Travaux de la commission des finances



- Présidence de M. Alain Lambert, président.

Entreprises - Constitution d'une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises - Examen du rapport

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'examen des propositions de loi n° 140 (1999-2000) de M. Guy Fischer et plusieurs de ses collègues et n° 163 (1999-2000), adoptée par l'Assemblée nationale, relatives à la constitution d'une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises, sur le rapport de M. Joseph Ostermann.

M. Joseph Ostermann, rapporteur, a indiqué que le Sénat était saisi, de manière conjointe, de deux propositions de loi identiques déposées par le groupe communiste de chacune des deux assemblées, qui tendent à constituer une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises, l'Assemblée nationale ayant adopté, le 18 janvier dernier, le texte de M. Robert Hue et de ses collègues. Il a estimé que cette proposition de loi était avant tout un texte de nature conjoncturelle. Suite à d'importants licenciements et à des délocalisations de production décidés par de grands groupes industriels, elle prévoit en effet de créer une commission chargée de contrôler les fonds publics accordés aux entreprises afin d'évaluer et de contrôler l'utilisation qui en est faite.

Le rapporteur a considéré que la création d'une commission nationale des aides publiques aux entreprises ne paraissait guère utile. Il s'est agi, en effet, de légiférer dans la précipitation, du fait de l'émotion suscitée, dans l'opinion publique, par le comportement de certaines entreprises. Le rapporteur a estimé qu'une telle situation ne devait pas conduire le législateur à recourir à des arguments de nature émotionnelle, peu compatibles avec la réflexion et la sérénité indispensables à l'élaboration d'une bonne loi. Il a par ailleurs jugé que cette proposition de loi était étayée par une conception de l'économie appartenant au passé, et qu'elle reflétait une nostalgie certaine de l'économie administrée, en contradiction complète avec les caractéristiques d'une économie de marché moderne, libre et efficiente. Il a pour sa part considéré que la multiplication des contrôles, voire des tracasseries administratives, ne saurait constituer un moyen efficace pour lutter contre le chômage, et qu'elle risquait plutôt de contrarier l'allocation optimale des ressources et de constituer un frein à la croissance et à l'emploi, même si le Gouvernement, comme il en a fait la démonstration avec les emplois jeunes, a parfois succombé à la tentation de décréter le niveau de l'emploi.

Il a ajouté que l'adoption de ce texte risquait d'entraîner un affaiblissement des pouvoirs du Parlement en matière de contrôle, et s'est étonné, manifestant même son incompréhension, de ce que des parlementaires cherchent à amoindrir leurs propres prérogatives, le contrôle des aides publiques aux entreprises relevant au premier chef des compétences du Parlement. Il a en effet rappelé que l'article 164-IV de l'ordonnance du 30 décembre 1958 pose le principe et définit les modalités des prérogatives des rapporteurs spéciaux de la commission des finances des assemblées parlementaires. Ces dernières peuvent par ailleurs constituer des commissions d'enquête, dont le rapporteur est investi de prérogatives particulièrement étendues. Il a dès lors reconnu ne pas percevoir la nécessité de créer une commission administrative, dont les prérogatives empiéteraient sur celles déjà détenues par des assemblées démocratiquement élues.

M. Joseph Ostermann, rapporteur, a ensuite souligné la position paradoxale de l'Assemblée nationale. Il a rappelé que celle-ci, ainsi que son président, M. Laurent Fabius, avaient affirmé leur volonté de renforcer le contrôle parlementaire de la bonne utilisation des deniers publics. Dans cette perspective, l'Assemblée nationale a créé, au sein de sa commission des finances, une mission d'évaluation et de contrôle qui a précisément travaillé sur les aides à l'emploi, sans jamais préconiser toutefois la création d'une commission nationale de contrôle des aides publiques aux entreprises. Il s'est dès lors interrogé sur ce qu'une commission supplémentaire apporterait au débat, le diagnostic sur le manque de pertinence de certaines aides publiques étant aujourd'hui largement partagé. Il s'est également demandé pourquoi l'Assemblée nationale souhaitait affaiblir ses prérogatives en matière de contrôle budgétaire, alors qu'en créant la mission d'évaluation et de contrôle, il y a un an, elle avait au contraire cherché à les renforcer. Il a affirmé que la réponse à ces questions était d'ordre politique, le Gouvernement et l'Assemblée nationale cherchant à renforcer, non pas tant le contrôle des fonds publics que la cohésion de la majorité plurielle.

Il a rappelé quelques événements plaidant en ce sens. L'Assemblée nationale avait rejeté la proposition de M. Dominique Paillé tendant à créer une commission d'enquête portant sur les suites données aux rapports publics de la Cour des comptes, estimant que " vouloir contrôler le contrôle " était superflu. Pourtant, M. Joseph Ostermann, rapporteur, a estimé que la présente proposition de loi visait au même objectif, à la différence essentielle toutefois qu'elle prévoit la création d'un nouvel organisme de contrôle, alors que M. Dominique Paillé proposait simplement d'utiliser les moyens traditionnels d'exercice, par le Parlement, de ses pouvoirs d'investigation, c'est-à-dire la constitution d'une commission d'enquête. Il a également rapporté les propos du rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, M. Didier Migaud, qui, en commission, s'était déclaré " hostile en principe " à la proposition de loi, ajoutant que " les rapporteurs spéciaux sont dotés des pouvoirs nécessaires " et que " la multiplication des organismes de contrôle se traduisait par un affaiblissement du régime parlementaire ". Il s'est toutefois déclaré " conjoncturellement favorable " à cette proposition de loi.

M. Joseph Ostermann, rapporteur, a considéré que la conjoncture en question relevait beaucoup moins de l'économie que de la politique, et a estimé que le texte examiné visait à donner un gage à une composante de la majorité plurielle, le groupe communiste en l'occurrence. Il a en effet rappelé que M. André Lajoinie avait déposé une proposition de loi tendant à renforcer le régime juridique des licenciements pour motif économique, mais que, le Gouvernement n'étant pas favorable à ce texte, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale avait décidé de ne pas présenter de conclusions. Il a également rappelé que le refus de discuter les articles résultait du vote des seuls députés socialistes, les autres composantes de la majorité plurielle y ayant été favorables. Ces tensions apparues au sein de la majorité gouvernementale imposaient d'en resserrer la cohésion en donnant un gage au groupe communiste, à savoir l'inscription à l'ordre du jour du Parlement de la présente proposition de loi.

M. Joseph Ostermann, rapporteur, a également expliqué que ce texte suscitait un grand nombre de critiques pratiques en raison de son caractère peu concret, irréaliste, et parfois inapplicable, et en a donné plusieurs exemples. L'article premier ne définit pas les aides publiques à contrôler. En outre, il ne précise pas les conditions d'exercice des pouvoirs de la commission. Le rapporteur a rappelé que cet article avait fait l'objet d'une nouvelle rédaction, largement inspirée par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, et que désormais la commission nationale pourrait se voir opposer par un service gestionnaire d'aides le secret des affaires, en particulier des informations de caractère industriel ou fiscal, en réalité essentielles à la compréhension de l'attribution et de l'utilisation des aides publiques accordées. L'article 3 prévoit les modalités de saisine de la commission nationale et des commissions régionales, qui pourront être saisies par un nombre considérable de personnes, à commencer par les 36.000 maires de France, ce qui induit un risque réel de paralysie de leur fonctionnement. L'article 4 permet à un comité d'entreprise ou à un délégué du personnel de saisir le service gestionnaire des aides s'il estime que l'employeur ne respecte pas les engagements qu'il a précédemment souscrits pour bénéficier des aides publiques. Le service saisi peut décider de suspendre une aide ou de supprimer l'aide octroyée, voire d'en exiger le remboursement. Or, lesdits services bénéficient déjà de la faculté de suspendre ou d'en demander le remboursement, mais les cas sont extrêmement rares en raison de la lourdeur et de la complexité de la procédure, ainsi que des difficultés qu'elle ne manque pas d'entraîner. Le rapporteur s'est toutefois interrogé sur les conséquences, sur l'emploi, d'une suspension ou d'une suppression des aides accordées aux entreprises dans le cadre du passage aux 35 heures, suite à l'intervention en ce sens d'un comité d'entreprise ou d'un délégué du personnel. Enfin, l'article 4 ter, ajouté par l'Assemblée nationale, confie le secrétariat de la commission nationale au Commissariat général du plan, ce qui prouve que la commission ne disposera pas de moyens propres pour mener à bien ses missions, et qu'elle dépendra directement du Premier ministre.

Pour l'ensemble de ces raisons, le rapporteur a estimé qu'il n'y avait pas lieu de délibérer sur cette proposition de loi, et a proposé d'opposer la question préalable à son examen.

Mme Marie-Claude Beaudeau a indiqué que le groupe communiste républicain et citoyen s'opposerait à l'adoption de la question préalable, affirmant au contraire l'utilité de cette proposition de loi, dont l'objectif est d'assurer la transparence des conditions d'attribution des aides à l'emploi, citant l'exemple de l'entreprise Daewoo en Lorraine qui a reçu environ 400 millions de francs d'aides publiques avant de procéder à d'importants licenciements. Elle a précisé qu'à l'inverse des grandes entreprises, de nombreuses petites et moyennes entreprises, malgré de réels besoins, ne bénéficiaient pas de ces aides. Elle a considéré que les pouvoirs dont disposera la commission nationale ne doivent pas être compris comme concurrents de ceux des rapporteurs spéciaux des commissions des finances du Parlement, mais plutôt comme complémentaires.

M. Jacques Baudot a rappelé qu'il avait participé aux négociations dans le cadre de l'installation en Lorraine d'une usine du groupe Daewoo. Cette implantation industrielle a été saluée par l'ensemble des acteurs locaux en raison de la situation économique difficile de la Lorraine. Il a estimé que les gains induits par l'arrivée de cette entreprise étaient largement supérieurs aux aides publiques qui lui avaient été octroyées, et a considéré que l'adoption de cette proposition de loi dissuaderait durablement les entreprises de s'installer dans des régions en difficulté. Il a par ailleurs ajouté que les efforts réalisés en matière d'investissement, dans le domaine des infrastructures en particulier, comptaient autant pour une entreprise que l'octroi d'aides directes.

M. Paul Loridant a justifié l'adoption de cette proposition de loi après avoir cité plusieurs exemples d'entreprises ayant reçu des aides publiques dans des conditions parfois obscures.

M. Joseph Ostermann, rapporteur, a considéré que d'autres facteurs que les aides publiques favorisaient l'emploi, l'environnement international en particulier. Il a ajouté que cette proposition de loi, outre qu'elle compliquerait encore le système des aides publiques, aboutirait à la création d'une structure privée de pouvoir réel, d'autant plus qu'elle pourrait ne pas bénéficier de l'ensemble des informations nécessaires à la compréhension de situations particulières.

A l'issue de ce débat, la commission a adopté la motion présentée par son rapporteur, proposant au Sénat d'opposer la question préalable à l'examen de la proposition de loi relative à la constitution d'une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises.

Exécution budgétaire de 1999 - Audition de M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et de Mme Florence Parly, secrétaire d'État au budget

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et de Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget, sur l'exécution budgétaire de 1999.

M. Christian Sautter a déclaré qu'il présentait les comptes de l'État arrêtés au 31 janvier 2000, soit moins de dix jours après cette clôture. Il a rappelé que la France avait une dette publique de 5.000 milliards de francs, si bien que le terme de " cagnotte fiscale " était impropre. Il a estimé que beaucoup d'efforts restaient à réaliser pour que la France dispose de comptes publics en excédent.

M. Christian Sautter a indiqué que le Gouvernement avait deux préoccupations : la transparence et le débat. Il s'est déclaré prêt à venir commenter devant la commission les situations budgétaires mensuelles, et il a annoncé que le Gouvernement déposerait, au printemps, un projet de loi de finances rectificative, qui s'inscrirait dans la continuité de ses objectifs, à savoir la croissance, l'emploi et la solidarité.

Puis le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a détaillé les quatre " bonnes nouvelles " de l'année 1999, à savoir : l'enrayement de la spirale de la dette, la réalisation des objectifs de dépenses, la poursuite d'une politique économique favorisant la croissance et donc les recettes fiscales, enfin une réduction sensible du déficit budgétaire.

M. Christian Sautter a rappelé que l'enrayement de la dette était un objectif annoncé dans la loi de finances 2000, mais que le ratio dette/produit intérieur brut reviendrait au-dessous du seuil des 60 % dès 1999.

Il a expliqué que les dépenses prioritaires du Gouvernement avaient été financées dans le cadre général d'une maîtrise des finances publiques, si bien que les dépenses de l'Etat avaient progressé de 1 % en francs constants, hors rebudgétisations et dépenses exceptionnelles, comme le versement des 10 milliards de francs à l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) et les subventions versées aux victimes des intempéries. Parmi les dépenses, il a noté la réduction des intérêts de la dette, la charge de la dette ayant diminué de 9,5 milliards de francs en raison de la baisse des taux d'intérêt et de la réduction du déficit budgétaire.

En matière de recettes fiscales, il a expliqué que le surcroît était principalement imputable à l'impôt sur les sociétés pour 30 milliards de francs, l'ensemble des recettes fiscales ayant progressé de 30,7 milliards de francs entre la loi de finances initiale et l'exécution budgétaire.

S'agissant du déficit budgétaire de 1999, il a indiqué qu'il revenait de 237 milliards de francs en loi de finances initiale à 206 milliards de francs, soit une amélioration de 31 milliards de francs ; pour la troisième année consécutive le déficit réalisé aura été inférieur au déficit prévu. Le ministre a noté que le déficit avait été réduit de 41,5 milliards de francs entre 1998 et 1999, ce qui constituait une performance exceptionnelle. Enfin, M. Christian Sautter a fait observer que le budget avait été voté en équilibre primaire, c'est-à-dire que les intérêts de la dette étaient égaux au déficit budgétaire, mais que l'exécution permettait aujourd'hui de faire apparaître un excédent primaire du budget de l'Etat.

M. Christian Sautter a ensuite présenté les réformes que le Gouvernement entendait mener pour l'an 2000, et notamment la mise en place de nouveaux outils de transparence budgétaire : la comptabilisation de la charge de la dette selon la méthode des droits constatés, l'enrichissement de la loi de règlement par des comptes rendus de gestion par ministère, des débats réguliers sur l'exécution mensuelle du budget de l'Etat, et enfin la publication par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), dès le mois de mars, des comptes d'ensemble des administrations publiques. Il a souhaité faire deux propositions concrètes à la commission : un débat début mars sur les comptes économiques et les comptes des administrations publiques pour établir les prévisions de recettes pour l'an 2000, ensuite, d'ici la fin avril, la discussion d'un projet de loi de finances rectificative.

M. Alain Lambert, président, a pris acte de l'offre faite par le ministre de venir commenter devant les commissions des finances les situations budgétaires mensuelles, mais il a souhaité avoir déjà communication des situations budgétaires hebdomadaires.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a observé que l'exécution des comptes de 1999 permettait d'enregistrer 13,5 milliards de francs de recettes fiscales nettes supplémentaires par rapport à la loi de finances rectificative pour 1999, ce qui chiffrait le montant des plus-values fiscales, une fois prise en compte la réduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au 15 septembre 1999, à 37 milliards de francs. Il a fait observer que ce chiffre se situait parfaitement dans la fourchette d'évaluation retenue par le Sénat, à savoir 30 à 40 milliards de francs de recettes fiscales supplémentaires. Remarquant que les plus-values d'impôt sur les sociétés étaient connues dès le mois de décembre, il a souhaité connaître le détail des 13,5 milliards de francs de recettes supplémentaires apparues depuis, concernant notamment l'impôt sur le revenu et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

S'agissant des recettes non fiscales, il a observé que celles-ci avaient régressé de 16 milliards de francs par rapport à la loi de finances rectificative pour 1999 et il a souhaité en connaître l'explication. Puis il a demandé quel avait été le niveau des remboursements et dégrèvements d'impôts en 1999, et quel serait le taux de prélèvements obligatoires. Enfin, il a demandé si le Gouvernement entendait réviser le programme triennal des finances publiques qu'il venait de transmettre à la Commission européenne, afin notamment de tenir compte de la réduction sensible du déficit budgétaire.

M. Christian Sautter a répondu que si l'excédent de recettes fiscales était bien compris dans la fourchette de 30 à 40 milliards de francs, cet excédent était seulement imputable à la croissance. Concernant les recettes non fiscales, il a expliqué que celles-ci concernaient essentiellement des prélèvements exceptionnels sur la Caisse des dépôts et consignations et la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (COFACE). Il a expliqué que l'Etat avait pris l'habitude, lorsque les recettes fiscales étaient insuffisantes, de prélever des ressources supplémentaires sur la trésorerie de ces organismes. Il a précisé que, du fait de la bonne conjoncture économique, ces prélèvements exceptionnels n'avaient pas eu lieu.

Concernant le niveau des prélèvements obligatoires en 1999, il a indiqué qu'il fallait attendre de connaître le montant des recettes de la sécurité sociale et les impôts perçus par les collectivités locales, ainsi que le montant exact du produit intérieur brut. S'agissant des recettes du budget de l'Etat pour l'an 2000, il a confirmé que celles-ci seraient modifiées, notamment pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés. Enfin, il a indiqué qu'il ne modifierait pas le programme triennal des finances publiques transmis à la commission européenne.

Mme Florence Parly, secrétaire d'État au budget, a déclaré que l'écart entre l'annonce du Gouvernement quant aux plus-values fiscales, soit 31 milliards de francs, et les estimations du rapporteur général, soit 37 milliards de francs, tenait à l'impact de la baisse de la TVA sur les travaux dans les logements qui n'était effectivement pas prévue dans la loi de finances initiale. Elle a expliqué que l'impôt sur le revenu avait progressé de 24 milliards de francs entre 1998 et 1999, pour atteindre 327 milliards de francs, ceci s'expliquant par le caractère fortement progressif de cet impôt qui le conduisait à augmenter plus rapidement que le pouvoir d'achat des ménages, et par l'addition de la contribution représentative du droit de bail à l'impôt sur le revenu. Concernant les remboursements et dégrèvements d'impôts, elle a précisé qu'ils avaient représenté 17,9 % des recettes fiscales brutes en 1998 et 17,4 % en 1999. Elle a jugé que les critiques de la Cour des comptes quant à l'accélération des remboursements et dégrèvements d'impôts en fin d'année n'étaient pas fondées, puisque le rythme observé en 1998 s'était prolongé début 1999, ce rythme répondant à des phénomènes difficilement explicables.

M. Philippe Adnot a récusé le terme de " cagnotte fiscale ", puisque l'État continue d'emprunter pour payer une partie de ses dépenses de fonctionnement. Il a estimé, dès lors, que la priorité était de réduire la dépense publique. Il a par ailleurs considéré que le surplus de recettes engendré par l'impôt sur les sociétés résultait de l'allégement de la taxe professionnelle décidé par le Gouvernement. Il a regretté que les indemnisations versées par les assurances suite à la tempête ayant affecté la France à la fin de l'année 1999 soient imposées en raison de leur caractère de recettes exceptionnelles.

Mme Marie-Claude Beaudeau a jugé que le Gouvernement n'avait pas cherché à sciemment dissimuler une partie des plus-values de recettes fiscales. Notant que ces dernières provenaient essentiellement de l'impôt sur les sociétés mais aussi de la TVA, elle en a conclu, pour s'en féliciter, que la situation économique de la France s'améliorait. Toutefois, elle a jugé indispensable, dans ce contexte, de poursuivre deux orientations fondamentales : d'une part, répondre aux besoins collectifs tels qu'ils sont exprimés par les fonctionnaires hospitaliers ou par les victimes de la tempête ou de la marée noire, d'autre part, promouvoir la justice fiscale en réduisant les impôts, notamment la taxe d'habitation en faveur des personnes connaissant une situation économique délicate, mais aussi la TVA ou encore l'impôt sur le revenu des ménages les plus modestes.

M. Michel Charasse s'est réjoui des résultats de l'exécution de l'année 1999, et a approuvé l'affectation des surplus de recettes à la réduction du déficit budgétaire. Il a estimé que le collectif annoncé par le ministre aurait essentiellement pour objectif d'évaluer à leur juste niveau les recettes fiscales, rappelant que le déficit prévisionnel inscrit dans la loi de finances pour 2000, soit 215 milliards de francs, était supérieur au chiffre définitif du déficit pour 1999, soit 206 milliards de francs. En revanche, il a fait part de ses inquiétudes concernant les débats en cours sur les impôts directs, rappelant que la moitié des français ne payaient pas d'impôt sur le revenu, un quart ne payant pas de taxe d'habitation et un autre quart la payant à tarif réduit. Il a estimé que le développement du sentiment anti-fiscal résultait, chez les hauts revenus, de la réforme du quotient familial, et, dans les foyers modestes, de la forte augmentation du prix du carburant. Concernant les finances locales, il a considéré que la menace d'une augmentation des impôts locaux était le seul moyen d'obliger l'Etat à ne pas trop réduire le montant de ses dotations aux collectivités territoriales et que, par conséquent, il fallait laisser à ces dernières une réelle autonomie fiscale dont le principe est d'ailleurs, selon lui, de valeur constitutionnelle. Toutefois, si le Gouvernement décidait de réduire les impôts locaux, il devrait supprimer le prélèvement de 0,4 % sur le produit de ces derniers destiné à financer la révision des bases cadastrales. Il a néanmoins attiré l'attention sur le fait que ce prélèvement de 0,4 % ne devait pas être entièrement supprimé, mais être utilisé pour financer la dotation globale de fonctionnement des communautés d'agglomération, afin d'éviter que leur financement ne résulte d'une ponction sur la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP). A ce propos, il a considéré que, au cours de l'année 2000, il fallait absolument éviter la ponction sur ladite dotation, estimée à 496 millions de francs, et faire en sorte que la fraction " péréquation " de la dotation de solidarité rurale (DSR) soit stabilisée, au lieu d'être réduite de 17 millions de francs.

M. Jacques Chaumont a rappelé les propos du gouverneur de la Banque de France, invitant le Gouvernement à affecter les excédents de recettes fiscales à la réduction des déficits, afin de se conformer aux engagements européens de la France en matière budgétaire. Il s'est ensuite interrogé sur la réalité de la décentralisation, suite à la réduction progressive des ressources propres des collectivités territoriales.

M. Alain Lambert, président, a voulu savoir si le Gouvernement avait été confronté à des résultats inattendus en matière d'exécution du budget depuis la présentation de la loi de finances rectificative pour 1999, tant en matière de recettes qu'en matière de dépenses. Observant que les opérations de clôture des comptes de l'Etat sont d'une opacité certaine, il s'est interrogé sur la façon dont elles étaient réalisées au sein du ministère des finances.

En réponse aux différents intervenants, M. Christian Sautter a apporté les éléments d'information suivants :

- il existe une divergence politique certaine entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale en matière de dépenses publiques, le Gouvernement souhaitant, selon le ministre, dépenser mieux, tandis que le Sénat souhaiterait dépenser moins ; il a rappelé que les dépenses de l'Etat avaient progressé en moyenne de 0,3 % par an sur la période 1997-2000, soit une comparaison tout à fait favorable avec la période précédente (+ 1,7 % par an), le Gouvernement ayant stabilisé le niveau des dépenses tandis que le gouvernement précédent l'avait nettement accru ;

- le Gouvernement a pris des mesures en faveur des ménages les plus modestes, telles que la revalorisation du revenu minimum d'insertion et des minima sociaux, mais il entend ne pas se satisfaire d'une logique d'assistance, souhaitant permettre à de nombreux inactifs de retrouver le marché du travail ;

- les rémunérations des fonctionnaires n'ont pas été gelées depuis juin 1997, à l'inverse de la situation prévalant sous le gouvernement précédent ; les hôpitaux publics sont confrontés à de réelles difficultés, mais la ministre de l'emploi et de la solidarité travaille activement sur ce dossier ;

- le Gouvernement entend poursuivre la réduction graduelle du déficit budgétaire ;

- l'objectif fixé par le Premier ministre en matière de réduction d'impôts pour les années 2001 et 2002 concerne la taxe d'habitation et l'impôt sur le revenu, la réduction de la taxe d'habitation nécessitant de bien mesurer son impact financier et d'examiner l'ensemble de la question de l'autonomie financière des collectivités territoriales ;

- la fiscalité du supercarburant sans plomb est gelée depuis deux ans, seule celle du gazole augmentant chaque année de 7 centimes par litre, afin de réduire l'écart de taxation qui existe en la matière entre la France et la moyenne des pays de l'Union européenne ; l'augmentation du prix de l'essence résulte ainsi de la forte remontée des cours du pétrole et non de décisions gouvernementales ;

- le budget 1999 n'est pas le seul à présenter une mauvaise évaluation des recettes fiscales, l'exécution du budget de 1996 s'étant traduite par des moins-values fiscales de 42 milliards de francs ;

- les économies réalisées sur les dépenses résultent notamment de la mise en place des contrats de gestion, de la maîtrise des dépenses militaires ainsi que de l'augmentation, moins forte que prévue, des dépenses de fonction publique ;

- les procédures de clôture des comptes de l'Etat ont été réalisées selon les méthodes habituelles.

Mme Florence Parly, secrétaire d'État au budget, a apporté les informations complémentaires suivantes :

- les indemnités versées par les assurances au titre des dégâts occasionnés par la tempête seront logiquement réintégrées dans le bénéfice imposable, mais les dépenses engagées par les exploitants forestiers suite à cette calamité seront, à titre exceptionnel, déductibles de leurs impôts ;

- les plus-values fiscales enregistrées dans le collectif pour 1999 ont été affectées de la manière suivante : 10 milliards de francs au titre de la mise en jeu de la garantie de l'Etat sur la dette de l'UNEDIC, 3 milliards de francs pour la revalorisation des minima sociaux, 3,5 milliards de francs ayant déjà été engagés à ce titre par le décret d'avances du mois d'août, et le reste pour la réduction du déficit budgétaire ;

- le prélèvement de 0,4 % sur le produit des impôts locaux représente 300 millions de francs pour la taxe d'habitation ;

- le financement de la DGF en 2000 va entraîner dans la DGF des nouvelles communautés d'agglomération une réduction de la DCTP, ce qui est tout à fait conforme à la mécanique du pacte de croissance des finances locales et aux dispositions de la loi relative à l'intercommunalité ; quant au dossier de la DSR, il fera l'objet d'un prochain examen ;

- la charge nette de la dette en 1999 a diminué de 10 milliards de francs, la spirale de l'endettement public étant inversée pour la première fois depuis vingt ans.