Travaux de la commission des finances



- Présidence de M. Alain Lambert, président.

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2000 - AUDITION DE M. DOMINIQUE STRAUSS-KAHN, MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, ET DE M. CHRISTIAN SAUTTER, SECRÉTAIRE D'ETAT AU BUDGET

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Dominique Strauss-Kahn,ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et de M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget, sur le projet de loi de finances pour 2000.

M. Dominique Strauss-Kahn a tout d'abord indiqué que la croissance économique, moins dynamique que prévue en loi de finances initiale, s'établirait à 2,3 % du produit intérieur brut (PIB) en 1999. Il a ajouté que l'économie française était sortie du " trou d'air " et se situait désormais sur une pente de croissance de 3 % par an, ceci expliquant la fourchette de progression du PIB retenue pour 2000, entre 2,6 % et 3 %. Il a expliqué que cette évaluation tenait compte des aléas de la conjoncture internationale, en anticipant, de manière très prudente, une réduction de moitié de la croissance économique des Etats-Unis en l'an 2000.

S'agissant des recettes fiscales pour 2000, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a déclaré qu'elles ne seraient pas très abondantes. Rappelant que le système fiscal français était indexé pour 40 % sur les revenus de l'année précédente, il a indiqué que la hausse des rentrées fiscales en 1999 s'expliquait essentiellement par les bons résultats des entreprises françaises en 1998, qui avaient majoré, de manière inhabituelle, le produit de l'impôt sur les sociétés. Cette situation ne devrait pas se reproduire en 2000.

S'agissant des dépenses, M. Dominique Strauss-Kahn a déclaré qu'elles seraient stables en volume en 2000, comme en 1998, alors qu'en 1999 la montée à plein régime des programmes du Gouvernement avait conduit à gravir une " marche d'escalier ". Il a précisé que la stabilité des dépenses de l'Etat pour 2000 conduirait à une baisse du poids des dépenses publiques en pourcentage du produit intérieur brut, permettant de réduire les déficits à 1,8 % du PIB, conformément aux engagements du programme triennal sur les finances publiques.

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a ensuite détaillé les diminutions d'impôts pour 2000. Sur un montant de 39 milliards de francs de baisse d'impôts, 15 milliards s'expliquent par la fin de la surtaxe temporaire d'impôts sur les sociétés décidée en 1997 et l'application de la deuxième tranche de la réforme de la taxe professionnelle. Les mesures nouvelles s'élèvent à 24 milliards de francs, comprenant la réduction du taux de TVA sur les travaux dans les logements, la baisse des droits de mutation, et la suppression en deux ans du droit de bail, mais aussi des dispositions relatives à la création d'entreprises et des mesures de simplification administrative, avec la disparition de 49 impôts.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget, rappelant que depuis 1997, la dépense publique avait diminué de 1,8 % du PIB, soit plus que la moyenne européenne, a déclaré que les dépenses de l'Etat ne progresseraient que de 0,3 % du PIB par an de 1997 à 2000, contre une moyenne correspondante de 1,7 % de 1993 à 1996.

Il a toutefois fait valoir que malgré cette stabilité en volume des dépenses de l'Etat, le Gouvernement s'était ménagé des marges de manoeuvre, grâce, d'une part, à la réduction des déficits et à la diminution des taux d'intérêt pour 4 milliards de francs, et, d'autre part, à un effort de redéploiement des dépenses publiques pour 30 milliards de francs. En matière d'emplois, la règle de stabilité des effectifs budgétaires civils, énoncée par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, n'empêchait pas des créations d'emplois, notamment au ministère de la justice, mais avec pour contrepartie des suppressions, comme au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Christian Sautter a ensuite rappelé les priorités du Gouvernement, à savoir l'emploi et la solidarité, l'éducation, la justice, la sécurité, la culture et l'environnement.

Enfin, il a présenté les mesures de clarification budgétaire figurant au projet de loi de finances pour 2000, et consistant principalement en la réintégration de 10 milliards de francs de crédits autrefois inscrits sur fonds de concours et en la suppression de 4 comptes d'affectation spéciale : le fonds d'aménagement de la région Ile-de-France, le fonds forestier national, le fonds de secours aux victimes de catastrophes et calamités naturelles et le fonds national du livre. Il a ajouté que 40 milliards de francs seraient transférés à la sécurité sociale pour le fonds d'allégement des charges sur les bas salaires.

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le secrétaire d'Etat au budget ont ensuite répondu aux questions posées par M. Philippe Marini, rapporteur général.

M. Dominique Strauss-Kahn a reconnu que le projet de loi de finances était insuffisant pour comprendre l'évolution des finances publiques, si l'on ne prenait pas en compte le projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais il a ajouté que l'application des textes législatifs et constitutionnels en vigueur ne permettait pas d'envisager une autre solution.

S'agissant des critiques formulées par la Banque centrale européenne (BCE) sur la gestion des finances publiques françaises, il a expliqué que ces dernières portaient sur le niveau du déficit budgétaire français, et non sur l'évolution de ce déficit. Il a ajouté que, depuis 1997, le déficit budgétaire avait été réduit d'1,7 point de PIB, contre 1 point pour la moyenne de l'Union européenne, et 0,8 point pour la zone euro.

Sur la hausse des prélèvements obligatoires, qui atteindront 45,3 % du PIB fin 1999, et la situation paradoxale consistant à dire que les impôts diminuent alors que les prélèvements augmentent, M. Dominique Strauss-Kahn a rappelé que les impôts baisseraient en l'an 2000 et que le taux de prélèvements obligatoires reviendrait ainsi en dessous du niveau de 1997. Il a ajouté que la hausse mécanique des prélèvements en 1999 avait porté sur les entreprises (recettes d'impôt sur les sociétés), alors que la baisse des impôts en 2000 bénéficierait prioritairement aux ménages.

S'agissant de la réduction de la dette publique, il a estimé que celle-ci ne pouvait être qualifiée de symbolique, dans la mesure où il s'agissait de la première diminution du " stock " de la dette depuis vingt ans. Il a ajouté que l'évolution des taux d'intérêt n'avait aucune part dans cette diminution, qui s'expliquait en revanche par une diminution du déficit -le budget de l'Etat va dégager un excédent primaire de 19 milliards de francs- et par la croissance du produit intérieur brut.

Sur le fonds de réserve sur les retraites, dont les modalités de fonctionnement n'étaient pas encore précisées, il a reconnu que les ressources qui lui seront affectées pourraient tout aussi bien être utilisées à réduire la dette publique, mais qu'il était utile de leur donner une affectation visible. Il a estimé que le fonds, doté aujourd'hui de 2 milliards de francs, et bientôt du produit de la cession des parts de caisses d'épargne, serait ensuite alimenté par les excédents des comptes de la sécurité sociale.

A la critique selon laquelle la réduction de TVA ne présenterait pas un avantage redistributif pour les ménages, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a répondu que chacun s'accordait toutefois pour dire qu'il s'agissait d'un impôt injuste. Il a justifié la baisse ciblée et massive de TVA par le souci qu'elle soit répercutée sur les ménages, alors qu'une réduction du taux moyen de 20,6 % à 20 % n'aurait permis aucun bénéfice pour le consommateur. Il a expliqué que le choix du secteur du logement se justifiait par le meilleur effet sur l'emploi et la qualité de vie : 10 millions de ménages profiteraient de la mesure chaque année.

M. Dominique Strauss-Kahn a ensuite présenté les grands axes du programme fiscal du Gouvernement : après un rééquilibrage entre la fiscalité pesant sur le travail et celle pesant sur le capital, le Gouvernement s'était consacré à l'emploi avec la réforme de la taxe professionnelle, puis à la fiscalité indirecte avec la baisse de la TVA pour 2000, avant une réforme de la fiscalité directe en 2001. Il a indiqué que dans le cadre de la préparation de cette réforme, le Gouvernement prendrait en compte toutes les suggestions qui pourraient lui être présentées par la commission des finances du Sénat.

S'agissant de l'écart de recettes entre 1998 et 1999, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a indiqué que la différence entre les prévisions de la loi de finances et leur réalisation ne serait pas très importante en fin d'année. Il a précisé que le chiffre de 10 à 12 milliards d'excédents de recettes pouvait être retenu, dont 6 milliards de francs étaient déjà affectés en raison de l'application de la réduction de la TVA sur le logement et de la baisse des droits de mutation dès le 15 septembre 1999. Toutefois, il a reconnu que 5 à 6 milliards de francs d'excédents de recettes n'avaient pas encore fait l'objet d'un arbitrage pour leur affectation. Il a conclu qu'il serait en tous les cas inexact de parler d'excédents budgétaires, alors même que la France cherchait à réduire son déficit.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget, a réfuté l'idée selon laquelle le Gouvernement, en annulant des crédits en cours d'année, conduisait une politique similaire à celle que le Sénat avait préconisée lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1999. Il a indiqué que le Gouvernement cherchait, par des annulations de crédits, à dépenser mieux et non à dépenser moins. Concernant l'arrêté d'annulation du 2 septembre 1999, il a précisé qu'il gageait une ouverture de crédits de 7 milliards de francs correspondant à des dépenses pour opérations militaires extérieures au Kosovo et à des charges nouvelles liées à la revalorisation des minima sociaux. Il a ajouté que la modique progression des prix, en 1999, imposait également de réduire la dépense publique en valeur, ce qui avait amené le ministère du budget à passer des contrats de gestion avec les ministères dépensiers, afin de procéder à des économies ciblées. Au total, il a indiqué que le Gouvernement procédait bien à des économies sur le fonctionnement de l'Etat : 7 milliards de francs d'économies sur les moyens des services, 19 milliards de francs sur les interventions économiques et 4 milliards de francs sur les interventions sociales dans le projet de loi de budget pour 2000.

S'agissant de l'occasion fournie par les nombreux départs à la retraite, dans la fonction publique, pour procéder à un ajustement des effectifs, le secrétaire d'Etat au budget a confirmé que 40 % des fonctionnaires partiraient en retraite dans les dix ans à venir, et que cela permettrait une redistribution des emplois entre les ministères et sur le territoire national. Sur la question du devenir des emplois jeunes, il a estimé que l'action menée en la matière par le ministre de l'éducation nationale était exemplaire : une partie des jeunes pourront se présenter aux concours de la fonction publique, d'autres seront suffisamment expérimentés pour travailler dans les entreprises, et enfin certains bénéficieront d'emplois pérennisés dans le secteur associatif. Sur l'application de la réduction du temps de travail à 35 heures dans la fonction publique, il a rappelé qu'à la suite du rapport Roché, qui avait conduit à constater une diversité des durées annuelles de travail dans la fonction publique, un débat avait été ouvert par le ministre de la fonction publique avec les représentants des fonctionnaires.

Enfin, M. Christian Sautter a tenu à rappeler, avant même la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale, que des efforts particuliers seraient réalisés en matière sociale en l'an 2000, avec la mise en oeuvre de moyens supplémentaires pour la réduction du temps de travail, la montée en charge du financement de la couverture maladie universelle et le transfert de la taxe générale sur les activités polluantes à la sécurité sociale. Il a affirmé que les prélèvements globaux pesant sur les entreprises ne seraient pas augmentés du fait de la mise en oeuvre de ces priorités sociales.

M. Jacques Oudin a estimé que la commission ne disposait pas d'une vue d'ensemble des prélèvements obligatoires en raison d'une mauvaise articulation du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), citant, par exemple, la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), créée par la loi de finances pour 1999, mais dont l'extension est prévue dans le PLFSS pour 2000. Il a en outre fait part de son inquiétude sur le prochain PLFSS en raison de l'alourdissement des prélèvements sociaux qu'il prévoit, en particulier l'élargissement de l'assiette de la TGAP et l'instauration d'une contribution sociale sur les bénéfices des entreprises réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions de francs. A cet égard, il a rappelé que de nombreux prélèvements sociaux avaient été, soit élargis, soit créés depuis 1997 et a cité le déplafonnement des cotisations d'allocations familiales des non-salariés, l'augmentation de la taxe sur la publicité pharmaceutique, la création de la taxe sur les ventes directes de médicaments, ou encore l'extension de l'assiette des prélèvements sur les revenus du patrimoine et les produits de placement. S'il a salué la suppression, par le Gouvernement, de 49 impôts, il a également estimé que le mode de recouvrement de la redevance audiovisuelle devait faire l'objet d'une réforme en raison de son coût élevé.

S'agissant des dépenses, il s'est inquiété de la dérive continue du coût de l'assurance maladie, l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) s'établissant à 600 milliards de francs en 1997 et à 643 milliards de francs en 1999, soit une progression de 7,1 % en deux ans. Il a également noté la forte augmentation des crédits destinés au revenu minimum d'insertion (RMI), passés de 14 milliards de francs en 1991 à 26,4 milliards de francs en 1999, avant que cette dernière dotation ne soit abondée de 3,5 milliards de francs par un décret d'avance du 2 septembre dernier : cette évolution traduit, malgré l'amélioration de la situation de l'emploi, une aggravation du phénomène d'exclusion dans notre société. Il s'est inquiété de l'avenir de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), les mesures annoncées pour redresser sa situation financière étant incertaines. Il s'est également interrogé sur les infrastructures de transport, rappelant que le financement du réseau autoroutier permettait d'assurer l'équilibre budgétaire et de verser à l'Etat 7 milliards de francs affectés au fonds d'intervention des transports terrestres et des voies navigables (FITTVN), tandis que le programme annoncé d'investissement destiné au réseau ferroviaire, pour un montant total de 110 milliards de francs, recelait des risques de déficit futur.

M. Denis Badré a rappelé que la commission des finances du Sénat avait récemment publié un rapport fixant sa doctrine en matière de réduction du taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Il a notamment indiqué que, dans le cadre de la proposition de directive communautaire, la commission des finances préconisait une large expérimentation de la réduction des taux, y compris sur la restauration, mais il a relevé que cette solution avait été écartée par le Gouvernement. Il s'est interrogé sur les négociations en cours relatives à cette proposition de directive, puis a souligné la complexité des mesures de la baisse de la TVA sur les travaux dans le secteur du bâtiment, prévue dans le projet de loi de finances.

M. Roland du Luart a estimé que les Français ne croyaient plus aux baisses d'impôts annoncées par le Gouvernement. Il a considéré que la stabilisation en volume des dépenses de l'Etat était rendue possible par la diminution de la charge de la dette, mais a jugé que la structure de la dépense publique se détériorait en raison de la rigidité croissante des dépenses, dénoncée à la fois par le Premier président de la Cour des comptes, et par le président de l'Assemblée nationale, résultant de l'augmentation des crédits de fonctionnement et de la diminution corrélative des dépenses d'investissement, mais aussi de l'impression que tous les ministères étaient présentés comme prioritaires par le Gouvernement. Il a dès lors demandé aux ministres de lui indiquer quels étaient les budgets qui n'étaient pas prioritaires, ainsi que le montant des économies réalisées. En revanche, il a jugé positive l'initiative du Gouvernement de réduire de 20,6 % à 5,5 % le taux de la TVA sur les travaux dans le secteur du logement, estimant que cette mesure aurait des effets favorables sur la lutte contre le travail au noir et sur la relance de l'artisanat, mais il a tenu à relativiser la baisse d'impôt engendrée par cette disposition en raison de la suppression concomitante de déductions fiscales dans le même secteur.

M. Bernard Angels a considéré que le PLF pour 2000 s'inscrivait dans la continuité des deux années écoulées, au cours desquelles la politique budgétaire menée avait permis de rétablir les comptes publics, de soutenir la croissance économique et d'améliorer la situation de l'emploi. Il a souligné que le déficit budgétaire prévu, soit 1,8 % du produit intérieur brut (PIB) en 2000, était en phase avec le programme pluri-annuel des finances publiques présenté par le Gouvernement à la Commission européenne, le seul argument opposé à ce projet de budget tenant à l'insuffisance de la réduction du déficit, alors que cette évolution ne peut être jugée qu'à l'aune de la situation initiale des finances publiques. A cet égard, la politique actuelle rompt avec celle des gouvernements précédents, qui avait abouti à accroître considérablement les déficits. En matière de recettes, il a salué la réduction des impôts en direction des ménages, estimant qu'elle aurait des effets favorables sur la demande et sur les créations d'emplois. Il a également jugée positive la baisse du taux de TVA sur les services à domicile, mais, rappelant que les entreprises étaient très minoritaires dans ce secteur où interviennent essentiellement des associations ou des communes, il a voulu savoir si ces dernières bénéficieraient également de la réduction d'impôt mise en oeuvre ainsi que d'un effort sur la taxe sur les salaires.

Mme Marie-Claude Beaudeau a estimé qu'une bonne appréhension des finances publiques nécessitait l'analyse du PLFSS, ce texte comportant notamment la majeure partie du financement de la seconde loi sur les 35 heures, grâce à de nouveaux allégements de cotisations sociales. Elle a estimé insuffisante la lutte contre la réduction des inégalités, les minima sociaux devant, selon elle, être davantage revalorisés. Jugeant modique l'augmentation des recettes de la TVA, elle s'est demandé si ces faibles rentrées fiscales ne résultaient pas de la délocalisation d'entreprises françaises à l'étranger. Elle s'est inquiétée de la réduction des effectifs de fonctionnaires dans certains ministères, en particulier, celui des finances. Elle a également voulu connaître les intentions du Gouvernement en matière de lutte contre les paradis fiscaux et de taxation des mouvements financiers internationaux.

M. Jean Clouet s'est interrogé sur l'avenir du budget de l'industrie, dont les crédits sont, pour l'essentiel, de plus en plus intégrés à ceux de l'économie et des finances.

M. Yann Gaillard a évoqué la faible rentabilité du système français de recouvrement des impôts, très inférieure à celle de nos voisins européens, et a souhaité connaître les mesures que le Gouvernement entendait mettre en oeuvre afin de remédier à cette situation. Il a également voulu savoir si les revenus seraient pris en considération dans la réforme de la taxe d'habitation annoncée pour 2001.

M. Maurice Blin a estimé que la baisse des déficits publics aurait dû être plus importante, et a souligné la détérioration de la structure de la dépense publique, les dépenses de fonctionnement augmentant de 2,8 % cette année, mais celles d'équipement de 0,1 %. Il a considéré que les crédits de l'emploi étaient trop orientés vers la création d'emplois non marchands, au détriment du secteur marchand, et a fait part de son inquiétude sur l'apparition de pénurie de main d'oeuvre dans certains secteurs.

M. Michel Mercier a constaté que le financement des collectivités territoriales ne figurait pas parmi les priorités budgétaires pour 2000, même si l'Etat demeure le premier contributeur des collectivités territoriales. Ainsi, en 2000, le taux d'évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sera inférieur à celui des dépenses de l'Etat, les 200 millions de francs inscrits au titre de la progression de la DGF étant destinés à prendre en compte les résultats du recensement. Il a voulu savoir si cette faible évolution était exceptionnelle ou si elle devait se reproduire dans les années à venir. Il s'est également interrogé sur l'impact budgétaire de la réforme de la taxe professionnelle. Il a voulu savoir comment serait compensée la baisse des droits de mutation prévue dans le PLF pour 2000, et, en particulier, si la compensation serait calculée sur les résultats de 1998 ou sur ceux de 1999. Enfin, il a rappelé que, lors du débat sur le PLF pour 1999, le Gouvernement avait pris l'engagement de réformer la fiscalité de France Telecom.

M. Dominique Strauss-Kahn a rappelé, s'agissant des projets de loi de financement de la sécurité sociale, qu'il s'agissait d'appliquer une loi votée par le Parlement et approuvée à l'époque par le Sénat. Il a contesté l'idée d'une incohérence entre le PLF et le PLFSS, en particulier s'agissant de la TGAP. Cette dernière a été créée par la loi de finances pour 1999 comme un impôt, le transfert de son produit à la sécurité sociale nécessitant qu'elle soit traitée dans le PLFSS pour 2000, un tel transfert de ressources clarifiant les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale. Il convient de préciser que le budget de l'environnement, malgré le transfert du produit de la TGAP à la sécurité sociale, progressera en 2000. Cette opération permettra de financer, à hauteur de 2 milliards de francs, l'extension des mesures d'allégement de cotisations sociales.

Il a indiqué que l'intégration de la redevance dans la taxe d'habitation ne modifierait en rien le montant d'impôts payés par les contribuables. En matière de TVA, il a indiqué que le Gouvernement n'était pas hostile, par principe, à ce que la restauration soit concernée par la réduction du taux, mais il a expliqué que cette mesure n'accroîtrait guère le pouvoir d'achat des Français en raison de l'importance du tourisme dans notre pays. Par ailleurs, de nombreux pays européens, l'Allemagne en particulier, sont opposés à une telle mesure : l'unanimité étant requise en matière fiscale, elle n'a pu être décidée.

M. Dominique Strauss-Kahn a rappelé que la moitié des Français n'étaient pas imposables sur le revenu. L'augmentation de l'impôt sur le revenu provenait, cette année, des modifications successives intervenues sur les allocations familiales et le quotient familial, mais 4 % seulement des foyers fiscaux étaient touchés. Il a indiqué que la réforme des impôts directs, qui sera réalisée en 2001, portera non seulement sur l'impôt sur le revenu, mais aussi sur la taxe d'habitation.

Il a précisé que le PLFSS ne finançait pas seulement les 35 heures, mais aussi une nouvelle mesure d'allégement des cotisations sociales sur les bas salaires.

Il a estimé que l'évolution des recettes de TVA résultait de nos résultats à l'exportation, mais, en aucun cas, des délocalisations d'entreprises françaises à l'étranger, qui sont sans impact sur les recettes de TVA, seuls les consommateurs français payant cet impôt.

Il a rappelé que le groupe des sept pays les plus industrialisés (G7) avait constitué un " forum de stabilité financière ", travaillant notamment sur les paradis fiscaux, où transite l'argent de la drogue ou de divers trafics internationaux. A cet égard, il lui a paru impropre d'établir un parallèle avec la situation de certains d'entre eux en Europe, tels Jersey, où la fiscalité est anormalement basse, mais qui ne se livrent pas à des opérations financières illicites.

M. Dominique Strauss-Kahn a indiqué que le conseil des ministres des finances européen abordait régulièrement la question de la taxation des mouvements financiers internationaux, dite taxe " Tobin ", mais que la plupart des Etats membres y étaient opposés. Il a du reste estimé que le développement des transactions financières électroniques risquait aujourd'hui de rendre cette taxe inopérante, ce qui n'empêche toutefois pas de mener les réflexions indispensables sur la manière de réguler des mouvements de capitaux à court terme.

Il a rappelé qu'un des moyens de réduction du coût du système fiscal français serait la suppression de certaines perceptions, mouvement contre lequel de nombreux élus locaux protestaient régulièrement. Il a indiqué que la dépense publique ne diminuait pas automatiquement en période de croissance soutenue, la bonne conjoncture économique induisant des besoins nouveaux. S'agissant des emplois jeunes, il a estimé qu'ils recevaient une formation qui leur permettrait d'aborder dans de bonnes conditions le marché du travail, à l'issue de leur contrat de cinq ans, et que, d'une certaine manière, il s'agissait d'une dépense d'investissement. Il a expliqué que des pénuries de main d'oeuvre pouvaient éventuellement apparaître dans certains secteurs après une période de croissance longue. Enfin, en matière de finances locales, il a rappelé que l'effet volume avait surcompensé la baisse des taux des droits de mutation.

M. Christian Sautter a, pour sa part, apporté les éléments d'information suivants :

- l'abondement des crédits réalisés par le décret d'avance du 2 septembre dernier s'explique par la revalorisation des minima sociaux ;

- tous les investissements dans le domaine des transports routiers ne sont pas nécessairement rentables ;

- tous les investissements ferroviaires ne sont pas sans rentabilité, comme le montre l'exemple du TGV Sud-Est ;

- un groupe de travail a été constitué afin d'étudier les moyens d'un redressement de la CNRACL, dont la situation financière sera difficile en 2000, cette caisse ne pouvant toutefois poursuivre ses activités avec un déficit de trésorerie dépassant 2,5 milliards de francs ;

- la simplicité a été recherchée en matière de baisse de taux de TVA dans le secteur du logement : seuls les gros équipements, comme par exemple les ascenseurs et les chaufferies collectives, restent taxés au taux de 20,6 % ; par ailleurs, un effort d'information a été entrepris, l'instruction fiscale ayant été publiée dès le 15 septembre, date d'entrée en vigueur de la mesure ;

- le projet de loi de finances pour 2000 réalise des économies, notamment, sur le service de la dette et sur les crédits de la défense, les dépenses de fonctionnement militaires diminuant de 1 % ;

- la réduction du taux de TVA sur les services à domicile touche les entreprises, très peu nombreuses dans ce secteur ; toutefois, les associations concernées, déjà exonérées de TVA, le resteront ;

- la réduction du nombre d'emplois dans les services du ministère des finances résulte de la simplification des procédures et de la mise en oeuvre de méthodes d'automatisation, qui ne porteront nullement atteinte à l'efficacité du service public, en particulier au déroulement du contrôle fiscal ;

- le coût de recouvrement de l'impôt en France est, en effet, plus élevé que le coût moyen européen ; toutefois, des efforts ont été entrepris afin d'améliorer le service public fiscal, comme la simplification des formulaires ou l'instauration d'un interlocuteur unique ;

- le budget de l'industrie est désormais intégré, pour l'essentiel, dans celui de l'économie et des finances, mais les crédits sont suffisants pour mener une politique industrielle efficace ;

- les dépenses passives en matière d'emploi ont fait l'objet de mesures d'activation ;

- le rapport établi par M. Bourguignon pour le conseil d'analyse économique a montré que le passage du chômage à l'activité professionnelle pouvait être pénalisant sur le plan fiscal ;

- les transferts globaux de l'Etat vers les collectivités territoriales sont en augmentation, même si cette dernière est moindre et que par le passé, l'évolution des concours financiers aux collectivités territoriales étant indexée sur la hausse des prix, désormais très modérée ;

- le coût net pour l'Etat de la réforme de la taxe professionnelle s'élèvera à 2 milliards de francs de plus en 2000 par rapport à 1999 ;

- la réduction des droits de mutation sera intégralement compensée aux collectivités territoriales par la dotation générale de décentralisation, qui est indexée sur l'inflation et la croissance ;

- un groupe de travail a été constitué pour réfléchir à une réforme de la fiscalité de France Telecom, en particulier, de manière à connaître avec précision les bases d'imposition de cette entreprise.

DEMANDE DE SAISINE POUR AVIS ET NOMINATION D'UN RAPPORTEUR POUR AVIS

Puis la commission a demandé à être saisie pour avis sur les propositions de loi n° 187 (1998-1999) de M. Charles Descours, visant à améliorer la protection sociale des salariés et créant des fonds de retraite, et n° 218 (1998-1999), de M. Jean Arthuis et des membres du groupe de l'Union centriste, visant à instituer des plans d'épargne retraite, et a désigné M. Philippe Marini commerapporteur pour avis