Travaux de la commission des finances



- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Bureau de la commission - Désignation d'un secrétaire

Sur proposition de M. Jean Arthuis, président, la commission a, par acclamations, désigné Mme Fabienne Keller, comme secrétaire du bureau de la commission.

Délocalisations - Études extérieures

En introduction, M. Jean Arthuis, président, a rappelé que la commission des finances avait décidé, le 9 novembre 2004, de lancer deux études, confiées aux cabinets Katalyse et Ernst and Young, destinées à approfondir et à renouveler l'approche relative aux délocalisations. Il a donc invité les deux prestataires extérieurs à présenter les conclusions de leurs travaux.

Procédant à l'aide d'une vidéoprojection, M. Jean-François Lécole, président directeur général de la société Katalyse, a indiqué que l'étude menée par son cabinet visait à mettre en évidence les processus de mutation des organisations pouvant aboutir à des délocalisations de métiers de services, à évaluer le nombre d'emplois concernés dans les 5 prochaines années et à formuler des recommandations aux pouvoirs publics quant aux politiques pouvant avoir un impact sur les délocalisations des activités de services. Il a précisé que cette étude s'appuyait sur la réalisation de cent entretiens approfondis avec des dirigeants d'entreprises, répartis entre entreprises de services et entreprises industrielles, ainsi qu'entre grandes entreprises et PME, ainsi que sur l'exploitation de données statistiques. Détaillant les enseignements issus des entretiens, il a montré que le mouvement de délocalisation constituait le plus souvent un processus en deux temps, un grand nombre d'entreprises externalisant leurs activités de service, avant de pousser, par une pression accrue sur les prix, leurs sous-traitants à délocaliser. Il a souligné que les entreprises ayant délocalisé sans passer par un processus d'optimisation de leurs activités réalisaient, à l'usage, que les gains enregistrés grâce à cette délocalisation étaient inférieurs à ce qui était prévu. Il a expliqué que, dans la plupart des cas, une délocalisation n'était pas sous-tendue par une motivation unique, faisant valoir que trois motifs poussaient à délocaliser : l'accès à un marché en fort développement, la recherche de compétences et de flexibilité et la réduction des coûts. Il a ajouté qu'une masse critique d'emplois était nécessaire pour que l'entreprise ait intérêt à délocaliser, évoquant un seuil de 30 emplois. Il a noté que la délocalisation de métiers de services était souvent liée à celle d'une activité industrielle à laquelle ils étaient associés.

M. Jean-François Lécole a fait observer, par ailleurs, que les délocalisations prenaient trois formes : transfert d'un site vers un pays étranger (« délocalisation pure »), regroupement à l'étranger d'activités de services disséminées sur plusieurs sites en France (« délocalisation diffuse ») et localisation d'activités à l'étranger, alors qu'elles auraient pu l'être en France (non-localisation). Il a souligné la distorsion entre la réalité économique, marquée par un fort mouvement de non-localisations, et l'attention des media et de l'opinion publique, concentrée sur le phénomène des délocalisations pures. Il a chiffré le nombre d'emplois de services susceptibles d'être délocalisés à 202.000 sur la période 2006-2010, faisant valoir que cette statistique représentait 22 % de la création nette d'emplois salariés de 1999 à 2003. Au sein de ce total, il a évalué la part des délocalisations pures ou diffuses à 20 %, indiquant, ainsi, que le rapport était de un à cinq entre délocalisations pures ou diffuses et non-localisations. Détaillant ces chiffres, il a montré que plus de 90.000 des pertes d'emplois concernaient les services aux entreprises, l'informatique et la recherche-développement se trouvant également touchés, mais avec une proportion plus faible de délocalisations pures. Il a ajouté que, fort logiquement, les services dotés d'une forte composante de proximité n'étaient que très marginalement concernés par le phénomène de délocalisations.

M. Jean-François Lécole a enfin présenté une série de propositions visant à lutter contre les délocalisations. Il a préconisé, en premier lieu, d'accroître les compétences par une généralisation des pôles de compétitivité, une professionnalisation accrue des métiers de services, par exemple dans les centres d'appels, une incitation à l'apprentissage de l'anglais professionnel et le développement des métiers de services. Il a jugé nécessaire, en second lieu, d'améliorer la flexibilité et la mobilité dans la gestion des ressources humaines et a considéré que les entreprises étaient favorables à une expérimentation de la TVA sociale. Il a conclu en appelant à une rationalisation de l'approche des délocalisations, notamment par des travaux de recherche dans les écoles de gestion. Il a estimé que l'ensemble de ces préconisations pourrait conduire à sauvegarder ou créer 63.000 emplois sur les 202.000 qui risquaient d'être perdus dans les cinq années à venir du fait des délocalisations.

M. Didier Désert, directeur, représentant le cabinet Ernst & Young, procédant à l'aide d'une vidéo-projection, a présenté, ensuite, la seconde étude destinée à évaluer le lien entre l'évolution du mode de consommation des ménages et les décisions de délocalisations prises par les entreprises. Il a indiqué que cette étude s'était appuyée sur des analyses statistiques de la consommation des ménages, complétées par des entretiens avec des acteurs de la grande distribution et de l'industrie.

Il a d'abord décrit l'évolution du monde de la grande consommation montrant, d'une part, que l'offre de produits et de services allait en s'accroissant, en raison d'un allongement des horaires d'ouverture, d'une augmentation du nombre de magasins et de la généralisation du « hard discount », tandis que, d'autre part, du côté de la demande, la tendance était à une relative stagnation du pouvoir d'achat. Il a fait valoir que le décalage entre offre et demande conduisait à une hyper-concurrence entre les acteurs de la distribution et à une forte pression sur les prix. Il a jugé que cette tension sur les prix était d'autant plus forte que le consommateur s'avérait aujourd'hui peu sensible à l'origine géographique des produits, et que l'achat au moindre prix n'était plus, comme autrefois, le signe d'une moindre qualité, mais au contraire d'un achat intelligent. S'il a convenu, qu'en première analyse, la part des produits « délocalisables » dans le budget des ménages était plutôt en diminution, rappelant que la part du textile dans le « panier de la ménagère » avait ainsi chu, il a souligné que la forte sensibilité au prix de consommateurs ne faisant plus le lien « entre leurs achats et leurs emplois », constituait un accélérateur de délocalisations. Face à ce changement de comportement des consommateurs, il a fait valoir que les producteurs étaient amenés à surréagir, le dirigeant ayant le choix, dans ses décisions de gestion, entre la réalisation de gains de productivité, l'externalisation, la délocalisation et l'innovation. Il a expliqué que les gains de productivité avaient déjà été à la fois massivement suscités et préemptés par les 35 heures, et que les possibilités, dans ce domaine, étaient désormais très limitées. Il a rappelé, par ailleurs, que l'innovation constituait un processus de long terme, et que les entreprises, confrontées à des ruptures de plus en plus fréquentes de leur environnement, en raison notamment d'un Etat modifiant en permanence les règles du jeu, à commencer par les règles fiscales, étaient incitées à trouver des solutions de court terme. Il a montré que, parmi ces solutions de court terme, les délocalisations constituaient l'axe privilégié, car elles avaient un effet immédiat sur les marges des entreprises.

M. Didier Désert a terminé sa présentation par des pistes de réflexion en s'interrogeant sur le rôle joué par la grande distribution, sur la possibilité de favoriser la création d'emplois de services supplémentaires dans la grande distribution et sur les véritables concurrents de la France à chercher, selon lui, davantage parmi les autres pays industrialisés qu'au sein des pays émergents.

M. Jean Arthuis, président, a remercié les intervenants pour la qualité de leurs travaux, indiquant que ceux-ci s'étaient attachés à mettre en perspective le point de vue des acteurs économiques. Il a détaillé la méthode qu'il allait préconiser à la commission de suivre. Il a souhaité que les premières tendances et orientations ainsi dégagées puissent être confirmées, ou infirmées le cas échéant, par la mise en place d'un cycle d'auditions permettant à la commission d'entendre des chefs d'entreprise, des responsables syndicaux et des universitaires. Puis il a préconisé que, dans un second temps, la commission puisse aller à la « rencontre du terrain »  par l'organisation de déplacements tant en France qu'à l'étranger. A ce titre, il a rappelé qu'une délégation de la commission se rendrait ainsi, sous réserve de l'accord du Bureau du Sénat, en Inde, du 17 au 24 avril prochain, afin de mieux appréhender le phénomène des délocalisations, notamment celles concernant les services.

Un large débat s'est alors engagé.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est félicité que ces deux études permettent de sortir des simples impressions et des polémiques sur le phénomène des délocalisations. Il a jugé que, en matière de délocalisation, on avait trop longtemps raisonné sur les seuls emplois industriels, ce qui avait conduit à lancer une réforme de la taxe professionnelle qu'il conviendrait maintenant de pouvoir conduire à son terme, alors que les services étaient également au coeur de la mondialisation. Il a remarqué, par ailleurs, le rôle stratégique de la grande distribution dans la nouvelle organisation des marchés, soulignant l'ambivalence d'une évolution qui avait conduit à l'émergence de « champions » français à l'international, et à un impact pour le moins discutable sur les producteurs nationaux. Il a interrogé les deux intervenants sur la nécessité d'assouplir la loi « Galland ». Il s'est demandé, par ailleurs, si la grande distribution n'était pas devenue, elle-même, un enjeu de localisation d'activités. En ce qui concernait les pôles de compétitivité, il a jugé que ceux-ci constituaient une réponse limitée, alors que le lien entre recherche, industries et collectivités avait vocation à se renforcer sur l'ensemble du territoire. Enfin, il a montré tout l'intérêt d'une taxation accrue de la consommation et de l'introduction de la TVA sociale, celle-ci permettant une prise en compte dans les échanges internationaux des caractéristiques des systèmes sociaux de chaque pays, déclarant que ce point constituerait le « fil d'Ariane » de futurs débats.

M. Jean Arthuis, président, a également fait valoir l'intérêt d'une TVA sociale, ne pesant pas, contrairement aux charges sociales, sur le prix des produits exportés.

En réponse aux remarques de M. Philippe Marini, rapporteur général, M. Jean-François Lécole s'est déclaré persuadé de l'opportunité de développer les pôles de compétitivité, au-delà même de l'appel d'offres actuellement lancé par le gouvernement, soulignant le retard considérable de la France en ce qui concernait la coopération entre l'industrie et la recherche. Il a indiqué par ailleurs que la TVA sociale, pour ceux des chefs d'entreprises qui en connaissaient les modalités, recevait de leur part un accueil plutôt favorable.

M. Didier Désert, évoquant la grande distribution, a montré que celle-ci ne correspondait pas à un modèle franco-français, et qu'elle pouvait tout autant être considérée comme la source de l'évolution des modes de consommation des ménages, que comme sa résultante. Il a mis en exergue la différence de comportement, en termes de marges, entre les grands groupes de distribution qui avaient financé leur développement international grâce à leur position sur le marché français, et les entreprises indépendantes qui avaient capté les bénéfices à leur seul profit. En ce qui concernait la TVA sociale, il a souligné que l'impact de cette mesure dépendait de l'élasticité de la consommation au prix et que l'effet sur l'épargne était vraisemblablement négatif.

M. François Marc a considéré que les deux études étaient utiles en ce qu'elles montraient que les entreprises obéissaient à un processus de décision rationnelle, et que, de ce point de vue, la différence de coût n'était pas le facteur essentiel dans leur choix de localisation. Il a souhaité obtenir des précisions sur les pressions s'exerçant sur les entreprises et sur l'échantillon retenu pour la première étude.

En réponse, M. Didier Désert a souligné que les chefs d'entreprises étaient confrontés, à la fois à la demande de leurs salariés visant à obtenir une amélioration de leurs conditions salariales, à celle de leurs actionnaires pour une augmentation de leurs dividendes et enfin à celle de leurs clients souhaitant des baisses de prix, jugeant dès lors que cette situation de « tyrannie du court terme » les amenait à prendre des mesures d'adaptation rapides, au nombre desquelles figurait la délocalisation d'activités.

M. Jean-François Lécole a précisé que son échantillon de 100 entreprises n'avait pas prétention statistique, mais qu'il permettait une approche qualitative, la plus à même, selon lui, de cerner un phénomène aussi complexe que les délocalisations. Il a indiqué, en effet, qu'en la matière, rien ne valait le témoignage des chefs d'entreprise.

M. Maurice Blin, après s'être félicité de l'initiative que la commission avait prise, a rappelé qu'il y avait 30 ou 40 ans, le gouvernement avait soutenu le développement des grandes surfaces afin de limiter la progression des prix. Il a souhaité souligner la nécessité de développer les marques françaises à l'international. Il s'est inquiété de l'impact des délocalisations sur la recherche, qui lui paraissait une activité stratégique pour notre pays. Il a évoqué, enfin, le poids des charges sociales et leur relation au coût du travail.

Evoquant la question de la recherche et développement, M. Jean-François Lécole a indiqué que, dans ce secteur, 20.000 emplois seraient concernés par les délocalisations au cours de la période 2006-2010. Il a cité l'exemple d'une société spécialisée dans la micro-électronique qui avait délocalisé au Maghreb, 1.000 emplois correspondant à des activités de recherche et développement banalisées.

M. Aymeri de Montesquiou, après avoir indiqué que la TVA sociale permettrait de « relocaliser la fiscalité », a observé que le phénomène de délocalisation concernait l'ensemble des pays industrialisés, citant l'exemple de la délocalisation d'emplois de la Silicon Valley vers l'Inde ou la Chine. Il s'est interrogé sur l'effet de la baisse du dollar sur les prix à la consommation.

En réponse, M. Jean-François Lécole a indiqué que la baisse du dollar avait, en définitive, un effet déflationniste, car la baisse des prix ne conduisait pas nécessairement à une augmentation globale de la consommation.

M. Jean-Jacques Jégou a souligné le grand intérêt des deux présentations et mis en avant plusieurs échecs d'entreprises ayant délocalisé. Il a considéré que le nombre d'emplois susceptibles d'être délocalisés était faible au regard du nombre d'emplois de services de proximité susceptibles d'être créés.

En réponse, M. Jean-François Lécole a reconnu que la délocalisation d'activité supposait, d'une part, que les services soient opérables à distance, et d'autre part, qu'il existe une masse d'emplois significative. Il a jugé que la perte de 200.000 emplois sur 5 ans, en raison des délocalisations, constituait, pour la France, un chiffre important au regard du taux de chômage.

M. Yves Fréville a fait remarquer que la distinction traditionnelle entre secteurs exposés à la concurrence et secteurs abrités s'estompait progressivement. Il a observé que les spécialisations des différents pays évoluaient très rapidement, citant le cas de la disparition de l'avantage comparatif de la France en matière de logiciels. Il a marqué sa préférence pour une amélioration des points forts de la France, comme la qualité des écoles d'ingénieurs, plutôt que de tenter de sauver à tout prix les « canards boiteux ». Il a exprimé enfin ses réticences en ce qui concernait la TVA sociale, jugeant que le surplus de marge de manoeuvre lié à cette réforme fiscale pouvait être annulé par les variations erratiques des taux de change évoquant, à ce titre, celles du yuan. Il a souhaité que soit étudiée la chaîne de réactions des prix-salaires que pourrait susciter l'introduction, selon des modalités restant encore à définir, d'une TVA sociale.

En réponse, M. Jean-François Lécole a indiqué, s'agissant de l'éventuelle introduction d'une TVA sociale, que les économies réalisées par les entreprises en matière de charges sociales devraient avoir un effet positif sur les prix, sauf accroissement du taux de marge.

Mme Nicole Bricq a souligné le lien majeur entre innovation et compétitivité, jugeant nécessaire un investissement supplémentaire des entreprises dans la recherche et développement. Elle a mis en avant le point commun aux deux études, à savoir que la véritable concurrence ne se jouait pas véritablement avec les pays émergents, mais plutôt avec les autres pays industrialisés.

En réponse, M. Didier Désert a montré tout l'intérêt d'introduire, dans l'industrie, une dimension de services.

M. Denis Badré a estimé  que le débat allait se révéler passionnant, puis, évoquant sa mission relative à l'expatriation des compétences des capitaux et des entreprises, dont il avait été le président, a souligné le lien entre délocalisation des capitaux et délocalisation des talents. Il s'est demandé si les entreprises avaient encore une nationalité. En ce qui concernait la directive « Bolkestein » introduisant la notion du pays d'origine dans le secteur des services, il a considéré que celle-ci changeait la manière de faire l'Europe, et constituait une réglementation porteuse de délocalisation.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité, à ce sujet, mieux intégrer dans les travaux des commissions, au travers de l'examen des projets de directives, la dimension communautaire.

M. Paul Girod s'est montré convaincu de l'intérêt pour les entreprises de grande distribution de proposer davantage de services à leurs clients.

Mme Fabienne Keller a souligné la profondeur du phénomène de délocalisation en cours, évoquant un récent voyage en Chine et sa visite d'une usine spécialisée dans la téléphonie. Elle a montré que, pour cette entreprise, la Chine constituait son centre de production et son centre de recherche et développement à l'échelle mondiale. Elle a indiqué que la Chine produisait ainsi, aujourd'hui, quatre fois plus d'ingénieurs que l'ensemble des pays de l'Union européenne.

M. Jean Arthuis, président, en écho, a fait observer que la mutation était profonde et que l'on assistait, dans certains territoires, à des stratégies de disparition des entreprises et des emplois, via la filialisation et l'externalisation. Il a remercié les deux cabinets de conseils pour leurs travaux et présenté, en conséquence, un programme d'auditions de chefs d'entreprise, de syndicalistes et d'experts sur les délocalisations que la commission allait mener.

Au terme d'un débat dans lequel sont intervenus MM. Jean Arthuis, président, Maurice Blin, Yves Fréville, Jean-Jacques Jégou, Mmes Nicole Bricq et Fabienne Keller, la commission a donné acte au président de sa démarche et approuvé le programme d'auditions relatif aux délocalisations, en décidant de l'ouverture à la presse de ces auditions, sous réserve de l'accord des personnalités auditionnées.

Jeudi 10 mars 2005

- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Enseignement - Loi d'orientation pour l'avenir de l'école - Examen du rapport pour avis.

M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis, a tout d'abord rappelé que la commission des finances s'était saisie pour avis du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école en raison des objectifs prévus par ce texte, qui faisaient écho aux objectifs et indicateurs envisagés dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), et figurant, à ce titre, au sein de la mission « enseignement scolaire ».

Il a également souligné que l'intervention de la commission était indispensable, compte tenu des engagements financiers et des moyens humains que requérait la mise en oeuvre d'un certain nombre de dispositions figurant au sein du projet de loi d'orientation.

M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis, a ensuite rappelé que si le caractère législatif de plusieurs dispositions du projet de loi avait pu être contesté, il était normal que le Parlement se prononçât sur le premier budget de l'Etat et sur ce qui était, selon lui, une des plus importantes missions de la Nation.

Il a précisé, ensuite, que le projet de loi tendait à recadrer les objectifs et les missions de l'enseignement scolaire, ainsi qu'à définir un socle commun de compétences et de connaissances. Il a fait état d'un enrichissement des connaissances traditionnelles enseignées aux élèves par des connaissances plus pointues en langues étrangères et dans le domaine des nouvelles technologies de l'information et des communications.

Il a insisté sur l'aide personnalisée aux élèves qui était proposée par le présent projet de loi, en relevant que cette mesure correspondait à une évolution par rapport à l'aspect « territorial » ou « de zonage » de certaines politiques éducatives jusqu'ici engagées.

Il a également indiqué que le présent projet de loi comportait des dispositions relatives à la formation des maîtres et s'est félicité de la création d'un Haut conseil de l'éducation, susceptible de porter un regard objectif sur le système éducatif français.

Après avoir rappelé la hausse régulière du budget de l'éducation nationale, dont la part dans le budget de l'Etat était passée de 17,65 % à 19,67 % depuis 1995, M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis, a fait état du caractère insatisfaisant des performances du système scolaire français. Il a ainsi observé que, depuis le milieu des années 90, le taux d'accès au baccalauréat d'une classe d'âge s'était stabilisé autour de 70 % et que le nombre de jeunes jugés en difficultés ne diminuait pas. Il a ajouté que les comparaisons internationales, telles que l'étude PISA (programme international de suivi des acquis) réalisée dans le cadre de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), accréditaient l'idée selon laquelle il était nécessaire de s'interroger sur les performances du système scolaire français.

Il a ensuite évoqué l'ampleur de la consultation nationale qui avait été réalisée dans le cadre des travaux de la commission dite « Thélot », jugeant très positive l'appropriation de ce débat par l'ensemble des Français.

M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis, a ensuite indiqué que le coût de la mise en oeuvre des préconisations du « rapport Thélot » se serait élevé à plus de 8 milliards d'euros au total, alors que les dépenses prévues par le présent projet de loi représentaient, selon le ministre, une somme de 2 milliards d'euros.

Il a expliqué que le coût élevé des propositions du « rapport Thélot » aurait essentiellement résulté de la création d'un statut de lycéen professionnel, de la mise en place de la formation en alternance des enseignants sur deux ans, de l'allongement de la durée de présence des enseignants dans les établissements et de la réforme des fonctions de direction dans l'enseignement primaire et secondaire.

Il a, ensuite, détaillé l'impact financier des principales mesures du projet de loi, telles que le renforcement de l'enseignement des langues étrangères, la mise en place des heures de soutien, l'augmentation du nombre d'infirmiers comme celui des classes relais et des unités pédagogiques d'intégration des élèves handicapés, le développement des bourses au mérite et la mise en place d'un crédit d'heures de formation pour les enseignants. Il a observé que l'amélioration du remplacement de courte durée pourrait avoir un coût élevé, qui pouvait varier sensiblement selon les hypothèses retenues quant au nombre d'heures supplémentaires qui seraient effectuées dans ce cadre. Au total, il a estimé que le coût annuel de ces mesures pouvait être compris entre 500 et 600 millions d'euros.

Par ailleurs, M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis, a relevé que l'évolution du budget de l'éducation nationale avait un caractère contraint, compte tenu de l'importance des charges de pension, dont la variation annuelle avait ainsi expliqué plus de 80 % de la hausse du budget de l'éducation nationale dans la loi de finances pour 2005. Compte tenu de l'absence actuelle de marges de manoeuvre budgétaire, il a souligné la nécessité d'optimiser la gestion du système, afin de réduire, notamment, le nombre des professeurs surnuméraires et de rationaliser l'offre d'options dans les bassins de formation.

M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis, a ensuite exposé les objectifs proposés par le projet de loi en matière de performance, en distinguant des objectifs généraux et des objectifs intermédiaires.

Il a précisé que l'objectif visant à atteindre 100 % de jeunes sortant de formation avec un diplôme ou une qualification reconnue était un objectif très ambitieux et qu'il était, peut-être, nécessaire de fixer des étapes intermédiaires. S'agissant de l'objectif visant à porter 80 % d'une classe d'âge au niveau du baccalauréat, il a observé que cela impliquait, à paramètres constants, une augmentation de 75.000 bacheliers. S'agissant de l'objectif tendant à permettre à 50 % d'une classe d'âge diplômée de l'enseignement supérieur, il a indiqué que cet objectif pouvait dépendre du choix de la filière dans l'enseignement secondaire, et a fait état, à ce sujet, des différences de taux de réussite entre les bacheliers généraux, technologiques et professionnels.

Il a ensuite passé en revue les objectifs intermédiaires placés à la fin du rapport annexé au présent projet de loi, en précisant que les objectifs visant à augmenter le pourcentage d'élèves germanistes ou suivant des cours de langues anciennes, tout comme l'objectif relatif à la maîtrise des nouvelles technologies par les élèves, étaient raisonnables. Il a également souscrit à l'objectif d'augmenter la proportion de bacheliers issus de catégories socio-professionnelles défavorisées grâce au développement des bourses au mérite prévu par le présent projet de loi. Il a, toutefois, émis quelques réserves quant aux objectifs relatifs à l'amélioration des effectifs des filières scientifiques hors formation santé, en constatant, notamment, la désaffection dont faisaient actuellement l'objet ces séries et l'attrait que pouvaient avoir les formations « santé » depuis l'augmentation du « numerus clausus ». Il a, enfin, remarqué que l'objectif concernant l'augmentation du nombre d'apprentis dans les lycées pouvait éventuellement être en contradiction avec l'objectif visant à conduire davantage de jeunes vers l'enseignement supérieur.

M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis, a enfin abordé la question de l'évaluation dans l'enseignement, en constatant qu'elle restait difficile, que ce soit pour les élèves ou pour les enseignants. Il s'est, notamment, interrogé sur la manière d'évaluer les élèves lors de leur année de terminale. S'agissant des enseignants, il a relevé que le présent projet de loi affirmait la liberté pédagogique en même temps qu'il créait un conseil pédagogique au sein des établissements. Il a affirmé que l'éducation nationale ne pouvait pas faire l'économie d'une réflexion sur la responsabilité de l'enseignant par rapport à ses élèves et du chef d'établissement par rapport à son établissement.

M. Jean Arthuis, président, a félicité le rapporteur pour avis pour la qualité de sa présentation.

Un large débat s'est ensuite instauré.

M. Jacques Baudot a souhaité savoir quelle était la formation des chefs d'établissement et si le recrutement de ces personnels était tourné vers la recherche de gestionnaires.

En réponse, M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis, a souligné que le présent projet de loi ne traitait pas de ces questions spécifiques, mais au demeurant essentielles.

Il a observé que la formation des chefs d'établissement s'effectuait essentiellement « sur le terrain » et qu'il était nécessaire de distinguer les chefs d'établissement de l'enseignement secondaire, qui occupaient ces fonctions à plein temps, des directeurs d'école, qui assuraient des heures d'enseignement en sus de leur charge administrative, lorsque l'école primaire concernée ne dépassait pas une certaine taille. Ainsi, il a estimé qu'il était certainement plus aisé de professionnaliser la fonction de chef d'établissement que celle de directeur d'école. Il a également remarqué que les chefs d'établissement étaient majoritairement d'anciens professeurs, dont les motivations pour accéder aux postes de principal ou de proviseur pouvaient varier.

S'agissant des fonctions de direction dans les établissements, M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis, a précisé qu'il souhaitait déposer un amendement tendant à mettre en place une expérimentation dans les lycées d'enseignement professionnel, afin que la présidence de leurs conseils d'administration puisse, à l'instar des lycées d'enseignement agricole, être exercée par une personnalité extérieure, distincte du chef de l'établissement. Tout en précisant la particularité des établissements d'enseignement agricole, notamment du fait des ressources procurées par l'apprentissage, il a souligné que ce dédoublement fonctionnel donnait de bons résultats dans l'enseignement agricole.

En réponse à M. Marc Massion qui souhaitait savoir comment prendre en compte les résultats des élèves dans l'évaluation des enseignants sans négliger certaines différences structurelles entre les établissements, M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis, a souligné qu'il s'agissait d'étudier l'évolution des progrès des élèves, les résultats bruts tels qu'ils étaient, par exemple, fournis par les palmarès de réussite au baccalauréat n'étant pas des données pleinement satisfaisantes pour apprécier le travail des enseignants.

Après avoir relevé les contraintes qui pesaient sur le budget de l'éducation nationale, Mme Nicole Bricq s'est inquiétée des modalités de financement des dispositions prévues par le présent projet de loi.

Après avoir souligné l'importance des arbitrages budgétaires en matière d'éducation, M. Jean Arthuis, président, a relevé la nécessité de bien identifier les fonctions de direction au sein des établissements et de les rendre effectives. Il a, par ailleurs, estimé que ces fonctions devaient être occupées par des personnels ayant de l'expérience, notamment en ce qui concerne les directions d'école, trop souvent confiées, par défaut, à des jeunes enseignants. Il a souhaité que la question relative aux fonctions de direction puisse devenir, à l'avenir, un sujet prioritaire dans le cadre de l'amélioration de l'efficacité du système scolaire.

Il a, également, abordé la question de l'optimisation de la gestion du système éducatif français, en souhaitant que le nombre de professeurs surnuméraires puisse être réduit et en soulignant que la scolarisation des enfants âgés de 2 ans conduisait à employer des maîtres dont la place devait davantage se situer devant des classes de niveau supérieur. Il a enfin rappelé que l'éducation devait être un domaine prioritaire d'action.

M. Henri de Raincourt a souhaité qu'un bilan puisse être dressé quant au nombre d'enseignants ne se trouvant pas devant des élèves et a évoqué les travaux menés par la Cour des comptes en matière de recensement des effectifs.

La commission a, ensuite, procédé à l'examen des amendements présentés par M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis.

La commission a tout d'abord adopté un amendement tendant à préciser l'intitulé du projet de loi en le dénommant « projet de loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école ».

A l'article 8 (rapport annexé), la commission a adopté 13 amendements portant sur le rapport annexé.

Elle a adopté un amendement visant à préciser que le volume du recrutement des enseignants prenait en compte les évolutions démographiques scolaires, un amendement tendant à compléter la programmation du renforcement de l'enseignement des langues étrangères dans l'enseignement secondaire en précisant le coût du recrutement programmé.

Elle a également adopté un amendement rédactionnel.

Elle a adopté deux amendements visant à « déplacer » deux objectifs de la seconde partie du rapport annexé vers la première partie de ce rapport.

La commission a adopté un amendement tendant à insérer un objectif dans la liste de la seconde partie du rapport annexé, relatif à la diminution de la proportion d'élèves sortant sans qualification du système éducatif.

Après l'intervention de M. Jean Arthuis, président, la commission a adopté un amendement relatif à l'augmentation du taux des étudiants réussissant leur première année d'études en premier cycle universitaire.

Après l'intervention de Mme Nicole Bricq, la commission a adopté 6 amendements ayant pour objet de programmer le coût de la mise en oeuvre dans l'enseignement agricole, des heures de soutien personnalisé, du développement des bourses de mérite, de l'augmentation du nombre d'infirmiers, de l'augmentation du nombre d'unités pédagogiques d'intégration, du crédit d'heures de formation, et du renforcement de l'enseignement des langues étrangères.

Elle a également adopté un amendement portant article additionnel après l'article 21, tendant à ce que les conseils d'administration des lycées d'enseignement agricole puissent, à titre expérimental, être présidés par une des personnalités extérieures membres de ces conseils, sur le modèle des lycées d'enseignement agricole.

Enfin, après l'intervention de M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis, la commission a adopté à l'article 25 un amendement visant à préciser les missions des corps d'inspection dans leur travail d'évaluation des personnels enseignants.

La commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption de l'ensemble du projet de loi ainsi amendé.