Table des matières




- Présidence de M. Alain Lambert, président.

Contrôle budgétaire - Mise en place du Forec - Communication 

La commission a tout d'abord entendu une communication de M. Joseph Ostermann sur la mise en place du FOREC.

M. Joseph Ostermann a indiqué qu'en tant que l'un des deux représentants du Sénat au conseil de surveillance du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), il avait auditionné le directeur de ce fonds, le 26 février dernier, afin de suivre sa mise en place et d'obtenir des informations sur la façon dont le contrôle du coût de la réduction du temps de travail pourra être assuré. Il a rappelé que l'article 5 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 avait créé le FOREC, établissement public national à caractère administratif, placé sous la tutelle conjointe des ministres en charge respectivement de la sécurité sociale, de l'emploi et du budget, et que, après de nombreux rebondissements, le décret du 25 octobre 2001 avait finalement donné une existence effective au FOREC, fixant ses conditions de fonctionnement, ainsi que son régime financier. Son directeur a été nommé le 10 décembre, et le président de son conseil d'administration, le 18 janvier 2002. Le conseil d'administration a tenu sa première réunion le 22 janvier dernier. Il a noté, pour s'en étonner, que l'installation du FOREC avait été particulièrement discrète : ainsi, la ministre de l'emploi et de la solidarité n'y avait curieusement pas participé, alors qu'elle avait récemment installé de façon médiatisée le fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (FFAPA), cette différence de traitement ne laissant de surprendre, d'autant plus que les sommes en jeu ne sont pas de même ampleur. Aussi a-t-il supposé que le FOREC lui avait laissé de mauvais souvenirs.

M. Joseph Ostermann a constaté que la mise en place technique du FOREC était quasiment terminée. Après avoir rappelé que le fonctionnement du fonds était assuré par le fonds de solidarité vieillesse (FSV), en application de l'article 12 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, il a indiqué que cette mesure avait pour objet d'alléger les frais de gestion du FOREC, grâce à une mutualisation des moyens, tenant compte du fait que les procédures et les savoir-faire mis en oeuvre par le FSV et par le FOREC sont identiques, ou en tout cas très proches, pour une part importante de leurs activités. L'équipe administrative du FSV est donc en charge du FOREC, et les frais de gestion de ce dernier sont supportés par le FSV. Il a précisé que, selon les assurances qui lui avaient été données, cette proximité fonctionnelle n'enlèverait rien à la pleine autonomie de décision des organes propres du FOREC, et au fait que le budget et les comptes de celui-ci seraient totalement distincts. Il a toutefois noté que le FSV avait vu croître son budget de fonctionnement. Celui-ci devrait s'établir à 1,9 million d'euros en 2002, ainsi répartis : 713.000 euros pour le FSV proprement-dit, 641.000 euros pour le FFAPA et 546.000 euros pour le FOREC, soit 28,7 % du budget de fonctionnement global du FSV. Les effectifs ont également doublé, passant de 9,5 emplois équivalents temps plein lorsque le FSV exerçait ses fonctions d'origine, à 18,7 emplois équivalents temps plein actuellement, dont 7,2 pour les services communs aux trois fonds et 3 pour le FOREC, l'ensemble de ces personnels n'étant toutefois pas encore recruté, leur nombre s'établissant à 15 à la fin du mois de février.

Il a fait observer que tous les textes de nature réglementaire directement nécessaires à la mise en place du fonds avaient désormais été publiés. Toutefois, les conventions prévues afin de régler les relations financières du FOREC avec l'Etat et les organismes de sécurité sociale n'en sont pas toutes au même état d'avancement, deux catégories de conventions devant être distinguées. Il y a d'abord les conventions relatives aux versements du FOREC à 5 régimes de sécurité sociale : la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), la caisse des mines, les employés de notaires et les marins salariés. Ces conventions ont pour objet de permettre la régularisation définitive des opérations de compensation des exonérations, notamment pour 2001. A ce titre, seule, la convention entre le FOREC et l'ACOSS n'est pas encore conclue ; toutes les autres ont été signées. Pour 2002, sur les cinq conventions prévues, deux ont été signées, avec l'ACOSS et la CCMSA, mais elles sont provisoires, et seront remplacées par des conventions définitives, une fois mieux connus les flux de trésorerie du FOREC, tant en encaissements qu'en décaissements. D'autre part, une convention unique sera conclue entre le FOREC et l'Etat afin de préciser les conditions de centralisation des recettes du fonds par l'Etat, les modalités et la périodicité de leur versement au FOREC et les pièces justificatives afférentes. Deux autres conventions concernant les recettes ont, quant à elles, été conclues : l'une avec l'ACOSS pour la centralisation des recettes de la taxe de prévoyance et de la taxe sur les contrats d'assurance des véhicules terrestres à moteur, l'autre avec la CCMSA pour la centralisation des recettes de la taxe de prévoyance. Il a indiqué que, d'une manière générale, les règles financières et comptables auxquelles le FOREC obéissait étaient les règles de droit commun de tout établissement public national à caractère administratif : le fonds est soumis au contrôle financier de l'Etat, et sa comptabilité organisée conformément au plan comptable unique des organismes de sécurité sociale, en application du décret du 19 septembre 2001.

M. Joseph Ostermann a considéré que deux aspects lui paraissaient toutefois poser problème. Le premier a trait aux méthodes de contrôle que le FOREC va mettre en place afin de veiller à la bonne application de la réglementation, en l'occurrence la ristourne dite Juppé et les lois Aubry I et II. Il a en effet été indiqué au rapporteur qu'en matière de dépenses, les conventions susmentionnées prévoyaient que les organismes bénéficiaires fournissaient les états justificatifs retraçant le coût des mesures prises en charge par le FOREC, ces états précisant, par nature d'exonération et par dispositif, les montants concernés. Par ailleurs, le contrôle peut s'exercer au niveau même des organismes collecteurs, les inspecteurs du recouvrement des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) étant compétents. Dès lors, le FOREC sera soumis au droit commun du contrôle des exonérations de cotisations sociales, et c'est précisément cela qui est inquiétant.

Il a en effet rappelé que, dans un référé du 21 septembre 2001, la Cour des comptes avait formulé des critiques très vives sur la qualité de la gestion des exonérations liées à la politique de l'emploi, et en a cité quelques-unes : « l'ACOSS devrait étudier des modalités de déclaration moins complexes que le bordereau actuel », « la qualité des informations relatives aux effectifs de salariés concernés par les mesures est fortement sujette à caution », « la qualité du système de gestion des mesures pour l'emploi laisse à désirer », des cotisants bénéficiant d'exonérations totalement ou partiellement indues en raison du système informatique ou de défaillances dans la gestion des procédures au sein des URSSAF... Il a d'ailleurs indiqué avoir interrogé la ministre de l'emploi et de la solidarité sur les améliorations qu'elle comptait apporter afin de remédier à ces dysfonctionnements.

Il a ajouté que le FOREC ne serait de surcroît pas en mesure de fournir des informations fiables sur le nombre d'entreprises bénéficiaires des aides allouées par le fonds, pas plus que sur le nombre d'emplois créés et préservés par la réduction du temps de travail. Ce type d'informations continuera d'être diffusé par les services du ministère de l'emploi, dont il avait montré, dans un précédent rapport, le caractère précisément artisanal. Il a insisté sur le fait qu'aucune équivalence entre les flux financiers transitant par le FOREC d'un côté, et le nombre d'emplois créés par les 35 heures de l'autre ne serait disponible.

M. Joseph Ostermann a ensuite noté que le second point inquiétant concernait l'information des membres du conseil de surveillance du FOREC, qui lui paraît pour le moins lacunaire et purement formelle. Il a considéré que la présence de parlementaires au sein de ce conseil devrait constituer l'occasion pour la représentation nationale de se montrer particulièrement vigilante sur l'évolution et les modalités de financement des 35 heures. Or, leur information sera limitée. Il a précisé que le conseil de surveillance, dont la première réunion est prévue à l'automne prochain, serait destinataire du rapport annuel d'activité, accompagné du compte financier, des prévisions et bilans du fonds, et des conventions susmentionnées. Lui sera également communiqué le rapport annuel que le gouvernement présentera au Parlement sur la mise en oeuvre des allégements de cotisations sociales, en application de l'article 36 de la loi Aubry II. Il a cependant déploré que les membres du conseil de surveillance ne seraient visiblement pas destinataires d'informations régulières, par trimestre par exemple, sur les équilibres financiers du fonds, et a considéré que le rôle du conseil de surveillance ne saurait se limiter à enregistrer des informations établies par des services ministériels en dehors de tout contrôle externe. Il a du reste indiqué avoir adressé un courrier au président du conseil d'administration du FOREC pour lui faire part de ses observations sur ce point.

M. Joseph Ostermann a conclu en évoquant la situation financière du FOREC, qui, eu égard aux informations qui lui ont été communiquées, ne lui paraissait pas claire. D'après les informations qui lui ont été transmises par le directeur du FOREC, et qui datent du 25 février dernier, le compte de résultat prévisionnel du fonds pour 2001 s'établirait à 14,39 milliards d'euros en charges et à 14,73 milliards d'euros en produits, soit un excédent de 336,68 millions d'euros. A la même date, son solde de trésorerie s'établissait à 227,84 millions d'euros. Ainsi, selon son directeur, « il est possible de dire que les comptes 2001 du FOREC dégageront un résultat excédentaire », après avoir été lourdement déficitaires en 2000. Il a toutefois rappelé que l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), en présentant, le 12 mars dernier, les premiers résultats des comptes nationaux des administrations publiques en 2001, avait insisté sur le déficit du FOREC qui, selon lui, aurait même pesé sur la dégradation du solde des administrations de sécurité sociale. Il a dès lors souligné cette contradiction qu'il conviendra d'analyser plus en détail. Il a toutefois rappelé que, d'une manière générale, le budget du FOREC, d'après la loi, devait être présenté en équilibre, et que c'est au budget de l'Etat de combler un éventuel déficit. Or, il a constaté que, de ce point de vue, rien n'avait changé par rapport à l'année 2000, lorsque l'Etat avait refusé d'honorer sa créance à l'égard de la sécurité sociale, qui avait finalement dû payer « l'addition » des 35 heures.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'associant aux conclusions du rapporteur, s'est étonné de ce que, dans ces conditions, la commission des finances de l'Assemblée nationale ait pu donner un satisfecit au gouvernement sur sa gestion des finances publiques, alors que l'exemple du FOREC illustre parfaitement la nature des hypothèques qui pèsent sur elles. Il a par ailleurs jugé indispensable d'obtenir une clarification sur les informations contradictoires émanant de la direction de ce fonds et de l'INSEE.

Budget - Exécution du budget 2001 - Communication de M. Philippe Marini, rapporteur général

La commission a ensuite écouté une communication de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur l'exécution du budget 2001.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a rappelé que cette communication était le fruit d'un contrôle sur pièces et sur place opéré par M. Alain Lambert et lui-même, le 21 février 2002, auprès des services de la direction du budget, de la DGCP (direction générale de la comptabilité publique) et de l'ACCT (agence comptable centrale du trésor).

Il a tout d'abord souligné qu'en 2001 le déficit budgétaire avait augmenté de près de 24 milliards de francs, atteignant ainsi 210,24 milliards de francs. Il a précisé que le besoin de financement de l'Etat (2,4 % du PIB), malgré deux années de forte croissance, n'avait pas diminué par rapport à 1999 et que des risques sérieux de dérapage existaient pour 2002, compte tenu de la révision à la baisse du niveau de la croissance (1,5 % au lieu des 2,5 % prévus).

M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que les « petites lignes » (les « autres recettes fiscales nettes »), correspondant à 17 milliards de francs, étaient venues opportunément suppléer les 50 milliards de francs de moins-values enregistrées sur les trois impôts les plus sensibles à la conjoncture : la TVA ( - 25 milliards de francs par rapport à la prévision initiale), l'impôt sur les sociétés ( - 13,9 milliards de francs) et la TIPP (- 10,5 milliards de francs). Il a estimé que cela était de mauvais augure pour l'exercice 2002. Il a en outre considéré que les recettes non fiscales, en progression de 20 milliards de francs par rapport à 2000, avaient été mobilisées pour permettre au gouvernement de résoudre la « quadrature du cercle budgétaire ».

Il a souligné que les importantes modifications de périmètre opérées au sein du budget de l'Etat nuisaient à la pertinence des comparaisons et posaient un réel problème de méthodologie budgétaire. Il a indiqué qu'en 2001 les dépenses nettes du budget général avaient augmenté de 2,4 %. Il a précisé qu'après « retraitement » par le gouvernement, les dépenses ne progressaient plus que de 1,9 %, soit 0,3 % en volume compte tenu d'un niveau d'inflation supérieur de 0,2 point à ce qui était escompté.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a par ailleurs dénoncé les réductions de dépenses d'équipement militaire auxquelles le gouvernement avait procédé, notamment lors des deux décrets d'avance de mai et d'octobre 2001. Il a indiqué que les dépenses militaires en capital avaient ainsi été réduites en cours d'année d'un montant représentant 7,3 % des crédits initiaux.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a enfin indiqué que les comptes spéciaux du trésor étaient déficitaires de 2,76 milliards de francs, alors que la loi de finances rectificative prévoyait un excédent de 10,35 milliards de francs. Il a fait état de l'effondrement du volume des opérations de deux comptes d'affectation spéciale : le fonds de provisionnement des charges de retraite et le compte d'affectation des recettes de privatisation. Il a également indiqué que les charges de certaines opérations temporaires avaient été accrues : ce phénomène a concerné le compte « constructions navales de la marine militaire » et le compte d'émission des monnaies métalliques.

Il a conclu en rappelant que ces éléments devaient être confirmés à l'occasion de l'examen du prochain projet de loi de règlement. Il a souligné, en outre, ne pas avoir relevé d'irrégularité au sens juridique, même s'il demeurait incrédule sur la valeur de certains résultats.

Audition de M. François Roussely, président d'Electricité de France (EDF)

Puis la commission a procédé à l'audition de M. François Roussely, président d'Electricité de France (EDF).

M. François Roussely
a fait état de trois défis, parfois perçus comme étant des paradoxes, auxquels le groupe qu'il préside doit faire face et tenant à la conciliation entre d'abord le service public et l'ouverture à la concurrence, ensuite l'ancrage dans le secteur local et le développement des activités internationales et, enfin, l'instantanéité et le long terme.

M. François Roussely a rappelé qu'après avoir vécu pendant cinquante ans dans une situation de monopole, EDF devait maintenant faire face à l'ouverture du marché français à la concurrence. Il a souligné que, conformément à la directive européenne, un tiers de la consommation totale était ouvert à la concurrence, et que la mise aux enchères de 6.000 mégawatts, réalisée à la demande de la Commission européenne dans le cadre de l'acquisition par EDF de parts de l'entreprise allemande EnBW, était engagée et permettait de contribuer fortement à l'organisation d'un marché de gros en France. Il a également estimé qu'au regard du pourcentage de clients ayant effectivement quitté leur fournisseur historique, la concurrence était en France du même ordre de grandeur que dans la plupart des autres pays de l'Union européenne, qu'en Allemagne en particulier.

Le président d'EDF a expliqué que deux décisions avaient été prises au récent Conseil européen de Barcelone. En premier lieu, il a été décidé qu'en 2004, l'ensemble des professionnels seraient considérés comme des clients éligibles. En second lieu, le principe d'une directive cadre a été décidé, ce texte devant définir avec plus de précision le contenu des services publics. Il a observé que, peu à peu, la définition européenne des services publics se rapprochait de l'acception française, notamment en matière de protection des plus démunis et de péréquation tarifaire.

Démontrant la réalité de l'ouverture des marchés en France, M. François Roussely s'est félicité qu'EDF ait réussi à constituer une fédération d'entreprises à l'échelle européenne qui lui permet d'accompagner l'internationalisation de ses clients. Il a insisté sur l'intérêt, pour un client, d'avoir un même fournisseur d'énergie pour l'ensemble de ses sites en Europe.

Sans dévoiler les résultats de 2001 de son entreprise, publiés très prochainement, il a indiqué que le chiffre d'affaires d'EDF avait progressé, mais que la situation financière de l'entreprise ne connaissait pas la même évolution pour des raisons à la fois conjoncturelles, liées à l'implantation d'EDF dans des pays « à risque » tels que l'Argentine et le Brésil, et structurelles, dues principalement aux surcoûts engendrés par les obligations d'achat, en matière de cogénération notamment.

Concernant le deuxième défi, le président d'EDF a énoncé l'objectif, pour 2005, de consacrer 50 % de ses activités hors du métier historique en France, sachant que ce taux était de 12 % en 1998 et qu'il est de 35 % aujourd'hui. Cette évolution passe par le développement à l'international et par l'élargissement aux services énergétiques.

En même temps, il a précisé qu'entre 2000 et 2003, EDF investirait 9 milliards d'euros dans l'amélioration du service public et de la qualité du service, notamment aux collectivités locales. A ce sujet, il s'est félicité du succès rencontré par le questionnaire envoyé aux clients et a souligné qu'en réponse, EDF avait pris des engagements, par exemple, en matière d'enfouissement des lignes ou de rénovation des agences. Il a considéré que, quelle que soit l'ampleur des activités internationales d'EDF, l'entreprise restait fermement attachée aux territoires, aux collectivités locales et à leurs élus. Il a jugé que cette orientation se traduisait dans la nouvelle organisation du groupe.

M. François Roussely a fait valoir que la fourniture d'électricité présentait, pour le consommateur, un impératif d'instantanéité, mais que la production d'électricité supposait des investissements de long terme. Il a jugé que si le marché constituait le meilleur outil d'allocation des ressources à un instant donné, ce marché devait être régulé par des autorités publiques, avec des règles du jeu claires et favorisant les investissements de long terme. Pour illustrer son propos, il a évoqué la nécessité de réaliser des interconnexions afin d'éviter la situation de pénurie que connaît la Californie.

M. François Roussely a considéré que les deux années à venir devront être consacrées à mettre en évidence les besoins pour l'avenir et les moyens financiers qui permettront de les satisfaire.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a demandé quelle était la valeur d'EDF, comment l'entreprise conciliait des résultats en baisse avec l'augmentation des prélèvements de l'Etat, si les collectivités locales avaient vocation à devenir des clients éligibles à la concurrence européenne, et à combien s'élevaient les surcoûts liés aux achats à condition forcée, notamment en matière d'énergie par des éoliennes.

M. François Roussely a qualifié d'« incommensurable » la valeur d'EDF et a insisté sur l'affection que portent à cette entreprise ses employés et ses clients. Il a estimé que plusieurs méthodes, telles que le « cash flow actualisé » ou le « price earning ratio », étaient envisageables pour évaluer la valeur financière de l'entreprise mais qu'EDF ne se livrait pas à un tel exercice et que sa valeur ne pouvait se réduire à un calcul à base de ratios. Il a indiqué que la décision d'ouvrir le capital de l'entreprise relevait du pouvoir politique et que, pour sa part, son rôle était d'adapter l'entreprise aux évolutions voulues par celui-ci. Il a insisté sur la nécessité de définir des orientations sur le développement futur de l'entreprise et sur les moyens à mettre en oeuvre pour y parvenir. M. François Roussely a rappelé que l'entreprise avait financé son développement sans apport de son actionnaire depuis 1982.

Il a indiqué qu'EDF rémunérait normalement son actionnaire, l'Etat, par le biais de la fiscalité et du versement de dividendes. Il a précisé que le précédent « contrat de groupe » prévoyait le reversement de 40 % du bénéfice à l'Etat, contre 37,5 % aujourd'hui.

Le président d'EDF a expliqué, qu'au lendemain du sommet de Barcelone, la question de l'éligibilité des collectivités locales devra être appréciée au niveau européen lors du conseil des ministres européens de l'énergie en juin prochain.

Il a indiqué que les surcoûts liés à l'obligation d'achat de la cogénération étaient évalués par la commission de régulation de l'électricité à 900 millions d'euros. Concernant le rachat des énergies renouvelables telles que celles produites par les éoliennes, le surcoût n'est pas très élevé aujourd'hui, mais le deviendrait probablement dans la même proportion que la cogénération. Il a souhaité que la montée en charge du nouveau fonds de compensation permette de répartir ces surcoûts sur l'ensemble des acteurs.

M. Jacques Chaumont a attiré l'attention du président d'EDF sur les risques liés à l'existence d'une centrale nucléaire en mauvais état à la frontière entre la Lettonie et la Lituanie et s'est demandé si EDF pourrait apporter un concours technique à ces pays.

M. Maurice Blin a jugé ambiguë la position d'EDF, monopole dans son marché national et entreprise concurrentielle à l'étranger. Il s'est demandé si cette posture serait longtemps tenable. Il s'est interrogé sur les raisons de l'isolement de la France dans le débat européen sur la libéralisation du secteur énergétique.

M. François Trucy s'est demandé quels étaient les risques liés à l'ouverture du marché national à la concurrence.

M. Michel Sergent s'est demandé s'il n'était pas paradoxal qu'EDF soit obligée d'acheter l'énergie produite par des entreprises dont les actionnaires sont parfois d'autres entreprises nationales, telles que Gaz de France. Il s'est félicité des propos du président d'EDF sur le service public et le respect de l'environnement, mais aurait préféré qu'ils trouvent une traduction concrète sur le terrain, en particulier dans le Pas-de-Calais, où l'amélioration de la situation constatée, il y a quelques années, semble désormais marquer le pas.

M. Jacques Oudin a estimé que le nucléaire constituait l'énergie la plus écologique, à condition que le problème des déchets soit traité. Il a déploré les incohérences entre les objectifs des lois « Montagne » et « Littoral » et le développement des éoliennes.

Mme Marie-Claude Beaudeau s'est étonnée qu'EDF augmente les tarifs des clients non éligibles alors que dans le même temps l'entreprise réalise des bénéfices. Après l'augmentation de 1 % décidée en 2001, elle a demandé s'il était vrai que les tarifs devaient progresser de 5 % en 2002. Elle a rappelé que la loi de 1946 prévoyait que les bénéfices d'EDF devaient avoir pour seul objet la réalisation d'investissements de nature à améliorer le service au public. Elle a jugé la situation choquante dans la mesure où les clients éligibles peuvent négocier des baisses de tarifs. Elle a souhaité connaître le montant des acquisitions d'EDF à l'étranger et la part de ce montant dans le total des recettes provenant des factures des ménages.

M. Roland du Luart s'est demandé si le maintien des privilèges des agents d'EDF était compatible avec l'ouverture du marché national à la concurrence et a souhaité connaître le montant des provisions pour pertes liées aux activités argentines et brésiliennes.

En réponse aux différents intervenants, M. François Roussely a souligné qu'EDF était l'entreprise la plus investie dans les pays de l'est, en particulier en Ukraine. Il a indiqué qu'EDF était toujours disposée à fournir ses capacités d'expertise, dès lors que les financements nécessaires étaient mobilisés. Il a regretté que les organisations internationales n'interviennent pas à hauteur des engagements pris et des besoins constatés. Il a expliqué que cette attitude aboutissait en Ukraine à de fréquentes coupures de courant. Il a salué l'action des agents d'EDF dans ce pays.

En réponse à M. Maurice Blin, le président d'EDF a déclaré que quelle que soit l'attitude des gouvernements passés et de l'entreprise, l'ouverture du marché européen était aujourd'hui une réalité. Il a particulièrement insisté sur le fait que, contrairement à ce qui est véhiculé par la presse anglo-saxonne, EDF ne bénéficiait d'aucun avantage par rapport à ses concurrents, puisqu'elle ne perçoit aucune subvention, qu'elle rémunère normalement son capital, verse des dividendes à son actionnaire et finance ses investissements à partir de ses emprunts. Il a jugé que le seul privilège d'EDF était l'impossibilité d'être la cible d'une offre publique d'achat (OPA).

M. François Roussely a considéré que l'univers issu du traité de Rome était fondé sur l'idée que, seule, la concurrence permettait de diminuer les prix, qu'EDF démontrait depuis cinquante ans que l'inverse était possible, puisqu'en France, les prix de l'électricité, quels que soient les segments de marché, sont parmi les plus bas d'Europe. Il s'est félicité que l'Etat ait laissé à EDF la souplesse de sa gestion, ce qui lui a permis d'éviter le sort des entreprises britanniques privatisées, étranglées par leur autorité de régulation et aujourd'hui, pour nombre d'entre elles, disparues. Il a également constaté qu'aucune des acquisitions réalisées par EDF n'avait reçu d'opposition de la part des autorités communautaires et s'est élevé contre les législations italiennes et espagnoles visant à réduire les droits de vote d'EDF dans les entreprises dont elle est actionnaire.

En tout état de cause, le président d'EDF a souhaité que les transformations que pourrait engager le groupe soient menées à bien dans le respect de l'attachement au service public qui caractérise les agents d'EDF.

Concernant l'éolien, M. François Roussely n'a pas caché qu'EDF souhaitait contrôler le tiers du marché des énergies renouvelables. Il a jugé que les éoliennes ne pouvaient constituer qu'une énergie d'appoint, notamment parce que leur disponibilité ne pouvait être garantie à tout moment. Il a relevé que les associations écologistes étaient souvent opposées à l'implantation d'éoliennes, en particulier en raison des lignes électriques nécessaires à l'évacuation de l'énergie produite. Il a assuré M. Michel Sergent de sa disponibilité pour discuter de la situation du département du Pas-de-Calais.

Le Président d'EDF a indiqué que l'évolution des prix d'une année sur l'autre résultait de l'application d'une formule figurant au contrat de groupe et qu'en 2001, l'augmentation retenue avait été effectivement inférieure à l'application de cette formule. Il a assuré que l'évolution des tarifs aux clients français était totalement déconnectée de l'évolution des activités internationales d'EDF, celle-ci étant nécessaire pour compenser les inévitables pertes de parts de marchés qui seront constatées en France.

Le Président d'EDF a souligné que le comité d'entreprise d'EDF était une création de la loi de 1946 et que les avantages consentis aux agents n'étaient pas supérieurs à ceux accordés par beaucoup d'autres entreprises. Il a jugé indispensable de conserver l'ensemble des éléments pouvant contribuer à l'attachement des agents au service public tel qu'il a été mis en évidence à l'occasion des tempêtes de décembre 1999.

Electricité - Audition de M. Jean Syrota, président de la Commission de régulation de l'électricité (CRE)

Présidence de M. Jacques Oudin, vice-président.

Puis la commission a procédé à l'audition de M. Jean Syrota, président de la Commission de régulation de l'électricité (CRE).

Dans un exposé liminaire, M. Jean Syrota a tout d'abord rappelé que la CRE a été instituée par la loi du 10 février 2000, relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, et que l'ouverture des marchés repose sur la mise en oeuvre de trois priorités depuis sa création :

1°- Définition des clients « éligibles » (qui doivent représenter 30 % de la consommation totale), autorisés à choisir librement leur fournisseur.

2°- Mise en place des conditions d'un accès libre et non discriminatoire aux réseaux, l'exploitation du réseau de transport (RTE) étant confiée à un gestionnaire indépendant au sein d'EDF.

3°- Accès régulier aux réseaux. Une proposition de tarifs d'utilisation des réseaux, assez éloignée des pratiques actuelles d'EDF, est en attente de validation par un prochain décret pris en conseil d'Etat, après avis du conseil de la concurrence.

De ce dernier point de vue, d'ordre tarifaire, M. Jean Syrota a ainsi observé que l'application de la loi précitée du 10 février 2000, transposant la directive européenne du 19 décembre 1996, était donc inachevée.

S'agissant du règlement des litiges relatifs à d'éventuelles entraves à la concurrence sur le marché de l'électricité, il a indiqué que la CRE avait préféré mener des actions rapides et directes tendant à régler les différends, sans attendre qu'ils soient formalisés, peu de temps après le dépôt des plaintes, après concertation avec des intéressés.

Concernant les opérations de marché, le président Jean Syrota s'est félicité de ce que RTE ait été le premier en Europe à recourir à une mise aux enchères de ses achats d'électricité pour compenser les pertes de ses infrastructures. Il a évoqué, en deuxième lieu, la création en France d'un marché spot, encore en phase de démarrage, mais qui fonctionne de façon satisfaisante. Enfin, il a traité des ventes de capacités virtuelles (6.000 mégawatt au total) à des producteurs étrangers, exigées par la commission européenne. Comme les consommateurs éligibles peuvent trouver de l'électricité n'importe où en Europe, via notamment une quarantaine de fournisseurs opérant actuellement en France, au total, a-t-il fait valoir, le marché français est, dans les limites fixées par la loi, réellement ouvert à la concurrence.

M. Jean Syrota a ensuite rendu compte à la commission de l'activité de la CRE consistant à donner des avis au Gouvernement sur les projets de décrets et d'arrêtés de celui-ci relatifs à l'électricité.

S'agissant des tarifs assurant la rémunération de productions « alternatives » (cogénération, éolienne, photovoltaïque, incinération de farines animales, etc.), il a observé que les prix de reprise imposés à EDF étaient, dans de nombreux cas, bien supérieurs à ceux nécessaires à l'atteinte des objectifs des pouvoirs publics. Il a précisé que la réalisation des projets envisagés de construction d'éoliennes entraînerait, dans quelques années, un doublement des charges du fonds de péréquation du service public de l'électricité, entraînant une augmentation supérieure à 20 % du prix payé par les plus gros consommateurs.

M. Jean Syrota a enfin abordé le problème de la réalisation, qui lui semble encore assez éloignée, de l'objectif de mise en place d'un marché européen unique de l'électricité.

Il a analysé les nombreux obstacles rencontrés à cet égard : capacités d'interconnexions historiquement limitées à la satisfaction des besoins qu'exige la sécurité ou le décalage des heures de pointe de consommation, et donc insuffisantes, pour permettre de véritables échanges commerciaux ; nécessité de lourds investissements pour desservir les îles et péninsules à partir du continent ; usage systématique de mécanismes d'allocation de capacité par enchères équivalant, dans les faits, au rétablissement d' un péage, par exemple à l'entrée du marché néerlandais et peut-être bientôt de celui de la Belgique ; fermeture du marché allemand, dans lequel l'accès aux réseaux n'est pas régulé, mais négocié, et absence, dans ce pays, de régulateur sectoriel spécifique.

M. Jean Syrota s'est déclaré partisan de la création, auprès de la Commission et en relation avec le Parlement européen, d'une instance compétente réunissant tous les régulateurs de l'électricité, notamment en matière de tarification des transits.

Il a rappelé les décisions prises lors du dernier sommet de Barcelone : ouverture à la concurrence, à partir de 2004, d'une part des marchés nationaux correspondant à 60 % minimum de la consommation nationale, n'excluant du champ concurrentiel que les foyers domestiques ; obligation de mettre en place un accès régulé aux réseaux ; pas d'exigence d'un régulateur sectoriel (ces deux points constituant pour l'un une avancée, pour l'autre une déception au regard de la situation du marché allemand) ; reconnaissance, dans des termes toutefois peu clairs, de la nécessité d'accroître les capacités d'interconnexion.

La Commission européenne doit par ailleurs rédiger un rapport sur la sécurité d'approvisionnement et procéder à une analyse objective de l'ouverture à la concurrence des marchés qui prenne en compte des critères, autres que théoriques, tels le nombre de consommateurs ayant effectivement acheté de l'électricité d'origine étrangère.

M. Jean Syrota a regretté que la France, malgré une ouverture réelle de son marché, souffre en Europe d'une mauvaise image qui contrarie le développement, chez nos voisins, des activités de notre opérateur national EDF, du fait de retards enregistrés dans la transposition des directives communautaires énergétiques (électricité et gaz) et de l'attitude générale française visant depuis des années à repousser et à limiter l'ouverture des marchés de l'énergie.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a alors interrogé le président de la CRE en ce qui concerne :

- la façon de mieux faire comprendre, par nos concitoyens intéressés, l'intérêt et les enjeux de l'ouverture du marché de l'électricité ;

- la coordination entre les activités de la Bourse française de l'électricité « Powernext » et les autorités régulatrices des marchés financiers (COB...) ;

- l'ouverture du marché aux professionnels : les collectivités territoriales doivent-elles leur être assimilées et être considérées, en conséquence, comme clients éligibles ?

- l'avenir des distributeurs non nationalisés ;

- enfin, les différences entre la proposition de la CRE pour les tarifs d'accès régulé à l'électricité et le tarif EDF.

Dans sa réponse à la première de ces questions, M. Jean Syrota a appelé de ses voeux :

- un effort pédagogique tendant à faire cesser les confusions, dans le débat national, entre privatisation, ouverture du marché et service public et conduisant à prendre en considération la stature et la compétitivité d'EDF en Europe et les avantages qui peuvent être attendus de la remise en cause du monopole actuel, en dehors des réseaux, pour lequel il paraît justifié ;

- une simplification de la législation actuelle substituant les recettes des gestionnaires de réseaux de transports aux dépenses des producteurs et des importateurs comme assiette du prélèvement des contributions aux charges de service public.

Il a souligné que l'ouverture du marché n'impliquait ni privatisation, ni menace pour le service public et a rappelé qu'une remise en cause des monopoles, quels que soient leurs mérites sur le plan de la satisfaction quantitative de la demande, pouvait laisser escompter, toutes choses égales par ailleurs, des baisses de prix pour le consommateur grâce à des gains de productivité, exigés, par exemple de RTE et auxquels EDF devrait s'efforcer, de son côté, de parvenir.

Concernant Powernext, M. Jean Syrota a noté que la CRE s'était surtout concertée avec le conseil des marchés financiers avec lequel elle partage la régulation de ce marché.

Au sujet des clients professionnels, il a rappelé que le marché était ouvert à hauteur de 30 %, soit à partir d'un seuil de 16 gigawatt/heure par site. L'abaissement à 9 gigawatt/heure de cette limite en février 2003 devrait entraîner un quasi doublement du nombre de sites éligibles et le passage à un pourcentage d'ouverture à la concurrence de 34 %, en attendant 60 %, voire 70 % en 2004, lorsque tous les professionnels seront concernés, certains cas comme celui du travail à domicile soulevant toutefois des questions d'interprétation délicate. Les collectivités locales, a-t-il précisé, ne sont pas éligibles, en l'état de la réglementation, essentiellement parce qu'elles ne sont pas attributaires d'un numéro SIRET.

S'agissant, enfin, des distributeurs non nationalisés (5 % du marché français), M. Jean Syrota a évoqué leurs inquiétudes dues au fait qu'ils sont des clients, comme les autres, des réseaux de transport traités de façon non discriminatoire. Il a souligné, cependant, que le fonds de péréquation de l'électricité est prévu par la loi pour, quoiqu'en dise l'administration, régler les problèmes qui peuvent se poser à eux du fait de différences de rentabilité découlant des situations structurelles des zones desservies. Il a rappelé que les collectivités locales concédantes n'avaient pas, actuellement, le libre choix de leurs concessionnaires.

A propos des tarifs de l'accès régulé aux réseaux, il a souligné que les différenciations horo-saisonnières importantes pratiquées par EDF (des écarts significatifs existant entre les heures de pointe de l'hiver et les heures creuses de l'été) ne semblaient pas justifiées à la CRE qui, toutefois, avait décidé de les tolérer à titre transitoire et optionnel pour des catégories d'utilisateurs très minoritaires.

Mme Marie-Claude Beaudeau a alors interrogé le président de la CRE au sujet de la place susceptible d'être laissée, en ce qui concerne la production d'électricité, à des concurrents d'EDF en France.

M. Jean Syrota lui a répondu que l'opérateur national, qui figurait parmi les meilleurs producteurs européens d'électricité de base et qui exportait de l'ordre de 70 terawatt/h, avait tout intérêt à une ouverture du marché français de nature à améliorer son image en Europe et à y développer ses ventes et y faciliter ses acquisitions.

Il a estimé envisageable, dans un marché européen idéal, une situation qui verrait la France exporter de l'électricité « de base » et importer de l'électricité « de pointe », parfois produite à meilleur marché par d'autres Etats comme les Pays-Bas (du fait, pour ces derniers, de leur position privilégiée de producteur de gaz naturel). Il a rappelé l'existence de 40 intervenants sur le marché français de l'électricité, dont la CNR (Compagnie Nationale du Rhône), le SNET (Société Nationale d'Electricité et de Thermique) etc. A son avis, des investissements de capacité en France ne sont pas nécessaires sauf à subventionner de nouveaux modes de production (cogénération, éoliennes) pour des raisons de politique énergétique à caractère non économique.

M. Yves Fréville a ensuite posé à M. Jean Syrota deux questions portant sur le contrôle, par la CRE, du respect de l'indépendance de RTE et sur la mise en place de procédures d'enchères pour la fourniture d'électricité.

En réponse à la première de ces questions, le président de la CRE a fait valoir que la loi aidait à l'autonomie de RTE en prévoyant une séparation de ses comptes, une nomination de son directeur par le gouvernement après avis de la CRE sur proposition d'EDF, et en conférant à la commission de régulation notamment un pouvoir d'approbation des investissements, de proposition des tarifs et de sanction (amendes).

EDF a d'ailleurs intérêt à éviter des conflits avec la CRE qui seraient préjudiciables à l'image de « bon élève » qu'elle veut donner d'elle en Europe, sur le plan concurrentiel, pour faciliter son expansion en dehors de nos frontières.

Il a indiqué que la France s'inspirait de modèles étrangers, notamment scandinave, britannique et néerlandais, en ce qui concerne le marché spot, un logiciel des pays nordiques ayant été retenu pour Powernext, ce qui a assuré le succès de son démarrage.

La gestion des interconnexions saturées donne lieu à des discussions avec nos voisins, pouvant déboucher sur l'organisation d'enchères de capacité mais il peut être recouru à d'autres méthodes (prorata, premier arrivé-premier servi...).

M. Jacques Oudin, président, a enfin posé trois questions au président de la CRE concernant, respectivement, l'absence d'ouverture du marché allemand, les rencontres entre autorités de régulation des différents pays de la communauté européenne et le développement du recours à des prix de reprise imposés à EDF et d'un niveau élevé pour certaines productions d'électricité.

En réponse, M. Jean Syrota a tout d'abord constaté que les positions allemandes, même quand elles étaient injustifiables, étaient mieux défendues que celles de la France auprès des instances européennes.

Il a ensuite précisé que se tenait, deux fois par an, un forum européen des organismes de régulation d'énergie réunissant les différents acteurs du système électrique autour de la Commission. Le Conseil européen des régulateurs de l'énergie, dont la CRE est membre, se réunit deux fois par an et a constitué de nombreux groupes de travail..

S'agissant des tarifs de reprise, après avoir constaté qu'il n'y avait pas encore de programmation pluriannuelle des investissements permettant de recourir davantage à des appels d'offre, il a souligné le surcoût du prix fixé pour l'électricité éolienne (55 centimes par kwh), disponible seulement -a-t-il rappelé- dans certaines conditions de vent, par rapport, d'une part à son prix de revient (environ 35 centimes), et d'autre part, au niveau des coûts évités à EDF (de 9 à 25 euros par mégawatt/heure).

Passage à l'euro fiduciaire - Audition de M. Martin Vial, président-directeur général de La Poste

Sous la présidence de M. Jacques Oudin, vice-président, la commission a procédé à l'audition de M. Martin Vial, président-directeur général de La Poste.

M. Martin Vial s'est tout d'abord félicité du rôle qu'avait joué La Poste dans le passage à l'euro fiduciaire, contribuant à faire, de ce changement majeur dans la vie des Français, un grand succès, avec notamment une pré-alimentation de près de 2 milliards d'euros en billets et de 230 millions d'euros en pièces, dans plus de 10.000 automates et plus de 3.500 distributeurs automatiques de billets, et avec l'achat de 16.000 invalideuses de billets, de 14.000 nouveaux détecteurs de faux billets et de 150.000 convertisseurs.

Il a fait valoir qu'en relevant ce défi, La Poste avait confirmé son positionnement de premier réseau de proximité en France et l'un des tout premiers grands réseaux de banque de détail, avec plus de 17.000 points de contact, plus d'un milliard de visites par an, la gestion de 49 millions de comptes et contrats d'assurance et 28 millions de clients.

Le passage à l'euro a constitué un défi pour La Poste, en raison de ses missions particulières de service public : l'acheminement du courrier, l'aménagement du territoire, mais aussi le versement des prestations sociales (690 millions d'euros ont ainsi été versés le 5 janvier 2002).

Il a tenu à souligner que La Poste avait favorisé l'introduction rapide de l'euro. S'agissant du courrier, elle a été la première poste à émettre un timbre en franc et en euro dès le 1er janvier 1999 et, s'agissant des services financiers, elle a lancé le premier chéquier euro dès le 1er janvier 1999 et a géré, dès avril 1999, les comptes chèques postaux, en francs comme en euros. Parallèlement, elle a très rapidement engagé le basculement à l'euro de ses équipements informatiques, numériques et monétiques, ainsi que des équipements de ses clients, et notamment les 270.000 machines à affranchir.

La Poste s'était fixé comme objectif de rendre l'euro simple, transparent et accessible. Pour cela, un ambitieux programme de formation a été initié pour les postiers (300.000 journées de formation), près de 100 millions de brochures et dépliants sur l'euro ont été distribués aux guichets ou dans les boites aux lettres, le prix du timbre a été converti en appliquant les règles communautaires d'arrondi. Le pouvoir d'affranchissement de tous les timbres émis depuis 1849 a été maintenu au-delà du 1er janvier 2002, et La Poste a assuré le change universel sans aucune discrimination. Afin de rassurer les clients, pendant toute la période de double circulation fiduciaire, La Poste a délivré un « euro-reçu » pour tous les rendus de monnaie effectués aux guichets. De plus, tous les points de contact ont bénéficié d'un espace « infos-euro », et les moyens d'accueil ont été considérablement renforcés (en complément des 9.000 conseillers financiers et des 2.000 agents d'accueil habituels, 7.000 équivalents agents supplémentaires ont été comptabilisés grâce, notamment, au renfort exceptionnel de 3.000 intérimaires et de plus de 1.000 jeunes retraités).

M. Martin Vial a estimé que le coût global de l'opération devrait s'élever à plus de 200 millions d'euros sur les années 2000, 2001 et 2002, ce qui constitue un effort financier exceptionnel, mais utile, puisqu'un sondage réalisé par l'institut CSA, en février 2002, indiquait que 87 % des Français déclaraient que La Poste avait bien assumé sa mission.

Mme Marie-Claude Beaudeau s'est associée à l'hommage appuyé rendu par le président de La Poste à son personnel. Elle a souhaité connaître les principales évolutions de l'emploi à La Poste dans les prochaines années, compte tenu d'importants départs à la retraite. Elle a également interrogé l'intervenant sur sa stratégie vis-à-vis d'Eulia. Elle s'est inquiétée des réductions de personnel et des fermetures récentes à la Caisse Nationale d'épargne. Elle a enfin souhaité connaître le devenir prévisible des livrets A et B.

En réponse, M. Martin Vial a réitéré ses remerciements au personnel pour le travail accompli à l'occasion du passage à l'euro fiduciaire. Il a indiqué que dans les dix prochaines années, 100.000 départs à la retraite étaient prévus et qu'il avait lancé, depuis quelques semaines, un chantier de discussion et de négociation avec les organisations syndicales sur l'évolution de l'emploi et des métiers à La Poste. S'agissant de l'évolution des services financiers, il a regretté que certains services ne puissent pas être offerts par La Poste et s'est inquiété du vieillissement de sa clientèle (40 % des encours sont détenus par des clients âgés de plus de 70 ans). Il a rappelé que La Poste n'était pas partie prenante d'Eulia, mais que la Caisse des dépôts et consignations constituait un partenaire naturel de son établissement. S'agissant des caisses nationales d'épargne, il a indiqué que leur activité évoluait avec l'informatisation et qu'un plan de relocalisation de ces services sur la façade ouest de la France avait été négocié avec les organisations syndicales afin de permettre des mutations vers la province et d'améliorer l'efficacité du service rendu. Enfin, il a rappelé son attachement au dynamisme des services financiers, dont la bonne santé était garante du maintien de l'implantation territoriale de La Poste.

M. François Marc a reconnu la très grande qualité de l'intervention de La Poste à l'occasion du passage à l'euro. Il a souhaité savoir si, dans le nouveau contexte concurrentiel issu de la monnaie unique, La Poste adoptait une stratégie offensive ou défensive.

M. Martin Vial a rappelé que, d'ores et déjà, 60 % du chiffre d'affaires de La Poste étaient réalisés dans des secteurs en totale concurrence et que la stratégie globale du groupe était bien évidemment offensive et de dimension, non plus franco-française, mais bien européenne.

M. Jacques Oudin, président, a souhaité connaître la situation de publipostage au regard de l'ouverture à la concurrence et a demandé des précisions sur l'introduction des techniques modernes de télécommunications dans les bureaux de poste.

En réponse, M. Martin Vial a rappelé que la réglementation européenne ne faisait pas de distinction entre la lettre personnelle classique et la lettre de publipostage qui demeuraient dans le champ du monopole au-dessous d'un certain poids.

S'agissant de l'équipement des bureaux de poste, il a indiqué que La Poste se positionnait comme l'un des grands acteurs de l'internet, avec notamment plus d'un million d'adresses électroniques enregistrées sur « laposte.net » depuis août 2000. Il a également indiqué que des bornes « cyberposte » permettaient un accès partiellement gratuit à internet.