Table des matières




Mardi 6 mai 2003

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

Impôts et taxes - Culture - Mécénat - Fondations - Examen du rapport pour avis

La commission a tout d'abord examiné le rapport pour avis de M. Philippe Nachbar sur le projet de loi n° 234 (2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, relatif au mécénat, aux associations et aux fondations.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, a rappelé que la commission avait témoigné à plusieurs reprises de l'intérêt qu'elle portait au mécénat et à la mise en place d'un cadre juridique et fiscal favorable à son développement, en particulier à l'occasion de l'examen des lois de 1987 sur le développement du mécénat et de 1990 sur les fondations d'entreprise ou encore de la loi de 1996 sur la Fondation du patrimoine. Plus récemment, lors de l'examen de la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France, la commission a contribué à l'introduction de dispositions fiscales novatrices destinées à associer les entreprises à la politique de protection du patrimoine, en les incitant à financer l'achat de trésors nationaux.

Il a indiqué que le projet de loi répondait à la nécessité de réformer l'Etat et d'encourager les initiatives afin de promouvoir une participation plus large de la sphère privée au service de l'intérêt général.

La France a en ce domaine un retard à rattraper : le mécénat et la philanthropie représentent aux Etats-Unis 2,1 % du PIB, contre 0,09 % en France. En effet, longtemps a prévalu l'idée héritée de l'Ancien Régime et de la Révolution que l'Etat détenait le monopole de l'intérêt général. Le mécénat a été jusqu'à une date récente entouré de suspicion, cela notamment dans le domaine culturel où la part prise par l'Etat dans le soutien à la création artistique et la défense du patrimoine a incité les artistes et les responsables publics à considérer la participation du privé à l'action publique comme un risque potentiel de perversion commerciale.

La situation a toutefois évolué et les efforts engagés à la suite des lois de 1987 et de 1990 pour développer le mécénat, notamment grâce à une amélioration de la fiscalité des dons, ont porté leurs fruits. Les institutions culturelles ont mesuré l'intérêt que représente pour elles le partenariat avec les associations et les entreprises.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, a souligné que le projet de loi visait principalement à accroître le caractère incitatif de la fiscalité des dons, tout en la simplifiant afin de la rendre plus lisible.

Poursuivant les réformes engagées depuis la fin des années 80, les articles 1er et 3 du projet de loi marquent une nouvelle étape dans le renforcement des avantages fiscaux prévus par les articles 200 et 238 bis du code général des impôts. Cet effort bénéficie essentiellement aux entreprises pour lesquelles l'avantage attaché à l'acte de mécénat est doublé par rapport au dispositif actuel.

Le projet de loi propose d'étendre aux entreprises le dispositif applicable aux particuliers, dispositif dont il accroît par ailleurs l'attractivité en relevant de 50 à 60 % le montant de la réduction d'impôt.

Pour les particuliers, le plafond de la réduction fiscale est porté de 10 % à 20 % du revenu imposable. Par ailleurs, est ouverte la possibilité de reporter l'excédent de la réduction fiscale sur cinq ans. Pour les entreprises, il est retenu une limite unique de 5 %o du chiffre d'affaires. Ce relèvement permettra d'encourager les dons ponctuels d'un montant élevé, notamment ceux destinés à créer une fondation.

Le rapporteur pour avis a souhaité que ces mesures s'accompagnent d'actions pédagogiques en direction des donateurs afin que leur impact ne se limite pas à un effet d'aubaine.

Répondant au constat maintes fois formulé de l'inadaptation du régime des fondations reconnues d'utilité publique à un développement plus large du mécénat, le projet de loi comporte également des dispositions destinées à améliorer le statut fiscal de ces organismes.

L'article 2 du projet de loi propose de doubler le montant de l'abattement d'impôt sur les sociétés dont ces organismes bénéficient depuis la loi du 23 juillet 1987.

Par ailleurs, l'article 4 prévoit de soustraire de l'assiette de calcul des droits de mutation à titre gratuit les dons qui leur sont faits par les héritiers, les donataires ou les légataires.

En outre, poursuivant l'effort de simplification du droit applicable aux fondations d'entreprise engagé par la loi relative aux musées de France, l'article 5 leur ouvre la possibilité de bénéficier des dons des salariés de l'entreprise fondatrice.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, a indiqué que le projet de loi s'accompagnait de mesures réglementaires destinées à assouplir les règles qui président à la création et au fonctionnement des fondations reconnues d'utilité publique.

Ainsi, une circulaire du Premier ministre en date du 1er avril dernier a précisé les conditions dans lesquelles sont consultés les ministères pour l'attribution de la reconnaissance d'utilité publique et a institué une procédure d'avis tacite. Par ailleurs, la section de l'Intérieur du Conseil d'Etat, à la demande du Gouvernement, a adopté le 2 avril dernier, de nouveaux statuts-types qui marquent un assouplissement notable des règles de fonctionnement des fondations reconnues d'utilité publique.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, a souligné que l'Assemblée nationale, tout en approuvant l'ensemble des dispositions du projet de loi, avait souhaité les compléter afin de satisfaire trois préoccupations.

La première vise à accroître le caractère incitatif des dispositifs fiscaux.

L'Assemblée nationale a d'abord voulu conforter l'action des fondations et des associations reconnues d'utilité publique.

C'est ainsi qu'a été étendu aux associations reconnues d'utilité publique le bénéfice de la mesure proposée par l'article 4 du projet de loi qui permet à un héritier de consacrer tout ou partie du produit d'une succession à une fondation reconnue d'utilité publique en franchise de droits de mutation. En outre, ces associations pourront désormais recevoir des donations mobilières ou immobilières assorties d'une réserve d'usufruit ce qu'interdisait jusqu'ici l'article 11 de la loi du 1er juillet 1901.

L'Assemblée nationale a également modifié l'article 2 du projet de loi afin de relever à 40.000 euros le montant de l'abattement d'impôt sur les sociétés dont bénéficient les fondations reconnues d'utilité publique au titre de l'article 219 bis du code général des impôts.

Toujours dans le souci d'accroître le caractère incitatif de la fiscalité des dons, mais dans un domaine plus spécifiquement culturel, l'Assemblée nationale a élargi, sur proposition du Gouvernement, le champ d'application de la réduction d'impôt prévue par la loi du 4 janvier 2002 au bénéfice des entreprises qui font des dons à l'Etat en vue de l'achat de trésors nationaux. Seront désormais éligibles à ce dispositif les versements faits pour l'achat d'oeuvres qui se trouveraient hors du territoire douanier et dont l'achat présenterait un intérêt majeur pour le patrimoine national au point de vue de l'histoire, de l'art ou de l'archéologie.

La deuxième préoccupation de l'Assemblée nationale a été d'assurer la sécurité des donateurs.

L'Assemblée nationale a introduit à l'article 200 du code général des impôts un mécanisme de « rescrit » qui permettra aux organismes susceptibles de bénéficier de dons ouvrant droit à un avantage fiscal de solliciter l'administration fiscale afin de savoir s'ils relèvent des catégories visées par le code général des impôts. Cette disposition, en renforçant la sécurité juridique des donateurs et des associations, ne peut qu'encourager le mécénat.

Enfin, l'Assemblée nationale a considéré que l'ampleur de l'effort consenti par l'Etat pour encourager la générosité publique imposait aux organismes qui en bénéficiaient un devoir renforcé de transparence.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, a indiqué que le dispositif retenu qui figurait aux articles 1er ter et 7 s'articulait en trois mesures.

L'article 1er ter complète la loi du 23 juillet 1987 afin de prévoir la publicité des comptes des organismes recevant des dons ouvrant droit à un avantage fiscal au titre de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés. Cette disposition a pour effet d'étendre à un vaste ensemble d'organismes une obligation de tenue de comptes qui n'avait pas jusqu'ici de portée générale.

Ensuite, décalquant le dispositif prévu par la loi du 7 août 1991, qui prévoit le contrôle des associations faisant appel à la générosité publique, l'article 7 complète l'article L. 111-8 du code des juridictions financières afin de prévoir, d'une part, que les organismes qui reçoivent des dons ouvrant droit à un avantage fiscal dont le montant dépasse un seuil fixé par décret doivent établir « des comptes annuels certifiés des dépenses financées par ces dons », document qui semble se distinguer des comptes annuels et, d'autre part, que la Cour des comptes peut contrôler la conformité des dépenses financées par ces dons aux objectifs de l'organisme bénéficiaire.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, a noté que ces dispositions soulevaient des interrogations.

Il résulte en effet de ces mesures de nouvelles obligations comptables pour les organismes caritatifs. Si les organismes les plus importants sont d'ores et déjà soumis à des obligations comptables en application de dispositions législatives ou réglementaires spécifiques, ce n'est pas le cas des associations plus modestes pour lesquelles s'y conformer représentera vraisemblablement des coûts qui pèseront sur leurs marges d'action. Par ailleurs, il a fait observer que les modalités de publicité des comptes n'étaient pas précisées et qu'il n'était pas exclu qu'elles se révèlent également assez contraignantes pour les organismes visés.

En ce qui concerne le contrôle de la Cour des comptes, M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, a relevé que le texte de loi ne précisait pas la nature exacte du document sur lequel il porterait ni les modalités de sa certification. Evoquant les résultats assez décevants de la loi de 1991, il s'est demandé si le contrôle de la Cour des comptes serait de nature à remplir son office et a relevé qu'en tout état de cause, il ne pourrait s'appliquer qu'à un nombre très réduit d'organismes.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, a souligné que les amendements qu'il proposerait répondaient à trois objectifs.

En premier lieu, il convient d'encourager de manière plus significative les fondations, qui constituent un relais essentiel de toute action de relance du mécénat. Offrant aux donateurs des garanties de sérieux, elles jouissent d'une grande capacité de mobilisation.

Si le projet de loi comporte des mesures positives, il semble nécessaire de tirer les conséquences sur leur régime fiscal de la spécificité de leur statut. Il a indiqué qu'il proposerait un amendement visant à exonérer du paiement de l'impôt sur les sociétés les revenus patrimoniaux des fondations reconnues d'utilité publique non rattachables à une exploitation commerciale.

Par ailleurs, il a estimé nécessaire de modifier la loi du 23 juillet 1987 afin d'allonger la durée d'existence des fondations de flux, dont la création est rendue possible par les nouveaux statuts-types.

En second lieu, s'il a noté le souci du Gouvernement de voir le projet de loi couvrir l'ensemble des secteurs de la vie sociale, M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, a considéré utile de saisir l'occasion de l'examen de ce texte pour préciser ou rendre plus lisibles certains dispositifs existants destinés à encourager spécifiquement le mécénat culturel.

Ces propositions visent :

- à accroître l'efficacité du dispositif issu de la loi « musées de France » qui incite les entreprises à participer à l'enrichissement du patrimoine national ;

- à encourager le mécénat musical en étendant à l'achat d'instruments de musique le régime de déductibilité applicable aux achats par les entreprises d'oeuvres d'artistes vivants, régime qui a produit jusque-là de médiocres résultats ;

- à ouvrir le bénéfice du mécénat aux organismes oeuvrant dans le domaine du spectacle vivant ;

- et, enfin, à clarifier l'interprétation du dispositif de l'article 795 A du code général des impôts qui prévoit l'exonération des droits de mutation pour les ensembles historiques que les propriétaires s'engagent à ouvrir au public.

Enfin, M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis, a souhaité que le dispositif introduit par l'Assemblée nationale afin d'assurer la transparence des organismes recevant des dons soit revu dans un sens plus conforme à l'objectif du projet de loi qui visait à valoriser l'esprit d'initiative. Il a en effet objecté que les sujétions imposées aux associations, satisfaisantes dans leur principe mais non dans leur mise en oeuvre, aboutissaient à s'en éloigner significativement.

Il s'est déclaré favorable à un contrôle de ces organismes, non par la Cour des comptes, mais par les donateurs.

Afin de rendre possible ce contrôle sans pour autant entraîner pour les fondations et associations des contraintes inutiles au regard de l'objectif de transparence, pourrait être substituée au principe de publicité des comptes annuels l'obligation de les communiquer à tout donateur qui en formule la demande. Entreraient dans le champ de cette obligation les seuls organismes recevant des dons dont le montant serait supérieur à un seuil significatif fixé par décret, afin de limiter l'obligation de tenue de comptes annuels aux plus importants d'entre eux.

A l'issue de l'exposé du rapporteur pour avis, un débat s'est engagé.

M. Jack Ralite a estimé indispensable d'insister sur le fait que l'accroissement des recettes de mécénat ne devait pas s'accompagner d'une réduction des dépenses publiques dans le domaine culturel. L'Etat doit continuer à faire face à ses responsabilités.

M. Jacques Valade, président, approuvant les propos de M. Jack Ralite, a souhaité que le ministre puisse prendre des engagements en ce sens.

M. Daniel Eckenspieller a observé que, si les mesures proposées permettaient effectivement un accroissement des dons, la réforme se traduirait, non par un désengagement de l'Etat, mais plutôt par un effort supplémentaire compte tenu de la baisse des recettes fiscales résultant des réductions d'impôt auxquelles ils ouvrent droit.

Puis la commission a abordé l'examen des articles.

A l'article 1er (modification du dispositif de réduction d'impôt pour les dons des particuliers), elle a adopté un amendement visant à étendre le bénéfice de la réduction d'impôt prévue par l'article 200 du code général des impôts aux dons effectués au profit d'organismes ayant pour objet principal l'organisation de spectacles culturels dès lors que leur gestion est désintéressée.

Elle a adopté un amendement de précision à l'article 1er bis (exonération des dons manuels du paiement des droits de mutations à titre gratuit).

A l'article 1er ter (obligation de publicité des comptes), elle a adopté une nouvelle rédaction de l'article 4-1 (nouveau) de la loi du 23 juillet 1987 prévoyant que les organismes recevant des dons ouvrant droit à des avantages fiscaux, dès lors que leur montant dépasse un seuil fixé par décret, communiquent leurs comptes annuels à tout donateur qui en fait la demande.

Elle a ensuite adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 1er ter visant à modifier l'article 18-1 de la loi du 23 juillet 1987 afin de porter de cinq à dix ans la durée des « fondations de flux ».

A l'article 2 (doublement de l'abattement d'impôt sur les sociétés accordé aux fondations reconnues d'utilité publique), elle a adopté un amendement visant à exonérer d'impôt sur les sociétés les revenus patrimoniaux des fondations reconnues d'utilité publique.

A l'article 3 (modification du régime fiscal des dons effectués par des entreprises), elle a adopté deux amendements visant :

- à étendre le bénéfice du régime de réduction d'impôt auquel ouvrent droit les dons effectués par des entreprises aux dons effectués au profit d'organismes ayant pour objet principal l'organisation de spectacles culturels dès lors que leur gestion est désintéressée ;

- à appliquer aux achats d'instruments de musique par des entreprises le régime de déductibilité prévu à l'article 238 bis AB du code général des impôts.

Elle a adopté, après l'article 4, un amendement tendant à insérer un article additionnel visant à préciser les modalités de calcul des intérêts de retard en cas de rupture des conventions prévues à l'article 795 A du code général des impôts pour l'exonération de monuments protégés et des meubles qui en constituent le complément historique ou artistique.

A l'article 4 bis (extension du champ de l'exonération de droits de mutation à titre gratuit dont bénéficient les collectivités publiques), la commission a adopté un amendement visant à étendre le bénéfice de l'exonération de droits de mutation à titre gratuit à l'ensemble des établissements publics des collectivités territoriales.

A l'article 6 (extension du champ d'application de la réduction d'impôt prévue pour l'achat de trésors nationaux), elle a adopté un amendement qui étend le bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 238 bis 0A aux versements effectués pour l'achat des trésors nationaux dont le refus de certificat d'exportation n'a pas été renouvelé, qu'ils se trouvent ou non sur le territoire douanier, et qui rend pérenne le dispositif prévu à cet article.

Elle a ensuite adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 6 afin d'harmoniser le champ d'application de la réduction d'impôt prévue à l'article 238 bis 0AB concernant les achats de trésors nationaux par les entreprises sur celui de l'article 238 bis 0A, dont l'article 6 propose l'extension.

Puis la commission a adopté un amendement de suppression de l'article 7 (obligation d'établissement de comptes certifiés pour les organismes bénéficiaires de dons ouvrant droit à réduction d'impôt).

Enfin, la commission a donné, à l'unanimité, un avis favorable à l'adoption du projet de loi ainsi modifié.

Radiodiffusion - Attribution des fréquences radios - Audition de M. Jean-Marie Cavada, président-directeur général de Radio France, accompagné de M. François Desnoyers, directeur général délégué, chargé de la stratégie et du développement des produits et des services, et de M. Sylvain Anichini, directeur général adjoint, chargé des techniques et des technologies nouvelles

La commission a ensuite entendu M. Jean-Marie Cavada, président directeur général de Radio France, accompagné de M. François Desnoyers, directeur général délégué, chargé de la stratégie et du développement des produits et des services, et de M. Sylvain Anichini, directeur général adjoint, chargé des techniques et des technologies nouvelles.

Après avoir rappelé la place éminente qu'occupait Radio France dans le paysage radiophonique français, M. Jacques Valade, président, a précisé que cette audition se tenait dans le cadre du travail d'information effectué par la commission sur le thème de la répartition des fréquences sur la bande FM, qui trouverait son aboutissement avec l'audition de Mme Jacqueline de Guillenschmidt, chargée de ces questions au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA).

M. Jean-Marie Cavada a d'abord souligné que l'équipe dirigeante de Radio France, en place depuis le 23 novembre 1998, s'était engagée dans une importante série de réformes, dont la plupart étaient, aujourd'hui, achevées. La dernière en date, visant à régionaliser les pouvoirs dont relèvent les 43 radios locales regroupées au sein du réseau France Bleue, lancée l'année dernière, serait effective au cours de l'été 2003.

Abordant la question de la répartition des fréquences hertziennes, il a indiqué que Radio France avait été l'un des rares opérateurs radiophoniques à s'intéresser aux possibilités offertes par la bande FM dès la fin des années 60. A l'époque, l'utilisation de cette gamme de fréquences, si elle permettait aux trois réseaux publics (France culture, France Inter et France Musique) de couvrir la quasi-totalité du territoire, avait un inconvénient majeur : une qualité d'écoute médiocre, notamment dans les zones urbaines, du fait de la situation géographique excentrée d'émetteurs extrêmement puissants.

Il a souligné que la plupart des opérateurs privés, quant à eux, avaient tardé à diffuser leurs programmes sur la bande FM : les principales stations généralistes notamment, ont quitté les grandes ondes dans les années 80 seulement, alors qu'existait déjà à cette époque une pénurie relative de fréquences sur cette gamme d'ondes.

Il a rappelé que la diffusion des programmes des différentes stations de Radio France était assurée aujourd'hui encore par deux dispositifs différents et incompatibles, le premier ayant été créé à la fin des années 60 et le second, dit complémentaire, ayant été développé au cours des années 80.

Précisant que la superposition de ces deux réseaux ne le satisfaisait pas complètement, il a regretté que, dans certaines villes, la réception de France Inter soit difficile, voire impossible, que la diffusion de France Info ne couvre que très partiellement la population française en FM, que les programmes du Mouv' ne touchent que 16 millions d'auditeurs potentiels et que France Bleue ne dispose encore aujourd'hui d'aucune station locale, ni en Midi-Pyrénées ni à Lyon.

Après avoir relevé que les discussions entre l'opérateur public et le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) avaient longtemps été gelées sur la question des fréquences, M. Jean-Marie Cavada s'est félicité d'avoir su renouer le dialogue et d'avoir restitué à l'autorité de régulation 235 fréquences FM entre 1999 et 2003 et un réseau entier d'ondes moyennes, le réseau A. Ces restitutions ont été réalisées en préservant les intérêts de l'entreprise publique, seules les fréquences jugées inutiles ayant été rétrocédées.

Il a affirmé que Radio France avait les mêmes besoins que les autres opérateurs du secteur : développer sa couverture et consolider certains de ses réseaux.

En conclusion, il a rappelé qu'en tant qu'opérateur public, Radio France avait un rôle spécifique à jouer, notamment dans le domaine de la sécurité civile. Ce fut le cas lors de l'explosion de l'usine AZF à Toulouse, avec la création d'une station locale temporaire autorisée par le CSA, mais aussi lors de la tempête de 1999 ou de certaines inondations. Il a, à cet égard, précisé que l'opérateur public était en discussion avec le ministère de l'intérieur, qui pourrait, à l'avenir, s'appuyer sur plusieurs stations de Radio France pour assurer l'information du public en cas de grandes catastrophes. Il a affirmé que le service public de la radio, dont les grilles de programmes peuvent désormais se prêter à ce genre d'exercice, jouerait, si besoin était, pleinement son rôle.

M. Sylvain Anichini, directeur général adjoint, a, quant à lui, précisé que Radio France faisait face à deux problèmes différents en matière de fréquences, concernant d'une part les trois stations historiques du groupe public qui utilisaient la bande FM avant 1981 et, d'autre part, les stations créées postérieurement à cette date. En effet, alors que France Culture, France Musique et France Inter voient leur couverture effective se réduire au fil des ans en raison des brouillages occasionnés par l'augmentation du nombre de stations utilisant la bande FM, les stations plus récentes telles que France Info, Le Mouv' et les stations locales du groupe Radio France sont confrontées aux mêmes difficultés que les stations privées et notamment au blocage du développement de leur couverture géographique.

Un débat s'est ensuite engagé.

M. Jacques Valade, président, a souhaité savoir si les avancées technologiques ne permettraient pas, à brève échéance, de libérer une partie du spectre hertzien aujourd'hui utilisé.

M. Louis de Broissia a demandé quelles étaient les perspectives d'évolution de la consommation radiophonique des Français et comment les différentes stations de Radio France s'adapteraient à cette évolution.

Il s'est ensuite enquis de l'aspect du développement de la technologie numérique sur le spectre hertzien des fréquences.

Il s'est enfin interrogé sur la possibilité de voir un jour les principales radios généralistes se concerter sur une répartition équitable des fréquences sur l'ensemble du territoire.

Mme Danièle Pourtaud, après s'être interrogée sur l'avenir du DAB (Digital Radio Broadcasting), a considéré que le succès d'une nouvelle technologie tenait au moins autant à l'engagement de la puissance publique qu'au choix des consommateurs. Elle a également souhaité connaître l'utilisation faite par le CSA des fréquences qui lui ont été restituées par Radio France.

En réponse aux intervenants, MM. Jean-Marie Cavada, François Desnoyers et Sylvain Anichini ont apporté les éléments d'information suivants :

- la numérisation en cours des ondes longues pourrait, en améliorant fortement la qualité d'écoute, leur donner une nouvelle jeunesse, mais elle ne permettra qu'une multiplication par deux de la capacité de cette bande, qui est à l'heure actuelle de 20 programmes ;

- la comparaison entre la situation de la diffusion radiophonique et celle de la diffusion télévisée au regard de l'utilisation du spectre hertzien doit être réalisée avec beaucoup de prudence. En effet, dans ce domaine, la télévision se trouve actuellement dans une situation comparable à celle de la radio dans les années 60, puisqu'il n'existe que sept réseaux télévisés sur les bandes 4 et 5, l'équivalent, en matière de télévision, de la bande FM ;

- en ce qui concerne la planification des fréquences numériques pour la TNT, on est en train de répéter l'erreur qui a été faite il y a vingt ans lors de la planification de la bande FM. En utilisant les sites des émetteurs analogiques pour diffuser le signal numérique et en voulant planifier les réseaux locaux après avoir planifié les réseaux nationaux, le projet risque de tomber dans une impasse technologique. Pour ne pas subir les conséquences d'un tel « bricolage » dans quelques années, il conviendrait de prendre le problème à la source en planifiant dès le départ l'ensemble du réseau ;

- chaque gamme de fréquences a des caractéristiques différentes dont il faut respecter les spécificités. Un seul émetteur en ondes longues permet ainsi de couvrir la totalité du territoire et implique la diffusion d'un programme national, alors qu'un réseau en ondes moyennes a, quant à lui, une couverture multi-départementale et ne doit pas être utilisé pour diffuser un programme national ou local, au risque de ne pas répondre aux attentes des auditeurs et d'être sanctionné par le marché ;

- il existe depuis neuf ans un moyen technique, le DAB, permettant d'utiliser la technologie numérique en matière de diffusion radiophonique. Ce moyen végète et n'a servi à rien pour le moment, et ce, pour trois raisons principales. D'une part, alors que l'Allemagne et l'Angleterre ont utilisé les deux gammes d'ondes dévolues à cette technique, permettant ainsi une couverture totale du territoire, la France n'en a utilisé qu'une seule, la bande L à très hautes fréquences. Ce choix impliquait l'installation de 1.500 émetteurs pour permettre une couverture optimale de la population, ce qui représentait un investissement important au regard des 250 récepteurs existant à l'époque en France. D'autre part, le Gouvernement britannique a débloqué 50 millions de livres de crédits spécifiques pour permettre la création de programmes destinés au DAB, ce qui a encouragé les équipementiers à développer des appareils de réception. Enfin, la Grande-Bretagne s'est dotée d'un cadre réglementaire adéquat qui fait toujours défaut à la France ;

- en dépit des apparences et bien que la concurrence dans le secteur soit très importante, les opérateurs radiophoniques discutent très régulièrement entre eux, que ce soit deux à deux, à l'intérieur de groupes formels, comme pour la mesure des audiences, ou plus informels, comme en matière de répartition des fréquences. Quoiqu'il en soit, Radio France est favorable à des rencontres interprofessionnelles qui ont prouvé leur efficacité notamment sur la question des droits sportifs ;

- le paysage radiophonique français, qui compte près de 1.200 stations, se caractérise par la domination de quelques grands groupes comme Radio France, Lagardère, RTL group, NRJ ou Skyrock et l'importance du nombre de radios associatives indépendantes. Les stations généralistes qui, il y a 20 ans, représentaient quasiment 100 % de l'écoute, n'en représentent plus aujourd'hui que 40% contre 50% pour les radios musicales ;

- la radio se porte bien dans notre pays, puisque 87 % des Français écoutent la radio au moins une fois par jour ; en matière de consommation radiophonique, deux tendances devraient se confirmer à l'avenir : le maintien de la position des radios généralistes, en dépit de l'affaissement récent de l'audience de certaines d'entre elles, et le développement des radios thématiques. Il est d'ailleurs intéressant de noter que, parmi les stations qui ont bénéficié de l'attribution des fréquences « ondes moyennes » rendues au CSA par Radio France, si certaines d'entre elles comme RMC Info, étaient des opérateurs historiques souhaitant compléter la couverture de leur réseau, les autres étaient de nouveaux entrants proposant des programmes thématiques concernant le livre, la mer et les enfants ;

- la TNT est certainement une technologie d'avenir mais, pour qu'elle puisse séduire le téléspectateur, il faudrait qu'elle propose des programmes originaux. Or aucun effort n'a été fait pour l'instant en matière de programmes sur la TNT. Si l'Etat veut le succès de celle-ci, il lui faut, après avoir défini le cadre réglementaire, établir un vrai projet industriel assorti des financements nécessaires ;

- Radio France a développé de nouveaux produits pour des dispositifs numériques, mais n'a pas trouvé le réseau permettant leur diffusion. Ainsi, alors que le débit du DAB est trop faible, l'accès au satellite est beaucoup trop coûteux, la radio publique ne bénéficiant pas d'un « must carry » qui a pourtant été accordé aux chaînes de France Télévisions.