Travaux de la commission des finances



- Présidence de M. Alain Lambert, président.

PJLF - Services du Premier ministre : III - Conseil économique et social : Examen du rapport

La commission a tout d'abord procédé à l'examen des crédits des services du Premier ministre : III - Conseil économique et social, sur le rapport de M. Claude Lise, rapporteur spécial.

M. Claude Lise, rapporteur spécial,
a tout d'abord indiqué que la modicité des moyens budgétaires attribués au Conseil économique et social (CES) ne devait pas conduire à sous-estimer l'intérêt reconnu des travaux accomplis par cette institution.

Il a souligné que les crédits demandés pour 1999 se montaient à un peu plus de 183 millions de francs, soit une augmentation de 3,78 % par rapport au budget voté en 1998.

Il a ensuite procédé à l'analyse des crédits.

Au chapitre premier, qui recouvre pour un montant de 118,5 millions de francs les rémunérations allouées aux membres du Conseil, il a constaté une progression des crédits de 4,91 %, qui seront consacrés à l'amélioration du fonctionnement du secrétariat des groupes.

Il a ensuite relevé que le chapitre concernant les rémunérations du personnel s'élevait à un peu plus de 47 millions de francs, soit une hausse de 3,31 %, qui trouve son origine dans les hausses des traitements et dans les quatre transformations d'emplois destinées à une meilleure intégration des nouvelles technologies. Il a indiqué que 146 fonctionnaires et 20 contractuels travaillaient au Conseil économique et social et a rappelé la stabilité de cet effectif depuis plusieurs années.

Il s'est félicité que les crédits affectés au matériel et au fonctionnement des services, en légère augmentation de 0,98 %, permettent la poursuite de l'équipement informatique et télématique du Conseil économique et social.

S'agissant des crédits du titre V contenant un chapitre 57.01 intitulé "équipement administratif", qui avait été créé en 1997 à l'initiative de la commission des finances du Sénat, il a précisé que les 6 millions de francs inscrits permettraient d'achever la mise aux normes de sécurité des bâtiments du Palais d'Iéna.

En conclusion, M. Claude Lise, rapporteur spécial, a rappelé que l'activité de conseil et d'expertise propre au Conseil économique et social était en augmentation constante, ainsi qu'en témoigne son bilan d'activité pour le seul premier semestre de 1998, durant lequel seize avis, dont cinq sur demande du Gouvernement, ont été adoptés.

En réponse à M. Alain Lambert, président, qui l'interrogeait sur l'adéquation des moyens dont dispose le Conseil économique et social pour effectuer ses activités d'évaluation des politiques publiques, et sur les propositions émises pour assurer une représentation des retraités en son sein, M. Claude Lise, rapporteur spécial, a relevé que de nombreuses propositions de loi, émanant aussi bien du Sénat que de l'Assemblée nationale, avaient été rédigées en ce sens ces dernières années, sans toutefois qu'aucune d'entre elles n'ait été inscrite à l'ordre du jour de l'une ou l'autre des assemblées.

Il a précisé que la réalisation et la publication des rapports avaient été considérablement facilitées par l'équipement informatique du CES, qui lui permet de publier ses avis moins d'une semaine après leur adoption. Ce recours aux nouvelles technologies va permettre également l'ouverture prochaine d'un site Internet diffusant les travaux du Conseil.

A M. Jacques Oudin, qui souhaitait connaître les modalités de saisine du CES, M. Claude Lise, rapporteur spécial, a rappelé que c'était le Gouvernement qui prenait l'initiative de recueillir l'avis du Conseil sur certains projets de loi. Parmi les travaux publiés en 1998, figuraient ainsi deux avis portant respectivement sur le projet de loi d'orientation agricole et le projet de loi d'orientation pour l'aménagement durable du territoire.

A l'intention de M. François Trucy, qui l'interrogeait sur les effectifs des conseillers et du personnel à leur disposition, M. Claude Lise, rapporteur spécial, a précisé que le Conseil économique et social regroupait 231 membres, dont 163 conseillers nommés par diverses organisations syndicales, professionnelles ou familiales, et 68 membres nommés par le Gouvernement ; de plus, 72 autres membres peuvent être appelés par le Gouvernement à siéger dans les sections, en raison de leur compétence.

Enfin, en réponse à Mme Marie-Claude Beaudeau qui souhaitait connaître les délais de publication des avis lorsqu'ils étaient imprimés par les Journaux officiels, M. Claude Lise, rapporteur spécial, a précisé que les méthodes classiques d'impression demandaient alors au moins trois mois, alors qu'ils avaient été réduits à une semaine seulement par le recours aux micro-ordinateurs dont sont désormais équipées les secrétaires du CES.

La commission a alors décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits du Conseil économique et social pour 1999.

PJLF - Equipement, transports et logement : IV - Mer - Marine marchande : Examen du rapport

Puis, la commission a procédé, sur le rapport de M. Claude Lise, rapporteur spécial, à l'examen des crédits de l'équipement, des transports et du logement : IV - Mer - Marine marchande.

M. Claude Lise
a tout d'abord indiqué que le budget de la marine marchande s'élevait à 5,6 milliards de francs pour 1999, soit une augmentation de 1% par rapport au budget voté de 1998.

Il a ensuite évoqué les principaux agrégats de ce budget.

Il a relevé que les crédits affectés à l'administration générale de la mer étaient en hausse de 6 % par rapport à 1998. Il a observé que les moyens nouveaux, comprenant la création de 35 emplois en faveur de la sécurité maritime et des unités littorales des affaires maritimes, seraient compensés par la suppression de 35 autres emplois.

Puis, il a indiqué que les crédits consacrés aux gens de mer étaient en progression de 5,3 % par rapport au budget voté de 1998 et que la subvention d'équilibre de l'Etat à l'Etablissement national des invalides de la marine (ENIM) s'élèverait à 4,7 milliards de francs pour 1999, représentant à elle seule 82,7 % du budget de la marine marchande.

Ensuite, il a évoqué les crédits consacrés à la signalisation et la surveillance maritimes, en progression de 3,9 %, et les moyens affectés à la lutte contre la pollution accidentelle du littoral et de la mer.

Enfin, il a noté que les crédits consacrés à la flotte de commerce diminueraient de 29,3 % en crédits de paiement en 1999, en raison d'une modification importante du régime d'aide à la marine marchande.

Le rapporteur spécial a ensuite fait part de ses principales observations.

Concernant le nouveau régime de soutien à la flotte de commerce, il a observé que la flotte française comprenait 206 navires au 1er juillet 1998, soit une légère diminution par rapport au début de l'année. Il a ajouté que la majorité des navires agréés dans le cadre du dispositif fiscal des "quirats" n'entrerait en flotte que dans le courant des années 1998 et 1999, l'ensemble des acquisitions devant représenter 11 % de l'effectif de la flotte au 1er janvier 1998.

Il a relevé que, dans ce contexte, le Gouvernement avait clairement affirmé sa volonté de maintenir un régime de soutien important à la flotte de commerce lors du comité interministériel de la mer du 1er avril dernier.

Il a rappelé que, dans le domaine des aides à l'investissement, la Commission européenne avait demandé l'abandon des subventions d'investissement assises sur la valeur du navire. Il a donc indiqué que le soutien à la flotte de commerce serait modifié de façon substantielle en 1999 et prendrait dorénavant la forme de diminution ou d'annulation de charges fiscales et sociales.

M. Claude Lise, rapporteur spécial, a indiqué, qu'en conséquence, le projet de budget pour 1999 intégrait un nouveau dispositif de remboursement par l'Etat des contributions sociales patronales versées par les entreprises qui emploient des personnels navigants sur des navires de commerce battant pavillon français. Seules les entreprises directement confrontées à la concurrence internationale seront éligibles à ce remboursement.

M. Claude Lise s'est félicité que des engagements concernant la formation soient pris en contrepartie de la nouvelle aide, mais il a indiqué qu'il demanderait des explications complémentaires sur les critères exacts sur lesquels s'appuieront les décisions d'octroi des compensations de charges sociales. Enfin, il a relevé que, si le projet de budget pour 1999 ne prévoyait que 81 millions de francs pour ce nouveau dispositif, des crédits supplémentaires figureraient dans le projet de loi de finances rectificative pour 1998, ces crédits étant reportés en 1999. Il a estimé cette procédure peu orthodoxe du point de vue de la sincérité budgétaire.

Enfin, il a rappelé que la loi du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier avait permis la création d'un nouveau dispositif fiscal en faveur de l'investissement maritime sous la forme de "GIE fiscaux", en remplacement du dispositif quirataire instauré par la loi du 5 juillet 1996.

M. Claude Lise a ensuite souligné l'urgence de réformer l'enseignement maritime.

Il a rappelé le travail effectué par l'ancien rapporteur spécial du budget de la marine marchande, M. René Régnault, qui avait mené une mission de contrôle sur les écoles d'enseignement maritime en avril 1998. M. René Régnault avait jugé l'entretien du patrimoine immobilier insuffisant.

M. Claude Lise, rapporteur spécial, a donc regretté que le projet de budget pour 1999 ne comprenne pas une augmentation significative des moyens destinés à la rénovation du patrimoine des écoles maritimes, mais il a relevé que l'indispensable rénovation de l'école nationale de la marine marchande du Havre était prévue pour l'an 2000.

Par ailleurs, il a observé que le lancement d'une mission conjointe interministérielle, en vue d'une intégration de l'enseignement maritime et aquacole à l'enseignement public était mise en place. Il a souhaité que cette question soit résolue rapidement, puisque dès 1996, un rapport remis par M.Christian Serradji, directeur des gens de mer et de l'administration générale mettait en valeur la nécessité de ce passage sous statut public, en stigmatisant les difficultés engendrées par le système actuel, trop compliqué, rigide et surtout coûteux.

Ensuite, M. Claude Lise a salué l'effort en faveur de la sécurité maritime. Il a rappelé que ce domaine avait connu des évolutions majeures depuis quelques années, en raison des nouvelles normes de l'Organisation maritime internationale (OMI).

Il a observé que le projet de budget pour 1999 prévoyait de nouveaux postes d'inspecteurs et de contrôleurs, et que le dispositif de généralisation et de modernisation des unités littorales des affaires maritimes (ULAM) se poursuivait avec leur implantation, d'ici 2001, sur la façade Manche-Mer du Nord, l'Aquitaine, la Haute Corse, le Var et l'Outre-mer, la Martinique devant être dotée pour décembre 1998 et la Guadeloupe pour 1999.

Il a indiqué qu'il était également prévu une revalorisation substantielle des moyens de fonctionnement des centres régionaux opérationnels de sauvetage et de sécurité (CROSS). La réforme du service national et la suppression des appelés d'ici l'an 2001 impliquant le remplacement de ces personnels par des emplois budgétaires, M. Claude Lise, rapporteur spécial, a constaté que le projet de budget pour 1999 s'inscrivait entièrement dans ce plan de professionnalisation, avec la transformation de 24 emplois.

Le rapporteur spécial des crédits de la marine marchande s'est donc félicité de ces efforts en faveur de la sécurité maritime, qui confirmaient ceux de 1998. Il les a jugés d'autant plus importants qu'en dehors des exigences de la réglementation internationale, la question de la sécurité en mer se posait de manière cruciale, en raison du nombre croissant de personnes décédées ou disparues.

Enfin, M. Claude Lise a évoqué le bilan de la privatisation de la Compagnie générale maritime (CGM).

Il a rappelé que la cession de l'entreprise publique CGM au secteur privé était intervenue le 19 novembre 1996, la cession ayant été accordée au groupement formé autour de la Compagnie maritime d'affrètement pour 20 millions de francs. Il a ajouté que l'ensemble des crédits publics versés à la CGM depuis 1992 s'élevaient à 3,3 milliards de francs, dont 1,1 milliard de francs de recapitalisation en fin d'année 1996, ce qui imposait de suivre avec attention le bilan de la privatisation de la CGM.

Or, il a indiqué que ce bilan était difficile à établir.

Il a observé que la procédure de fusion de la compagnie générale maritime et de la compagnie maritime d'armement soulevait de multiples controverses juridiques entre les actionnaires et qu'une information judiciaire pour abus de biens sociaux visant le président du groupe CMA-CGM, avait été ouverte le 9 octobre 1998.

Au-delà de ces procédures judiciaires, sur lesquelles il ne convenait pas de se prononcer, M. Claude Lise a observé que le résultat de la privatisation de la CGM ne semblait pas satisfaisant.

Il a regretté que la situation financière du nouveau groupe CMA-CGM n'ait cessé de se dégrader après la privatisation, relevant toutefois qu'il commençait à sortir d'une situation difficile pour se placer aujourd'hui au 13e rang mondial pour le transport de ligne régulière de conteneurs et au premier rang français avant le groupe Delmas-Bolloré. Cependant, M. Claude Lise a regretté que le groupe ait mis deux ans à se redresser et a estimé que, compte tenu des procédures en cours, son avenir restait fragile.

Un large débat s'est alors ouvert.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a félicité M. Claude Lise pour sa présentation, et il a rappelé le travail important mené par M. René Régnault sur l'enseignement maritime, qui avait, dans son rapport, mis en valeur la nécessité de remplacer les départs à la retraite des officiers de la marine marchande, départs qui devraient s'accélérer dans les années à venir. Il a souscrit aux remarques du rapporteur spécial sur la difficulté de dresser un bilan de la privatisation de la CGM, en rappelant que les repreneurs potentiels étaient peu nombreux en 1996, et il a souligné que les procédures judiciaires actuelles n'engageaient pas l'Etat. Compte tenu de l'importance du sujet, il a toutefois estimé important que le rapporteur spécial suive avec attention cette question.

M. Jacques Oudin a ensuite fait quelques observations. Il a constaté que la flotte de commerce française continuait à décliner. Il a relevé le caractère "symbolique" des crédits destinés au littoral, alors qu'une politique efficace devrait être menée en ce domaine, notamment contre l'érosion marine.

Concernant la flotte de commerce, il a observé que l'investissement généré par le dispositif des quirats représentait huit milliards de francs, ce qui témoignait, a posteriori, de son succès. Il a ainsi jugé utile que le rapporteur fasse une comparaison entre cet ancien dispositif et les nouvelles mesures fiscales prises par le Gouvernement dans le cadre de la loi du 2 juillet 1998. Il a ensuite souhaité avoir des précisions sur les aides à la marine marchande en 1998, et il a souscrit à la remarque du rapporteur spécial concernant la nécessité d'une plus grande sincérité budgétaire. Enfin, il a indiqué qu'à titre exceptionnel, il n'adopterait pas les crédits de la marine marchande.

M. Alain Lambert, président, a ensuite demandé à M. Claude Lise s'il lui était possible de rappeler les critères du nouveau dispositif d'aide fiscale à la marine marchande et d'indiquer combien de navires battaient pavillon Kerguelen.

En réponse aux intervenants, M. Claude Lise a déclaré qu'il existait effectivement une baisse tendancielle de la flotte de commerce depuis plusieurs années. Il a jugé que la lutte contre la pollution devait être une priorité et que les crédits budgétaires qui y étaient consacrés devaient donc être revalorisés. A ce sujet, il a pris l'exemple d'un phénomène récent qui voit des poissons s'échouer sur les côtes atlantiques de la Martinique, sans que les services techniques en charge de la qualité des eaux soient en mesure, faute de moyens, de l'expliquer.

Concernant la loi du 5 juillet 1996 sur la souscription de parts de copropriété de navires de commerce, M. Claude Lise a relevé qu'elle avait eu un impact certain, tant en nombre de navires qu'en capacité de transport, même si une majorité de navires agréés sont des navires de service. Il s'est déclaré favorable à ce dispositif, comme à une forme de défiscalisation des investissements en outre-mer, avec toutes les nuances nécessaires. Il a fait observer que tous les pays possédant une flotte de commerce importante recouraient à des aides massives, notamment le Japon ou la Corée, mais également le Portugal, pour l'Union européenne. Il a indiqué qu'il convenait de faire des choix stratégiques : la critique selon laquelle le dispositif des quirats n'engendrait pas assez d'emplois n'est pas pertinente dans la mesure où il s'agit de renforcer la flotte de commerce elle-même.

Puis, il a indiqué que le dispositif mis en place par le Gouvernement dans la loi du 2 juillet 1998 prévoyait un régime privilégié de financement par crédit-bail ouvert, sur agrément, aux projets présentant un intérêt économique et social, notamment en matière d'emploi, ce qui concernait principalement les navires.

Enfin, il a déclaré qu'il existait 91 navires immatriculés sous le registre des terres australes et antarctiques françaises.

Puis, sur proposition de M. Philippe Marini, rapporteur général, la commission a adopté deux amendements réduisant les crédits des titres III et IV du budget de la mer, puis les crédits des ports maritimes et de la marine marchande ainsi modifiés.

PJLF - Outre-mer: Examen du rapport

Puis la commission a procédé, sur le rapport de M. Henri Torre, rapporteur spécial, à l'examen des crédits de l'outre-mer pour 1999.

Après avoir rappelé que le budget du secrétariat à l'outre-mer ne représentait que 11 % d'un effort budgétaire et financier de l'Etat en faveur de l'outre-mer évalué à plus de 51 milliards de francs, M. Henri Torre, rapporteur spécial, a brièvement évoqué le contexte général dans lequel avait été élaboré ce budget. Il a notamment retracé les évolutions récentes intervenues dans le domaine institutionnel, avec en particulier le nouveau statut de la Nouvelle Calédonie, et dans le domaine économique, la persistance d'un taux de chômage très important à la Réunion et aux Antilles.

Il a ensuite analysé les dotations du secrétariat d'état à l'outre-mer, qui, pour 1999, progresseront de 7 % et s'établiront à 5,6 milliards de francs.

A propos des dépenses d'administration générale, qui représentent 1 milliard de francs et qui progressent de 3,2 %, il a surtout souligné la mise en oeuvre de la réforme du service militaire adapté (SMA), liée à la suppression du service national. Il a précisé que le SMA serait préservé, malgré une diminution globale des effectifs, les appelés du contingent étant remplacés par des volontaires dont le statut venait d'être précisé et la rémunération alignée sur celle des emplois-jeunes. Il a ajouté qu'en 1999 devront être créés les 500 premiers postes de volontaires se substituant à 1.000 postes d'appelés qui seront supprimés.

M. Henri Torre, rapporteur spécial, a ensuite relevé la forte diminution des subventions aux collectivités locales qui, avec 100 millions de francs, ne représentent plus qu'une place marginale dans le budget de l'outre-mer. Il a toutefois précisé que la subvention de l'Etat au fonds de péréquation de Polynésie française, d'un montant de 52 millions de francs, serait reconduite en 1999 et viendrait s'ajouter à ces crédits si le Parlement adopte le projet de loi relatif aux communes de Polynésie française, en instance devant le Sénat.

Abordant les subventions de l'Etat au développement économique et social qui, avec 4,4 milliards de francs, soit une progression de 10 %, constituent le coeur du budget de l'outre-mer, il a particulièrement signalé :

- la progression de 6,4 % des crédits du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer (FEDOM), qui atteignent 1,8 milliard de francs et permettront de financer 56.500 solutions nouvelles d'insertion ;

- la très forte progression des crédits de paiement de la ligne budgétaire unique, qui passent de 568 à 897 millions de francs, en vue de financer 19.000 opérations supplémentaires de logement social ;

- la relative érosion des subventions d'investissement transitant par le fonds d'investissement des départements d'outre-mer (FIDOM) et le fonds d'investissement économique et social (FIDES), qui représentent la participation de l'Etat au financement des contrats de plan et des contrats de développement conclus avec les collectivités locales d'outre-mer.

M. Henri Torre, rapporteur spécial, a ensuite présenté plusieurs observations.

Il a en premier lieu rappelé le rôle très utile joué par le SMA en matière de formation professionnelle et de développement local, ce qui justifiait d'apporter une attention soutenue à la mise en oeuvre de sa réforme.

Il a ensuite souligné l'accentuation de la montée très rapide, au sein du budget de l'outre-mer, des dépenses d'intervention et de transferts publics en déplorant que les concours de l'Etat ne soient pas davantage orientés vers l'investissement public en faveur du développement local, en particulier au travers des contrats de plan.

S'agissant du logement social, il a rappelé les écarts enregistrés par le passé entre l'évolution des autorisations de programme et celle des crédits de paiement, du fait des difficultés des collectivités locales à acquérir et viabiliser des terrains permettant d'accueillir des opérations de logement social.

En matière d'aides à l'emploi, il a déploré que l'essentiel du dispositif demeure centré sur des formules relevant du secteur public et parapublic, au détriment de celles relevant du secteur privé.

Enfin, revenant sur les modifications apportées par la loi de finances pour 1998 au régime de défiscalisation outre-mer, il a constaté que le Gouvernement n'avait proposé aucune mesure de substitution susceptible de maintenir outre-mer un indispensable flux d'investissement privé.

A l'issue de cet exposé, M. Philippe Marini, rapporteur général, a interrogé le rapporteur spécial sur les perspectives d'évolution du régime d'investissement défiscalisé.

M. Henri Torre, rapporteur spécial, a tout d'abord considéré qu'il n'était pas illégitime, à son sens, de vouloir corriger la loi Pons afin de mettre fin à certains abus ou détournements dont elle aurait pu faire l'objet. Pour autant, il a fermement souligné l'impact positif de cette loi sur l'investissement privé outre-mer et a déploré que le Gouvernement ait modifié le dispositif l'an passé sans se soucier de l'effet que cette mesure produirait sur le flux d'investissement et sans veiller à préserver ce dernier. Faisant allusion aux suggestions présentées par le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, visant notamment à proroger la loi Pons au-delà de 2001, il a jugé souhaitable qu'une discussion s'engage avec le Gouvernement à cette occasion, afin de rechercher les moyens susceptibles de maintenir un courant d'investissement indispensable.

M. Rodolphe Désiré, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du plan, a rejoint certaines analyses du rapporteur spécial relatives à la priorité donnée aux transferts publics par rapport à l'investissement productif. Il a rappelé les lourds handicaps, en particulier l'éloignement, qui entravent le développement de l'outre-mer. Il a déploré le coup d'arrêt provoqué par la modification de la loi Pons sur l'investissement outre-mer et rappelé que ce dernier souffrait déjà des difficultés du système bancaire et des taux d'intérêts supérieurs de 2,5 à 3 points à ceux de la métropole. Il a ajouté que l'entrée en vigueur de l'euro entraînerait la suppression de la pratique du réescompte qui permettait à l'Institut d'émission des départements d'outre-mer de financer des investissements productifs. Il a constaté l'absence d'évolution sur le dossier de la surrémunération des fonctionnaires outre-mer. Il a conclu en souhaitant que l'année 1999 soit celle d'une réflexion approfondie et d'un réajustement permettant de trouver pour l'outre-mer des moyens plus efficients de financer son développement.

M. José Balarello, rapporteur pour avis de la commission des lois, au titre des départements d'outre-mer, a évoqué les perspectives d'évolution des statuts des DOM et de Mayotte, la place de l'outre-mer dans l'Union européenne, les dossiers de la justice et du logement dans les DOM ainsi que les problèmes d'immigration clandestine, notamment celle constatée en Guyane en provenance du Surinam.

Estimant que la seule évolution positive constatée outre-mer, durant ces dernières années, était l'achèvement de la transition démographique, M. Yann Gaillard a manifesté son pessimisme au regard de la détérioration de la situation dans la plupart des autres domaines. Il a déploré l'absence d'évolution du dossier de la surrémunération des fonctionnaires et s'est interrogé sur les perspectives d'évolution institutionnelle des DOM.

Mme Marie-Claude Beaudeau a interrogé le rapporteur spécial sur l'évolution des crédits et des activités de l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer (ANT) et sur l'ouverture du marché européen, à compter du 1er janvier 1999, aux bananes d'origine non européenne.

M. Claude Lise a regretté la suppression du FIDOM décentralisé, qui témoigne d'une absence de confiance envers les élus locaux alors que ces crédits présentaient, pour les collectivités locales, une très grande efficacité. Il a souligné les problèmes rencontrés, malgré l'augmentation des crédits, pour le financement de logements très sociaux, en raison de procédures inadaptées. Il a déploré l'érosion des moyens de l'ANT et surtout la réorientation de ses objectifs, effectuée au détriment de l'accompagnement social des migrants originaires d'outre-mer. Il a constaté, sur ce plan, une inquiétante dérive tendant à assimiler les travailleurs originaires d'outre-mer aux migrants d'origine étrangère. S'agissant de la révision de la loi Pons, il s'est vivement inquiété de l'absence de vision à long terme et de stratégie en faveur du développement de l'outre-mer. Il a signalé les difficultés provoquées par la nouvelle législation dans le secteur hôtelier, la forte réduction des délivrances d'agrément et l'effet négatif de l'absence de possibilité pour les sociétés de se grouper en GIE pour réaliser des investissements outre-mer. Il a enfin souligné la nécessité de simplifier l'organisation administrative des DOM par l'instauration dans chacun d'entre eux d'une assemblée unique exerçant les compétences du conseil régional et du conseil général.

M. Alain Lambert, président, a rappelé les positions constantes de la commission, exprimées face aux gouvernements successifs, et favorables au maintien en outre-mer d'un dispositif de défiscalisation adapté qui a eu des effets notables sur l'investissement.

En réponse à ces différents intervenants, M. Henri Torre, rapporteur spécial, a apporté les précisions suivantes :

- il importera que le Gouvernement expose clairement les conséquences, pour l'outre-mer, de l'entrée en vigueur de la réforme monétaire européenne ;

- la question de la surrémunération des fonctionnaires, soulevée par le précédent gouvernement, semble aujourd'hui en suspens ;

- il semble souhaitable que, très rapidement, soit décidée la prorogation, au-delà de 2001, de la fiscalité incitative en faveur des investissements outre-mer  ;

- l'émigration clandestine a pris des proportions inquiétantes en Guyane et provoque des effets déstabilisants sur le département ;

- si la subvention de l'Etat à l'ANT diminue légèrement, le budget de cette dernière est également alimenté par les collectivités locales et le fonds social européen. Il s'élevait en 1998 à 126 millions de francs ;

- l'accord intervenu au sein du Conseil européen sur le dossier de la banane ouvre davantage le marché européen aux produits des pays tiers mais, en contrepartie, la France a obtenu pour les planteurs des Antilles une revalorisation de 8 % du plafond servant au calcul des subventions ;

- le dispositif réglementaire d'aide au logement social mériterait d'être adapté afin de permettre une meilleure utilisation des moyens budgétaires disponibles.

La commission a alors adopté deux amendements réduisant les crédits des titres III et IV, puis les crédits de l'outre-mer ainsi modifiés.

PJLF - Education nationale, recherche et technologie :I - Enseignement scolaire : Examen du rapport

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi sous la présidence de M. Alain Lambert, président, puis de Mme Marie-Claude Beaudeau, vice-président, la commission a procédé à l'examen du rapport sur les crédits de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie I - Enseignement scolaire de M. Jean-Philippe Lachenaud, en remplacement de M. Jacques-Richard Delong, rapporteur spécial, empêché.

M. Jean-Philippe Lachenaud a tenu à préciser que l'examen du budget de l'enseignement scolaire intervenait dans un contexte difficile, qu'il a qualifié de "malaise", caractérisé par la multiplication des contestations de la part des élèves comme des enseignants.

Il a précisé que les crédits alloués à l'enseignement scolaire augmentaient de manière importante en 1999, de 4,13 %, cette augmentation les portant à 297,74 milliards de francs. Cette croissance budgétaire intervient dans un contexte de décroissance démographique, les effectifs scolarisés devant encore se contracter de 67.900 élèves à la rentrée 1999 après une décrue de 60.700 élèves à la rentrée 1998. Dans les dix prochaines années, une diminution des effectifs de 220.000 élèves dans les écoles et de près de 400.000 dans le second degré est attendue. Or, aucun redéploiement des dépenses n'est opéré, 82 % d'entre elles étant consacrées aux rémunérations des personnels, tandis que le projet de budget pour 1999 prévoit la création de 3.916 emplois.

Présentant les crédits par agrégat, M. Jean-Philippe Lachenaud a rappelé que 122 milliards de francs seraient consacrés, en 1999, à "l'administration et aux interventions", c'est-à-dire à l'ensemble des moyens de fonctionnement et d'investissement. L'enseignement primaire se verrait affecter près de 58 milliards de francs, tandis que l'enseignement secondaire bénéficierait de 117 milliards de francs, les établissements publics disposant de 953 millions de francs. Il a dès lors estimé que l'enseignement secondaire ne souffrait pas d'une sous-évaluation de ses crédits.

Il a rappelé que le ministre entendait moderniser l'appareil pédagogique et accroître l'efficacité du système éducatif français, mais que les conséquences de cette "agitation réformatrice" n'étaient pas encore évaluées, et que ses annonces pouvaient connaître d'importantes évolutions sur une période relativement brève. Il a cité l'exemple de la " Charte pour bâtir l'école du XXIe siècle " dont l'ambition était d'introduire d'importantes innovations pédagogiques dans 2000 écoles choisies comme sites pilotes, mais qui semble aujourd'hui abandonnée.

M. Jean-Philippe Lachenaud a présenté les trois priorités sur lesquelles était construit le projet de budget pour 1999 :

- la généralisation de l'apprentissage d'une langue vivante à l'école primaire bénéficiera d'une mesure nouvelle de 58 millions de francs, destinée à financer les rémunérations de 1.000 assistants étrangers recrutés et affectés dans les écoles ;

- la lutte contre l'exclusion sociale qui se traduit par la réforme des bourses de collèges, remplaçant l'aide à la scolarité versée jusqu'en 1997 par des organismes débiteurs de prestations familiales ; les crédits destinés à ces bourses s'élèveront à 949 millions de francs, 799 millions de francs provenant du budget des charges communes et 150 millions de francs représentant une mesure nouvelle. Le fonds social pour les cantines sera doté, comme en 1998, de 250 millions de francs, tandis que le fonds social collégien disposera de 320,8 millions de francs. Quant aux aides indirectes, elles consistent essentiellement en la prise en charge du prêt gratuit des manuels scolaires aux élèves du collège, pour une somme de 347,64 millions de francs, ainsi que dans la contribution aux charges de transport scolaire des élèves d'Ile-de-France, de Mayotte et des territoires d'outre-mer, soit 623,85 millions de francs en 1999 ;

- l'introduction des nouvelles technologies qui bénéficiera d'un fonds de soutien de 500 millions de francs mobilisé auprès de la Caisse des dépôts et consignations afin d'aider les collectivités locales à améliorer l'accès aux réseaux de communication. Une mesure nouvelle de 65 millions de francs est destinée à la mise à disposition des ressources pédagogiques multimédia dans les établissements.

Il a également évoqué la mise en oeuvre de la réforme pédagogique des lycées, tout en s'interrogeant sur les résultats auxquels elle aboutirait après les bouleversements suscités par le mouvement lycéen. Il a estimé que, malgré le renforcement du droit d'expression des lycéens, le malaise les affectant persistait tandis que celui des enseignants et des chefs d'établissement s'accroissait.

M. Jean-Philippe Lachenaud a ensuite présenté ses principales observations sur le projet de budget de l'enseignement scolaire pour 1999.

Il a jugé que le budget de l'enseignement scolaire ne pouvait échapper à un effort de maîtrise des dépenses publiques et a regretté que les orientations arrêtées par le ministre se traduisent par une nouvelle augmentation des crédits, estimant qu'une gestion inadéquate des moyens expliquait, bien plus que la pénurie d'emplois parfois évoquée, les dysfonctionnements constatés. Il a déploré à cet égard la création de 20.000 postes d'aides-éducateurs supplémentaires qui viendront s'ajouter aux 40.000 déjà existants, cette décision risquant d'accroître la rigidité du budget et comportant des incertitudes sur l'avenir des jeunes ainsi recrutés.

Il a jugé inquiétantes pour leur impact sur les finances publiques deux mesures prises en 1998, la première concernant l'accélération de l'intégration des instituteurs dans le corps des professeurs des écoles, et la seconde consistant à accroître le nombre des maîtres-auxiliaires, en dépit des déclarations du ministre.

M. Jean-Philippe Lachenaud a approuvé certaines mesures visant à rationaliser la gestion des moyens, notamment la déconcentration des affectations de personnels, que l'on désigne sous l'appellation de "mouvement" national des enseignants.

Il a également jugé positive l'orientation prise par le ministre concernant la révision du mode de calcul des heures supplémentaires, qui engendre une économie de 621 millions de francs.

Il a estimé que les modalités de financement de l'introduction des nouvelles technologies dans les établissements scolaires méritaient d'être clarifiées, les besoins étant évalués à 15 milliards de francs, tandis que le fonds de soutien aux collectivités locales n'est doté que de 500 millions de francs. Rappelant l'échec du plan "Informatique pour tous", il a souhaité que soit menée une évaluation précise des besoins et que soit clairement établis les objectifs pédagogiques à atteindre.

Il a regretté que la seule réponse donnée par le plan destiné aux lycées ait été d'ordre quantitatif et a jugé nécessaire la clarification de la situation et des modalités de gestion des personnels de l'éducation nationale.

M. François Trucy a fait part de son scepticisme quant aux volontés réellement réformatrices du ministre, les mesures concrètes annoncées s'inscrivant dans un schéma traditionnel d'augmentation des crédits. Il a voulu connaître les raisons d'un rapport, qui lui semblait favorable, entre les actifs et les retraités de l'éducation nationale.

Mme Marie-Claude Beaudeau, président, a souhaité connaître l'impact sur le budget scolaire des récents accords salariaux conclus dans la fonction publique, puis s'est interrogée sur le coût de la formation dispensée aux aides-éducateurs ; enfin, elle a voulu savoir si des mesures nouvelles concernaient l'emploi dans les écoles maternelles.

M. Jean-Philippe Lachenaud a rappelé qu'une partie importante des personnels de l'éducation nationale partait à la retraite dès 55 ans, et a expliqué que l'intégralité des crédits consacrés à leurs pensions ne figurait pas dans ce budget.

Il a précisé que la progression des crédits de rémunération, pour 1999, résultait essentiellement de l'application de l'accord salarial conclu dans la fonction publique, de mesures d'ajustement de crédits de personnels et de différentes mesures intéressant leur situation. Cette progression s'établit à 5,71 milliards de francs, 3,17 milliards de francs au titre des mesures acquises et 2,54 milliards de francs pour les mesures d'ajustement et les mesures nouvelles, dont 1,67 milliard de francs en application de l'accord salarial.

Il a précisé que les écoles maternelles ne bénéficiaient pas, dans le projet de budget, de mesures clairement identifiées, mais que des moyens seraient dégagés afin de développer l'accueil des élèves dès l'âge de deux ans.

Il a noté que 8 millions de francs étaient consacrés à la formation des aides-éducateurs, rappelant que les rectorats avaient accompli d'importants progrès en matière de recrutement de ces jeunes.

M. Jean Clouet a douté de la légitimité de l'accueil, par les écoles maternelles, d'enfants âgés de deux ans, et a estimé que cette situation était due notamment à une carence de crèches car les personnels d'accueil des crèches assuraient un bon encadrement des enfants favorable à leur épanouissement. Il s'est dès lors interrogé sur l'opportunité de rémunérer ces personnels d'accueil non plus sur des crédits municipaux mais sur des crédits d'Etat.

M. Jean-Philippe Lachenaud a déclaré partager ce sentiment, mais a tenu à préciser que l'école maternelle présentait un accueil pédagogique de grande qualité et que la scolarisation dès l'âge de deux ans avait des conséquences très positives en matière d'ouverture intellectuelle des enfants, mais également d'intégration d'enfants d'origine étrangère.

Mme Marie-Claude Beaudeau a abondé dans ce sens et a souligné l'excellente qualité de l'école maternelle française ; elle a rappelé que la scolarisation d'enfants en bas âge était souvent la seule opportunité offerte aux femmes qui travaillent.

M. Jean-Philippe Lachenaud a ensuite présenté deux amendements, le premier réduisant les crédits du titre III, le second ceux du titre IV. La commission aadopté ces amendements puis les crédits de l'enseignement scolaire ainsi modifiés.

Mission d'information - Enseignement supérieur - Situation des bibliothèques universitaires françaises : Communication

La commission a ensuite entendu la communication de M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial des crédits de l'enseignement supérieur, sur la mission qu'il a menée sur la situation des bibliothèques universitaires françaises.

M. Jean Philippe Lachenaud a tout d'abord expliqué que la mission entreprise avait pour ambition de dresser l'état des lieux des bibliothèques universitaires françaises dix ans après le rapport Miquel, qui avait constitué une prise de conscience de la "misère" des bibliothèques universitaires. Les déplacements qu'il a effectués dans les universités ainsi que les nombreuses rencontres qu'il a eues avec les professionnels lui ont permis de mesurer l'effort accompli par la collectivité nationale en faveur des bibliothèques universitaires. Il a qualifié cet effort d'" exceptionnel ", insistant sur la mutation qui a affecté ces bibliothèques, rappelant toutefois qu'il s'agissait d'une mutation inachevée.

M. Jean-Philippe Lachenaud a expliqué qu'une importante mutation statutaire était intervenue en 1985, transformant les bibliothèques universitaires en services communs de la documentation (SCD). Cette réforme statutaire a renforcé la cohérence de la politique documentaire des universités. Il a fait état des grands indicateurs relatifs aux bibliothèques universitaires, notant qu'elles étaient au nombre de 96, dont 78 SCD, qu'elles disposaient d'un budget de 1,3 milliard de francs, 700 millions rémunérant les 4.100 emplois et 600 millions étant consacrés à la documentation, qu'elles représentaient une surface totale de 728.000 m² et offraient 80.000 places assises, soit 1 place pour 18 étudiants, qu'elles ouvraient en moyenne 50 heures par semaine, qu'elles possédaient 23 millions de volumes, 400.000 titres et périodiques ainsi qu'un nombre croissant de ressources multimédia, qu'elles accueillaient 1.200.000 lecteurs, dont 86 % d'étudiants et qu'elles prêtaient ou communiquaient 16 millions de documents chaque année.

M. Jean-Philippe Lachenaud a noté que cet effort national exceptionnel s'accompagnait d'une meilleure gestion des budgets grâce à la combinaison du "fléchage" des crédits et d'une politique contractuelle. Il a fait état de la considérable amélioration de la formation, initiale et continue, dispensée aux personnels, notamment par l'Ecole nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques (ENSSIB). Il a évoqué le rôle essentiel joué par plusieurs établissements chargés de mettre en oeuvre une politique innovante en matière de documentation universitaire. Le Centre technique du livre de l'enseignement supérieur (CTL-ES) est chargé d'une mission de bibliothèque de dépôt, assurant la conservation et le stockage des collections peu usitées des bibliothèques universitaires parisiennes. L'Agence bibliographique de l'enseignement supérieur (ABES), située à Montpellier, a été créée pour mettre en place le système universitaire de documentation (SUD) qui constituera le réseau reliant les fonds documentaires de toutes les bibliothèques universitaires françaises et de nombreuses bibliothèques étrangères. Les centres d'acquisition et de diffusion de l'information scientifique et technique (CADIST), ont quant à eux, vocation à mutualiser les acquisitions documentaires.

M. Jean-Philippe Lachenaud a toutefois estimé que la mutation des bibliothèques universitaires françaises était inachevée. Ainsi, l'ouverture aux étudiants, qui est de 50 heures hebdomadaires en moyenne, est insuffisante, l'objectif affiché tant par les bibliothèques elles-mêmes que par l'administration centrale étant de 60 heures. En matière de locaux et de personnels, il a appelé de ses voeux la poursuite de l'effort engagé, rappelant que l'écart avec les bibliothèques allemandes et britanniques, qui sont considérées comme une référence, était de 1 à 2,5. A cet égard, il a jugé insuffisante la part des crédits consacrés aux bibliothèques universitaires dans l'enveloppe globale du plan université du 3e millénaire (U3M).

Il a souligné les disparités considérables existant entre les universités, au niveau de leurs ressources documentaires notamment, expliquant qu'elles étaient aggravées par un désordre documentaire, dont l'origine était à rechercher moins dans les textes que dans une pratique ayant accordé trop d'importance au fractionnement des sites documentaires. Les bibliothèques universitaires parisiennes connaissent une situation très délicate, souffrant d'une pénurie de locaux mais également de matériels informatiques.

Il a souligné que l'entrée des bibliothèques universitaires dans la société de l'information nécessitait des opérations extrêmement complexes, consistant à identifier les documents qui peuvent être numérisés, à réaliser les opérations de numérisation qui sont extrêmement longues et coûteuses, puis à mettre en place des réseaux de circulation et d'interconnexion des documents électroniques. Actuellement, environ le tiers des notices documentaires est numérisé, mais il ne s'agit là que d'une moyenne, certaines bibliothèques universitaires étant considérablement en retard. Le système universitaire de documentation devrait à cet égard constituer une opportunité tout à fait intéressante, d'autant plus qu'il ne constituera lui-même qu'une partie du Catalogue collectif de France (CCF) qui devrait donner accès à l'ensemble de la documentation française numérisée. Il a également constaté que les postes d'accès à Internet ainsi que les lecteurs de CD-Roms étaient en nombre insuffisant, mais que les universités devaient nécessairement mettre en oeuvre un plan de formation à l'utilisation de ces nouvelles technologies.

M. Jean-Philippe Lachenaud a conclu en rappelant qu'une politique documentaire de haut niveau, rendue possible par les bibliothèques universitaires, constituait la condition de la réussite et de la reconnaissance de l'enseignement supérieur français.

M. Alain Lambert, président, s'est interrogé sur la manière d'établir un équilibre entre la bibliothèque virtuelle, rendue possible par les nouvelles technologies, et les bibliothèques universitaires traditionnelles. Il a également voulu connaître la place qu'occupaient les bibliothèques universitaires françaises par rapport aux bibliothèques européennes, puis a demandé au rapporteur si les travaux sénatoriaux figuraient dans les bibliothèques universitaires. Enfin, il a voulu connaître la perception que les étudiants avaient des bibliothèques dans lesquelles ils travaillaient.

M. Jean-Philippe Lachenaud a expliqué que la direction de la programmation et du développement (DPD) du ministère semblait n'accorder qu'une importance relative à la construction ou à la rénovation des locaux de bibliothèques, donnant en revanche une importance particulière au développement des nouvelles technologies. Il a cependant estimé qu'une part considérable des fonds documentaires des bibliothèques universitaires ne pouvait être numérisée, et que, par conséquent, ils devaient être consultés sur place. Il a ajouté que la formation à la recherche comme au travail en équipe ne pouvait être menée à bien que dans des bibliothèques traditionnelles, les bibliothécaires, mais aussi les moniteurs-étudiants jouant un rôle incontournable de médiateurs, d'autant plus appréciable que les jeunes étudiants arrivant des lycées ont besoin d'être formés et orientés dans la bibliothèque.

M. Jean-Philippe Lachenaud a précisé que le rayonnement international de la France passait également par la numérisation des thèses soutenues dans notre pays. Mais il a reconnu que beaucoup de consultations nationales étaient réalisées hors de nos frontières. Il a ajouté que la France était confrontée, dans le cadre de négociations visant à accéder aux ressources documentaires sous forme électronique, à de puissants éditeurs internationaux, et il a formé le voeu que les universités françaises se groupent en consortium pour conduire de telles négociations.

S'agissant des comparaisons internationales, il a rappelé que, pour un nombre de bibliothèques similaire, la France se distinguait par la faiblesse des moyens dont disposaient ses bibliothèques : elles possèdent 22 millions d'imprimés, tandis que les bibliothèques universitaires britanniques en ont 70 millions et les bibliothèques allemandes 124 millions, les livres acquis dans l'année s'élevant pour la France à 884.000 mais à 2.200.000 pour la Grande-Bretagne et à 3.800.000 pour l'Allemagne, de tels écarts se retrouvant pour les budgets d'acquisition comme pour les personnels.

Il a précisé que les documents émanant du Sénat étaient présents, notamment dans les sections juridiques et économiques des bibliothèques universitaires, mais que la Haute Assemblée avait tout intérêt à diffuser davantage ses travaux auprès de la communauté universitaire.

Il a rappelé qu'une enquête avait été menée, il y a quelques années, auprès des étudiants, de laquelle il ressortait que ces derniers fréquentaient de manière très variable les bibliothèques universitaires, essentiellement en fonction de leur filière et de leur niveau d'études, mais que, d'une manière générale, 40 à 45 % des étudiants n'étaient pas inscrits à la bibliothèque, contre 50 % dix ans auparavant.

M. Jean Clouet a estimé que le développement excessif du virtuel risquait d'avoir de graves conséquences sur la qualité de l'enseignement supérieur. Il s'est, d'autre part, étonné des files d'attente régulières existant devant la bibliothèque Sainte-Geneviève, ainsi que du faible nombre des inscrits dans les bibliothèques.

M. Jean-Philippe Lachenaud a expliqué que de nombreux étudiants de premier cycle ne prenaient effectivement pas la peine de s'inscrire à la bibliothèque, se contentant trop souvent de cours polycopiés et de quelques manuels de base, mais il a estimé que certains enseignants les incitaient à de telles pratiques. Il s'est d'une manière générale déclaré hostile à des bibliothèques universitaires qui seraient réservées aux étudiants de premier cycle.

S'agissant de la bibliothèque Sainte-Geneviève, il a reconnu qu'elle ne pouvait répondre aux objectifs d'une bibliothèque universitaire en raison de sa vocation littéraire et patrimoniale, et s'est interrogé sur l'opportunité de lui redonner son ancien statut de bibliothèque municipale.

M. Yann Gaillard a estimé que les carences dont souffraient les bibliothèques universitaires avaient des répercussions sur la qualité de la lecture publique, un grand nombre d'étudiants fréquentant la bibliothèque publique d'information (BPI) du centre Pompidou comme la Bibliothèque nationale de France. Il s'est également interrogé sur la manière de protéger la propriété intellectuelle dans un environnement électronique.

M. Jean-Philippe Lachenaud a abondé dans le même sens et a expliqué que la fermeture de la BPI avait allongé les files d'attente devant la bibliothèque Sainte-Geneviève, ce qui montre la similitude de leur public. Il a souhaité qu'un rapprochement, notamment en matière de prêt, soit opéré entre les bibliothèques universitaires et les bibliothèques municipales.

Il a précisé que la question des droits de copie et des droits d'auteur était traitée dans le rapport, mais a fait état de son désaccord avec les conclusions du rapport de M. Jean-Marie Borzeix qui propose de faire payer aux étudiants un droit d'auteur acquitté lors du prêt ou de la consultation numérique du document. Il a estimé qu'il était préférable de s'orienter vers la solution d'un droit forfaitaire de bas niveau, de 5 à 10 francs.

La commission a alors donné acte au rapporteur des conclusions de sa communication et a décidé d'autoriser leur publication sous la forme d'un rapport d'information.

Organismes extraparlementaires : Désignation d'un candidat proposé à la nomination du Sénat (Conseil d'administration de l'Etablissement public "Autoroutes de France")

La commission a ensuite procédé à la nomination de M. Roland du Luart pour siéger au sein du Conseil d'administration de l'établissement public "Autoroutes de France".

Jeudi 12 novembre 1998

PJLF - Examen des articles de la première partie

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée sous la présidence de M. Alain Lambert, président, la commission a procédé, sur le rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général, à l'examen des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 1999.

La commission a tout d'abord adopté sans modification l'article 1er, relatif à l'autorisation de percevoir les impôts existants.

A l'article 2, relatif au barème de l'impôt sur le revenu, la commission a adopté deux amendements tendant, pour le premier, à rejeter la réduction du plafond de l'avantage procuré par le quotient familial et, pour le second, à supprimer le régime spécifique de prise en compte des frais professionnels des journalistes, le rapporteur général ayant indiqué qu'il proposerait, en deuxième partie de la loi de finances, le rétablissement de la réforme de l'impôt sur le revenu que le précédent gouvernement avait fait voter pour qu'elle prenne effet en 2000, en même temps que la suppression progressive du régime des abattements professionnels.

A l'article 2 bis (nouveau) concernant la réduction d'impôt au bénéfice de certains titulaires de demi-parts additionnelles de quotient familial, la commission a adopté un amendement de suppression par coordination.

Puis, elle a adopté, sans modification, l'article 3 sur l'extension de la réduction d'impôt relative aux dons pour les personnes physiques qui participent au financement d'entreprises, l'article 4 concernant les bons de souscription de parts de créateur d'entreprise et le report d'impositions des plus-values de cession de titres dont le produit est investi dans les fonds propres des PME, puis l'article 4 bis (nouveau), relatif à l'alourdissement de la fiscalité applicable aux contrats de capitalisation anonymes.

A l'article 5 relatif à l'extension du régime fiscal des micro-entreprises, M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est déclaré globalement favorable à une mesure visant à alléger les charges fiscales, comptables et déclaratives des contribuables, mais a attiré l'attention sur la complexité de la mise en oeuvre du nouveau système et a fait part de ses inquiétudes quant aux risques fiscaux que pourraient courir les entreprises soumises automatiquement à ce régime. Il a ensuite retiré l'amendement de suppression qu'il avait initialement présenté. M. Bernard Angels s'est inquiété de ce que cet article ne prenne qu'insuffisamment en considération les risques de travail clandestin. La commission a alors décidé de réserver son vote sur cet article.

Elle a ensuite adopté, sans modification, l'article 6, relatif à l'aménagement du régime simplifié d'imposition en matière de taxe sur la valeur ajoutée, l'article 6 bis (nouveau), relatif à la continuité du régime fiscal de TVA en cas de décès d'un exploitant agricole, et l'article 7 concernant le relèvement des seuils de mise en recouvrement ou de perception.

A l'article 8, relatif à l'augmentation du barème de l'imposition de solidarité sur la fortune (ISF), la commission a adopté un amendement tendant à actualiser le barème de l'ISF comme celui de l'impôt sur le revenu, tout en acceptant la création de la nouvelle tranche d'imposition à 1,8 %.

A l'article 9, relatif à la limitation de l'exonération d'impôt de solidarité sur la fortune au titre des biens professionnels de l'activité de loueur en meublé, la commission a examiné un amendement de suppression, considérant comme inéquitable de pénaliser des foyers fiscaux dont l'un des membres tire des revenus d'une autre activité par rapport à ceux pour lesquels il s'agit de l'activité principale.

M. Alain Lambert, président, a regretté que de nombreuses dispositions fiscales tendent à s'immiscer dans la vie privée des contribuables alors que des procédures idoines de lutte contre la fraude fiscale existent déjà. La commission a alors supprimé cet article.

A l'article 10, relatif à l'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune des biens ou droits dont la propriété est démembrée, la commission a adopté un amendement de suppression, au motif notamment que ce dispositif a une portée rétroactive et semble d'une constitutionnalité douteuse.

M. Michel Charasse, après avoir jugé inconstitutionnelles les dispositions de cet article, a proposé que la commission examine un amendement ultérieur visant à le rendre conforme aux normes constitutionnelles.

M. Alain Lambert, président, a estimé très difficile l'analyse de l'ensemble des motifs de démembrement de propriété et que, par conséquent, l'article proposé par le Gouvernement risquait d'avoir des effets pervers.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ajouté que l'administration fiscale disposait déjà de moyens de procédure qu'elle pouvait utiliser pour lutter contre la fraude engendrée par un démembrement illicite de propriété.

A l'article 11, relatif à l'aménagement des règles du plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune, la commission a adopté un amendement visant à revenir au régime de plafonnement instauré par la loi de finances initiale pour 1991 qui consistait à éviter qu'un contribuable n'acquitte plus de 85 % de son revenu au titre du cumul de l'impôt sur le revenu et de l'ISF, le rétablissement de ce dispositif d'équité étant en outre de nature à éviter des délocalisations de patrimoine.

Puis elle a adopté, sans modification, l'article 12, relatif aux modalités d'évaluation de la résidence principale en matière d'impôt de solidarité sur la fortune et de droits de mutation à titre gratuit.

A l'article 13, qui renforce les obligations déclaratives sur les dettes déduites de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune, la commission a adopté un amendement supprimant la nouvelle procédure de demande d'éclaircissement de la part de l'administration fiscale, cette procédure, non contradictoire, étant redondante avec l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle.

M. Michel Charasse a souhaité savoir si les éléments ainsi recueillis par l'administration fiscale pouvaient être éventuellement utilisés pour un examen de la situation fiscale ultérieure.

A l'article 14, relatif à la modification des règles de territorialité en matière de droits de mutation à titre gratuit, la commission a examiné un amendement visant à ne pas soumettre au nouveau régime les étrangers ayant résidé en France pour une courte période en raison d'impératifs professionnels.

M. Alain Lambert, président, a estimé que des règles fiscales de plus en plus maladroites incitaient les contribuables à dissimuler ou à délocaliser leur patrimoine, ce qui allait à l'encontre de l'objectif poursuivi par ces mêmes règles.

M. Yann Gaillard a observé que l'amendement proposé ne visait qu'une partie des cas concernés par cet article.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a reconnu que cet article pouvait avoir des conséquences difficiles à apprécier, mais qu'il était difficile de refuser une mesure dont l'ambition était de lutter contre la délocalisation du patrimoine ; le rejet d'une telle disposition constituerait un signal négatif à l'égard de la lutte nécessaire contre la fraude fiscale.

La commission a alors adopté l'amendement présenté par son rapporteur général.

Puis elle a adopté sans modification l'article 14 bis (nouveau), relevant l'abattement pour la perception des droits de mutation à titre gratuit sur la part du conjoint survivant.

A l'article 14 ter (nouveau) qui rétablit les sanctions en cas de défaut de déclaration des successions en Corse, la commission a adopté un amendement reportant l'entrée en vigueur de ce rétablissement jusqu'à l'expiration du régime fiscal transitoire qui exonère de droits les partages successoraux en Corse, soit jusqu'au 31 décembre 2000.

Puis elle a examiné un amendement portant article additionnel après l'article 14 ter (nouveau) qui vise a réactiver la commission mixte prévue par la loi du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse, afin qu'elle présente, dans les six mois, les conclusions qu'elle était, depuis longtemps, censée élaborer en matière fiscale et sur la sortie des indivisions.

M. Michel Charasse a rappelé que cette commission n'avait pas rendu le rapport qui lui avait été demandé, afin d'éviter à la Corse de rentrer dans le droit commun des régimes de mutation. Il a dès lors proposé que le rapport demandé par l'amendement portant article additionnel soit rédigé par le Conseil d'Etat en cas d'inertie de la commission mixte.

M. Louis Ferdinand de Rocca Serra a précisé que cette commission ne s'était pas réunie depuis 1992, mais que l'Assemblée de Corse avait prévu de relancer ses travaux.

M. Alain Lambert, président, a indiqué que, si la commission mixte ne rendait pas le rapport susmentionné, la commission des finances devrait elle-même envisager de mener des investigations sur le sujet.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que le problème des droits de succession en Corse prenait place dans un contexte beaucoup plus général, et que cette question devait être réglée dans un ensemble de mesures proposées en faveur du développement économique de la Corse.

La commission a alors adopté l'amendement portant article additionnel après l'article 14 ter (nouveau).

Puis elle a adopté, sans modification, l'article 15, relatif au régime des titres ou droits de personnes morales ou organismes détenant directement ou par personnes interposées des immeubles ou droits immobiliers sis en France.

A l'article 16 concernant l'imposition des plus-values constatées et des plus-values en report d'imposition en cas de transfert du domicile hors de France, la commission a examiné un amendement tendant à remplacer l'imposition de ces plus-values sur les " participations substantielles " par une imposition sur les plus-values latentes portant sur des droits sociaux d'une valeur supérieure à dix millions de francs, de manière à n'imposer que les patrimoines les plus importants, en évitant de pénaliser les créateurs de jeunes entreprises.

M. Jacques Oudin a jugé tout à fait positive l'intention présidant aux aménagements fiscaux en faveur de la création d'entreprises, mais a estimé que leur mise en oeuvre était parfois très contestable : il a cité l'exemple du crédit d'impôt-recherche dont les entreprises bénéficiaires étaient quasi systématiquement soumises à un contrôle fiscal sévère. La commission a adopté l'amendement proposé par le rapporteur général.

Elle a ensuite adopté, sans modification, l'article 17, relatif à la gratuité de la délivrance des cartes nationales d'identité et du droit d'examen pour l'obtention du permis de conduire.

A l'article 18, relatif à la modification des tarifs des taxes intérieures de consommation sur les produits pétroliers (TIPP) et sur le gaz naturel et à la mise en oeuvre d'un remboursement de TIPP aux transporteurs routiers, la commission a adopté un amendement tendant à accroître la TIPP sur le gazole de un centime par litre et à réduire celle sur le supercarburant sans plomb de deux centimes ; ainsi l'écart de taxation entre ces deux carburants serait réduit non plus de sept mais de dix centimes, ce qui permettait un alignement sur la moyenne communautaire en cinq ans au lieu de sept.

Elle a ensuite adopté sans modification l'article 18 bis (nouveau) modifiant le régime fiscal de l'aquazole, l'article 18 ter (nouveau), relatif à l'augmentation du volume de gaz de pétrole liquéfié (GPL) défiscalisé pour les taxis, l'article 19 concernant l'application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée aux abonnements souscrits pour la fourniture de gaz et d'électricité, ainsi que l'article 20 appliquant ce taux réduit de TVA aux appareillages destinés aux diabétiques et à certains handicapés.

Puis, à l'article 21, appliquant le taux réduit de TVA aux opérations de collecte et de tri sélectifs des ordures ménagères, la commission a examiné un amendement précisant que les traitements de déchets sous forme de valorisation énergétique étaient bien compris dans le champ d'application de la mesure.

Après que M. Philippe Marini, rapporteur général, eut répondu à M. Bernard Angels que cette disposition était compatible avec les directives européennes, la commission a adopté l'amendement qui lui était proposé.

A l'article 22, relatif à l'application du taux réduit de 5,5 % de la taxe sur la valeur ajoutée aux travaux subventionnés par l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, la commission a adopté un amendement de précision.

Puis, la commission a adopté l'article 22 bis (nouveau), relatif à la majoration du crédit d'impôt pour les dépenses d'entretien afférentes à l'habitation principale.

A l'article 22 ter, relatif à l'assujettissement de la TVA des "villages résidentiels de tourisme", la commission a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 23, relatif à l'augmentation des taux de réduction de droits de mutation sur les donations, la commission a adopté un amendement visant à étendre temporairement le taux de réduction de 30 % des droits de mutation à toutes les donations, quel que soit l'âge du donateur.

M. Yann Gaillard a exprimé sa réserve vis-à-vis de mesures fiscales enfermées dans des délais, estimant que la détermination de la durée de ces derniers était par nature arbitraire et qu'elle pouvait entraîner des effets pervers.

M. Alain Lambert, président, a soutenu la position du rapporteur général en soulignant le caractère incitatif du délai, qui, dans le cas présent, pousse le détenteur d'une entreprise à transmettre son patrimoine.

A l'article 24, relatif à la moralisation des avantages liés à la transmission des patrimoines par le biais de l'assurance-vie, M. Philippe Marini, rapporteur général, a rappelé que cet article avait soulevé de nombreux débats à l'Assemblée nationale. Il a déclaré que la rédaction proposée par cette dernière était meilleure que le projet d'article du Gouvernement, même si elle était encore perfectible. Toutefois, il a estimé nécessaire de ne pas modifier l'article afin d'éviter une remise en cause du compromis obtenu. En revanche, par souci d'équité, il a présenté un amendement visant à exonérer du prélèvement de 20 % les primes afférentes à des contrats d'assurance en cas de décès, lorsque ces contrats garantissent le versement d'un capital ou d'une rente viagère à un enfant handicapé.

M. Alain Lambert, président, a partagé le souci du rapporteur général d'adopter conforme le présent article, sans exclure la possibilité de transformer l'amendement proposé en article additionnel.

M. René Ballayer s'est interrogé sur la définition exacte de personnes handicapées.

M. Philippe Marini, rapporteur général, lui a répondu que le 2e de l'article 199 septies du code général des impôts en donnait une définition précise. Il a alors retiré son amendement et la commission des finances a adopté, à l'unanimité, l'article 24.

Puis, la commission des finances a adopté l'article 25, relatif à la réduction de l'écart entre les minima de perception du droit de consommation sur les tabacs.

A l'article 26, relatif à l'aménagement de la taxe sur les locaux à usage de bureaux en Ile-de-France, M. Philippe Marini, rapporteur général, a présenté un amendement visant à refuser l'extension de l'assiette de cette taxe aux locaux commerciaux et aux locaux de stockage, considérant cette réforme très pénalisante pour les différents secteurs d'activité concernés, contradictoire avec l'allégement de la taxe professionnelle et susceptible d'encourager des délocalisations d'activités.

M. Denis Badré s'est déclaré opposé à l'extension de l'assiette de cette taxe et a manifesté sa préférence pour la suppression complète de l'article.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a justifié l'amendement proposé en déclarant que la définition de la taxe sur les bureaux en Ile-de-France, proposée par le présent article, était plus précise que dans sa rédaction antérieure.

M. Paul Loridant a insisté sur les risques de délocalisation des entrepôts vers les départements limitrophes à ceux de l'Ile-de-France.

M. Bernard Angels s'est inquiété des conséquences financières de l'adoption de l'amendement proposé par le rapporteur général sur le volume des crédits du fonds d'aménagement de la région Ile-de-France (FARIF) disponibles pour l'Etat au titre des investissements en Ile-de-France.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé à 376 millions de francs le coût de cet amendement et a souligné que la région Ile-de-France serait sans doute en mesure de pallier, en opérant les redéploiements nécessaires, une progression moindre du produit de la taxe alimentant le FARIF. En outre, il a déclaré que les conséquences de la suppression de l'extension de l'assiette de la taxe sur les locaux en Ile-de-France devaient être gérées par la région et l'Etat. La commission a alors adopté l'amendement.

A l'article 27, relatif à la suppression de la taxe régionale sur les cessions d'immeubles et à l'unification du régime d'imposition des cessions de locaux professionnels, la commission a d'abord adopté un amendement rappelant que les droits de mutation perçus par les départements constituaient une fiscalité transférée dans le cadre des lois de décentralisation. Puis elle a adopté un amendement suspendant les sanctions pour les immeubles qui devaient être revendus entre le 1er janvier 1999 et le 30 juin 1999. Elle a ensuite adopté trois amendements visant à supprimer la taxe de 1 % plafonnée à 20.000 francs pour les cessions de parts de sociétés non cotées, à exclure les sociétés par actions cotées en bourse de la nouvelle taxe de 4,80 %, et à modifier la définition de la prépondérance immobilière. Elle a également adopté, à l'unanimité, un amendement visant à rétablir la compensation intégrale de la perte de recettes résultant, pour les régions, de la suppression de la taxe additionnelle régionale sur les mutations à titre onéreux.

La commission a ensuite réservé l'article 27 bis (nouveau), relatif à l'exonération de TVA pour les achats de terrains à bâtir par des particuliers qui souhaitent y construire un immeuble réservé à leur usage privatif dont elle approuve la finalité mais qui suscite de multiples difficultés d'application.

A l'article 28, relatif à la réduction du taux de l'avoir fiscal, la commission a adopté un article de précision visant à tirer les conséquences de la réduction de l'avoir fiscal sur le précompte dû par les entreprises qui n'ont pas supporté l'impôt sur les sociétés au taux normal.

Puis, la commission a adopté l'article 28 bis (nouveau), visant à assimiler à des apports les droits d'adhésion perçus par les sociétés d'assurance mutuelle.

A l'article 28 ter (nouveau), relatif à la réintégration d'une quote-part des frais et charges afférents aux dividendes versés par une société fille à sa société mère, la commission a adopté un amendement de suppression de l'article pour éviter la double taxation des dividendes versés par une filiale à sa société mère.

A l'article 29, relatif à la taxe professionnelle, la commission a adopté cinq amendements visant à remplacer le système de compensation de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle aux collectivités locales par un dégrèvement, à étendre le bénéfice de la réduction de taxe professionnelle aux professions libérales, à pérenniser la réduction pour embauche et investissement à 25 % de son montant, à étendre sur cinq ans au lieu de trois la progression de la cotisation minimale de taxe professionnelle et à limiter la progression de la cotisation de péréquation à 75 % en cinq ans contre 100 % dans le texte proposé par le Gouvernement. Puis elle a adopté, à l'unanimité, un amendement demandant au Gouvernement de remettre, chaque année, un rapport sur l'impact de la réforme de la taxe professionnelle sur l'emploi, les entreprises, les collectivités locales et les finances de l'Etat.

A l'article 30, relatif à la taxe générale sur les activités polluantes, M. Philippe Marini, rapporteur général, a présenté un amendement de suppression, estimant que l'instauration de cette nouvelle taxe entraînait plus d'inconvénients que d'avantages.

M. Joël Bourdin s'est félicité de cet amendement et a déclaré que le dispositif proposé par le Gouvernement constituait une tentative de recentralisation alors même que la nécessité d'une plus grande décentralisation est reconnue par tous.

M. Jacques Oudin a fait remarquer que le premier avantage souligné par le Gouvernement était d'augmenter le budget du ministère de l'environnement et non de pouvoir mener une politique plus efficace. Il s'est opposé à ce que, par l'adoption de cet article, l'ensemble du dispositif relatif à l'ADEME soit remis en cause. En outre, il s'est inquiété de ce que l'argent collecté à travers cette taxe ne soit pas affecté à la lutte contre les activités polluantes.

M. Michel Charasse a jugé inconstitutionnel le paragraphe III du présent article qui dispose que l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie est habilitée à contrôler et à recouvrer la taxe générale sur les activités polluantes.

La commission a alors adopté l'amendement de suppression.

Puis, elle a adopté l'article 31 relatif à l'amortissement exceptionnel des véhicules fonctionnant en bicarburation et des accumulateurs nécessaires à leur fonctionnement, l'article 32 relatif à la suppression de diverses taxes, l'article 33 relatif à la suppression de la taxe perçue au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles, l'article 34 relatif à la suppression du prélèvement sur les bénéfices des entreprises exploitant des gisements d'hydrocarbures et l'article 35 relatif à la suppression de la taxe perçue pour toute demande d'autorisation administrative d'exploitation d'eau minérale et naturelle.

A l'article 35 bis (nouveau) relatif à la création d'une taxe de l'aviation civile au profit du budget annexe de l'aviation civile et du compte d'affectation spéciale "fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien", la commission a adopté un amendement de suppression de l'article, estimant que ladite taxe ne répondait pas à l'exigence posée par le Conseil d'Etat de voir financer la sûreté des aéroports par le contribuable national. En outre, elle a critiqué l'ensemble de la réforme du financement des aéroports proposée par le Gouvernement.

A l'article 36, relatif au prélèvement exceptionnel sur les caisses d'épargne, la commission a adopté un amendement visant à substituer au prélèvement proposé par le Gouvernement sur les fonds propres des caisses d'épargne, un prélèvement additionnel de 2 milliards de francs sur les réserves de trésorerie de l'épargne-logement de la caisse nationale d'épargne gérée par la Caisse des dépôts et consignations.

M. Joël Bourdin s'est interrogé sur la nécessité de contrôler la politique du Gouvernement de prélèvement sur divers organismes et a approuvé la suppression du prélèvement sur les fonds propres des caisses d'épargne.

Puis, la commission a adopté l'article 36 bis (nouveau), relatif à l'inclusion de la zone économique exclusive de Saint-Pierre-et-Miquelon dans le champ d'application de la redevance sur la concession de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux, l'article 37 relatif aux dispositions concernant les affectations, l'article 38, relatif à l'actualisation et taux de la taxe sur les huiles perçue au profit du BAPSA et l'article 39 relatif au versement d'une contribution des organismes collecteurs du 1 % logement.

A l'article 40, relatif à l'enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivités territoriales, la commission a adopté un amendement visant à porter la fraction du taux de croissance du produit intérieur brut prise en compte dans le calcul du mode de progression de l'enveloppe normée à 33 % en 1999, puis à 50 % au titre des deux années suivantes.

Puis, elle a adopté l'article 41, relatif à la majoration exceptionnelle de la dotation de solidarité urbaine.

A l'article 41 bis (nouveau), relatif à l'élargissement des critères d'éligibilité au FCTVA, la commission a adopté à l'unanimité un amendement visant à distinguer les travaux d'intérêt général effectués sur le domaine public de l'Etat, qui nécessitent une convention, des travaux d'urgence effectués sur le domaine public de l'Etat pour lesquels la convention n'est pas nécessaire.

A l'article 43, relatif à l'équilibre général du budget, la commission a adopté un amendement tirant les conséquences des positions prises par la commission tant en matière de recettes, qu'en matière de réduction des dépenses et modifiant en conséquence le solde de la loi de finances proposé par le Gouvernement.

Sous le bénéfice des articles réservés, la commission a enfin adopté l'ensemble des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 1999.

PJLF - Aménagement du territoire et environnement - I - Aménagement du territoire : Examen du rapport

Au cours d'une seconde séance, tenue dans l'après-midi, sous la présidence de M. François Trucy, secrétaire, la commission a examiné, sur le rapport de M. Roger Besse, les crédits de l'aménagement du territoire pour 1999.

M. Roger Besse, rapporteur spécial, a précisé que les crédits inscrits au budget de l'aménagement du territoire pour 1999 s'établissent à 1.799,3 millions de francs, en baisse de -0,35 % par rapport à l'exercice précédent, et que les autorisations de programme s'élèvent à 1.600,70 millions de francs, en baisse de -1,35 %.

Ces crédits, a-t-il indiqué, se répartissent entre trois grandes masses.

Il a précisé que, si les crédits du titre III, consacrés aux moyens de fonctionnement de la DATAR, présentent, avec 108,76 millions de francs, une hausse de 23,45 %, cette progression est en réalité optique, s'expliquant par le changement d'imputation budgétaire d'une enveloppe de 18 millions de francs de crédits d'étude, naguère financée par les dotations du FNADT, au titre VI, et dorénavant imputée sur un chapitre distinct du titre III. Pour le reste, a-t-il ajouté, les effectifs de la DATAR sont stables, et ses moyens de fonctionnement sont reconduits au niveau de l'an dernier.

Evoquant ensuite les dotations consacrées à la prime d'aménagement du territoire, qui s'établissent à 315 millions de francs en crédits de paiement, il s'est déclaré moins préoccupé par le léger tassement des crédits que par le caractère récurrent des reports de crédits qui lui semble confirmer une fois de plus l'inadéquation des critères d'éligibilité de cette prime aux caractéristiques des zones qu'elle concerne.

Il a relevé la baisse des dotations du fonds national d'aménagement du territoire, au titre IV comme au titre VI.

Il a ensuite rappelé que la politique d'aménagement du territoire, par nature interministérielle, bénéficiait également des concours financiers apportés par d'autres ministères, qui devraient s'élever en 1999 à un peu plus de 54 milliards de francs, en hausse de 1,25 %. Il a énuméré quelques-unes des principales contributions, dont il a rapidement présenté le contenu. Il a précisé également l'évaluation, faite par le Gouvernement, de la dépense fiscale correspondant au coût des exonérations dans les zones relevant de la géographie prioritaire. Puis, il a tracé le bilan des fonds créés par la loi d'orientation de 1995 : fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables (FITTVN), fonds de péréquation des transports aériens (FPTA), fonds de gestion de l'espace rural (FGER) dont il a déploré vivement la suppression, fonds national de développement des entreprises dont il a regretté le lancement tardif et timide.

Le rapporteur a ensuite insisté sur l'importance des apports effectués par les fonds structurels européens -plus de 11 milliards de francs en 1999- dont il a rappelé les objectifs et les mécanismes, déplorant à ce propos la lourdeur de certains circuits administratifs qui débouche sur un phénomène de sous-consommation de ces crédits. Il a jugé celui-ci regrettable et inquiétant, particulièrement dans le contexte actuel de la réforme de la politique structurelle européenne.

M. Roger Besse a ensuite résumé ses principales observations.

Il a d'abord constaté que le projet de budget pour 1999 se contente de reproduire, pour l'essentiel, le montant des crédits votés l'année dernière. Il a ensuite estimé que l'assainissement de la gestion de la prime d'aménagement du territoire passe par une réforme de ses critères d'éligibilité qui la mette davantage à la portée de ses utilisateurs potentiels en milieu rural. Evoquant les signes d'une évolution possible du Gouvernement, il a incité la commission à ne pas relâcher sa pression pour obtenir rapidement des avancées sur ce sujet. Revenant sur le problème posé par la sous-consommation des crédits européens, il a exprimé son intention d'inviter le Gouvernement à assouplir sans tarder les procédures applicables. Abordant les orientations générales de la politique d'aménagement du territoire, il a déploré une attitude qui a conduit le Gouvernement à vider de leur contenu plusieurs dispositions de la loi d 'orientation de 1995 sur l'aménagement et le développement du territoire. Il s'est également inquiété de l'insistance avec laquelle celui-ci vante le "rôle structurant des villes" dont il a craint qu'il ne constitue l'alibi d'un abandon du monde rural.

Le rapporteur spécial a ensuite évoqué le problème de calendrier que soulève l'élaboration des prochains contrats de plan Etat-régions. Ceux-ci devront très vraisemblablement être négociés par les régions, avant que les structures juridiques des "pays" et "agglomérations" sur lesquels ils reposeront largement, n'aient été créées par le projet de loi d'orientation sur l'aménagement et le développement durable du territoire.

Citant des propos tenus devant l'Assemblée nationale, et qui montrent l'intention du Gouvernement de déclarer l'urgence pour accélérer la discussion de ce projet, il a invité le Sénat à se monter vigilant et a refusé que l'on escamote un débat parlementaire qu'il juge essentiel.

Enfin, évoquant le problème du maintien des services publics en milieu rural, il a jugé nécessaire une clarification de l'attitude du Gouvernement qui, tout en prétendant maintenir en vigueur le moratoire sur les fermetures, semble renouer avec la suppression de certains services publics de proximité : écoles, collèges, bureaux de poste et brigades de gendarmerie.

Au cours du débat qui a suivi cette présentation, M. Philippe Marini, rapporteur général, a déclaré partager les préoccupations exprimées par le rapporteur spécial, tout particulièrement pour ce qui touche aux effectifs de police et de gendarmerie et à leur redéploiement éventuel.

A sa demande, M. Roger Besse lui a précisé les critères que semble privilégier le Gouvernement dans sa réflexion : ceux-ci se rapportent à la superficie des territoires couverts et aux statistiques relatives aux crimes et délits.

M. Jean-Pierre Demerliat a rappelé les éléments qui feront de 1999 une année charnière pour l'aménagement du territoire : discussion et vote du projet de loi sur l'aménagement et le développement durable du territoire, réforme des fonds structurels européens, mise en oeuvre de la loi d'orientation agricole. Convenant avec le rapporteur spécial du caractère préoccupant de la sous-consommation des dotations des fonds européens, il a précisé que celle-ci touchait inégalement les différentes régions, et a cité l'exemple du Limousin qui est parvenu à utiliser tous les crédits disponibles. Il s'est, en outre, félicité de la poursuite de la politique de délocalisation des emplois, souhaitant que cet effort soit poursuivi à l'avenir.

M. Denis Badré s'est préoccupé de la diminution du poids relatif des crédits de la DATAR au sein de l'ensemble des crédits consacrés à la politique d'aménagement du territoire.

Revenant sur la politique structurelle européenne, il a rappelé que la France participe à son financement dans une proportion supérieure au montant des versements, certes importants, qu'elle en reçoit, et a souhaité que ces transferts européens ne servent pas d'alibi pour masquer une absence de politique nationale d'aménagement du territoire. Il a redouté, en outre, que les retards pris en matière de consommation des crédits ne s'accentuent encore en 1999. Evoquant les vicissitudes rencontrées par différents instruments du ministère de l'agriculture, dont le dernier avatar est la disparition du fonds de gestion de l'espace rural au profit des contrats territoriaux d'exploitation, il s'est demandé si ce ministère n'est pas tenté de renoncer à une vision globale des problèmes du monde rural pour se concentrer sur ceux de l'exploitation agricole.

M. Michel Sergent a remarqué que la sous-consommation des crédits affectait les versements structurels, tout comme ceux du fonds national d'aménagement du territoire, et a estimé qu'il fallait en rechercher la raison dans l'inutile complexité des procédures.

En réponse à M. François Trucy, M. Roger Besse a ensuite précisé les critères d'éligibilité du fonds de péréquation des transports aériens, et décrit les modalités de son fonctionnement, déplorant toutefois que l'appui apporté aux compagnies aériennes concernées ne puisse avoir pour effet de permettre une baisse du prix des billets.

Il a précisé ensuite à M. Denis Badré que, d'après le Gouvernement, les versements européens peuvent être consommés jusqu'en 2001.

En conclusion, le rapporteur spécial a rappelé les insuffisances notoires d'un projet de budget très proche de celui présenté en 1998, et dont il avait alors demandé le rejet. Celui-ci ne lui a pas semblé de nature à redonner un nouvel élan à la politique d'aménagement du territoire, même s'il a tenu à saluer les perspectives encourageantes qui semblent être sur le point de s'ouvrir en matière de réforme de la prime d'aménagement du territoire. S'inscrivant dans la ligne définie par la commission qui propose un budget alternatif, il a invité celle-ci à ne pas rejeter, dans ces conditions, le budget de l'aménagement du territoire.

La commission a suivi les conclusions de son rapporteur spécial, et a adopté les crédits de l'aménagement du territoire inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999.

PJLF - Emploi et solidarité - III - Ville et intégration : Examen du rapport

La commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Alain Joyandet, le budget de la politique de la ville.

M. Alain Joyandet a rappelé qu'en 1999, les crédits consacrés à la politique de la ville sont à nouveau regroupés, après la parenthèse de 1998, dans un fascicule "bleu" individualisé. En hausse de 32,45 %, ils atteignent le cap symbolique du milliard de francs, mais, cette forte progression doit être remise en perspective, car ces crédits ne représentent qu'une faible partie d'un effort global en faveur de la ville, estimé à 31 milliards de francs par le Gouvernement.

S'attachant à l'analyse des "crédits spécifiques" de la politique de la ville, il a passé en revue les grandes masses du budget et leur évolution : près de 114 millions de francs pour le titre III, en hausse de 33,4 %, près de 657 millions de francs au titre IV, en hausse de 50,36 %, un titre V exclusivement consacré à des crédits d'études, qui passe de 4 à 16 millions de francs -des sommes marginales au regard de l'ensemble des dépenses, mais en forte progression - et un titre VI qui régresse de 6,6 % en crédits de paiement et de 4 % en autorisations de programme : bref, un budget tout entier consacré à l'accroissement des dépenses ordinaires.

Le rapporteur spécial s'est ensuite livré à une présentation thématique des crédits de la ville, soulignant la forte progression des crédits de fonctionnement de la délégation interministérielle à la ville (+54 %), celle de son budget de communication (+47 %), et celle de ses crédits d'étude inscrits au titre V, qui sont multipliés par quatre. Cette forte progression, a-t-il ajouté, concerne aussi les dépenses déconcentrées d'animation, multipliées par trois et demi, mais non les crédits consacrés aux initiatives locales dans le cadre du partenariat national, qui restent stables.

Abordant les actions de la politique de la ville, il a montré que la progression de 23,6 % des crédits du fonds interministériel pour la ville, qui finance, entre autres, les contrats de ville, provient exclusivement des 156 millions de francs supplémentaires inscrits au "bleu" ville, la participation des autres ministères étant en revanche reconduite au niveau de 1998. Les dotations du fonds social urbain, qui permettent à l'Etat d'engager des opérations d'investissement en complément de celles qui relèvent des politiques contractuelles sont, en revanche a-t-il indiqué, en régression de 8,4 %, les crédits consacrés au financement des 13 grands projets urbains doublent en revanche, du fait de la création, au titre IV, d'un nouveau chapitre budgétaire doté de 45 millions de francs.

Il a ensuite précisé l'évolution positive des crédits consacrés aux opérations "Ville, vie, vacances" ainsi qu'aux services publics de quartier.

Le rapporteur spécial a ensuite présenté les différentes "strates" qui constituent l'effort global en faveur de la ville : contribution des autres ministères, dépense fiscale, dotation de solidarité urbaine, contribution de la Caisse des dépôts et consignations, concours des fonds structurels européens.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial, a ensuite résumé son impression générale en quelques observations : la priorité revendiquée par le Gouvernement en faveur de la politique de la ville repose sur quelques arguments frappants, mais dont la portée véritable doit être relativisée, à commencer par la nomination d'un ministre délégué, qui ne fait que renouer avec une pratique assez constante. Il s'est ensuite demandé si la volonté d'arriver au "cap symbolique" du milliard de francs n'avait pas conduit le Gouvernement à gonfler certaines enveloppes budgétaires, comme pouvait le laisser penser la forte progression des crédits de fonctionnement de la délégation interministérielle à la ville, de ses budgets d'études et de communication. Relevant la très forte progression des crédits du fonds interministériel pour la ville, alors que le Gouvernement a annoncé son intention de ne rajouter aucune procédure en 1999 aux dispositifs existants, il s'est interrogé sur la capacité des procédures classiques de la politique contractuelle à absorber une telle manne budgétaire.

Pour ces raisons, et en dépit de la priorité que lui semble effectivement mériter la politique de la ville, le rapporteur spécial a recommandé, conformément à la politique générale de la commission des finances, d'adopter un amendement réduisant de 5 % les crédits du titre III, et de transférer, par un prélèvement à due concurrence sur les crédits d'études inscrits au titre V, la charge de l'économie de 1 % qui, en application de la stratégie définie par la commission , aurait dû peser sur le titre IV.

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial, a ensuite indiqué les grandes masses de l'effort global en faveur de la ville.

Il a montré que cet effort ne provient pas seulement de l'Etat français, mais que les collectivités territoriales et les fonds structurels européens y contribuent aussi puissamment, à hauteur, respectivement, de 3 et 1 milliards de francs. Il s'est interrogé sur la pertinence de la prise en compte des 7 milliards de francs des ouvertures de prêts de la Caisse des dépôts et consignations, qui, même s'ils sont consentis à des taux favorables, ne sauraient être assimilés à des subventions. Enfin, il a rappelé que si l'on suit les recommandations du rapport Sueur, la dotation de solidarité urbaine ne devrait pas non plus être comptabilisée dans l'effort financier de l'Etat qui, défini stricto sensu, s'établirait alors en 1999 à 16,3 milliards de francs en 1999, en hausse d'un peu plus de 3 milliards de francs par rapport à 1998.

Il a relevé que cette progression de l'effort de l'Etat ne provenait pas, pour l'essentiel, de la dépense fiscale, stable en 1999, ni des crédits des ministères ayant un lien direct avec la politique contractuelle de la ville qui ont plutôt tendance à régresser, mais qu'elle se concentrait sur une rubrique "crédits relevant de divers ministères relevant de la politique de la ville", qui passe de 7 à presque 10 milliards de francs en 1999, et sur laquelle sont comptabilisés les "emplois jeunes".

Le rapporteur spécial a déploré, en conclusion de son propos, le flou d'une rhétorique gouvernementale qui ne permet pas de bien saisir ses orientations, et s'est inquiété des prémisses qui pourraient préluder à une possible remise en question des zones franches urbaines alors que celles-ci ont le mérite d'associer enfin les intérêts économiques à la réhabilitation des quartiers. Il a ajouté qu'à son avis, la politique de la ville devrait insister davantage sur les actions en faveur du logement.

Pour toutes ces raisons, le rapporteur spécial a invité la commission, conformément à sa politique générale, à adopter le projet de budget pour la ville, sous réserve de l'adoption des deux amendements de réductions des crédits des titres III et V qu'il lui proposait.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a approuvé les conclusions du rapporteur, estimant en particulier que le transfert des économies prévues sur le titre IV vers le chapitre "Etudes" du titre V était justifié, compte tenu des arguments pertinents avancés par le rapporteur. Il a ensuite évoqué la question des zones franches urbaines, dont il avait pu mesurer tout l'intérêt à l'occasion d'une enquête auprès des maires et d'une visite sur le terrain, et s'est interrogé sur l'attitude du Gouvernement.

En réponse à M. Marini, rapporteur général, le rapporteur spécial a évoqué l'attitude souvent réticente du Gouvernement. Il a déploré que les conclusions de l'évaluation des zones franches commandées aux trois corps d'inspection ne soient rendues publiques, selon toute vraisemblance, qu'après le débat budgétaire.

M. Gérard Larché, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, a déclaré partager les analyses du rapporteur spécial, et s'est déclaré favorable à la réduction des crédits d'études du titre V. Il a relevé l'évolution des esprits que traduit la création du ministère délégué à la ville. A l'appui de la politique des zones franches urbaines, il a cité en exemple le bilan dressé à Mantes-la-Jolie, dont il a estimé qu'il atteint et dépasse les objectifs du pacte de relance pour la ville. Il s'est également prononcé en faveur des politiques de "dédensification" de l'habitat qui jouent un rôle positif en matière de reconstitution du lien social.

M. Roger Besse s'est étonné du contraste entre la forte progression des crédits de la ville et la stagnation des crédits de l'aménagement du territoire. Il s'est demandé si les opérations "Ville, vie, vacances" ne pourraient pas donner lieu à des partenariats plus développés avec les zones rurales.

M. François Trucy a déclaré partager l'analyse du rapporteur spécial sur les modalités de prise en compte des prêts de la Caisse des dépôts et consignations.

La commission a alors adopté les deux amendements de réduction de crédits et l'ensemble du budget de la ville ainsi modifié.

PJLF - Fonction publique et la réforme de l'Etat : Examen du rapport

Enfin, la commission a procédé, sur le rapport de M. Gérard Braun, rapporteur spécial, à l'examen des crédits de la fonction publique et la réforme de l'Etat pour 1999.

A titre liminaire, M. Gérard Braun a indiqué que l'examen des crédits de la fonction publique appelait deux analyses distinctes : la première était juridique. Il s'agissait de présenter les crédits du ministère chargé de la gestion de la fonction publique qui sont individualisés dans le budget des services généraux du Premier ministre au sein d'un agrégat :"fonction publique". Ils s'élèvent à 1,4 milliard de francs en 1999 et sont en diminution de 0,18 %.

La seconde était économique : il convenait d'analyser les charges de personnel de l'Etat, qu'il s'agisse des crédits de rémunération, des charges sociales ou des pensions. Elles apparaissaient au sein de l'ensemble des départements ministériels et représentaient plus de 650 milliards de francs en 1999, soit près de 39 % des dépenses du budget général, nettes de remboursement et dégrèvements.

Il a précisé que l'examen de ces crédits conduisait à se poser deux questions : comment l'Etat gère-t-il ses charges de personnel et celles-ci sont-elles maîtrisées ? Comment l'Etat fait-il évoluer ses structures, conformément au principe de "mutabilité" du service public, et cela afin de fournir aux usagers des services publics les meilleures prestations ?

Il a rappelé que les crédits du ministère chargé de la fonction publique représentaient 1,4 milliard de francs et comportaient des dépenses de personnel exclusivement constituées de prestations d'action sociale interministérielle ou d'opérations d'action sociale.

Il a indiqué que la diminution de ces crédits de personnel était due principalement - à hauteur de 230 millions de francs - à la suppression de la provision destinée, dans le projet de loi de finances pour 1998, à accompagner la négociation salariale dans la fonction publique. Elle a été transférée, sans justification, au sein du titre V " dépenses en capital " pour un montant fixé dans le projet de loi de finances pour 1999 à 255 millions de francs.

Les dépenses de fonctionnement représentent 343,95 millions de francs, en progression de 4,46 % et correspondent aux subventions destinées aux écoles (ENA, IIAP - Institut international d'administration publique -, et IRA -instituts régionaux d'administration).

Il a par ailleurs précisé que, outre les dépenses d'investissement du fonds pour la réforme de l'Etat (5 millions de francs), les dépenses en capital correspondaient à 255 millions de francs destinés à des "équipements en faveur de l'action sociale interministérielle". Il s'agit en réalité des crédits qui figuraient dans le projet de loi de finances pour 1998 au sein du titre III et étaient destinés en tant que "provision exceptionnelle non reconductible" à accompagner les négociations salariales dans la fonction publique (accord du 10 février 1998). Il a rappelé que la commission s'était opposée, l'année dernière, à l'adoption de ces mesures et que le rapporteur spécial des crédits des services généraux du Premier ministre avait également déposé un amendement de suppression, auquel il s'associait.

Puis, il a présenté, de façon plus générale, l'évolution des charges de personnel de l'Etat.

Il a relevé que, en 1999, les dépenses de fonction publique progressaient de 6,8 % et dépassaient le seuil de 650 milliards de francs, pour atteindre 652,1 milliards, soit 38,7 % du budget général, contre 38,1 % en 1998.

Cette progression était principalement due, outre les effets de la budgétisation de 14.822 millions de francs de pensions des fonctionnaires de La Poste et les conséquences de la professionnalisation des armées, aux conséquences de l'accord salarial du 10 février 1998 dont le coût en 1999 pour le budget de l'Etat a été chiffré à 14,8 milliards ; aux mesures catégorielles et aux transformations d'emplois (1,9 milliard) ; à l'impact du "GVT-solde" (3,7 milliards), ainsi qu'à la dérive spontanée des dépenses de pensions (5,85 milliards).

Il a également rappelé que la fonction publique de l'Etat induisait des dépenses qui allaient au-delà de celles liées aux fonctionnaires. Les dépenses totales, y compris les subventions à l'enseignement privé, les pensions des anciens combattants et les charges de personnel du budget de l'aviation civile étaient, en 1999, de 717,4 milliards, en augmentation de 6,2 %.

En outre, il a souligné que la dépense "induite" était liée à plus de 91 % à l'évolution du point "fonction publique". De ce fait, plus de 38 % des dépenses du budget général de l'Etat étaient indexées sur le point "fonction publique".

Puis M. Gérard Braun a présenté ses principales observations sur les crédits de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Il a tout d'abord tenu à souligner que les dépenses de la fonction publique échappaient au contrôle du Gouvernement et présentaient une très forte inertie.

Il a indiqué qu'en 1998, les créations d'emplois civils avaient repris, avec un solde positif de 621 emplois et que, pour 1999, le Gouvernement affichait un solde nul : 2.358 créations de postes civils compensées par autant de suppressions.

Il a souligné qu'il était cependant possible de diminuer les effectifs nets de la fonction publique, sans pour autant perturber le bon fonctionnement des services publics, comme le ministère de l'économie en donnait lui-même l'exemple en baissant de 0,4 % les effectifs budgétaires, soit 695 emplois, grâce à des progrès de productivité.

Il a également relevé la très grande difficulté d'arriver à chiffrer précisément les effectifs réels de la fonction publique, la notion d'effectif budgétaire ne rendant qu'imparfaitement compte de la réalité.

A propos des rémunérations des fonctionnaires de l'Etat, il a souligné qu'entre 1990 et 1998, elles avaient progressé de 5 % par an, soit un gain annuel de pouvoir d'achat de 3,2 %, qui était de plus de deux fois celui dont avaient bénéficié les salariés du secteur privé.

M. Gérard Braun a rappelé que l'accord salarial du 10 février 1998 coûterait à l'Etat, en 1999, 14,8 milliards de francs et se traduirait par un accroissement du pouvoir d'achat des fonctionnaires, comme le souligne le rapport sur les rémunérations publiques annexé au présent projet de loi de finances, et non par une simple "préservation", selon les termes du ministère de la fonction publique.

Il a souligné que cet accord induisait une rigidité croissante dans les dépenses publiques : ainsi une revalorisation de 1 % du point fonction publique représentait un coût de 6,3 milliards de francs pour l'Etat et avait également des effets sur les autres fonctions publiques et les dépenses induites. Le coût total net, en ce cas, était de 11,2 milliards de francs. Cet accroissement du poids des dépenses de rémunération ne ferait que renforcer une situation relevée à de nombreuses reprises par la Cour des Comptes.

Par ailleurs, il a souligné que les contours de l'emploi public devenaient plus flous. En effet, plus d'un actif sur cinq est concerné par le champ de la négociation salariale puisque, au-delà des 2,1 millions d'agents civils de l'Etat et de ses établissements publics, il faut comptabiliser dans l'emploi public : les 460.000 agents des exploitants publics de la Poste et de France Télécom, les 295.000 militaires (hors appelés du contingent), les 1,323 million d'agents de la fonction publique territoriale, les 681.000 agents de la fonction publique hospitalière, ainsi que 146.000 enseignants des établissements privés sous contrat et 125.000 salariés des établissements de santé privés à but non lucratif, tarifés en dotation globale.

Il a relevé que c'était la totalité de cette population qui était concernée par la négociation salariale dans la fonction publique, même si seule une partie de ses effets apparaissait dans le budget de l'Etat. Il s'est par ailleurs inquiété de la probable pérennisation des emplois-jeunes. En effet, les agents employés par l'Etat, les collectivités territoriales et les établissements hospitaliers ne l'étaient pas sous le même statut : outre le "noyau dur" constitué des titulaires, le solde était constitué de non titulaires tandis qu'existe un troisième cercle d'agents. Ce dernier comprend, outre des personnes bénéficiaires de contrats emploi solidarité, dont le nombre est supérieur à 200.000, les "emplois-jeunes" qui peuvent être considérés comme des emplois publics, puisque l'Etat prenait en charge 80 % de leur rémunération, et même 100 % pour ceux qui sont recrutés par le ministère de l'intérieur ou de l'éducation nationale.

M. Gérard Braun a rappelé que cela représenterait 250.000 emplois à la fin de 1999 et 350.000 en l'an 2000 qui relèveront d'un statut quasi-public, conformément d'ailleurs au souhait exprimé par le rapporteur spécial des crédits de la fonction publique à l'Assemblée nationale, mais également par le ministre de l'éducation nationale lors de son audition par la commission.

Enfin, évoquant les retraites publiques, il a souligné que celles-ci connaîtraient une "explosion programmée" en raison d'une dérive forte et rapide du coût budgétaire. En effet, si le coût brut des pensions était de 179,9 milliards de francs en 1999, en progression de 4,8 % par rapport à 1998, compte tenu des évolutions démographiques, le surcoût était estimé à 79 milliards de francs dès 2010 par les services du ministère de l'économie.

Au travers des réflexions menées notamment par le Commissariat général du Plan, il a indiqué que l'on pouvait esquisser quelques pistes en ce domaine afin de faire face à cette dérive : allongement de la durée de cotisation, prise en considération des rémunérations accessoires ou création d'une caisse autonome de financement de ces pensions.

Il a rappelé qu'en tout état de cause, il est indispensable d'agir rapidement en ce domaine, puisque les premières difficultés apparaîtront dès 2005 et qu'une première étape consisterait à clarifier la situation en disposant à l'image du rapport sur les rémunérations publiques joint au présent projet de loi d'un document budgétaire "ad hoc". Il a ainsi souhaité que soit publié un "jaune budgétaire" spécifique sur cette question.

Enfin, s'agissant de la réforme de l'Etat, de ses contours et de sa portée, il a évoqué les "valses-hésitations" du Gouvernement, en ce domaine. En effet, après 18 mois de fonctionnement, ses orientations n'apparaissent pas clairement, et on semble en rester au stade des "déclarations d'intention".

Il a tout d'abord souhaité que se poursuivent les réformes mises en place, telles que la déconcentration. Il apparaissait nécessaire de mettre fin à la situation qui faisait que 4 % des agents des administrations centrales de l'Etat géraient encore un tiers des crédits et prenaient toujours un quart des décisions administratives individuelles. Il a par ailleurs évoqué la question de la gestion patrimoniale de l'Etat ainsi que la nécessaire modernisation de la gestion de la fonction publique, indiquant que trois chantiers, au moins, devaient absolument être poursuivis : les fusions de corps administratifs, l'enrichissement de la procédure de notation et l'élargissement de la mobilité des fonctionnaires qui pourrait conduire à l'avènement de "métiers" au sein de la fonction publique. S'agissant de la formation et de l'ouverture vers l'étranger des fonctionnaires, il a souhaité le développement de la mobilité à l'étranger des fonctionnaires français et que l'accentuation de la nécessaire dimension européenne de la formation professionnelle. Il s'est par ailleurs étonné qu'aucun crédit ne soit prévu en 1999 pour les opérations de délocalisation : l'activité pour cet exercice budgétaire du fonds de délocalisation était donc totalement dépendante d'un éventuel abondement en loi de finances rectificative ou de reports de crédits.

En conclusion, il a souligné que le Gouvernement tardait à afficher ses priorités. La seule certitude claire était l'absence de maîtrise de la négociation salariale, dont les effets pour les finances publiques seraient très lourds. Néanmoins, évoquant l'aménagement du temps de travail au sein de la fonction publique, il a rappelé que la réflexion devait s'engager à effectif constant. L'aménagement du temps de travail devait se traduire non par un accroissement des effectifs de la fonction publique, mais par une plus grande souplesse dans la gestion des horaires et, partant, une plus grande efficacité au service des usagers des services publics. Par ailleurs, s'agissant de la situation des hauts fonctionnaires, il importait de leur assurer une progression de carrière motivante et une mobilité accrue entre départements ministériels. A défaut se développerait la "fuite des cerveaux" de la fonction publique, phénomène qui serait particulièrement préjudiciable au bon fonctionnement des services publics.

Il s'est enfin interrogé sur les traductions concrètes de la circulaire du Premier ministre en date du 3 juin 1998 qui mettait en place un programme pluriannuel de modernisation de l'administration, sur l'état d'avancement de l'examen du projet de loi sur les droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations et souhaité que le ministre puisse définir quel serait le rôle de la délégation interministérielle à la réforme de l'Etat qui venait de remplacer le Commissariat à la réforme de l'Etat.

En conclusion, et sous réserve de ces observations, M. Gérard Braun, rapporteur spécial, s'est déclaré favorable à l'adoption des crédits concernés.

M. François Trucy a tenu à remercier M. Gérard Braun pour la qualité de sa présentation, s'agissant d'un problème aussi complexe. A propos du financement des retraites, il a par ailleurs évoqué les conséquences budgétaires, pour l'Etat, du changement de statut de France Télécom ainsi que, pour l'avenir, de celui d'EDF, de la SNCF ou de la Poste.

M. Denis Badré a souhaité obtenir des précisions sur les modalités de calcul de la progression des dépenses de retraite ainsi que des compléments d'information quant au nombre de corps existant au sein de la fonction publique ou les perspectives de fusion de certains d'entre eux.

Il a par ailleurs déclaré partager le sentiment du rapporteur spécial quant à l'inertie du Gouvernement en matière de réforme de l'Etat et souhaité que se développent tant la formation aux questions communautaires que la participation de fonctionnaires français aux instances décisionnelles de l'Union européenne.

En réponse à M. Roger Besse qui s'inquiétait de la mise en place des 35 heures au sein de la fonction publique, M. Gérard Braun a indiqué qu'elle ne devait pas entraîner de création de postes et qu'en tout état de cause, il était nécessaire de procéder au préalable à un état des lieux précis de la situation, eu égard à la spécificité de la fonction publique.

M. Gérard Braun a par ailleurs précisé à M. Denis Badré que le surcoût en termes de dépenses de fonctionnement de la double localisation de l'ENA pouvait être estimé à 16 millions de francs par an, mais qu'il ne souhaitait cependant pas, à titre personnel, que celle-ci soit "relocalisée".

Puis, la commission a adopté le rapport de M. Gérard Braun.