Travaux de la commission des finances



- Présidence de M. Alain Lambert, président.

Collectivités territoriales - Renforcement et simplification de la coopération intercommunale - Audition de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur



Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, sur le projet de loi n° 220 (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale.

M. Jean-Pierre Chevènement
a présenté les objectifs poursuivis par le projet de loi, en indiquant, au préalable, que l'idée générale consistait à repenser l'organisation urbaine de la France et à sauvegarder ses communes rurales.

Tout en soulignant le succès de l'application de la loi sur l'administration territoriale de la République du 6 février 1992, le ministre de l'intérieur a rappelé que des régions entières et surtout, les villes, n'y avaient pas participé, puisque, seules, cinq communautés de villes avaient été créées. Il a également regretté que la recette de taxe professionnelle unique ne représente encore que 7 % du produit national de la taxe professionnelle.

M. Jean-Pierre Chevènement a ensuite déclaré que le premier objectif du projet de loi consistait à forger l'outil politique et juridique nécessaire pour résoudre les difficultés spatiales et sociales des agglomérations, l'agglomération étant le niveau pertinent de définition et de mise en oeuvre d'une politique de la ville.

Il a expliqué qu'il s'agissait de structurer les agglomérations comptant plus de 50.000 habitants autour d'une ville-centre d'au moins 15.000 habitants, pour créer une nouvelle catégorie d'établissement public, la communauté d'agglomération, obligatoirement dotée d'une taxe professionnelle unique. Il a précisé les compétences et le périmètre d'action de ces communautés d'agglomération : à un "noyau dur" de compétences pourront s'ajouter des actions supplémentaires au nombre desquelles l'assainissement, la collecte et le traitement des déchets et la gestion d'équipements collectifs ; le périmètre de la communauté d'agglomération coïncidera avec celui de l'aire urbaine au sens de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Parallèlement à la création des communautés d'agglomération, le seuil de création des communautés urbaines sera relevé de 20.000 à 500.000 habitants.

Le ministre de l'intérieur a ensuite fait valoir que ces dispositions n'allaient pas à l'encontre des intérêts spécifiques des communes rurales, mais qu'elles étaient une chance pour leur développement.

Il a ainsi souhaité que les espaces ruraux se structurent autour de bourgs-centres ou de petites villes, afin de bénéficier de nouvelles capacités d'investissement et d'une mise en commun de leurs moyens de fonctionnement.

Il a déclaré que la modification des modes d'intercommunalité urbaine permettrait à la communauté de communes de retrouver sa vocation initiale : celle-ci redeviendra l'outil spécifique du monde rural et elle répondra à des critères de prudence et de progressivité qui permettront aux districts et communautés de villes ne pouvant se constituer en communautés d'agglomération de choisir ce statut.

Enfin, il a précisé que la dotation globale de fonctionnement (DGF) des communautés d'agglomération serait financée sur des ressources nouvelles et non sur l'enveloppe nationale de la dotation globale de fonctionnement, dont une part est réservée aux groupements à fiscalité propre.

M. Jean-Pierre Chevènement a ensuite présenté les moyens apportés à la réforme de l'intercommunalité, au premier rang desquels les moyens fiscaux.

Il a affirmé que la solidarité territoriale ne pouvait exister sans mutualisation des ressources, et, à terme, mixité sociale. Il a déclaré que les communautés d'agglomération devraient obligatoirement bâtir leur projet commun à partir de la taxe professionnelle unique d'agglomération, rappelant que, par voie d'amendement, l'Assemblée nationale en avait fait le régime fiscal de plein droit pour tous les groupements de plus de 500.000 habitants.

Observant que la réforme de la taxe professionnelle, dans la loi de finances pour 1999, n'avait pas réglé le problème de la dispersion des taux entre les communes, il a estimé qu'un partage volontaire serait plus efficace que la solution préconisée par le Conseil des impôts en 1995, à savoir la nationalisation. Il a rappelé que le projet de loi prévoyait un processus d'une unification progressive de la taxe professionnelle pouvant s'étaler sur 12 ans au maximum.

Pour assurer la sécurité budgétaire des communautés d'agglomération et des communautés urbaines nouvelles, il a rappelé que le projet de loi reprenait un mécanisme imaginé par M. Dominique Perben en 1997, à savoir un dispositif de "fiscalité mixte".

M. Jean-Pierre Chevènement a fait observer que ce dispositif fiscal avait été modifié par l'Assemblée nationale, contre l'avis du Gouvernement, sur plusieurs points : la limitation de la "fiscalité mixte" aux cas de déséquilibres budgétaires liés à des pertes de taxe professionnelle a été supprimée, la déliaison des taux entre la taxe professionnelle et les impôts pesant sur les ménages a été étendue aux communautés de communes adoptant la taxe professionnelle unique.

Enfin, estimant que la péréquation volontaire des charges et des ressources serait plus difficile à réaliser en Ile-de-France, il a rappelé que le projet de loi prévoyait de renforcer le fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France.

Après les mesures fiscales, le ministre de l'intérieur a abordé les autres moyens accordés à l'intercommunalité par l'intermédiaire de la dotation globale de fonctionnement.

Afin de parvenir, dans les cinq ans, à la création d'une cinquantaine de communautés d'agglomération, M. Jean-Pierre Chevènement a rappelé que celles qui seront créées d'ici le 1er janvier 2005 bénéficieront d'une dotation globale de fonctionnement de 250 francs par habitant, soit le double de celle aujourd'hui accordée aux communautés de villes, pour un coût de l'ordre de 500 millions de francs par an. Ce coût sera assumé par un prélèvement sur les recettes de l'Etat, et non par l'enveloppe de la dotation globale de fonctionnement, afin que l'intercommunalité en milieu rural puisse continuer à être soutenue. Il a fait observé que le Gouvernement avait relevé le montant de dotation accordé aux communautés de communes d'au moins 3.500 habitants, mais qu'aller plus loin risquerait de compromettre la progression de la dotation de solidarité rurale.

Enfin, le ministre de l'intérieur a abordé deux sujets d'ordre technique : la correction du coefficient d'intégration fiscale (CIF) et les mécanismes de progression de la dotation globale de fonctionnement pour les groupements.

Puis, le ministre de l'intérieur a répondu aux questions de M. Michel Mercier, rapporteur pour avis du projet de loi.

Le ministre de l'intérieur a estimé qu'il ne voyait pas de paradoxe à supprimer la part salariale de la taxe professionnelle dans la loi de finances pour 1999 et à introduire une seconde réforme dans le projet de loi relatif à l'intercommunalité la même année. Il a estimé que la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle était une mesure très positive pour les petites et moyennes entreprises, qui, si elle conduisait, sur cinq ans, à diminuer de plus d'un tiers le produit de la taxe, permettait également une rationalisation des politiques publiques et le développement des entreprises, éléments favorables à la mise en place progressive de la taxe professionnelle unique.

S'agissant de la "fiscalité mixte", M. Jean-Pierre Chevènement a déclaré qu'elle donnait un élément de souplesse indispensable aux groupements de communes qui souhaiteraient se transformer en communautés d'agglomération.

Concernant l'écart de la dotation globale de fonctionnement par habitant entre les communautés urbaines et les communautés de communes, le ministre de l'intérieur a fait valoir qu'il existait déjà et que le projet de loi contribuait plutôt à sa réduction. Il a indiqué que si l'on relevait au-delà de 150 francs par habitant la dotation aux communautés de communes, le coût serait porté, la première année, de 50 à 76 millions de francs pour les établissements publics de coopération intercommunale qui se transformeraient en communautés de communes, et de 117 à 137 millions de francs pour les structures existant déjà. La contribution accrue aux communautés de communes viendrait diminuer les dotations aux communes n'entrant pas dans le champ de l'intercommunalité, avec notamment pour conséquence une baisse de la dotation de solidarité urbaine.

Au sujet de la dotation de solidarité pour les communes au sein des groupements, le ministre de l'intérieur a fait valoir que les groupements pouvaient instituer une dotation de solidarité, mais avec un plafond. Si cette opportunité n'est pas offerte aux communautés urbaines, il a estimé qu'elle pourrait s'étendre aux communautés d'agglomération.

Puis M. Jean-Pierre Chevènement a répondu aux questions de M. Daniel Hoeffel, rapporteur de la commission des lois sur le projet de loi.

Le ministre de l'intérieur a déclaré qu'il n'envisageait pas que le rythme de création des communautés d'agglomération aboutisse à mettre à contribution la dotation compensatrice de taxe professionnelle (DCTP), sauf au terme des cinq années du programme de financement, si aucune disposition législative ne venait compléter ce programme.

Concernant la dotation globale de fonctionnement attribuée à chaque catégorie de groupement, le ministre de l'intérieur a répété que le projet de loi allait plutôt dans le sens d'une réduction des écarts de dotations et que les communautés de communes répondant à certains critères pourraient, comme les communautés d'agglomération, bénéficier de dotations majorées. Il a ainsi réfuté l'idée d'un traitement financier défavorable aux communes rurales.

Un large débat s'est alors ouvert.

M. Joël Bourdin s'est interrogé sur l'avenir des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle et sur leur éventuel assèchement.

Il s'est félicité de la correction du coefficient d'intégration fiscale, qui permettra de remédier aux différences dans le contrôle de légalité constaté d'un département à l'autre. Il a déploré que l'entrée en vigueur de la correction soit étalée sur 10 ans.

M. Jean-Philippe Lachenaud a constaté que le projet de loi respectait les principes de la décentralisation, de la liberté de coopération et la structure institutionnelle locale. Evoquant les dotations de solidarité, il a estimé qu'elles étaient inévitables, mais pouvaient donner lieu à des répartitions arbitraires. Il a insisté sur la nécessité d'encadrer les délibérations des conseils, par convention ou dans le statut des groupements.

Il a interrogé le ministre sur les conditions d'un éventuel retour des syndicats d'agglomération nouvelle au droit commun. Il a considéré que, compte tenu des incohérences provoquées par la succession de la loi d'orientation relative à l'aménagement durable du territoire et le projet de loi sur la coopération intercommunale, il faudrait procéder a posteriori à l'ensemble des coordinations nécessaires, notamment dans le secteur des parcs naturels régionaux.

Il a regretté qu'aucun de ces deux textes ne précise les conditions d'exercice de la maîtrise d'ouvrage en matière de politique de la ville.

M. Gérard Miquel s'est félicité de la majoration de la dotation globale de fonctionnement de la catégorie des communautés de communes à taxe professionnelle unique intervenue lors de la discussion du projet de loi en première lecture à l'Assemblée nationale, mais a estimé que cet effort restait insuffisant. Evoquant les compétences transférées par des communes à leur groupement, il a considéré que la création de centres intercommunaux d'action sociale était souhaitable. Il a souligné les difficultés rencontrées par les groupements à fiscalité propre en matière de perception de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.

Mme Marie-Claude Beaudeau a évoqué une récente étude réalisée par la Caisse des dépôts et consignations relative à l'augmentation de la pression fiscale locale. Elle a estimé que les conclusions de cette étude ne rendaient pas souhaitable la perception par les groupements à taxe professionnelle unique de la taxe d'habitation et des taxes foncières. Elle s'est déclarée favorable à une mise en oeuvre rapide de la révision des valeurs locatives cadastrales, qui permettra de réduire les inégalités entre les contribuables.

M. Claude Belot a demandé au ministre de l'intérieur s'il entendait procéder à la mise en oeuvre des dispositions relatives à la péréquation prévue par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, que le texte actuellement en discussion au parlement n'abroge pas et qui, par conséquent, restent en vigueur. Il a regretté que l'existence de seuils démographiques conditionnant le bénéfice par un groupement de certaines dotations constitue parfois un frein à la coopération intercommunale, et notamment en ce qui concerne les " pays ". Il a préconisé plus de souplesse en cette matière.

M. Jacques Oudin a rappelé que le pays ne devait pas devenir un échelon administratif supplémentaire. Il a considéré que l'impossibilité pour les pays de percevoir une fiscalité propre constituait, à cet égard, un garde-fou efficace. Il a suggéré que, au sein des conseils des structures intercommunales, aucune commune ne puisse représenter plus de 40 % des voix. Il a considéré que la proportion actuelle de 50 % était plus propice à la confrontation qu'à la négociation.

M. Yann Gaillard a estimé que le développement des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ne devait pas conduire à marginaliser les structures intercommunales sectorielles, telles que les syndicats départementaux d'eau et d'électricité.

M. René Ballayer s'est demandé si l'existence de la taxe professionnelle ne constituait pas un handicap pour la France dans le contexte de l'harmonisation fiscale européenne.

M. Alain Lambert, président, a rappelé que les montants par habitant de la dotation globale de fonctionnement accordée à chacune des catégories de groupements à fiscalité propre étaient des montants moyens. Il a ajouté que, au sein de chacune des catégories, le montant de la dotation par habitant perçue par un groupement pouvait être très différent de cette moyenne.

Il a considéré que la définition actuelle du coefficient d'intégration fiscale était imparfaite, mais que les dépenses de transfert réalisées par les groupements permettaient souvent de réaliser une péréquation des richesses à l'échelle de leur territoire.

En réponse à M. Joël Bourdin, M. Jean-Pierre Chevènement a rappelé que l'écrêtement au profit des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle des communautés d'agglomération et des communautés urbaines à taxe professionnelle unique était remplacé par un prélèvement sur les recettes fiscales du groupement d'un montant équivalent à l'écrêtement réalisé l'année précédant le passage à la taxe professionnelle unique. Il a estimé que, si ce système incitait à l'intégration fiscale, il n'aurait pas pour conséquence de bouleverser le système d'alimentation des fonds.

Il a affirmé que la correction du coefficient d'intégration fiscale était nécessaire afin de pouvoir comparer les groupements sur une base homogène. L'objectif de la correction est de mesurer les compétences effectivement assurées par le groupement. Il a estimé que la discussion du texte à l'Assemblée nationale avait permis d'améliorer la définition du coefficient d'intégration fiscale, mais que celle-ci était encore perfectible.

En réponse à M. Jean-Philippe Lachenaud, le ministre de l'intérieur a indiqué que les syndicats d'agglomération nouvelle pourraient conserver leur statut actuel ou se transformer en communauté d'agglomération. S'agissant de la coordination entre les dispositions du projet de loi relatif à la coopération intercommunale et celles de la loi sur l'aménagement du territoire, il a estimé qu'elle relevait des compétences du ministre de l'environnement et de l'aménagement du territoire. Il a précisé que la maîtrise d'ouvrage de la politique de la ville revenait à chaque collectivité. A ce titre, il a rappelé que la politique de la ville constituerait une compétence obligatoire des communautés d'agglomération.

En réponse à M. Gérard Miquel, M. Jean-Pierre Chevènement a considéré qu'une éventuelle augmentation de la majoration de la dotation d'intercommunalité des communautés de communes à taxe professionnelle unique aurait pour conséquence de pénaliser les ressources des communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine ou à la dotation de solidarité rurale. Il a constaté que le transfert par des communes de la compétence en matière sociale à des groupements n'était pas possible, car l'action sociale est une compétence de nature départementale.

A Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Pierre Chevènement a signalé que les chiffres auxquels elle avait fait référence ne correspondaient pas à ceux du ministère de l'intérieur.

Evoquant le risque d'un alourdissement de la pression fiscale sur les ménages en raison de l'ouverture de la possibilité de mettre en place une fiscalité mixte dans les groupements à taxe professionnelle unique, il a espéré que les élus auront la sagesse de baisser leurs impôts communaux afin de compenser l'augmentation de la fiscalité prélevée par le groupement.

S'agissant du financement de la DGF des communautés d'agglomération, il a estimé qu'une ponction trop importante sur la dotation de compensation de la taxe professionnelle " ne manquerait pas de poser des problèmes ". Il s'est, lui aussi, déclaré favorable à une mise en oeuvre rapide de la révision des bases des valeurs locatives cadastrales. Il a préconisé son étalement sur quatre ans et s'est interrogé sur la meilleure date pour le lancement de cette réforme.

A M. Claude Belot, M. Jean-Pierre Chevènement a indiqué que les objectifs de la loi de 1995 en matière de péréquation n'étaient pas abandonnés. Il a signalé que la péréquation avait fait des progrès dans la loi de finances pour 1999. Ainsi, la dotation de solidarité urbaine a bénéficié d'un financement budgétaire supplémentaire s'établissant à 500 millions de francs et la baisse des attributions au titre de la dotation de compensation de la taxe professionnelle des communes défavorisées a été modulée.

En réponse à M. Jacques Oudin, le ministre de l'intérieur s'est demandé si la limitation à 40 % de la proportion des voix détenues par une seule commune dans le conseil d'un groupement ne constituerait pas un obstacle à la création de certains groupements. Il a cependant rappelé qu'il existait une formule à l'amiable et que pour qu'un groupement fonctionne de manière efficace, il fallait que les populations soient représentées de manière équitable.

A M. Yann Gaillard, M. Jean-Pierre Chevènement a indiqué que la formule de la " représentation-substitution " était la seule solution pour empêcher que les compétences obligatoires des communautés d'agglomération n'empiètent sur celles d'anciens syndicats.

En réponse à M. René Ballayer, le ministre de l'intérieur a considéré que l'harmonisation fiscale européenne ne serait jamais d'une ampleur telle qu'elle menacerait la taxe professionnelle. Il a par ailleurs ajouté que, dans la plupart des autres pays de l'Union européenne, il n'existait pas de corrélation entre les libertés locales et la proportion des recettes fiscales dans les ressources totales des collectivités locales.

A M. Alain Lambert, président, M. Jean-Pierre Chevènement a rappelé que la correction du coefficient d'intégration fiscale entrerait en vigueur sur 10 ans, ce qui contribuera à atténuer son éventuel impact négatif sur les ressources de certains groupements. S'agissant des fusions de communes, il a estimé que la loi Marcellin n'avait pas été un succès, et qu'il ne lui apparaissait pas très utile de persévérer dans cette voie.

Banques et établissements financiers - Epargne et sécurité financière - Audition de M. Charles Milhaud, président du directoire du Centre national des caisses d'épargne et de prévoyance (CENCEP)

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi et présidée par M. Bernard Angels, la commission a procédé à l'audition de M. Charles Milhaud, président du directoire du Centre national des caisses d'épargne et de prévoyance (CENCEP) sur le projet de loi n° 273  (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à l'épargne et à la sécurité financière.

M. Charles Milhaud s'est tout d'abord félicité de la réforme du statut des Caisses d'épargne en rappelant qu'elle était souhaitée par le réseau depuis 1996. Il a indiqué que cette réforme était nécessaire dans un contexte bancaire en forte mutation, pour éviter que les caisses d'épargne ne se marginalisent, non seulement par rapport à leurs concurrents français, mais également par rapport aux caisses d'épargne étrangères qui ont déjà opéré leur modernisation. Il a évoqué à cet égard le cas des caisses d'épargne italiennes et allemandes.

Le président du CENCEP a rappelé qu'en dépit d'une diversification de leurs activités (les encours sur livret A ne représentent plus que 20 % du produit net bancaire - PNB - des caisses d'épargne), les Caisses d'épargne et de prévoyance souffraient d'un manque de rentabilité en raison d'un coefficient d'exploitation proche de 80 % (ce chiffre n'est qu'une moyenne, le coefficient pouvant varier entre 70 % et 90 % selon les caisses). A l'origine de ce mauvais résultat, il a évoqué des facteurs structurels et sociaux : les charges informatiques du réseau des caisses d'épargne représentent ainsi 15 % du PNB du réseau, contre 10 % en moyenne dans les autres établissements bancaires (le Crédit agricole cherchant à ramener ce coût à 7 % de son PNB) ; de même, les caisses d'épargne ne disposent pas d'une organisation en matière de gestion financière leur permettant de gérer 320 milliards de francs de liquidités ; par ailleurs, les frais de personnel atteignent 50 % du PNB de la banque contre 35 % en moyenne dans les autres réseaux bancaires. Enfin, le dossier de la Caisse générale de retraite du personnel des caisses d'épargne hypothèque l'avenir du groupe.

Après avoir souligné la nécessité pour les caisses d'épargne de sortir d'un statut sui generis pour pouvoir nouer des alliances avec d'autres partenaires financiers (notamment frontaliers), M. Charles Milhaud a estimé que le statut mutualiste correspondait à l'esprit des caisses d'épargne. Il s'est réjoui de la fusion programmée du CENCEP et de la Caisse centrale des caisses d'épargne au sein d'un organe central unifié dénommé Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance (CNCEP). Il s'est toutefois inquiété des contraintes importantes que la réforme assignait aux caisses à travers, d'une part, la rémunération de 18,8 milliards de francs de capital social (soit 40 % des fonds propres après prise en compte du passif social) répartis sous forme de parts sociales et de certificats coopératifs d'investissement et, d'autre part, l'obligation de verser un " dividende d'intérêt général ".

Le président du CENCEP a considéré que cette double contrainte serait d'autant plus lourde à assumer pour les caisses qu'elles devraient concomitamment consentir des efforts financiers importants pour moderniser leur outil informatique et pour provisionner les charges de retraite. Il a également fait valoir que la part rémunérée des fonds propres des concurrents mutualistes des caisses d'épargne était inférieure : 16,5 % au Crédit agricole, 35 % au Crédit mutuel et 27 % chez les Banques populaires sur la base des comptes à fin 1997.

Interrogé par M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le " dividende social ", M. Charles Milhaud a indiqué que les caisses d'épargne s'étaient fixé comme objectif, lors de leur Congrès de Deauville, de consacrer 10 % de leurs résultats nets à des actions d'intérêt général, soit environ 100 à 150 millions de francs. Il a précisé qu'outre des subventions à des organismes philanthropiques (par exemple destinés à la recherche médicale), l'Association nationale senior Ecureuil gérait 26 maisons d'accueil pour personnes âgées dépendantes, 6 centres d'aide à la réinsertion par le travail et 2 centres de rééducation fonctionnelle. Il a considéré qu'il revenait aux caisses d'épargne - au titre des projets d'économie locale et sociale auxquels elles devront, sur la base du projet de loi modifié par l'Assemblée nationale, consacrer un tiers de leur résultat net comptable après mise en réserve - de participer au financement du capital-risque de proximité et d'entrer au capital de petites entreprises en création. Il s'est toutefois prononcé pour un plafond de dépenses d'intérêt général en pourcentage du résultat net comptable des caisses plutôt que pour un plancher.

S'agissant du capital social des caisses d'épargne (le projet de loi prévoit de placer dans le public un montant correspondant à la somme des dotations statutaires de chaque caisse, soit 18,8 milliards de francs), M. Charles Milhaud a indiqué que les dotations statutaires avaient été constituées de façon arbitraire au moment de la restructuration du réseau en 1991, de telle sorte qu'elles représentaient, selon les caisses, entre 20 et 60 % des fonds propres. Il a confirmé que le capital social serait redistribué entre chaque caisse en fonction de sa situation économique. Il a toutefois jugé que le montant de 18,8 milliards de francs était excessif, surtout si les caisses d'épargne ne disposent que de quatre ans pour constituer leur sociétariat. Il s'est prononcé pour un montant de capital à placer de 13 milliards de francs et pour une durée de placement de six ans.

Toujours en réponse à M. Philippe Marini qui se demandait si les groupements locaux d'épargne (GLE) étaient vraiment indispensables, le président du CENCEP a indiqué que les caisses d'épargne devaient disposer d'un capital fixe si elles voulaient être en mesure d'émettre des certificats coopératifs d'investissement (CCI), ce qui nécessitait un échelon intermédiaire de placement des parts sociales. Il a par ailleurs estimé que les GLE constituaient une structure nécessaire d'animation du sociétariat.

M. Charles Milhaud s'est enfin félicité que le projet de loi ne mentionne plus la présence de la Caisse des dépôts et consignations dans le capital de la future Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance (CNCEP), tout en jugeant nécessaire la détention, par cette dernière, d'un niveau significatif du capital de la CNCEP, pour éviter une dégradation de la notation des caisses d'épargne. Il a insisté sur l'importance pour les caisses d'épargne d'envisager la relation avec la Caisse des dépôts et consignations sous l'angle du partenariat contractuel plutôt que de la tutelle. Il s'est par ailleurs prononcé pour une présence majoritaire des caisses d'épargne dans le capital de la CNCEP, mais pas nécessairement égale à 60 %, pour permettre à la Caisse nationale de tisser d'éventuelles alliances.

A M. Joël Bourdin qui mettait en doute la possibilité, pour le réseau des caisses d'épargne, de remplir ses missions d'intérêt général, en devant parallèlement rémunérer 18,8 milliards de francs de capital social au taux du marché, M. Charles Milhaud a répondu que la présence, au sein des conseils d'orientation et de surveillance des caisses, de coopérateurs soucieux de la rémunération de leurs parts sociales, mettrait une pression salutaire sur les gestionnaires des caisses d'épargne en les obligeant à accroître la productivité des établissements et à améliorer leur gestion. Il a précisé que la rémunération des parts sociales engendrerait un coût pour les caisses d'épargne de 400 millions de francs par an au terme de la réforme, ce qui mettrait le réseau dans l'obligation d'accroître sa rentabilité.

M. François Trucy s'est demandé si une loi était nécessaire pour encourager le réseau des caisses d'épargne à améliorer ses indices de productivité. Il a mis en garde contre le maintien, pour l'élection des conseils d'orientation et de surveillance (COS) des caisses, de trois collèges d'électeurs (salariés, élus locaux et clients), en rappelant que les arbitrages rendus par les COS étaient parfois fonction des intérêts catégoriels des deux premiers collèges.

Répondant enfin à M. Auguste Cazalet qui faisait valoir que les collectivités territoriales se tournaient de plus en plus vers le Crédit agricole pour obtenir des prêts plutôt que vers les caisses d'épargne, M. Charles Milhaud a indiqué que la substitution d'une CNCEP puissante à l'actuel CENCEP visait précisément à imposer une contrainte de rentabilité sur le réseau et à diminuer le coût de refinancement sur le marché, ce qui permettrait in fine aux caisses de diminuer les taux de leurs prêts.

Mercredi 24 mars 1999

- Présidence de M. Alain Lambert, président, puis de M. Roland du Luart, vice-président.

Audition de M. Jean-Claude Trichet, Gouverneur de la Banque de France, et de M. Hervé Hannoun, sous-gouverneur, sur le projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Claude Trichet, Gouverneur de la Banque de France, et deM. Hervé Hannoun, sous-gouverneur, sur le projet de loi n° 273 (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif àl'épargne et à la sécurité financière.

M. Jean-Claude Trichet
s'est tout d'abord félicité des contacts riches et fréquents entre la Banque de France et la commission des finances du Sénat. Il a ensuite rappelé l'importance du projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière, pour la place de Paris, mais aussi pour l'économie française plus largement. Il a notamment estimé que ce projet de loi visait à rapprocher notre système des meilleures pratiques internationales, et qu'il tirait utilement les enseignements des expériences passées.

Il a ensuite évoqué tour à tour les grandes lignes de ce projet. S'agissant des caisses d'épargne, il a estimé que l'adoption d'un statut clair et le renforcement des pouvoirs de leurs organes centraux étaient favorables à une meilleure sécurité de la place de Paris.

Au sujet du fonds de garantie des dépôts, M. Jean-Claude Trichet a souligné que la France demeurait le seul grand pays, avec l'Italie et la Suisse, à ne pas disposer d'un fonds alimenté par des cotisations régulières. Il a indiqué les avantages d'un tel système : un système qui appelle les contributions ex ante est contra-cyclique (et non pas procyclique, comme l'est le système de garantie actuel) ; il évite les difficultés de recouvrement des cotisations auprès des adhérents ; enfin, il permet de faire contribuer l'établissement défaillant à son propre sauvetage. Il a également estimé que des contributions ajustées aux risques objectifs constituaient une prime utile à la bonne gestion des établissements. Enfin, il a tenu à souligner tout particulièrement la possibilité pour le fonds de garantie d'intervenir à titre préventif dans les cas où il serait plus rationnel et moins coûteux d'agir en amont. Il a ensuite présenté les pouvoirs renforcés de la commission bancaire.

Sur le volet des obligations foncières, il s'est réjoui de la création envisagée d'un nouveau marché liquide et profond. Il a estimé qu'ainsi dans le contexte de l'interconnexion des marchés de la zone euro, la France devait disposer d'un gisement suffisant de titres susceptibles d'être apportés en garantie des opérations de politique monétaire.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a souhaité pondérer l'appréciation positive portée par M. Jean-Claude Trichet sur le projet de loi. Il a souligné les nombreux points d'avancée de celui-ci, mais a tenu à mettre en garde ses collègues sur les limites du dispositif, estimant, s'agissant des systèmes de garantie, qu'il s'agissait là, le plus souvent, de dispositifs peu novateurs, et qui ne pourraient faire face qu'à des défaillances de petite ampleur. Il s'est ensuite interrogé sur une éventuelle évolution des missions de la Banque centrale européenne qui pourrait devenir un " prêteur européen en dernier ressort ". Il a également souhaité savoir si l'intervention du fonds de garantie entraînerait le retrait automatique de l'agrément de l'établissement concerné, et a demandé au gouverneur de la Banque de France quelles règles de répartition des contributions lui paraissaient équitables. Enfin, s'agissant des obligations foncières, il s'est inquiété de l'impact que pourrait avoir sur l'efficacité du nouveau système le plafonnement à 3 % du capital restant dû, prévu par la loi Scrivener de 1979, pour le remboursement anticipé des emprunts immobiliers.

En réponse à M. Philippe Marini, rapporteur général, M. Jean-Claude Trichet a souligné que le secteur financier de la zone euro connaissait actuellement des évolutions structurelles majeures. Toutefois, il n'a pas estimé que l'euro pouvait entraîner une modification des interventions dites de " prêteur en dernier ressort ", dont il avait tendance à récuser l'appellation. En effet, en Europe, a-t-il indiqué, les banques centrales nationales elles-mêmes participent pleinement au système européen des banques centrales, et les comptes des banques commerciales sont tenus par les banques centrales nationales : la fonction de " prêteur en dernier ressort " demeure donc logiquement décentralisée au niveau de ces dernières, avec toutefois un accord donné par le collège des gouverneurs à une majorité qualifiée si celui-ci estime que l'incidence monétaire de l'intervention concernée est significative.

M. Hervé Hannoun, sous-gouverneur, a ajouté que le retrait d'agrément en cas d'intervention du fonds de garantie en faveur d'un établissement serait systématique en cas de liquidation, mais que l'agrément serait maintenu en cas de cession à un repreneur. Il a estimé, s'agissant de la répartition des cotisations, que leur modulation en fonction du risque, que l'on retrouve dans d'autres pays, était une bonne chose et que cette modulation pourrait atteindre 20 à 25 %. Enfin, il a indiqué que les textes réglementaires d'application prévoiraient un volant de trésorerie de 20 % des actifs des futures sociétés de crédit foncier pour faire face au remboursement anticipé, alors que ce pourcentage n'est que de 10 % en Allemagne.

M. Joël Bourdin a demandé à M. Jean-Claude Trichet quels étaient selon lui les niveaux optimaux du taux d'intérêt de la zone euro, et de la parité de l'euro par rapport au dollar. En outre, il s'est alarmé du manque de représentativité des indices boursiers, et en particulier du CAC 40.

M. René Ballayer a rappelé que l'on assistait depuis janvier 1999 à une baisse de l'euro contre le dollar. Il a souhaité connaître sur ce point les analyses de M. Jean-Claude Trichet.

S'intéressant à la réforme des caisses d'épargne, M. François Trucy s'est interrogé sur les pouvoirs des nouvelles structures du réseau, sur la place de la Caisse des dépôts et consignations dans le capital de la future caisse centrale, sur le placement des parts dans le public, ainsi que sur les comportements prévisibles des futurs sociétaires.

M. Michel Charasse a demandé à M. Jean-Claude Trichet ce qu'il convenait de faire au niveau européen pour faire remonter le taux de l'euro par rapport au dollar, et plus particulièrement ce que la France, qui affiche un certain nombre d'indicateurs macro-économiques budgétaires peu flatteurs, pouvait faire.

M. Michel Moreigne s'est enquis de la situation de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM).

M. Roland du Luart, président, a estimé que la dépréciation de l'euro par rapport au dollar était favorable aux exportations européennes, mais il a souhaité savoir si l'euro commençait à être acheté par les banques centrales comme monnaie de réserve.

M. Paul Loridant s'est inquiété du peu de succès des paiements en euro, notamment par le biais des chéquiers.

En réponse à ces questions, M. Jean-Claude Trichet a souligné que la baisse des taux d'intérêt dans la zone euro avait été particulièrement forte ces derniers mois, notamment plus qu'aux Etats-Unis. En outre, il a estimé que l'alignement des taux espagnol et italien sur les taux français et allemand par exemple, constituait un grand succès de l'euro. En outre, il a indiqué qu'aucun signal ne suggérait aujourd'hui un manque de liquidités dans la zone euro, ni, d'ailleurs, des tensions inflationnistes.

En ce qui concerne la parité de l'euro avec le dollar, M. Jean-Claude Trichet a considéré que la date du 1er janvier 1999 ne constituait pas une césure majeure, mais que l'on assistait au contraire à une accoutumance progressive du marché mondial. Il a expliqué la relative faiblesse actuelle de l'euro par rapport au dollar par un mécanisme classique du marché des changes, qui confronte les cycles économiques, et provoque le renchérissement des monnaies des pays économiquement dynamiques. Il a indiqué qu'au début de l'année 1999, les prévisions des conjoncturistes avaient été révisées au profit des Etats-Unis, et au détriment de la zone euro. C'est essentiellement pour cela, selon lui, que la monnaie européenne a fléchi face au dollar. Il a tenu à rappeler que la stratégie de moyen et long terme de la Banque centrale européenne et du Système européen de Banques Centrales était fondée sur la crédibilité et la solidité de la monnaie et que l'euro était sous la garde des autorités monétaires qui ne laisseraient pas mettre en doute la confiance qu'il inspire aux épargnants et aux investisseurs français, européens et mondiaux.

Il a rejoint l'opinion de M. Joël Bourdin sur les indices boursiers, ajoutant que sur toutes les places financières, on observait une concentration de la liquidité sur un petit nombre de valeurs.

En réponse à M. François Trucy, il n'a pas tenu à s'engager au nom du Gouvernement sur les questions relatives à la réforme des caisses d'épargne, mais a toutefois indiqué que l'avis de la Banque de France avait été requis sur la limitation des prélèvements en fonds propres prévue par la réforme.

En réponse à M. Michel Charasse, il a reconnu que, si la France avait une situation budgétaire favorable sur le plan des stocks, celle-ci n'était pas flatteuse en ce qui concernait les flux. Il a expliqué cette situation, que l'on retrouve dans un certain nombre de pays de la zone euro, par une " fatigue de l'ajustement ".

Au sujet de la situation de l'IEDOM évoquée par M. Michel Moreigne, M. Jean-Claude Trichet a indiqué que des discussions étaient engagées avec le Gouvernement, et que des modifications législatives devaient intervenir le plus rapidement possible.

M. Jean-Claude Trichet ne s'est pas montré surpris des remarques de M. Paul Loridant concernant les difficultés des paiements en euros, et a indiqué que le comité des usagers du Conseil national du crédit se penchait sur cette question.

Après avoir rappelé que la Commission bancaire avait appelé l'attention du Gouvernement sur le risque de dégradation du ratio de solvabilité du groupe des Caisses d'épargne et de prévoyance induit par la nécessité de placer dans le public un montant excessif de fonds propres, M. Roland du Luart a souhaité savoir si elle avait pris position sur le texte du projet de loi tel qu'il émanait de l'Assemblée nationale. Il a précisé que les députés avaient accru les contraintes pesant sur les caisses d'épargne, en fixant un montant minimum de ressources devant être affecté à des projets d'intérêt local et social alors que le texte initial prévoyait un plafond.

M. Jean-Claude Trichet a indiqué que la Commission bancaire ne s'était pas prononcée sur ce sujet.

Collectivités territoriales - Renforcement et simplification de la coopération intercommunale - Examen du rapport pour avis

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Michel Mercier sur leprojet de loi n° 220 (1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au renforcement et à lasimplification de la coopération intercommunale.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis
, a précisé que la commission n'était saisie pour avis que sur la seconde partie du texte, relative aux dispositions fiscales et financières.

Il a rappelé que l'architecture du dispositif proposé par le Gouvernement était proche de celle du texte présenté au printemps 1997 par M. Dominique Perben, avec une structure à vocation rurale, la communauté de communes, et une structure à vocation urbaine, la communauté d'agglomération. Il a indiqué que la création des communautés d'agglomération résultait de l'impossibilité, en raison de contraintes financières, d'étendre le statut actuel des communautés urbaines à de nouveaux groupements. Par conséquent, le Gouvernement a choisi de relever le seuil de création des communautés urbaines à 500.000 habitants, de manière à geler le nombre de groupements appartenant à cette catégorie.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a souligné que le projet de loi innovait en liant l'intégration des compétences et l'intégration fiscale des groupements. Il a indiqué que le texte du Gouvernement comportait de nombreuses dispositions incitant les établissements publics de coopération intercommunale à adopter la taxe professionnelle unique, qui sera le régime de droit pour les communautés d'agglomération et les nouvelles communautés urbaines.

Evoquant les aspects fiscaux du texte, il a estimé que la généralisation de la possibilité pour les groupements à taxe professionnelle unique de recourir à une fiscalité mixte, introduite lors de la première lecture du projet de loi par l'Assemblée nationale, mettait en échec l'idée d'une spécialisation des impôts locaux. Il a cependant considéré que les ressources des structures intercommunales ne devaient pas dépendre d'un contribuable unique, les entreprises, et que, par ailleurs, les seules recettes de la taxe professionnelle ne permettraient pas à un très grand nombre de groupements de financer l'intégralité des compétences qui leur seront transférées. Il a ajouté que la fiscalité mixte ne se traduirait pas forcément par un alourdissement de la pression fiscale sur les ménages, si les élus faisaient preuve de responsabilité, et répercutaient dans les taux communaux l'augmentation des impôts prélevés par les groupements.

S'agissant de la règle de lien entre les taux, il a rappelé que son assouplissement constituait une revendication ancienne des élus locaux, qui la perçoivent comme " infantilisante ". Il a ajouté qu'une " déliaison à la baisse " devenait une nécessité avec le système de la taxe professionnelle unique, puisque les ressources fiscales des groupements ne devaient pas être tributaires d'une évolution des taux pratiqués par leurs communes-membres.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a néanmoins considéré que la baisse des taux communaux de la taxe d'habitation et des taxes foncières devait s'inscrire dans des stratégies à moyen terme, et ne devait pas être utilisée pour permettre une augmentation de la taxe professionnelle qui ne s'accompagnerait pas d'un alourdissement parallèle des impôts acquittés par les ménages. Par conséquent, il a préconisé le retour à la rédaction initiale du projet de loi, qui prévoyait de limiter l'augmentation du taux de la taxe professionnelle en cas d'augmentation des taux des impôts communaux pendant les trois années suivant une baisse des taux de ces impôts.

Il a également considéré qu'il fallait supprimer les dispositions du texte qui soumettent les groupements à taxe professionnelle unique à des règles de lien entre les taux différentes, selon qu'ils ont recours ou non à la fiscalité unique.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a ensuite évoqué les modalités du financement par l'Etat de la dotation d'intercommunalité des communautés d'agglomération. Il a rappelé que l'architecture des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales était une enveloppe fermée et que, par conséquent, l'augmentation de certaines dotations se traduisait par la diminution d'autres.

Considérant que la création d'une nouvelle catégorie d'établissement public de coopération intercommunale ne devait pas se traduire par la diminution de la dotation globale de fonctionnement (DGF) versée aux communes ou aux autres catégories de groupements, le Gouvernement a décidé de mettre en place un financement extérieur à la DGF.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a considéré que le dispositif proposé, destiné à épargner la DGF des communes, serait néanmoins pénalisant pour elles. En effet, il a constaté que, dans l'hypothèse où le prélèvement sur recettes de 500 millions de francs mis en place par le Gouvernement se révélerait insuffisant pour financer les communautés d'agglomération, la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP), versée aux communes, serait alors mise à contribution.

Il a souligné que cette dotation était déjà mise à mal par le " contrat de croissance et de solidarité ", qui régit les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales entre 1999 et 2001. Par conséquent, il a estimé que la possibilité de faire appel à la DCTP pour financer les communautés d'agglomération devait être limitée aux seules années de ce contrat de croissance, et que le financement de l'intercommunalité devrait être pris en compte lors de la prochaine négociation de l'enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivités locales.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a également jugé inacceptable l'écart entre la dotation moyenne par habitant accordée aux nouvelles communautés d'agglomération, qui s'établit à 250 francs, et le montant correspondant attribué aux groupements ruraux à taxe professionnelle unique. Sans remettre en cause la pertinence d'un écart, il a estimé que la dotation moyenne par habitant des communautés de communes à taxe professionnelle unique, qui s'établit aujourd'hui à 123 francs, devait être portée à 175 francs.

S'agissant de la correction du mode de calcul du coefficient d'intégration fiscale (CIF) des établissements publics à coopération intercommunale à fiscalité propre, M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a estimé qu'elle permettrait d'améliorer la capacité de cet indicateur à refléter la réalité de l'intégration des groupements. Il a précisé que la méthode retenue consistait à déduire du CIF les dépenses de transferts, c'est-à-dire les dépenses ne correspondant pas à l'exercice de compétences réellement transférées aux groupements.

Le rapporteur a ajouté que, à la suite d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale, les dépenses qui, sans correspondre techniquement à l'exercice des compétences transférées, résultent de l'évolution des modes de gestion locaux, avaient été maintenues dans le CIF. Il a souligné que cette nouvelle définition permettrait de résoudre les difficultés pratiques qui se posaient à l'application d'un CIF aux groupements à taxe professionnelle unique et favoriserait les groupements les plus intégrés.

Il a cependant considéré que la correction du CIF ne devait pas s'appliquer aux communautés urbaines, puisque certaines dépenses qui seront dorénavant exclues de son calcul correspondaient à des compétences obligatoires pour cette catégorie de groupements.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a considéré que la réforme des mécanismes de garantie de progression des dotations aux groupements s'inscrivait dans la même logique que celle du CIF, mais que les communautés urbaines et les syndicats d'agglomération nouvelle, catégories pionnières en matière de coopération intercommunale, devaient continuer à être régis par les règles actuelles.

Evoquant les dispositions du texte relatives aux fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP), M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a déclaré que la discussion à l'Assemblée nationale avait permis d'arriver à un compromis qui avantageait les groupements à taxe professionnelle unique, sans pour autant pénaliser les conseils généraux gestionnaires des fonds.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a approuvé les amendements adoptés par l'Assemblée nationale permettant aux communautés de communes de percevoir la taxe d'enlèvement des ordures ménagères lorsqu'elles assurent la collecte des déchets des ménages, mais transfèrent le traitement à un groupement au périmètre plus large. Il a cependant fait part de sa volonté de déposer des amendements tendant à améliorer la rédaction de ces dispositions, et à les étendre à l'ensemble des catégories de groupements à fiscalité propre.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a indiqué à la commission que, au cours de sa séance du matin, la commission des lois avait adopté des amendements tendant à réaffirmer que l'intercommunalité reposait sur la liberté des communes et le principe du volontariat. Il a ajouté que la commission des lois s'était également déclarée favorable à une entrée en vigueur progressive des compétences transférées aux communautés d'agglomérations, et qu'elle avait légèrement modifié les seuils de création de cette nouvelle catégorie.

Puis, le rapporteur pour avis a présenté à la commission ses propositions d'amendements.

A l'article 47, la commission a adopté un amendement rédactionnel, et a donné un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

A l'article 48, la commission a adopté quatre amendements rédactionnels. M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a souhaité recueillir l'avis des commissaires au sujet d'une disposition introduite à l'Assemblée nationale, selon laquelle la taxe professionnelle unique deviendrait le régime de droit de l'ensemble des communautés urbaines existantes au 1er janvier 2000, sauf en cas de délibération contraire des conseils des communautés urbaines.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que la décision de recourir à la taxe professionnelle unique nécessitait un vote d'adhésion des groupements, et ne saurait être prise par défaut.

M. Alain Lambert, président, a fait valoir que la disposition adoptée par l'Assemblée nationale comportait l'avantage de conduire les communautés urbaines et leurs communes membres à organiser un débat sur les avantages et les inconvénients de la taxe professionnelle unique. Il a cependant considéré que la date du 1er janvier 2000 ne permettait pas d'organiser des débats approfondis.

La commission a alors adopté un amendement allongeant la période au cours de laquelle les communautés urbaines devront décider d'adopter ou de rejeter la taxe professionnelle unique. Elle a donné un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

A l'article 49, la commission a adopté un amendement allongeant la période au cours de laquelle les districts de plus de 500.000 habitants devront décider d'adopter ou de rejeter la taxe professionnelle unique, et a donné un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

A l'article 50, la commission a adopté un amendement allongeant la période au cours de laquelle les communautés de communes de plus de 500.000 habitants devront décider d'adopter ou de rejeter la taxe professionnelle unique.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a présenté un amendement précisant la rédaction des dispositions adoptées à l'Assemblée nationale relatives à la perception de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères par les communautés de communes, selon lesquelles les groupements à fiscalité propre pourront dorénavant percevoir cette taxe, même s'ils n'exercent que la partie de cette compétence relative à la collecte des déchets des ménages.

M. Gérard Miquel a déclaré qu'il s'agissait d'un sujet très sensible, et que la rédaction émanant de l'Assemblée nationale semblait plus claire que celle proposée par le rapporteur car elle précisait que les groupements pouvaient percevoir la taxe en cas d'exercice direct de la compétence, de sa délégation ou de son financement par le groupement.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a fait valoir que la rédaction de l'Assemblée nationale ne permettait pas de dégager le principe selon lequel seul un groupement assurant une partie de la compétence pouvait être autorisé à percevoir la taxe.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a rappelé que certaines communes assuraient la collecte, mais déléguaient non seulement le traitement, mais également la collecte sélective.

M. Philippe Adnot a considéré que la rédaction de l'Assemblée nationale était satisfaisante car elle faisait référence à la fois à la collecte et au traitement.

M. Jean-Philippe Lachenaud s'est demandé si l'absence de référence à la redevance d'enlèvement des ordures ménagères dans l'amendement proposé par le rapporteur était un oubli.

Il a souligné que le terme de "délégation" comportait des ambiguïtés, car il pouvait à la fois viser des délégations de service public et des transferts de compétences.

Il a fait part de sa préférence pour la rédaction du rapporteur, qui permet aux groupements de garder la collecte et de déléguer le traitement.

M. Yann Gaillard a partagé ce point de vue, en insistant cependant sur le problème posé par les délégations de la collecte sélective.

M. Joël Bourdin a mis en avant la rigidité du texte émanant de l'Assemblée nationale, qui ne permet pas d'atteindre l'objectif recherché puisqu'il lie l'exercice de la collecte à celui du traitement.

M. Michel Moreigne s'est interrogé sur les éventuelles conséquences de cet amendement sur la mise en oeuvre du taux réduit de TVA aux prestations de collecte, de tri sélectif et de traitement des déchets.

M. Alain Lambert, président, a rappelé que certaines communes souhaitent conserver leur système de collecte et de traitement antérieur en cas d'adhésion à un groupement à fiscalité propre.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a signalé que l'omission de la redevance dans le texte de cet amendement était volontaire. Il a indiqué que la rédaction de l'Assemblée nationale insérait dans le code général des impôts des dispositions relatives à la redevance, qui n'est pourtant pas un impôt et relève du code général des collectivités territoriales. Il a précisé que ses amendements suivants concernaient la redevance et l'extension à toutes les catégories de groupements des dispositions adoptées par les députés, qui ne concernent que les communautés de communes et les syndicats d'agglomération nouvelle.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a estimé que sa rédaction indiquait plus clairement que les groupements qui n'ont que la collecte peuvent percevoir la taxe, et qu'elle permettrait une rationalisation de l'exercice de la compétence d'élimination des déchets des ménages en incitant à la création de filières.

La commission a alors demandé au rapporteur pour avis de s'assurer que la rédaction de son amendement ne comportait pas de dispositions préjudiciables à la collecte sélective et, sous le bénéfice de cette observation, a adopté l'amendement.

Elle a ensuite donné un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

A l'article 50 bis, la commission a adopté un amendement tendant à étendre à l'ensemble des catégories de groupements à fiscalité propre la possibilité de percevoir la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, dès lors qu'ils exercent au moins la collecte des déchets des ménages. La commission a alors donné un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

La commission a par ailleurs adopté un article additionnel après l'article 50 bis, transposant à la redevance d'enlèvement des ordures ménagères les dispositions adoptées aux deux articles précédents, relatives à la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.

A l'article 51, la commission a adopté quatre amendements rédactionnels. Elle a également adopté des amendements supprimant le plafonnement du montant des dotations de solidarité des groupements à taxe professionnelle unique en cas de recours à la fiscalité mixte, et a modifié les critères de répartition des dotations de solidarité des communautés urbaines à taxe professionnelle unique. La commission a alors donné un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi amendé.

A l'article 52, la commission a adopté des amendements tendant, d'une part, à limiter la progression du taux de taxe professionnelle dans l'éventualité d'une augmentation du taux des trois autres taxes directes locales au cours des trois années suivant une baisse des taux de ces taxes et, d'autre part, à soumettre tous les groupements à taxe professionnelle unique aux mêmes règles de lien entre les taux. La commission a alors donné un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

A l'article 54, la commission a adopté un amendement rédactionnel et deux amendements de coordination avec les amendements adoptés par la commission des lois, tendant à supprimer les possibilités d'extensions dérogatoires du périmètre des groupements.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a condamné les dispositions tendant à contraindre des communes à intégrer un groupement contre leur volonté.

La commission a alors donné un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

A l'article 56, la commission a adopté un amendement facilitant la transformation de syndicats intercommunaux en groupements à fiscalité propre. Puis, elle a adopté deux amendements rédactionnels.

M. Jean-Philippe Lachenaud s'est inquiété des conséquences des dispositions de cet article sur les ressources des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle. Il a souligné que les fonds ne bénéficieraient plus de l'augmentation des bases de taxes professionnelles dans les communautés d'agglomération et les communautés urbaines à taxe professionnelle unique.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a déclaré que l'article 56 prévoyait, en cas d'accord entre le conseil général et le groupement concerné, la possibilité de majorer le montant de la contribution de ces catégories de groupements à un fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle.

M. Alain Lambert, président, a indiqué que la commission s'interrogeait sur la pertinence de l'insertion de cet article dans un projet de loi relatif à la simplification et au renforcement de la coopération intercommunale.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a indiqué que la rédaction actuelle de l'article résultait d'un compromis élaboré lors des débats à l'Assemblée nationale.

La commission a alors donné un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

A l'article 57, la commission a adopté un amendement tendant à plafonner le nouveau prélèvement au profit du Fonds de solidarité de la région Ile-de-France (FSRIF) pour les communes contributrices dont les bases de taxe professionnelle par habitant sont inférieures à 3,5 fois la moyenne des bases de taxe professionnelle par habitant de la région Ile-de-France.

M. Jean-Philippe Lachenaud a estimé que cet amendement ne permettait pas de résoudre le principal problème posé par cet article.

La commission a également adopté un amendement tendant à faire figurer le montant de la contribution de leurs communes au FSRIF sur les avis d'imposition des contribuables des communes contributrices. La commission a alors donné un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

A l'article 58, la commission a adopté un amendement tendant à étaler sur cinq ans l'entrée en vigueur des attributions du FSRIF aux nouvelles communes bénéficiaires des crédits de ce fonds. Elle a donné un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

A l'article 59, la commission a adopté un amendement modifiant les modalités de mise en oeuvre des dotations de solidarité des communautés urbaines à fiscalité additionnelle, puis a alors donné un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

La commission a ensuite adopté un article additionnel après l'article 60, tendant à exonérer les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de l'impôt sur les sociétés.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption des articles 64 et 65 modifiés par des amendements rédactionnels.

A l'article 66, la commission a tout d'abord adopté trois amendements rédactionnels et un amendement tendant à limiter aux années 2000 et 2001 la possibilité de recourir à la dotation de compensation de la taxe professionnelle pour financer la dotation d'intercommunalité des communautés d'agglomération.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis, a présenté un amendement portant de 150 à 175 francs la majoration de la dotation globale de fonctionnement des communautés de communes à taxe professionnelle unique.

M. Philippe Adnot a considéré que cet amendement constituait un progrès par rapport à la rédaction actuelle de l'article, mais a exprimé ses réserves quant au principe du financement de l'intercommunalité par la dotation globale de fonctionnement. Il a estimé qu'il n'était pas sain d'accroître les dépenses de fonctionnement alors que les transferts de compétences des communes vers les groupements devaient entraîner des économies d'échelles. Il a souligné que cette pratique était contraire aux usages dans le reste de la société, et nuisible à la compétitivité de la France.

M. Gérard Miquel a déclaré que cet amendement allait dans le bon sens mais que l'écart entre les groupements ruraux et les groupements urbains devait encore être réduit.

La commission a alors adopté l'amendement présenté par le rapporteur pour avis, ainsi qu'un amendement précisant que la dotation moyenne par habitant de la catégorie des communautés de communes à taxe professionnelle unique ne pouvait être inférieure à la dotation moyenne par habitant des communautés de communes à fiscalité additionnelle.

M. Joël Bourdin a considéré que la correction du mode de calcul du coefficient d'intégration fiscale était positive, mais que cet indicateur ne traduisait pas la réalité puisque les groupements disposaient parfois de ressources qui n'étaient pas prises en compte dans le coefficient d'intégration fiscale. Il a suggéré la mise en place d'un groupe de travail sur le sujet.

M. Alain Lambert, président, a estimé qu'il faudrait progressivement lever les obstacles techniques à la mise en place d'un coefficient d'intégration budgétaire.

M. Louis Ferdinand de Rocca Serra s'est inquiété des modalités du mode de calcul du coefficient d'intégration fiscale des groupements à taxe professionnelle unique situés dans des zones franches.

M. Joël Bourdin, constatant que la correction du coefficient d'intégration fiscale serait étalée sur dix ans, s'est interrogé sur le mode de calcul du coefficient d'intégration fiscale des groupements créés après l'entrée en vigueur de la loi.

La commission a alors adopté un amendement précisant que la correction du coefficient d'intégration fiscale ne s'appliquait pas à la catégorie des communautés urbaines ainsi qu' un amendement tendant à inclure la redevance d'assainissement dans le calcul du coefficient d'intégration fiscale, et un amendement soumettant les communautés urbaines au même régime de garantie que les syndicats d'agglomération nouvelle. La commission a alors donné un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

Après l'article 69, la commission a adopté un article additionnel tendant à corriger une erreur rédactionnelle dans le code général des collectivités territoriales.

Résolutions européennes - Activité et surveillance des institutions de monnaie électronique - Accès à l'activité des établissements de crédit - Examen du rapport

Présidence de M. Bernard Angels, vice-président. La commission a procédé, à l'examen du rapport de M. Jean-Philippe Lachenaud sur la proposition de résolution n° 197 (1998-1999), présentée par M. Marcel Deneux, en application de l'article 73 bis du règlement sur les propositions de directives du Parlement européen et du Conseil :

- concernant l'accès à l'activité des institutions de monnaie électronique et son exercice, ainsi que la surveillance prudentielle de ces institutions ;

- modifiant la directive 77/780/CEE visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité des établissements de crédits et son exercice (n° E-1158).

M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur, a expliqué que les propositions de directives de la Commission européenne poursuivaient l'objectif de doter les institutions de monnaie électronique d'une réglementation spécifique, en matière de surveillance prudentielle en particulier. Il a précisé que ces textes soulevaient des problèmes importants sur certains points mis en exergue avec pertinence par la proposition de résolution de M. Marcel Deneux, et a ajouté que la proposition de résolution qu'il présentait à la commission rejoignait les analyses de la délégation du Sénat pour l'Union européenne mais aboutissait à une conclusion plus tranchée.

Il a expliqué que les propositions de directive couvraient une seule catégorie de monnaie électronique : les porte-monnaie électroniques qui se présentent sous la forme d'une carte à puce prépayée et qui ont un usage multiprestataires, ce qui les distingue de la carte téléphonique qui a une vocation monoprestataire. Les perspectives de développement des porte-monnaie électroniques sont assez importantes pour nécessiter une réglementation prudentielle.

M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur, a indiqué que la France connaissait un retard en matière de monnaie électronique, bien que ses positions soient assez favorables dans la technologie et l'utilisation de la carte bancaire. Il a fait état des trois expériences de porte-monnaie électroniques qui sont aujourd'hui en cours de développement en France : le projet Modeus, celui de la société européenne de monnaie électronique (SEME), et enfin celui de la société, d'origine britannique, Mondex.

Il a précisé que les institutions communautaires avaient travaillé sur le sujet de la monnaie électronique depuis plusieurs années. L'Institut monétaire européen (IME) a publié un rapport sur le sujet en 1994. Puis, la Commission européenne, dans une communication d'avril 1997 relative à une initiative européenne pour le commerce électronique, avait pris l'engagement de constituer un cadre de surveillance approprié pour la monnaie électronique. La Banque centrale européenne (BCE) a élaboré son propre rapport en août 1998, dans lequel elle estime que l'émission de monnaie électronique doit être réservée aux établissements de crédit définis par la directive 77/780/CEE du Conseil du 12 décembre 1977 visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice, dite "première directive bancaire". Enfin, la Commission européenne a présenté, le 21 septembre 1998, deux propositions de directive qui font l'objet du présent examen. Le rapporteur a indiqué que les Etats membres avaient des positions différentes sur ce sujet, certains, comme le Royaume-Uni, le Luxembourg ou la Suède, étant opposés à toute réglementation, d'autres, comme la Belgique, l'Italie, l'Espagne ou le Portugal, adoptant une position rigoriste, d'autres, enfin, dont la France et l'Allemagne, étant favorables à un compromis sur la base du texte de la Commission.

M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur, a considéré que les propositions de la Commission européenne nécessitaient un réexamen approfondi, estimant que quatre points posent problème. Il a d'abord jugé que la définition de la monnaie électronique donnée par la proposition de directive n'était pas acceptable en l'état, car elle laisse supposer que la monnaie électronique constitue à elle seule un nouveau type de monnaie, alors qu'elle n'est que la forme électronique de la monnaie scripturale. Il a ensuite considéré que la sécurité des transactions n'était pas assurée, les exigences imposées aux émetteurs de monnaie électronique en matière de fonds propres et de capital initial, dérogatoires au droit commun, entraînant un affaiblissement des normes prudentielles. En outre, les exemptions prévues pour les petits systèmes risquent de rendre inopérante la lutte contre d'éventuels abus, en raison de contrôles " allégés ". Il a également estimé que la protection du consommateur n'était pas suffisamment prise en considération, les émetteurs de monnaie électronique n'étant pas soumis aux règles édictées par la Commission européenne sur la garantie des dépôts. Enfin, il a indiqué que le risque pour les systèmes de paiement eux-mêmes - le risque systémique - était sous-estimé, l'émission de monnaie électronique pouvant avoir une conséquence sur la conduite de la politique monétaire.

M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur, a ainsi proposé à la commission de demander au Gouvernement de rejeter la proposition de directive de la Commission européenne relative à la monnaie électronique et de faire insérer les dispositions nécessaires à la réglementation de l'activité d'émission de monnaie électronique dans la directive 77/780/CEE, de manière à ce que cette activité soit couverte par les règles prévues par ladite directive pour les établissements de crédit.

Il a en effet considéré qu'il n'était pas acceptable de prévoir une réglementation sui generis strictement réservée aux institutions de monnaie électronique qui seraient ainsi érigées, sans véritable motif, en établissements relevant d'un statut propre distinct de celui des établissements de crédit. Il a convenu de la nécessité de réglementer l'activité des émetteurs de monnaie électronique, mais en la réservant aux établissements de crédit définis par la première directive bancaire.

Il a cependant précisé que sa proposition de résolution tendait à renforcer le Gouvernement dans les négociations qu'il aurait à conduire sur ce sujet au sein du conseil des ministres de l'Union européenne.

M. Bernard Angels, président, MM. Yann Gaillard et M. Jacques Chaumont, se sont déclarés convaincus par ces propos, et ont indiqué s'en remettre en l'état aux conclusions de la proposition de résolution du rapporteur.

La commission ayant adopté la proposition de résolution présentée par le rapporteur, M. Bernard Angels, président, a indiqué que le délai limite pour le dépôt auprès du secrétariat des amendements à la proposition de résolution adoptée par la commission, était fixé au mardi 6 avril 1999 à midi.