectif des paiements.

Evoquant la gestion critiquable des crédits d'investissement, d'ailleurs soulignée par la Cour des comptes, qui a constaté que le niveau des reports avait atteint en 2000 un montant égal à celui des dotations initiales et que le taux de consommation des dépenses s'était réduit en quatre ans de 75 à 50 %, il a fait observer que cette sous-utilisation des moyens traduisait une maîtrise d'ouvrage défaillante et tendait à retarder la mise en oeuvre des travaux : la commission serait donc fondée à engager une réflexion globale sur la mise en oeuvre des contrats de plan.

Le rapporteur pour avis a ensuite abordé divers aspects de la démocratisation de l'enseignement supérieur en notant que la moitié de chaque classe d'âge accède désormais à cet enseignement, l'évolution récente des effectifs étudiants se traduisant par une décroissance des flux d'entrée et une stabilisation du « stock », par une légère augmentation des effectifs aux rentrées 2001 et 2002 et par des évolutions contrastées selon les filières et les cycles de formation. S'agissant des projections effectuées pour les dix ans à venir, il a indiqué que celles-ci confirmaient une stabilisation des effectifs dans les quatre principales filières, et une réduction des flux d'entrée des bacheliers.

Il a également évoqué les limites du système d'aides aux étudiants, qui joue un rôle important dans la démocratisation de l'enseignement supérieur, en indiquant que le plan social étudiant avait aujourd'hui atteint son objectif, qui était de parvenir à un taux de 30 % d'étudiants aidés et de relever le montant des bourses de 15 %, la rentrée 2001 s'étant caractérisée par la mise en place de 4.000 bourses dites de mobilité et de bourses de diplôme d'études supérieures spécialisées (DESS).

Rappelant que le projet de budget pour 2002 prévoyait 8,5 milliards de francs pour financer les mesures du plan social, et que l'ensemble des dépenses d'action sociale en faveur des étudiants représentaient environ le cinquième des crédits du budget de l'enseignement supérieur (10,37 milliards de francs), il a fait observer que leur progression n'avait été que de 1,3 % en 2002, alors que leur augmentation avait été de 25 % au cours des quatre dernières années, ce net ralentissement concernant surtout les aides directes.

Il a estimé que le temps était venu de repenser l'actuel dispositif d'aides qui fait une part trop belle aux aides attribuées sans conditions de ressources et qui reste insuffisamment redistributif. Ce système est en effet trop complexe et peu efficace puisque si le tiers des étudiants bénéficie d'une aide directe, 30 % sont aussi obligés de travailler pour financer leurs études. Il a ajouté que toute réforme en ce domaine ne pouvait que s'inscrire dans une réflexion plus large sur le principe de la création d'une allocation d'autonomie pour les jeunes de 18 à 25 ans, qu'ils soient ou non étudiants.

S'agissant des chances inégales de réussite dans les premiers cycles, il a rappelé que l'étude menée sur le taux de réussite au diplôme d'études universitaires générales (DEUG) montrait que celui-ci variait du simple au triple selon les universités, alors que le taux moyen de réussite en deux ans n'est que de 45,5 % : ces résultats témoignent d'une inadaptation de nos premiers cycles au nouveau public étudiant. Il a estimé que les quelques « mesurettes » prises par le ministre pour introduire davantage de pluridisciplinarité dans les DEUG, autoriser des réorientations, rénover quelques filières, développer le tutorat, et pour créer des équipes pédagogiques autour d'un directeur d'études ne répondaient pas à la situation très préoccupante des premiers cycles, qui sont de plus en plus laissés aux enseignants du secondaire.

Dans le droit fil des travaux engagés par la mission d'information sur l'orientation dans les premiers cycles, il a appelé à une réflexion générale sur le devenir du DEUG, qui n'a pas vocation à remédier aux handicaps scolaires ou sociaux et qui ne saurait, selon lui, être le moule unique destiné à accueillir tous les nouveaux bacheliers, quels que soient leurs goûts et leurs aptitudes.

Il a estimé qu'un maillage universitaire plus satisfaisant du territoire, un redéploiement du système d'aides aux étudiants et une plus grande ouverture des grandes écoles, bien éloignée de la mesure symbolique qui a permis à l'institut d'études politiques de Paris d'accueillir 18 bacheliers de zone d'éducation prioritaire (ZEP) lors de la dernière rentrée, contribueraient à ouvrir davantage notre enseignement supérieur.

Il a ensuite évoqué l'état d'avancement du plan U3M en rappelant que celui-ci était financé dans le cadre des CPER établis pour la période 2000-2006 qui devraient mobiliser 42,5 milliards de francs, dont 18,2 milliards pour l'Etat, le quart de ces crédits devant être affecté, outre les constructions et la restructuration des sites existants, au logement, à la vie étudiante et aux bibliothèques universitaires et centré sur les universités parisiennes. Il a précisé que les pourcentages d'exécution des contrats de plan variaient en 2001 entre 25 et 40 % selon les régions, avec une exception pour la Corse dont le taux n'est que de 17,42 %.

Il a ensuite noté que le schéma des services collectifs pour l'enseignement supérieur avait retenu certaines des observations de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire, en particulier celles relatives au développement des nouvelles technologies et de la culture scientifique et technique.

Le rapporteur pour avis a enfin souligné la nécessité d'une adaptation de notre système universitaire au monde actuel en rappelant que l'ouverture sur l'extérieur se traduisait d'abord par la recherche d'une harmonisation européenne des cursus dans le cadre du système dit 3-5-8, qui a été initié par M. Claude Allègre en s'inspirant essentiellement du modèle anglo-saxon : ce processus d'harmonisation a conduit, au niveau bac + 3, à réactiver la licence en créant notamment la licence professionnelle, à bac + 5, à créer le grade de mastaire permettant de positionner des diplômes comme les DEA, les DESS ainsi que les diplômes d'ingénieurs ou d'écoles de commerce. Il a ajouté que le ministre avait proposé de rassembler les diplômes universitaires de troisième cycle sous l'appellation unique de mastaire, qui deviendrait un véritable diplôme universitaire.

Il a cependant dénoncé un manque de clarté dans le discours officiel concernant l'avenir des diplômes actuels tels les DEUG, DUT, BTS en deux ans et la maîtrise en 4 ans, qui n'entrent pas dans le moule européen et qui risquent donc de s'en trouver fragilisés. Il s'est demandé si le ministre envisageait d'allonger la durée des diplômes post-bac, de porter le DEUG à trois ans, voire de supprimer la maîtrise et a estimé indispensable qu'il apporte des précisions pour lever un certain nombre de ces incertitudes.

S'agissant de la mise en place du système européen de transfert de crédits (ECTS), qui est expérimenté dans quelques universités pour encourager la mobilité des étudiants entre universités françaises et/ou étrangères, il a souhaité que des garde-fous soient mis en place pour éviter une sorte de libre-service des formations supérieures qui pourrait menacer l'homogénéité des niveaux de formation de nos étudiants. Il a rappelé à cet égard le caractère « exotique » du choix par certains étudiants de valeurs libres lors de la mise en place déjà ancienne des DEUG et s'est interrogé sur les recommandations qui seront données par le ministre pour résoudre le délicat problème de la « conversion » des évaluations, souvent très dépendantes des approches culturelles nationales.

Il a par ailleurs noté que l'agence Edufrance avait vocation à développer les échanges universitaires, aussi bien par une promotion de nos formations universitaires que par l'amélioration de l'accueil des étudiants étrangers, en regrettant que son action soit entravée par la faiblesse de ses moyens budgétaires et humains.

Il a noté à cet égard que notre système universitaire n'accueillait aujourd'hui que 150.000 étudiants étrangers, ce qui nous situe loin derrière les Etats-Unis (560.000), le Royaume-Uni (350.000), et l'Allemagne (200.000), l'objectif étant pour l'agence Edufrance de doubler le nombre de ces étudiants en cinq ans, ce qui suppose de renforcer l'attractivité de nos formations supérieures dans la perspective d'une consolidation de la place de la langue française dans le monde.

Il a également estimé qu'il convenait d'inciter davantage les étudiants français à poursuivre leur cursus dans une université étrangère au titre des programmes européens d'échanges : 17.000 seulement font ce choix chaque année alors que les crédits budgétaires prévus pour compléter l'aide communautaire restent dérisoires.

Il a enfin souligné la nécessité de poursuivre la modernisation des universités qui bénéficient pourtant depuis la loi de 1984 d'une autonomie pédagogique et scientifique, administrative et financière. Rappelant qu'une nouvelle réglementation budgétaire, financière et comptable avait été mise en place en 1994, il a constaté que leur autonomie restait trop limitée en dépit des progrès enregistrés depuis 1997 dans la gestion de leurs enseignants-chercheurs, depuis 1999 dans leurs relations avec le monde économique, avec la loi sur la recherche et l'innovation, et plus récemment pour la gestion de leur patrimoine.

Il a considéré qu'une plus grande efficacité de nos universités passait d'abord par un renforcement de leur autonomie, c'est-à-dire la maîtrise de leurs moyens, y compris humains, un tel objectif supposant en retour une véritable évaluation des établissements et de leurs formations, qui reste aujourd'hui embryonnaire, celle-ci devant être améliorée avec la réforme annoncée du Conseil national d'évaluation (CNE) et une plus grande implication de l'inspection générale.

Estimant enfin que la progression modeste des crédits de l'enseignement supérieur ne s'accompagnait pas d'innovations pédagogiques adaptées, que les perspectives d'ouverture européenne restaient confuses et que l'autonomie des universités était encore entravée par un centralisme excessif, il a proposé à la commission de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur.

Un large débat s'est alors instauré.

M. Michel Thiollière s'est inquiété des conséquences financières pour les collectivités territoriales des retards enregistrés du fait de l'administration centrale dans le démarrage des travaux universitaires sous maîtrise d'ouvrage d'Etat dans le cadre du CPER, dont l'exécution à une date donnée conditionne l'attribution de crédits européens.

Il a également souligné le dérapage des budgets de construction universitaire par rapport aux prévisions initiales, qui conduit les régions à accroître leur part de financement en raison d'un plafonnement de la participation de l'Etat.

S'appuyant sur l'exemple d'étudiants chinois qui ont été conduits à abandonner rapidement leurs études à l'université de Saint-Etienne, en raison d'une préparation insuffisante, il a estimé que l'accueil des étudiants étrangers dans nos établissements universitaires devrait comporter un dispositif d'accompagnement adapté.

M. Jacques Legendre s'est enquis des aides éventuellement prévues en faveur des écoles d'ingénieurs privées pour alléger la participation financière des élèves et de leur famille.

Rappelant les objectifs assignés à l'agence Edufrance par l'ancien ministre de l'éducation nationale et par l'actuel ministre des affaires étrangères, qui prévoyaient l'accueil dans nos universités de 400.000 à 500.000 étudiants étrangers en quelques années, il a regretté que les moyens trop faibles accordés à l'agence n'aient pas permis de réaliser ces objectifs sans doute trop ambitieux.

Il a par ailleurs fait observer que les conditions d'accueil de nos universités étaient moins attractives qu'au Royaume-Uni, alors que des capacités existent du fait de la stagnation des effectifs étudiants, la France se privant ainsi des retombées, notamment économiques, de l'accueil d'un nombre plus important d'étudiants étrangers.

M. Louis Duvernois a estimé que le système universitaire français pâtissait d'un déficit d'image à l'étranger et qu'il convenait d'harmoniser les cursus universitaires européens.

Soulignant, lui aussi, l'importance de la mission de l'agence Edufrance et les mauvaises conditions d'accueil des étudiants étrangers, il a noté que plusieurs milliers de bacheliers étrangers formés dans le réseau des 500 établissements français à l'étranger seraient susceptibles de poursuivre des études supérieures en France, et que l'agence aurait vocation à assurer l'accompagnement de ces étudiants, en développant un accueil inspiré de celui des universités anglo-saxonnes.

Mme Danièle Pourtaud a estimé que la conclusion du rapporteur pour avis était contradictoire avec la présentation, à bien des égards, positive du projet de budget. Elle a rappelé que l'accélération des dépenses d'investissement à Paris et dans la région Île-de-France résultait d'un refus initial de participer au financement du plan université 2000, cette attitude étant à l'origine de l'état actuel de délabrement de certaines des universités parisiennes ; elle a estimé que la collaboration aujourd'hui heureusement engagée entre la ville de Paris et la région dans le cadre du plan U3M devrait permettre de remédier à cette situation.

Elle a souhaité obtenir des précisions sur les dysfonctionnements évoqués en matière de maîtrise d'ouvrage et a fait observer que la sous-consommation des crédits d'investissement résultait aussi d'appels d'offres infructueux ou de défaillances d'entreprises.

Elle a par ailleurs noté que l'action de l'agence Edufrance avait permis d'accueillir 3.000 étudiants étrangers supplémentaires au cours des deux dernières années universitaires, ce qui est certes loin des objectifs annoncés, et que son efficacité devait également être appréciée, au-delà des seuls moyens budgétaires, en tenant compte de la politique contractuelle engagée avec les universités françaises, qui doivent en effet se tourner davantage vers l'extérieur et améliorer la qualité de leur accueil, avec l'aide sans doute des collectivités territoriales.

M. Michel Guerry a rappelé que les lycées français à l'étranger scolarisaient 40 % d'élèves étrangers et que certains établissements bilingues accueillaient de nombreux étudiants susceptibles de poursuivre des études supérieures en France à la condition de bénéficier de conditions d'accueil satisfaisantes. Il est convenu que le message de nos universités passait difficilement à l'étranger et a estimé que la seule comparaison significative en termes d'accueil d'étudiants étrangers devait être faite avec l'Allemagne.

S'appuyant sur des informations recueillies lors d'un récent colloque sur la coopération franco-marocaine, M. Jacques Valade, président, a regretté que le processus de sélection des étudiants étrangers susceptibles d'être accueillis en France reste fondé sur la maîtrise de la langue française, au détriment de la volonté exprimée par de nombreux étudiants de suivre des études supérieures dans nos universités, ceux-ci étant susceptibles d'acquérir rapidement une maîtrise suffisante de notre langue avant d'entamer un cursus universitaire. Il a estimé qu'une réflexion devait être engagée sur ce sujet.

Il a par ailleurs souhaité que la commission mette rapidement en place une mission d'information sur le patrimoine immobilier universitaire, qui serait notamment chargée d'établir un état des lieux, d'examiner les problèmes de maintenance et de développement des constructions et d'étudier les relations entre l'Etat, les collectivités territoriales et les établissements universitaires au travers du mécanisme des contrats de Plan Etat-régions.

Répondant à ces interventions, M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis, a indiqué que la conclusion de son rapport résultait logiquement de l'analyse des insuffisances du projet de budget, celles-ci ayant d'ailleurs été soulignées par la principale organisation représentative des enseignants-chercheurs qui lui a fait part de ses inquiétudes concernant notamment le renouvellement des personnels appelés à partir en retraite dans les années à venir. Il a ensuite apporté les précisions suivantes :

- les défaillances constatées en matière de maîtrise d'ouvrage conduisent à des retards dans la réalisation des travaux et à un dépassement des coûts d'objectifs fixés par l'Etat ; la création d'une mission d'information sur le patrimoine immobilier universitaire apparaît en conséquence particulièrement opportune ;

- les chiffres fournis relatifs à l'accueil des étudiants étrangers visent les inscriptions universitaires et non les effectifs « en stock » ;

- nos universités souffrent en effet d'un déficit d'image à l'étranger, du fait d'une promotion insuffisante de notre système universitaire ;

- le refus de la région Île-de-France et de la Ville de Paris de participer au financement du plan Universités 2000 doit être replacé dans le débat de l'époque sur la répartition des compétences, ce refus s'expliquant aussi par la densité des équipements universitaires parisiens et franciliens, très supérieure à celle constatée en régions ;

- la situation de la France au regard des étudiants étrangers doit en effet plutôt être comparée à celle de l'Allemagne qu'à celle des pays anglo-saxons où les conditions d'accueil « linguistique » ne se posent pas dans les mêmes termes ; il serait envisageable de mettre en place dans nos universités des formations accélérées de français précédant la rentrée universitaire, voire de dispenser certains enseignements en langue étrangère ;

- alors que l'enseignement supérieur conditionne l'avenir et le développement de notre pays, on peut regretter qu'il ne constitue pas une priorité budgétaire du Gouvernement.

M. Jacques Valade, président, a confirmé que la mise en place du plan Universités 2000 avait suscité un large débat sur le problème de la répartition des compétences, et que de nombreuses régions, comme l'Aquitaine, avaient accepté, contraintes et forcées du fait de leur sous-équipement universitaire, de déroger à cette répartition fixée par les lois de décentralisation et de participer au financement de ce programme, comme d'ailleurs elles sont conduites à le faire de manière récurrente, dans d'autres domaines, par exemple ceux des infrastructures routières et des transports.

Au terme de ce débat, suivant les propositions de son rapporteur pour avis, la commission a décidé de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur pour 2002.

Projet de loi de finances pour 2002 - Crédits consacrés à la presse écrite - Examen du rapport pour avis

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a tout d'abord examiné le rapport pour avis de M. Louis de Broissia sur les crédits de la presse écrite inscrits au projet de loi de finances pour 2002.

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis
, a rappelé dans un premier temps que la croissance globale des aides à la presse serait de 7,2 % en 2002, précisant que ce chiffre résultait de la croissance spontanée des recettes de la taxe sur la publicité hors-média, créée par amendement parlementaire en 1998 et affectée au fonds de modernisation de la presse. Les aides directes de l'Etat, en revanche, n'augmenteront pas en 2002.

Dans la mesure où, a-t-il estimé, le projet de budget mesure le volontarisme du Gouvernement à l'égard de la presse, ce gel incite à porter une appréciation tempérée sur les propositions du Gouvernement, attitude que renforce l'examen de certains postes de dépenses :

- l'aide aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires augmentera de 1,2 % en 2002. Compte tenu des graves incertitudes qui pèsent à court terme sur l'avenir de certains journaux émargeant à ce fonds, il n'est pas assuré que ce mécanisme et la dotation qui lui est allouée en 2002 correspondent à la situation de la presse d'opinion ;

- le fonds d'aide aux investissements multimédia ne recevra aucune dotation en 2002, le Gouvernement considérant que les 10 millions de francs de remboursements attendus permettront de satisfaire les demandes présentées au cours de cet exercice. Or le fonds multimédia permet de mettre en oeuvre un mécanisme efficace de soutien aux mutations importantes liées à l'avènement des nouvelles technologies de l'information. Il est regrettable, a estimé le rapporteur pour avis, qu'aucun crédit supplémentaire ne soit prévu en 2002, alors que par ailleurs rien ne semble encore prévu pour assurer la continuation du fonds ;

- l'aide au transport postal de la presse est reconduite en 2002 au niveau des exercices précédents, soit 1,9 milliard de francs. Le contrat d'objectifs de la poste, qui fixe ce montant, arrive à échéance à la fin de 2001. L'Etat prolonge donc son engagement pour un an, et s'engage en outre à ne pas augmenter les tarifs postaux de la presse en 2002, en attendant la renégociation des accords presse-poste.

L'année 2002 sera donc un temps de pause au-delà duquel les perspectives de l'aide postale pourraient s'assombrir, compte tenu du fait que le coût de distribution de la presse pris en charge par la poste sur la durée d'exécution du contrat d'objectifs pourrait être évalué à environ 7 milliards de francs, montant élevé qui pourrait conduire à la remise en cause des conditions actuelles du transport postal de la presse.

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis, a estimé qu'il aurait été souhaitable que l'Etat se saisisse dès 2001 de ce dossier crucial.

Le caractère modérément novateur des propositions présentées peut être considéré, a-t-il poursuivi, comme une seconde faiblesse du projet de budget.

Le contexte économique est en effet préoccupant. Depuis le début de 2001, le marché publicitaire donne de sérieux signes de ralentissement et le mois de mai s'est révélé très insatisfaisant. Les attentats du 11 septembre ont donné un coup d'arrêt à toute perspective de redressement du marché, et la chute brutale de l'activité s'est manifestée après le 11 septembre par le gel des campagnes publicitaires.

Pour toute réponse à cette situation et face aux perspectives de récession, le projet de budget introduit une utile mais timide innovation dans la gestion du fonds de modernisation de la presse, en prévoyant l'affectation temporaire d'une partie de ses recettes supplémentaires attendues au financement de mesures destinées à régler tardivement et provisoirement le problème permanent des coûts de distribution de la presse quotidienne nationale.

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis, a regretté le caractère temporaire de cette mesure, précisant que l'aide à la distribution de la presse parisienne n'avait de sens que comme instrument permanent de compensation des surcoûts engendrés par la distribution à flux tendu de la presse quotidienne d'information politique et générale. Il devient en effet impossible, a-t-il estimé, de faire assumer par l'ensemble des éditeurs l'entière charge de la péréquation.

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis, a en outre estimé que le fonds de modernisation de la presse devrait pouvoir éventuellement servir de fonds d'intervention d'urgence. Il a évoqué la possibilité d'alimenter à partir de ce fonds un fonds d'aide aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires aux objectifs élargis, la possibilité de lisser momentanément, en fonction de la dégradation de la conjoncture, les recettes publicitaires de la presse d'opinion, et l'idée d'étendre le bénéfice d'un tel mécanisme à l'ensemble de la presse d'information politique et générale.

Qualifiant le projet de budget des aides à la presse de bon exercice comptable à base de réutilisation de crédits non consommés en 2001, de réaffectation pertinente des crédits de fonds en extinction, de redistribution timidement novatrice de recettes para-fiscales, dans la logique - initiée en 1995 - du redéploiement de l'effort public vers la presse d'information politique et générale, il a enfin proposé à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la presse pour 2002, y voyant un moyen d'encourager le Gouvernement à montrer rapidement un surcroît d'imagination et de volontarisme dans le contexte très difficile qui se met en place.

A la suite de cet exposé, le rapporteur pour avis a indiqué à M. Philippe Nogrix, qui souhaitait savoir qui supporte le coût de la distribution postale de la presse, que le financement en était réparti entre l'Etat, la presse et la poste. Il a précisé que la dégradation du service postal posait à la presse d'importants problèmes, observant que la distribution dans l'après-midi des journaux du matin leur faisait perdre la moitié de leur valeur. Il a aussi indiqué que le projet de budget de 2002 permettait maintenant l'aide au portage de la presse, système de distribution extrêmement efficace encore que les quotidiens nationaux n'aient pas la possibilité de l'utiliser dans les mêmes proportions que la presse locale et régionale.

La commission a ensuite émis, suivant la proposition de son rapporteur, un avis favorable à l'adoption des crédits de la presse pour 2002.

Projet de loi de finances pour 2002 - Crédits consacrés à la communication audiovisuelle - Examen du rapport pour avis

Puis, la commission a examiné le rapport pour avis de M. Louis de Broissia sur les crédits de la communication audiovisuelle inscrits au projet de loi de finances pour 2002.

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis
, a indiqué que les ressources globales des organismes publics devaient en 2002 augmenter de 3,2 % par rapport à 2001, rappelant que l'augmentation de ces montants avait été de 6,1 % de 2000 à 2001.

Les ressources publiques, a-t-il précisé, augmenteront de 3,4 % contre 10 % de 2000 à 2001, les objectifs de ressources propres sont en augmentation de 2,7 %, la part du financement public devrait représenter, comme en 2001, 77 % de l'ensemble des ressources, se montant à 63 % pour France 2 et à 71 % pour France 3.

Évoquant le coût élevé du développement numérique de France Télévision, il a estimé probable la poursuite de l'augmentation de la part de la redevance dans les recettes des organismes publics et l'augmentation correspondante des taux, sauf à ce que la recette publique de complément, sûre et évolutive, dont le ministre de la culture et de la communication avait évoqué la nécessité au cours de sa dernière audition par la commission des affaires culturelles, soit rapidement identifiée et mise en place.

C'est ainsi, a-t-il indiqué, que si le taux de la redevance n'augmente que de 1,8 % en 2002, ce budget marque sur ce point un palier avant le lancement du numérique de terre, en vue duquel il est question de porter la redevance autour de 1.000 francs à l'issue du contrat d'objectifs et de moyens bientôt signé entre le Gouvernement et France Télévision. Il a aussi noté que le ministre de la culture et de la communication avait indiqué, à l'occasion du débat sur les crédits de la communication à l'Assemblée nationale, que la progression des ressources publiques de France Télévision pourrait aller jusqu'à 3,7 % par an pendant la durée du contrat d'objectif.

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis, a ensuite rappelé que le coût de l'entrée dans le numérique de terre était évalué par France Télévision à 1,1 milliard de francs en régime de croisière, auquel s'ajoutera le coût de l'investissement, financé par la dotation d'1 milliard promise par le Gouvernement.

Il a évoqué la réduction du temps de travail, dont le coût est évalué annuellement à 34 millions de francs pour France 2 et à 104 millions pour France 3. Il a noté qu'elle ne semblait pas avoir épuisé toutes ses conséquences financières au cours des exercices passés, spécialement en ce qui concerne France 3 où l'importance des reports de congés et des ouvertures de « compte épargne temps » laisse présager une inadéquation entre les objectifs et les moyens de l'entreprise si une refonte de l'organisation du travail n'est pas engagée.

Rappelant que les gains de productivité devaient concourir au financement du projet numérique grâce à la mise en synergie des antennes et des équipes et grâce aux économies liées à la création du groupe, il a relevé le caractère imprécis du programme d'économies annoncé, notant que la masse salariale de France 3, qui représente 34 % de ses charges, avait augmenté de 11 % entre 1999 et 2000, tendance difficile à renverser compte tenu des modalités de la réduction du temps de travail.

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis, a ensuite estimé que les recettes de publicité complèteront dans des proportions vraisemblablement modestes les crédits publics et l'autofinancement de France Télévision. Les objectifs de recettes publicitaires et de parrainage de l'ensemble de l'audiovisuel public ont été fixés en augmentation de 4 % par rapport à 2001, cette augmentation devant s'élever à 3,8 % pour France Télévision. Or la crise du marché publicitaire rend improbable la réalisation des objectifs 2001, et plus improbable encore celle des objectifs 2002. Dès lors la publicité, qui représentera près de 30 % des recettes de France Télévision en 2002 et dont la loi entendait limiter le poids, pourrait devenir une ressource de compléments trop restreinte, au moment où les besoins de financement sont croissants.

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis, a estimé que les incertitudes qui pèsent ainsi sur les ressources des organismes publics pouvaient entraver la réalisation des ambitieux projets des prochaines années.

Il a ensuite évoqué le lancement de la télévision numérique de terre (TNT), rappelant le rôle du Sénat dans l'émergence de ce dossier et les analyses très critiques qu'il avait faites du régime juridique institué par la loi du 1er août 2000 sur la proposition du Gouvernement.

Il a exprimé la crainte que le lancement de la télévision numérique de terre ne débouche soit sur un échec économique, soit sur une réussite contredisant les principes de pluralisme et de concurrence mis en avant lors du débat législatif de 2000.

Rappelant qu'une condition essentielle du succès de la TNT était l'équipement rapide et massif de l'ensemble du public avec des boîtiers décodeurs ou avec des téléviseurs numériques, et relevant que la fourniture de ce matériel en prêt ou en location par les éditeurs et distributeurs de chaînes payantes augmenterait sensiblement les chances de réaliser cet objectif difficile, il a estimé qu'il appartiendrait au distributeur commercial des services payants, chargé de monter un réseau de distribution des boîtiers, de commercialiser les abonnements, de suivre les relations avec la clientèle et d'effectuer la promotion publicitaire d'un bouquet de chaînes payantes, d'assumer ce rôle, devenant ainsi le pivot de l'économie de la TNT.

L'ampleur de cette tâche et celle des investissements nécessaires nécessitera, a-t-il estimé, le recours à des distributeurs commerciaux puissants et expérimentés, tels que Canal-Satellite et TPS.

Or Canal Plus, qui dispose d'un réservoir de 2,7 millions d'abonnés en hertzien analogique qui faciliterait notablement le lancement de la TNT si la chaîne orientait ses abonnés vers le numérique de terre plutôt que vers Canal satellite, paraît en mesure de jouer un rôle crucial pour le succès du lancement de la TNT, et semble désireux d'étendre sa compétence à la position de distributeur unique, ce qui lui attribuerait le contrôle commercial de la TNT.

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis, a rappelé que le Gouvernement avait justifié son choix de faire attribuer les autorisations d'utiliser les fréquences numériques service par service, et non par multiplexe comme le proposait le Sénat, en invoquant l'objectif de pluralisme et de diversité des opérateurs, et il a estimé que la réalisation de ces objectifs excluait la constitution d'une position commerciale dominante dans le secteur de la TNT.

Il a noté que le Gouvernement semblait conscient de cet enjeu, dans la mesure où le ministre de l'économie et des finances avait confié le 18 octobre au directeur général de la concurrence la mission d'étudier « les modalités économiques de nature à assurer à la TNT les meilleures chances de succès, dans le cadre d'une concurrence effective permettant l'accès des différents intervenants dans des conditions transparentes, ouvertes et non discriminatoires ».

Il a aussi considéré que la constitution éventuelle d'un consortium d'opérateurs chargé de la commercialisation des services pourrait limiter les risques d'atteinte à la concurrence.

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis, a enfin estimé indispensable que le Gouvernement et le Parlement s'engagent de façon claire, avec le lancement de la TNT, dans le pari de la convergence. Selon le ministre de la culture et de la communication, il faudra de 5 à 7 ans pour opérer le basculement de l'analogique vers le numérique. Il serait dès lors nécessaire que les pouvoirs publics démontrent l'existence d'une volonté politique de réussir ce pari et permettent au public et à l'industrie de se préparer au basculement, en fixant publiquement sa date en 2007 ou en 2009.

Il a enfin proposé à la commission de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur l'adoption ou le rejet des crédits de la communication pour 2002.

Un débat s'est ensuite engagé.

Mme Danièle Pourtaud a réfuté la qualification de modèle dirigiste obsolète appliquée par le rapporteur pour avis au régime juridique de la TNT, observant que les fréquences n'étaient pas attribuées par le Gouvernement mais par le CSA. Elle a estimé que la loi du 1er août 2000 avait privilégié la diversité des éditeurs et la sortie du système de cartellisation existant en diffusion analogique hertzienne terrestre, et que ce problème était indépendant de celui du choix des distributeurs commerciaux de la TNT. Elle a aussi précisé que la loi prévoyait l'attribution d'une partie des fréquences aux programmes locaux et associatifs, renforçant ainsi la diversité des services hertziens.

Elle a exprimé son accord sur la nécessité d'une mobilisation en vue du passage au numérique de terre.

Elle a enfin souhaité connaître le montant des recettes de parrainage des organismes de l'audiovisuel public.

M. François Autain a observé que le rapporteur pour avis s'était déclaré favorable à l'augmentation de la redevance, rappelant que le taux de celle-ci était très faible par rapport aux taux existant en Grande-Bretagne ou en Allemagne.

Il a aussi souhaité savoir si le rapporteur pour avis transposait à la chaîne Public Sénat les critiques portées à l'Assemblée nationale contre le coût de la chaîne parlementaire, les budgets des deux chaînes étant sensiblement équivalents.

M. Jacques Valade, président, a alors exprimé l'avis que l'indice de satisfaction des sénateurs à l'égard de Public Sénat était supérieur à celui des députés à l'égard de la chaîne de l'Assemblée nationale.

M. Philippe Nogrix a demandé au rapporteur pour avis de préciser les raisons pour lesquelles il concluait par une proposition de sagesse une présentation globalement sévère des propositions du Gouvernement, spécialement en ce qui concerne les besoins de financement de l'audiovisuel public, la solidité des objectifs des ressources propres fixés pour 2002 et la pertinence du processus de lancement du numérique de terre.

M. Jack Ralite a estimé que s'il convenait de se réjouir de la position exprimée par l'Europe sur le dossier de l'audiovisuel à l'OMC, il convenait de rester vigilant face aux propositions, déposées par les Etats-Unis, le Brésil, le Japon et la Suisse, d'introduire l'audiovisuel dans l'ordre du jour. Il a aussi rappelé l'inquiétude largement exprimée sur ces questions lors des récentes rencontres de Beaune sur le cinéma.

M. Henri Weber, tout en rappelant que les négociateurs européens avaient reçu le mandat de refuser l'introduction de l'audiovisuel dans les débats de l'OMC, a aussi estimé qu'il convenait de garder sur ce sujet une vigilance de tous les instants.

Observant ensuite qu'il avait longtemps été question des obstacles technologiques au lancement de la TNT, tels que le changement des téléviseurs, la réutilisation des antennes et le coût supposé prohibitif de ces opérations, alors que des solutions paraissent à portée de main dans tous ces domaines, il a demandé si le rapporteur pour avis partageait cette analyse.

Notant que les difficultés de la TNT en Grande-Bretagne provenaient de la concurrence destructive que lui avait livrée la télévision par satellite, il a estimé possible d'instituer en France des règles efficaces de compétition. Il a relevé en particulier que l'attribution de la fonction de distributeur à un consortium d'opérateurs paraissait une solution adéquate au problème de la distribution des services payants.

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis, a présenté les réponses suivantes :

- le CSA applique les dispositions législatives qui ont fait l'objet d'une discussion entre le Parlement et le Gouvernement. Il n'y a donc aucune raison de mettre en cause son rôle dans le lancement de la TNT ;

- le Sénat avait réclamé au cours du débat législatif sur le régime juridique de la TNT la réalisation d'une étude économique qui aurait permis de mieux comprendre l'économie de la TNT et de concevoir en conséquence les modalités de son lancement. La question qui se pose actuellement est celle du rôle du distributeur commercial. Celui-ci ne doit pas pouvoir fixer les règles du jeu ;

- les programmes locaux et associatifs diffusés en numérique de terre pourront effectivement contribuer à la diversité du paysage audiovisuel. Il faut cependant reconnaître que l'on parle moins de ces programmes que des alliances probables ou possibles entre les grands opérateurs ;

- les chiffres du projet de budget de l'audiovisuel public pour 2002 ne sont pas mauvais et ne justifient pas l'adoption d'un avis défavorable. C'est en se projetant à l'horizon de deux ou trois ans que l'on éprouve des doutes légitimes sur l'évolution globale du système audiovisuel, sur la place que le secteur public pourra y tenir, et sur la façon dont le projet de budget prépare l'avenir. C'est pourquoi il apparaît justifié que la commission s'en remette à la sagesse du Sénat sur l'adoption des crédits de la communication audiovisuelle ;

- il serait justifié de procéder les prochaines années à une augmentation raisonnable de la redevance afin d'assurer l'indépendance de l'audiovisuel public ;

- la chaîne Public Sénat n'a pas de problèmes de contenu ou de ligne éditoriale. Il conviendra, grâce à la diffusion en numérique de terre, de faciliter l'accès du public à ses programmes.

La commission a ensuite décidé, suivant la proposition de son rapporteur, de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur l'adoption ou le rejet des crédits de la communication audiovisuelle pour 2002.