Table des matières




- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Entreprises publiques - Cour des comptes - Audition de M. François Roussely, président d'EDF et de MM. Daniel Houri et Gérard Moulin, conseillers-maîtres à la Cour des comptes



La commission a procédé à l'audition conjointe de M. François Roussely, président d'EDF et de MM. Daniel Houri et Gérard Moulin, conseillers-maîtres à la Cour des comptes sur la communication de la Cour des comptes à la commission des finances, relative au développement international d'EDF, présentée en application de l'article 58-2 de la loi organique au 1er août 2001 relative aux lois de finances.

Après que M. Jean Arthuis, président, eut rappelé le contexte de cette audition, M. François Roussely, président d'EDF a retracé brièvement le cadre dans lequel s'était déroulé le développement international d'EDF.

MM. Daniel Houri et Gérard Moulin, conseillers-maîtres à la Cour des comptes ont ensuite présenté les conclusions de la communication de la Cour des comptes relative au développement international d'EDF sur la période 1993-2001.

M. François Roussely, président d'EDF, Gérard Creuzet, directeur général des opérations et Jacques Chauvin, ancien directeur financier d'EDF, sont alors intervenus.

Puis un large débat s'est ouvert, auquel ont pris part, outre MM. Jean Arthuis président et Philippe Marini, rapporteur général, MM. Maurice Blin, Michel Sergent et Bernard Angels.

Conformément aux dispositions de l'article 58-2 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, à l'issue de ce débat, compte tenu du caractère confidentiel de la communication de la Cour des comptes, la commission des finances a décidé de ne pas en publier le texte.

Mercredi 9 avril 2003

- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Fiscalité locale - Communication



Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord entendu une communication de M. Jean Arthuis, président, sur les perspectives d'évolution de la fiscalité locale.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que la commission avait procédé, du 1er au 9 octobre 2002, à l'audition de dix spécialistes de la fiscalité locale : des directeurs d'administration centrale - MM. Hervé Le Floc'h-Louboutin, directeur de la législation fiscale, Dominique Bur, directeur général des collectivités locales, et Jean Bassères, directeur général de la comptabilité publique -, deux consultants - MM. Philippe Laurent, président directeur général de Philippe Laurent Consultants, et Michel Klopfer, président directeur général du cabinet Michel Klopfer -, deux représentants de grandes agences de notation - Mme Carol Sirou, responsable des collectivités locales européennes de Standard and Poor's, et M. Nicolas Painvin, directeur du département finances publiques du cabinet Fitch Ratings -, ainsi que MM. Hansjörg Blöchliger, administrateur principal à l'OCDE, Guy Gilbert, professeur d'économie à l'école normale supérieure de Cachan, et Dominique Hoorens, directeur des études de Dexia Crédit local.

Il a souligné que ces auditions s'inscrivaient dans la perspective de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 et rappelé que l'article 72-2 de la Constitution, découlant de cette révision, comprenait trois dispositions concernant particulièrement la fiscalité locale : celle qui prévoit que « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources », celle selon laquelle « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales » et celle permettant à la loi d'autoriser les collectivités territoriales à « fixer l'assiette et le taux » des impositions de toutes natures, « dans les limites qu'elle détermine ». Il a précisé que le gouvernement devait prochainement présenter deux projets de loi organique : un premier projet, relatif à l'expérimentation et au référendum local, devait être examiné par le conseil des ministres à la fin du mois d'avril 2003 ; un second projet concernerait l'autonomie financière des collectivités, et donc, en particulier, la fiscalité locale.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que les auditions réalisées par la commission permettaient de confirmer le bien-fondé de cette révision constitutionnelle, tout en traçant des pistes pour les réformes restant à réaliser.

S'interrogeant sur la manière de faire en sorte que les ressources propres représentent une « part déterminante » des ressources des collectivités locales, il a indiqué que les personnes auditionnées avaient souligné que la fiscalité propre présentait plusieurs avantages par rapport aux dotations ou au partage d'impôts d'Etat dont les collectivités territoriales ne fixaient pas le taux : tout d'abord, la concurrence fiscale incitait les collectivités territoriales à adopter des taux d'imposition modérés, et donc à maîtriser leurs dépenses ; ensuite, les collectivités territoriales avaient la possibilité d'ajuster leurs taux en cas de dégradation de la conjoncture nationale ou locale. Il a rappelé que le poids de la fiscalité dans l'ensemble des ressources (hors emprunt) des collectivités locales françaises, s'il figurait parmi les plus élevés d'Europe (autour de 40 % actuellement, contre 12 % pour les Pays-Bas), n'en était pas moins en diminution, étant revenu, dans le cas des communes, de 50 % en 1997 à 40 % aujourd'hui. Il a considéré que c'était donc, de manière opportune, que l'on avait inséré dans la Constitution la disposition selon laquelle les ressources propres des collectivités territoriales représentaient, pour chaque catégorie de collectivités, une « part déterminante » de l'ensemble de leurs ressources.

En ce qui concernait les impôts locaux existants, il a indiqué que la principale réforme envisagée par les personnes auditionnées était celle consistant à asseoir la taxe professionnelle sur la valeur ajoutée. Il a précisé que selon plusieurs intervenants, l'une des difficultés essentielles d'une telle réforme serait la localisation de la valeur ajoutée dans le cas des entreprises comprenant plusieurs établissements. Il a indiqué que certains intervenants proposaient de répartir de manière conventionnelle la valeur ajoutée de l'entreprise entre ses établissements, en fonction de critères comme la masse salariale ou les immobilisations foncières de chaque établissement. Il a considéré que cette proposition revenait à instaurer un impôt analogue à la taxe professionnelle avant la suppression de sa part reposant sur les salaires. Il a en outre jugé nécessaire de conforter les assiettes des impôts fonciers, en en actualisant les bases.

Au sujet des transferts d'impôt, M. Jean Arthuis, président, a affirmé que le transfert d'une partie de l'imposition du revenu avait été jugé intéressant, du fait notamment d'une répartition géographique des bases fiscales moins inégale que celle des autres impôts transférables, mais peu réaliste. Il a indiqué en ce qui concernait l'opportunité d'un transfert partiel de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), que le droit communautaire obligeait, selon les intervenants, que la valeur ajoutée soit taxée à un taux uniforme au niveau national, et empêchait donc de faire d'une TVA transférée un véritable impôt local, dans la mesure où les collectivités territoriales ne pourraient pas en fixer le taux. Il s'est interrogé sur les modalités du principal transfert envisagé, celui de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), dont le taux serait modulé au niveau régional. Il a déclaré que si les personnes auditionnées avaient en général été favorables à un tel transfert, plusieurs d'entre elles avaient souligné l'existence de certaines difficultés techniques, en particulier au regard du droit communautaire. Il a précisé que le gouvernement avait ouvert à ce sujet les négociations nécessaires avec la Commission européenne.

Il a indiqué que, selon les intervenants, une fiscalité propre importante devait s'accompagner d'une forte péréquation. Selon ceux-ci, la France se caractériserait non seulement par une part élevée des impôts locaux dans les ressources des collectivités territoriales, mais aussi par la faiblesse de sa péréquation. Il a ajouté que selon les chiffres fournis par la direction de la législation fiscale, les assiettes des impôts qu'il était envisagé de transférer aux collectivités territoriales seraient plus inégalement réparties sur le territoire national que celles des quatre impôts directs locaux existants. Il a précisé que, selon MM. Dominique Bur et Michel Klopfer, c'était la péréquation horizontale qu'il convenait de renforcer, c'est-à-dire celle effectuée entre collectivités territoriales en fonction de leurs bases fiscales (par opposition à celle effectuée par le biais des dotations d'Etat, dite « verticale »), compte tenu de la difficulté d'accroître davantage la péréquation par les dotations, déjà importante, alors que la péréquation par les bases était, elle, encore peu développée.

En ce qui concernait la fixation de l'assiette et du taux des impôts locaux par les collectivités territoriales, il a indiqué que plusieurs personnes auditionnées avaient estimé que la déliaison des taux engagée par la loi de finances pour 2003 devait être poursuivie, certaines d'entre elles ayant cependant exprimé des réserves. Il a ajouté qu'il avait été envisagé, lors de ces auditions, d'attribuer aux collectivités territoriales certaines facultés s'agissant de la détermination des bases : révision des valeurs locatives à l'initiative des collectivités territoriales ; décentralisation des mesures d'exonération, d'abattement et de dégrèvement, dont la gestion serait assurée et le coût supporté par les collectivités territoriales.

En conclusion, M. Jean Arthuis, président, a estimé qu'en matière de réforme de la fiscalité, peu de propositions claires avaient été encore, à ce stade, formulées. Il a considéré qu'il s'agissait d'une réforme complexe, nécessitant imagination, pédagogie et responsabilité, le renforcement de la décentralisation devant reposer sur des instruments fiscaux adaptés. Il a souligné le poids des dégrèvements, exonérations et abattements, qui constituaient autant de facteurs d'inégalités entre collectivités territoriales. Il a affirmé que la commission des finances aurait un rôle essentiel à jouer lors de la réforme de la fiscalité locale.

Il a donc souhaité que puissent être diffusés, selon des modalités à définir, les procès-verbaux des auditions effectuées en octobre 2002 sur le thème de la fiscalité locale, ainsi que les documents fournis par les intervenants, précédés d'une présentation synthétique des différents points de vue exprimés.

Un large débat s'est alors engagé.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que ces auditions avaient renforcé les commissaires dans la conviction qu'ils devraient jouer un rôle actif dans la réforme des finances locales. Il a considéré que la commission devrait affirmer, à cette occasion, certains principes, comme l'équivalence des transferts de ressources et de charges, l'augmentation de la part des ressources propres dans les ressources des collectivités territoriales, l'autonomie de gestion, l'instauration d'une certaine spécialisation fiscale (chaque niveau de collectivités disposant d'un impôt sur les ménages et d'un impôt sur les entreprises), et les difficultés d'une réforme des impôts directs locaux. Il a en outre jugé nécessaire de simplifier les dotations.

M. Joël Bourdin a rappelé que la majeure partie des ressources des collectivités territoriales provenait de l'Etat, a jugé que la péréquation était satisfaisante, a regretté la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle, ainsi que de la vignette automobile, et a considéré qu'il n'était pas possible d'asseoir la taxe professionnelle sur la valeur ajoutée, qui était difficilement localisable.

M. Philippe Adnot a estimé que les travaux de la commission devraient bien préciser que les points de vue des personnes auditionnées ne reflétaient pas forcément celui de la commission. Il a jugé que les charges des collectivités territoriales devaient être financées, non seulement par des impôts locaux dont celles-ci fixaient le taux, mais aussi par des dotations évoluant au même rythme qu'elles, selon que les collectivités territoriales disposaient ou non d'une liberté de gestion à leur égard. Il a estimé que pour cette raison, le principe constitutionnel, selon lequel les ressources propres devaient représenter une « part déterminante » des ressources des collectivités territoriales, risquait de ne pas être respecté.

M. Jean Arthuis, président, a considéré qu'il n'était pas opportun de décentraliser des charges pour lesquelles les collectivités territoriales ne disposaient pas de liberté de gestion.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que la future loi organique sur les finances locales devrait préciser que l'autonomie fiscale était définie par niveau de collectivités territoriales.

M. François Marc a considéré que les auditions réalisées par la commission avaient permis de constater que les collectivités territoriales françaises disposaient d'une autonomie financière et fiscale qu'il jugeait satisfaisante par rapport à celle de leurs homologues européennes. Il a souhaité que la commission s'interroge sur la compatibilité de la réforme de la TIPP avec le droit communautaire, a exprimé son scepticisme quant à l'opportunité de privilégier la péréquation « horizontale » par rapport à la péréquation « verticale », a craint que le financement de nouvelles compétences par l'impôt local n'aggrave les inégalités entre collectivités territoriales, et a jugé nécessaire de simplifier les dotations.

MM. Jean Arthuis, président, Philippe Marini, rapporteur général, et Aymeri de Montesquiou, ont estimé qu'il conviendrait, en introduction à la présentation des travaux réalisés par la commission, d'indiquer quels principes devraient, selon elle, guider la réforme des finances locales.

M. Michel Sergent a estimé nécessaire de réviser les valeurs locatives cadastrales, s'est interrogé sur l'opportunité de la suppression de la part de la taxe professionnelle assise sur les salaires, et a jugé que, s'il existait un consensus quant à la nécessité de réformer les dotations, il risquait d'être plus difficile de s'entendre sur des réformes précises.

M. Michel Mercier a considéré que la principale réforme devait consister à assurer l'autonomie de gestion des collectivités territoriales, afin de permettre des gains de productivité. Il s'est interrogé sur l'opportunité de transférer aux départements une partie des recettes de la TIPP, sans leur permettre d'en fixer le taux. Il a jugé que la péréquation devait prendre en compte les charges, et donc se faire par dotations, et approuvé le point de vue de M. Philippe Adnot, selon lequel la nécessité de financer certaines charges transférées par dotations risquait de rendre impossible le respect du principe constitutionnel selon lequel les ressources propres devaient représenter une « part déterminante » des ressources des collectivités territoriales.

M. Claude Belot a jugé que les considérations sur l'autonomie financière et l'autonomie de gestion des collectivités territoriales ne devaient pas faire oublier que certaines pratiques de l'Etat, concernant notamment les modalités d'exécution des contrats de plan Etat-région, privaient, de fait, les collectivités territoriales d'une grande partie de leur autonomie. Il a estimé que la révision des valeurs locatives cadastrales était politiquement difficile, et s'est interrogé sur la pertinence du régime actuel des dotations d'intercommunalité. Il a exprimé son pessimisme quant à la possibilité d'accroître de manière significative l'autonomie des collectivités territoriales.

M. Joël Bourdin a souligné l'importance de la fiscalité indirecte, et en particulier de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, dans les recettes de certaines collectivités territoriales.

M. Paul Girod a jugé qu'il n'y avait aucune raison confier la gestion de l'allocation personnalisée autonomie (APA) aux départements plutôt qu'à une autre catégorie de collectivités territoriales, qu'il était nécessaire de réviser les valeurs locatives cadastrales, et que la répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF) pourrait être utilement simplifiée.

Au vu du large débat qui s'était instauré, la commission a décidé de confier le soin, lors d'une prochaine réunion, à M. Jean Arthuis, président, de présenter une synthèse générale des auditions sur la fiscalité locale réalisées en octobre 2002, synthèse qui serait précédée de l'affirmation des principes de base devant présider à la réforme des finances locales. La commission a, ensuite, souhaité que l'ensemble de ces travaux puissent être publiés, en tant que contribution au débat, sous la forme d'un rapport d'information.

Réunion du Bureau de la commission - Compte rendu



M. Jean Arthuis, président,
a indiqué que le bureau de la commission des finances s'était réuni le mercredi 2 avril 2003 en formation de groupe de travail sur la 1oi organique du 1er août 2001, relative aux lois de finances, dans le prolongement du séminaire de réflexion qui s'était tenu le 10 mars dernier, et cela afin de définir son calendrier de travail.

Il a déclaré qu'afin de mieux cerner l'articulation entre les missions et les programmes, au sujet de laquelle de nombreux commissaires avaient exprimé des inquiétudes, le groupe de travail avait décidé d'auditionner un certain nombre de fonctionnaires concernés, dont M. André Barilari, responsable du comité interministériel d'audit des programmes, les directeurs-membres des comités de pilotage de plusieurs ministères (éducation nationale, affaires étrangères, affaires sociales et intérieur, dans un premier temps), les responsables de la mise en oeuvre du progiciel « Accord » et les membres de la Cour des comptes chargés de la mise en oeuvre de cette loi organique.

Il a ajouté que, compte tenu de l'intérêt de ces auditions et de la nécessité de mobiliser l'ensemble des commissaires sur ces questions, ces auditions seraient ouvertes aux rapporteurs spéciaux compétents sectoriellement, et s'appuieraient sur les réponses données par les ministères au questionnaire qu'il leur avait adressé en juillet 2002, et auquel seuls quatre ministères (ceux de l'agriculture, de la santé, de l'économie et des affaires étrangères) n'avaient, à ce jour, pas répondu.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué que le bureau avait également évoqué la question des moyens consacrés à l'exercice du contrôle. Il a notamment rappelé, à ce titre, les efforts consentis pour doter les services de la commission des moyens humains nécessaires et rappelé que la commission disposait de crédits significatifs permettant de réaliser des études confiées à des organismes extérieurs. Il a par ailleurs précisé que serait définie une méthodologie commune du contrôle budgétaire, à l'attention de l'ensemble des rapporteurs spéciaux.

Il a également indiqué que le bureau avait arrêté une première liste, non limitative à ce stade, de ministres qui seraient auditionnés par la commission, afin de faire le point sur l'exécution du budget 2002 et l'état de consommation des crédits pour 2003 : il s'agissait notamment des ministres en charge de l'éducation nationale, de la culture, de la santé, de la recherche, de la défense, de la justice et des transports.

Enfin, M. Jean Arthuis, président, a indiqué, au titre des questions diverses évoquées par le bureau, que celui-ci avait arrêté définitivement la composition de la délégation qui se rendrait en Argentine du 12 au 18 avril 2003, et cela après en avoir été autorisé par les autorités compétentes du Sénat. Il a par ailleurs ajouté que le bureau avait pris la décision de principe de répondre favorablement aux demandes de présentation devant la commission des rapports portant sur des secteurs suivis par la commission et établis par l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, quand des créneaux horaires étaient disponibles et, en priorité, quand des membres de la commission étaient concernés.

contrôle budgétaire - Crédits d'intervention en faveur des droits des femmes - Communication

Au cours d'une deuxième séance tenue dans l'après-midi, la commission a entendu une communication de M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial du budget de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la solidarité, sur l'utilisation des crédits d'intervention en faveur des droits des femmes.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, procédant à l'aide d'une vidéo-projection, a rappelé que le Sénat, lors de l'examen du budget de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la solidarité pour 2003, avait adopté un amendement réduisant, notamment, les crédits du chapitre 43-02 consacrés aux interventions en faveur des droits des femmes, de 1,241 million d'euros, soit 6,9 % des dotations de ce chapitre pour 2003. Il s'agissait d'une contribution, parmi d'autres, à la politique définie par la commission des finances du Sénat afin de réaliser un effort sur les dépenses, après l'annonce par le gouvernement d'une réduction de 700 millions d'euros du montant prévu des recettes. A la même époque, le projet de loi de finances rectificative pour 2002 proposait d'annuler 3 millions d'euros sur le même chapitre 43-02, soit 19,2 % de ses dotations pour 2002. La commission mixte paritaire réunie pour examiner le projet de loi de finances pour 2003 a décidé de revenir sur le vote du Sénat. Pourtant, 20 % de ces crédits ont été récemment « gelés », ce qui représente 3,6 millions d'euros.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a expliqué que l'intérêt particulier porté à la sauvegarde de l'intégralité de ces crédits l'avait poussé à entreprendre un contrôle de leur utilisation, mais qu'il convenait de ne pas se méprendre sur ses intentions : il ne s'agissait pas de manifester une quelconque suspicion, encore moins une désapprobation de la politique conduite grâce à ces crédits. C'était précisément parce que la cause qu'ils servaient - la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la parité - était particulièrement importante qu'ils devaient être utilisés au mieux. De même a -t-il également insisté sur le remarquable travail de terrain réalisé par les associations, qui repose sur un engagement bénévole, avec des moyens limités.

Il a précisé qu'il avait interrogé les ministres compétents, en leur adressant un questionnaire dès le mois de janvier 2003, puis rencontré la ministre et ses services. Il s'est félicité de la qualité de leurs réponses et, plus généralement, du sérieux avec lequel la ministre et ses services avaient collaboré à la bonne marche du contrôle budgétaire qu'il a entrepris.

Bien qu'il ait indiqué n'avoir observé aucune « turpitude » ni irrégularité dans l'utilisation des crédits alloués aux interventions en faveur des droits des femmes, M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, n'en a pas moins considéré cette utilisation comme perfectible sur plusieurs points. Il a rappelé que les crédits alloués aux droits des femmes avaient fait l'objet d'un contrôle de la Cour des comptes, maintenant ancien puisqu'il datait de juillet 1991, qui portait sur les exercices 1985 à 1989, et d'un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales de mars 1992. Les conclusions de ces deux contrôles, extrêmement proches, étaient assez sévères, et il était intéressant d'observer les évolutions intervenues depuis lors sur les difficultés alors soulevées. M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a constaté en particulier que, une douzaine d'années plus tard, certaines critiques formulées par la Cour des comptes restaient toujours d'actualité.

Il a rappelé que le secrétariat d'Etat à la condition féminine avait été créé en 1974, et que, d'une manière générale, la cause des femmes avait connu une histoire institutionnelle relativement mouvementée qui, selon la Cour des comptes, « a souvent perturbé la tâche de ses gestionnaires ». De 1974 à 1986, les différents ministères délégués, délégations et secrétariats d'Etat avaient en effet été rattachés aux services du Premier ministre. En 1986, la délégation à la condition féminine avait été rattachée au ministre des affaires sociales et de l'emploi, jusqu'en 1988, date à laquelle le nouveau secrétariat d'Etat avait été à nouveau rattaché aux services du Premier ministre, pendant trois ans. Depuis 1991, les crédits afférents aux droits des femmes étaient restés inscrits au budget des affaires sociales. Une modification de la nomenclature était par ailleurs intervenue en 1998, avec la répartition des crédits sur seulement deux articles : les dépenses non déconcentrées sur l'article 10, et les dépenses déconcentrées sur l'article 20.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a observé que, de 1991 à 1998, les dépenses en faveur des droits des femmes avaient constamment diminué, pour progresser ensuite fortement en 1999 (+ 11,8 %), plus encore en 2000 (+ 24,1 %) et de façon sensible en 2001 et 2002 (plus de 7 % à chaque fois). Toutefois, en 2001, elles n'avaient fait que rattraper leur niveau de 1991, avec plus de 16 millions d'euros, atteignant leur point le plus haut en 2003, avec 18 millions d'euros. Les crédits de l'article 10, qui regroupent les aides aux associations ou organismes à vocation nationale ou participant à l'élaboration, l'évaluation et la mise en oeuvre d'une politique d'intérêt national, représentaient en moyenne le quart des crédits du chapitre, tandis que les dépenses déconcentrées regroupées sur l'article 20 en représentaient les trois quarts. Chaque article était « découpé » en plusieurs pôles de dépenses d'intervention - lutte contre l'exclusion, accès aux droits, politique de la ville ; lutte contre les violences ; emploi, formation et égalité professionnelle ; parité, approche intégrée et Europe sociale ; subventions au centre national d'information et de documentation des femmes et des familles (CNIDFF) et aux centres d'information aux droits des femmes (CIDF). Au total, 70 % des crédits inscrits sur le chapitre 43-02 constituaient des subventions versées à des associations.

Puis il a souhaité détailler le taux de consommation de ces crédits qui, selon le ministère, était chaque année proche de 100 %. Il s'est toutefois interrogé sur la méthode retenue pour ce calcul. En effet, les crédits du chapitre 43-02 étaient abondés par des financements en provenance du Fonds social européen (FSE) et aussi par d'importants reports de crédits. Il paraissait donc contradictoire de consommer chaque année la totalité de ces crédits et, dans le même temps, de procéder à d'importants reports. L'explication avait été fournie au plan technique par le service des droits des femmes, qui considérait les crédits délégués aux délégations régionales comme consommés, et cela dès la délégation faite. Or, selon M. Adrien Gouteyron, toutes les déléguées régionales ne pouvaient engager ni faire ordonnancer la globalité de leurs crédits avant la fin de l'exercice, ce qui entraînait des reports sur l'année suivante. Dès lors, le taux de consommation affiché lui paraissait artificiellement gonflé.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a indiqué que, pour remplir ses missions, le service des droits des femmes et de l'égalité disposait d'effectifs répartis entre un service central et un réseau déconcentré, ce dernier comprenant 26 déléguées régionales et 75 postes de chargés de mission départementaux et correspondants. Il a toutefois considéré que la gestion des ressources humaines contribuait à fragiliser le service. D'une part, il existait d'importantes vacances de postes. Ainsi, pour le seul service central, les vacances de postes s'étaient établies à 21,5 % en 1998 et avaient sensiblement diminué en 2002, à 12,9 %, après avoir atteint un pic en 2001, à 25,5 %. D'autre part, la rotation des personnels était très rapide : sur la période 1999-2002, elle avait été supérieure à 30 % pour les déléguées régionales et s'était élevée à 52 % pour les chargés de mission départementaux et correspondants. Cette situation expliquait en partie le fait que le service des droits des femmes et de l'égalité était une « administration sans mémoire ». Enfin, il convenait de noter l'importance du nombre des contractuels, qui, en 2002, représentaient 28,7 % des effectifs du service central - mais 50 % en 1998 -, et 60,6 % de ceux du réseau déconcentré.

Le rapporteur spécial a ensuite examiné la procédure de gestion des crédits du chapitre 43-02, estimant qu'elle était indéniablement longue, technocratique et particulièrement lourde, notamment au regard des sommes en jeu qui étaient d'un montant en réalité modeste. Il en a conclu qu'elle demeurait éloignée des préoccupations du gouvernement en matière de simplification administrative. Surtout, les principes de modération et d'évaluation de la dépense lui restaient, pour l'essentiel, étrangers.

Il a ainsi indiqué que la procédure de gestion des demandes de subvention formulées par les associations empruntait deux voies différentes, selon qu'il s'agissait d'un financement national ou d'un cofinancement par des crédits provenant du FSE. Dans le premier cas, les associations devaient remplir en quatre exemplaires un dossier de couleur verte, qui comprenait 8 pages et 16 documents à fournir. Le cofinancement FSE conduisait à remplir, également en quatre exemplaires, un dossier de couleur bleue de 15 pages et de 16 pièces à fournir. Toutefois, suite à une circulaire du Premier ministre du 24 décembre 2002 relative aux subventions de l'Etat aux associations, un seul dossier devait subsister mais sa composition serait différente selon qu'il s'agira d'un financement uniquement national ou d'un cofinancement communautaire. Ainsi, la nouvelle procédure ne lui paraissait guère plus simple que la précédente. Pour les dépenses non déconcentrées, et afin d'étaler le traitement des dossiers, les demandes de subvention étaient examinées au cours de deux comités des engagements, le premier au printemps, le second en automne. S'agissant des dépenses déconcentrées, les dotations régionales étaient pré-notifiées, courant octobre, aux déléguées régionales aux droits des femmes : cette pré-notification permettait un dialogue entre le service central et le réseau déconcentré et donc d'opérer des ajustements en fonction des actions planifiées au niveau régional. Une fois arrêtées, les dotations étaient notifiées dans le cadre de la directive nationale d'orientation (DNO) du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

Enfin, M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a analysé les modalités d'attribution des subventions aux associations oeuvrant en faveur des droits des femmes.

À cette occasion, il a pu constater que le service des droits des femmes et de l'égalité travaillait dans un esprit qu'il a qualifié de « paradoxal » : ce service a, en effet, mis au point de nombreux outils de suivi, au moyen de multiples modèles de lettres et formulaires, fiches de protocole de suivi des dossiers ou fiches du comité des engagements. Pourtant, il semblait plus préoccupé par la régularité de la dépense que par sa légitimité et son évaluation. D'une manière générale, M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a indiqué avoir rarement observé, à la lecture des dossiers qui lui ont été communiqués par le ministère, le souci des services de s'intéresser au bien-fondé des demandes, moins encore de s'interroger sur l'impact des actions qu'ils étaient amenés à financer en versant de telles subventions aux associations. Du reste, le ministère lui-même en semblait conscient, puisqu'une note de la ministre de l'emploi et de la solidarité de l'époque, datée du 12 juillet 1999, indiquait que « l'analyse des financements retenus suggère que la procédure d'allocation [des subventions] pourrait être améliorée ». La circulaire du Premier ministre du 24 décembre 2002 précitée insistait donc sur le fait que « le versement d'une nouvelle subvention est toujours subordonné à la vérification de la réalisation des actions subventionnées antérieurement » et indiquait que, « lorsqu'il est procédé à une évaluation des conditions d'emploi des subventions versées, les résultats de cette évaluation doivent servir de base à un examen portant sur l'opportunité d'une reconduction de la subvention et sur une éventuelle révision de son montant ».

Or, si le rapporteur spécial n'avait pas remarqué d'attention particulière portée au suivi de l'utilisation des subventions, le ministère, au contraire, avait estimé qu'il « travaillait déjà dans l'esprit de cette circulaire », que « le contrôle de l'utilisation de la subvention conformément à l'emploi prévu dans le dossier de demande était bien effectué mais qu'il manquait en revanche la partie relative à l'évaluation de l'action, qui est maintenant intégrée à la nouvelle procédure ». Cette assertion ne lui a toutefois paru correspondre que, partiellement, à la réalité. D'une part, en consultant plusieurs fiches annexées aux demandes de renouvellement de subventions, qui devaient en principe justifier de la conformité de l'utilisation des crédits à la demande précédente, il avait pu constater que ces fiches étaient renseignées de manière souvent succincte, parfois même de façon manuscrite. D'autre part, la nécessaire évaluation de l'action subventionnée ne constituait pas une innovation, puisqu'une circulaire du Premier ministre du 1er décembre 2000 en retenait déjà le principe.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, s'est également interrogé sur la pertinence du choix de certaines associations subventionnées. En préliminaire, il a relevé que le service des droits des femmes et de l'égalité ne connaissait pas le nombre exact des associations qu'il subventionnait. Au niveau central, le nombre d'associations soutenues financièrement était lui-même mal connu, le service ayant fourni des informations contradictoires sur ce point, et également contradictoires avec les données figurant dans le « jaune budgétaire » retraçant la liste des organismes subventionnés. En outre, le service n'avait pas été en mesure de donner le nombre des associations ayant sollicité une subvention avant 2000. Au niveau déconcentré, ces chiffres n'étaient pas connus : en effet, les déléguées disposaient de crédits au moyen desquels elles versaient des subventions aux associations, mais la « remontée d'informations » au niveau central s'avérait être d'une qualité très médiocre. Le service concerné avait d'ailleurs indiqué : « un groupe de travail va être mis en place pour réaliser un outil de remontée d'informations rénové et fondé sur des indicateurs permettant d'alimenter un système d'information adapté au suivi des indicateurs au niveau central ».

En contradiction avec l'esprit qui semblait régir l'utilisation des crédits du chapitre 43-02, le rapporteur spécial a estimé que plusieurs associations recevaient une aide pour leur fonctionnement, souvent dans une proportion très importante, puisqu'elle pouvait, dans certains cas, représenter l'intégralité de leur budget, ce qui posait alors la question de la délégation par le ministère de ses missions à des associations. Il ne s'agissait dès lors plus seulement d'encourager des actions innovantes, mais de financer des actions de communication, telles que colloques, journées d'études, organisation de manifestations, diffusion de plaquettes d'information. Ces associations, dites partenaires, recevaient d'ailleurs depuis longtemps le soutien financier du service : elles bénéficiaient ainsi d'une sorte « de rente de situation » contraire aux dispositions de plusieurs circulaires du Premier ministre. Quant aux associations, dites « hors partenaires », elles recevaient un financement en fonction du projet qu'elles présentaient, et il pouvait alors se produire un phénomène de « saupoudrage ».

Enfin, il a considéré que le lien entre le subventionnement et l'objet de l'association subventionnée était parfois, pour le moins, ténu. Sont ainsi subventionnés des organisations syndicales, des organismes publics de recherche, des universités ou des actions qui relèveraient en principe d'un financement porté par d'autres départements ministériels : les créations féminines en matière cinématographique et audiovisuelle lui paraissaient ainsi plutôt concerner le ministère de la culture. De même, certaines actions relevaient plutôt d'une politique de solidarité (lutte contre le SIDA par exemple) que de la promotion d'innovations bénéficiant aux femmes.

Il a conclu en considérant que beaucoup restait à faire pour améliorer la gestion et l'utilisation de ces crédits, mais qu'il ne doutait pas de la détermination de la nouvelle ministre et de ses services, dont ils avaient déjà donné des signes, à mener à bien cette réforme.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé le rôle pédagogique qu'avait joué la commission des finances du Sénat lors du dernier débat budgétaire. Il a estimé, au vu de la communication ici présentée, que l'organisation du service des droits des femmes et de l'égalité méritait d'être améliorée et que la réforme de l'Etat en constituerait l'occasion. Enfin, il a souhaité que la communication du rapporteur spécial puisse être transmise à la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle.

M. François Trucy, au vu des observations présentées par le rapporteur spécial, a fait observer que la marge de progression en matière de gestion lui semblait importante. Il a commenté le lien existant entre les différentes majorités politiques et l'effort budgétaire consenti en faveur des droits des femmes, soulignant que les leçons qu'il convenait d'en tirer n'étaient pas nécessairement celles que l'on pouvait attendre en première analyse. Il s'est interrogé sur l'augmentation des effectifs du service au cours des dernières années, qui n'avait pas été concomitante avec l'amélioration de l'efficacité de la dépense.

La commission a alors donné acte au rapporteur spécial des conclusions de sa communication et décidé d'autoriser leur publication sous la forme d'un rapport d'information.

Santé - Exécution du budget 2002 et premiers éléments du budget pour 2003 - Communication



Puis la commission a entendu une deuxième communication de M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial du budget de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la solidarité, sur l'exécution du budget de la santé 2002 et les premiers éléments du budget 2003.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial
, a rappelé que, s'agissant de l'exécution du budget de la santé en 2002, les lois de finances avaient ouvert 17,625 milliards d'euros en dépenses ordinaires et crédits de paiement, dont 1,134 milliard d'euros sur le titre III, 16,311 milliards d'euros sur le titre IV, 42,90 millions d'euros sur le titre V et 137,34 millions d'euros sur le titre VI. Le taux de consommation global de ces crédits s'était élevé à 97,8 %. Toutefois, certains chapitres présentaient un taux de consommation faible : 46,5 % pour les statistiques et études (chapitre 34-94), voire 32,6 % pour les actions en faveur des rapatriés (chapitre 46-32), et il en était même pour de nombreux chapitres des titres V et VI.

Il a expliqué que, d'une manière générale, l'exécution du budget 2002 avait été très perturbée, du fait de la mise en place d'une procédure de régulation et de la nécessité de prendre en compte un fort dérapage des dépenses dans le collectif d'été 2002.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a rappelé qu'une lettre de la secrétaire d'Etat, au budget datée du 25 février 2002, avait institué la procédure de régulation dite « républicaine ». Elle fixait la part des crédits engagés ou délégués au 31 juillet, qui ne devait pas excéder 60 % des crédits disponibles sur les chapitres du titre III hors rémunérations, sauf pour les dotations globalisées de fonctionnement pour lesquelles ce taux pouvait atteindre 80 %, et 50 % des crédits disponibles, sur les chapitres du titre IV, reports compris. En outre, le montant des affectations et délégations d'autorisations de programme sur les chapitres des titres V et VI ne devait pas excéder, au 31 juillet, 40 % du montant de la loi de finances initiale. Le nouveau ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, par un courrier du 1er août 2002, avait prorogé d'une dizaine de jours cette « régulation républicaine ».

Il a précisé que la seconde régulation de l'année avait été engagée par un courrier en date du 12 août 2002 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ce courrier mettait fin à la « régulation républicaine » et instituait un mécanisme de mises en réserve assorties de la fixation d'objectifs de reports de crédits sur la gestion 2003. La mise en réserve applicable au secteur santé/solidarité concernait 119 millions d'euros en dépenses ordinaires et crédits de paiement et 34 millions d'euros en autorisations de programme. Par ailleurs, l'objectif de reports vers 2003, hors crédits gelés, portait sur 131 millions d'euros, dont 82 millions en dépenses en capital. En fin d'exercice, 91,7 millions d'euros, dont 57,7 millions en dépenses ordinaires et 34 millions en dépenses en capital, avaient finalement été effectivement gelés.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a rappelé que le collectif d'été avait ouvert 1,628 milliard d'euros en crédits de paiement au titre du budget de la santé et de la solidarité, essentiellement pour régler des dettes sociales non honorées par le gouvernement précédent, dont 700 millions d'euros sur le revenu minimum d'insertion (RMI), 445 millions d'euros au titre de l'aide médicale, 220 millions d'euros pour la couverture maladie universelle (CMU), 150 millions pour l'allocation aux adultes handicapés, 65 millions d'euros pour l'allocation de parent isolé. Le collectif d'hiver avait, quant à lui, ouvert 385,34 millions d'euros en crédits de paiement sur le même budget, dont 304 millions d'euros au titre de la dernière tranche du protocole du 14 mars 2000 relatif au financement des remplacements des personnels hospitaliers en congé. Il a souligné que c'est la deuxième fois que le précédent gouvernement, en dépit de la critique de la Cour des comptes s'agissant de la gestion 2001, n'avait pas inscrit cette dépense, pourtant certaine, en loi de finances initiale. Le collectif avait par ailleurs procédé à l'annulation de 83,67 millions d'euros en crédits de paiement, dont 49,68 millions d'euros en dépenses ordinaires.

Il a indiqué que deux catégories d'ouvertures de crédits en collectif avaient posé des difficultés :

- le remboursement aux organismes de sécurité sociale, à hauteur de 12,24 millions d'euros, des dépenses afférentes à l'interruption volontaire de grossesse (IVG), sur le chapitre 46-22 : seulement 340.000 euros avaient été engagés en fin d'année, le reste n'ayant pu l'être car la date-limite du 8 janvier était dépassée, la direction de la sécurité sociale n'ayant disposé de l'ensemble des pièces justificatives que le 13 janvier. L'Etat détenait donc toujours une dette envers la sécurité sociale au titre de l'IVG ;

- le financement des tutelles et curatelles (chapitre 46-33), pour un montant de 18,80 millions d'euros : ces dépenses n'avaient pas été engagées fin 2002.

Par ailleurs, il a estimé que le chapitre 34-98 « Moyens de fonctionnement des services » était géré de manière peu cohérente. Ainsi, alors que deux décrets du 19 novembre 2002, l'un d'ouverture et d'annulation de crédits et l'autre portant virement de crédits, avaient abondé ce chapitre de 1,5 million d'euros pour le premier et de 8,11 millions d'euros pour le second, soit au total 9,61 millions d'euros, 14 millions d'euros restaient à engager en fin d'année sur ce chapitre, qui avait, au surplus, bénéficié d'une ouverture de crédits de 6,28 millions d'euros dans le collectif d'hiver.

Puis M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a présenté les premiers éléments de l'exécution du budget de la santé pour 2003.

Il a rappelé que la loi de finances initiale avait ouvert 15,414 milliards d'euros en dépenses ordinaires, 63,94 millions d'euros en crédits de paiement et 102,88 millions d'euros en autorisations de programme sur le fascicule de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la solidarité pour 2003.

Il a précisé que, par courrier en date du 3 février 2003, le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire avait communiqué à la commission des finances le montant des crédits budgétaires mis en réserve afin de permettre que le niveau du solde budgétaire voté par le Parlement pour l'exercice 2003 soit respecté. Cette réserve portait sur les crédits de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la solidarité, pour un montant de 258,45 millions d'euros, soit 6,5 % de la totalité des crédits mis en réserve.

Cette somme se répartissait de la manière suivante :

- 246,43 millions d'euros en dépenses ordinaires (1,60 % des dotations initiales), soit 41,04 millions d'euros sur le titre III (0,04 %) et 205,38 millions d'euros sur le titre IV (1,43 %) ;

- 12,03 millions d'euros en crédits de paiement (18,81 % des dotations initiales), soit 3,77 millions d'euros sur le titre V (29,19 %) et 8,26 millions d'euros sur le titre VI (16,19 %).

Au total, les crédits mis en réserve dès le début du mois de février représentaient 1,67 % des dépenses ordinaires et crédits de paiement votés pour 2003.

Le rapporteur spécial a insisté sur le fait que le ministère de la santé avait donc, lui aussi, été mis à contribution pour l'exercice, certes difficile mais indispensable, de maîtrise des dépenses publiques, notant que le ministre de la santé n'avait pas réussi à convaincre Bercy que sa marge de financement était totalement nulle, comme il l'avait pourtant affirmé au Sénat, le 29 novembre 2002. Il a précisé que le ministère du budget avait toutefois indiqué que « la totalité des crédits relatifs à la lutte contre le cancer et aux handicaps est exclue de la réserve de précaution ».

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a observé que, le 14 mars 2003, un décret portant annulation de crédits avait réduit les dotations de ce fascicule de 80,17 millions d'euros en dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit 5,57 % du montant total des annulations réalisées à ce titre, et de 6,36 millions d'euros en autorisations de programme, soit 1,10 % des autorisations de programme annulées. Sur les 80,17 millions d'euros annulés en dépenses ordinaires, 60,17 millions l'ont été sur les titres III (28,17 millions d'euros) et IV (32 millions d'euros), soit 75,1 % de l'annulation, et 20 millions d'euros sur les titres V (6,5 millions d'euros) et VI (13,5 millions d'euros), soit 24,9 %. Il a rappelé, à titre de comparaison, qu'il avait envisagé dans un premier temps, lors de l'examen du budget de la santé, de présenter un amendement proposant de réduire de 19 millions d'euros ces crédits, avant de présenter un amendement rectifié portant sur une annulation de 4 millions d'euros, et a estimé que, une fois encore, le Sénat avait eu « raison trop tôt ». Il a constaté que cette annulation de 80,17 millions d'euros représentait 0,52 % de l'ensemble des crédits ouverts en loi de finances initiale, et 31,0 % du montant gelé au mois de février, soit près du tiers.

Le rapporteur spécial a indiqué que, au total, 16 chapitres budgétaires avaient vu leurs dotations réduites, dont certains paraissaient particulièrement importants eu égard aux politiques publiques conduites par le ministère. Après avoir expliqué qu'il s'était attaché à examiner les conséquences de chacune de ces annulations, il en a présenté les principales conclusions.

Il a souligné le fait que certaines annulations de crédits auraient des conséquences sur le fonctionnement des services du ministère. Ainsi, les moyens de fonctionnement des services (chapitre 34-98) étaient amputés de 6,5 millions d'euros, soit 3,35 % des dotations initiales, mais près de la moitié des mesures nouvelles pour 2003. Il a souhaité préciser que le financement du plan de communication relatif à la réforme des retraites, d'un coût total de 24 millions d'euros, allait rencontrer des difficultés : en effet, il devrait être assuré grâce à un « dégel » sur l'article 20, alors que seul 1,75 million d'euros était gelé sur cet article aujourd'hui, ce qui signifiait que la trésorerie des autres articles de ce chapitre devrait être mise à contribution. Il a par ailleurs attiré l'attention sur l'article 42 qui, sous un intitulé anodin, « Service chargé des politiques de santé », supportait en réalité le financement du plan Biotox : il conviendrait de procéder, en 2004, à une modification de la nomenclature budgétaire sur ce point, le plan Biotox, qui consistait essentiellement en des achats de vaccins, ne concernant pas le fonctionnement des services proprement dits. De même, l'annulation de 4 millions d'euros sur le chapitre 37-12, soit le tiers des dotations initiales et le double des mesures nouvelles, devrait entraîner un ralentissement des remboursements aux hôpitaux et aux caisses de sécurité sociale concernant le personnel mis à disposition du ministère, et donc freiner la remise en ordre de la gestion des personnels demandée avec insistance par la Cour des comptes.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a noté que les politiques en direction des personnes âgées étaient largement mises à contribution à l'occasion de ces annulations de crédits. Ainsi, les dépenses du chapitre 46-36 faisaient l'objet d'une annulation de 7 millions d'euros, dont 4,5 millions d'euros au titre des centres locaux d'information et de coordination (CLIC) en gérontologie, dont certains ne seront pas créés en 2003. De même, le chapitre 66-11, consacré aux subventions d'équipement sanitaire, était réduit de 4,5 millions d'euros, qui étaient destinés à la modernisation des établissements pour personnes âgées dépendantes. Enfin, l'article 66-20 « Subventions d'équipement social » voyait ses dotations réduites de 6,5 millions d'euros, soit les deux tiers des mesures nouvelles votées pour 2003. Toutefois, cette annulation portait essentiellement sur les établissements d'hébergement des personnes âgées, et non sur les établissements pour enfants et adultes handicapés ni sur les établissements nationaux pour jeunes sourds et jeunes aveugles. Enfin, le chapitre 47-19 « Organisation du système de soins » était amputé de 3 millions d'euros, dont 2 millions au titre des agences régionales de l'hospitalisation, soit le montant des mesures nouvelles.

Puis M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a expliqué que les annulations de crédits réalisées démontraient également l'existence de sources d'économies dans ce budget.

Le ministère de la santé était certes le seul à supporter une annulation de crédits, d'un montant de 7 millions d'euros, sur le chapitre 31-41 consacré aux rémunérations principales. Toutefois, cette mesure résultait, en fait, du transfert de la charge des dépenses du contentieux technique non agricole aux régimes de sécurité sociale, réalisé par l'article 66 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003. L'annulation de 10 millions d'euros portant sur le chapitre 36-81 « Etablissements nationaux à caractère sanitaire et social » était de même instructive car elle démontrait l'existence de chapitres manifestement sur-dotés en loi de finances initiale. En effet, cette annulation portait intégralement sur l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) (plus de 69 % des mesures nouvelles), qui succédait au comité français d'éducation pour la santé (CFES) qui avait un statut associatif, et s'expliquait ainsi par la « valorisation » du fonds de roulement de cet établissement, qui s'établissait au total à 28 millions d'euros. Il existait donc des marges de manoeuvre de réduction de la dépense dans les budgets qui étaient présentés au vote du Parlement. Du reste, l'INPES n'était pas le seul établissement à disposer d'importants fonds de roulement. Le chapitre 42-01, quant à lui, subissait une annulation de 2 millions d'euros, au titre de la contribution à l'initiative de solidarité thérapeutique internationale, soit l'intégralité des mesures nouvelles pour 2003, en raison de la mise en place tardive du groupement d'intérêt public GIP ESTHER. Il convenait de préciser que le ministère, en réponse à une question écrite du Président Jean Arthuis sur la sous-consommation chronique de ces crédits, avait répondu, le 2 janvier dernier, que le budget du GIP « est en voie de consommation ».

Le rapporteur spécial a par ailleurs noté que le chapitre 47-11 « Programmes et dispositifs de santé publique » était celui qui subissait la plus importante annulation, d'un montant de 17 millions d'euros, soit environ 16 % des mesures nouvelles et 10 % du total du chapitre, ce qui était important s'agissant des actions prioritaires du ministère. Les actions de prévention étaient notamment visées, y compris la provision de 5 millions d'euros prévue au titre de la mise en oeuvre de la loi quinquennale de programmation de santé publique, en raison du retard pris dans la préparation de cette dernière. Le ministère avait par ailleurs confirmé que les crédits en faveur de la lutte contre le cancer seraient sanctuarisés, mais il avait également précisé au rapporteur spécial que, s'ils ne faisaient pas l'objet d'annulations, ils pourraient ne pas être totalement engagés.

S'agissant des dépenses en capital, 6,5 millions d'euros de crédits de paiement étaient annulés sur les dépenses en faveur des équipements administratifs, sanitaires et sociaux, soit la moitié des crédits. La plus grosse part (près de 85 %) portait sur les rapatriés d'outre-mer (chapitre 57-93). Toutefois, l'annulation de cette dotation, qui devait permettre la construction d'un mémorial à Marseille, prévue depuis 1995, n'empêcherait pas les travaux de commencer. Il s'agissait en quelque sorte d'une « économie de constatation ». Le chapitre 66-12, qui supportait la subvention au fonds d'investissement et de modernisation hospitaliers (FIMHO), était réduit de 2,5 millions d'euros, cette annulation étant désormais récurrente : 32 millions d'euros en autorisations de programme avaient ainsi déjà été annulés en 2002.

Enfin, le rapporteur spécial a indiqué que, après la prise en compte du décret d'annulation du 14 mars 2003, le montant du gel de crédits sur le budget de la santé s'établissait désormais à 178,29 millions d'euros, dont 116,45 millions, soit 65,3 %, sur le chapitre consacré à l'action sociale d'intégration et de lutte contre l'exclusion (chapitre 46-81).

M. Jean Arthuis, président, a remercié M. Adrien Gouteyron pour la qualité et la précision de sa présentation qui faisait écho à celle menée, la semaine précédente, par le rapporteur général. Aussi, il a constaté, eu égard aux enseignements de cette communication, que l'effort d'économies proposé par le Sénat sur le budget de la santé pour 2003 ne pouvait être que relativisé.

Organisation mondiale du commerce - Audition de M. Pascal Lamy, commissaire européen au commerce

La commission a procédé à l'audition de M. Pascal Lamy, commissaire européen au commerce, sur la libéralisation des services dans le cadre de l'organisation mondiale du commerce (OMC), en présence des membres de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, auxquels cette audition avait été ouverte.

M. Jean Arthuis, président, a remercié M. Pascal Lamy de sa présence et rappelé les principaux aspects d'une actualité riche dans le domaine des négociations commerciales multilatérales, qu'il s'agisse du débat sur la libéralisation du commerce des services, de la conception communautaire du service public, de la diversité culturelle et des plaintes et éventuelles mesures de rétorsion dans le cadre de contentieux transatlantiques.

Après avoir souligné la qualité des travaux du Sénat dans le domaine des affaires européennes, M. Pascal Lamy a décrit le cadre du nouveau cycle de négociations commerciales. Initié pour une durée de trois ans à la suite de l'accord conclu à Doha fin 2001, ce nouveau cycle a succédé à celui de l'Uruguay, impliqué les 146 membres de l'OMC et abordé une vingtaine de sujets, parmi lesquels le commerce des services. L'ordre du jour de ce cycle avait fait l'objet d'une longue négociation et était désormais définitif, ce qui impliquait qu'un accord soit in fine trouvé sur chacun des sujets. La date butoir pour la conclusion des négociations a été fixée à fin 2004. M. Pascal Lamy a indiqué que le volet relatif au commerce des services faisait l'objet, dans l'opinion, de certaines préoccupations, portant notamment sur la transparence des négociations, leurs effets éventuels sur les services publics ou la diversité culturelle dans le secteur audiovisuel.

M. Pascal Lamy a rappelé que les négociations actuelles se déroulaient dans le cadre de l'Accord global sur le commerce des services (AGCS), qui a été conclu en 1995 dans le cadre du cycle de l'Uruguay. Cet accord énonçait certains principes directeurs des actuelles négociations. Il a noté que, comme c'est le cas dans des négociations de ce type, l'Union européenne avait des intérêts offensifs et défensifs à faire valoir, mais aussi des valeurs à défendre et à promouvoir, telles qu'une meilleure insertion des pays en voie de développement dans le commerce international et les préférences collectives des citoyens européens. Il a également souligné que les négociations ne portaient pas sur la libéralisation du secteur des services, mais sur l'ouverture des échanges de services, représentant ainsi une combinaison entre un meilleur accès aux marchés et le respect de certaines règles encadrant cette ouverture.

L'importance des négociations sur le commerce des services venait, selon lui, de ce que les pays industrialisés comme les pays en voie de développement y avaient un intérêt :

- premièrement, car le commerce des produits et marchandises apparaissait de moins en moins clairement dissociable de celui des services : sans accès aux systèmes de haute qualité qui fournissaient financement, assurance, services comptables, télécommunications et transports, une économie ne pouvait être concurrentielle. Ceci était vrai pour les pays industrialisés comme pour les pays en développement ;

- en outre, l'économie européenne était fortement liée aux services puisque ceux-ci représentaient les deux tiers de son produit intérieur brut et près de 70 % de l'emploi dans l'Union européenne. M. Pascal Lamy a également souligné que l'Union européenne détenait en ce domaine de nombreux avantages comparatifs (notamment dans les secteurs des télécommunications, de la distribution, de l'énergie, du tourisme ou des services financiers) et un potentiel de croissanceétendu ;

- les services étant le « talon d'Achille » de beaucoup de pays en développement dont la capacité d'exportation était limitée par le niveau faible de services.

M. Pascal Lamy a ensuite exposé la procédure des négociations, qui reposait sur un ensemble de requêtes, déposées en juillet 2002, puis d'offres, sans nécessité de réciprocité puisque l'équilibre global des propositions est pris en compte. L'Union européenne, comme un certain nombre d'autres membres de l'OMC, n'avait pas été en mesure de respecter l'échéance du 31 mars 2003 imparti pour le dépôt de ses propositions, mais la Commission avait préféré assumer un retard de quelques semaines afin d'approfondir son offre, par des consultations avec le Parlement européen, le Conseil et la société civile, pour répondre notamment aux requêtes soumises par les pays en développement.

M. Pascal Lamy a indiqué que le contenu des propositions européennes était plutôt consensuel, mais que subsistaient encore quelques réticences sur le « mode 4 », qui avait fait l'objet de demandes expresses d'un bon nombre de pays en développement tels que l'Inde, et consistait en un transfert provisoire - soit pour une durée déterminée - de salariés d'une entreprise étrangère vers un autre Etat, à l'occasion de la fourniture d'une prestation de service. Il a également insisté sur l'absence d'offres dans les domaines de la santé, de l'éducation ou de l'audiovisuel, et sur le fait que les négociations ne portaient pas sur la régulation des services, domaine dans lequel les membres de l'OMC conservaient toute leur compétence et leur droit de réguler, mais sur les seules conditions d'ouverture des échanges. Ainsi, les négociations en cours n'avaient aucun impact sur le caractère public ou privé de la propriété des entreprises de services, et l'accès aux services d'intérêt économique général demeurait préservé. Concernant le secteur de l'énergie, il a indiqué qu'à ce stade, la Commission ne proposait pas d'engagement supplémentaire, en attendant l'achèvement des travaux de l'OMC sur la définition des services énergétiques.

Sur la question de la diversité culturelle, M. Pascal Lamy a estimé que cette dernière focalisait moins l'attention depuis que la position originellement française tendait à être partagée par une majorité d'Etats membres, et que ce secteur ne faisait, par conséquent, pas l'objet de proposition européenne. Il a souligné que l'absence d'offre en matière audiovisuelle, notamment, n'avait pas soulevé pour le moment de problème à l'OMC.

M. Pascal Lamy a conclu son intervention en relevant que les services constituaient un sujet sensible, dans la mesure où ils faisaient intervenir des considérations d'ordre public et des réglementations nationales précises. Il a estimé qu'il convenait de bien distinguer le débat entre l'Union européenne et des pays tiers sur le seul commerce des services, de celui, interne à l'Union européenne, sur leur libéralisation, et a confirmé l'intention de la Commission de proposer un projet de directive cadre sur les modalités d'exercice du service public, sur la base d'un livre vert.

Un large débat s'est alors instauré.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a interrogé M. Pascal Lamy sur les conclusions d'une récente étude du CEPII portant sur les droits de douane, selon lesquelles l'Union européenne serait moins protectionniste mais plus discriminante que les Etats-Unis. Evoquant ensuite les contentieux transatlantiques relatifs au dispositif fiscal américain de la loi Foreign sales corporation (FSC), sur lequel l'OMC avait rendu un avis favorable à l'Union européenne le 30 août 2002, et aux mesures protectionnistes dans les secteurs de l'agriculture - avec le Farm bill - et de l'acier, il s'est interrogé sur l'éventualité de mesures communautaires de rétorsion et sur l'impact des problèmes géopolitiques actuels, notamment susceptibles de mettre la France en difficulté sur le volet agricole. Concernant l'ouverture des services juridiques et comptables, il s'est également demandé si elle ne contribuerait pas à renforcer le caractère oligopolistique des cabinets anglo-saxons et à privilégier les normes comptables américaines plutôt qu'européennes et internationales. Il s'est enfin interrogé sur les perspectives de réciprocité de l'ouverture des services financiers et de meilleure reconnaissance mutuelle des places boursières.

En réponse, M. Pascal Lamy a tout d'abord considéré que les conclusions du CEPII étaient plutôt justifiées. Le cadre communautaire prévoyait en effet un régime général reposant sur la clause de la nation la plus favorisée et des clauses préférentielles ou discriminations positives plus étendues qu'aux Etats-Unis, en particulier au profit des pays de la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique et d'autres pays en développement. Cette « discrimination » reposait donc selon lui sur des choix totalement assumés par l'Union européenne. Concernant les contentieux commerciaux entre l'Union européenne et les Etats-Unis, il a expliqué que le différend relatif au dispositif FSC était définitivement réglé au bénéfice de l'Europe, et que les Etats-Unis allaient procéder à une révision de ces dispositions, ce qui nécessitait toutefois un certain temps en raison de leur complexité. Des contacts réguliers avaient lieu avec le Sénat et le Congrès à ce sujet. Il a toutefois indiqué que, tant que le dispositif américain n'était pas modifié, des mesures communautaires de rétorsion demeuraient possibles et pourraient être prochainement publiées. Elles seraient alors appliquées en dernier recours. Il a ensuite relevé que le contentieux portant sur l'acier avait fait l'objet d'un jugement favorable à l'Union en première instance, et que le recours des Etats-Unis devrait suivre la même voie en appel d'ici l'automne prochain. Le Farm bill n'avait, pour sa part, pas fait l'objet de plainte européenne, dans la mesure où les Etats-Unis n'avaient pas franchi les limites de la discipline qui avait été négociée dans le cadre du cycle multilatéral de l'Uruguay, car ces crédits programmés n'avaient pas encore été effectivement dépensés.

Concernant la stratégie politique américaine, il s'est déclaré plus proche de la thèse du maintien de l'adhésion des Etats-Unis aux principes de l'OMC, qui servait également leurs intérêts, qu'à celle d'une sortie du système multilatéral qui se situerait dans la continuité du désaveu américain à l'encontre d'autres instances internationales telles que l'ONU ou le Tribunal pénal international. Il a estimé que la crise diplomatique actuelle pourrait même contribuer à un renforcement du rôle et de la crédibilité de l'OMC, qui demeurait aujourd'hui une des rares organisations internationales où un dialogue pouvait se tenir entre pays du Nord et du Sud, comme entre pays développés et pays en développement ou émergents, et donnait lieu à des accords qui étaient généralement accueillis comme des motifs de satisfaction.

Il a enfin considéré que les propositions portant sur les services juridiques et comptables ne comportaient pas de risques. Bien que les fournisseurs de services anglo-saxons soient compétitifs dans les marchés internationaux et que leur accès au marché soit déjà garanti, ils n'étaient pas les seuls à s'intéresser à l'ouverture de l'échange des services dans ce secteur. L'offre initiale communautaire visait à améliorer l'accès des avocats et des comptables en tant que personnes physiques et, en ce qui concerne les services juridiques, à permettre que les avocats et les cabinets d'avocats étrangers entrent en partenariat avec des avocats européens. M. Pascal Lamy a estimé que ni les engagements pris lors de l'Uruguay Round, ni l'offre initiale communautaire n'affectaient la manière dont les professions juridiques et comptables étaient organisées dans l'Union européenne. Ils n'affectaient pas non plus les normes juridiques et comptables à appliquer. L'intense débat sur les normes comptables internationales, en particulier l'IAS 39, demeurait disjoint des négociations sur les services. En ce qui concernait les marchés financiers, il a relevé que la dynamique actuelle des négociations était assez encourageante. Les premières offres initiales, notamment des Etats-Unis, du Canada et du Japon, comportaient des éléments intéressants, par exemple dans le secteur de l'assurance. En revanche, l'impossibilité pour les bourses européennes d'implanter leurs écrans aux Etats-Unis était selon lui préoccupante : elle faisait, au stade actuel, l'objet d'un dialogue bilatéral avec les instances américaines compétentes, mais si les résultats de ce dialogue n'étaient pas satisfaisants, une évocation dans le cadre multilatéral pourrait, d'après lui, être envisagée.

M. Paul Loridant, évoquant une étude actuellement menée avec M. Yann Gaillard sur le financement du cinéma, s'est demandé si l'exception culturelle ne tendait pas à devenir un handicap et si les futurs membres de l'Union européenne ne cherchaient pas, aujourd'hui, à conclure des accords bilatéraux avec les Etats-Unis propres à contourner le principe de cette exception.

Mme Marie-Claude Beaudeau a déploré la « marchandisation » de l'ensemble des activités humaines, en particulier des services publics, et a souhaité que la liste des propositions européennes ne soit pas entourée de secret mais rendue publique. Elle a également estimé que la position communautaire était contradictoire, en ce qu'elle sollicitait l'ouverture de certains services publics dans les pays tiers mais entendait protéger ceux des Etats membres, et s'est interrogée sur l'interprétation à donner à l'article 1 de l'AGCS.

Mme Michèle Demessine s'est demandé dans quelle mesure la notion même d'échange de services empêcherait réellement leur déréglementation, et a souhaité connaître les demandes d'ouverture formulées pour le secteur du tourisme. Elle a également souligné le risque de « dumping social » que pouvaient présenter les dispositions relatives au mode 4.

M. François Marc s'est demandé si les négociations en cours présentaient de réelles garanties, afin que les avantages escomptés pour les pays en voie de développement participent réellement à leur développement plutôt qu'à celui des firmes multinationales qui y sont implantées. Il a également souligné la virulence du Groupe de Cairns, qui tendait à considérer les produits agricoles comme des marchandises normales. Il a enfin demandé des précisions sur les ambitions et requêtes de l'Union européenne en matière de prévention du blanchiment des capitaux, en relation avec la libéralisation du commerce des services financiers.

M. Michel Charasse s'est interrogé sur le statut des organisations non gouvernementales (ONG), qui, selon lui, échappaient aux règles du commerce et présentaient un niveau élevé de frais généraux.

M. Adrien Gouteyron s'est félicité des propos apaisants de M. Pascal Lamy sur la question des biens culturels, tout en exprimant la crainte que ce dossier ne ressurgisse sous la pression américaine.

M. Jean Arthuis, président, a sollicité des précisions sur les engagements relatifs au mode 4, et souligné les risques de déviation qu'il comportait au regard du contrôle de l'immigration. Il a appelé de ses voeux la mise en place d'une fiscalité écologique européenne et d'une convention éco-emballage, destinées en particulier à financer la collecte et l'élimination des déchets. Il a également rappelé que les récentes décisions prises par la Commission à l'encontre d'organismes agricoles français étaient mal ressenties dans certains départements ruraux. Il s'est enfin demandé si la législation communautaire permettait de prononcer, le cas échéant, des sanctions à l'encontre des centrales d'achat de la grande distribution, considérant l'ampleur de leur concentration et les pressions qu'elles tendaient à exercer sur les fournisseurs.

M. Pascal Lamy a apporté les éléments de réponse suivants. Il s'est tout d'abord déclaré partisan de la diversité ou de l'exception culturelle, et à ce titre du subventionnement du cinéma et de l'audiovisuel, car le fractionnement du marché européen dans le domaine culturel, du fait de la diversité linguistique qui caractérisait l'Union, ne permettait pas aux acteurs de ce secteur de bénéficier des économies d'échelle, qui étaient le propre d'une économie de marché. Il a confirmé que certains Etats candidats à l'adhésion européenne avaient été tentés de conclure des engagements bilatéraux avec les Etats-Unis, mais que ces pays respecteraient bien les principes communautaires lors de leur entrée dans l'Union européenne en 2004. En réponse à Mme Marie-Claude Beaudeau, il a indiqué que les négociations actuelles ne consistaient assurément pas en une « marchandisation » de l'ensemble des secteurs d'activité, et a fortiori des services publics : les négociations ne concernaient que les secteurs pour lesquels les Etats membres (et non la Commission européenne) avaient déjà décidé qu'ils faisaient objet de commerce. Il l'a également informée de la transmission du projet d'offres par la Commission au Conseil et à la commission compétente du Parlement européen. Afin de leur donner le temps de réflexion et de consultation nécessaire, à ce stade, seule la substance et non l'intégralité des détails des négociations avait été diffusée au grand public, mais l'offre européenne ferait néanmoins l'objet d'une publicité intégrale dès sa communication officielle à l'OMC. Il a en outre rappelé que l'AGCS ne comportait pas d'obligation de réciprocité : il était donc tout à fait possible pour un pays de demander l'ouverture d'un secteur dans un pays tiers sans offrir lui-même un engagement semblable. En ce qui concernait l'exception relative aux monopoles publics incluse dans l'article premier de l'AGCS, il a souligné que son caractère étroit ne pouvait en faire le fondement de la conception européenne des services publics, qui se voulait plus large. Un débat à l'OMC sur l'extension de cette exclusion à tous les services publics serait contreproductif car il amènerait l'OMC à définir ce que constituait un service public. Une telle définition serait nécessairement plus étroite, selon lui, que ce que souhaiterait l'Union européenne, qui a probablement la notion la plus large de services publics parmi les membres de l'OMC.

Répondant ensuite à Mme Michèle Demessine, il a indiqué que la frontière entre services publics et privés était définie par l'Union européenne, et a démenti le fait qu'il aurait demandé une libéralisation des services publics dans les pays en développement. Il a mis en exergue le caractère fructueux des négociations sur le tourisme, les Etats parties à l'AGCS étant généralement à la fois offreurs et demandeurs sur ce secteur. Il a également expliqué que les requêtes portant sur le mode 4 émanaient, avant tout, de pays en voie de développement : elles constituaient un indice de leur développement puisqu'elles portaient sur des personnels hautement qualifiés et il conviendrait donc de leur adresser un signal favorable. Revenant sur le cadre général des négociations, il a précisé que les engagements pris étaient a priori irréversibles, mais qu'il demeurait possible à un signataire de se retirer d'un accord sous réserve d'un dédommagement au profit des autres participants, destiné à compenser la rupture de l'équilibre global atteint à l'issue des négociations.

En réponse à M. François Marc, il a estimé que l'ouverture des échanges constituait une condition nécessaire mais non suffisante du développement, et a partagé son sentiment sur l'intransigeance du Groupe de Cairns dans le domaine des produits agricoles. Il a également indiqué que la lutte contre le blanchiment des capitaux s'inscrivait dans le cadre de la réglementation et était donc distincte des négociations portant sur la libéralisation du commerce.

Il a ensuite fait part de son désaccord avec la position exprimée par M. Michel Charasse sur les ONG, qui jouaient selon lui un rôle important occupant l'espace laissé vacant par d'autres grandes institutions politiques ou sociales, et détenaient une réelle légitimité dans la représentation de la société civile. Il a indiqué que le dialogue avec les ONG se révélait parfois difficile, mais que les responsables européens étaient désormais souvent confrontés à d'excellents spécialistes et que les ONG se montraient aujourd'hui plus constructives en formulant des propositions, plutôt qu'en se focalisant sur les seules critiques. Puis abordant les observations de M. Adrien Gouteyron sur les biens culturels, il a estimé que les Etats-Unis se montraient aujourd'hui plus souples que dans les années 90, et s'est déclaré partisan d'un accord sur la diversité culturelle au sein de l'UNESCO.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, il a fait valoir qu'il n'y avait pas de risques liés au mode 4, dans la mesure où ses conditions d'application supposaient, en réalité, un contrôle approfondi à l'entrée, sur des critères tels que la qualification, la durée du séjour et la présence d'un contrat de travail. Concernant les mesures de protection de l'environnement, il a indiqué que plusieurs dispositifs étaient déjà prévus par la législation communautaire et a cité l'exemple de la récupération systématique du matériel électronique usagé. Le respect des normes environnementales communautaires par les filiales d'entreprises étrangères pouvait toutefois se révéler coûteux pour ces dernières, et les obligations en la matière devaient être proportionnées afin de ne pas créer des obstacles techniques constitutifs d'un protectionnisme normatif, thème que M. Pascal Lamy a craint de voir devenir prochainement un des principaux contentieux soumis à l'OMC. Il a enfin relevé que les centrales d'achat, comme d'autres entreprises, pouvaient être sanctionnées dans le cadre des dispositions du Traité de Rome relatives au contrôle des concentrations et des abus de position dominante. Les opérations de fusion étaient soumises à notification et vérification par les autorités européennes, tandis que les abus de position dominante nés d'ententes impliquaient une charge de la preuve reposant sur la Commission.