Travaux de la commission des finances



- Présidence de M. Alain Lambert, président.

COMPTABILITÉ PUBLIQUE - RAPPORT SUR LA COMPTABILITÉ PATRIMONIALE DE L'ETAT - COMMUNICATION

En ouvrant la séance, M. Alain Lambert, président, a souhaité rappeler qu'à l'occasion d'une question d'actualité posée au cours de la séance du jeudi 7 octobre au Sénat, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie avait réaffirmé, malgré les dénégations du rapporteur général et de lui-même, que la Haute Assemblée avait été destinataire d'un rapport rédigé par M. Jean-Jacques François sur la comptabilité patrimoniale de l'Etat. La commission n'ayant effectivement pas reçu ce rapport, il s'en est expliqué avec le ministre. M. Alain Lambert, président, a indiqué qu'il avait ensuite reçu le rapport accompagné d'une lettre du ministre, reconnaissant qu'il n'était pas parvenu au Sénat et lui demandant de bien vouloir accepter les excuses du Gouvernement.

M. Jacques Oudin a tenu à préciser que cet incident était loin d'être unique, quel que soit le Gouvernement en place. Il a rappelé à cet égard que bien souvent les parlementaires étaient moins bien traités que les journalistes et que, d'une façon générale, le Parlement se devait de faire une mise au point sur ce sujet.

Le président Alain Lambert a informé ses collègues qu'il tenait le rapport à leur disposition et qu'ils pouvaient, s'ils le souhaitaient, consulter la correspondance. Affirmant qu'il était essentiel à la démocratie que le Gouvernement soit transparent à l'égard de la représentation nationale, il a considéré l'incident comme clos.

RETRAITE - AMÉLIORATION DE LA PROTECTION SOCIALE DES SALARIÉS ET CRÉATION DES FONDS DE RETRAITE - INSTITUTION DES PLANS D'ÉPARGNE RETRAITE - EXAMEN DU RAPPORT POUR AVIS

La commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Philippe Marini sur les conclusions de la commission des affaires sociales sur les propositions de loi n° 187 (1998-1999) de M. Charles Descours, visant à améliorer la protection sociale des salariés et créant des fonds de retraite et n° 218 (1998-1999) de M. Jean Arthuis, visant à instituer des plans d'épargne retraite.

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, a tout d'abord indiqué qu'il s'agissait là d'un sujet bien connu de tous les membres de la commission et qu'une audition collective publique sur les retraites avait été organisée au cours de la session précédente.

Il a rappelé que ce débat avait donné lieu à de nombreuses propositions de loi depuis 1993, année où il avait déposé la première d'entre elles, et qu'une loi était venue concrétiser cette volonté du Parlement : la loi du 25 mars 1997, dite " loi Thomas ". Il a qualifié cette loi de " virtuelle " car, bien que partie intégrante de notre droit positif, elle était inapplicable en l'état, n'ayant jamais reçu de décrets d'application.

Dans un deuxième temps, M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, a indiqué qu'en 2040, un Français sur trois aurait plus de 60 ans et que les dépenses de retraites tripleraient d'ici à cette date, pour représenter 17 % du produit intérieur brut (PIB). Les évolutions prévues seront, selon lui, particulièrement négatives, dès 2006.

Evoquant l'existence de systèmes sur-complémentaires par capitalisation comme Préfon-retraite, le complément d'épargne-retraite de la fonction publique (CREF), le comité de gestion des oeuvres sociales du ministère de la santé publique et des établissements publics d'hospitalisation, de soins, de cure et de prévention (CGOS), les " fonds Madelin " ou encore les anciens contrats Coreva, réservés à certaines catégories, il lui a semblé inéquitable que la majeure partie des actifs en soit privée.

Il a observé que le Gouvernement avait promis en octobre 1998 de présenter, au cours de l'année 1999, un projet de loi pour remplacer le dispositif de la " loi Thomas " et a ajouté que le Parlement n'avait jusqu'à ce jour rien vu venir. Il a précisé que le Gouvernement n'avait pris depuis un an qu'une seule initiative concrète, la création d'un fonds de réserve du fonds de solidarité vieillesse : il a indiqué que ce fonds serait doté en 2000 d'un montant à peine égal à 0,16 % du produit intérieur brut (PIB) alors que le rapport du Commissariat général au Plan estimait que 3 % du PIB constituait un minimum de dotation en dessous duquel l'effort de provisionnement du fonds n'était pas suffisant.

Il a donc considéré que le dépôt des propositions de loi de MM. Charles Descours et Jean Arthuis permettait de relancer le débat sur les fonds de retraite.

Dans un troisième temps, M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, a évoqué le contenu des conclusions de la commission des affaires sociales qui instaurent des plans de retraite facultatifs, souscrits par les employeurs sur le fondement d'un accord collectif, au profit de leurs salariés, et gérés par des personnes morales dédiées, les fonds de retraite.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a tenu à saluer la qualité du travail de la commission des affaires sociales et en particulier celle de son collègue, Charles Descours, rapporteur. Il a en particulier considéré que les choix d'un système facultatif, d'une sortie essentiellement en rente, d'une préservation de l'équilibre des régimes de retraite existants et d'une gestion des fonds externe aux entreprises, étaient parfaitement justifiés.

M. Bernard Angels a jugé que le texte présenté par la commission des affaires sociales était inapproprié parce qu'il mettait en place un régime facultatif, comportant des risques de placement, qu'il confondait l'épargne et la retraite, qu'il comportait des dispositions fiscales inégalitaires et qu'il ébranlait les régimes de base. Il a ajouté que le Gouvernement prévoyant de déposer un texte sur ce sujet, le groupe socialiste ne voterait pas celui proposé par la commission des affaires sociales du Sénat.

M. Jacques Oudin a rappelé que le régime de retraite par capitalisation de la fonction publique d'Etat était particulièrement intéressant, notamment au plan fiscal, et qu'il ne lui apparaissait pas équitable qu'il n'existe pas de dispositif similaire pour les salariés du privé.

En réponse à M. Bernard Angels, M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que le texte proposé par la commission des affaires sociales prévoyait des dispositions particulières en faveur des bas salaires, et en particulier l'exonération totale des cotisations salariales pour les salariés qui perçoivent moins de 1,5 SMIC.

En réponse à M. Jacques Oudin, il a rappelé qu'il avait étudié, à l'occasion d'un rapport de la commission des finances consacré aux régimes d'épargne-retraite des fonctionnaires, les avantages fiscaux importants réservés aux adhérents de ces régimes, et qu'il partageait l'opinion de son collègue.

Puis la commission a procédé à l'examen des amendements présentés par le rapporteur pour avis.

A l'article 8 (déductibilité fiscale des versements et des abondements à l'impôt sur le revenu), la commission a adopté un amendement permettant le report en avant sur trois ans de la partie de l'enveloppe de déductibilité sur l'impôt sur le revenu non consommée.

A l'article 14 (définition des fonds de retraite), la commission a adopté un amendement obligeant les fonds de retraite qui prennent la forme d'entreprises d'assurance à adhérer au fonds de garantie des assurés institué par la loi du 25 juin 1999 relative à l'épargne et à la sécurité financière.

A l'article 15 (agrément des fonds de retraite), elle a ensuite adopté un amendement prévoyant que le ministre chargé de l'économie peut refuser l'agrément du fonds de retraite s'il estime que la transparence du groupe auquel celui-ci appartient n'est pas suffisante et que le fonds doit avoir son administration centrale et son siège statutaire sur le même territoire.

Toujours à l'article 15, la commission a adopté un amendement prévoyant les conditions du retrait de l'agrément du fonds.

A l'article 16 (commission de contrôle des fonds de retraite), elle a adopté un amendement prévoyant que le président de la commission de contrôle des fonds de retraite est élu en son sein.

Après l'article 21, elle a adopté un amendement portant article additionnel et visant à exonérer les fonds de retraite de la contribution des institutions financières.

Après l'article 25, la commission a adopté trois amendements, dont l'un insérant une division nouvelle intitulée " Règles prudentielles " ; les deux autres amendements sont relatifs aux règles prudentielles et prévoient d'une part que les fonds de retraite sont soumis à des règles spécifiques d'évaluation de leurs actifs, de provisionnement de ces actifs et de participation aux excédents, et d'autre part que les fonds ne peuvent pas détenir plus de 5 % de leurs actifs en titres d'un même émetteur ni plus de 10 % de leurs actifs en titres de sociétés non cotées ou parts de fonds communs de placement à risques ou parts de fonds communs de placement pour l'innovation, ni plus de 0,5 % par émetteur dans ces cas.

Avant l'article 26, la commission a adopté un amendement insérant une division nouvelle intitulée " Mesures diverses ".

A l'issue de cet examen, la commission a décidé de donner un avis favorable à l'adoption des conclusions de la commission des affaires sociales ainsi amendées.

PJLF POUR 2000 - EXAMEN DU RAPPORT SUR LES CRÉDITS DES SERVICES DU PREMIER MINISTRE - II.- SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DE LA DÉFENSE NATIONALE

La commission a ensuite procédé, sur le rapport de M. Michel Moreigne, rapporteur spécial, à l'examen des crédits des services du premier ministre : II.- secrétariat général de la défense nationale.

M. Michel Moreigne, rapporteur spécial, a précisé que les crédits demandés pour 2000, inscrits à hauteur de 156,32 millions de francs, étaient en hausse de 19,46 % et que cette nette augmentation intervenait après plusieurs années de diminutions importantes, consécutives à la réforme du secrétariat général de la défense nationale (SGDN) entreprise en 1995.

Détaillant les crédits, il a constaté que les dépenses ordinaires progressaient de 10,63 % en raison de la création de sept postes budgétaires, mais surtout du transfert depuis le titre V de 3,4 millions de francs pour la contribution au réseau nato-wide de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN). Il a également relevé l'inflexion importante des dépenses en capital avec 33 millions de francs de crédits de paiement, soit une progression de 70,3 %, et surtout souligné que les autorisations de programme étaient en hausse de 138 % avec 50 millions de francs.

M. Michel Moreigne, rapporteur spécial, a indiqué que le programme civil de défense était le principal bénéficiaire de ces mesures nouvelles, destinées au réseau Rimbaud et à l'équipement relatif à la lutte antiterroriste nucléaire, biologique et chimique (NBC). Il a ajouté que le reste des crédits était partagé entre le Centre de transmission gouvernemental, pour l'amélioration de ses équipements, et le Service central de sécurité des systèmes informatiques (SCSSI) pour accompagner sa montée en puissance.

Il a rappelé que si l'Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN) avait été érigé en établissement public administratif en 1997, afin de clarifier son financement, il continue de dépendre, pour les trois quarts de ses moyens en matériels et en effectifs, d'autres administrations.

Il a ensuite mis en évidence la totalité de l'effort budgétaire destiné à la défense civile de la Nation, récapitulé dans un " jaune " budgétaire, qui s'élèverait à 8,84 milliards de francs en 2000, soit une augmentation de 7 %.

M. Michel Moreigne, rapporteur spécial, a ensuite souligné que si le SGDN était l'instrument privilégié du premier ministre, pour l'exercice de ses responsabilités, il était également conduit à travailler en liaison étroite et permanente avec la présidence de la République. Il a ajouté qu'il était désormais resserré autour de cinq directions et recentré sur ses missions et attributions, soit interministérielles, soit au titre des responsabilités du premier ministre dans tous les domaines de la défense et de la sécurité.

Il a constaté que le nouveau secrétaire général, M. Jean-Claude Mallet, s'attachait à centrer l'activité prioritaire du SGDN sur des tâches de conception et d'impulsion, par la constitution d'équipes " à la demande ". Il a également estimé que le rôle du SGDN était maintenant réaffirmé et confirmé, tant par les nouveaux moyens mis à sa disposition que par les appels renouvelés à sa compétence, à l'instar des fonctions de synthèse, d'évaluation et de mise en valeur du renseignement qu'il a remplies à l'occasion du conflit du Kosovo.

Enfin, M. Michel Moreigne, rapporteur spécial, a jugé qu'en matière de sécurité informatique, de lutte contre le risque terroriste et la prolifération (NBC) et de réforme de notre politique de défense dans sa dimension européenne, le SGDN était repositionné comme lieu de convergence de la sécurité intérieure et extérieure.

Affirmant que le SGDN était un instrument majeur, à la disposition des plus hautes autorités politiques de notre pays, et constatant que les capacités nouvelles qui lui étaient attribuées devenaient à la hauteur de l'importance des missions qui lui étaient confiées, il a proposé à la commission l'adoption des crédits du SGDN pour 2000.

Après avoir insisté sur l'importance de l'IHEDN dans le contexte de fin de la conscription et de la construction d'une défense européenne, M. Denis Badré a considéré que cet institut avait un rôle à jouer comme lieu de réflexion et de mobilisation de notre jeunesse sur le thème d'une défense rénovée. S'il a approuvé l'effort de redéfinition de ses objectifs entrepris par l'IHEDN, il a invité le rapporteur spécial à demander que la clarification de ses financements, tant dans leur origine que dans leurs montants, soit accélérée.

S'appuyant sur les observations du rapporteur spécial, M. François Trucy s'est inquiété du déphasage des crédits de l'IHEDN avec les espérances formulées sur l'avenir et le rôle de l'institut, lors des débats sur la réforme des armées et plus particulièrement du service national. Il a estimé qu'avec l'appel de préparation à la défense et la loi sur les réserves, l'IHEDN, sous sa forme nationale mais également au travers de son organisation régionale, était un outil majeur pour maintenir un esprit de défense.

Il a enfin approuvé la proposition de M. Denis Badré, tout en reconnaissant que les effectifs de l'institut étaient peut-être suffisants en raison du bénévolat pratiqué au niveau régional.

Après avoir rejoint les inquiétudes des intervenants concernant l'autonomie de l'IHEDN, M. Alain Lambert, président, a invité le rapporteur spécial à les exposer en séance publique.

Adhérant pleinement à cette demande, M. Michel Moreigne, rapporteur spécial, a toutefois précisé que le SGDN n'exerçait plus la tutelle de l'institut que par délégation du premier ministre.

La commission a alors décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits des services du premier ministre : II.- secrétariat général de la défense nationale.

PJLF POUR 2000 - EXAMEN DU RAPPORT SUR LES CRÉDITS DU BUDGET ANNEXE DES MONNAIES ET MÉDAILLES

Ensuite, la commission a procédé à l'examen du rapport de Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial, sur les crédits du budget annexe des monnaies et médailles.

Rappelant que le budget annexe des monnaies et médailles retraçait l'ensemble des actions et moyens attribués à l'hôtel des monnaies, Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial, a souligné la faible progression du budget pour 2000, en augmentation de 1 %, contrastant avec les fortes hausses des exercices précédents. Evoquant le volume de frappe d'euro, en progression de 7 %, Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial, a précisé que le fléchissement des recettes liées à la frappe monétaire résultait de la baisse des prix de cession induite par des gains de productivité.

Mettant l'accent sur la médiocrité des performances, pour l'exercice 1999, des autres activités commerciales, exception faite du secteur des monnaies étrangères, Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial, a souligné le fait que, dans un contexte de vive concurrence, l'équilibre budgétaire ne pourrait être maintenu en 2000, sans recourir à la subvention de l'Etat, que par une stricte maîtrise des dépenses.

Après avoir indiqué que les dépenses de fonctionnement n'avaient progressé que de 1,3 %, le rapporteur spécial a expliqué cette modération par la réduction des crédits du chapitre achats, justifiée tant par le fléchissement des cours des métaux et la baisse des prix consentie par les façonniers de flans que par une politique de réduction volontaire des crédits d'achats destinés à l'établissement parisien.

Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial, a ensuite commenté les autres dépenses, notamment le poste impôts et taxes dont la forte augmentation, de l'ordre de 11,5 %, est directement liée à l'alourdissement de la taxe professionnelle de l'établissement monétaire de Pessac, dont la valeur locative des biens a considérablement augmenté du fait des investissements réalisés pour produire l'euro.

Après avoir indiqué que la masse salariale, toutes mesures confondues, ne progresserait que de 1,08 % en 2000, le rapporteur spécial a évoqué les craintes du personnel sur son avenir au-delà du programme de frappe exceptionnel d'euros.

Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial, a souligné l'initiative pédagogique que constituait la réservation d'une enveloppe de 40 millions de francs en vue de la confection de kits de pièces euro destinées à familiariser les commerçants et les particuliers avec les nouvelles coupures et à accélérer leur mise en circulation.

Le rapporteur spécial a enfin motivé la réduction du volume d'investissements par la finalisation du lourd programme d'équipement qui s'est révélé nécessaire à la production de l'euro.

Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial, a conclu en soulignant l'effort soutenu de la Monnaie de Paris pour figurer, pour la frappe de l'euro, parmi les leaders du Groupe des Monnaies européennes, en précisant que, sur 5 milliards de pièces déjà frappées à l'heure actuelle dans l'Union, plus de la moitié sont des euros à face française. Elle a toutefois rappelé que la Monnaie de Paris devait impérativement maintenir une politique commerciale dynamique pour compenser l'impact négatif de certains secteurs de production, dont le déficit de l'établissement parisien.

Lors du débat qui s'est engagé, Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial, après avoir exposé à M. Joël Bourdin le statut du personnel de la Monnaie, a précisé que les effectifs, à hauteur de 910 toutes catégories confondues, évoluaient régulièrement en tenant compte des gains de productivité.

En réponse à M. François Trucy, qui s'inquiétait du devenir de la masse monétaire libellée en francs actuellement en circulation le rapporteur spécial a indiqué que la Monnaie de Paris fondrait les pièces démonétisées, ce qui se pratiquait déjà, à l'heure actuelle, pour les pièces en argent massif.

A la demande de M. René Ballayer, Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial, a rappelé le mécanisme de fixation du prix de cession au Trésor et les critères permettant d'expliquer l'apparente incohérence entre les prix de cession des différentes coupures.

Répondant à M. Denis Badré, le rapporteur spécial a indiqué que le contingent d'euros déjà frappé par la Monnaie ne comportait pas de pièces fabriquées pour le compte de monnaies étrangères.

Mme Maryse Bergé-Lavigne, rapporteur spécial, a en outre précisé que les "kits" de pièces euro seraient composés de pièces réelles, et non factices, le Conseil Eco-Fin informel de l'Union européenne du mois de septembre ayant décidé de permettre la vente de tels kits au cours de la dernière quinzaine du mois de décembre 2001.

A l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits du budget annexe des monnaies et médailles pour 2000.

PJLF POUR 2000 - EXAMEN DU RAPPORT SUR LES CRÉDITS DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA RÉFORME DE L'ETAT

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Gérard Braun, rapporteur spécial, sur les crédits consacrés, dans le projet de loi de finances pour 2000, à la fonction publique et à la réforme de l'Etat.

M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a expliqué que l'examen des crédits de la fonction publiques appelait deux analyses distinctes : la première, d'ordre juridique, porte sur la présentation des crédits du ministère chargé de la gestion de la fonction publique qui sont individualisés dans le budget des services généraux du Premier ministre au sein de l'agrégat " fonction publique " ; ces crédits s'élèvent à 1.316 millions de francs en 2000, soit une diminution de 6,80 % par rapport à 1999 ; la seconde analyse, d'ordre économique, porte sur l'ensemble des charges de personnel de l'Etat, à savoir les crédits de rémunération, les pensions et les charges sociales.

Après avoir exposé les crédits inscrits à l'agrégat 02 du budget des services généraux du Premier ministre, M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a présenté les charges de personnel de l'Etat. Il a rappelé que les dépenses de fonction publique stricto sensu s'élevaient à 675 milliards de francs, soit une progression de 3,4 % par rapport à 1999, et représentaient environ 40 % du budget général. Il a indiqué que la fonction publique de l'Etat induisait des dépenses au montant excédant, et bien au-delà, les seules charges liées aux fonctionnaires. Hors rebudgétisations, ces dépenses induites étaient en 1999 de 712 milliards de francs, soit une progression de plus de 3 % par rapport à 1998, où elles s'élevaient à 691 milliards de francs.

M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a ensuite présenté ses observations sur les dotations allouées à la fonction publique et à la réforme de l'Etat pour 2000.

Il a d'abord observé que les dépenses liées à la fonction publique ne cessaient de croître. Les emplois budgétaires civils progressent de manière continue depuis 1990, ayant augmenté de 39.400 entre cette date et 1998. L'année dernière, le Gouvernement avait affiché un solde de créations d'emplois nul, mais, en 2000, le nombre de fonctionnaires civils de l'Etat augmentera de 247 emplois nouveaux. Il a considéré que la thèse selon laquelle il était impossible de réduire le nombre de fonctionnaires était infirmée par le Gouvernement lui-même, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie s'apprêtant à supprimer 3.000 postes en trois ans grâce à des progrès de productivité. Par ailleurs, le coût de la rémunération des fonctionnaires de l'Etat croît également, principalement en raison de l'accord salarial du 10 février 1998. A cet égard, il a rappelé que l'année 2000 était l'exercice sur lequel l'ensemble des mesures adoptées jouera en année pleine, pour un coût annuel total de 23,3 milliards de francs. Il a, dès lors, estimé qu'une telle évolution ne pouvait qu'accentuer la rigidité des dépenses de l'Etat, déjà mise en exergue par la Cour des Comptes dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1998.

M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a ensuite considéré que la notion de fonctionnaire était de plus en plus incertaine. Il a rappelé que les fonctionnaires civils de l'Etat étaient près de 2,1 millions mais que l'ensemble des agents publics s'élevait à 5,1 millions, soit plus d'un actif sur cinq, tous étant concernés par la négociation salariale dans la fonction publique, même si seule une partie de ses effets apparaît dans le budget de l'Etat. Il a surtout déploré que l'Etat méconnaisse le nombre de ses fonctionnaires, soulignant que cette conclusion ressortait tant des travaux de la Cour des Comptes sur les effectifs du ministère de l'emploi et de la solidarité que de ceux de la commission d'enquête du Sénat sur les personnels de l'éducation nationale, et a regretté que le ministère de la fonction publique reconnaisse lui-même ne pas connaître précisément la situation statutaire de l'ensemble des fonctionnaires. Il s'est, enfin, inquiété de l'avenir des emplois-jeunes, du fait de la probable intégration d'une part importante d'entre eux dans la fonction publique.

M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a attiré l'attention sur l'explosion à venir du coût des pensions. Il a rappelé que l'évolution du montant des charges pensions des fonctionnaires de l'Etat et des militaires avait suivi une tendance extrêmement rapide, son montant étant passé, entre 1990 et 1997, de 136 à 164,5 milliards de francs, soit une progression de 20,84 %. Il a indiqué que les évolutions démographiques étaient très préoccupantes eu égard à leur conséquences budgétaires, plus de 40 % des fonctionnaires allant partir à la retraite d'ici à 2010. Il a dès lors estimé qu'il fallait saisir cette occasion pour réduire le nombre des fonctionnaires et doter notre pays d'un Etat moins lourd, mais plus efficace. Il a par ailleurs jugé indispensable d'engager la réforme des régimes spéciaux de retraite, qui n'ont pas été concernés par la réforme de 1993, un allongement de la durée des cotisations paraissant inévitable. Le rapport Charpin a d'ailleurs préconisé, sur ce point, de la porter progressivement à 42,5 ans pour tous, y compris les fonctionnaires, qui cotisent actuellement 37,5 années.

M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a estimé que l'application des 35 heures dans la fonction publique ne devait pas aboutir à des créations d'emplois. Il a rappelé que le rapport de M. Jacques Roché sur le temps de travail dans les trois fonctions publiques avait évalué la durée du travail dans la seule fonction publique de l'Etat entre 29 heures et 40 heures par semaine. Il a dès lors souscrit à la recommandation du rapport de considérer la réduction du temps de travail comme " une formidable occasion d'une remise à plat de l'organisation actuelle du temps de travail dans la fonction publique ". Il a estimé indispensable que la réflexion s'engage à effectifs constants, l'aménagement du temps de travail devant se traduire, non par un accroissement des effectifs de la fonction publique, mais par une plus grande efficacité au service des usagers des services publics.

Enfin, M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a déploré que le Gouvernement perde l'occasion de réformer le format et les missions de l'Etat. Il a rappelé que le Gouvernement, en matière de réforme de l'Etat, s'était contenté de produire des textes à portée limitée, les intentions affichées, quoique nombreuses, apparaissant peu claires. Le rapporteur spécial a rappelé qu'un comité interministériel pour la réforme de l'Etat s'était réuni le 13 juillet dernier sous la présidence du Premier ministre, et avait déterminé trois axes de réforme : l'évaluation des politiques publiques, l'établissement d'un projet territorial devant permettre d'améliorer le fonctionnement des services déconcentrés, et l'élaboration de programmes pluriannuels de modernisation au niveau de chaque ministère. Il a cependant noté qu'aucun de ces projets n'avait été pour l'instant finalisé. Il a considéré que la réforme de l'Etat devait reposer sur la déconcentration, l'amélioration de la gestion patrimoniale de l'Etat, le rapport François ayant dénoncé la méconnaissance par l'Etat de son propre patrimoine immobilier, et, enfin, la modernisation de la gestion de la fonction publique.

Il a conclu en estimant que la réduction des dépenses de fonctionnement de l'Etat constituait un enjeu majeur, le fardeau des retraites de la fonction publique étant inéluctable. Il a regretté que, sur ce point, le Gouvernement ait délibérément choisi l'attentisme, et a estimé que cette décision était lourde de conséquences sur les finances publiques, et, cela, dans un avenir relativement proche.

M. Auguste Cazalet s'est étonné de ce que l'Etat ne connaisse pas avec précision le nombre des fonctionnaires qu'il emploie dès lors qu'il les rémunère.

M. François Trucy a observé que les dépenses induites de fonction publique comprenaient également les rémunérations et les pensions des militaires.

M. Alain Lambert, président, a rappelé son attachement à ce que les missions régaliennes de l'Etat ne soient remplies que par des agents publics. Il a cependant considéré que cette exigence ne pouvait servir de prétexte à une augmentation ininterrompue des crédits de la fonction publique, voire à des gaspillages, les citoyens étant en droit d'attendre une meilleure efficacité de la dépense publique, d'autant plus que les Etats eux-mêmes sont aujourd'hui en concurrence entre eux. Il a fait part de son grand étonnement sur la méconnaissance, par l'Etat, du nombre exact de ses fonctionnaires, et a souhaité que le rapporteur spécial, au cours de l'année qui vient, conduise des investigations sur ce sujet afin de dissiper l'opacité des dépenses de fonction publique.

M. Gérard Braun, rapporteur spécial, après avoir souligné la complexité des règles statutaires applicables à la fonction publique, a rappelé que les effectifs budgétaires correspondaient aux emplois permanents à temps complet autorisés par la loi de finances, un emploi budgétaire pouvant servir de support à la rémunération de plusieurs personnes bénéficiant d'un temps partiel. En outre, au-delà des emplois permanents, le budget de l'Etat supporte le paiement d'agents qui ne sont pas rémunérés sur des postes budgétaires mais sur des crédits d'heures ou des crédits globalisés. Il a, dès lors, estimé que l'amélioration de la gestion de la fonction publique constituait un élément fondamental de la réforme de l'Etat.

A l'issue de ce débat, la commission a décidé de réserver sa position sur les crédits inscrits à l'agrégat " fonction publique ", jusqu'à l'examen du rapport consacré aux crédits des services généraux du premier ministre.

MERCREDI 13 OCTOBRE 1999

- Présidence de M. Alain Lambert, président.

PJLF POUR 2000 - EXAMEN DU RAPPORT SUR LES CRÉDITS DE L'OUTRE-MER

Au cours d'une première séance, tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de M. Henri Torre, rapporteur spécial, sur les crédits consacrés, dans le projet de loi de finances pour 2000, à l'outre-mer.

M. Henri Torre, rapporteur spécial, a indiqué que le montant pour 2000 des crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer s'élevait à 6,3 milliards de francs dans le projet de loi de finances, mais que le budget du secrétariat d'Etat ne constituait qu'une petite partie de l'effort total de l'Etat en faveur de l'outre-mer, qui s'établissait à 51 milliards de francs en 1999.

Il a estimé que le budget de l'outre-mer était plutôt bien traité par le projet de loi de finances pour 2000 car, alors que l'objectif de progression des dépenses du budget général était de 0,9 %, le Gouvernement annonçait une augmentation des crédits de l'outre-mer de 13,5 %.

Il a expliqué que ce taux de progression était, en réalité, largement artificiel puisque, sur les 760 millions de francs supplémentaires dont bénéficiera le secrétariat d'Etat en 2000, 660 étaient, les années précédentes, inscrits au budget d'autres ministères.

M. Henri Torre, rapporteur spécial, a indiqué que, à structure constante, l'augmentation des crédits de l'outre-mer en 2000 était de 1,8 %, répartis en une augmentation de 3 % des dépenses de fonctionnement et une baisse de 1,2 % des dépenses d'investissements.

Le rapporteur spécial a alors présenté l'évolution en 2000 des cinq agrégats qui composent les crédits de l'outre-mer.

Il a indiqué que le montant des crédits de l'administration centrale, qui constituent le premier agrégat, était stable en 2000 et s'élevait à 1 milliard de francs. Il a précisé que les dépenses liées aux rémunérations augmentaient fortement, du fait de l'accord salarial du 10 février 1998, tandis que les dépenses en faveur des moyens en matériel diminuaient, en raison de la baisse des effectifs du service militaire adapté.

M. Henri Torre a constaté que les crédits du deuxième agrégat, qui concerne les actions en faveur des collectivités locales, affichaient une augmentation importante, et qu'ils étaient 3,8 fois supérieurs à ceux de la loi de finances initiale pour 1999.

Il a observé que, à structure constante, ces crédits diminuaient et que la forte augmentation du montant de cet agrégat s'expliquait par l'inscription au budget de l'outre-mer de crédits en provenance d'autres ministères et destinés à financer, en application des dispositions de la loi organique du 19 mars 1999, les nouvelles dotation globale de compensation et dotation globale de fonctionnement en Nouvelle-Calédonie.

M. Henri Torre a rappelé que, avec une dotation de 3,1 milliards de francs, les crédits en faveur du troisième agrégat, celui de l'emploi et de l'insertion sociale, représentaient la moitié du budget du secrétariat d'Etat. Il a souligné que le taux de progression de ces crédits, à structure constante, n'était pas de 13,5 % mais de 1,5 %. Il a expliqué cet écart par le transfert au fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer (FEDOM) des crédits destinés au financement des contrats emploi consolidé (CEC), auparavant inscrits au budget du ministère de l'emploi et de la solidarité.

Il a ajouté que la dotation totale du FEDOM en 2000 serait de 2,1 milliards de francs et que, si le plus gros poste restait celui des contrats emploi solidarité (CES), pour 661 millions de francs, l'exercice 2000 était surtout marqué par la montée en charge rapide du coût des emplois-jeunes, qui s'élève à 615 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 2000 contre 445 millions de francs en 1999 et 300 millions de francs en 1998.

M. Henri Torre a noté que les crédits de l'action sociale et culturelle augmentaient de manière à permettre de financer un nouveau " fonds d'aide aux échanges artistiques et culturels ", dont la création correspond à une volonté du secrétariat d'Etat à l'outre-mer et du ministère de la culture de mettre en commun des moyens.

Le rapporteur spécial a rappelé que plusieurs chapitres du budget de l'outre-mer, notamment celui qui regroupe les aides au logement, étaient alimentés en cours d'exercice par les crédits de la " créance de proratisation " du revenu minimum d'insertion (RMI), dont le montant pour 2000 s'établit à 861,5 millions de francs, en hausse de 5,7 %.

M. Henri Torre a constaté que les crédits du quatrième agrégat, celui des actions en faveur du logement, poursuivaient en 2000 leur progression de 1999, mais à un rythme moins élevé.

Enfin, le rapporteur spécial a rappelé que le dernier agrégat, celui des dépenses en faveur de l'investissement et du développement économique et social, était principalement constitué de deux fonds destinés à l'investissement outre-mer, le Fonds d'investissement des départements d'outre-mer (FIDOM) et le Fonds d'investissement pour le développement économique et social (FIDES). Il a observé que les dotations de ces fonds augmentaient dans le projet de loi de finances pour 2000, contrairement aux années précédentes.

Il a expliqué la baisse du montant total des dépenses d'investissement du secrétariat d'Etat par la réduction de la dotation du chapitre destiné au financement des investissements en Nouvelle-Calédonie, dont une partie des crédits est basculée vers la nouvelle DGF de Nouvelle-Calédonie.

Puis, M. Henri Torre a analysé l'article 72 du projet de loi de finances pour 2000 qui est rattaché au fascicule des crédits de l'outre-mer.

Il a indiqué que cet article modifiait l'article 4 de la loi dite " Perben " du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les DOM, à Saint-Pierre et Miquelon et à Mayotte, qui a créé un dispositif d'exonérations de charges patronales applicable cinq ans à compter de la date de publication des textes d'application.

Il a précisé que l'échéance du dispositif était le 1er mars 2000 et que l'objet de l'article 72 du projet de loi de finances pour 2000 était de le proroger jusqu'au 31 décembre de la même année.

M. Henri Torre a considéré que la volonté du Gouvernement de proroger ce dispositif constituait une reconnaissance implicite de son efficacité et a estimé que, si le Gouvernement s'engageait à ce que les dispositions de la future loi d'orientation entrent en vigueur au 1er janvier 2001, le choix de la date d'échéance au 31 décembre 2000 était acceptable.

M. Henri Torre a ensuite présenté plusieurs observations relatives à l'action du Gouvernement en faveur de l'outre-mer. En premier lieu, il a considéré que le projet de budget pour 2000 marquait une volonté louable d'améliorer la lisibilité et la cohérence de la présentation de l'effort financier de l'Etat outre-mer. A ce titre, il a observé avec satisfaction que les dépenses correspondant au financement de l'ensemble des contrats aidés outre-mer figureront dans le budget du secrétariat d'Etat. De même, il a estimé que la mise en place d'une dotation globale de compensation et d'une dotation globale de fonctionnement pour la Nouvelle Calédonie permettrait de faire apparaître les liens entre les réformes institutionnelles et leur traduction financière.

En deuxième lieu, il a insisté sur la conséquence du transfert, vers le budget de l'outre-mer, de dépenses antérieurement supportées par d'autres budgets, à savoir une augmentation forte, de 13,6 %, mais purement optique des crédits du secrétariat d'Etat. Il a rappelé que la progression réelle s'établissait à 1,8 % et que les moyens supplémentaires ne s'élevaient pas à 760 millions de francs mais à seulement 100 millions de francs.

En troisième lieu, il a considéré que l'évolution de la structure des crédits du secrétariat d'Etat n'était pas satisfaisante. Il a déploré que l'accroissement des moyens de 100 millions de francs ne soit pas consacré à l'investissement et à la préparation de l'avenir, mais au financement d'emplois para-publics, les emplois-jeunes, qui bénéficient de la principale mesure nouvelle avec 170 millions de francs supplémentaires. Il s'est interrogé sur la pertinence d'un renforcement du poids des emplois publics dans des départements et territoires dans lesquels la part des emplois privés est déjà trop faible.

En quatrième lieu, il a constaté que le renforcement du secteur public tranchait avec l'absence de mesure en faveur de l'investissement outre-mer. Il a noté que, pour la première fois depuis deux ans, le régime de la loi Pons ne semblait pas devoir être modifié par la loi de finances pour 2000. Il s'est inquiété d'une éventuelle remise en cause profonde de ce dispositif dans la future loi d'orientation pour l'outre-mer.

En dernier lieu, et dans la perspective de la discussion de la loi d'orientation, M. Henri Torre a estimé que la commission devra être particulièrement attentive au sort réservé par ce texte aux dispositifs issus de la loi " Perben " de 1994  et à la prise en compte des propositions formulées par MM. Claude Lise et Michel Tamaya, qui préconisent notamment, dans leur rapport au Premier ministre, un retour progressif au droit commun de la fiscalité directe locale et une révision des dispositifs fiscaux propres à l'outre-mer.

M. Henri Torre a alors proposé à la commission, conformément à l'usage, de réserver sa position sur les crédits de l'outre-mer jusqu'à l'audition du ministre de l'intérieur.

Un débat s'est alors ouvert auquel ont participé MM. Claude Lise, Jacques Oudin etGérard Braun.

M. Claude Lise a partagé l'ensemble des analyses du rapporteur spécial. De manière plus générale, il a souhaité en finir avec ce qu'il qualifie de " domo-pessimisme " et a déclaré que les descriptions de la situation des départements d'outre-mer publiées dans la presse ne correspondaient pas à la réalité.

Il a mis en avant deux maux dont souffrent les départements et territoires d'outre-mer. Il a tout d'abord insisté sur leur " mal développement " qui résulte des difficultés d'intégrer les économies d'anciennes colonies à celles d'un pays développé. Il a ajouté que la France n'avait jamais élaboré de vision stratégique du rôle de relais entre l'Europe et d'autres continents que pouvaient jouer les départements et territoires d'outre-mer.

En deuxième lieu, M. Claude Lise a estimé que l'outre-mer souffrait d'un " mal être " lié à l'absence de reconnaissance de son identité et de sa culture.

Il a expliqué que le rapport qu'il a rédigé, en collaboration avec le député Michel Tamaya, à la demande du premier ministre, résultait de la prise de conscience de ces difficultés par le Gouvernement. Il a indiqué que ce rapport comportait 70 propositions, dans des domaines aussi divers que la délégation de compétences, l'adaptation des textes aux réalités de l'outre-mer, l'évolution de l'organisation administrative et le développement économique.

S'agissant de l'organisation administrative des départements d'outre-mer, il s'est déclaré partisan d'une assemblée unique mais a admis que cette solution n'était pas conforme à l'article 73 de la Constitution, que le Gouvernement ne souhaite pas modifier. Il a précisé que, dans ces circonstances, la solution résidait en la création d'une instance de liaison entre l'assemblée départementale et l'assemblée régionale, mais que ce " congrès " n'avait pas vocation à devenir une troisième collectivité. Il a ajouté que, si cette proposition n'était pas retenue par la version définitive de la loi d'orientation pour l'outre mer, il n'y aurait alors d'autre solution que de réviser la Constitution.

En matière économique, M. Claude Lise a jugé indispensable de conserver, et même d'étendre à l'artisanat, les dispositions de la loi " Perben " et de maintenir un dispositif de défiscalisation, nécessaire pour relancer l'investissement.

Il a approuvé le principe d'une loi d'orientation qui permet d'aborder l'ensemble des problèmes dans un cadre global.

M. Jacques Oudin a rappelé que, dans un rapport consacré à la Corse, il avait préconisé la mise en place d'instances de liaison entre les différents niveaux de collectivités territoriales de l'île. Il a également insisté sur le rôle stratégique des départements et territoires d'outre-mer, qui sont pour la plupart situés à la charnière de plusieurs mondes. Il a souhaité que, dans son rapport écrit, le rapporteur spécial procède à une étude détaillée des politiques d'investissement outre-mer.

M. Gérard Braun a souhaité savoir quelle était la proportion de fonctionnaires dans la population active des départements et territoires d'outre-mer. Il s'est également interrogé sur le coût et les résultats des exonérations de la loi Perben.

En réponse aux différents intervenants, M. Henri Torre, rapporteur spécial, a considéré qu'il convenait de replacer l'examen des crédits de l'outre-mer dans la perspective de la loi d'orientation et du lancement de la nouvelle génération des contrats de plan Etat-région, qui permettront d'avoir une vision plus complète des intentions du Gouvernement en matière d'investissement outre-mer.

Il a rappelé son soutien au principe d'une défiscalisation dans l'esprit de la loi " Pons ", tout en regrettant les abus auxquels certaines dispositions de ce texte ont donné lieu dans le passé.

Il a estimé que le nombre élevé de créations d'emplois outre-mer était largement attribuable aux exonérations de charges patronales prévues par la loi " Perben ". Il a relevé que le nombre de salariés couverts par ces exonérations croissait d'année en année.

Enfin, M. Henri Torre, rapporteur spécial, a constaté que la rapidité de la croissance démographique limitait les effets, sur le taux de chômage, de la croissance économique élevée des départements et territoires d'outre-mer. Il a considéré que le développement des échanges avec les pays environnants était un facteur de développement de l'outre-mer qu'il convenait d'encourager.

A l'issue de ce débat, la commission a décidé de réserver sa position sur les crédits de l'outre-mer jusqu'à l'audition du ministre de l'intérieur.

Présidence de M. Jacques Oudin, vice-président.-

PJLF POUR 2000 - EXAMEN DU RAPPORT SUR LES CRÉDITS DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE - III. PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES, COMMERCE ET ARTISANAT

Ensuite, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. René Ballayer sur les crédits de la section III du budget de l'économie, des finances et de l'industrie, concernant les petites et moyennes entreprises, le commerce et l'artisanat pour 2000.

M. René Ballayer, rapporteur spécial, a tout d'abord précisé que la section III était désormais fusionnée avec la section I " Economie, finances et industrie ". Il a ensuite rappelé que le montant des crédits consacrés aux PME, au commerce et à l'artisanat (386,9 millions de francs pour le total des dépenses ordinaires et des crédits de paiement) n'était pas représentatif de l'importance du rôle économique des entreprises en cause qui emploient plus de la moitié de la population active française, même en y ajoutant les 410 millions de francs du Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC) alimenté par une fraction de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat créée par une loi du 31 décembre 1989.

Cependant, les petites et moyennes entreprises bénéficient par ailleurs de crédits provenant d'un grand nombre de départements ministériels et d'autres sources de financement recensés dans une annexe récapitulative à la loi de finances.

Le rapporteur spécial a ensuite souligné l'effet de levier de dépenses telles que celles liées à l'exécution des contrats de Plan Etat-région ou aux bonifications d'intérêt qui, pour une mise initiale de 150 MF environ, ont déclenché l'octroi de plus de 2 milliards de prêts aux PME en 1998.

Il a fait valoir que le budget des PME commerciales, artisanales et de service est essentiellement un budget d'accompagnement des dépenses de divers organismes (consulaires ou professionnels), des collectivités territoriales et des banques, en faveur de trois sortes d'actions :

- actions de formation professionnelle, préalable, initiale ou continue (environ 100 millions de francs) ;

- interventions économiques (contrats de plan Etat-régions, amélioration de la compétitivité des entreprises, aménagement des structures artisanales, animations...) pour à peu près le même montant ;

- facilitation de l'accès au crédit des PME (123 millions de francs de bonification d'intérêt et 22 millions de francs de garanties d'emprunt).

M. René Ballayer, rapporteur spécial, a observé un léger effritement global du niveau des dépenses prévues pour 2000 (- 1,7 million de francs, soit - 0,4 % par rapport à 1999), du fait, principalement, d'une diminution de 28 millions de francs des crédits de bonification d'intérêt que ne compensent pas intégralement les mesures nouvelles en faveur des garanties d'emprunt (22 millions de francs) du Fonds d'aménagement des structures artisanales (+ 2 millions de francs) et des contrats de plan Etat-régions (+ 3,9 millions de francs au titre IV mais - 3,2 au titre VI en crédits de paiement).

La réorientation des mécanismes destinés à favoriser l'accès des PME aux ressources bancaires constitue - a-t-il souligné - la principale nouveauté pour l'an 2000, le financement de garanties d'emprunt devant être substitué partiellement, en raison de la baisse des taux, à celui des bonifications d'intérêt du chapitre 44-98.

Le rapporteur spécial a noté, également, le début d'exécution en 2000 d'une nouvelle génération de contrats Etat-régions, dans le cadre du XIIe plan, avec une enveloppe consacrée au commerce et à l'artisanat qui devrait être augmentée d'environ 30 % pour atteindre 351 millions de francs.

Ses principales observations ont porté sur :

- les changements de nomenclature budgétaire qui rendent notamment difficile le contrôle de l'évolution des dépenses de fonctionnement de la Direction des entreprises commerciales, artisanales et de service (DECAS) ;

- l'exécution du budget 1999 avec, notamment, l'importante réduction, sans information préalable du Parlement, des crédits consacrés aux bonifications d'intérêt ;

- la diversification des actions du Fonds d'aménagement des structures artisanales qui risquent d'en faire un chapitre " fourre-tout " ;

- la simplification administrative en faveur des PME et la question de l'utilité des fonds locaux d'adaptation du commerce rural.

Le débat s'est ensuite engagé.

M. Gérard Braun a alors déploré la frilosité des banques en matière de prêts aux artisans et commerçants.

M. François Trucy a interrogé le rapporteur spécial sur la politique de l'artisanat et les actions du FISAC.

MM. Jacques Oudin, Jean-Pierre Demerliat et Yvon Collin ont évoqué les difficultés et l'importance du maintien de petits commerces en zone rurale.

La commission a demandé au rapporteur spécial d'approfondir, dans son rapport écrit, l'examen des politiques d'apprentissage et de maintien ou de développement d'activités commerciales ou artisanales en zone rurale.

A l'issue de ce débat, la commission a décidé de réserver sa position sur ces crédits jusqu'à l'audition du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur l'ensemble des crédits de son département ministériel.

ORGANISATION EXTRAPARLEMENTAIRE - FONDS D'INTERVENTION POUR LES AÉROPORTS ET LE TRANSPORT AÉRIEN - DÉSIGNATION D'UN CANDIDAT

Puis, la commission a désigné M. Yvon Collin comme candidat proposé à la nomination du Sénat pour siéger au sein du comité de gestion chargé de donner un avis sur l'emploi des crédits inscrits sur les chapitres relatifs aux plates-formes aéroportuaires du Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien.

NOMINATION DE RAPPORTEUR

Enfin, la commission a nommé M. Henri Torre comme rapporteur sur le projet de loi n° 422 (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des ordonnances n° 98-524 du 24 juin 1998, n° 98-525 du 24 juin 1998, n° 98-581 du 8 juillet 1998, n° 98-775 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.

Présidence de M. Jacques Oudin, vice-président.-

CONTRÔLE BUDGÉTAIRE - MISSION D'INFORMATION AU LIBAN ET DANS LES TERRITOIRES AUTONOMES PALESTINIENS - COMMUNICATION

Au cours d'une seconde séance, tenue dans l'après-midi, la commission a entendu une communication de M. Michel Charasse, rapporteur spécial des crédits de la coopération, sur la mission de contrôle, sur pièces et sur place, qu'il a effectuée du 30 juin au 8 juillet 1999 au Liban et dans les territoires autonomes palestiniens.

M. Michel Charasse a expliqué que cette mission était motivée par son souci de voir comment se mettaient en place les outils de la réforme de la coopération dans deux nouveaux pays admis dans la zone de solidarité prioritaire (ZSP). Il a dit qu'il avait expliqué les conséquences de cette réforme aux autorités locales, contrôlé les crédits d'intervention de nos postes, fait le point sur l'utilisation des autres crédits accordés au titre des protocoles financiers et de l'Agence française de développement (AFD), et vérifié si nos services étaient prêts pour la mise en place effective des nouveaux instruments.

Sur le Liban, il a rappelé que ce pays sortait d'une guerre qui a exacerbé ses fractures religieuses et géographiques. Il a estimé qu'il cumulait presque tous les obstacles au retour de la prospérité économique : occupation israélienne, dépendance politique à la Syrie, état délabré des finances publiques, démembrement de ce qui reste de l'Etat, absence de confiance dans l'avenir. Il a exposé les changements politiques qu'a connus le Liban en novembre 1998, avec l'arrivée du président de la République le général Lahoud et le premier ministre Sélim Hoss, qui ont défini de nouvelles priorités donnant la première place à la lutte contre le déficit budgétaire, la diminution de la dette et l'action sociale. Il a indiqué que la croissance économique s'était fortement ralentie, laissant persister les inégalités sociales et les problèmes budgétaires. Dans un climat de relative incompréhension, l'intégration à la ZSP constitue un signal fort envers le Liban. Il a expliqué que sa mission avait été marquée par les bombardements israéliens sur Beyrouth et le Liban sud, qui avaient détruit plusieurs installations financées par la France. Il s'est réjoui de l'accueil chaleureux des autorités libanaises et de l'intérêt qu'elles ont montré aux nouvelles procédures de coopération avec la France. Enfin, il a précisé qu'il avait eu l'occasion de se rendre dans la zone de Jezzin à peine libérée de l'occupation israélienne. Il a fait part des récriminations des opérateurs français envers la lenteur, la complexité, voire la vénalité de l'administration libanaise, et l'instabilité fiscale et réglementaire, tout en constatant les formidables occasions que recélait ce pays. Il a conclu cette présentation sur l'état d'esprit curieux des Libanais qui possèdent 90 % des créances sur l'Etat, tout en éprouvant vis-à-vis de l'institution étatique une vive indifférence.

Retraçant l'effort de coopération de notre pays, il a expliqué que l'ambassade de France mettait en oeuvre plus de 42 millions de francs en 1999 de crédits d'intervention, principalement dirigés vers la coopération scientifique et universitaire et la francophonie. Il a formulé plusieurs remarques sur l'utilisation de ces crédits : le poids trop important du personnel récurrent rémunéré sur le titre IV, le fonctionnement pas complètement satisfaisant du programme de recherche, et l'utilisation à ses yeux peu judicieuse des sommes consacrées à la promotion de l'audiovisuel. Il a conclu en estimant un peu routinière la coopération menée par l'ambassade.

Il a ensuite tiré un bilan de la mise à disposition de plus d'un milliard de francs de prêts mixés et de 65 millions de francs de dons au titre des protocoles financiers, principalement affectés aux secteurs de l'eau, de l'électricité, de l'aviation civile et de l'enseignement. Il a vigoureusement déploré l'utilisation à moins de 50 % de ces sommes. Il a indiqué par ailleurs qu'un recensement exhaustif de chaque ligne lui avait permis de constater que l'ambassade disposait encore de 2,8 millions de francs de dons. Il s'est enfin réjoui de l'installation rapide de l'AFD et s'est demandé s'il n'était pas possible de transférer à cette dernière des possibilités de prêts encore non utilisées.

S'agissant des territoires autonomes palestiniens, M. Michel Charasse a rappelé qu'ils se trouvaient au moment de sa mission dans l'attente de la formation du nouveau gouvernement israélien et de l'annonce de ses intentions quant à la relance du processus de paix. Il a dit qu'il s'était rendu compte du climat de tension extrême dans lequel vivent les Palestiniens des territoires : espace morcelé à l'infini, surveillance policière quasi inquisitoriale, présence massive choisie et provocatrice d'implantations israéliennes au coeur même des villes palestiniennes. Il s'est félicité que les Palestiniens se dotent des instruments de la souveraineté et d'une administration dont les Français expatriés louent la compétence, le sérieux, la relative absence de vénalité, et l'exigence absolue quant aux prestations fournies. Il a expliqué qu'ils avaient à gérer une situation économique très délicate (récession, crise sociale massive, difficultés budgétaires considérables). Il a vu néanmoins un facteur d'espoir dans les liens étroits entre les économies palestinienne et israélienne. Il a également rapporté le souhait du président Arafat de la poursuite de l'aide française et de l'implication des européens aux côtés des Etats-Unis dans le cadre des négociations de paix.

M. Michel Charasse a ensuite exposé les grandes lignes de l'aide française à l'Autorité nationale palestinienne, mise en oeuvre par le consulat général de Jérusalem. Il a détaillé les crédits d'intervention de ce dernier qui s'élevaient à 18 millions de francs en 1999, principalement consacrés aux actions culturelles et éducatives. Il s'est félicité des francs succès obtenus par notre coopération dans le domaine du droit et de la formation de professeurs francophones. Il a formulé plusieurs observations sur l'utilisation des crédits du poste, parmi lesquelles la part trop importante des rémunérations permanentes financées sur le titre IV, l'affectation de 300.000 francs à l'Alliance française de Jérusalem, virtuellement en faillite, et ne proposant ses activités qu'aux Israéliens, et la présence d'un reliquat élevé de sommes non utilisées qu'il conviendrait de réaffecter. Par ailleurs, il a constaté sur place que notre poste manquerait de personnel pour la mise en place de futurs projets de coopération.

Puis il a expliqué que sur les 332,5 millions de francs de dons accordés depuis 1993 sur protocoles financiers (principalement affectés à l'eau et aux infrastructures publiques), 106 millions de francs restaient bloqués pour le financement du port de Gaza. Il a constaté, après un recensement exhaustif de ces protocoles, qu'il restait par ailleurs à imputer près de 10 millions de francs, ce que semblaient ignorer nos services. Enfin, il a félicité l'AFD de la rapidité de son installation et de ses premières interventions dans le secteur de l'eau à Gaza, dans la vieille ville de Hébron et pour l'électrification rurale du nord de la Cisjordanie.

M. Michel Charasse a formulé plusieurs conclusions sur ces deux pays. Il s'est réjoui de la rapidité avec laquelle l'AFD intervenait, alors que le quai d'Orsay ne semblait pas en mesure d'apporter le moindre financement nouveau d'ici le milieu de l'année 2000. Il a rapporté l'incompréhension des autorités libanaises et palestiniennes aux yeux desquelles l'entrée dans la ZSP s'est traduite, en 1999, par une année blanche du point de vue de la coopération. Observant que le contrôle budgétaire n'avait révélé aucune irrégularité, il a regretté que trop souvent des crédits qui devraient relever du titre III se trouvent affectés sur le titre IV, ce qui revient à minorer nos opérations effectives, et que l'examen précis de l'utilisation de chaque protocole ait montré l'existence de marges de manoeuvre inconnues de nos services. Il a conclu que cette mission pouvait illustrer à nouveau le paradoxe de la réforme de la coopération : si la ZSP s'étend, les pays qui bénéficient de cette extension constatent une baisse des crédits qui leur sont accordés.

M. Jacques Oudin a remercié le rapporteur spécial pour l'intérêt de son compte rendu qui témoigne de l'importance du contrôle parlementaire. Il a salué la présence de Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis des crédits de l'aide au développement, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a demandé à M. Michel Charasse quelles étaient les masses du budget de l'Autorité nationale palestinienne et la nature de l'ordre juridique qu'elle mettait en place.

Le rapporteur spécial a indiqué que l'autorité palestinienne escomptait, en 1999, 750 millions de dollars d'aide internationale et plus de 300 millions de dollars de recettes fiscales. Il a fait remarquer que 160 millions de dollars échappaient cependant au ministère des finances palestinien et servaient (hors budget) à financer des projets ponctuels décidés par le président Arafat et, probablement, le fonctionnement de l'Organisation de libération de la Palestine. Il a exprimé le sentiment que cet argent n'était pas gaspillé, ni les responsables palestiniens corrompus.

Il a indiqué que l'Institut de droit de Birzeit mettait en place deux fichiers législatifs, l'un recensant l'ensemble du droit en vigueur dans les territoires palestiniens, l'autre de législation comparée. Il a rapporté l'opinion des opérateurs français selon laquelle, en matière de droit privé, ils n'avaient constaté aucun conflit juridique, ni mauvais fonctionnement de la justice, ni de vénalité. Il a lui-même constaté que les autorités palestiniennes mettaient tout en oeuvre pour que les investissements étrangers soient nombreux et bien traités.

M. François Trucy s'est demandé si la diaspora libanaise jouait un rôle pour la reconstruction du pays et si la reconstruction de la résidence des pins pouvait être considérée comme une réussite.

M. Michel Charasse lui a fait part des liens distendus entre la diaspora et le Liban. Il a d'ailleurs remarqué que si les meilleurs Palestiniens revenaient chez eux, les meilleurs Libanais s'en gardaient bien. Il a estimé par ailleurs merveilleuse la reconstruction de la résidence des pins, qui constitue un symbole brillant des relations franco-libanaises. Il a rappelé l'attachement des Libanais à ce lieu où fut proclamé par le général Gouraud l'Etat libanais.

M. Maurice Blin a expliqué l'incivisme financier libanais par l'histoire et les périodes d'occupation, et l'a qualifié de réflexe de sauvetage. Il s'est demandé si les Israéliens comprenaient vraiment que l'avenir de la Palestine conditionnait le leur. Partageant le point de vue du rapporteur spécial sur la très bonne réputation des Palestiniens, il lui a demandé quels investisseurs privés ces derniers attendaient.

M. Michel Charasse s'est dit d'accord sur l'analyse historique de M. Maurice Blin. Il a estimé que le Gouvernement israélien de M. Netanyahu avait traité de façon indigne les territoires palestiniens. Evoquant la présence policière, les colonies et le poste frontière de Gaza, il a décrit les obstacles mis au développement d'un peuple très compétent et à la constitution d'un environnement national palestinien. Il a indiqué qu'aux demandes fortes d'équipement de l'Etat, s'ajoutait aujourd'hui une forte demande sociale envers les entreprises privées. Il a rapporté que les entrepreneurs français se disaient prêts à y répondre, mais que les conditions actuelles de vie quotidienne limitaient sérieusement leur action.

Mme Paulette Brisepierre, après avoir remercié la commission de l'avoir invitée à participer à ses travaux, a indiqué qu'elle faisait la même analyse de la situation au Liban et dans les territoires palestiniens que le rapporteur spécial.

M. Jacques Oudin s'est demandé si l'influence syrienne au Liban n'était pas de nature à atténuer l'enthousiasme des entreprises.

M. Michel Charasse lui a répondu que ce qui se passait avec la Syrie semblait indifférent aux yeux des chefs d'entreprise, plus préoccupés par les carences de l'administration libanaise et l'évolution du processus de paix dans l'ensemble de la région.

PJLF POUR 2000 - EXAMEN DU RAPPORT SUR LES CRÉDITS DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES : COOPÉRATION

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Michel Charasse sur les crédits consacrés, dans le projet de loi de finances pour 2000, à la coopération.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial, a tout d'abord expliqué que la réforme de la coopération avait entraîné la fusion des ministères et des budgets et qu'il n'y avait donc plus à proprement parler de crédits individualisés de la coopération.

Il a indiqué que le budget des affaires étrangères connaissait une modique progression de 0,8 %, mais que, à l'intérieur de celui-ci, les dotations en moyens de paiement de la coopération diminuaient de 4,3 %. Il en a conclu que les crédits des affaires étrangères augmentaient en bénéficiant de la baisse de ceux de la coopération.

Il s'est félicité que la fusion des deux ministères ait permis des redéploiements de personnel importants et la disparition de coûteux doublons.

Il a regretté que les interventions figurant au titre IV connaissent une forte diminution de 9,3 %, alors même que le champ d'intervention augmente avec l'extension de la zone de solidarité prioritaire. Il a constaté que les lignes du titre IV bénéficiant d'une hausse de crédits, comme l'audiovisuel extérieur et la coopération scientifique, bénéficiaient à l'ensemble des pays dans lesquels ces actions sont menées, et non plus seulement à la zone de solidarité prioritaire.

S'agissant du titre VI, il a constaté qu'il restait inchangé, mais contenait une astuce comptable aux conséquences lourdes pour l'exercice du contrôle parlementaire. Il a ainsi fortement regretté la création d'un chapitre budgétaire spécifique aux dons-projets mis en oeuvre par l'Agence française de développement (AFD), remplaçant l'article budgétaire spécifique au sein du Fonds d'aide et de coopération (FAC) qui permettait d'assurer un meilleur contrôle des opérations réalisées. Il a estimé que ce changement était une manière pour la direction du trésor de reprendre la maîtrise de sommes qui lui avait échappée. Il a donc expliqué qu'il envisageait une initiative pour exiger une information du Parlement sur les sommes transférées. Il a par ailleurs fait remarquer que cette séparation des articles budgétaires faciliterait à l'avenir l'exercice de la régulation budgétaire sur les seuls crédits de l'ancien FAC.

Il a conclu en constatant que ce budget n'avait fait l'objet d'aucune remarque critique de l'exécutif chargé de conduire la politique extérieure de la Nation. Il a fortement regretté que les moyens d'intervention diminuent pour plus de pays tandis que le titre VI stagne, mais avec un moindre contrôle parlementaire. Il a estimé que ce budget rendrait plus difficile le respect des engagements de la France vis-à-vis de ses partenaires.

Après avoir remercié le rapporteur spécial, M. Jacques Oudin, vice-président, lui a demandé comment se situait la France vis-à-vis des autres pays du G7 s'agissant de l'aide publique au développement.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial, a indiqué que la France restait en pourcentage du PIB le premier contributeur du G7 en aides bilatérales au développement. Il a rappelé qu'il fallait ajouter à ces sommes la participation de la France, à hauteur de 24 % de tous les fonds engagés par l'Union européenne à ce titre. Il a également précisé que les critères internationaux ne prenaient pas en compte les efforts de coopération militaire des différents pays. Enfin, il a expliqué qu'en termes bruts la France occupait la troisième place du G7 derrière le Japon et, pour la première fois depuis longtemps, les Etats-Unis.

M. Philippe Marini, rapporteur général s'est interrogé sur l'opportunité d'une présentation d'ensemble de l'action de la France en faveur du développement intégrant ses contributions bilatérales et multilatérales, et sur les processus de décision européens d'engagement du Fonds européen de développement (FED). Enfin, il s'est dit prêt à soutenir toute initiative permettant une plus grande transparence des relations financières avec l'Agence française de développement, par exemple sous la forme d'un contrat d'objectifs entre celle-ci et le ministère des affaires étrangères.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial, a estimé que le mode de fonctionnement absurde de l'Europe donnait un caractère apatride aux crédits du FED. Il a fortement regretté que nos ambassadeurs ne valorisent pas davantage cette forte participation financière de la France dans les actions européennes. De même, il a déploré que les ministres de la coopération n'examinent jamais les projets financés par le FED, se limitant, en conseil des ministres de l'Union européenne, à recueillir une information sur les masses et les pays bénéficiaires. Il a estimé anormal que la DG VIII décide seule de ces attributions de fond.

S'agissant des relations avec l'AFD, il a estimé qu'il fallait se garder de porter atteinte aux marges de manoeuvre de l'exécutif. Il en a conclu que l'information sur les transferts financiers ne devrait pas être trop détaillée.

M. Jacques Oudin a demandé que la commission recommande au ministre de la coopération et au Comité des représentants permanents (COREPER) d'exercer leur droit de regard sur les projets financés par le FED. Il a estimé par ailleurs que le contrôle parlementaire ne pouvait pas souffrir de recul.

M. Henri Torre s'est interrogé sur le suivi apporté aux nombreuses études financées sur crédits de la coopération.

M. Michel Charasse a indiqué que le nombre de ces études avait pu baisser, même si la manie du rapport avait tendance à persister. Il a rappelé néanmoins le caractère indispensable des études préalables.

M. Joël Bourdin a demandé au rapporteur spécial pourquoi les crédits en faveur de la coopération décentralisée baissaient dans le projet de loi de finances.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial, lui a indiqué que cela faisait partie de la baisse générale des moyens d'intervention qu'il déplorait à nouveau. Il a ainsi rappelé que ce sont les pays aidés au titre de la coopération qui permettaient de relayer la voix de la France à l'Organisation des Nations unies (ONU).

M. Jacques Oudin a alors demandé à Mme Paulette Brisepierre la position de la commission des affaires étrangères et de la défense sur le projet de loi de finances.

Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, a indiqué que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées étudierait prochainement le projet de loi de finances. A titre personnel, elle a dit partager totalement l'analyse du rapporteur spécial et ses craintes face aux baisses de crédits, alors que le nombre de zones concernées augmente. Elle a fait part de sa vive inquiétude devant les risques de saupoudrage et estimé qu'avec ce budget la France deviendrait médiocre partout au lieu d'être la meilleure dans certains pays.

M. Michel Charasse a conclu que ce budget relevait d'un choix politique commun aux deux têtes de l'exécutif.

A l'issue du débat, la commission a décidé de réserver sa position sur les crédits de la coopération jusqu'à l'examen des crédits du ministère des affaires étrangères.

JEUDI 14 OCTOBRE 1999

- Présidence de M. Alain Lambert, président.

PJLF POUR 2000 - JUSTICE - AUDITION DE MME ELISABETH GUIGOU, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE

La commission a procédé à l'audition de Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'exécution budgétaire pour 1999 et sur les crédits de son département ministériel pour 2000.

En introduction, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a fait remarquer que, pour la troisième année consécutive, le projet de budget se caractérise par une forte priorité en faveur de son ministère.

Elle a ensuite énuméré les quelques chiffres marquant cette priorité en 2000 : 1 milliard de francs d'augmentation des crédits globaux du ministère, soit une progression de + 3,9 % ; 1.237 créations de postes, soit la plus forte hausse de tous les ministères ; 16 % d'augmentation des crédits de fonctionnement de la protection judiciaire de la jeunesse et, enfin, 1,5 million de francs d'autorisations de programme nouvelles pour poursuivre la construction et la rénovation des palais de justice et des établissements pénitentiaires.

Mme Elisabeth Guigou a constaté que sur les trois premiers budgets de la législature, les crédits de son ministère auront progressé de + 3,4 millions de francs, soit un gain de + 14 %, et que près de 3 000 postes auront été créés.

Elle a ensuite détaillé l'évolution des crédits par agrégat.

En ce qui concerne les services judiciaires, elle a estimé que les moyens prévus au budget 2000 permettaient de répondre à une double exigence : mettre en oeuvre les réformes et améliorer le fonctionnement de la justice au quotidien.

Elle a insisté sur l'important effort de productivité de la justice depuis 20 ans, qui a permis un doublement du nombre des affaires jugées au fond par toutes les juridictions : 1 million d'affaires en 1979, 2 millions aujourd'hui, avec une surcharge particulière pour les cours d'appel et les tribunaux de grande instance, alors que l'effectif des magistrats n'augmentait que de 25 %.

Mme Elisabeth Guigou a par ailleurs annoncé la création de 212 postes de magistrats judiciaires répartis comme suit : 100 pour la mixité des tribunaux de commerce, 48 pour le contentieux de la liberté, 25 pour les mineurs, 34 pour la résorption des stocks, 4 pour la réforme du Conseil supérieur de la magistrature et 1 pour l'état-civil de Mayotte.

Elle a rappelé qu'un plan d'urgence des cours d'appel avait été engagé depuis deux ans, avec l'affectation d'une centaine de magistrats dans l'ensemble des cours, notamment dans les plus chargées, soit une augmentation de plus de 10 % des effectifs de ces juridictions. Elle a ajouté que cette méthode serait de nouveau appliquée pour la répartition des postes et des crédits en 2000.

Par ailleurs, elle a fait état de la création de 145 postes de greffiers, contre 122 cette année, de 100 assistants de justice et de 1.000 emplois-jeunes pour l'accueil du public dans les tribunaux et les maisons de justice.

Puis, Mme Elisabeth Guigou a évoqué la constitution d'une deuxième provision de 20 millions de francs pour la réforme du statut de la magistrature, qui s'ajoute à une première tranche de 18 millions de francs provisionnée sur 1999.

Elle a expliqué que cette réforme était destinée à surmonter les blocages des carrières liés aux déséquilibres démographiques du corps, en particulier l'allongement du délai de changement de grade pour les générations sorties de l'école nationale de la magistrature (ENM) depuis 15 ans et la dégradation de plus en plus marquée des avancements de carrière pour les magistrats de province.

En ce qui concerne les crédits de fonctionnement courant, elle a souligné l'augmentation de 26 millions de francs des crédits des juridictions. Cet effort devrait permettre d'accompagner la déconcentration, la mise en service de nouveaux bâtiments judiciaires et la constitution des pôles de lutte contre la délinquance économique et financière, pour lesquels une première tranche de quinze agents du ministère des finances ont été mis gratuitement à disposition depuis juin 1999.

Ces moyens supplémentaires devraient également être consacrés aux conseils départementaux d'aide juridique (CDAJ), à la politique de la ville et aux maisons de justice et du droit.

En ce qui concerne les frais de justice, Mme Elisabeth Guigou a noté que leur dotation augmentait de 109 millions de francs, non pas pour compenser une dérive des coûts mais pour financer des mesures nouvelles comme l'indemnisation des personnes abusivement détenues et relaxées, acquittées ou bénéficiant d'un non-lieu (30 millions de francs), le dépistage de l'usage de stupéfiants dans les accidents mortels de la circulation (19 millions de francs), la prise en charge de 200 délégués du procureur supplémentaire (10 millions de francs) ou encore, l'affiliation des collaborateurs occasionnels du service public de la justice au régime général de la sécurité sociale (41 millions de francs).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a ensuite évoqué les contrats de gestion mis en place en 1998 dans les cours d'appel, qui consistent à reverser aux juridictions, en crédits de fonctionnement, une partie des économies réalisées sur les frais de justice. Elle a annoncé que le premier semestre 1999 se caractérisait par une stabilisation en volume de ces dépenses, alors qu'elles progressaient de 8 % par an auparavant.

Elle a estimé que les dépenses de frais de justice pourraient se stabiliser en 1999, ce qui permettrait de dégager des marges de manoeuvre significatives pour d'autres actions.

Puis, elle a justifié la hausse de 100 millions de francs de l'aide juridictionnelle en raison de l'entrée en vigueur de plusieurs mesures nouvelles  telles l'intervention de l'avocat au cours de la garde à vue (47 millions de francs), et la revalorisation de l'unité de valeur de 1,5 % (17 millions de francs).

Ensuite, Mme Elisabeth Guigou a rappelé que l'amélioration de la justice au quotidien passait aussi par la poursuite des travaux de construction et de sécurité des palais de justice. Aussi, 805 millions de francs d'autorisations de programme sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2000 afin notamment de lancer la construction des palais de justice de Pontoise, Cahors, Laval, Bobigny, Versailles et d'engager le désamiantage de Nanterre.

Elle a fait savoir qu'en 1999, les palais de justice de Rennes, Nice et Grasse avaient été achevés, tandis que l'an 2000 devrait voir la mise en service des bâtiments construits à Grenoble et en Avignon.

Par ailleurs, la garde des sceaux a souligné l'effort financier accompli en direction des juridictions administratives avec 83 créations de postes dont 40 magistrats, contre 61 postes dont 20 magistrats en 1999.

En outre, elle a annoncé la poursuite de l'effort d'investissement pour la justice administrative avec une nouvelle tranche de 50 millions de francs d'autorisations de programme prévue pour 2000.

Mme Elisabeth Guigou a ensuite abordé la protection judiciaire de la jeunesse. Elle a insisté sur le fait que le traitement de la délinquance des mineurs est une des priorités du Gouvernement et repose sur trois axes : une réponse rapide et systématique aux actes de primo délinquance, notamment par le développement des mesures de réparation, le renforcement des dispositifs d'hébergement et la prise en charge continue des mineurs par le développement des activités de jour.

Elle a déclaré que, s'agissant des moyens mis en oeuvre pour mener cette politique, le budget 2000 marque un changement d'échelle. D'une part, 380 postes sont créés en 2000, contre 150 en 1999 et 100 en 1998, auxquels il faut ajouter le lancement de concours exceptionnels pour 300 postes supplémentaires, ce qui portera à 680 les recrutements l'année prochaine.

D'autre part, les crédits de fonctionnement du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse augmenteront de 22 % (+ 67 millions de francs) et ceux du secteur associatif habilité progresseront de + 19 % (+ 234 millions de francs). Au total, les moyens des services de la protection judiciaire de la jeunesse connaîtront une progression de + 16 % en un an.

Mme Elisabeth Guigou a fait remarquer que cet effort considérable visait à mettre en oeuvre le plan annoncé en janvier par le Gouvernement avec l'ouverture d'ici fin 2000 de 100 centres éducatifs renforcés et de 50 centres de placement immédiat d'ici fin 2001.

Elle a ajouté que l'ensemble des services seront également renforcés, notamment par le recrutement de 600 emplois-jeunes. Cette hausse des effectifs des personnels éducatifs devrait permettre d'augmenter la capacité de prise en charge des mesures de réparations ordonnées par les juges (12.000 prévues pour l'année prochaine).

Mme Elisabeth Guigou a précisé qu'au plan indemnitaire, la protection judiciaire de la jeunesse bénéficierait d'une enveloppe de 9,1 millions de francs, dont 6,2 millions de francs pour un rattrapage général des primes, 1,8 million de francs pour la revalorisation et la modulation des primes des directeurs, ainsi que de 0,8 million de francs pour la création d'un taux de 100 F pour chaque nuit de dimanche ou de jour férié.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a ensuite commenté les crédits de l'administration pénitentiaire. Elle a salué la création de 386 postes et la hausse des crédits de 434 millions de francs.

Elle a déclaré que 173 emplois étaient destinés à améliorer les conditions de travail et de sécurité des personnels, que 85 postes, dont 40 surveillants, visaient à renforcer la prise en charge des détenus, notamment en détention provisoire, mais aussi pour préparer la réinsertion, et que 128 emplois, dont 118 personnels de surveillance, avaient comme objectif l'amélioration de la détention des mineurs.

Elle a ensuite décrit les mesures d'investissement, aussi bien en matière de construction que de rénovation.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de la justice, a rappelé que le " programme 4000 " permettait la construction de six établissements nouveaux, avec une première tranche de trois constructions (Toulouse, Lille et Avignon) pour laquelle les crédits ont déjà été engagés et une seconde tranche (Toulon, Meaux et Liancourt) pour laquelle 150 millions de francs d'autorisations de programme sont inscrits au budget 2000.

Elle a insisté sur le fait qu'au total, 1,65 milliard de francs d'autorisations de programme auront été ouverts entre 1998 et 2000.

Elle a en outre annoncé le lancement d'un programme de rénovation des cinq plus grandes maisons d'arrêt (Fresnes, Fleury-Mérogis, la Santé, les Baumettes et Loos) : 1 milliard de francs sur 4 ans.

En conclusion, Mme Elisabeth Guigou a salué le renforcement de l'Inspection générale qui bénéficie de quatre nouvelles créations de postes, après cinq en 1999.

Un large débat s'est alors ouvert.

M. Hubert Haenel, rapporteur spécial, a fait quatre observations liminaires. D'une part, il s'est félicité de l'augmentation significative des crédits de la justice et a rappelé que le budget avait été voté à l'unanimité du Sénat l'année précédente. D'autre part, il a constaté avec plaisir que la ministre de la justice s'inspirait des idées développées au sein des commissions du Sénat ou dans les rapports d'information pour élaborer ses réformes.

Par ailleurs, il a approuvé le principe des contrats de gestion qui permettent aux juridictions de garder une partie des économies réalisées. Il a également constaté que les magistrats avaient compris que l'augmentation des crédits devait s'accompagner d'un réexamen de l'organisation et des méthodes pour rendre l'institution judiciaire plus performante.

Ensuite, M. Hubert Haenel, rapporteur spécial, a fait remarquer que l'existence d'un ou deux postes vacants dans une petite juridiction perturbait considérablement son fonctionnement et a demandé quelles mesures étaient envisagées pour limiter les vacances de postes. Puis, il s'est inquiété du manque de personnel de catégorie C pour transcrire les décisions, entraînant un retard considérable dans le fonctionnement des juridictions.

En outre, il a également demandé combien d'emplois-jeunes étaient occupés au ministère de la justice et quelles étaient leurs affectations. Il a souligné la nécessité d'ouvrir l'école nationale de la magistrature sur l'extérieur. Par ailleurs, il a défendu le développement d'un dispositif d'évaluation de l'activité des magistrats et des juridictions en général, ainsi que le renforcement des missions de l'inspection générale des services judiciaires. Enfin, il a demandé des renseignements sur l'éventuelle délocalisation du tribunal de grande instance de Paris et sur l'amélioration des conditions de travail dans les tribunaux administratifs et les cours d'appels.

M. Roland du Luart a approuvé l'évolution du budget de la justice mais a regretté l'insuffisance des crédits en faveur de la construction des établissements pénitentiaires. A l'appui de ce constat, il a cité l'exemple dramatique de la maison d'arrêt du Mans dont les conditions de détention sont déplorables, avec des cellules surchargées, des locaux de travail non conformes aux normes de sécurité, et dont l'Etat promet la reconstruction depuis 1951.

Mme Marie-Claude Beaudeau a rappelé que plus de 30 tribunaux de commerce avaient déjà été fermés et a souhaité savoir si de nouvelles fermetures étaient envisagées. Elle a également réclamé des informations sur les conséquences sociales desdites fermetures ainsi que sur les contrôles visant les personnes intervenant auprès des incapables majeurs et sur l'augmentation des crédits dont bénéficieront les juridictions du département de Pontoise pour 2000.

M. Michel Charasse s'est interrogé, en dépit de la création de nombreux postes, sur le nombre d'emplois vacants. Il a donc souhaité des renseignements à ce sujet. Il s'est également interrogé sur la qualité des recrutements, sur le montant des économies qu'engendrerait la réforme de la carte des tribunaux de commerce et sur les dépenses des cabinets d'instruction. A cet égard, il a souhaité que la chancellerie développe une comptabilité distincte permettant de connaître le montant des frais par affaire engendrés par les instructions sans que ce dispositif n'entrave l'action des juges d'instruction.

Par ailleurs, il a également prôné une réforme du dispositif de recouvrement des amendes pénales. Il a demandé si l'indemnisation des personnes abusivement détenues et relaxées s'accompagnerait d'une responsabilisation des magistrats ayant ordonné la détention. Il a également souhaité des renseignements complémentaires sur l'éventuelle responsabilité du chef de cour de la cour d'appel de Rennes dans l'incendie qui avait détruit l'édifice.

Par ailleurs, il a réclamé une étude sur le rendement du pôle de lutte contre la délinquance économique et financière installé à Paris. Puis il a insisté sur la nécessité de sensibiliser les magistrats en formation initiale ou continue au développement de la responsabilité des élus en matière civile et pénale du fait de la judiciarisation puissante de la société. Enfin, il s'est demandé si les maisons d'arrêt figuraient parmi la liste des établissements ouverts au public et pour lesquels les maires engagent leur responsabilité en cas d'accident.

M. Jacques Oudin a alors demandé de nombreuses précisions sur l'utilisation des crédits de la justice auxquelles Mme Elisabeth Guigou, ministre de la justice, s'est engagée à apporter une réponse écrite, comme à toutes les questions posées qui demanderaient un examen plus approfondi.

M. Maurice Blin a souhaité connaître la date à laquelle les prochaines décisions concernant les fermetures de tribunaux de commerce seraient arrêtées et les conséquences des dites fermetures dans le département des Ardennes.

M. René Ballayer a salué la qualité du travail des magistrats des juridictions de la Mayenne, alors même qu'ils exercent leur métier dans des conditions difficiles.

M. Alain Lambert, président, a souhaité des informations complémentaires sur les surveillants en surnombre dans les établissements pénitentiaires, sur la réforme de la carte judiciaire, sur la pertinence de l'affectation de magistrats à des tâches administratives et enfin, sur les conséquences pour la chancellerie de la création d'une direction générale du droit au ministère de l'économie et des finances.

En réponse, Mme Elisabeth Guigou a reconnu qu'un nombre important de réflexions sur la justice développées au Sénat avaient inspiré ses réformes passées ou en cours.

En ce qui concerne les contrats de gestion, elle s'est montrée favorable à la poursuite de l'action d'intéressement et a reconnu qu'il était inutile d'augmenter les crédits si les procédures n'étaient pas simplifiées et si la gestion des tribunaux n'était pas améliorée. Elle a ensuite donné l'exemple des cours d'appel de Douai et d'Aix qui, depuis qu'elles avaient reçu des moyens supplémentaires, pouvaient commencer à améliorer leurs conditions de fonctionnement.

En ce qui concerne les vacances de postes, elle a annoncé que des mesures avaient été prises pour diminuer le nombre de vacances budgétaires tandis que l'augmentation du nombre des magistrats placés permettait une plus grande flexibilité dans la gestion des congés maladie et maternité.

Ensuite, elle a ajouté que pour l'ensemble des personnes, tous services confondus, le taux des vacances, qui est de 2,3 % à fin septembre 1999, devrait passer à 1 % au 31 décembre 1999, compte tenu des recrutements en cours.

En ce qui concerne les emplois-jeunes, elle a fait remarquer qu'ils seraient affectés à l'accueil des juridictions et des maisons de la justice et du droit ainsi que, sous la responsabilité des éducateurs, à l'animation d'activités scolaires, culturelles et sportives pour les mineurs délinquants.

En ce qui concerne l'école nationale de la magistrature, elle s'est félicitée de la réflexion engagée par de nombreux magistrats sur leur métier et de l'ouverture croissante de l'école vers le monde extérieur et les autres juridictions internationales sous l'impulsion de son directeur.

Elle a fait état des énormes progrès enregistrés en matière de coopération judiciaire internationale depuis la création des magistrats de liaison. Elle a souligné la nécessité de créer un réseau de formation qui concernerait non seulement les magistrats, mais aussi les greffiers, les éducateurs et l'ensemble des personnels.

En ce qui concerne le palais de justice de Paris, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, a déclaré qu'un accord était intervenu entre le tribunal de grande instance, la cour d'appel et la Cour de Cassation sur le choix de la juridiction à délocaliser, à savoir le tribunal de grande instance, et qu'un dossier avait été préparé sur la superficie nécessaire, les normes de sécurité et d'habitabilité à respecter.

En ce qui concerne la vétusté de la maison d'arrêt du Mans, Mme Elisabeth Guigou s'est engagée à demander un rapport écrit précis sur la situation de cet établissement. Elle a cependant appelé l'attention des sénateurs sur l'insuffisance des crédits à sa disposition pour rénover le parc pénitentiaire français et a rappelé que de nombreux autres établissements se trouvaient dans une situation au moins aussi dramatique.

Puis Mme Elisabeth Guigou a déclaré partager les préoccupations des commissaires sur les conséquences sociales de la fermeture de certains tribunaux de commerce. Elle a cependant tenu à les rassurer en précisant que la chancellerie avait veillé à ce qu'elles soient le plus limitées possibles.

En ce qui concerne les incapables majeurs, elle a rappelé qu'un rapport conjoint de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection générale des services judiciaires avait été consacré à la prise en charge des incapables majeurs et qu'une expérimentation était lancée dans certaines juridictions. Elle a ajouté qu'en fonction des résultats obtenus, elle proposerait une réforme ultérieurement.

Concernant la réforme de la carte judiciaire, elle a déclaré que la mission en charge de cette réforme s'était d'abord penchée sur la répartition géographique des tribunaux de commerce. Au mois de juillet dernier, 34 fermetures avaient été décidées par décret ; d'autres fermetures seront arrêtées avant la fin de l'année. Elle a insisté sur le travail de concertation au niveau local à ce sujet.

En ce qui concerne les délais de construction du tribunal de grande instance de Pontoise, Mme Elisabeth Guigou a annoncé que 140 millions de francs étaient inscrits dans le projet de budget pour 2000 pour sa construction et qu'il serait mis en service en 2003.

Puis la ministre a déclaré partager le souci, manifesté par la commission, de bonne gestion des crédits affectés au ministère de la justice. Elle s'est portée garante de la qualité des recrutements effectués par concours exceptionnels. Par ailleurs, elle a souligné l'augmentation du taux de recouvrement des amendes pénales depuis quelques années et a annoncé qu'un groupe de travail interministériel réfléchissait sur l'amélioration des procédures pour rendre le recouvrement plus efficace.

En ce qui concerne la délocalisation des instructions, elle a fait remarquer que la décision d'attribution des affaires à telle juridiction ne lui appartenait pas et que les textes ne prévoyaient une centralisation des affaires au palais de justice de Paris qu'en matière de terrorisme.

En ce qui concerne le coût de fonctionnement des cabinets d'instruction, Mme Elisabeth Guigou a insisté sur son souci constant d'éviter tout gaspillage, sans pour autant entraver l'activité des juges. Elle a également démenti le caractère luxueux du pôle de lutte contre la délinquance économique et financière.

Concernant les détentions préventives, elle a estimé que le projet de loi sur la présomption d'innocence devrait contribuer à diminuer notablement le nombre de détentions abusives.

Enfin, évoquant la direction générale du droit au sein du ministère de l'économie et des finances, Mme Elisabeth Guigou s'est montrée favorable à ce que les grands ministères se dotent de services juridiques. Toutefois, elle s'est montrée soucieuse de développer l'information réciproque entre lesdits services et les directions de la chancellerie pour assurer la cohérence de l'action du Gouvernement dans le domaine juridique.