Travaux de la commission des finances



- Présidence de M. Alain Lambert, président.

Politique de recrutement et gestion des universitaires et des chercheurs - Communication - Audition de M. Rémi Barré, directeur de l'Observatoire des Sciences et des techniques et de M. Pierre-Yves Cusset, pour la société Repères

Au cours d'une réunion conjointe avec le comité d'évaluation des politiques publiques, la commission a tout d'abord entendu une communication de M. Yves Fréville, sur la politique de recrutement et la gestion des universitaires et des chercheurs, puis a procédé à l'audition de M. Rémi Barré, directeur de l'Observatoire des Sciences et des techniques et de M. Pierre-Yves Cusset, pour la société Repères.

M. Yves Fréville, rapporteur pour le comité d'évaluation des politiques publiques
, a rappelé que la politique de recrutement et la gestion des universitaires et des chercheurs était le premier sujet traité par le comité d'évaluation des politiques publiques du Sénat et qu'il avait été choisi en juin 2000. Il a indiqué que ce choix avait été bien anticipé et qu'il était en phase avec l'actualité, puisque la Cour des comptes, dans le tome II de son rapport public particulier relatif à la fonction publique de l'Etat, avait consacré un chapitre à la gestion des enseignants-chercheurs, que M. Jean-Paul Fitoussi avait rendu un rapport sur la réforme de l'enseignement supérieur de l'économie, que le président de l'université de Poitiers, M. Éric Espéret, avait remis au ministre de l'éducation nationale son rapport sur les obligations de service des enseignants-chercheurs et que le ministre de la recherche, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, avait présenté au Conseil des ministres du 24 octobre dernier une communication sur un plan de recrutement pluriannuel de chercheurs. Il a ensuite souligné que le comité, pour effectuer sa première étude, avait dû élaborer une méthodologie constituant un équilibre entre les méthodes de travail traditionnelles du Parlement, notamment au moyen d'auditions et de demandes de pièces, et le recours à une expertise externe. Il s'est félicité, de ce point de vue, que le comité ait ainsi anticipé le souhait exprimé par le président du Sénat, Christian Poncelet, dans son discours d'orientation.

M. Yves Fréville, rapporteur, a ainsi précisé qu'il avait effectué plus de trente auditions de responsables du ministère de l'éducation nationale et de la recherche ainsi que de présidents de section du Conseil national des universités (CNU) et du Comité national de la recherche scientifique, représentant un champ disciplinaire relativement large. Il a également sollicité une contribution écrite de l'ensemble des présidents de section et des présidents d'université, ainsi que des syndicats de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il a expliqué qu'il avait constamment souhaité donner la parole aux membres de la communauté scientifique, et qu'à ce titre, il avait mis en place un forum de discussion sur le site Internet du Sénat afin de connaître l'avis des intéressés sur l'organisation de leur profession, qui, avec plus de 1.400 contributions en deux mois, avait remporté un vif succès. Puis il a expliqué avoir passé commande de deux études à des experts extérieurs, la première portant sur la situation et l'évolution démographiques de l'emploi public dans l'enseignement supérieur et la recherche, effectuée par l'Observatoire des sciences et des techniques (OST), la seconde prenant la forme d'un sondage réalisé par la société Repères auprès de 4.000 universitaires. Il a du reste précisé que ce sondage avait également été un succès, puisqu'il avait donné lieu à un taux de retour de 25 % alors que, dans la plupart des cas, il n'est que de 10 %. Il a toutefois vivement regretté que les ministres de l'éducation nationale et de la recherche n'aient pas souhaité être auditionnés par la commission et le comité d'évaluation réunis.

M. Yves Fréville, rapporteur, a ensuite présenté la problématique du sujet, précisant qu'il s'était placé dans la situation d'évaluer une politique sur le long terme, en particulier ses résultats actuels et ses perspectives futures. Il a rappelé que l'universitaire ou le chercheur jouissait d'un statut dérogatoire au sein de la fonction publique qui en fait un fonctionnaire à part, la liberté académique étant d'ailleurs reconnue en France depuis une décision du Conseil constitutionnel de 1984 comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République : ce principe se traduit par une autonomie des corps universitaires en matière de recrutement et de gestion des carrières, l'universitaire étant choisi puis jugé par ses pairs au sein d'instances spécifiques organisées par discipline. Cette organisation entraîne donc un risque évident de conservatisme, pouvant dégénérer en mandarinat, en syndicalisation excessive ou, le plus souvent, en corporatisme disciplinaire. Sur le plan institutionnel, le système français repose sur un système dual comprenant, d'une part, des grandes écoles et des facultés, et, d'autre part, des organismes de recherche, dont le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) est l'exemple le plus achevé, qui emploient des chercheurs à vie. Notre système national se distingue ainsi de la « norme » internationale qui ne connaît que des universités pluridisciplinaires dont les personnels ont tous une activité de recherche. Les agences de recherche n'ont pas de personnels statutaires mais orientent la recherche au sein des universités.

S'agissant des seules universités, M. Yves Fréville, rapporteur, a estimé que le système était mal régulé parce que le pouvoir y est partagé entre trois niveaux d'autorité qui se neutralisent plutôt qu'ils ne s'équilibrent :

- l'Etat : il répartit les emplois entre les universités, mais ne dispose ni de l'information, ni des moyens susceptibles de mettre en oeuvre une politique du personnel au niveau de l'établissement ;

- l'université : théoriquement autonome, elle peut définir une politique d'utilisation de ses personnels, mais ne dispose pas, en fait, des emplois et, face aux universitaires, se retrouve très souvent sans réels pouvoirs ;

- les corps universitaires : ils conservent une très large autonomie par rapport à l'université, tant lors de recrutements que de l'avancement.

Il s'agit de tenter de concilier ces trois niveaux d'autorité et les principes que chacun d'entre eux représente.

M. Rémi Barré, directeur de l'OST, a indiqué que, dans l'étude qu'il avait effectuée, il avait tenté de répondre à trois questions : les conséquences des importantes évolutions démographiques affectant les universitaires et les chercheurs, l'attractivité de la carrière de ces derniers, et l'importance des « viviers » de futurs universitaires et chercheurs.

S'agissant de l'aspect démographique de l'étude, il a rappelé que la population visée comprenait environ 65.000 personnes dont trois-quarts d'universitaires. Il a expliqué que le taux de recrutement était constitué de la somme du taux de départ, en particulier en retraite, et de la variation annuelle des effectifs. Il a indiqué que, au cours des années 1990, environ 1.900 départs avaient lieu chaque année ; ce nombre serait de 2.400 en 2004 et de 2.800 en 2008, puis se stabiliserait. Dans les années 1990 également, la population des universitaires et des chercheurs a vu ses effectifs croître de 2,5 % par an, soit environ 1.600 personnes supplémentaires chaque année, auxquelles il convient d'ajouter 1.900 départs, soit la réalisation d'environ 3.500 recrutements annuels. Il a souligné que la totalité de cette augmentation des effectifs pouvait être attribuée aux enseignants-chercheurs, les effectifs des chercheurs restant, quant à eux, stables.

M. Rémi Barré a indiqué qu'au cours des prochaines années, ces recrutements passeraient de 3.500 à 4.000, voire 4.500 par an, soit une augmentation de 15 %, pour maintenir stables les effectifs, estimant que cette évolution ne constituait pas un bouleversement. Il a toutefois distingué les disciplines « jeunes », par exemple les sciences pour l'ingénieur, les sciences de l'information en particulier, et les disciplines « vieilles » comme la physique, les évolutions démographiques affectant ces deux catégories de discipline étant différentes.

M. Rémi Barré a ensuite noté que l'obtention du doctorat, en un minimum de huit années d'études suivies d'une période post-doctorale, donnait au parcours des enseignants-chercheurs et des chercheurs un caractère extrêmement long, avec des rémunérations faibles de l'ordre de 6.000 francs par mois, alors même que, dans certaines disciplines, la concurrence peut être extrêmement forte avec le secteur privé. Par ailleurs, la lisibilité de ces parcours, notamment vue de l'étranger, apparaît bien souvent excessivement réduite. Il a indiqué que le déroulement de carrière devenait plus intéressant à partir de 40 ans, mais que, d'une manière générale, les carrières étaient moins rapides aujourd'hui qu'il y a une quinzaine d'années, mais aussi plus rapides à l'université que dans les organismes de recherche. Il a ainsi conclu que, au regard du caractère finalement faible de l'attractivité des carrières, ces professions étaient avant tout le fait de vocations.

Abordant la question des « viviers », il a considéré que les politiques conduites depuis le début des années 1990 avaient fait disparaître tout problème d'ordre quantitatif. En effet, la population des doctorants peut être évaluée entre 30.000 et 40.000 personnes, dont 25 % d'étudiants étrangers. Environ 10.000 d'entre eux soutiennent leur thèse chaque année, puis entre 3.000 et 3.500 candidats sont effectivement recrutés.

M. Pierre-Yves Cusset, pour la société Repères, a ensuite présenté, à l'aide d'une vidéo-projection, les principaux résultats du sondage effectué auprès de 4.000 enseignants-chercheurs au cours de l'été dernier. S'agissant du recrutement, il a indiqué que le système actuel de recrutement des maîtres de conférences était globalement critiqué, en particulier par les intéressés, même s'il restait préféré à d'autres systèmes, en particulier une intervention des instances locales précédant celle des instances nationales ou encore l'organisation d'un concours national sur épreuves. Il a ensuite noté que les deux-tiers des enseignants-chercheurs étaient favorables à l'interdiction ou à la limitation des recrutements locaux.

A cet égard, il a estimé que l'un des principaux enseignements du sondage était l'existence d'un clivage entre les universitaires « localo-confiants » et « localo-défiants », ces derniers étant toutefois les plus nombreux, à hauteur des deux-tiers. Les premiers se rencontrent plus généralement chez les maîtres de conférences, qui ont d'ailleurs été nommés dans l'université dans laquelle ils avaient soutenu leur thèse. Ils se montrent plus satisfaits que la moyenne à l'égard du système de recrutement et considèrent que l'instance locale est la plus légitime pour prendre les décisions d'avancement. Les seconds, au contraire, sont davantage composés de professeurs d'université qui s'estiment peu satisfaits des modalités de recrutement, préférant plus souvent un système de recrutement par concours national. Ils ont, plus fréquemment que les « localo-confiants », travaillé dans plusieurs universités ainsi que dans des universités étrangères. Enfin, ils estiment que l'obligation qu'ont les agents publics de rendre compte de leur activité n'est pas satisfaite dans l'enseignement supérieur.

Si le découpage en sections du CNU, comme la composition de celles-ci, satisfont la majorité des répondants au sondage, un tiers des universitaires souhaiterait qu'elles comportent davantage d'universitaires étrangers et de membres élus plutôt que nommés. 40 % des sondés émettent des critiques à l'encontre de la composition des commissions de spécialistes qui, au sein des universités, recrutent les enseignants-chercheurs. Sur ce point également, un tiers des universitaires souhaiterait qu'elles comportent davantage de personnes extérieures à l'université.

M. Pierre-Yves Cusset a ensuite abordé la question de l'avancement et de l'évaluation de ces enseignants. Le sondage a montré que les décisions d'avancement devaient prendre davantage en compte la qualité de l'enseignement, pour 80 %, les charges administratives, pour 70 %, la qualité de la recherche, pour 40 %, et les séjours à l'étranger, pour 30 %. De surcroît, 80 % des enseignants-chercheurs se disent favorables à l'évaluation de l'enseignement par les étudiants et un tiers d'entre eux souhaiterait que le résultat de l'évaluation soit porté à la connaissance de l'ensemble de l'université.

En matière de rémunérations et de conditions de travail, plus de la moitié des répondants assure des heures complémentaires, essentiellement parce qu'elles sont indispensables au bon fonctionnement des unités de formation et de recherche (UFR). Sept enseignants-chercheurs sur dix consacreraient entre 20 % et 60 % de leur temps de travail à la recherche. Par ailleurs, les trois-quarts des universitaires se disent favorables à la possibilité de moduler leur charge d'enseignement dans le cadre d'un contrat individuel pluriannuel passé avec le président de l'université. Deux tiers d'entre eux souhaiteraient continuer à assumer des charges administratives, à condition qu'elles soient davantage prises en compte dans leur évaluation, ou qu'elles ouvrent droit à une rémunération spécifique.

Il a indiqué que, en matière de mobilité, un tiers des universitaires avait travaillé dans plusieurs universités, et que 70 % de ceux-ci considéraient que cette expérience avait été profitable à leurs travaux de recherche. Les deux tiers des enseignants chercheurs n'ont travaillé que dans une seule université, essentiellement parce qu'ils pensent que le système universitaire ne favorise pas la mobilité. Du reste, en général, ils sont relativement intéressés par une mobilité temporaire dans un organisme public de recherche, dans l'administration ou dans le secteur privé, mais très peu, soit 10 %, seraient intéressés par une mobilité définitive. Enfin, les enseignants-chercheurs sondés ont considéré que les principaux problèmes qu'ils rencontraient étaient, dans l'ordre : le manque de temps pour la recherche, la faiblesse des rémunérations, l'insuffisance du personnel administratif, la lourdeur des charges d'enseignement et les blocages dans l'avancement de la carrière.

M. Yves Fréville, rapporteur, a considéré que les politiques à long terme mises en place il y a une décennie s'essoufflaient aujourd'hui. Certes, un ensemble cohérent de mesures avait été pris à la fin des années 1980 et au début des années 1990, sous l'impulsion de Claude Allègre, alors conseiller spécial du ministre de l'éducation nationale de l'époque, lorsqu'il avait fallu adapter le format des universités à l'accroissement des effectifs d'étudiants. Il a notamment cité la reconstitution d'un vivier de futurs universitaires et chercheurs, suite à l'alignement de la thèse sur une norme internationale, grâce en particulier à l'instauration d'allocations de recherche et à la création des attachés temporaires d'enseignement et de recherche (ATER). Il a toutefois estimé qu'il convenait de surmonter l'écueil de la reconstitution de personnels hors statut intégrables à terme dans la fonction publique sans garantie de qualité. Par ailleurs, le problème des « post-doc » restait entier, alors que la recherche de niveau international reposait essentiellement sur eux : faute de ce type de personnels, les laboratoires de recherche français se trouvent dans l'obligation de recourir à des chercheurs à vie dont on peut s'interroger sur la pertinence.

M. Yves Fréville, rapporteur, a également mis au compte de ces politiques la revalorisation de la fonction universitaire, avec la création d'un système de primes. Il a toutefois insisté sur le fait que ces mesures avaient coïncidé avec la dépression économique en 1992-1993 mais qu'elles se sont révélées moins incitatives dans un contexte de croissance retrouvée. Ainsi l'attractivité des carrières pour les meilleurs éléments s'est-elle fortement réduite : le déroulement de carrière s'est en effet « tunnélisé », d'autant plus que les mauvais ne sont pas sanctionnés ni les meilleurs récompensés. La fonction publique universitaire française n'est ainsi, selon lui, absolument pas compétitive sur le plan international, et comporte le risque d'une « médiocratisation » générale, notamment dans les disciplines de pointe. Le rapporteur a dès lors considéré qu'il fallait pouvoir recourir à des contrats de droit public permettant de recruter des universitaires ou des chercheurs de renommée internationale. Enfin, il a évoqué la contractualisation réalisée entre l'Etat et les universités, tout en regrettant que ces contrats ne comportent aucun volet relatif aux emplois.

M. Yves Fréville, rapporteur, a plaidé pour la mise en place progressive d'une politique cohérente de gestion des ressources humaines. Il s'est déclaré hostile à des mesures brutales de court terme qui seraient nécessairement rejetées par la communauté scientifique et a indiqué qu'il ne serait pas à l'origine d'une 25modification du décret de 1984 relatif au statut des enseignants chercheurs.

Il a alors formulé des propositions allant dans trois directions :

- au niveau des personnels, il a estimé que l'obligation de service aujourd'hui uniquement fixée en termes d'enseignement devant les étudiants était devenue obsolète. Il a dès lors proposé que soit instauré un contrat pluriannuel entre l'universitaire et son établissement. Un tel contrat devrait définir certains objectifs, notamment en matière de recherche ou de pédagogie, et apporter de la souplesse dans la gestion du temps. Ce contrat serait également la base du contrôle de l'activité dans ses différentes dimensions (enseignement, recherche, administration). Il a également considéré que les universités elles-mêmes devaient faire l'objet d'une véritable évaluation, l'enseignement supérieur souffrant aujourd'hui de l'absence de coordination des enseignements et du caractère parfois factice de certains programmes. Il s'est alors déclaré favorable à la proposition de Jean-Paul Fitoussi de développer une agence d'évaluation externe des universités, qui devrait, selon lui, passer par la transformation du comité national d'évaluation des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (CNE) ;

- au niveau des établissements, l'essentiel est de leur permettre de concevoir et d'appliquer une politique efficace de gestion des personnels. Le rapporteur a ainsi souhaité que soit améliorée la gouvernance des universités et renforcée l'autorité du président, ce dernier ne devant plus être tributaire de majorités disciplinaires fluctuantes, mais devenir l'exécutif d'un véritable conseil d'orientation sur le modèle anglo-saxon, repris dans les universités nouvelles françaises. Il a également considéré que les universités devaient être capables de faire respecter leurs orientations par les commissions de spécialistes, la composition de ces dernières devant d'ailleurs être beaucoup plus ouverte, par exemple, à l'ensemble des enseignants de l'établissement, voire aux représentants du personnel administratif et des étudiants ;

- quant à l'Etat, il doit se donner les moyens d'assurer le pilotage du système universitaire : s'il a mis en place des modèles de répartition des moyens tels que San Remo, ceux-ci ne sont guère performants puisqu'ils ne font que perpétuer les importantes inégalités disciplinaires. Il a également estimé que l'université devait proposer à l'Etat une répartition plus rationnelle de ses emplois sur le plan de l'enseignement, ce qui suppose des réflexes moins corporatistes. L'Etat devrait définir une politique globale de l'emploi scientifique couvrant à la fois le champ des universités et celui des organismes de recherche : par exemple, le CNRS pourrait être doté d'emplois dans les secteurs ne correspondant pas à une activité d'enseignement supérieur suffisante, comme le latin médiéval ou l'astronomie. Il a considéré à cet égard que le plan de recrutement de chercheurs annoncé par le ministre, s'il était parfaitement acceptable dans son principe, aurait probablement pour conséquence de freiner l'émergence en France d'un système de recherche plus flexible et plus capable d'affronter la concurrence internationale.

M. Jean-Pierre Demerliat a souhaité connaître l'avis du rapporteur sur les modalités de recrutement des maîtres de conférences. Il a en effet regretté que ces derniers soient qualifiés uniquement sur titres, la section compétente du CNU n'auditionnant quasiment jamais les candidats.

M. Philippe Adnot a estimé qu'il lui paraissait extrêmement difficile de s'exonérer du contexte international et qu'il convenait de pouvoir attirer les meilleurs étudiants et enseignants en France, à l'exemple de ce que fait le Massachusetts Institute of Technology (MIT). De ce point de vue, il a souligné une contradiction entre cette réalité internationale et les positions défendues par de nombreux enseignants-chercheurs dans leurs réponses au sondage. Enfin, il a insisté sur la nécessité de réaliser des innovations en matière d'évaluation de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. Yves Fréville, rapporteur, a indiqué qu'il avait connu et pratiqué quasiment tous les modes de recrutement des maîtres de conférences, le critère essentiel restant toutefois la qualification sur travaux scientifiques. Il a estimé qu'il était nécessaire qu'à l'échelon local, les commissions de spécialistes auditionnent les candidats dans des conditions matérielles satisfaisantes et équitables, à l'exemple de ce qui se pratique dans les universités américaines. Il a estimé qu'il fallait dépasser la logique interne des modèles de type San Remo, et profiter des périodes de croissance économique pour remettre à plat la répartition des moyens entre universités et entre disciplines. Enfin, il a considéré que le système universitaire français, s'il devait promouvoir l'excellence, devait aussi continuer de remplir ses missions de service public à destination de tous.

Le comité et la commission ont alors donné acte au rapporteur de sa communication et décidé que les conclusions de sa mission feraient l'objet d'une publication sous la forme d'unrapport d'information.
Puis le comité d'évaluation a nommé M. Michel Charasse, rapporteur d'une étude relative aux services départementaux et de secours (SDIS), en remplacement de M. Jacques Bimbenet.

PJLF pour 2002 - Crédits de l'aménagement du territoire et de l'environnement : II.- Environnement - Examen du rapport spécial

La commission a ensuite procédé à l'examen des crédits de l'aménagement du territoire et de l'environnement : II.- Environnement, sur le rapport de M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, dans le projet de loi de finances pour 2002.

A titre liminaire, M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, a indiqué qu'il ne fallait pas juger un budget sur la seule progression affichée de ses crédits, mais sur la réalité de ces moyens supplémentaires et sur l'utilisation qui en était faite en cours de gestion.

S'agissant du budget de l'environnement pour 2002, il a indiqué que, compte tenu d'un transfert de 14 millions d'euros, sa progression réelle n'était pas de 6,3 % par rapport à 2001, mais de 4 %. Il s'est inquiété du très faible taux de consommation des crédits de ce budget : si 85 % de ces crédits étaient consommés en 1997, ils n'étaient plus que 47 % en 2000.

Il a critiqué la priorité donnée par le ministère au « renforcement de son socle » qui se traduit par des effectifs croissants (+ 42 % depuis 1997, soit mille emplois supplémentaires) et des moyens de fonctionnement en très forte progression (+ 86 % depuis 1997). Il a estimé que la voie du transfert d'emplois aurait été meilleure et moins coûteuse. Pour 2002, sur les 300 créations nettes d'emplois prévues, il a indiqué que la moitié avait pour vocation de permettre un passage en douceur aux 35 heures, contrairement aux engagements du Gouvernement sur la stabilité des emplois publics.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, s'est inquiété de la réduction des crédits affectés à la politique de l'eau et a estimé que le fonds national de solidarité pour l'eau (FNSE), abondé par les agences de l'eau, ne pouvait se substituer à l'effort financier du budget de l'Etat pour des dépenses régaliennes en matière de politique de l'eau et des dépenses de solidarité.

S'agissant de la politique de prévention des risques industriels, il a regretté que le Gouvernement en fasse tardivement -après la catastrophe de Toulouse- l'une de ses priorités budgétaires, rappelant qu'au regard des augmentations de crédits et d'effectifs que le budget de l'environnement avait connues ces dernières années, les dotations de cette politique demeuraient faibles.

S'agissant enfin des crédits de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), qui diminuent, en intervention, pour la deuxième année consécutive, M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, a rappelé les principales conclusions de son rapport d'information publié en mars 2001. Il a déploré que l'instauration de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) ait conduit à détourner plusieurs millions d'euros de crédits qui auparavant servaient des actions environnementales et qui aujourd'hui participent au financement des 35 heures. Il a estimé que l'ADEME aurait vraisemblablement besoin, l'an prochain ou l'année suivante, des crédits dont elle avait été dépouillée en 2001 et en 2002 et qu'il lui sera alors plus difficile de les récupérer.

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, a indiqué qu'il partageait les analyses du rapporteur spécial. Il s'est dit inquiet de l'évolution pour 2002 des crédits destinés à la prévention contre les inondations, à la remise aux normes des bâtiments d'élevage, aux paysages et notamment aux opérations dites « grands sites ». Il a attiré l'attention de la commission sur la situation du conservatoire du littoral qui a fait l'objet de deux rapports en 2001, l'un de la Cour des Comptes et l'autre de M. Louis Le Pensec, sénateur, nommé parlementaire en mission par le Premier ministre.

M. Jacques Oudin a partagé les réserves du rapporteur spécial sur le FNSE. Il a en outre tenu à souligner que la France avait été condamnée à plusieurs reprises en 2001 au titre de sa politique de l'environnement (et notamment en mars 2001 par la Cour de justice des communautés européennes pour non transposition d'une directive de 1991 sur les nitrates).

M. Alain Lambert, président, a souhaité connaître le détail des annonces faites par le Premier ministre à la suite de la catastrophe de Toulouse, ainsi que leurs implications budgétaires pour 2002. Il a également souhaité avoir des précisions sur le passage aux 35 heures au ministère de l'environnement.

En réponse, M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, a indiqué que les différentes mesures annoncées par le Gouvernement suite à la catastrophe de l'usine AZF (création de 100 emplois pour l'inspection des installations classées, renforcement des moyens de l'institut national de l'environnement industriel et des risques, l'INERIS, etc.) représentaient 8 millions d'euros supplémentaires qui seraient intégrés au budget pour 2002 par la voie d'amendements du Gouvernement au projet de loi de finances lors de son examen en première lecture par l'Assemblée nationale. L'ensemble de ces crédits porterait la progression du budget de l'environnement de 6,3 % à 7 %. D'autres crédits, nécessaires pour la mise en place des futurs plans de prévention des risques technologiques, seraient apportés lors d'une loi de finances rectificative en temps utile.

S'agissant du passage aux 35 heures, le rapporteur spécial a indiqué que le ministère de l'environnement était l'un des deux seuls à avoir signé un accord-cadre avec les syndicats. Il a réaffirmé qu'environ la moitié des créations de postes prévues pour 2002 devait permettre la réduction du temps de travail des agents du ministère et a chiffré à près de 10 millions d'euros le coût des 35 heures sur le budget de l'environnement en 2002.

Enfin, la commission a décidé de proposer au Sénat de rejeter les crédits de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

PJLF pour 2002 - Crédits de l'éducation nationale : I. - Enseignement scolaire et article 65 rattaché - Examen du rapport spécial

Puis la commission a examiné les crédits de l'éducation nationale : I. - Enseignement scolaire et article 65 rattaché, sur le rapport de M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial.

A titre liminaire, M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial des crédits de l'enseignement scolaire, a rappelé que les crédits demandés pour l'enseignement scolaire en 2002 s'élevaient à 52,7 milliards d'euros (soit 345,7 milliards de francs), en hausse de 4,1 % par rapport à 2001, de sorte que le budget de l'enseignement scolaire aura absorbé entre 1997 et 2002 près de 10 milliards d'euros (soit 65 milliards de francs) supplémentaires. Il a calculé que la progression du budget de l'enseignement scolaire entre 1997 et 2002 représentait ainsi près de 40 % de la hausse du budget général de l'Etat en francs courants et près de 100 % de la hausse du budget général de l'Etat en volume entre ces deux dates, le Gouvernement ayant donc alloué au seul enseignement scolaire l'équivalent de l'intégralité de ses marges de manoeuvre budgétaires. Il a ajouté que le nombre d'élèves de l'enseignement scolaire s'était en revanche réduit de plus de 300.000 durant le même laps de temps, de sorte que le coût annuel d'un élève se sera accru, en cinq ans, de 18 % à prix constants.

Il a précisé que ces rappels ne visaient aucunement à « diaboliser » les dépenses publiques en matière d'enseignement scolaire, mais à souligner l'enjeu que constitue leur bonne utilisation.

Or il a rappelé que la rénovation des locaux d'enseignement résultait de l'action des collectivités locales et que, pour le reste, de nombreux établissements scolaires étaient minés par la violence et les incivilités ; que le nombre de jeunes sortant chaque année du système éducatif sans aucune qualification réaugmentait depuis 1996 et que les travaux de l'INSEE démontraient que les inégalités ne se réduisaient pas.

Il a indiqué que les crédits supplémentaires prévus pour l'enseignement scolaire dans le projet de loi de finances pour 2002 appelaient ainsi quatre séries d'observations, relatives respectivement aux réformes pédagogiques, à la gestion des personnels, à la définition des tâches des enseignants, enfin à l'allocation générale des ressources entre l'enseignement scolaire et l'enseignement supérieur.

S'agissant en premier lieu des réformes pédagogiques, il a précisé qu'il approuvait certaines orientations du budget de l'enseignement scolaire pour 2002, notamment la relance de l'internat pour aider les élèves et les familles en difficulté ; le renforcement du dispositif médico-social en faveur des élèves ; le développement des bourses de mérite ; le renforcement des évaluations nationales ; la rénovation de la formation initiale des enseignants ; enfin, la poursuite du plan « Handiscol ».

Il s'est toutefois inquiété de l'absence de politique générale en matière d'orientation, qui constitue pourtant une modalité essentielle de lutte contre l'échec scolaire et universitaire.

Il s'est également inquiété du flou des nouvelles orientations en faveur du collège, tout en se demandant quand cette nouvelle réforme serait effectivement mise en oeuvre, puisque que les réformes de 1994 commençaient tout juste à s'appliquer et que les réformes impulsées par Mme Ségolène Royal embrayaient toujours inégalement sur les pratiques locales. Il a ajouté que, plutôt que de nouvelles rafales de réformes pédagogiques, l'éducation nationale avait surtout besoin de plus de souplesse pour s'adapter au changement, pour favoriser les innovations et surtout pour faire face à l'hétérogénéité croissante des élèves. En conséquence, il a regretté la « timidité » des mesures annoncées en faveur de l'autonomie des établissements et de la responsabilisation des personnels.

Par ailleurs, il s'est inquiété de la multiplicité des objectifs assignés à l'école primaire, à savoir d'un côté, « gagner la bataille de la lecture et de l'écriture », c'est-à-dire recentrer l'école sur les savoirs fondamentaux ; de l'autre, promouvoir à la fois l'apprentissage d'une langue étrangère, l'expérimentation scientifique, l'initiation aux nouvelles technologies de la communication et de l'information, l'éveil artistique et culturel et l'apprentissage de la citoyenneté. Il a d'ailleurs regretté que l'objectif consistant à améliorer les connaissances fondamentales en mathématiques et en français ne figure plus parmi ceux qui sont assignés à l'agrégat « enseignement primaire » dans le bleu budgétaire, alors qu'il avait été retenu dans le projet de loi de finances pour 2001.

S'agissant toujours des réformes pédagogiques, il s'est enfin inquiété des conditions de mise en oeuvre de la généralisation de l'enseignement des langues vivantes à l'école primaire, cette mesure, souhaitée par les élèves et les parents, se traduisant par le recours désordonné à une multiplicité d'intervenants extérieurs très mal préparés à ce type d'enseignement et très difficiles à recruter dans certaines zones rurales, et les premières évaluations pédagogiques de l'initiation aux langues vivantes en classe de CE2 suggérant que la différence entre les élèves ayant bénéficié de cet enseignement et les autres était très rapidement gommée en 6e.

A l'issue de cette première série d'observations, le rapporteur spécial a rappelé que l'ensemble des réformes pédagogiques n'expliquaient que quelques pour cents de l'augmentation des crédits de l'enseignement scolaire en 2002, tandis que les créations d'emplois comptaient pour environ 10 % et la progression des dépenses de retraite et les mesures de revalorisation des personnels pour plus de 85 %.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, s'est alors demandé à quoi servaient les 10.942 emplois budgétaires supplémentaires prévus pour l'enseignement scolaire dans le projet de loi de finances pour 2002. En effet, après avoir indiqué que l'on pouvait a priori penser que la progression du nombre d'enseignants, dans un contexte caractérisé par la baisse du nombre d'élèves, permettait une réduction significative du nombre d'élèves par classe, il a estimé que le lien entre les emplois budgétaires et le nombre d'élèves par classe était en fait parfois ténu.

Il a précisé que, selon la Cour des comptes, 12 % des enseignants du second degré n'enseignaient pas et que le « rendement moyen » des enseignants du second degré, c'est-à-dire le nombre d'heures de cours qu'ils effectuaient en moyenne, tendait à diminuer. A titre d'exemple, il a rappelé que la Cour des comptes avait calculé que la diminution du rendement moyen des emplois d'enseignant équivalait, pour la seule académie de Nantes, à la perte de 1.180 emplois entre 1994 et 1998.

S'agissant de même des emplois créés dans l'enseignement primaire, il a souligné que le rapport général pour 1999 de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale (IGAEN) observait dans les écoles primaires « une diminution des moyens consacrés à l'enseignement dans les classes », au profit notamment du remplacement, des décharges et des fonctions d'animation et de soutien.

Il a conclu que ces constats expliquaient le faible repli du nombre moyen des élèves par classe, en dépit de la baisse du nombre total des élèves.

Or il a rappelé que le Haut conseil de l'évaluation de l'école, créé en l'an 2000 par le ministre de l'éducation nationale, avait conclu dans son premier avis, relatif aux effets de la réduction de la taille des classes sur les progrès des élèves : « il semble exister un effet positif -mais faible- sur les progrès des élèves, effet observé presque uniquement dans les petites classes de l'enseignement primaire, qui semble ne se produire que si l'on procède à une forte réduction de la taille des classes, et qui n'est vraiment visible que pour les enfants de familles défavorisées, ce qui invalide la pratique de réduction de la taille des classes au fil de l'eau ou délibérée telle qu'elle a été réalisée ces dernières années en mettant à profit la baisse démographique, d'autant plus que certaines politiques peuvent être plus efficientes que la réduction de la taille des classes ».

Il a indiqué que la réponse à la question « à quoi servent les créations d'emplois ? » pouvait en fait, là encore, être trouvée dans le rapport général de l'IGAEN pour l'an 2000, qui montrait que les créations d'emplois d'enseignants servaient à limiter les dysfonctionnements de la rentrée au prix d'une surconsommation de moyens (surdimensionnement des effectifs de remplaçants, enseignants sans élèves dans certaines académies, etc.).

Il a précisé que cela résultait de ce que, malgré une prise de conscience récente et de réels progrès dans certains domaines, le ministère de l'éducation nationale était toujours incapable de gérer quantitativement ses personnels, le diagnostic formulé en 1999 par la commission d'enquête du Sénat sur la gestion des personnels enseignants demeurant malheureusement d'actualité, comme le soulignaient à la fois la Cour des comptes et l'IGAEN.

Il a précisé que la Cour des comptes observait notamment dans son rapport particulier sur la fonction publique de l'Etat d'avril 2001 : « aucune des académies contrôlées n'est en mesure de fournir à une date donnée le nombre exact des enseignants qu'elle est chargée de gérer et leur répartition en fonction de leur affectation et de leur discipline. Cette méconnaissance -qui fait écho à celle existant au niveau central- est révélatrice d'un système qui n'est ni maîtrisé, ni contrôlé ».

Il a ajouté que, selon la Cour des comptes, les sureffectifs et les surnombres avaient ainsi atteint des niveaux records dans les académies en l'an 2000.

Dans ces conditions, M. Adrien Gouteyron regretté que le ministre de l'éducation nationale s'investisse si peu dans la modernisation de la gestion de son administration et il s'est interrogé sur les hypothèses sous-jacentes aux plans pluriannuels de recrutement et de création d'emplois.

Il a ajouté que le ministère de l'éducation nationale, incapable de gérer quantitativement ses personnels, était évidemment bien en peine de les gérer qualitativement, de sorte que l'on pouvait s'inquiéter, d'une part, des conséquences pour le fonctionnement des établissements de la réduction du temps de travail annuel des personnels administratifs et techniques ; d'autre part, des perspectives ouvertes aux aides-éducateurs, compte tenu du retournement du marché du travail et des précédents de l'éducation nationale en matière d'emplois précaires.

Il a précisé que l'exemple des aides-éducateurs était d'ailleurs emblématique des dysfonctionnements de la formation continue des personnels de l'éducation nationale, qui dépense beaucoup moins que les grandes entreprises pour la formation de ses personnels, tout en gérant souvent mal ses programmes de formation, alors même que les besoins en matière de formation continue se font de plus en plus pressants, en raison de la diffusion de nouveaux outils et de la nécessité d'enseigner des savoirs plus étendus, comme les langues étrangères pour les enseignants du primaire.

Le rapporteur spécial a indiqué que l'enjeu de la formation continue rejoignait celui de la rénovation des charges de service des enseignants. A cet égard, il a rappelé que la hausse de la masse salariale directe du budget de l'enseignement scolaire aura absorbé à elle seule plus de 95 % de la progression de ce budget entre 1997 et 2002 et que cette hausse s'expliquait pour l'essentiel par l'augmentation de la valeur du point de la fonction publique, par la progression des pensions, et surtout par la mise en oeuvre des plans successifs de revalorisation des corps du ministère, en particulier du plan Jospin et du protocole Durafour. Or, il a estimé que, si la progression du pouvoir d'achat des fonctionnaires au travers de la revalorisation du point de la fonction publique était légitime, on pouvait regretter que les mesures de revalorisation des corps d'enseignant ne se soient pas accompagnées d'une réflexion sur la redéfinition et sur la modernisation de leurs charges de service, le métier d'enseignant ayant d'ores et déjà beaucoup changé avec le développement de pratiques pédagogiques comme les travaux pratiques encadrés, la constitution d'équipes pédagogiques, le travail en petits groupes ou l'encadrement personnalisé des élèves et ces évolutions étant appelées à se prolonger en raison de la diffusion des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) et de l'importance croissante attachée aux projets d'établissements et à la vie des établissements, tandis que la définition du service des enseignants reposait toujours en France sur la fiction selon laquelle l'enseignant était celui qui professe son cours, puis qui rentre chez lui pour corriger ses copies.

Il a souligné que ce contraste entre l'évolution du métier des enseignants et l'archaïsme de leurs obligations de service conduisait d'ailleurs à des ajustements de moins en moins maîtrisés, comme la multiplication des types de décharge ou la dérive des heures supplémentaires, et que l'ampleur du renouvellement des enseignants liés aux départs en retraite prévus au cours de la prochaine décennie constituait une occasion historique pour la rénovation du statut et de la gestion des enseignants, en même temps qu'elle la rendait urgente.

En conclusion de cet exposé général, M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, s'est étonné de l'allocation des moyens au sein du ministère de l'éducation nationale entre l'enseignement scolaire et l'enseignement supérieur. Il a en effet indiqué qu'au-delà des difficultés méthodologiques, personne ne pouvait aujourd'hui contester que la France consacre proportionnellement déjà beaucoup plus de moyens à l'enseignement scolaire qu'à l'enseignement supérieur, de sorte qu'il semblerait logique d'accorder une priorité budgétaire aux dépenses visant à faciliter la démocratisation de l'enseignement supérieur, comme ce fut d'ailleurs le cas pour tous les gouvernements successifs sur la période 1990-2000.

Or, il a souligné que le projet de budget pour 2002, comme le budget pour 2001, se caractérisaient par une surprenante inflexion en faveur de l'enseignement scolaire, dont les crédits, rapportés au nombre d'élèves, augmentaient de 2,8 % à prix constants en 2002, alors que les crédits de l'enseignement supérieur, rapportés au nombre d'étudiants, ne progresseraient que de 0,1 % à prix constants.

Il a estimé que la mauvaise gestion du ministère s'accompagnait donc d'une mauvaise allocation globale des ressources et qu'il n'était pas possible de cautionner la priorité accordée à l'enseignement scolaire au détriment de la démocratisation des universités.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a ensuite présenté ses observations sur l'article 65 rattaché.

Il a tout d'abord rappelé que cet article proposait, conformément au protocole signé en mai 2001 entre le ministre de l'éducation nationale et le président de l'association Diwan, d'intégrer dans l'enseignement public les personnels des établissements gérés par cette association dans des conditions plus généreuses que celles prévues par les textes en vigueur.

Il a également rappelé que ce protocole s'inscrivait dans le prolongement des engagements pris par le Gouvernement lors de la signature en 1999 de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, dont les dispositions générales avaient été toutefois jugées non conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel saisi par le président de la République.

Il a enfin rappelé qu'une précédente tentative d'intégration des établissements Diwan dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 1985 avait été censurée, pour des raisons de forme, par le Conseil constitutionnel.

Il a observé que l'intégration des personnels des établissements Diwan dans l'enseignement public serait globalement neutre pour le budget de l'Etat à court terme, puisque cette intégration serait compensée à due proportion par la diminution des crédits de rémunération des enseignants des établissement privés sous contrat, mais que l'intégration des établissements eux-mêmes, qui s'effectuerait dans le cadre de la « loi Debré » de 1959, ne serait évidemment pas neutre pour les collectivités locales, par ailleurs appelées à délibérer pour inscrire les crédits correspondants dans leur budget pour 2002.

Il a ensuite estimé que le présent article soulevait des questions de principe, le ministre de l'éducation nationale soulignant lui-même que l'intégration dans l'enseignement public des établissements Diwan consacrerait la reconnaissance et favoriserait le développement de l'enseignement des langues régionales par la méthode dite de l'immersion.

Or il a rappelé que cette méthode se distinguait de celles des cours de langue régionale, comme de celles des établissements d'enseignement bilingue français-langue régionale, puisqu'elle consistait, d'une part, à utiliser la langue régionale -en l'espèce le breton- comme langue principale d'enseignement, le français n'étant introduit progressivement, et seulement dans certaines matières, qu'à partir du CM1 ; d'autre part, à utiliser la langue régionale de manière quasiment exclusive comme langue de vie pour les établissements (c'est-à-dire à la cantine, pendant les sorties, en conseil de classe, etc.), ce qui nécessitait des conditions particulières de recrutement pour ces établissements de manière à ce que l'ensemble de leurs personnels soient brittophones.

Au total, il s'est interrogé sur la conformité du dispositif à l'article 2 de la Constitution, qui dispose que la langue de la République est le français.

Après avoir souligné son attachement à la sauvegarde du patrimoine culturel et linguistique des régions de France, il a toutefois rappelé que les établissements Diwan bénéficiaient déjà du statut d'établissement d'enseignement privé sous contrat , de sorte que l'article 65 du projet de loi de finances s'inscrivait dans une situation de fait. A cet égard, il a ajouté que l'intégration des établissements Diwan dans l'enseignement public ne pouvait conduire qu'à un encadrement plus strict de la part de l'éducation nationale, de sorte qu'il a préconisé que la commission s'en remette pour cet article à la sagesse du Sénat.

A l'issue de cet exposé, un large débat s'est alors engagé.

A titre liminaire, M. Alain Lambert, président, a souligné l'enjeu que constituait l'allocation des crédits de l'enseignement scolaire pour l'avenir de notre pays et pour la lutte contre les inégalités.

S'agissant de l'article 65 rattaché, M. Yves Fréville a souligné qu'il n'y avait pas de vérité unique en matière de pédagogie et que l'article 2 de la Constitution devait être mis en balance avec le droit à la liberté d'expression reconnu par la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Il a ajouté qu'il ne fallait donc pas contrecarrer l'expression des sensibilités culturelles bretonnes dès lors qu'elle s'inscrit dans le cadre de la législation.

En réponse à M. Jean-Pierre Demerliat, qui avait pour sa part estimé que le budget de l'enseignement scolaire pour 2002 était fort convenable en raison de la progression substantielle des crédits, même si leur répartition géographique pouvait sans doute davantage prendre en compte les spécificités et les besoins locaux, M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a indiqué que l'enjeu ne portait pas tant sur l'évolution des crédits de l'éducation nationale que sur leur bonne répartition entre l'enseignement scolaire et l'enseignement supérieur et sur leur bonne utilisation.

Toujours en réponse à M. Jean-Pierre Demerliat, il a précisé que le nombre de contractuels s'élèverait selon le bleu budgétaire à 30.696 en 2002, en légère baisse par rapport à 2001, et que les enseignants de langue étrangère à l'école primaire étaient notamment rémunérés sur des crédits de vacation prévus à cet effet.

En réponse à M. Joseph Ostermann, il a précisé que le plan d'intégration des instituteurs dans le corps des professeurs des écoles se poursuivait à un rythme accéléré et devrait être achevé en 2007, et que la grève administrative des directeurs d'école trouvait notamment sa source dans la lourdeur de leurs tâches administratives.

La commission a alors décidé de proposer au Sénat de rejeter les crédits de l'enseignement scolaire.

Elle a ensuite décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'article 65 rattaché.

Enfin, la commission a décidé de proposer au Sénat de rejeter les crédits de l'enseignement supérieur, qui avaient été précédemment réservés.

Mercredi 31 octobre 2001

- Présidence de M. Alain Lambert, président.

Règlement définitif du budget de 2000 - Examen du rapport



Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Alain Lambert, président, en remplacement de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le projet de loi n° 13 (2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement définitif du budget de 2000.

En introduction, M. Alain Lambert, président, a indiqué qu'un projet de loi de règlement était toujours un constat fondé sur le contrôle a posteriori de l'exécution des lois de finances de l'année, c'est-à-dire un quitus comptable qui en aucun cas ne valait acceptation de la politique et des pratiques budgétaires du gouvernement, notamment pour l'année 2000, qu'il a qualifiée d'année des « occasions budgétaires manquées ».

S'agissant de la politique budgétaire mise en oeuvre en 2000, il a rappelé que la loi de finances initiale avait été modifiée, de manière assez exceptionnelle, par deux collectifs budgétaires. Il a d'abord évoqué le premier collectif budgétaire, en juin, qui consistait à tirer les conséquences de l'affaire de la « cagnotte » et à réévaluer avec retard le niveau des recettes fiscales et non fiscales, sans baisser pour autant le niveau du déficit - sur les 51,4 milliards de francs de recettes supplémentaires seulement 49 millions de francs, soit 0,098 % du total, avaient été affectés à la réduction du déficit budgétaire. Puis, il a indiqué que le second et traditionnel collectif de fin d'année avait réévalué le niveau des recettes fiscales de 40,6 milliards de francs et avait reporté 15 milliards de francs de recettes non fiscales sur 2001. Au total, le second collectif se traduisait donc par une nouvelle progression de la dépense et une réduction du déficit budgétaire de seulement 5,8 milliards de francs.

M. Alain Lambert, président, a ensuite évoqué la loi organique du 1er août 2001 modifiant l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 qui revalorise la portée concrète des projets de loi de règlement et, à travers elle, le nécessaire contrôle de l'exécution du budget. Il a parlé de « chaînage vertueux » entre la discussion de la loi de règlement n-1 et l'examen de la loi de finances n+1, en estimant que les débats pourraient ainsi gagner en cohérence, en efficacité et donc en intérêt.

Avant de revenir sur les principales évolutions des recettes, des dépenses et du solde d'ensemble du budget de l'Etat en 2000, il a rappelé les principales caractéristiques de la croissance économique ayant accompagné l'exécution budgétaire.

Alors que la croissance 2001 devrait être de l'ordre de 2 %, il a fait observer que l'année 2000 pouvait être considérée comme une année idéale, avec une croissance de 3,1 %. Cependant, il a estimé que la croissance en 2000 était, d'une certaine façon, une croissance en trompe-l'oeil : si l'économie française a connu en 2000 une croissance soutenue, supérieure à son potentiel de 2 % à 2,5 % et à la prévision du Gouvernement en loi de finances initiale qui s'élevait à 2,8 %, il a observé que le rythme d'évolution infra-annuelle de la croissance s'était ralenti de 1999 à 2000, ce ralentissement semblant s'expliquer par le renchérissement des produits pétroliers, le prix du baril de pétrole ayant atteint en septembre 2000 son maximum depuis 1991.

M. Alain Lambert, président a donc estimé que les ressorts de la croissance n'avaient pas reposé sur les enchaînements imaginés par le gouvernement, qui avait notamment sous-estimé la progression de l'investissement des entreprises et surestimé la consommation des ménages. Il en a conclu que le gouvernement avait eu la chance de profiter d'une bonne conjoncture économique dont il s'était attribué la paternité, alors même que ses différentes composantes ne correspondaient pas à ce qu'il avait envisagé.

Dans le second volet de sa présentation, le président a indiqué que le budget de 2000 s'était caractérisé, comme au cours des deux années précédentes, par l'absence de volonté de maîtrise de la dépense publique et par le maintien d'une forte pression fiscale, dont témoignait le niveau toujours historiquement élevé des prélèvements obligatoires.

Il a rappelé que les recettes nettes du budget général avait augmenté de 1,1 % en 2000, soit un niveau plus faible que la moyenne sur 1996-2000 mais que l'évolution était très contrastée entre une faible progression des recettes fiscales nettes (+ 0,6 %) et un fort dynamisme des recettes non fiscales (+ 18,8 %).

Concernant les impôts directs, il a souligné que le dynamisme des recettes tendancielles avait été si fort en 2000 que l'impact des quelques aménagements de droits - baisse du taux des premières tranches du barème de l'impôt sur le revenu pour l'essentiel - s'était trouvé largement absorbé. Ainsi, l'augmentation de l'impôt sur le revenu jugée « exceptionnellement rapide» par la Cour des comptes en 1999 était restée dynamique en 2000, avec une hausse de 4,7 %. L'impôt sur les sociétés a également augmenté de 7,3 %, après une progression de 27,4 % en 1999. Les impôts directs ont en revanche ralenti, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) nette n'ayant progressé que de 2,4 % en raison principalement de la baisse d'un point du taux normal de la TVA au 1er avril 2000. De même, la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) a diminué de 1,5 % par rapport à 1999, en raison du mécanisme dit de « TIPP flottante ».

Au total, il a noté qu'après le niveau exceptionnellement élevé de prélèvements fiscaux en 1999, dénoncé par le Sénat - 70 % de l'augmentation de la richesse nationale avaient été captés par la sphère publique - l'année 2000 avait marqué une pause dans l'augmentation régulière des prélèvements. Mais il a fait observer que la très faible progression des recettes fiscales nettes s'expliquait surtout par le transfert de 45,2 milliards de francs de recettes fiscales, soit la quasi-totalité des droits sur les tabacs, à la sécurité sociale pour alimenter le fonds pour la réduction des charges salariales (FOREC) et donc essayer de « boucler » le financement des « 35 heures ».

Par ailleurs en 2000, il a fait observer que les recettes non fiscales ont progressé de 18,8 %, soit une augmentation de 32 milliards de francs, cette progression s'expliquant par les reports des opérations de rebudgétisation et par l'augmentation de presque toutes les rubriques desdites recettes. Le gouvernement a cependant choisi de reporter 18 milliards de francs de recettes non fiscales sur 2001, soit un montant légèrement supérieur à celui déjà non prélevé en 1999.

Au total, M. Alain Lambert , président, a déploré la modicité de la réduction du taux de prélèvements obligatoires, celui-ci restant le plus élevé jamais connu en France après celui de 1999 (respectivement 45,6 % et 45,2 % du PIB). Il a relevé que la triste exception fiscale française se perpétuait donc, au détriment de la compétitivité des entreprises et donc du pays.

Concernant les dépenses, le président a noté que le gouvernement avait atteint en l'an 2000 son objectif de quasi-stabilité des dépenses en volume mais que cet objectif n'avait été atteint que grâce à l'inflation, celle-ci ayant été de 1,6 %, annulant l'augmentation, identique, des dépenses nominales. Il a par ailleurs souligné que le gouvernement avait pris des libertés avec le principe de la permanence des méthodes budgétaires afin d'afficher le respect des engagements initiaux en excluant de son calcul le transfert de 39,5 milliards de francs de dépenses du budget de l'emploi vers le FOREC. Il en a conclu que la permanence des règles et méthodes comptables de l'Etat était nécessaire.

Ensuite, il a rappelé que la dépense budgétaire demeurait rigide en 2000.

Il ainsi indiqué que les dépenses du titre I « Dette publique et dépenses en atténuation de recettes » s'élevaient à 625,69 milliards de francs, en augmentation de 5,9 % par rapport à 1999. De même, les dépenses de fonctionnement progressent de 2,5 % et le poids des dépenses de fonction publique dans le budget général était passé de 41,6 % en 1999 à 42,2 % en 2000.

Dans le dernier volet de sa présentation, M. Alain Lambert, président, a indiqué que le déficit budgétaire en 2000 était toujours proche de 200 milliards de francs : fixé à - 215,3 milliards de francs par la loi de finances initiale, réduit à seulement - 209,7 milliards de francs par la seconde loi de finances rectificative, le solde général s'est élevé pour 2000 en exécution à - 191,2 milliards de francs, soit une diminution de près de 15 milliards de francs par rapport au solde exécuté en 1999. Exprimé au sens de la comptabilité nationale, l'Etat connaît cependant en 2000 un besoin de financement de 221 milliards de francs en très légère progression par rapport à celui de 1999, ce qui représente 2,41 % du PIB.

Le président a conclu que l'Etat restait en 2000 la seule collectivité publique déficitaire, en rappelant que les collectivités locales avaient dégagé une capacité de financement de 24,9 milliards de francs, la sécurité sociale de 54 milliards de francs et les organismes divers d'administration centrale de 15,9 milliards de francs. Il a cité les propos de la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution des lois de finances en 2000 : le niveau du déficit des administrations publiques est toujours trop important par rapport à celui de nos principaux partenaires européens. Enfin, il a ajouté que l'effort de réduction des déficits publics, et en premier lieu celui de l'Etat, devait incontestablement être amplifié et qu'il était regrettable que le gouvernement n'ait pas profité des surplus de recettes fiscales enregistrés en 2000 pour réduire le déficit budgétaire et donc l'endettement. La réduction des déficits est une question élémentaire de bonne gestion budgétaire, de compétitivité par rapport à nos principaux partenaires, mais aussi et surtout de solidarité inter-générationnelle.

En conclusion de cette présentation, le président a proposé, conformément à la tradition, de prendre acte de la traduction comptable de la gestion 2000 en adoptant le projet de loi de règlement pour 2000.

Un débat s'est alors ouvert.

M. Yves Fréville a évoqué la notion de déficit invisible en prenant l'exemple de la suppression de la vignette automobile, dont le coût, de 12 milliards de francs, était imputé sur le compte d'avances des collectivités locales et non pas sur le budget général. Il a par ailleurs regretté la faible consommation des crédits d'investissement de plusieurs ministères, dont les ministères de l'intérieur et de l'enseignement supérieur.

M. Jacques Oudin a souscrit aux observations de M. Yves Fréville sur le rythme de consommation des dépenses d'investissement et il a souhaité une plus grande transparence du budget de l'Etat.

M. Jacques Pelletier a regretté que les ministères dits « dépensiers » voient leurs crédits gelés et soient, dès le début de l'exercice budgétaire, dans l'incapacité de dépenser des crédits pourtant autorisés par la représentation nationale.

M. François Trucy a interrogé le président sur l'évolution du compte spécial du Trésor recevant les recettes de privatisations.

M. Alain Lambert, président, a remercié les intervenants en soulignant tout l'intérêt d'examiner le projet de loi de règlement 2000 avant l'examen du projet de loi de finances pour 2002. Il a rappelé à M. Yves Fréville que le besoin de financement de l'Etat s'élevait à 221 milliards de francs et constituait le seul indicateur reconnu par la Commission européenne.

En réponse à M. Jacques Oudin, il a souligné l'importance de faire apparaître plus clairement le taux de consommation des crédits d'investissement votés par le Parlement.

Il a ensuite répondu à M. Jacques Pelletier que les crédits d'investissement étaient trop souvent gelés puis annulés en raison du volume toujours plus important des crédits de fonctionnement et de la rigidité de ce type de dépense.

Enfin, il a rappelé que M. Paul Loridant, rapporteur spécial des comptes spéciaux du Trésor, établirait l'évolution du compte d'affectation spéciale des privatisations, répondant ainsi au souhait de M. François Trucy.

A l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter l'ensemble des articles puis le projet de loi de règlement du budget de 2000 sans modification.

PJLF pour 2002 - Crédits de l'emploi et de la solidarité : I. - Emploi et articles 68 à 70 rattachés - Examen du rapport spécial

Puis la commission a procédé à l'examen des crédits de l'emploi et de la solidarité : I. - Emploi et articles 68 à 70 rattachés, sur le rapport de M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial.

M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial, a indiqué que les crédits du ministère de l'emploi s'élevaient, dans le projet de loi de finances pour 2002, à 16,78 milliards d'euros, alors qu'ils s'établissaient à 17,05 milliards d'euros en 2001, cette diminution de 1,6 %, après une baisse de 1,9 % l'année dernière, montrant que le budget de l'emploi ne constituait plus une priorité pour le Gouvernement, en dépit de ses déclarations, probablement liées à l'inquiétude sur les perspectives de l'évolution du marché du travail. Il a précisé que ces crédits étaient consacrés aux moyens de fonctionnement à hauteur de 10,6 % (après 9,6 % en 2001 et 8,1 % en 2000), et aux dépenses d'intervention à 88,9 %.

Il a ensuite souhaité faire part des quatre observations que lui inspirent les dotations allouées à l'emploi pour 2002.

M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial, a d'abord noté que l'amélioration de la situation de l'emploi semblait malheureusement terminée. Alors que, depuis juin 1997, la situation du marché du travail s'était nettement améliorée, le taux de chômage étant revenu de 12,3 % à cette date à 8,8 % en juin dernier, le Gouvernement, probablement grisé par ces bons résultats de nature conjoncturelle, s'était fixé comme objectif de parvenir au plein emploi au cours des prochaines années. Les attentats survenus aux Etats-Unis le 11 septembre dernier ont mis en évidence le caractère présomptueux de ces déclarations hâtives. Le rapporteur spécial a en effet constaté que, depuis le mois de mai dernier, les chiffres duchômage se détérioraient régulièrement, le nombre de chômeurs ayant progressé de 5.500 en mai, de 8.500 en juin, de 39.600 en juillet et de 11.100 en août, soit 64.700 chômeurs supplémentaires en quatre mois. Cette évolution a ainsi remonté le taux de chômage à 9 % de la population active, soit le niveau atteint à la fin de l'année 2000. Il a estimé qu'une analyse fine de la situation de l'emploi montrait que le Gouvernement n'avait pas de véritables raisons de se gargariser de la diminution du chômage.

Il a en effet rappelé que le chômage français restait à un niveau élevé, soit 8,5 % de la population active, contre 8,3 % dans la zone euro, 7,6 % dans l'Union européenne, 5,1 % au Royaume-Uni, 3,8 % en Irlande, 2,2 % aux Pays-Bas, 5 % au Japon, 4,6 % aux Etats-Unis. En outre, l'amélioration de la situation de l'emploi est relativement inégale, les femmes, les jeunes, les non ou peu diplômés, les salariés précaires, les chômeurs de longue durée continuant d'être touchés plus sévèrement que la moyenne nationale par le chômage. Surtout, un recul important du chômage se heurte au niveau élevé du chômage structurel. Si le taux de chômage a reculé de plus de 3 points depuis 1997, ce mouvement se heurte visiblement au socle du chômage structurel, évalué à 8 % de la population active en France par la Caisse des dépôts et consignations, mais à 3 % aux Etats-Unis. Notre pays se trouve donc dans une situation délicate, puisque, hors les effets de la conjoncture sur l'emploi, qu'ils soient positifs ou défavorables, le chômage ne diminuerait plus guère en France, le seuil du chômage structurel ayant été globalement atteint.

M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial, a ensuite considéré que le projet de budget 2002 apparaissait paradoxal et adressait un message brouillé aux agents économiques. Il a en effet constaté que, depuis 1998, le budget de l'emploi n'avait porté aucune réforme structurelle susceptible d'avoir un impact sur son montant. Au cours des dernières années, des économies importantes avaient certes été réalisées sur les crédits de l'emploi, mais il s'agissait de simples économies de constatation résultant d'une conjoncture favorable. Ainsi, par exemple, le nombre total d'entrées dans les dispositifs de la politique de l'emploi a diminué de plus de 45 % depuis 1997. Il a pourtant relevé que la conjoncture était actuellement nettement moins bien orientée, alors que le projet de budget de l'emploi continuait de diminuer, et s'est interrogé sur cette contradiction apparente. Il a jugé que la prévision de croissance retenue pour 2002 était en fait aléatoire, avec les conséquences que cela implique notamment sur le niveau de l'emploi l'année prochaine.

Il a dès lors conclu que la budgétisation des crédits 2002 était erronée, la diminution affichée de certaines dotations budgétaires apparaissant peu crédible, et qu'il était donc probable que le retournement conjoncturel en cours se traduirait in fine par une hausse des crédits de l'emploi, notamment du traitement social du chômage, comme les récentes annonces de la ministre sur des ouvertures supplémentaires de contrats aidés le laissaient entendre. A ce propos, il a considéré que le Gouvernement avait fait un pari risqué sur la poursuite de l'amélioration de la situation de l'emploi, en inscrivant des crédits à la baisse, puis avait lui-même ôté toute crédibilité à ce message, en présentant quelques jours après le Conseil des ministres un plan renouant avec le traitement social du chômage, la ministre ayant annoncé des entrées supplémentaires pour 2001, pour un coût de 180 millions d'euros, en principe supporté par le prochain collectif. Il a dès lors paru probable au rapporteur spécial que les dotations pour 2002 ne seraient pas suffisantes.

M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial, a, en troisième lieu, considéré que le budget de l'emploi avait progressivement perdu sa cohérence au cours de la législature. Rappelant que la forte croissance des crédits de l'emploi depuis plusieurs années résultait essentiellement de la politique de réduction des charges sociales, engagée en 1993, et donc de leur compensation par le budget de l'Etat auprès des organismes de sécurité sociale, il a indiqué que, surtout depuis 1999, le budget de l'emploi avait subi de multiples modifications de son périmètre, considérables en montant, qui en avaient fortement restreint la cohérence et qui nécessitaient de procéder à un calcul consolidé, afin d'obtenir une vue d'ensemble à peu près sincère du coût de la politique de l'emploi. Il a noté que la compensation des exonérations de charges sociales avait ainsi quasiment disparu du budget de l'emploi, notamment depuis la création du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, destiné à financer les 35 heures et les allégements de charges qui leur sont liés. Dès lors, le budget de l'emploi, suite à cette débudgétisation massive, a vu son montant diminuer de façon artificielle, mais, surtout, reflète de moins en moins le principal axe de la politique de l'emploi : il reste notamment muet sur le coût des 35 heures. En fait, seuls 39,3 millions d'euros sont inscrits, en 2002, au budget de l'emploi au titre des aides au conseil dans le cadre des 35 heures, alors que les dotations du FOREC devraient s'établir à 15,55 milliards d'euros : le budget de l'emploi supportera donc seulement 0,25 % du coût total des 35 heures ! Il a considéré, par conséquent, que le coût total de la politique de l'emploi, en 2002, devait prendre en compte les crédits du budget de l'emploi, mais aussi ceux du FOREC, soit un total de 32,33 milliards d'euros, en progression de 2,3 % par rapport à 2001.

Il a également observé que, comme le Sénat l'avait pressenti, les 2,29 milliards d'euros de l'UNEDIC ne seraient pas affectés à l'emploi. Il a rappelé que, dans le cadre de la nouvelle convention d'assurance chômage, l'UNEDIC devait procéder au versement à l'Etat de 2,29 milliards d'euros, soit 1,07 milliard en 2001 et 1,22 milliard en 2002. Il a précisé que ce versement serait toutefois traité comme une recette non fiscale de l'Etat venant abonder le budget général : il ne sera donc pas spécifiquement affecté à des dispositifs de la politique de l'emploi, en dépit des déclarations rassurantes, mais finalement fausses, du Gouvernement sur ce point.

Enfin, M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial, a considéré que les emplois-jeunes constituaient un dossier que le prochain gouvernement devrait traiter. En 2002, le coût des emplois-jeunes diminue de 3,6 %, pour la première fois depuis le lancement du dispositif, s'établissant à 3,23 milliards d'euros. Il a toutefois noté que ce chapitre budgétaire faisait traditionnellement l'objet d'une importante surdotation, puis d'une régulation non moins importante en cours d'exercice, comme l'avait d'ailleurs relevé la Cour des comptes dans son rapport relatif à l'exécution des lois de finances pour 2000. En outre, jusqu'à présent, environ 230 millions d'euros n'auraient pas été consommés en 2001.

Il a noté que cette surdotation récurrente suscitait une double interrogation, la première sur la capacité du Gouvernement à atteindre les objectifs qu'il s'était fixés en matière d'embauches d'emplois-jeunes, la seconde sur le nombre réel de ces derniers. Le Gouvernement a en effet régulièrement modifié ses objectifs en ce qui concerne les emplois-jeunes. Il s'agissait d'abord de parvenir à recruter 350.000 jeunes dans ce dispositif à la fin 2002, puis cet objectif a été avancé à la fin 2000, puis de nouveau repoussé ! Par ailleurs, cet objectif a changé de nature : il ne s'agit plus de mesurer le dispositif en stock mais en flux, le nombre de jeunes ayant bénéficié de ce programme depuis sa création devant s'élever à 360.000 à la fin 2002. Il a précisé que le budget de l'emploi ne regroupait pas l'ensemble des crédits destinés au financement des emplois-jeunes, les budgets de l'éducation nationale, de l'intérieur, de la justice, et de l'outre-mer étant également sollicités. Le coût total du dispositif s'établirait donc à 3,67 milliards d'euros en 2002. Sur l'ensemble de la législature, il s'est élevé à plus de 13 milliards d'euros. Enfin, il a déploré que la question de l'avenir des emplois-jeunes n'était toujours pas réglée, en dépit de l'annonce, le 6 juin dernier, du plan gouvernemental de « consolidation » du dispositif : si les emplois seront pérennisés, on ne sait toujours pas ce que deviendront les jeunes qui les occupent.

Un large débat s'est ensuite instauré.

M. Gérard Miquel a noté que la conjoncture économique se dégradait, notamment, depuis les attentats perpétrés au Etats-Unis le 11 septembre dernier, et a voulu savoir l'analyse qu'en faisait le rapporteur spécial sur l'emploi. Il a estimé que l'effort supplémentaire annoncé par le Gouvernement en matière de contrats aidés devrait être encore amplifié. Il a noté que le Gouvernement s'employait à assurer l'avenir des jeunes engagés dans le dispositif des emplois-jeunes, considérant que cette expérience avait de toute manière été particulièrement intéressante car elle a permis a ses bénéficiaires de s'insérer dans le monde du travail. Enfin, il a jugé qu'il était indispensable à l'avenir de développer le volet insertion du revenu minimum d'insertion (RMI).

M. René Trégouët, notant que l'Institut national des statistiques et des études économiques (INSEE) venait de changer son mode de calcul du chômage, s'est interrogé sur l'opportunité de cette modification au moment même où la situation de l'emploi se retournait. Il a également souhaité obtenir des informations supplémentaires sur le calcul du nombre des emplois-jeunes, en stock et en flux.

M. Alain Joyandet a regretté que le Gouvernement, depuis 1998, ait diminué les crédits relatifs aux contrats emploi-solidarité (CES) ou aux contrats emploi consolidés (CEC), un nombre important des bénéficiaires de ces contrats aidés devant alors de nouveau s'inscrire au RMI.

M. Jacques Oudin a noté que les résultats de la politique de l'emploi en France n'étaient guère favorables en comparaison des politiques entreprises à l'étranger. Il a d'ailleurs considéré qu'il était indispensable de réaliser des comparaisons internationales sur ce point. Enfin, il s'est interrogé sur les conséquences en termes d'amélioration de la situation de l'emploi, de la forte augmentation des effectifs de l'agence nationale pour l'emploi (ANPE), rappelant par ailleurs que les départements conduisaient des actions essentielles en faveur de l'emploi, par exemple par la création de maisons de l'emploi.

M. Alain Lambert, président, a souhaité savoir si, selon le rapporteur spécial, le Gouvernement avait pris en considération ses observations suite aux rapports de contrôle qu'il avait effectués sur les personnels du ministère de l'emploi et sur les 35 heures. A ce titre, il a regretté que le Parlement ne dispose pas des instruments nécessaires à l'évaluation de l'impact de la réduction du temps de travail en termes de création d'emplois, cette carence appauvrissant nécessairement le débat budgétaire, faute de chiffres valables.

En réponse aux différents intervenants, M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial, a dû constater que ses rapports n'avaient guère été pris en compte par le Gouvernement, la ministre de l'emploi s'étant contentée de lui adresser un courrier prenant acte de la publication de ces travaux. Il a noté que les 35 heures avaient surtout pour conséquence d'être à l'origine de délocalisations de production à l'étranger. Il a lui aussi estimé qu'il était préférable de financer des contrats aidés plutôt que de laisser de nombreuses personnes toucher le RMI, et a ajouté que la question de fond était celle du caractère incitatif du travail. S'agissant des emplois-jeunes, il a noté que le Gouvernement, n'ayant pu atteindre son objectif initial de 350.000 jeunes recrutés dans ce dispositif, affichait désormais un objectif en flux, donnant une impression plus favorable. Il a précisé que le changement statistique apporté au calcul du taux de chômage visait notamment à exclure les intérimaires des chiffres du chômage, mais que cette modification n'avait pas de véritable impact sur l'appréciation du niveau de l'emploi, ni sur l'évolution en tendance de ce dernier, d'autant plus que l'office des statistiques de l'Union européenne, Eurostat, retraitait les différents chiffres nationaux pour les harmoniser. Les 35 heures constituent une parfaite illustration de l'extrême difficulté à évaluer les performances de la politique de l'emploi en France puisque cette mesure, dont le coût est exorbitant, ne peut donner lieu à la distinction par les services du Gouvernement entre les emplois créés et les emplois préservés par les 35 heures. Il a confirmé que les actions des collectivités territoriales en matière d'emploi étaient essentielles, d'autant plus que celles-ci nouent très souvent des relations avec les entreprises.

A l'issue de ce débat, la commission a décidé de réserver son vote sur les crédits du budget de l'emploi, ainsi que sur les articles 68, 69 et 70 rattachés, jusqu'à l'audition de la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Désignation d'un rapporteur

La commission a ensuite décidé de demander à être saisie pour avis et a nommé M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis sur le projet de loi n° 53 (2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2002.

PJLF pour 2002 - Crédits de l'équipement, des transports et du logement : V. - Tourisme - Examen du rapport spécial

La commission a ensuite examiné les crédits del'équipement, des transports et du logement : V. - Tourisme, sur le rapport de Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial.

Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial, a tout d'abord indiqué que les crédits demandés au titre du tourisme pour 2002 s'élevaient à 73,8 millions d'euros (484 millions de francs), soit une augmentation de 2,3 % par rapport à l'année précédente où ils avaient atteint 72,2 millions d'euros (473 millions de francs). Elle a qualifié ce budget de « budget de continuité », rappelant les progressions observées les années antérieures, +12% en 2001 et +7,4% en 2000. Elle a fait remarquer que l'année dernière et de façon récurrente en ce qui concerne le tourisme, les crédits portés dans le projet de loi de finances avaient été majorés de 2 millions de francs de crédits non reconductibles par voie d'amendement. Cette majoration des crédits, si on la prend en compte, diminue sensiblement la croissance des crédits qui s'établit alors à 0,5%.

Enfin, elle a déclaré que la progression était constante et substantielle depuis le début de la législature, puisque les moyens d'engagement ont crû de 52 % entre le projet de loi de finances pour 1998 et le projet de loi de finances pour 2002, et les moyens de paiement de 43 %.

Au sujet des dépenses ordinaires, qui augmentent cette année au rythme de 6%, elle les a caractérisées à la fois par une certaine continuité, ainsi qu'une légère progression. Elle a indiqué que les charges de personnel augmentaient de 7%, les moyens d'intervention faisant une place honorable aux contrats de plan Etat-Région ainsi qu'au secteur associatif, qui progresse de 12%.

Evoquant les dépenses en capital, elle a indiqué qu'elles étaient retracées dans deux articles, l'un consacré aux contrats de plan Etat-région dont la dotation est considérée substantielle, l'autre retraçant les crédits consacrés à un programme de consolidation des hébergements de tourisme social qui reçoit également son approbation.

Mme Marie-Claude Beaudeau a estimé que l'ensemble de ces crédits devraient permettre à la France de consolider sa place de première destination touristique mondiale. Elle a rappelé que le tourisme était responsable du dernier record du poste « voyages » de la balance des paiements, celui-ci s'étant établi à 99,4 milliards de francs en 2000. La même année, a-t-elle poursuivi, 75 millions de touristes ont franchi la frontière française, ce qui représente 11% du marché mondial. Au niveau européen, la France capte 20 % du marché. Mais, a-t-elle souligné, ces bons résultats pourraient être meilleurs si, à la première place en termes de destination, correspondait une première place en termes de recettes, ce qui n'est pas le cas puisque la France se classe toujours troisième en termes de recettes, derrière les Etats-Unis et l'Espagne. Elle a conclu sur la nécessité d'inciter les touristes à rester plus longtemps en France tout en augmentant les dépenses qu'ils y effectuent, afin de corriger ce déséquilibre.

Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial, s'est réjouie de ce qu'un des objectifs prioritaires du secrétariat d'Etat au tourisme demeure le droit aux vacances pour tous, déplorant qu'aujourd'hui, 40% des Français ne partent jamais en vacances. Elle s'est félicité du soutien de l'Etat au secteur associatif, rappelant qu'il augmentait de 12% cette année. Evoquant le groupement d'intérêt public (GIP) «Boursesolidarité vacances» (BSV), doté de 1,41million d'euros cette année (9,2 millions de francs), elle a rappelé qu'il avait permis depuis sa création le départ en vacances de 20.000 personnes, et que désormais, le GIP diversifiait son offre en direction des personnes âgées et des handicapés. Elle a aussi mentionné la réforme des chèques-vacances, la loi n°99-584 du 12 juillet 1999 ayant élargi le public bénéficiaire des chèques vacances aux employés des PME-PMI de moins de 50 salariés.

Puis elle a évoqué le second objectif de la politique du tourisme, estimant qu'il était complémentaire du premier, puisqu'il s'agit, en complément d'une meilleure répartition du tourisme dans la population, de mieux répartir le tourisme sur le territoire. Elle a déploré qu'en matière touristique, 80% des français n'occupent que 20% du territoire et à ce titre, s'est félicité du quadruplement des dotations dévolues au tourisme dans le cadre du nouveau contrat de plan Etat-région 2000-2006.

Concernant le groupement d'intérêt économique Maison de la France, elle a rappelé qu'il venait de faire l'objet d'un contrôle budgétaire et a renvoyé au rapport d'information intitulé « Maison de la France : une refondation nécessaire», pour les observations que lui a inspiré le fonctionnement du groupement. En ce qui concerne le budget du groupement, elle a mentionné la dotation budgétaire de 27,44 millions d'euros, reconduite strictement au même niveau que l'année passée, et surtout, la dotation à venir de 30 millions de francs promise par le Premier ministre lors des Assises nationales du Tourisme le 17 octobre 2001, afin d'atténuer dans la mesure du possible les conséquences de la crise actuelle. Elle a estimé qu'il s'agissait-là d'une décision responsable. Enfin, elle a indiqué que, toujours afin d'atténuer les conséquences de la crise, les entreprises du secteur pourraient obtenir des reports de leurs échéances fiscales.

Au total, elle s'est félicitée de ce que le budget ait été multiplié par deux en cinq ans, et le montant des dotations dans les contrats de plan Etats-régions par quatre.

Elle a rappelé que l'année dernière, un jaune budgétaire avait été décidé, et a expliqué que ce document ne pourrait finalement être produit que dans le cadre de l'examen du budget pour 2003. Elle a également indiqué qu'un processus de codification était en cours, et que le Gouvernement déposerait probablement un projet de loi avant la fin de la législature.

Mme Marie-Claude Beaudeau a par ailleurs exprimé des inquiétudes au sujet de la vague de regroupement dans le secteur du tourisme, citant en particulier le rachat de Nouvelles Frontières par un tour-opérateur allemand. 

Un large débat s'est alors engagé. M. François Trucy s'est enquit de la méthode souhaitable pour conquérir les nouveaux marchés comme la Chine.

M. Jacques Oudin a tout d'abord souhaité avoir une vision d'ensemble du développement de l'hébergement en chambres d'hôtes. Puis il a voulu savoir s'il était possible d'encadrer le tourisme en camping car et en mobil home. Il s'est également prononcé en faveur d'une diminution de la TVA sur la restauration. Finalement, il a évoqué les avantages fiscaux dont avaient fait l'objet les parcs à thèmes comme Disneyland, et a estimé que le contexte actuel ne justifiait pas d'aides supplémentaires, estimant qu'une taxe sur la valeur ajoutée de 5,5% constituait déjà un grand privilège.

Enfin, M. Roland du Luart a souhaité connaître les mesures prises permettant de mieux répartir le tourisme sur l'ensemble du territoire et s'est enquit des conséquences de la réduction du temps de travail dans le secteur du tourisme.

En réponse, Mme Marie-Claude Beaudeau s'est montrée convaincue du potentiel touristique de toutes les régions, rappelant que la France détenait le record du nombre de festivals, se réjouissant du succès des initiatives locales visant à faire ressurgir une fête, une tradition oubliée. Elle a souligné l'indispensable implication des élus locaux dans la promotion des régions, insistant sur les potentialités de celles-ci.

Concernant la restauration, elle a souhaité que le Gouvernement négocie à Bruxelles l'autorisation de diminuer le taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicable au secteur.

La conquête des nouveaux marchés, a-t-elle par ailleurs indiqué, constitue la mission de Maison de la France, et son principal outil à cette fin est son site internet, qu'il lui faut développer. Enfin, elle a déclaré qu'aucun accord de réduction du temps de travail n'avait encore été signé dans le secteur du tourisme, mais que le Gouvernement venait de désigner un médiateur.

Au terme de ce débat, la commission a réservé son vote sur les crédits du budget du tourisme jusqu'à l'examen des crédits de l'aviation civile, le 14 novembre 2001.

PJLF pour 2002 - Audition de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, et de M. Jacques Brunhes, secrétaire d'Etat au tourisme

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, sur les crédits de son département ministériel, accompagné de M. Jacques Brunhes, secrétaire d'Etat au tourisme, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2002.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, a tout d'abord déclaré que le projet de budget de son ministère s'inscrivait dans la continuité de la politique menée depuis 1997, politique qu'il a caractérisée par le choix du développement durable, ainsi que par une vision globale des grands défis de demain. Il a affirmé qu'en agissant aujourd'hui, « nous pensions à demain », citant la promotion de l'intermodalité et la préparation des chantiers du futur, en particulier dans le cadre des schémas de service. Il a déclaré que le budget 2002 du ministère de l'équipement, des transports et du logement visait à la fois à engager des évolutions à long terme et à continuer à court et moyen terme à contribuer au soutien de la croissance et de l'emploi. Il a cependant estimé difficile de s'affranchir des difficultés liées aux événements du mois de septembre qui affectent dès à présent le secteur du tourisme et, plus encore, celui du transport aérien et a affirmé la nécessité de prendre des mesures spécifiques.

Il a indiqué que les crédits du ministère de l'équipement, des transports et du logement inscrits dans le projet de loi de finances pour 2002 s'élevaient à 23,4 milliards d'euros, soit une progression de l'ordre de 2,9 % en moyens de paiement. Avec 16 milliards d'euros, a-t-il précisé, les moyens de paiement du seul secteur équipement et transport sont en augmentation de 5,1 %. Cette progression, a-t-il déclaré, est la traduction de l'attachement du Gouvernement à une politique du logement, des transports et du tourisme ambitieuse, et devant bénéficier à l'ensemble des Français.

Il a ajouté qu'en tenant compte du renouvellement pour une année supplémentaire de la dotation à Réseau ferré de France, ainsi que des dividendes des sociétés d'autoroutes, les moyens du ministère dépasseraient le seuil des 25 milliards d'euros. Puis il a exposé les trois grandes priorités du budget du ministère : le développement équilibré des transports, la sécurité des transports et la solidarité au quotidien.

Concernant le développement équilibré des transports, M. Jean-Claude Gayssot a déclaré que l'objectif de rééquilibrage intermodal engagé depuis 1997 serait poursuivi et devrait se traduire par un doublement en cinq ans de l'enveloppe destinée aux transports ferroviaires. Il a rappelé que depuis 1997 les moyens d'investissement dans les transports avaient progressé de plus de 46 % et a indiqué qu'en 2002 la forte augmentation des capacités d'engagement intervenue en 2001 dans le cadre des nouveaux contrats de plan avec les régions serait poursuivie avec une augmentation de 4,3 %. Il a estimé que ces chiffres traduisaient clairement l'engagement de l'Etat dans un effort sans précédent pour le développement des modes de transport alternatifs à la route, pour le transport ferroviaire, ainsi que pour les infrastructures fluviales. Il a ajouté que les moyens destinés au développement du transport ferroviaire atteignaient près de 330 millions d'euros, soit une augmentation de près de 20 % par rapport à 2001 en faveur notamment du TGV-Est européen et des contrats de plan. Il a par ailleurs déclaré que sur les produits de l'ouverture du capital d'ASF, 5 milliards de francs seraient consacrés à la réalisation de grands projets d'infrastructures tant pour le fret que pour les passagers. Il a cité comme exemple les projets Perpignan-Figueras, le contournement de Nîmes et Montpellier, la liaison TGV entre Satolas et la ligne alpine ou le TGV Rhin-Rhône. Il a, en outre, fait part de la création prochaine d'un établissement public chargé de contribuer au financement des investissements ferroviaires dans les Alpes à partir des excédents des sociétés autoroutières alpines.

En ce qui concerne le transport routier, dont les moyens d'engagement progressent de 2,6 %, M. Jean-Claude Gayssot a indiqué que l'effort porterait en priorité sur l'entretien et sur les opérations contractualisées. Les dotations d'entretien, a-t-il précisé, augmentent ainsi de 7 %. Par ailleurs, 27 millions d'euros vont permettre de poursuivre la sécurisation des tunnels. Enfin, l'enveloppe d'autorisations de programme pour les investissements routiers est en progression de 1 % par rapport à 2001.

Il a ensuite évoqué la croissance des crédits d'investissement destinés aux ports maritimes, qui s'établit à 11,6 %, ainsi que l'augmentation de 10 % des crédits de paiement pour les programmes de recherche et de développement aéronautique, qui concerne en particulier les avances remboursables pour l'avion gros porteur d'Airbus, l'A 380. Enfin, il a indiqué que le Gouvernement s'attachait à mettre en place la généralisation prévue en 2002 du transfert des services régionaux de voyageurs prévu dans la loi solidarité et renouvellement urbains. Il a précisé que les dotations versées aux régions pour assurer cette nouvelle compétence augmentaient de plus de 30 %, intégrant en particulier une contribution de plus de 205 millions d'euros pour la modernisation du matériel roulant.

Puis il a abordé les questions de sécurité dans les transports. Evoquant la sécurité routière, il s'est félicité des résultats obtenus depuis 1997, indiquant qu'à la fin du mois d'août, et sur une période de douze mois, le nombre de décès avait chu d'environ 1.000 personnes par rapport à la même période de 1998. Il a indiqué que la sécurité routière disposerait, en 2002, d'un budget de près de 100 millions d'euros en moyens d'engagement, soit une augmentation de 8,3 %.

Evoquant la sécurité en mer, il a rappelé que les moyens d'engagement avaient crû de plus de 60 % en 2001 et a indiqué qu'en 2002 cette croissance s'établirait à 23 %, au profit essentiellement des centres régionaux opérationnels de sauvetage et de surveillance en mer (CROSS) et du renforcement du contrôle de sécurité des navires avec notamment la création de 34 postes d'inspecteurs de la sécurité maritime.

En ce qui concerne la sécurité aérienne, il a indiqué que 150 millions d'euros seraient dégagés sur le budget de l'Etat pour financer des mesures de soutien au secteur aérien, et que 150 millions d'euros supplémentaires destinés à la mise en place de mesures pérennes de renforcement de la sûreté seraient financés par les passagers à travers une augmentation de 2,29 euros (15 francs) des taxes d'aéroport.

Abordant la sécurité au quotidien, troisième axe prioritaire du budget du ministère de l'équipement, des transports et du logement, il a tout d'abord indiqué qu'en 2002, en application de la loi SRU, l'accès aux transports collectifs en Île-de-France à un coût réduit de 50 % serait mis en oeuvre pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle. En matière de tourisme, il a rappelé que le droit aux vacances pour tous était une priorité du Gouvernement, citant le renforcement des bourses solidarité vacances et le lancement d'un nouveau programme de consolidation d'hébergement social. Il a en outre indiqué que le plan de relance de la construction sociale était consacré par une augmentation de près de 10 % de la « ligne fongible » permettant la réalisation effective de 55.000 logements en 2002. Enfin, il a évoqué le triplement des crédits consacrés au renouvellement urbain ainsi que les 244 millions d'euros ayant vocation à financer la réforme des aides au logement qui doit aboutir à une augmentation moyenne de 274 euros par an pour près de 75 % des 4,8 millions de ménages allocataires.

Abordant la question des emplois de son ministère, il a rappelé que les 18 dernières années avaient vu les effectifs se réduire et indiqué, qu'en 2002, 299 emplois nouveaux seraient créés, sans compter 467 postes sur le budget annexe de l'aviation civile. Ces créations de postes témoignent, à son sens, de la reconnaissance des responsabilités et du rôle du ministère de l'équipement, des transports et du logement. Il a ajouté à ces créations de postes un plan de résorption des postes vacants qui concernera 1.200 postes en 2002.

M. Jacques Brunhes, secrétaire d'Etat au tourisme, a déclaré que la situation du tourisme, après les attentats du 11 septembre, était à la fois préoccupante et contrastée.

Il a jugé préoccupante la situation du tourisme dit de luxe et du tourisme d'affaires. Par ailleurs, le monde des tour-opérateurs et de la distribution connaîtrait de sérieuses difficultés. A l'inverse, il a indiqué que certaines destinations bénéficient d'un intérêt accru, comme par exemple les stations de sports d'hiver. Il a annoncé la mise en place d'une cellule de veille et d'une mission d'évaluation, ainsi que d'un observatoire, constitué avec le concours de la direction du tourisme, de l'observatoire national du tourisme, de l'agence française d'ingénierie touristique et de Maison de la France. Par ailleurs, il a cité l'étude menée par la commission européenne sur la situation du tourisme en Europe, dont les résultats seront connus à la fin du mois de novembre. Evoquant les premières mesures d'urgence annoncées par le Premier ministre, il a cité la possibilité d'obtenir le report de certaines échéances fiscales et sociales pour les entreprises ayant des difficultés de trésorerie, la possibilité d'un examen au cas par cas des entreprises en ce qui concerne le chômage partiel et la réduction du temps de travail et, enfin, la dotation exceptionnelle de 4,57 millions d'euros (30 millions de francs) destinée à financer une campagne mondiale de promotion de la « destination France » qui sera orchestrée par Maison de la France. Il a rappelé que le Premier ministre s'était dit prêt à prendre des « mesures complémentaires ».

Il a déclaré qu'avec 80,9 millions d'euros, soit 531,1 millions de francs, le projet de budget 2002 du secrétariat d'Etat au tourisme consolidait les évolutions passées. Il a ajouté que la progression constatée depuis le projet de loi de finances 1998 était de + 52 % pour les moyens d'engagement et + 43 % pour les moyens de paiement. Incluant à ce budget les sommes correspondant aux avenants tempêtes et marées noires, soit 16,77 millions d'euros (110 millions de francs), il a indiqué que le montant global des crédits consacrés au tourisme atteignait 97,72 millions d'euros (soit 641 millions de francs). Au total, a-t-il précisé, la progression est de 84 %, ce qui représente quasiment le doublement du budget par rapport à 1998. Il a confirmé les orientations stratégiques retenues depuis cinq ans : la poursuite du développement de l'accès aux vacances pour tous ; l'amélioration des conditions de travail des salariés du secteur du tourisme ; la promotion de la France à l'étranger et en France ; l'aménagement du territoire et la contribution au développement économique local ; la consolidation de la capacité d'intervention de l'Etat.

Concernant le développement de l'accès aux vacances pour tous, il a indiqué qu'il s'agissait d'une priorité du secrétariat d'Etat au tourisme, comme en témoigne le montant des crédits accordés au secteur social et associatif en 2002, qui augmente de 12 % par rapport à l'année dernière et de 164 % par rapport au projet de loi de finances pour 1998. Ces crédits confirment la mission dévolue à la « bourse solidarité vacances » qui doit permettre en 2002 le départ en vacances de 30.000 personnes défavorisées, 20.000 étant déjà parties, par ce biais, en 2001. Il a indiqué que le « plan patrimoine » serait poursuivi en 2002 avec le lancement d'un programme de consolidation de l'hébergement de tourisme social. Enfin, il a indiqué que le dispositif des chèques-vacances avait permis le départ en vacances de plus de 4 millions de personnes en 2000, rappelant que l'accès aux chèques-vacances des salariés aux revenus modestes avait été assoupli par la loi du 12 juillet 1999. Enfin, il a évoqué la création d'un label « tourisme et handicap » permettant une information fiable et le développement d'une offre touristique adaptée. Evoquant la promotion de la France à l'étranger et en France, il a indiqué que Maison de la France serait dotée cette année de 27,4 millions d'euros (180 millions de francs), ce qui correspond à une augmentation de 45 % par rapport au projet de loi de finances pour 1998.

Il a ajouté que les crédits consacrés au tourisme dans les contrats de plan Etat/régions s'élevaient au total, pour la nouvelle génération de contrats de plan, à 203,3 millions d'euros (1.337 millions de francs) dont, pour 2002, 19,06 millions d'euros (125 millions de francs) de crédits contractualisés et 16,77 millions d'euros (110 millions de francs d'avenants). Enfin, il a évoqué la prospective et l'ingénierie du tourisme, indiquant que l'agence française de l'ingénierie touristique (AFIT) avait vu ses moyens progresser de 80 % en cinq ans.

M. Jacques Pelletier, rapporteur spécial des crédits des services communs, et de l'urbanisme et du logement, a souhaité obtenir des précisions sur l'affectation des 300 créations nettes d'emplois prévues dans les directions départementales de l'équipement (DDE), et, compte tenu du débat récurrent sur la question des effectifs, savoir si un audit des DDE avait été effectué ou commandé par le ministre. Il a souhaité s'assurer que les 3 milliards de francs issus de la collecte du 1 % logement allaient bien financer des opérations de démolition-reconstruction. Il a rappelé que le ministère mettait en place un dispositif expérimental d'aide à la pierre en complément du prêt à taux zéro, pour un coût de 23 millions d'euros, et a souhaité savoir si le Gouvernement avait l'intention, en cas de succès, de généraliser ce dispositif et de remettre en cause le fonctionnement actuel du prêt à taux zéro. Enfin, s'agissant des crédits en faveur de l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), il s'est interrogé sur la possibilité de maintenir les interventions de l'agence à leur niveau actuel compte tenu de la chute de ses crédits.

M. Jacques Oudin, rapporteur spécial des crédits des transports terrestres et de l'intermodalité, a souligné que les dépenses ordinaires en faveur du transport combiné étaient divisées par trois dans le projet de budget pour 2002 et s'est inquiété de cette évolution. Il a rappelé que les investissements ferroviaires et routiers avaient fortement baissé depuis 1997 et que leur niveau actuel n'avaient jamais été aussi bas depuis dix ans, et s'est interrogé sur les moyens d'investissement du ministère d'ici à 2004.

M. Gérard Miquel, rapporteur spécial des crédits des routes et de la sécurité routière, s'est inquiété du retard pris dans la mise en oeuvre du volet routier des contrats de Plan Etat-Régions, et a souhaité obtenir des précisions sur l'état d'avancement du projet d'itinéraire à très grand gabarit entre le port de Bordeaux et Toulouse, prévu par la loi du 29 mai 2001.

M. Yvon Collin, rapporteur spécial des crédits de l'aviation et de l'aéronautique civiles, a souhaité savoir si l'implication de l'Etat en matière de financement des dépenses de sûreté annoncée suite aux attentats du 11 septembre 2001 constituait pour le Gouvernement un choix de long terme ou une mesure ponctuelle, rappelant que la commission des finances avait toujours dénoncé le désengagement de l'Etat en matière de sûreté. Compte tenu de la diminution sensible du trafic aérien depuis cette même date, il a également souhaité obtenir des précisions sur les mesures de soutien aux compagnies aériennes prévues par le Gouvernement. Il s'est également interrogé sur l'impact de cette baisse du trafic sur le recrutement des contrôleurs aériens.

M. Marc Massion, rapporteur spécial du budget des crédits de la mer et des ports maritimes, a souligné les efforts financiers accrus en faveur de la sécurité maritime pour 2002 et a rappelé qu'une directive européenne sur les services portuaires était actuellement en préparation. Il a souhaité obtenir des précisions quant à ses modalités d'application.

Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial des crédits du tourisme, s'est inquiétée du faible nombre de fonctionnaires du secrétariat d'Etat au tourisme, considérant que cela créait des difficultés pour le bon fonctionnement des services centraux. Elle a exprimé des préoccupations quant à la baisse de la taxe sur la valeur ajoutée dans le secteur de la restauration et à la fiscalité applicable aux chèques vacances. Enfin, elle a souhaité connaître les conséquences pour la France du rachat de nombreux tour-opérateurs français par des entreprises étrangères.

M. Alain Lambert, président, a rappelé que de nombreuses réponses aux questionnaires budgétaires des rapporteurs spéciaux n'avaient toujours pas été transmises, et a souhaité qu'elles le soient rapidement.

En réponse à M. Jacques Pelletier, M. Jean-Claude Gayssot a indiqué qu'une réflexion avait été engagée avec les services de l'équipement afin d'améliorer leur efficacité, et a souligné qu'un renforcement des effectifs s'était avéré nécessaire afin d'améliorer la qualité du service rendu. Il a rappelé qu'une convention-cadre avait été signée le 11 octobre 2001 avec le 1 % logement, prévoyant l'affectation de 3 milliards de francs par an à la politique de renouvellement urbain, et a détaillé les opérations que ces nouveaux crédits pourraient financer : opérations de démolition-reconstruction, traitement de copropriétés dégradées, versement de subventions pour la mise en oeuvre d'une nouvelle enveloppe de prêts au renouvellement urbain (PRU).

Il a rappelé que l'accession à la propriété était une aspiration forte des Français, et que le Gouvernement n'avait donc pas l'intention de remettre en cause le prêt à taux zéro et son fonctionnement. Il a indiqué que dans le cadre du projet de loi de finances pour 2002, deux appels à projets avaient été lancés afin, d'une part, de permettre à 1.000 familles modestes d'acquérir un logement de qualité dans des zones attractives, et, d'autre part, de favoriser l'accession à la propriété dans les zones urbaines sensibles. Concernant l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, il a noté que les crédits inscrits pour 2002 étaient égaux aux crédits disponibles de 2001, soit 2,7 milliards de francs d'autorisations de programme, l'agence bénéficiant également du produit de la taxe sur les logements vacants, estimé à 70 millions de francs.

En réponse à M. Jacques Oudin, M. Jean-Claude Gayssot a indiqué que le développement du transport combiné était une priorité du Gouvernement et de son ministère depuis 1997. Il a souligné l'effort sans précédent consenti en la matière par le Gouvernement dans le cadre des contrats de Plan Etat-Régions et a rappelé la décision récente d'autoriser la SNCF à commander 604 locomotives dédiées au fret afin de renouveler le parc existant. Il a indiqué que la baisse apparente des crédits était due au réexamen des aides directes à la SNCF exigé par la Commission européenne. Le Gouvernement avait donc rétabli le montant de l'aide directe à la SNCF à son niveau de 1999 et préparait avec la Commission européenne un régime d'aides renouvelé dans la perspective de la loi de finances rectificative pour 2002 ou du projet de loi de finances pour 2003.

M. Jean-Claude Gayssot a ajouté que le Gouvernement prévoyait, dès 2002, plusieurs opérations visant à développer le ferroutage. Concernant l'ouverture du capital d'Autoroutes du Sud de la France (ASF), il a indiqué qu'elle permettra de créer un fonds de développement de l'intermodalité, doté d'environ 5 milliards de francs, afin de participer au financement de grands projets ferroviaires tant pour les passagers que pour le fret. Par ailleurs, la création de l'établissement public du pôle alpin permettra d'affecter les dividendes importants d'AREA au développement des liaisons ferroviaires dans les Alpes.

Il a reconnu que l'année 2000 avait constitué un point bas en matière d'investissements, mais a insisté sur le fait que le ministère s'était doté des outils permettant de relancer les investissements pour la réalisation du TGV Est-européen. Il a ainsi fallu augmenter la part de financement de l'Etat et de celle des régions et même recourir à des financements étrangers. Il a cependant souligné que si la dette de la SNCF avait été réduite de 72 milliards de francs à 46 milliards de francs de 1997 à 2001, elle demeurait encore trop élevée.

Il a rappelé que le gouvernement précédent avait prévu une dotation en capital à Réseau Ferré de France (RFF) de 8 milliards de francs par an, alors que le présent Gouvernement avait versé 49 milliards de francs en quatre ans, soit 17 milliards de francs de plus. Il a par ailleurs indiqué que le décret portant sur les schémas de service de transport venaient de recevoir un avis favorable du Conseil d'Etat.

En réponse à M. Gérard Miquel, rapporteur spécial des crédits des routes et de la sécurité routière, il a indiqué que les modalités de financement de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse avaient été arrêtées en février 2001 entre l'Etat, les trois régions concernées (Midi-Pyrénées, Limousin, Centre) et les deux établissements publics SNCF et RFF. Les travaux devraient démarrer en 2002 avec un objectif de mise en service en 2004 ou 2005. Concernant les nouveaux contrats de Plan Etat-Régions, il a rappelé que ceux-ci étaient plus ambitieux que les précédents mais que l'on constatait toujours un léger retard pour le démarrage des travaux en raison d'inévitables difficultés d'expertise ou d'ingénierie. S'agissant de l'itinéraire à grand gabarit entre les ports de Bordeaux et Toulouse, il a expliqué que malgré la crise conjoncturelle frappant le transport aérien, aucune résiliation de commandes de l'A 380 n'avait été constatée, et que l'itinéraire serait donc bien achevé en 2003. Il a expliqué que l'avant-projet sommaire avait été approuvé et qu'une enquête d'utilité publique était ouverte jusqu'au 19 novembre. Pour la réalisation de cet itinéraire, dont les travaux commenceront au premier semestre 2002, 180 millions d'euros seront nécessaires dont une partie sera prise en charge par la société Airbus et l'autre partie par des crédits budgétaires inscrits dans la loi de finances rectificative pour 2001.

En réponse à M. Yvon Collin, rapporteur spécial des crédits de l'aviation et de l'aéronautique civiles, il a rappelé que le plan du Gouvernement en faveur du transport aérien représentait 2 milliards de francs dont 800 millions de francs pour le contrôle des bagages soute, 300 millions de francs pour le contrôle des personnes dans les zones sensibles et 220 millions de francs pour le contrôle des passagers. Il a reconnu que le secteur traversait une période difficile et il a notamment expliqué qu'il ferait tout son possible pour que la compagnie Swissair remplisse ses engagements à l'égard des compagnies AOM et Air Liberté. Au sujet des contrôleurs aériens, le ministre a expliqué que le budget pour 2002 prévoyait 467 embauches supplémentaires pour faire face à l'augmentation à moyen et long terme du trafic.

En réponse à M. Marc Massion, rapporteur spécial des crédits de la mer, il a expliqué que la position de la France en faveur de la sécurité maritime, exprimée par le mémorandum adressé à l'organisation maritime international (OMI) en février 2000 était désormais entendue et qu'elle avait notamment obtenu en avril 2001 l'adoption d'un calendrier d'élimination des pétroliers à simple coque. Il a évoqué des avancées sociales dans le domaine au droit du travail des marins grâce à une action de la France auprès de l'OMI et du bureau international du travail (BIT).

M. Jacques Bruhnes, secrétaire d'Etat au tourisme, a proposé que les rapports d'étape sur la situation du tourisme soient fournis, au fur et à mesure de leur parution, à Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial des crédits du tourisme. Concernant les chèques-vacances, il a expliqué que le revenu fiscal de référence serait réévalué. Par ailleurs, au sujet de la réduction du taux de TVA dans le secteur de la restauration, il a souligné qu'il s'agissait d'une question interministérielle qui ne pouvait être traitée qu'au niveau européen. Il a ajouté que le coût de la mesure ne faisait pas l'objet d'une évaluation précise puisqu'il était estimé entre 15 et 30 milliards de francs, et qu'il fallait donc préciser ces chiffres avant d'envisager de prendre des décisions. Enfin, il a évoqué la situation de l'entreprise « Nouvelles Frontières » en expliquant qu'il serait très attentif aux concentrations dans le secteur du tourisme dans l'Union européenne.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, a confirmé à M. Bernard Angels qu'il était favorable à la construction d'un troisième aéroport international en France, dans la mesure où toutes les expertises montraient que dans les quinze à vingt prochaines années, la France accueillera 70 à 100 millions de passagers supplémentaires, dont 30 à 40 millions dans le seul bassin parisien. Il a expliqué qu'il ne pensait pas possible d'accroître de manière significative le nombre de passagers à Roissy et qu'il s'opposerait à tout assouplissement des conditions d'attribution des créneaux des horaires de vol au-dessus d'Orly. Il a rappelé que le 26 octobre 2000 la troisième plate-forme aéroportuaire avait été inscrite dans les schémas de service et il a annoncé qu'au mois de novembre une décision serait prise sur la localisation de ce nouvel aéroport. Il a par ailleurs remercié M. Bernard Angels pour son appréciation positive sur l'évolution des effectifs des directions départementales de l'équipement.

En réponse à M. Jean-Pierre Demerliat, il a confirmé que le projet porté par l'Association Logistique Transports Ouest (ALTO) serait examiné prochainement. Concernant la ligne Bordeaux-Limoges-Clermont-Ferrand-Lyon, il a indiqué que d'importants travaux pour supprimer des rebroussements étaient engagés. Enfin s'agissant de la réalisation de la route Centre-Europe-Atlantique, il a rappelé que les engagements financiers étaient deux fois supérieurs dans le nouveau contrat de Plan Etat-Régions que dans le précédent.

En réponse à M. François Trucy, qui l'avait interrogé sur l'avancement du projet de contournement de la gare du Mans dans la perspective de réalisation du TGV Ouest, le ministre a indiqué que l'avant-projet sommaire sur ce contournement avait été approuvé le 2 avril dernier et que la mise en service était prévue pour 2010. Il a expliqué qu'il ne s'agirait en aucun cas de réaliser une nouvelle gare et que l'idée était simplement de permettre aux trains qui ne s'arrêtent pas au Mans, de contourner la ville, celle-ci devant par ailleurs continuer à être desservie par les lignes déjà en service.

En réponse à M. François Trucy, qui s'interrogeait sur le rythme de consommation des crédits consacrés aux aides à la réalisation des aires de stationnement de nomades, il a rappelé que 300 millions de francs étaient prévus dans le projet de loi de finances pour 2002, correspondant à la création de 9 000 places nouvelles et à des opérations de réhabilitation.

S'agissant du 1 % logement, il a expliqué que la nouvelle convention qui avait été conclue avec l'ensemble des partenaires sociaux prévoyait notamment une contribution de 3 milliards de francs dès 2002 pour financer des opérations de démolition-reconstruction qui seront inscrites au budget du logement.

En réponse à M. Alain Lambert, président, qui l'avait interrogé sur une éventuelle réorganisation de son ministère, M. Jean-Claude Gayssot a répondu qu'il nommerait très prochainement un délégué ministériel à l'intermodalité. Il a par ailleurs rappelé qu'il avait proposé la création d'un pôle alpin intermodal permettant d'affecter les dividendes des sociétés concessionnaires d'autoroutes au financement des investissements intermodaux dans les Alpes.

En réponse à M. Auguste Cazalet, qui réclamait un état des lieux des liaisons pyrénéennes, notamment sur les liaisons Pau-Bordeaux, Oloron-Sainte-Marie-Pau et qui demandait des explications sur les conditions concrètes d'ouverture du tunnel du Somport en termes de trafic et de sécurité, le ministre a répondu qu'il ne s'agissait pas d'ouvrir la région au trafic international de marchandises mais seulement aux véhicules légers et aux poids lourds de transit interrégional. Sur la nécessité de construire des itinéraires de déviation, il a répondu que ceux-ci étaient déjà prévus et il a expliqué qu'il faisait le nécessaire pour développer le cabotage maritime afin de réduire le trafic routier dans les Pyrénées. Il a enfin estimé que la remise en service de la ligne Pau-Canfranc permettrait de transporter de 2 à 3 millions de tonnes de marchandises et de réduire ainsi le trafic routier dans les Pyrénées.

PJLF pour 2002 - Crédits de l'économie, des finances et de l'industrie : Services financiers et articles 66 et 67 rattachés - Examen du rapport spécial

Puis la commission a procédé à l'examen des crédits de l'économie, des finances et des l'industrie : Services financiers et articles 66 et 67 rattachés, sur le rapport de M. Bernard Angels, rapporteur spécial.

M. Bernard Angels, rapporteur spécial, a présenté les crédits pour 2002 des services financiers, qui constituent le « coeur de métier » du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Il a indiqué que le total des crédits prévus pour 2002 au titre du bleu « Économie, finances et industrie » s'élèverait à 14,5 milliards d'euros (94,8 milliards de francs), soit une augmentation en niveau de 2,2 % par rapport à 2001. Il a souligné que le mouvement de rebudgétisation, qu'il avait appelé de ses voeux à plusieurs reprises, paraissait quasiment achevé, notant par exemple que le montant des fonds de concours rattachés au ministère de l'économie et des finances avait très fortement baissé, surtout en ce qui concerne les moyens de fonctionnement. Il a expliqué que la hausse du budget serait due à l'augmentation des crédits de personnel, en raison notamment de la hausse de la valeur du point de la fonction publique.

M. Bernard Angels, rapporteur spécial, a présenté ensuite ses principales observations. Il a d'abord salué l'effort de sincérité budgétaire réalisé par le ministère de l'économie et des finances au cours des trois dernières années. Il a constaté que ses remarques appelant le ministère à davantage d'orthodoxie budgétaire avaient été prises en compte. Il a relevé que plusieurs milliards d'euros, tant en dépenses qu'en recettes, avaient été rebudgétisés en trois ans.

Il a néanmoins souligné quelques points mineurs, en faisant siennes les observations de la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2000, qui relève un nombre important des fonds de concours modestes ou inactifs et se prononce pour la budgétisation totale des dépenses et recettes des hypothèques. Il s'est interrogé sur la pertinence de l'inscription des dépenses informatiques les plus lourdes, correspondant à des projets pluriannuels, en fonctionnement plutôt qu'en investissement. Il s'est également interrogé sur la nécessité de maintenir sur le budget des charges communes plutôt que sur celui du ministère les frais de poursuite et de contentieux des administrations fiscales. Il a indiqué enfin qu'une réelle individualisation des missions du ministère était nécessaire et que la pratique actuelle consistant à fondre les moyens de fonctionnement de l'industrie, des PME et de certains services financiers dans une enveloppe commune n'était pas lisible.

Concernant les grands chantiers engagés par Bercy, M. Bernard Angels, rapporteur spécial, a souligné que le ministère de l'économie et des finances serait le maître d'oeuvre de la nouvelle gestion publique induite par la loi organique du 1er août 2001 et qu'il essayait d'ores et déjà de traduire celle-ci dans son fascicule budgétaire pour 2002. Il a précisé qu'un certain nombre d'agrégats, qui ne sont pas tous, loin de là, des missions et des programmes au sens de la loi organique, présentaient des objectifs et des indicateurs souvent chiffrés. Il a montré que, si les résultats étaient inégaux et à nuancer, les directions qui réussissaient le mieux l'exercice étaient celles ayant signé des contrats d'objectifs-moyens, et en premier lieu la direction générale des impôts, mettant en évidence qu'elles avaient davantage réfléchi à la définition de leurs missions et aux moyens de les évaluer. Il a regretté que les directions chargées du recouvrement de l'impôt n'aient pas adopté les mêmes objectifs et indicateurs de résultats.

M. Bernard Angels, rapporteur spécial, a souligné ensuite, s'agissant de la réforme du ministère de l'économie et des finances, qu'elle ne méritait pas l'opprobre dont on l'accable aujourd'hui. Il a résumé la situation en notant que la réforme, malgré une volonté affirmée, peinait à trouver son chemin. Il a déclaré que le programme de modernisation affichait un pragmatisme mesuré mais que, pour autant, 92,5 millions d'euros y seraient consacrés en 2002 et que le catalogue de mesures prises, et à prendre, était impressionnant, comme le montrait le relevé de décisions du dernier comité technique paritaire du 18 octobre.

M. Bernard Angels, rapporteur spécial, a, à ce sujet, énoncé quelques constats, le premier étant que les conditions de la réforme étaient réunies. Il a indiqué que le grand ministère de Bercy, qui a absorbé l'industrie, mais aussi les PME, pouvait faire jouer les synergies entre les différentes directions, et que, de la même manière, le rôle d'un « Monsieur réforme » en la personne du secrétaire général du ministère, disposant de véritables leviers à la fois sur les moyens budgétaires et humains, s'avérait essentiel. Il a relevé que l'aménagement et la diminution du temps de travail devaient permettre pour sa part d'améliorer le service et l'accueil rendu aux usagers et que le nombre de départs à la retraite envisagé à terme (80.000 en 2012) l'incitait à penser que le moment était propice à une redéfinition des effectifs du ministère, plus conforme à ses missions, qu'il s'agisse de la mise à plat des organigrammes, de redéploiement ou de réduction d'effectifs dans certaines directions.

M. Bernard Angels, rapporteur spécial, a fait un deuxième constat en regrettant que les nouvelles technologies n'aient pas encore pénétré suffisamment le fonctionnement des services du ministère. Il a certes constaté que son site internet était un succès, et qu'il avait renforcé la communication du ministère ainsi que sa culture de service, avec la mise en ligne de 540 formulaires touchant aux formalités des entreprises, ou le lancement de téléprocédures pour lesquelles le ministère de l'économie et des finances est en pointe par rapport aux autres administrations. Il a néanmoins remarqué que ces services n'avaient pas encore trouvé leur public, y compris lorsqu'il s'agit de services à de grandes entreprises et que, concernant l'usage des nouvelles technologies, seuls 60.000 agents étaient connectés, notant que le plan prévoyant de connecter les 180.000 agents d'ici juin 2002 semblait ambitieux. Il a enfin considéré que le projet d'une informatique commune aux directions demeurait indispensable, même si elle avait pris quelque retard.

M. Bernard Angels, rapporteur spécial, a invité le ministère de l'économie et des finances, dans un troisième constat, à mieux maîtriser sa sous-traitance, indiquant qu'un rapport de l'inspection générale des finances avait récemment montré que ce n'était pas le cas à la direction de la communication. De même, il a jugé que le récent incident survenu lors de l'envoi des feuilles d'imposition aux contribuables mensualisés appelait une attention plus importante de la part des gestionnaires de contrats.

M. Bernard Angels, rapporteur spécial, dans un dernier constat, a regretté que les très nombreuses expérimentations initiées par Bercy n'aient pas abouti à des mesures concrètes. Il a néanmoins salué la création d'une direction des grandes entreprises, au 1er janvier 2002, au sein de la direction générale des impôts ainsi que le projet de fusion des services financiers à l'étranger. Pour le reste, il a relevé que si des engagements avaient été pris en termes de qualité de service, peu de contrats objectifs-moyens avaient été signés au sein du ministère et peu d'expérimentations avaient jusqu'à présent donné lieu à évaluation, bilan, et surtout décision. Il a rappelé que ses propositions étaient autrement plus ambitieuses puisqu'elles visaient à obtenir la fusion entre la direction générale de la comptabilité publique et la direction générale des impôts, sans imposer un regroupement sur site qui ne se justifiait pas à l'heure des nouvelles technologies et en envisageant un élargissement des missions de la nouvelle direction au recouvrement des droits de douane et des cotisations sociales.

Pour terminer, M. Bernard Angels, rapporteur spécial, a fait le point sur la mise en place de l'euro à laquelle le ministère doit apporter une contribution décisive puisqu'il est chef de file de l'euro en ce qui concerne la communication, le contrôle des prix et la lutte contre le blanchiment d'argent. Il a regretté à ce sujet que le ministère ne publie pas plus souvent les données qui permettent d'évaluer l'état de préparation des particuliers et des entreprises à l'euro et qu'aucune comparaison avec les autres pays européens ne soit diffusée. Il a indiqué que l'effort budgétaire de communication sur l'euro s'était élevé en 2001 à 16 millions d'euros et que la Commission européenne avait abondé par fonds de concours le budget du ministère à hauteur de 6,5 millions d'euros. Il a considéré que les actions financées en 2001 étaient très variées et qu'il était sans doute trop tôt pour les évaluer. Il a simplement rappelé que les premières actions menées entre 1997 et 1999 avaient fait l'objet d'un rapport sévère de l'inspection générale des finances qui avait à la fois souligné le coût des campagnes de communication et leur faible impact. Il a indiqué qu'il espérait que le ministère avait pris bonne note de ces remarques et avait pu tirer les leçons des difficultés constatées.

M. Bernard Angels, rapporteur spécial, a rappelé par ailleurs que le ministère s'était doté depuis juin 2001 d'un système de surveillance des prix mensuel, à la suite d'une enquête du mensuel « 60 millions de consommateurs » et que sa cellule TRACFIN avait accru ses actions pour prévenir d'éventuelles tentatives de blanchiment d'argent. Il a conclu en relevant que l'évaluation de la politique du ministère pourrait être rapidement dressée, dès les premiers jours de janvier.

M. Bernard Angels, rapporteur spécial, a présenté enfin les deux articles rattachés à son fascicule. Il a noté que l'article 66 visait à réparer une erreur de l'administration envers les fonctionnaires indûment prélevés d'une cotisation pour pension au cours d'une période de scolarité en tant qu'élèves fonctionnaires et que cette mesure semblait raisonnable puisqu'elle permettait à ces fonctionnaires de bénéficier de la prise en compte de ces périodes de scolarité dans le calcul de leur pension et dans la liquidation de leurs droits. S'agissant de l'article 67, il a relevé que l'institution d'un comité des normes de comptabilité publique constituait une application anticipée de l'article 30, d'origine sénatoriale, de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances.

Au terme de cette présentation, la commission a réservé son vote sur le budget des services financiers jusqu'à l'examen des crédits de l'industrie.

PJLF pour 2002 - Crédits de l'équipement, des transports et du logement : III. - Transports et sécurité routière : Routes et sécurité routière - Examen du rapport spécial

La commission a ensuite examiné les crédits de l'équipement, des transports et du logement : III. - Transports et sécurité routière : Routes et sécurité routière, sur le rapport de M. Gérard Miquel, rapporteur spécial.

M. Gérard Miquel a tout d'abord présenté les crédits du budget des routes et de la sécurité routière avant de faire le point sur le nouveau « jaune » budgétaire consacré à la sécurité routière, publié sur une initiative de la commission.

Le rapporteur spécial a noté que pour 2002, les crédits de paiement consacrés aux routes et à la sécurité routière étaient très difficiles à analyser, en raison du rattachement en cours d'année 2001 des crédits de l'ex-Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables (FITTVN) supprimé au 31 décembre 2000. Il a indiqué que le budget des routes en 2002 dépendrait donc entièrement des reports de crédits de paiement en fin d'année 2001 et il a noté que le ministère de l'équipement, des transports et du logement se référait uniquement aux moyens d'engagement qui progresseront de 2,5 % pour 2002, correspondant à une stabilité pour le développement routier et une progression pour les crédits d'entretien des routes.

En première observation, il a souligné que les crédits pour le secteur routier étaient en diminution depuis plusieurs années, selon un constat partagé tant par le ministère chargé des transports que par la Cour des comptes. Alors que les dépenses du domaine « équipement et transport » ont progressé de 3,2 % sur la période 1996-2000, celles consacrées au secteur routier ont diminué de plus de 14 %. Les chiffres du ministère chargé des transports, consacrés aux seules dépenses en infrastructures routières, confirment que celles-ci ont fortement diminué sur la période 1996-2000 : les moyens du budget de l'Etat ont chu et, seule, la hausse des investissements des collectivités locales a permis de limiter la réduction des programmes d'investissements.

Puis le rapporteur spécial a rappelé qu'après la mise en oeuvre du XIème plan, le gouvernement avait décidé d'affecter 5,1 milliards d'euros aux volets routiers du XIIème plan, mais il a noté un certain retard puisque selon le ministère, leur taux d'avancement n'atteindra que 38,3 % fin 2002, au lieu des 42,8 % prévus.

En revanche, il s'est félicité, s'agissant des crédits d'entretien routier qui avaient été sacrifiés pendant des années, de la revalorisation des moyens d'engagement à hauteur de 4,6 % pour 2002 qui permettra un renforcement de l'entretien préventif et surtout la réhabilitation de certains ouvrages d'art.

En deuxième observation, il a rappelé la « révolution » créée par les schémas de service. Le schéma directeur routier national a été réalisé à 81,6 % au début de l'année 2001, cependant il sera prochainement abandonné, sa fonction étant reprise par les schémas de services voyageurs et marchandises approuvés le 9 juillet 2001. Le ministère de l'équipement, des transports et du logement explique désormais qu'il n'y a plus de programme routier ou autoroutier mais une approche «intermodale ». Si la construction de certaines liaisons autoroutières est projetée, les modalités financières ne sont pas précisées.

En troisième observation, M. Gérard Miquel a expliqué qu'aucune procédure pour le financement de nouvelles liaisons autoroutières n'était vraiment envisagée alors que le mécanisme de l'adossement était abandonné. Il a indiqué que selon le ministère de l'équipement, des transports et du logement, il résultait des nouveaux schémas de service que les autoroutes déjà concédées seraient financées dans le cadre des concessions actuelles mais que les autoroutes nouvelles à concéder ne pourraient être réalisées que grâce à l'attribution de subventions publiques aux nouveaux concessionnaires : le financement de ces subventions publiques serait partagé entre l'Etat et les régions dans le cadre d'une convention, comme le sont les investissements routiers non concédés des contrats de plan Etat-Région.

En quatrième observation, il a observé que le gouvernement choisissait aujourd'hui de financer en priorité le rail, en particulier grâce au retour financier de la route. Il a noté que la situation des sociétés concessionnaires d'autoroutes (SEMCA) s'améliorait fortement, en raison en particulier de l'allongement des concessions. L'endettement total des SEMCA devrait atteindre vers 2003 un montant maximum d'environ 22,4 milliards d'euros puis se résorber rapidement. Dans ces conditions, l'Etat espère désormais dégager des bénéfices importants sur les sociétés concessionnaires d'autoroutes.

Le rapporteur spécial a donc expliqué que dès cette année et surtout en 2002, le secteur routier serait appelé à financer le budget général de l'Etat et éventuellement le développement des infrastructures ferroviaires. Le gouvernement a en effet retenu un objectif volontariste de développement des transports alternatifs à la route, reposant notamment sur le développement du fret, mais compte tenu de l'ampleur de la dette ferroviaire, qui représente 253 milliards de francs, et des investissements à réaliser, l'Etat doit toutefois trouver de nouveaux financements pour répondre aux objectifs qu'il s'est fixés. Une des sources de financement des projets ferroviaires sont les dividendes et éventuellement le capital des sociétés d'autoroutes. Il a indiqué que le gouvernement avait ainsi décidé de créer un établissement public chargé de concourir à la mise en oeuvre d'une politique intermodale dans le massif Alpin dont les ressources seraient constituées par les dividendes de ses participations dans trois sociétés concessionnaires d'autoroutes, et le cas échéant, par des subventions et recettes diverses. Ensuite, le produit des dividendes des sociétés d'autoroutes, soit 152 millions d'euros en 2001, devrait être consacré à l'intermodalité.

Enfin, M. Gérard Miquel a rappelé que le ministre de l'économie et des finances venait d'annoncer l'ouverture du capital d'Autoroutes du Sud de la France (ASF) pour un montant, peut-être non encore définitif, de 1,54 milliard d'euros qui seront versés pour l'essentiel au fonds de réserve des retraites, le reste allant à égalité au secteur aérien et à la Banque de développement des petites et moyennes entreprises (BDPME).

En conclusion, il a souhaité, compte tenu des évolutions en cours, que les modalités de financement des liaisons autoroutières non encore réalisées qui, malgré l'approche « intermodale » des schémas de service, ont des implications importantes pour l'aménagement du territoire, soient précisées.

Le rapporteur spécial a ensuite procédé à l'examen des dotations de l'Etat à la sécurité routière, en rappelant qu'en application de l'article 96 de la loi de finances pour 2001, suite à un amendement qu'il avait présenté au nom de la commission, le gouvernement était désormais tenu de présenter chaque année un rapport relatif à l'ensemble des moyens alloués par l'Etat à la lutte contre l'insécurité routière, accompagné d'indicateurs de résultats.

Il a indiqué que pour 2002, les crédits consacrés à la sécurité routière par l'Etat s'élèveraient donc à 1,5 milliard d'euros, en hausse de 4,8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2001.

Il a estimé que la nouvelle présentation des crédits de la sécurité routière, qui regroupe les dotations de tous les départements ministériels, était de nature à développer l'efficacité de cette politique qui devait être avant tout interministérielle.

Ensuite, il a rappelé que si l'année 1998 avait été caractérisée par de mauvais résultats, le nombre de tués sur les routes avait diminué de 4,8 % en 1999 et 5,5 % en 2000, cette amélioration coïncidant avec la mise en oeuvre des nouvelles mesures de prévention et de sanction. Cette tendance plutôt favorable en 2000 se serait poursuivie sur les six premiers mois de l'année 2001

Puis il a expliqué que les collectivités territoriales étaient des acteurs privilégiés de la sécurité routière puisque, par exemple, les contrats de plan Etat-régions signés en 2000 comportaient pour chaque région un volet sécurité pour un montant total de 305 millions d'euros. Il a souhaité qu'un suivi permanent de la coopération avec les collectivités locales sur le thème de la sécurité routière soit effectuée par le nouveau conseil national de la sécurité routière qui devrait être mis en place avant fin 2001.

Enfin, il a rappelé que les sociétés concessionnaires d'autoroutes développaient d'importantes actions en faveur de la sécurité routière puisqu'elles étaient évaluées à 423,2 millions d'euros pour 2002 et il a souhaité que dans les prochains contrats de plan signés avec ces sociétés pour plusieurs années, les moyens consacrés à la sécurité routière soient clairement définis et revalorisés.

M. Alain Lambert, président, a souhaité connaître le montant des crédits inscrits dans le budget 2002 pour la mise en sécurité des tunnels routiers. Par ailleurs, il a souhaité qu'une vigilance toute particulière soit accordée aux négociations entre l'Etat et les sociétés concessionnaires d'autoroutes dans le cadre de l'élaboration des nouveaux contrats de plan et du changement de leur régime fiscal, en particulier du fait de l'application de la TVA aux péages autoroutiers. Il a expliqué que l'issue de ces négociations aurait des conséquences importantes sur l'avenir des investissements autoroutiers.

M. Gérard Miquel a répondu que l'Etat consacrerait 26,7 millions d'euros en 2002 pour permettre la poursuite de la mise en sécurité des tunnels engagée à la suite de la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc, en observant que le récent drame du tunnel du Gothard en Suisse avait dramatiquement rappelé l'importance de ces travaux de sécurisation. S'agissant des contrats de plan entre l'Etat et les sociétés concessionnaires d'autoroutes et du changement de leur régime fiscal, il s'est déclaré favorable au suivi de ce sujet d'importance, en soulignant que la France avait encore besoin, pour plusieurs années, d'investissements routiers, dans certaines régions de l'ouest en particulier, et qu'il convenait de ne pas les remettre en cause.

A l'issue de ce débat, la commission a décidé de réserver son vote sur les crédits de l'équipement, des transports et du logement jusqu'à l'examen le 14 novembre des crédits consacrés à l'aviation et à l'aéronautique civiles, le président rappelant qu'il serait procédé à un seul vote sur l'ensemble des crédits du ministère.

Contrôle de l'application des lois - Communication

Enfin, la commission a entendu une communication de M. Alain Lambert, président, sur le contrôle de l'application des lois dont elle a été saisie au fond pour la période du 1er octobre 2000 au 30 septembre 2001.

Il a tout d'abord rappelé l'importance de ce contrôle dans les prérogatives du Parlement et souligné que cet exercice constituait un excellent instrument de mesure des difficultés pratiques d'application de certains dispositifs législatifs.

Sans entrer dans le détail de chaque loi, le président s'est limité à quelques observations. Il a tout d'abord remarqué que les délais d'application des lois les plus récentes avaient augmenté. En effet, seulement un tiers des textes demandés par les lois promulguées lors de la précédente session ont été pris à ce jour contre la moitié pour la session antérieure. Il a considéré que cette situation résultait d'une certaine inflation législative, le Gouvernement ayant beaucoup utilisé la loi comme moyen d'action politique dans la période récente.

En revanche, il a constaté qu'en ce qui concernait les lois plus anciennes, la résorption du stock continuait.

M. Alain Lambert, président, a précisé que le bilan d'application des lois auquel se livrent, chaque début de session, tous les présidents de commission était essentiellement formel, puisqu'il s'agissait de contrôler la prise des actes réglementaires prévus par les textes.

C'est pourquoi, il a souhaité que soit poursuivi l'effort de contrôle de la mise en oeuvre des textes sous l'angle qui est celui de la commission des finances, c'est-à-dire sous l'angle budgétaire.

Il a cité en exemple le contrôle de Joseph Ostermann sur le ministère de l'emploi, qui a mis en évidence les difficultés de mise en oeuvre des « 35 heures » ou celui d'Hubert Haenel sur les juridictions du Haut-Rhin, qui a mis en évidence celles de la loi sur la présomption d'innocence.

En conclusion, M. Alain Lambert, président, a affirmé que la mission de contrôle et d'évaluation de la politique budgétaire de la commission rejoignait ainsi celle de contrôle de l'application des lois.

La commission a alors donné acte au président de la communication.