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Mardi 4 février 2003

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

Sport - Audition de M. Gervais Martel, président de l'Union des clubs professionnels de football

La commission a procédé à l'audition de M. Gervais Martel, président de l'Union des clubs professionnels de football.

Accueillant M. Gervais Martel, M. Jacques Valade, président, a souligné l'intérêt que portait la commission aux problèmes généraux posés par le financement du football professionnel, rappelant qu'elle avait déjà entendu, le 21 janvier dernier, M. Frédéric Thiriez, président de la Ligue de football professionnel, et qu'elle s'apprêtait à auditionner les directions de Canal Plus et de TF1.

Evoquant les responsabilités exercées par M. Gervais Martel, tant comme président du Racing club de Lens que comme président de l'Union des clubs professionnels de football (UCPF), il l'a invité à présenter devant la commission, en qualité « d'acteur du football », ses réflexions sur l'organisation de ce sport professionnel en France, sur les réformes de structures susceptibles d'en améliorer le fonctionnement ou la gestion, et enfin sur les recettes tirées des droits de retransmission télévisée, dont il a rappelé qu'ils n'avaient pas vocation à financer seulement les clubs professionnels, mais également le football amateur et le sport de masse dans son ensemble, à travers la contribution de 5 % perçue au profit du Fonds national pour le développement du sport (FNDS).

Remerciant M. Jacques Valade, président, pour ses propos de bienvenue, M. Gervais Martel s'est félicité de pouvoir présenter devant la commission le point de vue de l'UCPF, dont il a rappelé qu'elle avait été créée en 1990 pour représenter les clubs au sein de la grande famille du football, à côté des syndicats représentant respectivement les joueurs, les entraîneurs, les arbitres et les personnels administratifs.

Il a précisé que la Ligue de football professionnel, qui réunit l'ensemble des intérêts du football, avait vocation à défendre une vision stratégique globale de ce sport professionnel, alors que l'organisme qu'il présidait devait, plus modestement, s'attacher aux difficultés concrètes que rencontrent les clubs dans leur fonctionnement quotidien, dans une approche se voulant à la fois pratique et réactive. Il a cité, à titre d'illustration, des dossiers auxquels l'UCPF s'était attachée avec succès, et notamment celui des accidents du travail, qu'elle était parvenue à réduire dans une proportion significative au cours des quatre dernières années.

Il a indiqué que l'UCPF menait actuellement un combat vigoureux pour défendre le système de formation français des jeunes joueurs, qui a fait le succès du football français, et qui est actuellement menacé par une situation de concurrence déloyale tenant aux disparités des systèmes fiscaux et des régimes de protection sociale à l'échelle européenne, et qui profite aux clubs étrangers.

Il a expliqué que pour verser à un joueur un salaire net d'impôt de quinze mille euros, un club français devait débourser soixante mille euros, un club anglais vingt-huit mille euros et un club italien trente mille euros.

Il a imputé à ces distorsions de concurrence le fait que 95 % des meilleurs joueurs français jouent dans des clubs étrangers, expliquant que, pour compenser ces départs, les clubs français devaient former un nombre croissant de jeunes joueurs, sans pour autant avoir l'assurance de pouvoir les conserver.

Dans cette situation difficile, il a jugé particulièrement indispensable que le football français reste solidaire, et s'est félicité de la signature, en février 2002, par l'ensemble des clubs concernés, d'une charte qui précise notamment la répartition des droits de retransmission télévisée, suivant des principes qu'il a rapidement décrits : l'attribution de minima pour chacun des clubs, la répartition d'un second volet financier en fonction du classement, et l'affectation du solde -soit 20 % de l'ensemble- suivant le double critère des résultats sur le moyen terme et de la notoriété. Tout en déplorant les remises en question récentes de cette charte, il a indiqué qu'elle ferait l'objet d'une nouvelle discussion, et s'est déclaré confiant sur l'obtention d'un nouvel accord ne remettant en question ni la centralisation de la négociation entre les mains de la Ligue de football professionnel, ni le principe de solidarité.

Rappelant que les clubs professionnels avaient été confrontés au cours des dernières années à une diminution de l'appui financier qu'ils reçoivent des collectivités territoriales, et devaient faire l'objet d'une gestion plus autonome, M. Gervais Martel a souhaité qu'interviennent rapidement certaines réformes de structures, de nature à faciliter la recherche de nouveaux partenaires ; il a notamment jugé indispensable que les clubs professionnels puissent, à l'avenir, être propriétaires de leur numéro d'affiliation, de leurs marques et de leurs droits de retransmission télévisée.

Il a estimé que si la cotation en bourse pouvait, le cas échéant, constituer une piste envisageable pour permettre à des clubs comme le Paris-Saint-Germain ou l'Olympique de Marseille d'améliorer leur actionnariat, des clubs comme celui de Lens, si on leur permettait l'appel public à l'épargne, préféreraient d'abord s'adresser à leurs supporters.

Abordant la question des droits de retransmission télévisée, il a reconnu que ceux-ci constituaient certes une part appréciable -souvent plus de la moitié- des ressources des clubs professionnels, mais a souligné qu'ils bénéficiaient également au football amateur, et plus largement, à l'ensemble du sport.

Il a en effet précisé qu'il avait été prévu, par convention, d'affecter 15 millions d'euros au football amateur, que la taxe de 5 % perçue par le FNDS bénéficierait à l'ensemble du sport de masse, et que les sommes perçues par les clubs professionnels permettraient notamment de financer des centres de formation des jeunes joueurs.

Il a estimé que la progression que laissaient espérer les résultats du dernier appel d'offres ne constituait qu'une remise à niveau par rapport aux tarifs pratiqués dans d'autres pays européens, et contribuerait à mettre le football professionnel français en situation concurrentielle.

Il a rappelé que les clubs de football professionnel étaient des acteurs économiques à part entière, qui créaient d'ailleurs de nombreux emplois, ajoutant que, dans le système très fortement concurrentiel où ils se trouvaient engagés, ils étaient soumis à une obligation de résultat impérieuse, pour ne pas décevoir des supporters qui consentent parfois d'importants sacrifices financiers pour soutenir leur équipe.

En conclusion, M. Gervais Martel a exprimé les préoccupations que lui inspiraient, malgré les positions fermes exprimées lors du sommet de Nice en faveur de l'exception sportive, les conséquences pour le football français de la réglementation européenne, et les surenchères qui amenaient les joueurs à rechercher à l'étranger les clubs les plus offrants.

Un débat s'est engagé à la suite de cet exposé.

M. René-Pierre Signé a exprimé l'inquiétude que lui inspirait le rôle croissant de l'argent dans le sport, estimant que le développement du sport spectacle, et l'explosion des salaires et des enjeux financiers qu'il entraînait, altéraient gravement l'éthique du sport telle que la concevait Pierre de Coubertin. Tout en approuvant, dans son principe, l'effort de formation consenti en faveur des jeunes footballeurs, il a craint que celle-ci n'alimente souvent de faux espoirs, compte tenu de la faible proportion des joueurs parvenant à la notoriété. Évoquant la revendication formulée par les clubs professionnels d'une diminution des impôts et des charges sociales pesant sur les joueurs professionnels, il a demandé ce qui justifiait que le football puisse bénéficier d'un régime spécifique. Il a considéré que les résultats du Mondial montraient l'impasse d'un certain système, estimant que de meilleurs résultats auraient pu être obtenus par des joueurs moins connus, mais plus déterminés. Enfin, il a souligné la disproportion des sommes qui sont consacrées au football professionnel et au football amateur.

M. Michel Thiollière a évoqué les liens naturels qui unissent un club de football à sa ville de rattachement, rappelant que, par le passé, les collectivités territoriales n'hésitaient pas à venir en aide à un club pour l'aider à traverser une phase difficile. Il a cependant estimé que le changement d'échelle des budgets des clubs professionnels ne permettait plus aux villes d'intervenir de façon effective.

Tout en jugeant inévitable que les clubs se rapprochent d'une logique d'entreprise, il a souhaité rappeler que ceux-ci ne devaient pas pour autant rompre avec les règles du monde associatif dont ils étaient issus, et devaient accepter leur nature hybride. Regrettant le détachement dont font parfois preuve certains grands clubs à l'égard de leur collectivité de rattachement, il a interrogé M. Gervais Martel sur les moyens d'éviter cette dérive, souhaitant que la ville dont le club porte l'image puisse participer à la vie du club et lui apporter le cas échéant son appui.

M. Alain Dufaut a estimé que, même si l'accord sur la répartition des droits de retransmission télévisée avait été accepté à l'unanimité des 40 clubs concernés, il convenait de mieux prendre en compte les disparités existant entre les clubs dont les matches sont très souvent retransmis et les autres. Il a ainsi souligné que quatre à cinq équipes seulement assumaient le spectacle à la télévision. Il a également souhaité connaître plus précisément la position de l'UCPF quant aux conséquences de l'arrêt Malaja.

Saluant en M. Gervais Martel le président emblématique d'un club emblématique, M. Ivan Renar a estimé qu'il avait ouvert le débat dans des termes particulièrement intéressants. Évoquant la place du football dans le Nord-Pas-de-Calais, il a rappelé que celui-ci avait, dans le passé, joué un rôle très positif d'ascenseur social.

Relevant la réalité de l'évolution du football dans le spectacle sportif, il s'est toutefois inquiété de la fuite en avant qui caractérise l'évolution des clubs, avec une envolée de leurs coûts, qui trouve en particulier son origine dans le renchérissement du prix des transferts.

Revenant sur la demande formulée par certains grands clubs de conditions fiscales et sociales particulières, de façon à leur permettre de faire jeu égal avec leurs concurrents, il s'est demandé jusqu'où il faudrait alors aller dans cette logique.

Il a souhaité rappeler que la loi sur le sport dite « loi Buffet », parfois critiquée, avait cependant fait l'objet d'un large consensus et qu'elle avait été votée par le Parlement, et en particulier par le Sénat.

M. Pierre Martin a estimé que le monde du football avait profondément changé au cours de ces dernières années, et les conditions dans lesquelles s'effectuait la promotion des joueurs aussi. Il s'est cependant inquiété de la progression rapide des coûts supportés par les clubs qui peut conduire à une perte brutale d'équilibre financier, rappelant au passage que les achats de joueurs les plus coûteux ne suffisaient pas à constituer une grande équipe. Il a en outre noté que, pour les clubs, les années qui suivent un important succès sont souvent difficiles à gérer.

M. Jacques Valade, président, a observé que le club de Bordeaux, après s'être séparé de plusieurs de ses joueurs à salaires élevés, enregistrait cependant de bons résultats cette saison.

M. Jean-Claude Carle, revenant sur le problème posé par l'exode des jeunes joueurs formés en France, a estimé qu'il n'était pas propre au football français, et qu'il concernait aussi, par exemple, les jeunes infirmières, dont beaucoup vont travailler en Suisse du fait de la pression fiscale et des prélèvements sociaux. Sans contester la pertinence d'une exception culturelle, puis d'une exception sportive, il a estimé qu'il fallait cependant se demander si l'on était disposé ou non à jouer le jeu de la construction européenne.

M. André Vallet a déploré les critiques publiques dont font parfois l'objet les arbitres dans les médias, alors que ceux-ci jouent un rôle difficile et essentiel.

Mme Annie David a indiqué que l'imbrication croissante de l'argent et du sport professionnel, particulièrement sensible dans le monde du football, ne lui permettait pas de partager l'engouement général pour ce sport, tout en reconnaissant que le spectacle de ces rencontres sportives constituait en effet une source de joie pour beaucoup. Elle a plus particulièrement souhaité connaître les moyens qui étaient consacrés au développement du football féminin.

M. Jean-Marc Todeschini, tout en se félicitant de l'effet positif de la remontée du club de Sedan en première division, a demandé à M. Gervais Martel si l'écart avec les grands clubs ne lui paraissait pas cependant infranchissable.

En réponse aux questions des différents orateurs, M. Gervais Martel a apporté les indications suivantes :

- le sport professionnel, et pas seulement le football, a considérablement évolué depuis 20 ans, et les sportifs qui veulent accéder au haut niveau doivent aujourd'hui suivre un entraînement beaucoup plus intensif qu'autrefois, ce qui suppose un appui financier significatif ; en outre, le sport est devenu, qu'on s'en félicite ou qu'on le déplore, un spectacle à part entière : ainsi, le football draine, chaque année, en France, un million de spectateurs ; cette évolution ne peut pas ne pas modifier la nature des clubs sportifs professionnels, qui sont devenus de véritables entreprises, exerçant de réelles responsabilités au plan économique ; ainsi, le Racing club de Lens est un acteur significatif de l'économie de la région : il réinjecte plus de 30 millions d'euros dans l'économie locale, notamment par le biais des cotisations sociales et de la fiscalité, il crée de nombreux emplois, et fournit de l'activité à de nombreuses entreprises qui travaillent pour lui ; lorsqu'un magazine comme « l'Expansion » évalue le coût par habitant d'un club de football, il omet de prendre en compte ce que celui-ci apporte, en contrepartie, à l'économie locale, et qui peut représenter deux fois ce que lui verse la collectivité territoriale de rattachement ;

- les effets conjugués de la réglementation européenne et de la loi du 28 décembre 1999 relative à l'organisation d'activités sportives ont strictement encadré et plafonné les subventions que les collectivités territoriales peuvent verser aux clubs de football professionnel ; malgré ces limitations, il est vital pour les clubs de continuer à vivre en osmose avec leur ville de rattachement ;

- les revenus des footballeurs sont comparables à ceux que perçoivent les grands acteurs de cinéma, mais la durée de leur carrière est plus limitée ; ne pourrait-on envisager un étalement dans le temps des prélèvements fiscaux qui leur sont applicables ?

- il aurait sans doute été préférable de ne créer dans le Nord-Pas-de-Calais qu'un seul grand club qui aurait pu trouver des partenariats lui permettant de se hausser à l'échelle du Bayern de Munich ;

- les présidents des clubs de football professionnel sont confrontés à la nécessité de recueillir des financements chaque année pour couvrir des dépenses qui sont largement incompressibles ; il faut savoir par exemple que le coût d'un centre de formation, comme celui de Lens, est d'environ 4 millions d'euros ;

- il ne faut pas sous-estimer la passion que suscite le football, qui a été capable, au lendemain de la Coupe du monde, de rassembler un million de personnes sur les Champs-Élysées ;

- le football français est le seul en Europe à consentir un effort aussi poussé en faveur de la formation des jeunes joueurs ; mais il ne peut tirer parti de cet investissement car les autres clubs européens rachètent ces joueurs, en prenant avantage du poids moindre de leur fiscalité et de leurs prélèvements sociaux ;

- le métier d'arbitre est un métier difficile, et cette fonction doit être respectée ; pour autant, les arbitres sont des professionnels à l'égard desquels il est légitime de se montrer exigeant ; il est donc normal qu'ils puissent être critiqués, comme peut l'être également n'importe quel joueur ;

- il est inévitable que l'argent joue un rôle important dans tous les sports qui « font de l'audience » ;

- la Fédération française de football, qui doit encourager le développement du football féminin, a demandé aux clubs de monter des équipes féminines ; la constitution de celles-ci est actuellement à l'étude ; il est à noter en outre que l'on assiste à une progression de l'audience du football auprès du public féminin ;

- les clubs de football professionnels mènent une action qui n'est pas suffisamment connue pour lutter contre la violence dans les stades ; c'est ainsi que la constitution de Kids Clubs, comme à Lens, qui réunissent de jeunes supporters de six à douze ans, permet de préparer les supporters de demain ; d'une façon générale, le sport, et le football en particulier, constituent un facteur important de renforcement du lien social ;

- M. Frédéric Thiriez est un homme d'une grande compétence, qui a su rendre au fonctionnement de la Ligue de football professionnel la sérénité nécessaire à son bon fonctionnement ;

- il est important, en matière de droits de diffusion télévisée, de conserver à la fois la centralisation de leur négociation et le principe de solidarité dans la redistribution.

Mercredi 5 février 2003

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

Audiovisuel - Football - Audition de Mmes Sophie Barluet, directeur général adjoint, et Pascaline Gineste, directeur des affaires juridiques de Canal Plus

La commission a procédé à l'audition de Mmes Sophie Barluet, directeur général adjoint, etPascaline Gineste, directeur des affaires juridiques de Canal Plus.

M. Jacques Valade, président, a rappelé que, dans le cadre de sa série d'auditions sur le financement du football par la cession des droits de diffusion télévisée, la commission avait souhaité, avec son accord, entendre M. Xavier Couture, président du directoire de Canal Plus. Il a remercié Mmes Sophie Barluet et Pascaline Gineste d'avoir accepté, compte tenu du récent départ de celui-ci, de venir présenter la position de la chaîne sur cette question, et de répondre aux questions des commissaires sur les relations de plus en plus étroites qui unissent les chaînes de télévision et le sport professionnel.

Il a souhaité que cette audition soit en particulier l'occasion de faire le point sur l'évolution de la chaîne, qui fait depuis quelques temps l'objet d'importants changements, ainsi que sur la situation née de l'attribution à Canal Plus des droits de retransmission du championnat de France, et de la contestation dont elle a fait l'objet devant le Conseil de la concurrence.

Remerciant M. Jacques Valade, président, pour son accueil, Mme Sophie Barluet est convenue que la direction de Canal Plus faisait en effet actuellement l'objet d'importants changements, mais n'a pas souhaité commenter un processus qui n'est pas achevé.

Elle a indiqué qu'elle concentrerait en conséquence son propos sur les interrogations qu'avait pu susciter l'attribution des droits télévisés du championnat de France.

Elle a d'abord rappelé les liens historiques unissant Canal Plus au football, qui imposaient à la chaîne de répondre à l'appel d'offres lancé par la Ligue de football professionnel (LFP). Elle a relevé que Canal Plus avait été la première chaîne à diffuser le championnat de France, créant, en quelque sorte, une nouvelle offre audiovisuelle en matière de football, caractérisée notamment par une nouvelle manière de filmer les matches, et par la réalisation de magazines spécialisés. Elle a insisté sur le fait que le championnat de France de football était au coeur de l'offre de spectacles sportifs que la chaîne offrait à ses abonnés, que sa diffusion relevait d'un choix éditorial clairement revendiqué, et régulièrement renouvelé et qu'il occupait une place importante dans le contrat liant la chaîne à ses abonnés. Elle a indiqué que la chaîne s'était, en conséquence, fixé pour objectif, dans sa réponse à l'appel d'offres de la LFP, d'obtenir les lots n°s 1, 2 et 3, de façon à pouvoir assurer à ses abonnés la continuité de son offre.

Evoquant le prix de 480 millions d'euros offert par Canal Plus, elle a estimé qu'il n'était ni irrationnel, ni excessif. Elle a rappelé tout d'abord que la LFP avait indiqué, préalablement à la réception des offres, qu'elle espérait obtenir au moins 450 millions d'euros de la cession de ces droits télévisés, ajoutant que cette somme ne paraissait pas disproportionnée au regard du marché européen des droits sportifs.

Elle a également relevé que l'offre proposée par le compétiteur de la chaîne se situait d'ailleurs dans une gamme de prix très voisine. Elle a enfin estimé que le coût moyen de la diffusion de chacun des matches du championnat de France resterait très proche des tarifs moyens pratiqués à l'échelle européenne.

Elle a ajouté que le montant proposé par Canal Plus n'était pas non plus disproportionné au regard de sa situation financière, puisqu'il représentait approximativement 10 % du chiffre d'affaires du groupe, et que le surcoût de 170 millions d'euros par rapport au précédent prix de cession des droits du championnat de France serait en grande partie compensé par des économies réalisées sur d'autres spectacles sportifs.

Enfin, Mme Sophie Barluet a estimé que l'attribution à Canal Plus de l'intégralité des droits de diffusion du championnat de France ne remettrait pas en cause l'organisation du paysage audiovisuel français.

Elle a rappelé qu'il existait, à côté du championnat de France de Ligue 1, d'autres compétitions de football régulièrement retransmises, comme la Coupe de la Ligue, la Coupe de France, la Ligue des Champions, la Coupe du Monde ou le championnat d'Europe des Nations, pour lesquelles TPS bénéficiait parfois, par l'intermédiaire de TF1, d'une exclusivité.

Elle a souligné que si Canal Plus avait bien souhaité pouvoir diffuser l'intégralité du championnat de Ligue 1, elle n'avait en revanche pas exigé d'en avoir l'exclusivité, et s'était d'ailleurs déclarée disposée à ce que le lot 3 fasse l'objet d'une co-diffusion.

Elle a jugé que les deux chaînes concurrentes n'étaient d'ailleurs pas dans la même situation au regard du football, puisque Canal Plus, qui a constitué son identité autour du football, souhaitait continuer à offrir à ses abonnés la diffusion du championnat de France, alors que TPS ne s'était pas construite autour de l'offre de football, et que, d'ailleurs, la courbe de ses abonnements n'avait pas été affectée par l'attribution des droits à son concurrent.

Elle a indiqué que, pour ces raisons, la chaîne avait décidé de faire appel des mesures conservatoires décidées par le Conseil de la concurrence.

Un débat a suivi l'exposé de Mme Sophie Barluet.

M. Jacques Valade, président, a rappelé que l'offre présentée par Canal Plus comportait une prime de 290 millions d'euros pour obtenir l'exclusivité des trois lots, et a demandé si la possibilité d'assortir l'offre globale d'une telle prime était effectivement prévue par l'appel d'offres.

M. Alain Dufaut est convenu de la place que tient le football dans l'identité de Canal Plus, mais a souhaité relativiser l'argument, également développé par le président de la LFP, suivant lequel les autres chaînes ne seraient pas trop fortement pénalisées par l'attribution des droits télévisés du championnat de France à Canal Plus, du fait de l'existence de nombreuses autres compétitions de football.

Il a estimé en effet que le championnat de France, qui se déroule sur plusieurs semaines, présentait de ce fait un attrait particulier pour le spectateur, et que l'on pouvait comprendre, dans ces conditions, que TPS ait souhaité participer à sa diffusion.

Il a souhaité connaître la conduite que suivrait Canal Plus lorsque la Cour d'appel se serait prononcée sur les mesures conservatoires prises en référé par le Conseil de la concurrence.

M. Michel Thiollière a demandé si, compte tenu de la place que tient traditionnellement le football dans la programmation de Canal Plus, les abonnés seraient en droit de considérer que le contrat qui les lie à la chaîne serait rompu, dans l'hypothèse où celle-ci ne serait plus en mesure de leur offrir une offre de programme comparable.

M. François Autain a souhaité des précisions sur le déroulement du précédent appel d'offres, qui avait abouti à un prix de cession des droits inférieur de 170 millions d'euros à l'appel d'offres couvrant les années 2004 à 2007.

Evoquant les liens très forts qui unissent Canal Plus au football, M. Pierre Martin a rappelé que la chaîne avait consacré des sommes importantes au parrainage du Paris saint-germain (PSG), et a souhaité savoir si le désengagement de la chaîne à l'égard de ce club s'inscrivait dans une stratégie générale, ou s'il n'était dicté que par la pression de contraintes financières.

M. Jacques Valade, président, a demandé comment il fallait interpréter, de l'avis de Canal Plus, l'échec des tentatives réalisées par le président de la LFP pour inciter les concurrents à se retrouver pour convenir d'un nouveau partage des droits.

M. Alain Dufaut a souhaité des précisions sur les secteurs qui feraient l'objet d'économies pour compenser l'augmentation des droits télévisés du championnat de France, et sur leurs possibles conséquences en termes de pertes d'audience.

M. François Autain a souhaité savoir si la direction de Canal Plus était toujours disposée à renégocier un partage des droits avec son concurrent.

Mme Danièle Pourtaud a demandé si, dans l'hypothèse où les droits de diffusion du championnat de France seraient effectivement attribués à Canal Plus pour 480 millions d'euros, la chaîne aurait les moyens de continuer de jouer le même rôle qu'actuellement en faveur du cinéma français.

En réponse aux questions des commissaires, Mmes Sophie Barluet et Pascaline Gineste ont apporté les indications suivantes :

- l'offre présentée par Canal Plus était conforme aux règles de la consultation imposées par la Ligue, qui prévoyaient le dépôt d'offres individualisées, lot par lot, mais n'avaient pas exclu le dépôt d'une prime d'exclusivité ; l'importance de cette dernière se justifiait par la volonté de pouvoir offrir au spectateur la totalité du championnat ; la chaîne s'était en revanche déclarée disposée à partager avec son concurrent le lot 3 qui comprenait le paiement à la séance de sept matches en exclusivité ainsi que le match constituant la deuxième affiche du lot 1, soit, au total 8 matches ;

- le jugement rendu par la Cour d'appel ne portera que sur les mesures conservatoires décidées par le Conseil de la concurrence ; la Ligue peut évidemment lancer sans attendre un second appel d'offres, mais il convient de conserver à l'esprit que, dans l'attente du jugement au fond, Canal Plus reste attributaire du premier appel d'offres, et que, si ce dernier n'est pas invalidé par une décision de justice, il prévaudra sur tout appel d'offres ultérieur ; dans l'hypothèse où la Ligue choisirait de lancer un deuxième appel d'offres, la chaîne procéderait à son examen approfondi pour déterminer s'il permet effectivement de couvrir la totalité du championnat, et se déterminerait en fonction de l'intérêt de ses abonnés ;

- la disparition du championnat de France de la programmation de Canal Plus ne pourrait juridiquement être invoquée comme un motif de rupture du contrat qui lie la chaîne à ses abonnés, mais risquerait, en pratique, d'entraîner un non-renouvellement des abonnements ;

- les droits télévisés font l'objet de modalités de commercialisation variées dans les différents pays de l'Europe ; les clubs italiens sont propriétaires de leurs droits de diffusion ; ils en négocient eux-mêmes la cession aux opérateurs de télévision, ce qui n'est pas nécessairement profitable à tous les clubs et au football dans son ensemble ; en Grande-Bretagne, les clubs sont propriétaires de leurs droits, mais leur commercialisation est assurée de façon centralisée par la Ligue ; ce système n'est pas très différent du système français pour les diffuseurs, mais il l'est pour les clubs de football, en raison d'une clef de répartition très différente ;

- le Conseil de la concurrence a décidé de prendre des mesures conservatoires, car il estimait que le résultat de l'appel d'offres était de nature à porter immédiatement atteinte aux intérêts de TPS, ce que conteste Canal Plus ; ces mesures conservatoires interdisent à la chaîne de se déclarer attributaire des lots 1 et 2 ;

- lors du précédent appel d'offres, la Ligue avait jugé équivalentes les offres respectives de Canal Plus et de TPS et avait organisé, à l'issue « d'un deuxième tour », un partage des droits sur le championnat de première division : Canal Plus avait ainsi conservé la diffusion exclusive du premier et troisième choix de chaque journée, TPS avait obtenu le deuxième choix, et le reste des matches de la journée de championnat avait été partagé entre les deux chaînes sur une base non exclusive, pour une diffusion en paiement à la séance ; dans le cas du présent appel d'offres, Canal Plus a proposé, après que la Ligue a pris connaissance des offres, de procéder, comme en 1999, au partage du lot 3 mais la direction de TPS a refusé d'envisager cette proposition ;

- conformément aux déclarations de M. Xavier Couture, la chaîne maintiendra son appui au PSG jusqu'à la fin de la saison, et ce n'est qu'alors qu'elle arrêtera sa décision ;

- la stratégie de TPS, dans sa réponse à l'appel d'offres de la Ligue, n'est peut-être pas uniquement dictée par son intérêt, réel ou supposé, pour le football, mais aussi par la volonté de priver son principal concurrent de ce qui constitue pour lui un élément de forte attractivité ;

- la Ligue a choisi de lancer sa consultation deux ans avant l'échéance des contrats actuellement en cours, par crainte d'un rapprochement entre les deux principaux acteurs de la télévision payante ;

- les économies rendues nécessaires par le renchérissement des droits du championnat de France porteront sur d'autres compétitions de football ;

- Canal Plus s'était déclaré disposé à un partage du lot 3, mais cette proposition n'a pas été acceptée, et les droits du championnat lui ont, depuis lors, été attribués par la Ligue ;

- Canal Plus consacre 9 % de son chiffre d'affaires au financement du cinéma français : la diminution du nombre des abonnements qui ne manquerait pas de résulter de la perte des droits sur le championnat de France risquerait d'entraîner une diminution du soutien qu'elle apporte au cinéma ;

- les mesures conservatoires décidées par le Conseil de la concurrence n'invoquent pas la violation d'une disposition législative particulière ou des règles de la consultation, mais plutôt, semble-t-il, des considérations liées à la mise en péril du compétiteur non retenu.

Audiovisuel - Football - Audition de M. Patrick Le Lay, président - directeur général de TF1, accompagné de MM. Jean-Michel Counillon, secrétaire général de TF1, et Emmanuel Florent, président-directeur général de TPS

La commission a ensuite entendu M. Patrick Le Lay, président-directeur général de TF1, accompagné de MM. Jean-Michel Counillon, secrétaire général de TF1, et Emmanuel Florent, président-directeur général de TPS.

Accueillant M. Patrick Le Lay, M. Jacques Valade, président, a indiqué que la commission souhaitait faire le point sur la question de l'attribution des droits télévisés du championnat de France de football, qui paraissait compliquée, confuse et conflictuelle.

M. Patrick Le Lay a tout d'abord noté que l'attribution des droits de diffusion du championnat de France de football, compte tenu du montant élevé des sommes en jeu, soulevait des problèmes économiques majeurs pour l'audiovisuel national, notamment celui de son financement, assuré à l'heure actuelle principalement, hors redevance attribuée aux sociétés nationales de programmes, par des recettes publicitaires et le produit des abonnements.

Il a rappelé que le marché de la télévision payante, contrairement à une idée reçue, ne se développait pas naturellement, ce qui expliquait que le câble, lancé il y a vingt-cinq ans, n'ait toujours pas trouvé son point d'équilibre et ne le trouverait peut-être jamais et que les deux plates-formes satellitaires devaient consentir à d'importants investissements pour recruter de nouveaux abonnés.

Il a indiqué que TF1, contre l'avis de tous, avait décidé, il y a cinq ans, de se lancer dans la télévision payante, afin de profiter de son dynamisme. En effet, alors que la croissance des recettes publicitaires que se disputaient, en plus des chaînes publiques, les trois chaînes privées, commençait à se ralentir, les recettes issues des abonnements, pour lesquelles Canal Plus était en situation de monopole, semblaient promises à plus de dynamisme. A cet égard, il a souligné que l'opposition entre chaînes généralistes et chaînes payantes paraissait de moins en moins pertinente et qu'au contraire, le financement d'un groupe de télévision moderne devait reposer, au même titre que celui d'un titre de presse, aussi bien sur les abonnements que sur les recettes publicitaires.

Bien que certains continuent de croire qu'il n'y a pas la place, en France, pour deux bouquets satellitaires, il a précisé que l'idée de fusion, qui semblait faire partie de la stratégie prédatrice des dirigeants successifs de Vivendi Universal, n'était pas envisageable en l'état actuel des choses et que TF1 souhaitait, au contraire, voir le bouquet TPS se développer. A ce propos, il a indiqué que la rumeur d'une fusion imminente, entretenue par le groupe concurrent, faisait beaucoup de tort à TPS, les clients potentiels anticipant ce rapprochement et choisissant plutôt de s'abonner au bouquet leader, c'est-à-dire Canal Satellite.

Quant à l'éventuelle absorption de Canal Plus par TF1, il a fait remarquer que la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication devait au préalable être modifiée pour permettre une telle opération. En effet, certaines de ses dispositions empêchent une personne physique ou morale possédant une autorisation hertzienne de posséder plus de 15 % d'un second réseau. Il a estimé que ces dispositions, compte tenu de l'évolution du marché de la télévision en Europe, allaient devenir rapidement obsolètes et qu'une réflexion devait être menée sur leur avenir. En effet, après avoir rappelé que l'actionnaire principal de M6 était allemand et que l'actionnariat de Vivendi Universal n'était pas encore définitivement stabilisé, il a précisé que de telles dispositions risquaient d'empêcher, à moyen terme, des groupes de télévision privée nationaux solides de défendre les intérêts du pays à l'échelle européenne.

Il a souligné que le succès d'une chaîne de télévision payante reposait en France, comme partout ailleurs en Europe, essentiellement sur la diffusion de deux types de programmes : les films de cinéma et les matches du championnat national de football. Il a néanmoins précisé que, compte tenu des évolutions technologiques, le cinéma n'était plus aujourd'hui le produit d'appel qu'il avait pu être, ce que les dirigeants de Canal Plus avaient bien compris. En effet, la diffusion des films en première exclusivité sur les chaînes à péage a perdu de son attrait pour l'abonné depuis que celui-ci peut visionner les films en DVD, six mois seulement après leur sortie en salles. Dans ces conditions, la détention des droits de retransmission des matches de football, et tout particulièrement ceux du championnat national, est devenue un enjeu stratégique pour les bouquets satellitaires.

Il a rappelé qu'avant 1999, date du lancement du premier appel d'offres par la Ligue de football pour l'attribution des droits télévisés du championnat de France, Canal Plus détenait les droits de la totalité du championnat de France pour environ 350 millions de francs. Cette somme est à mettre au regard des 480 millions d'euros proposés par la chaîne cryptée pour détenir à nouveau l'exclusivité des droits télévisés sur le championnat : Canal Plus offre aujourd'hui une somme dix fois supérieure pour le même produit, alors que le nombre de ses abonnés a faiblement évolué depuis lors, ce qui pose la question de la rationalité de cette offre et des conséquences financières qu'elle pourrait avoir pour cette société.

Rappelant que le président de la Ligue de football professionnel s'était logiquement félicité du montant proposé par Canal Plus, M. Patrick Le Lay a jugé cette somme excessive et dangereuse, dans la mesure où le marché risquait un jour de ramener brutalement les différents acteurs du football français à la réalité, comme en Italie où, à défaut du financement assuré jusqu'alors par les deux bouquets satellitaires, le championnat a failli ne jamais commencer.

Il a souligné que, dès le premier appel d'offres lancé par la Ligue en 1999 afin de profiter de la présence de deux plates-formes satellitaires pour faire augmenter la manne financière issue des droits du championnat, TPS s'était heurté à des difficultés particulières liées à l'emprise de Canal Plus sur la Ligue de football. En effet, alors que TPS avait fait des offres supérieures à celles de son concurrent, la Ligue a curieusement considéré les offres des deux opérateurs comme équivalentes et les a, par conséquent, incités à négocier la répartition des lots. En tant que nouvel entrant sur le marché des droits de diffusion des rencontres du championnat, TPS a accepté de se plier à cette exigence et diffuse, depuis lors, certaines des journées du championnat, cette opération ayant néanmoins permis à la Ligue de voir le produit issu de la vente des droits télévisés du championnat passer de 350 millions à 2,2 milliards de francs.

Après avoir rappelé que la Ligue, un an et demi avant le terme du précédent contrat, avait décidé de lancer un nouvel appel d'offres, il a précisé que Canal Plus s'était désintéressé des lots pris individuellement, mais avait proposé 480 millions d'euros pour l'exclusivité des droits de diffusion, affirmant ainsi sa volonté, grâce à une prime d'exclusivité très élevée, d'exclure son concurrent du marché, ce qu'a d'ailleurs reconnu dans ses attendus le Conseil de la concurrence.

Considérant que la Ligue de football professionnel, qui assure l'attribution des droits sur un événement unique en son genre, dont le prix est d'ailleurs sans commune mesure avec les droits télévisés des autres événements sportifs -20 millions d'euros pour le Tour de France et 10 millions d'euros pour la Formule 1- et Canal Plus, déjà condamné par le Conseil de la concurrence dans le domaine du cinéma, se trouvaient en position dominante, il a indiqué que la question était maintenant de savoir si ces deux acteurs avaient abusé de leur position.

Après avoir précisé que la Ligue et Canal Plus s'étaient mis d'accord sur une relation contractuelle exclusive pour expulser un nouvel entrant, il a fait remarquer que cette décision allait à contre-courant de la doctrine et de la jurisprudence tant nationale que communautaire qui, même pour des événements tels que les Jeux olympiques, favorisaient l'attribution aux diffuseurs des événements sportifs par lots, afin que ceux-ci soient diffusés le plus largement possible et qu'un certain nombre de nouveaux entrants puissent y avoir accès.

Il a regretté que TPS, qui souhaitait simplement continuer à diffuser une partie des rencontres du championnat de France de football et avait fait des offres supérieures à celles de son concurrent pour certains des lots proposés, ne se soit vu attribuer aucun d'entre eux, la Ligue ayant accordé une exclusivité à Canal Plus, ce qui n'était pas prévu dans le règlement de l'appel d'offres et ce qu'a observé le Conseil de la concurrence, s'appuyant à cet égard sur le rapport du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). TPS se retrouve ainsi dans une position délicate vis-à-vis du football français, qui semble désormais considérer la plate-forme comme un ennemi, alors qu'elle demeure tout de même un de ses principaux clients.

Puis il a dénoncé les relations incestueuses existant entre le groupe Canal Plus et la Ligue de football professionnel. Il a, à cet égard, souligné que certains des membres du conseil d'administration de la Ligue, qui ont donné leur voix à Canal Plus lors du vote pour l'attribution des droits de diffusion, étaient contractuellement liés à la chaîne cryptée. C'est notamment le cas des présidents de clubs de Ligue 1 membres du club Europe, qui reçoivent de la chaîne cryptée près de 50 millions de francs par an. Il a considéré que, déontologiquement, les administrateurs de la Ligue liés contractuellement ou financièrement à Canal Plus n'auraient pas dû prendre part à ce vote.

En dépit de ces difficultés, il s'est néanmoins déclaré optimiste quant à l'issue du contentieux, espérant que le Conseil de la concurrence, qui doit se prononcer sur le fond, annulerait le précédent appel d'offres et qu'une nouvelle attribution se ferait sur des bases plus saines et plus cohérentes.

Il a enfin estimé déraisonnable qu'une chaîne qui perd beaucoup d'argent depuis cinq ans en dépense autant pour le football, au détriment des autres événements sportifs et des autres produits de télévision.

M. Jean-Michel Counillon a, quant à lui, précisé que le Conseil de la concurrence, dans son communiqué de presse, avait indiqué qu'une véritable incertitude existait sur la recevabilité de l'offre globale faite par Canal Plus pour la totalité des lots proposés par la Ligue.

Un large débat s'est ensuite engagé.

M. Jacques Valade, président, a souhaité connaître les raisons ayant motivé le refus des dirigeants de TF1 de participer à la négociation proposée par la Ligue, notamment sur l'attribution du lot 3 de l'appel d'offres. Il a également souligné que les évolutions technologiques actuelles, et notamment le développement de l'Internet à haut débit, permettaient aujourd'hui d'envisager une alternative crédible à la télévision numérique terrestre (TNT).

M. Jean-Marc Todeschini a souhaité savoir si, compte tenu de la mauvaise santé financière de Canal Plus, l'occasion n'était pas donnée à TPS d'utiliser le football, en privant Canal Plus des droits de diffusion du championnat de France, pour porter un coup fatal à la chaîne cryptée et la faire disparaître du paysage audiovisuel français.

M. François Autain, rappelant que les 480 millions d'euros offerts par Canal Plus représentaient 10 % de son chiffre d'affaires alors que les 420 millions d'euros proposés par TPS étaient supérieurs à celui de cette dernière, a souligné l'importance des sommes mises en jeu par cet appel d'offres.

Se prononçant en faveur d'une complémentarité plutôt que d'une compétition entre les différents opérateurs en matière de retransmission des événements sportifs, il s'est demandé si la concurrence des deux bouquets satellitaires n'était pas susceptible de nuire à l'intérêt du téléspectateur pour les matches de football.

Mme Danièle Pourtaud a rappelé qu'au travers de la discussion des droits télévisés relatifs au championnat de France de football, c'était l'avenir du paysage audiovisuel français et des sociétés qui le composent qui était en jeu. Après avoir noté une contradiction dans les propos de M. Patrick Le Lay, qui affirmait à la fois l'inéluctabilité de la concentration des entreprises de communication et la possibilité pour deux plates-formes satellitaires de cohabiter en France, elle s'est interrogée sur les véritables intentions du groupe TF1 en matière de droits sportifs.

Elle a indiqué que TPS avait su développer une offre qui, bien que n'étant pas fondée principalement sur la retransmission des matches du championnat de France de football, était néanmoins attractive pour les abonnés.

Elle a enfin rappelé que l'argument utilisé par Canal Plus, selon lequel le football, au même titre que le cinéma, constituait un élément identitaire de la chaîne, avait également été utilisé par TF1 lorsqu'il s'était agi de supprimer l'exclusivité de diffusion des chaînes du service public sur le bouquet satellitaire TPS.

Répondant à ces interventions, MM. Patrick Le Lay et Jean-Michel Counillon ont notamment apporté les précisions suivantes :

- deux sociétés distinctes ont répondu à l'appel d'offres lancé par la Ligue de football professionnel : TPS et Canal Plus. Néanmoins, il convient de rappeler que le concurrent de TPS n'est pas Canal Plus, mais Canal Satellite, société qui compte 2,2 millions d'abonnés, détenue par Vivendi Universal et Lagardère. Or, 80 % des clients de Canal Satellite sont également abonnés à Canal Plus qui constitue ainsi en quelque sorte un produit d'appel pour le bouquet satellitaire. Toutefois le produit Canal Plus, en offrant pour 30 euros un seul et unique programme, ne correspond plus aux attentes du marché : c'est la raison pour laquelle la société tente de transformer la plupart de ses abonnés analogiques en abonnés numériques. La société Canal Plus, titulaire d'une autorisation hertzienne et qui diffuse un programme composé essentiellement de cinéma et de football, est quoiqu'il en soit appelée à être transformée définitivement en bouquet satellitaire.

Le bouquet TPS offre quant à lui un produit qui se situe à mi-chemin entre Canal Plus et Canal Satellite, puisque son offre football et cinéma, sans être équivalente à celle de Canal Plus, est très supérieure à celle de Canal Satellite. Toutefois, alors qu'il faut débourser 60 euros pour s'abonner à la totalité de l'offre proposée par Canal Plus et Canal Satellite, 30 euros suffisent pour disposer de la totalité de l'offre TPS ;

- il convient de préciser que l'offre de 480 millions d'euros faite par Canal Plus à la Ligue pour l'achat des droits de diffusion du championnat ne correspond pas à 10 % du chiffre d'affaires de la chaîne Canal Plus, mais à 10 % du chiffre d'affaires consolidé du groupe Canal.

En revanche, si le chiffre d'affaires de TPS est bien de 500 millions d'euros, TPS n'a pas proposé 420 millions d'euros à la Ligue. En effet, si TPS a offert 38 millions d'euros pour le lot 2 et 113 millions d'euros pour le lot 3, assortis d'un complément de 9 millions d'euros par saison dans le cas où TPS obtiendrait ces deux lots, la proposition de 260 millions d'euros faite pour le lot 1 était purement indicative ;

- la préoccupation actuelle des dirigeants de Vivendi Universal semble être, en achetant les droits de diffusion du football et en mettant en place un plan social, de préparer la cession de la chaîne ;

- les dispositions de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication qui limitent la concentration des entreprises de télévision, devront faire l'objet d'une réflexion globale et approfondie pour éviter, à l'heure où tous les grands groupes de médias possèdent des participations aussi bien dans la télévision et dans la radio que dans la presse, qu'elles empêchent un grand groupe français de se développer à l'avenir. Malheureusement, il semble que ce genre de préoccupation ne touche le législateur qu'une fois une catastrophe arrivée ;

- chaque marché satellitaire national a sa logique propre. Bien que la plupart des pays européens dans lesquels le câble domine le marché de la télévision payante, à l'exception de l'Allemagne et de la Belgique, ne connaissent ou ne connaîtront bientôt, compte tenu des fusions comme en Italie et en Espagne, plus qu'un seul opérateur satellitaire, la France peut se permettre de voir coexister deux plates-formes. Toutefois, à moyen terme, il est certain que seuls deux des trois grands groupes de télévision privée français existants pourront survivre ;

- une solution simple aurait permis de concilier les intérêts de TPS et de Canal Plus : elle consistait à considérer les droits de retransmission des matches du championnat comme un bien patrimonial, afin que chacun des deux bouquets puisse diffuser la totalité des matches ;

- il est regrettable que la Ligue de football professionnel, en un mois et demi de négociations, et bien qu'elle ait créé une commission marketing et une commission technique pour juger des offres faites par les opérateurs, n'ait jamais pris la peine de recevoir les dirigeants de TPS. Quant à la seule rencontre qui ait eu lieu entre les dirigeants de TPS et ceux de Canal Plus, elle s'est soldée par un échec, les participants, réunis à l'initiative de la Ligue, ayant constaté rapidement leur total désaccord ;

- M. Xavier Couture a affirmé, devant le Conseil de la concurrence, qu'il ne voulait pas des lots pris individuellement, mais qu'il souhaitait simplement l'intégralité des droits de diffusion des matches du championnat de France de football ;

- TPS a démarré sans football et sans cinéma français dans sa programmation car Canal Plus détenait l'exclusivité de la diffusion de ces deux produits. Il a fallu que le Conseil de la concurrence condamne Canal Plus pour abus de position dominante pour que TPS ait accès au cinéma français. Le succès de TPS a d'abord reposé sur la diffusion en exclusivité de l'ensemble des chaînes hertziennes, à l'exception de Canal Plus, que certains téléspectateurs ne pouvaient recevoir convenablement en analogique. Toutefois, TPS n'a vraiment vu le nombre de ses abonnés augmenter fortement que le jour où le bouquet a obtenu le droit de diffuser une partie du championnat de France de football. Il est donc clair que si le bouquet devait perdre son offre football en 2004, le nombre de résiliations d'abonnements serait certainement important ;

- contrairement à ce que laissaient entendre les dirigeants de Canal Plus, l'étude faite par TPS auprès de ses abonnés recense un certain nombre de critères d'abonnement au bouquet satellitaire sans pour autant les hiérarchiser. Le football n'est donc par conséquent pas un des critères d'abonnement les moins significatifs pour les abonnés actuels. Car si Canal Plus met en avant sa relation historique avec le championnat de France de football pour en réclamer l'exclusivité de diffusion, la chaîne cryptée oublie de dire que les abonnés des deux plates-formes satellitaires ont les mêmes envies et que le football est essentiel pour les deux bouquets ;

- la télévision du futur passe par la prise téléphonique et le haut débit et les membres de la commission sont invités à venir visiter un pavillon de démonstration installé à TF1.