Travaux de la commission des finances



- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Méthodes de contrôle budgétaire - Audition de Mme claire Bazy-Malaurie, rapporteur général, de Mme Catherine Démier, secrétaire générale adjointe et de M. Gérard Moulin, conseiller-maître à la cour des comptes.

M. Jean Arthuis, président, a tout d'abord rappelé le contexte dans lequel s'inscrivaient les auditions, lié aux pouvoirs de contrôle des commissions des finances tels que prévus par l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances n° 2001-692 du 1er août 2001. Il a relevé que la commission des finances, souhaitant faire de l'année 2004 celle du contrôle budgétaire, avait engagé au total, par ses différents rapporteurs spéciaux, une vingtaine de contrôles sectoriels. Il a ajouté que la commission avait également souhaité que les rapporteurs spéciaux, chacun dans leurs domaines de compétences, s'attachent à mieux apprécier l'efficacité des dépenses de formation des fonctionnaires ainsi que de la politique de communication des ministères. Il a rappelé à ce sujet qu'un questionnaire type avait été soumis à leur signature, invitant les rapporteurs spéciaux qui ne l'avaient pas encore fait à envoyer ces questionnaires aux ministres compétents.

M. Jean Arthuis, président, a également indiqué qu'il avait engagé un contrôle transversal sur les moyens informatiques de l'administration, invitant les rapporteurs spéciaux à lui faire connaître, le cas échéant, leur souhait de se joindre à cette mission.

Il a rappelé que la commission avait dans ce contexte souhaité affiner ses méthodes de contrôle budgétaire en s'ouvrant aux expériences de la Cour des comptes, à celles des principaux corps d'inspection, ainsi que de cabinets privés d'audits ou de conseils, spécifiant que tel était l'objet de la série d'auditions de méthode qui débutait aujourd'hui. Il a précisé que ces auditions de méthodologie du contrôle budgétaire se poursuivraient le mercredi 14 avril 2004 avec une table ronde réunissant l'Inspection générale des finances, l'Inspection générale de l'administration, l'Inspection générale des affaires sociales ainsi que le Chef du contrôle général des armées.

Mme Claire Bazy-Malaurie a tout d'abord exposé que la Cour des comptes était organisée en sept chambres se partageant l'ensemble du domaine public selon des attributions sectorielles, précisant que celles-ci concernaient les finances, la défense et les grands domaines industriels, l'éducation, la culture et la recherche, les attributions régaliennes de l'Etat, les affaires sociales, la sécurité sociale ainsi que l'équipement, les transports, l'aménagement du territoire et l'agriculture. Elle a indiqué que le contrôle de la Cour des comptes se déroulait en trois phases : le choix et le lancement du contrôle, l'instruction et, enfin, la procédure contradictoire proprement dite.

Mme Claire Bazy-Malaurie a expliqué que le choix des sujets d'investigation était généralement suggéré par les différentes chambres, qui assuraient, tout au long de l'année, une « veille permanente » dans leurs champs de compétences respectifs. Elle a en outre rappelé les dispositions de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances permettant aux commissions des finances des assemblées parlementaires de solliciter le concours de la Cour des comptes, soit pour des enquêtes, soit pour des missions d'assistance.

Elle a précisé l'importance qu'il y avait, au moment de l'engagement de la mission, à ce que les objectifs précis de celle-ci soient consignés dans une lettre de mission, suivie par un premier entretien avec l'organisme contrôlé, pour validation définitive des thèmes de contrôle.

Mme Claire Bazy-Malaurie, évoquant ensuite la phase d'instruction, a précisé que la Cour des comptes restait en lien étroit avec les responsables du service ou de l'organisme contrôlés. Elle a rappelé que la Cour des comptes était habilitée à se faire communiquer tout document, de quelque nature que ce soit, relatif à ses contrôles, à charge pour elle de préserver le secret de ses investigations, en particulier les données à caractère nominatif. Elle a précisé que la possibilité reconnue à la Cour des comptes de faire condamner la personne contrôlée pour entrave n'avait jamais été utilisée, une simple menace ayant pu suffire, en de rares occasions.

Elle a indiqué que le secret défense n'était pas opposable à la Cour des comptes, dès lors que les magistrats chargés de ce type de contrôle avaient fait l'objet d'une habilitation ad hoc. Elle a précisé que la procédure suivie était essentiellement écrite et que la Cour des comptes s'appuyait donc de préférence sur des documents. Elle a ajouté que le projet du rapporteur était révisé par un contre-rapporteur ayant eu accès aux mêmes sources d'information, et ce dans le souci de pouvoir assurer l'exactitude des observations qui y étaient formulées. Elle a insisté sur la nécessité d'entretenir, avec l'organisme contrôlé, une relation de confiance pendant toute la durée de la procédure.

Traitant enfin de la troisième phase de la mission de contrôle, Mme Claire Bazy-Malaurie a tout d'abord exposé que celle-ci était ouverte par un entretien du rapporteur avec l'organisme contrôlé, destiné à clore l'instruction. Elle a ajouté, qu'après cet entretien, débutait la procédure contradictoire, proprement dite, spécifiant que celle-ci était inévitablement longue afin de garantir la plus grande fiabilité possible du rapport. Elle a spécifié qu'il n'était pas possible d'enfermer cette procédure contradictoire (de l'envoi du rapport provisoire à la sortie des « suites » définitives) dans un délai inférieur à six mois.

M. Jean Arthuis, président, s'est demandé comment la Cour des comptes mettrait en oeuvre sa nouvelle mission de certification des comptes de l'Etat, telle que prévue par l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances.

Mme Claire Bazy-Malaurie, observant que la Cour des comptes devrait s'approprier l'ensemble des règles présidant aux travaux de certification, a ajouté que les moyens de celle-ci devraient être redéployés, dès lors qu'ils ne seraient pas accrus.

Mme Catherine Démier a exposé que le contrôle juridictionnel de la Cour des comptes représentait environ 20 % du total de son activité. Elle a précisé que la Cour des comptes était, au total, constituée de 640 personnels, dont 380 directement dédiés aux missions de contrôle, qu'il s'agisse des magistrats, des rapporteurs ou des assistants. Elle a ajouté que les 260 autres agents étaient employés essentiellement aux tâches administratives, incluant toutefois dans ce chiffre les greffiers chargés de préparer les dossiers de mission. Elle a ajouté que le personnel administratif, au sens strict, représentait 19 % des effectifs.

Mme Catherine Démier a exposé que le budget de la Cour des comptes pour 2004 s'élevait à 48 millions d'euros, représentant 0,4 % du budget du ministère de l'économie et des finances en dehors des crédits d'intervention du titre IV. Elle a rapproché ce chiffre de celui du budget de l'Autorité des marchés financiers (AMF) qui, pour sa part, s'élève à environ 40 millions d'euros.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, Mme Catherine Démier a précisé que les magistrats dont la rémunération était prise en charge financièrement par la Cour des comptes, travaillaient tous effectivement pour celle-ci, à l'exception d'une quinzaine d'entre eux, affectés dans des cabinets ministériels. Elle a précisé que leur réintégration au sein de la Haute juridiction ne pouvait pas se faire dans la chambre dont les compétences correspondaient à celles du ministère dans lequel ils avaient officié. Répondant à une question de M. Jean Arthuis, président, sur les problèmes que cette situation pouvait poser en termes de déontologie et d'indépendance des magistrats, Mme Catherine Démier a indiqué qu'une réflexion était en cours à ce sujet.

M. Jacques Oudin, évoquant une précédente mission de contrôle conduite par ses soins, a souligné un détournement de procédure de nature à biaiser la connaissance des comptes, qu'il avait constaté, et consistant dans le fait que des fonctionnaires soient mis à disposition sans être rémunérés par l'administration au sein de laquelle ils accomplissaient leurs missions. Il a considéré que de telles situations devraient impliquer l'inscription, au budget de l'administration « bénéficiaire » de l'opération, du versement de l'équivalent des sommes économisées, sous la forme de « subventions » accordées à l'administration d'accueil.

M. Aymeri de Montesquiou a souhaité savoir si les suites réservées aux travaux de la Cour des comptes permettaient de déboucher sur des économies budgétaires réelles et si celles-ci avaient été chiffrées. Il a aussi demandé si des statistiques avaient été établies concernant le pourcentage des observations de la Cour des comptes ayant été suivies d'effets.

Mme Claire Bazy-Malaurie a répondu qu'il n'était pas établi de statistiques concernant les économies budgétaires ayant pu résulter des conclusions de la Cour des comptes, ne serait-ce que parce que celles-ci pouvaient avoir été réaffectées à d'autres objets. Elle a ajouté que le nombre de débets était faible, et que le ministre des finances utilisait assez largement son pouvoir de remise gracieuse.

M. Gérard Moulin a souligné que la mission de la Cour des comptes consistait essentiellement à dénoncer des manquements, et non à prononcer des injonctions ou des sanctions. Il a fait valoir que la qualité du dialogue entretenu en cours de mission avec les organismes contrôlés pouvait favoriser des prises de conscience débouchant sur une inflexion de pratiques ou sur des réformes, sans qu'il soit possible de chiffrer précisément leur impact budgétaire.

M. Jean Arthuis, président, a suggéré que les observations et préconisations de la Cour des comptes soient plus synthétiques, et ainsi d'autant plus « percutantes ».

Mme Catherine Démier a observé qu'il appartenait au gouvernement et aux assemblées parlementaires, en particulier leurs commissions des finances, de tirer les conclusions utiles des travaux de la Cour des comptes en engageant les réformes nécessaires. Elle a souligné que les cabinets privés d'audits ou de conseils pouvaient, certes, exprimer leurs conclusions de manière plus incisive, mais sans que, pour autant, ils puissent eux-mêmes donner des suites utiles à leurs observations ou préconisations. Elle a insisté sur la relation de confiance qui devait prévaloir entre contrôleurs et contrôlés, de nature à susciter, plutôt que d'imposer, les inflexions nécessaires. Mme Catherine Démier a jugé qu'un contrôle inquisitorial n'était pas nécessairement plus efficace et risquait d'être mal vécu par les organismes contrôlés.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que le contrôle devait avoir pour objectif de montrer ce qui allait bien, et pas seulement de mettre en relief les lacunes d'une gestion.

Mme Claire Bazy-Malaurie, se référant à un rapport élaboré par la Cour des comptes sur la gestion du système éducatif, a constaté que, durant les trois années de déroulement de la mission, les administrations concernées avaient progressivement pu prendre, grâce à la qualité du dialogue entre le contrôleur et le contrôlé, la mesure souhaitable de la dimension financière et comptable que devait revêtir leur gestion.

En réponse à M. François Trucy, qui se préoccupait des relations entre la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes, Mme Claire Bazy-Malaurie a rappelé que ces dernières étaient des juridictions indépendantes. Elle a souligné la rigueur et la précision des règles de procédure applicables aux chambres régionales des comptes et fixées par le législateur, imposant, par exemple, que les relevés d'observations définitives soient rendus publics.

M. Jean Arthuis, président, regrettant le trop grand volume d'échanges de questions et réponses entre les chambres régionales des comptes et les collectivités territoriales, a estimé que les juridictions financières devraient privilégier les constatations sur place.

A M. Michel Moreigne qui a marqué son souci de voir les rapports de la Cour des comptes déboucher sur des suites concrètes, Mme Claire Bazy-Malaurie a répondu qu'il serait souhaitable que le gouvernement et le Parlement soient, au moins, contraints à prendre position sur les préconisations de la Cour des comptes, précisant toutefois qu'il n'était pas question, à ses yeux, d'obliger les autorités politiques à suivre à la lettre ses préconisations.

M. Jacques Baudot a évoqué les problèmes pouvant résulter d'une médiatisation excessive de l'activité des chambres régionales des comptes, reconnaissant cependant que, depuis quelques années, ces dernières s'étaient efforcées de réduire de tels risques.

M. Jacques Oudin a souligné l'intérêt qu'il y aurait à ce que le Sénat « reprenne » certaines propositions de la Cour des comptes, citant en particulier celles formulées à propos de l'indispensable réforme des services déconcentrés du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

En conclusion, M. Jean Arthuis, président, a suggéré à la Cour des comptes de développer ses investigations sur les activités off-shore de certaines entreprises publiques.

M. Jean Arthuis, président, a également souligné que le contrôle budgétaire devait, en premier lieu, valoriser les éléments positifs de la gestion contrôlée et précisé que ce contrôle ne devait pas se heurter à des « questions tabous ». Considérant que rien ne pourrait remplacer la nécessaire volonté politique du gouvernement et des assemblées parlementaires, il a estimé que ceux-ci devraient prendre leurs propres responsabilités en tirant les conséquences opportunes des travaux de la Cour des comptes. Il a souligné que la Cour des comptes ne saurait se substituer aux autorités politiques et en a déduit que l'insuffisance des suites données aux travaux de la Cour des comptes ne pouvait résulter que d'une faiblesse de la volonté des autorités politiques.

Méthodes du contrôle budgétaire - Audition de MM. Alain Pons, responsable de l'audit, et Gilles Pedini, responsable du secteur public du cabinet Deloitte et Touche; de M. Antoine Brugidou, directeur des activités administration et secteur public du cabinet Accenture; de MM. Michel Frédeau, directeur du bureau de Paris, et Marc Benayoun, responsable du secteur public du Boston consulting group.

La commission a ensuite procédé àl'audition de MM. Alain Pons, responsable de l'audit, et Gilles Pedini, responsable du secteur public du cabinet Deloitte et Touche ; de M. Antoine Brugidou, directeur des activités administration et secteur public du cabinet Accenture ; de MM. Michel Frédeau, directeur du bureau de Paris, et Marc Benayoun, responsable du secteur public du Boston Consulting Group.

M. Jean Arthuis, président, a remercié les participants et rappelé l'importance de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), qui renforçait le rôle des commissions des finances des assemblées, s'agissant notamment de leurs prérogatives de contrôle de l'utilisation des deniers publics, telles que prévues par l'article 57 de ladite loi organique. Il a ainsi noté que le contrôle devait devenir la « seconde nature » de la commission des finances, d'où l'intérêt, pour elle, de connaître l'organisation des cabinets de conseil, leurs relations avec la sphère publique, ainsi que leurs méthodes de travail.

M. Alain Pons, après avoir présenté son cabinet, qui comprenait 3.000 personnes spécialisées dans les missions d'audit, ces dernières ayant été distinguées des missions de conseil afin de tirer les conséquences de la loi de sécurité financière du 1er août 2003, a indiqué que celui-ci intervenait comme commissaire aux comptes de grandes entreprises publiques et travaillait également auprès de structures publiques ou parapubliques.

M. Gilles Pedini, après avoirsouligné les enjeux liés à la mise en oeuvre de la LOLF, a précisé l'organisation interne de son cabinet. Il a fait valoir qu'il avait mené une réflexion sur les normes comptables de l'Etat et sur les conséquences de la loi de sécurité financière précitée sur le commissariat aux comptes, et qu'il conduisait des travaux d'expérimentation dans le cadre de la mise en place du contrôle de gestion dans certains ministères.

M. Antoine Brugidou a indiqué que son cabinet ne faisait pas d'audit comptable et financier proprement dit, mais de l'audit opérationnel, et contribuait à la définition de stratégie et de structuration internes. Il a rappelé qu'il s'agissait d'une organisation internationale qui comptait 3.000 consultants en France, dont 200 étaient spécialisés dans le secteur public. Il a précisé qu'il intervenait notamment sur le programme « Copernic » de la direction générale des impôts, ainsi que sur le programme « Accord », et comptait comme clients de grandes entreprises publiques. Il a aussi rappelé que son cabinet avait réalisé en 2003, à la demande de la commission des finances, un audit sur l'organisation du temps de travail et des procédures d'information des forces de sécurité intérieure, qui avait permis d'éclairer la réflexion du rapporteur spécial des crédits de la sécurité, qui avait rédigé un rapport d'information, au nom de la commission des finances, sur cette question.

M. Michel Frédeau, a indiqué que son cabinet était une société mondiale disposant de 2.600 consultants et a précisé que le bureau de Paris travaillait notamment pour de grandes entreprises publiques. Il a ajouté que son cabinet de conseil en stratégie et en organisation ne réalisait pas d'analyses des comptes, mais une analyse de l'opportunité ou de l'efficacité des dépenses et tendait, de plus en plus, à travailler avec la sphère publique.

M. Marc Benayoun a précisé que ce même cabinet avait ainsi été amené à travailler pour la direction de la réforme budgétaire du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, afin d'étudier les évolutions organisationnelles liées à la mise en oeuvre de la LOLF.

M. Maurice Blin a souhaité savoir si l'implication des cabinets de conseil auprès des sociétés publiques ou des administrations était le fruit de demandes de celles-ci ou résultait de démarches entreprises par les cabinets, et si ces derniers estimaient que le secteur public effectuait sa mutation. S'adressant à M. Michel Fredeau, il a souhaité savoir si la SNCF avait effectué la démarche de venir vers son cabinet, et a relevé que, lui-même, n'était jamais parvenu à connaître précisément le bilan financier du TGV.

M. Gilles Pedini a indiqué que son cabinet travaillait pour le syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF). M. Michel Frédeau a noté que la SNCF était un client récent de son cabinet, et qu'il lui fournissait une assistance dans le cadre d'un ambitieux programme d'amélioration de la fonction « achats », devant permettre de réaliser des économies substantielles. M. Antoine Brugidou a précisé que son cabinet travaillait également pour la SNCF dans le domaine de la gestion commerciale.

M. Jean Arthuis, président, a alors relevé qu'il lui apparaissait qu'aucun de ces cabinets ne semblait avoir de vision globale de la situation de la SNCF.

M. Antoine Brugidou a confirmé que chaque cabinet n'avait qu'une vision partielle des activités de cette entreprise publique. Il a indiqué qu'Accenture travaillait également avec la Deutsche Bahn, notamment sur la problématique du fret ferroviaire, et estimé, à ce titre, qu'il lui semblait que la SNCF avait « totalement manqué le virage du fret ».

M. Gilles Pedini a estimé que les cabinets de conseil étaient beaucoup plus sollicités par le secteur public depuis 7 ou 8 ans, y compris dans des missions de contractualisation. Il a ainsi précisé que la Réunion des musées nationaux avait fait appel à son cabinet pour mettre en place des procédures de contrôle de gestion, et a estimé que la contractualisation était un bon moyen de faire progresser la transparence.

M. Antoine Brugidou a estimé que la demande publique auprès des cabinets d'audit s'était accrue, mais que le champ d'action de ces derniers restait limité.

M. Maurice Blin, après avoir relevé que l'activité de fret de la SNCF s'était effondrée, a souhaité savoir si cette société s'était interrogée sur ce service.

M. Antoine Brugidou a noté qu'il était rare que les questions soient posées de manière aussi directe aux cabinets de conseil. Il a indiqué que la SNCF n'était pas la seule entreprise publique ayant des difficultés et estimé, ainsi, que La Poste avait pris dix ans de retard sur ses concurrents. Il a noté que ce constat difficile avait finalement été accepté par la direction générale qui entendait maintenant faire évoluer La Poste, alors que la position de la direction de la SNCF était, selon lui, plus floue.

M. Maurice Blin a regretté l'absence de transparence des comptes de la SNCF, indiquant que si l'Australie avait renoncé à développer un train à grande vitesse entre Sydney et Canberra, c'est parce qu'elle ne connaissait pas le bilan d'une telle opération. Il s'est alors interrogé sur le coût du TGV, et sur les retombées financières qu'il pouvait apporter à la SNCF.

M. Michel Frédeau a noté que la SNCF était un cas particulier et que d'autres entreprises publiques étaient souvent conduites à évoluer en raison de menaces externes fortes. Il a ainsi relevé que Gaz de France avait progressivement été amené à changer d'organisation pour rester compétitif. Il a toutefois indiqué que, même en cas de menaces extérieures fortes, le changement de mentalité, dans la conduite des entreprises, prenait du temps et nécessitait une ferme volonté.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé les difficultés qu'avaient connues le rapporteur spécial du budget des transports de la commission des finances, qui n'avait pas réussi à obtenir les informations qu'il demandait à la SNCF, la direction lui ayant indiqué de s'adresser aux commissaires aux comptes, lesquels s'étaient déclarés tenus par le secret professionnel, et cela nonobstant les dispositions explicites précitées de l'article 57 de la LOLF, aux termes desquelles tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif demandés par le président, par le rapporteur général ainsi que, dans leurs domaines d'attribution, par les rapporteurs spéciaux de la commission des finances, y compris tout rapport établi par les organismes et services chargés du contrôle de l'administration, réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat et du respect du secret de l'instruction et du secret médical, doivent leur être fournis.

M. Jean Arthuis, président, a également relevé que M. Francis Mer, alors ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, avait confirmé que les commissaires aux comptes étaient déliés du secret professionnel devant les commissions des finances des assemblées et qu'il était par conséquent inutile de légiférer à nouveau en la matière. Il a donc souhaité connaître le sentiment des cabinets d'audit et de conseil auditionnés et, en particulier, savoir quelle serait leur réaction si les rapporteurs spéciaux des commissions des finances examinaient les modalités d'accomplissement de leur mission de conseil, dès lors qu'elle était financée par les deniers publics.

M. Michel Frédeau a déclaré qu'un tel cas ne s'était jamais produit et que, de manière générale, les informations recueillies par les cabinets de conseil, confidentielles, étaient réservées aux clients.

M. Jean Arthuis, président, a toutefois rappelé que la rédaction de l'article 57 de la LOLF était sans équivoque et qu'elle permettait aux commissions des finances d'avoir accès à ce type d'informations.

M. Michel Frédeau a estimé que si une demande était formulée en ce sens par la commission des finances, le cabinet demanderait l'autorisation du président de la société avant de communiquer les informations souhaitées. Il a précisé qu'une telle demande serait susceptible d'exercer un impact sur la relation avec le client et risquerait de « casser la confiance ».

M. Antoine Brugidou aévoqué l'audit « Police-gendarmerie » conduit par son cabinet à la demande de la commission des finances du Sénat, précisant qu'il avait été bien « reçu » par les ministères concernés, en dépit du constat parfois très critique qu'il avait formulé. Il a estimé que, en contrepartie d'une participation financière limitée, les cabinets d'audit pourraient travailler sur les thèmes intéressant la commission des finances en utilisant l'éclairage interne au ministère. Il a toutefois ajouté que dans l'hypothèse d'une convocation par la commission des finances, les cabinets répondraient aux questions des commissaires des finances.

M. Jean Arthuis, président, a estimé qu'il serait constructif que les rapporteurs spéciaux puissent rencontrer les conseillers extérieurs mandatés par les ministères ou les sociétés publiques et s'est interrogé sur le mode de fonctionnement de l'Agence des participations de l'Etat.

S'agissant de l'Agence des participations de l'Etat,M. Alain Pons a indiqué qu'il n'existait pas de « reporting » particulier.

M. Maurice Blin a souhaité savoir si l'accueil réservé aux cabinets de conseil était identique dans les sociétés publiques et dans les sociétés privées.

M. Michel Frédeau a estimé que l'intervention des cabinets de conseil dans les sociétés privées ne constituait pas un acte naturel, dans la mesure où elle se produisait en général en cas de problème. S'agissant du secteur public, il a relevé que la difficulté se situait en amont, mais que, dès lors que le cabinet de conseil avait été mandaté, l'accueil était plutôt favorable.

M. Gilles Pedini a relevé l'hétérogénéité des entreprises publiques, certaines s'apparentant à des entreprises privées, tandis que d'autres restaient très proches de l'administration et n'étaient pas forcément « enclines à s'ouvrir ».

M. Antoine Brugidou a également souligné la diversité des entreprises publiques. Il a ainsi indiqué que si EDF offrait une bonne visibilité, d'autres entreprises publiques étaient « moins matures » en ce domaine. Il a fait valoir que l'intervention des cabinets de conseil pouvait faire craindre une prise de pouvoir des acteurs extérieurs, et ce d'autant plus que les entreprises se sentaient fragiles.

M. Maurice Blin a souhaité savoir si les cabinets de conseil travaillaient avec les arsenaux.

M. Antoine Brugidou a indiqué que son cabinet travaillait avec la Direction des constructions navales et a relevé le manque de transparence et la difficulté de pratiquer un audit de cette entreprise, compte tenu de l'absence de données dans certains domaines. Il a toutefois noté que ces difficultés résultaient d'une situation historique et que la direction générale avait la volonté de faire évoluer l'entreprise.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur la capacité de la Cour des comptes à remplir sa nouvelle mission de certification des comptes, telle que prévue par l'article 58 de la LOLF.

M. Marc Benayoun a attiré l'attention de la commission sur le risque existant, dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF, de ne pas donner aux responsables de programmes les moyens de leur action. Il a notamment souligné l'importance de la gestion des ressources humaines et la nécessité, pour ces responsables de programmes, de ne pas être « bloqués » par les contrôleurs financiers ou la direction générale de la comptabilité publique.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que les missions des contrôleurs financiers et des contrôleurs d'Etat devraient être revues. Il a par ailleurs souhaité que les commissaires des finances, ainsi que les fonctionnaires de la commission des finances, puissent se rendre dans les cabinets d'audit et de conseil afin de s'imprégner de leur méthode de travail et permettre ainsi aux rapporteurs spéciaux d'accomplir avec d'autant plus d'efficacité leur mission de contrôle budgétaire.

M. Alain Pons a estimé qu'une telle démarche était tout à fait envisageable, son cabinet recevant déjà des auditeurs de la Cour des comptes.

M. Maurice Blin a estimé qu'une telle initiative serait opportune.

En conclusion, M. Jean Arthuis, président, a relevé l'implication croissante des cabinets d'audit et de conseil dans le secteur public et souhaité que les voies d'une coopération, sous forme d'échange d'informations, entre ceux-ci et la commission des finances, soient étudiées de manière plus approfondie. Il a insisté sur la nécessité de définir un code de bonne pratique, sans mettre en difficulté les cabinets d'audit, afin qu'il n'y ait pas de restrictions à de tels échanges d'informations, et cela, au service d'une plus grande efficacité du contrôle budgétaire, qui demeurait de l'entière responsabilité de chaque rapporteur spécial.