Table des matières




Mercredi 21 janvier 2004

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

Cinéma - Audition de M. David Kessler, directeur général du Centre national de la cinématographie (CNC), accompagné de M. François Hurard, directeur du cinéma au CNC

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. David Kessler, directeur général du Centre national de la cinématographie (CNC), accompagné de M. François Hurard, directeur du cinéma au CNC.

M. Jacques Valade, président, a souligné que, si elle répondait à l'intérêt constant porté par la commission à la politique du cinéma, cette audition s'inscrivait également dans le cadre des travaux du groupe de réflexion sur la création culturelle qu'elle a créé en son sein. Il a souhaité qu'au-delà des questions liées au fonctionnement général du CNC, puisse être abordée la réforme des aides au cinéma, notamment dans la perspective de leur réexamen par la Commission européenne.

M. David Kessler a rappelé que le CNC, établissement public très spécifique, créé en 1946, avait l'avantage de bénéficier pour son fonctionnement de trois taxes assises sur les places de cinéma, les chaînes de télévision et la vidéo, qui affranchissaient son action des contraintes liées aux variations du budget de l'Etat. Il a indiqué qu'à l'image des autres directions d'administration centrale du ministère de la culture, le CNC proposait et mettait en oeuvre la politique du Gouvernement en faveur du cinéma. Cet établissement emploie environ 450 personnes, dont une centaine affectée au service des archives françaises du film (AFF), chargé de la conservation des archives du film et du dépôt légal, et 350 dans les services administratifs.

Il a ensuite analysé la situation du cinéma français pour l'année 2003. Il a relevé que présenté comme très mitigé par la presse, le bilan, s'il faisait apparaître des motifs de préoccupations, comportait également des points positifs.

Au nombre des sujets d'inquiétude, figure le recul de près de 6 % de la fréquentation. La période de construction des multiplexes, qui est largement à l'origine du renouveau de la fréquentation constatée jusqu'en 2001, semble désormais achevée. La politique conduite par le CNC en faveur du maintien des salles art et essai et de centre-ville a permis l'existence d'un réseau dense, qui ne devrait vraisemblablement plus beaucoup augmenter dans les années à venir.

M. David Kessler s'est demandé si le recul de la fréquentation constituait un facteur conjoncturel ou bien une évolution structurelle. Certes, l'essor du DVD comme le développement du piratage favorisé par l'évolution des méthodes de téléchargement conduisent inévitablement le public à se détourner des salles. Cependant, la diminution du nombre des spectateurs du cinéma s'inscrit dans un contexte de désaffection générale des lieux culturels, lié notamment aux tensions internationales. Par ailleurs, l'offre de films, français comme étrangers, est apparue moins satisfaisante que lors des années précédentes, le nombre de films rencontrant un très large succès en salle reculant. Il a noté enfin que le fléchissement de la fréquentation était un phénomène mondial.

Il a observé qu'en dépit de cette désaffection relative du public, l'industrie cinématographique française démontrait sa vitalité. Alors même qu'il n'y a pas eu de grands succès nationaux, la part de marché des films français atteint 35 %, soit un niveau très satisfaisant. Il a toutefois regretté qu'encore beaucoup trop de films ne rencontrent pas leur public. En 2003, avec 212 films agréés, la production nationale a battu un record historique, qui incite même certains à se demander si on ne produit pas trop de films. Par ailleurs, des statistiques publiées prochainement devraient faire apparaître une progression des investissements dans la production.

M. Jacques Valade, président, s'est interrogé sur les conséquences de la décision du CNC d'agréer un film produit par la filiale française de la société américaine Time Warner.

M. David Kessler a d'abord rappelé que les filiales françaises des sociétés extra-européennes avaient accès au soutien à la production jusque dans les années 90 et que le soutien à la distribution et à l'exploitation n'était soumis à aucune condition de nationalité. S'agissant de la décision d'agrément accordée au film de Jean-Pierre Jeunet, il a indiqué que le CNC avait pris sa décision au vu d'expertises juridiques qui avaient considéré que la filiale créée par Time Warner était une société de droit français. Sur ce point, la justice administrative a été saisie. Il s'agit d'un débat juridique dont la conclusion comporte une marge d'appréciation. Au-delà, la décision du CNC a pris en compte la personnalité même du réalisateur et l'intérêt que pourraient retirer les industries techniques nationales du tournage de ce film.

Il a indiqué que cette décision avait suscité un débat au sein de la profession. Certains professionnels sont partisans d'une ouverture des mécanismes de soutien, qui permettrait au cinéma français de bénéficier des investissements étrangers. Le CNC a fait des propositions d'assouplissement des règles d'éligibilité accompagnées de conditions permettant de garantir cet objectif. D'autres professionnels considèrent que l'ouverture du compte de soutien aux entreprises étrangères risque de déstabiliser à long terme l'économie des sociétés de production nationales. L'ensemble des organisations professionnelles du cinéma ont été consultées sur cette question à la demande du ministre de la culture et de la communication qui n'a pas encore pris sa décision.

M. David Kessler a ensuite évoqué les propositions faites par la Commission européenne dans la perspective du réexamen de la compatibilité avec le traité de l'Union européenne des aides nationales à l'industrie cinématographique. Après une décision prise en 1998 pour valider le dispositif français d'aide au cinéma et à l'audiovisuel, la Commission a fait en 2001 une communication générale sur les aides accordées par les Etats membres à leur secteur cinématographique, qui en est largement inspirée. Cette communication qui a déclaré ces dispositifs compatibles jusqu'en juin 2004 a admis le principe de la « territorialisation », qui permet à un Etat d'obliger le bénéficiaire de l'aide à dépenser sur son territoire une partie du budget du film, dans la limite maximale de 80 %.

La Commission a adressé récemment aux Etats membres un document de « discussion » qui remet en cause ce principe. Ce document propose trois options : la première prévoit que les exigences en matière de territorialisation seraient limitées dans la proportion du budget du film financé par l'aide accordée par l'Etat ; la deuxième que l'obligation de territorialité ne pourrait porter que sur les dépenses culturelles ou artistiques ; enfin, la troisième option repose sur la suppression de tout critère de territorialité pour l'attribution des aides.

M. David Kessler a considéré que ces propositions étaient inacceptables, car incompatibles avec l'esprit du dispositif français qui refuse de distinguer, dans les dépenses d'un film, entre ce qui relève de la création culturelle et de l'industrie. Il a indiqué que la Commission européenne s'était heurtée, lors des deux consultations qu'elle a organisées, d'une part, avec les différentes agences nationales pour le cinéma et, d'autre part, avec les organisations professionnelles, à l'hostilité unanime des Etats membres. En effet, aucun Etat européen ne considère que la concurrence en matière cinématographique se joue entre les films européens, les craintes concernant essentiellement les risques de domination du marché par les films américains. De ce fait, le critère de territorialité n'est pas considéré comme un obstacle au développement des industries cinématographiques européennes.

M. Jacques Valade, président, a évoqué la rencontre lors de la récente mission de la commission à Berlin avec M. Rolf Bähr, homologue allemand du directeur du CNC, qui a mis en valeur la bonne coopération des agences nationales pour le cinéma.

En conclusion, M. David Kessler, tout en appelant à la vigilance, a estimé envisageable que la Commission proroge pour une durée de trois ans la validité de la communication de 2001.

Il s'est enfin félicité des récentes mesures adoptées en faveur du cinéma, qu'il s'agisse du crédit d'impôt destiné à favoriser les tournages en France ou du renforcement des aides à la production par les collectivités territoriales.

Un débat s'est ensuite instauré.

M. Louis Duvernois s'est inquiété des résultats obtenus par les films français à l'étranger.

Mme Brigitte Luypaert a souhaité savoir si le CNC disposait de données concernant les délais de sortie des films dans les salles en milieu rural et la fréquentation des cinémas ambulants.

M. Jacques Valade, président, s'est demandé si, avec 5.200 salles, le parc cinématographique français était suffisamment développé. Il s'est inquiété des conséquences d'un éventuel essor de l'utilisation des dispositifs numériques par les collectivités territoriales pour assurer des projections publiques.

M. André Vallet s'est interrogé sur les missions du service des archives du film de Bois d'Arcy et sur les effets à attendre du développement de la technologie numérique sur les modalités d'archivage des longs métrages.

M. Ivan Renar s'est félicité du succès rencontré par les conventions passées entre le CNC et les collectivités territoriales pour éduquer les élèves à l'image. Il a vivement souhaité, qu'en collaboration avec le ministère de l'éducation nationale, de telles opérations puissent être généralisées au niveau national.

MM. David Kessler et François Hurard ont apporté les éléments de réponse suivants :

- les films français ont attiré à l'étranger près de 48 millions de spectateurs en 2003, soit 10 millions de moins que l'année précédente. Ce chiffre recouvre toutefois des situations contrastées. Alors que, dans un marché globalement déprimé, le nombre d'entrées enregistré en Europe a sensiblement diminué, le public du cinéma français dans certains pays de l'Est, notamment en Russie, a fortement progressé. Le succès remporté par les récentes journées du cinéma français organisées par Unifrance, principal organisme de promotion des films français à l'étranger, est d'ailleurs venu rappelé l'intérêt suscité par la production nationale auprès des exploitants étrangers ;

- avec 5.200 écrans, notre pays est doté du parc de salles le plus dense d'Europe : 70 % des Français vivent à proximité d'au moins une salle de cinéma. Il convient en outre de rappeler l'existence d'équipements temporaires ou itinérants, notamment dans les zones rurales, qui permettent de compléter utilement ce « maillage » remarquable du territoire national ;

- l'élargissement de l'offre de films en zone rurale résulte moins de la création de salles que de la modernisation et de l'agrandissement d'équipements existants ;

- l'Agence pour le développement régional du cinéma (ADRC), dotée d'un budget de trois millions d'euros, a pour mission principale de prendre en charge les coûts liés au tirage et à la mise en circulation de copies supplémentaires au profit des exploitants situés dans des villes petites, moyennes et plus généralement dans des zones insuffisamment desservies par les diffuseurs. L'Agence permet ainsi aux populations des zones rurales notamment d'avoir accès rapidement aux films après leur sortie ;

- les circuits itinérants fonctionnent correctement et connaissent un succès grandissant. On peut toutefois se demander quel est l'avenir de ce type d'équipements compte tenu du développement de projecteurs électroniques moins encombrants, moins coûteux et tout aussi performants que les équipements traditionnels ;

- au cours des années 90, les longs métrages conservés par le CNC ont été menacés de destruction du fait de la dégradation rapide du support nitrate utilisé jusqu'alors. La mise en place du « plan nitrate » a permis, avec l'accord des ayants droit, la sauvegarde de ce patrimoine grâce au transfert de la majorité des oeuvres sur support acétate. La numérisation des films devrait se substituer à terme au support acétate comme modalité d'archivage, à condition que l'on définisse au préalable une norme technique durable permettant de garantir dans le temps la lecture des films ainsi archivés. Le ministre de la culture et de la communication a d'ailleurs confié une mission à M. Hubert Astier à ce sujet ;

- le service des archives françaises du film assure la restauration, la conservation et le catalogage des archives du CNC. Il est par ailleurs en charge du dépôt légal des oeuvres cinématographiques ;

- les programmes mis en oeuvre en partenariat avec les collectivités territoriales d'éducation à l'image des publics scolaires tels que « collège au cinéma », « école et cinéma » ou « lycéens au cinéma », sont une des fiertés du CNC. Ces programmes fondés sur la collaboration avec les enseignants contribuent à donner aux élèves une véritable culture cinématographique en leur permettant, pendant le temps scolaire, d'assister à la projection de films en salle. La généralisation de l'éducation à l'image, aussi souhaitable soit-elle, relève de la compétence du ministre de l'éducation nationale.

Audiovisuel et communication - Communications électroniques et services de communication audiovisuelle - Demande de renvoi pour avis et nomination d'un rapporteur

Au cours de la même réunion, la commission a demandé à être saisie pour avis, sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale et de sa transmission, du projet de loi n° 1055 (AN) relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle et elle a désigné M. Louis de Broissia comme rapporteur pour avis.

Union européenne - Habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnances des directives communautaires - Demande de renvoi pour avis et nomination d'un rapporteur

Elle a également demandé à être saisie pour avis, sous réserve de son dépôt, du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnances des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire, et elle a désigné M. Jean-Léonce Dupont comme rapporteur pour avis.

Situation des universités - Publication des auditions

Enfin, elle a décidé de publier sous forme d'un rapport d'information le compte rendu des auditions auxquelles elle avait procédé sur la situation des universités.