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Mercredi 23 janvier 2002

- Présidence de M. Xavier Darcos, vice-président. -

Culture - Restitution par la France de la dépouille mortelle de Saartjie Baartman dite « Vénus hottentote » à l'Afrique du Sud - Examen du rapport

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Richert sur la proposition de loi n° 114 (2001-2002) de M. Nicolas About autorisant la restitution par la France de la dépouille mortelle de Saartjie Baartman dite « Vénus hottentote » à l'Afrique du Sud.

M. Philippe Richert a rappelé, à titre liminaire, le sort malheureux de Saartjie Baartman, arrachée à son pays natal, l'Afrique du Sud, pour être exhibée à Londres puis à Paris où elle éveilla l'intérêt du Muséum national d'histoire naturelle qui, à sa mort en 1815, se fit remettre son corps.

Son squelette et le moulage de sa dépouille mortelle figurent aujourd'hui dans les collections du Muséum, et ont été exposés au Musée de l'Homme jusqu'en 1976.

Interrogé au Sénat le 6 novembre 2001 par M. Nicolas About sur la nécessité de restituer les restes de Saartjie Baartman à l'Afrique du Sud, le Gouvernement a indiqué qu'en application des règles de la domanialité publique, cette restitution nécessitait le vote d'une loi. Cette réponse pour le moins contestable a justifié le dépôt de la proposition de loi.

Le rapporteur a souligné que l'examen de cette proposition de loi était l'occasion de mettre en lumière des dysfonctionnements administratifs préoccupants et a observé que cette affaire aurait pu être réglée très simplement par l'autorité administrative.

Il a indiqué que le Gouvernement ne retenait plus désormais l'interprétation défendue au Sénat et considérait que les règles de la domanialité publique ne pouvaient s'appliquer à des restes humains, en application des dispositions du code civil issues de la loi « bioéthique » du 29 juillet 1994. En conséquence, les restes de Saartjie Baartman ne pourraient être considérés comme la propriété du Muséum.

Le rapporteur a considéré que cette nouvelle interprétation, également contestable, soulevait des difficultés qui nécessitaient de la part du Gouvernement une réflexion approfondie sur le statut des collections scientifiques mais en tout état de cause ne s'opposait pas à une restitution.

Il a relevé que cette affaire faisait également apparaître d'inquiétantes lacunes dans la gestion des collections du Muséum.

Le rapporteur s'est en premier lieu interrogé sur les raisons qui avaient conduit à exposer le squelette de Saartjie Baartman, ainsi que le moulage de sa dépouille mortelle, jusqu'en 1976 au Musée de l'Homme alors même qu'ils ne présentaient manifestement aucun intérêt scientifique.

Par ailleurs, il a fait part des négligences inexcusables dans la conservation des collections, indiquant que les bocaux renfermant les pièces anatomiques prélevées lors de la dissection avaient, d'après les informations recueillies auprès du responsable du Muséum, purement et simplement disparu.

M. Philippe Richert s'est étonné qu'alors que l'absence d'intérêt scientifique des restes de Saartjie Baartman ne faisait plus de doute, le Gouvernement français argue désormais de l'absence d'une demande officielle des autorités sud-africaines pour s'opposer à une restitution.

Le rapporteur a indiqué qu'après avoir interrogé à ce sujet l'ambassadeur d'Afrique du Sud en France, ce dernier lui avait communiqué une lettre que lui a adressée le ministre sud-africain des arts, de la culture, de la science et de la technologie, afin d'indiquer que le Gouvernement sud-africain continuait à souhaiter la restitution des restes de Saartjie Baartman et de lui demander de faire connaître cette position au Gouvernement français.

En conclusion, M . Philippe Richert, tout en regrettant qu'il soit besoin de recourir à une loi, a estimé nécessaire de mettre fin à une affaire qui n'avait que trop duré.

Le rapporteur a proposé à la commission un dispositif visant à la fois à sortir des collections du Muséum national d'histoire naturelle les restes de Saartjie Baartman et à prévoir le transfert de leur propriété à l'Afrique du Sud.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé.

M. Ivan Renar a considéré comme honteux que la France n'ait pas su régler à la fois rapidement et dignement cette affaire.

S'il a regretté qu'il faille une loi, il a toutefois estimé qu'elle était nécessaire. Il a indiqué que l'attitude du Gouvernement mettait en difficulté l'Afrique du Sud, réticente à formuler une demande susceptible de recevoir de la part de la France une réponse négative sur une affaire qui, au sein de ce pays, peut susciter des débats de politique intérieure entre les différentes ethnies.

Il a jugé nécessaire d'exprimer la réprobation que suscite le sort de Saartjie Baartman et de faire prévaloir dans cette affaire la morale.

M. Jean-Luc Miraux, après avoir également considéré qu'il fallait répondre favorablement à la requête de l'Afrique du Sud, a souhaité éviter que l'adoption de la proposition de loi ne constitue un précédent qui risquerait d'encourager d'autres demandes de restitution.

M. Xavier Darcos, président, après avoir exprimé la même inquiétude, s'est interrogé sur les conditions de gestion et de conservation des collections du Musée de l'Homme. Il a également souhaité que la mission d'information de la commission sur la gestion des collections des musées se penche sur le fonctionnement de ce musée, qui relève de la tutelle du ministère de l'éducation nationale.

En réponse aux intervenants, M. Philippe Richert, rapporteur, a souligné que la restitution des restes de Saartjie Baartman, qui aurait dû être effectuée sans recourir à la loi, ne posait pas de problème au regard de la conservation des collections, dans la mesure où ils ne présentent aucun intérêt scientifique justifiant leur maintien dans ces collections.

Il a observé qu'en tout état de cause, si l'on estimait nécessaire de conserver des informations sur son squelette, ce serait facilement réalisable en recourant aux techniques actuellement disponibles.

Il a indiqué que d'autres demandes de restitution portant sur les collections du Muséum ont été adressées au Gouvernement français qui envisage pour certaines d'y apporter une réponse favorable sans toutefois avoir encore arrêté la procédure administrative à suivre. Il a souhaité qu'une réflexion soit engagée sur le statut des collections scientifiques de ce type. Il s'est interrogé, à ce titre, sur les conditions dans lesquelles les dispositions de la loi relative aux musées de France concernant le statut des collections leur seraient appliquées.

Il s'est également inquiété des conditions de conservation des collections du Musée de l'Homme, qui ne sont pas de nature à assurer leur intégrité, et il est convenu avec M. Xavier Darcos, président, que l'examen de la proposition de loi constituait une justification supplémentaire de la création d'une mission d'information sur la gestion des collections des musées.

Enfin, il a estimé nécessaire que la restitution puisse être l'occasion pour la France de reconnaître les erreurs du passé. A cet égard, il s'est étonné des déclarations faites par le Gouvernement, en réponse à la question orale sans débat de M. Nicolas About, considérant que la restitution des restes de Saartjie Baartman impliquerait la responsabilité de la France alors qu'elle ne pouvait être considérée comme responsable du sort qui lui avait été réservé.

La commission a ensuite procédé à l'examen du dispositif proposé par le rapporteur.

Après leur avoir apporté une modification de précision proposée par MM. Louis Duvernois et Jean-Luc Miraux, elle a adopté à l'unanimité les conclusions proposées par son rapporteur.

Régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle - Examen des amendements

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a examiné, sur le rapport de M. Bernard Fournier, les amendements à la proposition de loi n° 138 (2001-2002), adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relative au régime d'assurance chômage desintermittents du spectacle.

A titre liminaire, M. Bernard Fournier, rapporteur, a indiqué que, depuis l'examen par la commission de la proposition de loi, un accord avait été conclu, le 10 janvier 2002, par les partenaires sociaux.

Cet accord, signé par l'ensemble des organisations patronales et syndicales à la seule exception de la confédération générale du travail (CGT), proroge les annexes VIII et X dans leur rédaction actuelle jusqu'au 30 juin 2002. Par ailleurs, les partenaires sociaux ont également convenu de se réunir dès le 5 mars pour examiner la situation de la gestion des annexes.

Le rapporteur a noté que, dans ce contexte, il était légitime de se demander si l'intervention du législateur était toujours utile. Il a considéré que le Gouvernement, en maintenant l'inscription de la proposition de loi à l'ordre du jour du Sénat, signifiait son intention de ne pas agréer l'accord. Cette attitude qui méconnaît la compétence des partenaires sociaux justifie que la commission maintienne sa position pour remédier à la carence du Gouvernement.

Après un débat auquel ont participé, outre le rapporteur, Mme Marie-Christine Blandin, M. Xavier Darcos, président, etM. Ivan Renar, la commission a donné un avis défavorable à l'adoption de l'amendement n° 2, présenté par M. Ivan Renar et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant d'une part, à proroger les annexes VIII et X dans leur rédaction actuelle jusqu'au 31 décembre 2002 à défaut d'agrément avant cette date d'aménagement à la convention générale du 1er janvier 2001 et, d'autre part, à prévoir qu'après cette date, à défaut d'agrément d'un accord, les annexes VIII et X seraient rattachées à la convention du 1er janvier 2001.