Travaux de la commission des finances



- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Audiovisuel - Le financement des télévisions locales - Communication

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a, tout d'abord, entendu une communication de M. Claude Belot, rapporteur spécial, sur le financement des télévisions locales.

M. Claude Belot, rapporteur spécial, a justifié le choix d'étudier le financement des télévisions locales par l'importance des changements intervenus dans ce domaine, plus nombreux en l'espace de trois à quatre ans qu'au cours du demi-siècle écoulé.

Il a mis en exergue, tout d'abord, le retard de la France, par rapport aux autres pays industrialisés, dans le développement des télévisions de proximité. Il a jugé cette situation d'autant plus paradoxale que les télévisions locales avaient su trouver leur place et présenter un modèle économique dans les autres pays développés et qu'elles avaient également fait leurs preuves, par ailleurs, dans les quelques grandes agglomérations françaises où elles avaient d'ores et déjà émergé.

Il a caractérisé ce succès par le niveau élevé (jusqu'à 80 %) de taux d'audience cumulé, lequel mesure non pas l'audience instantanée à un moment donné, mais l'audience cumulée d'une même émission faisant l'objet d'une multi-diffusion sur les chaînes de télévision locale.

Il a justifié ce retard français par l'importance du phénomène de centralisation, alors que les décrochages régionaux de France 3 et de M6 ne répondaient pas pleinement aux attentes des téléspectateurs en termes de proximité et d'enrichissement de la vie locale. Aussi bien a-t-il souhaité que la France effectue un véritable choix fondateur en faveur du développement des télévisions locales.

Par ailleurs, l'absence de cadre publicitaire incitatif, d'une part, et les restrictions aux interventions des collectivités territoriales, d'autre part, lui sont apparues comme des obstacles en France à l'essor des télévisions locales, alors même qu'il convenait, selon lui, de mieux utiliser les fréquences disponibles.

Dans ce cadre, il a souligné la volonté d'implication de certains élus locaux dans le développement de télévisions de proximité sur le câble, avant l'obtention éventuelle d'une fréquence analogique hertzienne, s'agissant par exemple de TLT à Toulouse. Il a également observé l'implication d'entreprises présentes localement, par exemple dans le secteur de l'eau et de l'assainissement. Il a noté que ces mêmes groupes s'étaient alors implantés dans le secteur audiovisuel national.

M. Claude Belot, rapporteur spécial, s'est toutefois félicité des évolutions récentes du paysage audiovisuel, alors que plusieurs parlementaires avaient déposé des amendements pour clarifier l'intervention des collectivités territoriales, notamment par la création de sociétés d'économie mixte et par le soutien à la production locale. S'il a observé que ces amendements n'avaient pas reçu d'avis favorable du gouvernement dans un premier temps, il a apprécié que ces démarches aient finalement abouti depuis 2002. A ce titre, il a mis en avant l'impact de la production audiovisuelle locale sur les emplois dans les départements et du point de vue de la création artistique.

En outre, il a estimé que les évolutions technologiques offraient de nouvelles possibilités de diffusion pour les télévisions locales. D'une part, il a déploré que les chaînes de proximité ne figurent pas encore parmi les chaînes gratuites de la télévision numérique terrestre (TNT), en notant que celles-ci ont été attribuées en priorité aux groupes les plus puissants financièrement. Il a précisé avoir fait part de ses attentes au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), lors des auditions qu'il avait menées, en jugeant improbable le refus prolongé de fréquences locales sur la TNT. D'autre part, il a estimé que la télévision par ADSL, accessible par prise téléphonique, devrait se généraliser sur l'ensemble du territoire français à moyen terme.

M. Claude Belot, rapporteur spécial, a présenté ensuite les caractéristiques économiques des différentes catégories de télévisions locales. Il a ainsi jugé nécessaire l'intervention des collectivités publiques pour une aide au démarrage, alors que le budget minimum d'une télévision analogique s'élevait entre 1 et 2 millions d'euros, et que les télévisions de pays, telles que TLP Luberon et Télé Sud Vendée, présentaient un budget annuel de l'ordre de seulement 200.000 euros.

Il a expliqué cette relative faiblesse des coûts par des obligations moindres de production de programmes « frais », c'est-à-dire de programmes hors rediffusion, les télévisions de ville étant généralement tenues de produire une à deux heures de programmes « frais » par jour. Il a toutefois évoqué le risque d'une explosion des coûts de programmation si les télévisions locales voulaient copier les chaînes nationales.

Au regard du niveau des dépenses, il a observé que, sous la pression de la Commission européenne, la levée des interdictions de publicité télévisée dans le secteur de la distribution - hors campagnes de promotion - avait été opérée en deux temps : d'abord au profit de certaines catégories de chaînes, dont les télévisions locales, depuis le 1er janvier 2004 ; dans un second temps, à compter du 1er janvier 2007, pour l'ensemble des chaînes de télévision, y compris nationales. Il a relevé qu'étaient ainsi réunies les conditions d'un essor des ressources publicitaires des télévisions de proximité, au moins jusqu'au 1er janvier 2007.

Dans ce contexte, il a salué les démarches entreprises par plusieurs télévisions d'opérer une syndication des ressources publicitaires nationales, afin d'attirer davantage cette catégorie d'annonceurs.

Dans le cadre des appels à candidature lancés par le CSA pour l'attribution de fréquences hertziennes aux chaînes locales, il a souligné la présence systématique ou quasi systématique de plusieurs groupes : Socpresse et France-Antilles s'agissant de la presse quotidienne régionale (PQR), mais aussi les groupes AB et Urbi TV. Il a interprété l'intérêt nouveau de ces acteurs comme un indicateur de la viabilité financière des télévisions locales.

M. Claude Belot, rapporteur spécial, a conclu cet état des lieux en exprimant sa conviction que des adaptations pratiques et réalistes, au coût limité, pouvaient garantir l'essor des télévisions de proximité nécessaires à la vie démocratique locale. Il a alors fait état des préconisations qu'il développerait dans le cadre de son rapport écrit.

Il a ainsi proposé que, dans le cadre du réaménagement des fréquences lié au passage à la TNT, il soit fixé un plafond en euros des dépenses restant à la charge des télévisions locales, selon un barème qui tiendrait compte du chiffre d'affaires des chaînes.

Il a souhaité assurer la présence des télévisions locales parmi les chaînes gratuites de la TNT, en préemptant au besoin une partie des futures fréquences disponibles grâce aux progrès des normes de diffusion.

Il a ensuite appelé à encourager une procédure de labellisation des télévisions locales d'après leur programmation. A ce titre, suite à une intervention de M. Jean Arthuis, président, il a précisé que cette compétence serait du ressort du CSA.

Il a également proposé de permettre aux collectivités territoriales d'obliger les câblo-opérateurs à offrir du temps d'antenne et du matériel aux télévisions locales associatives.

Afin de créer également des télévisions locales en Ile-de-France, il a suggéré, soit d'adopter une nouvelle définition des télévisions locales qui desserviraient des zones comptant jusqu'à douze millions d'habitants, soit que le CSA lance des appels à candidatures en Ile-de-France.

Puis il s'est déclaré favorable à la reconnaissance des versements aux associations de téléspectateurs comme des dons ouvrant droit à réduction d'impôt.

Afin d'élargir le champ de la publicité institutionnelle pour les télévisions locales, il a souhaité qu'elles soient aussi le support des campagnes d'information gouvernementale.

Il a proposé d'affecter une part du produit de la redevance audiovisuelle au financement des télévisions locales à caractère public ou associatif. Il a précisé que cette part serait réduite, de l'ordre de 2 % du produit total de la redevance, afin de ne pas bouleverser les équilibres actuels.

Il a ensuite appelé à généraliser le principe d'une redevance des câblo-opérateurs aux télévisions locales du câble.

Il a envisagé la création d'un fonds d'amorçage des télévisions locales, transitoire, lequel serait autofinancé grâce à l'amélioration du recouvrement des taxes sur le hors-média et la publicité télévisée. Il a ajouté que ce fonds pourrait constituer une nouvelle section de l'actuel fonds de soutien à l'expression radiophonique, dans le but de ne pas créer de nouvelles structures.

Enfin, il a souhaité réserver aux seules télévisions locales, dans un premier temps, la levée de l'interdiction de publicité télévisée pour la grande distribution dans le cadre des campagnes de promotion, afin qu'elles continuent à bénéficier d'un avantage comparatif, après le 1er janvier 2007, par rapport aux télévisions nationales.

M. Jean Arthuis, président, a remercié M. Claude Belot, rapporteur spécial, pour son exposé, et déclaré partager sa conviction que les télévisions locales contribueraient à l'enrichissement du paysage audiovisuel.

Un large débat s'est ensuite instauré.

M. Maurice Blin s'est interrogé sur les facteurs culturels du retard de la France, pays de tradition centralisatrice, dans le développement des télévisions locales, ainsi que sur l'apport éventuel des décrochages régionaux de France 3 et de M6. Il s'est également demandé si la presse quotidienne régionale pouvait contribuer à dynamiser fortement l'essor des télévisions de proximité.

M. Claude Belot, rapporteur spécial, a répondu que l'opposition biséculaire entre Girondins et Montagnards trouvait tout son sens pour expliquer le retard français. Il a cependant relevé le succès des chaînes de proximité même dans les Etats de tradition centralisatrice, ainsi que dans les agglomérations françaises qui bénéficiaient déjà de l'implantation d'une chaîne analogique, à l'instar de la région bordelaise sur laquelle émettait TV7 Bordeaux.

Dans ce contexte, il a rappelé qu'en début d'année 2005, 5 millions de téléspectateurs étaient déjà desservis par une télévision locale analogique, ce nombre étant appelé à doubler au cours de l'année 2005, compte tenu du lancement de nouvelles chaînes.

Il a enfin déploré que les décrochages régionaux de France 3 couvrent des zones plus larges que celles auxquelles s'identifiaient les habitants de ces territoires.

Mme Marie-France Beaufils a souhaité disposer de précisions sur les décrochages régionaux de France 3 et de M6. En outre, elle a relevé les besoins budgétaires des chaînes locales, pour s'interroger sur l'opportunité de partager une partie du produit de la redevance audiovisuelle avec les télévisions de proximité, ainsi que sur la viabilité de tels projets de télévisions locales.

M. Claude Belot, rapporteur spécial, a observé que M6 avait mis en place des décrochages régionaux en partenariat avec la presse quotidienne régionale, et que la télévision française était handicapée par les coûts.

Il a souligné que la partie de la redevance audiovisuelle qui pourrait être affectée aux télévisions locales serait réservée aux seules chaînes ayant un statut public, ainsi qu'aux télévisions associatives qui pouvaient être assimilées aux radios gérées par des associations.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité connaître les réactions de la presse quotidienne régionale à l'ouverture des secteurs interdits de publicité télévisée, en particulier dans le domaine de la grande distribution.

M. Claude Belot, rapporteur spécial, a souligné la nécessaire évolution de la presse quotidienne régionale, souvent en situation de monopole local, en observant que sa participation à l'essor de télévisions locales traduisait un souhait de diversification, à l'instar de son choix d'être associée au développement des quotidiens gratuits d'information.

M. Jean Arthuis, président, a noté que les coûts relativement élevés de production qui étaient ceux des télévisions nationales en France pouvaient constituer un facteur incitatif à la délocalisation de la production.

M. Paul Girod a proposé que les télévisions locales soient intégrées dans les réseaux d'alerte en cas de risques terroristes ou technologiques.

M. Claude Belot, rapporteur spécial, a convenu qu'il s'agissait d'une des missions pouvant incomber aux télévisions locales, qui pouvaient exercer plus largement une mission d'information urgente des populations.

M. Michel Charasse a exprimé sa conviction quant à la possibilité de diminuer les coûts de fonctionnement des télévisions publiques nationales.

M. Jean Arthuis, président, a remercié les intervenants pour la qualité des informations fournies et la richesse du débat.

La commission a ensuite donné acte, à l'unanimité, à M. Claude Belot, rapporteur spécial, de sa communication et décidé d'en autoriser la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Economie - Délocalisations - Communication

La commission a ensuite entendu une communication de M. Jean Arthuis, président, sur la globalisation de l'économie et les délocalisations d'activités et d'emplois.

M. Jean Arthuis, président, a tout d'abord indiqué que la globalisation de l'économie était devenue synonyme, pour un nombre croissant de salariés et de chefs d'entreprise, de délocalisations d'activités et d'emplois hors du territoire national. Il a ajouté que l'écart entre la réalité vécue par les Français et les analyses macroéconomiques nuançant, relativisant voire minimisant le phénomène, ou le prenant en compte avec retard, étaient à la source d'un malaise profond dans notre pays, rarement atteint par le passé. Il a observé que les débats sur le « projet de Constitution européenne », et le vote du 29 mai 2005, en constituaient, selon lui, un symptôme saisissant.

Il a ensuite signalé qu'à défaut d'avoir pu ou su correctement analyser l'accélération de la mondialisation, nombre d'expertises avaient « jeté un voile » sur la réalité des délocalisations, et que gouvernements et citoyens, entreprises, syndicats et salariés, producteurs, distributeurs et consommateurs avaient différé la mutation indispensable de la France, sur le plan économique, fiscal et social, et laissé subsister les contradictions et archaïsmes français, rendant plus difficile et plus douloureuse l'adaptation à la globalisation du « modèle social français ». Il a ajouté que le refus de « voir les délocalisations en face » avait paradoxalement alimenté les peurs actuelles et cristallisé les inquiétudes d'un monde du travail touché par la fragilisation des entreprises, l'évocation de la mondialisation étant devenue profondément anxiogène dans l'esprit des Français.

Par ailleurs, il a considéré que les délocalisations ne constituaient pas une fatalité si la globalisation était prise au sérieux et que la communication qu'il présentait devant la commission s'efforçait de répondre à ce besoin, en appréhendant avec exhaustivité, chiffres à l'appui, les délocalisations à venir dans les services, en analysant les ressorts du phénomène liés à l'évolution du mode de consommation des ménages et en bousculant les idées reçues en matière fiscale et sociale, afin de permettre au modèle français de fonctionner en économie globalisée.

M. Jean Arthuis, président, a précisé que dire la réalité des délocalisations obéissait avant tout à une exigence de vérité, rappelant que dès 1993, un rapport d'information de la commission avait été publié en ce sens, mettant en garde contre l'accélération des délocalisations, montrant que celles-ci, dans le secteur industriel, annonçaient une émergence du même phénomène dans les services, et que la France offrait un terrain favorable en la matière. Il a souligné que ce rapport avait alors suscité scepticisme et incompréhension.

Il a indiqué que la commission des finances, confrontée depuis 1993 à une absence de chiffres fiables sur les délocalisations, et préoccupée par les cas de plus en plus nombreux de délocalisations recensés sur le territoire et par l'absence de politique économique, à l'échelle européenne et française, à la hauteur du défi, avait cru nécessaire de lancer un nouveau cycle de travail sur les délocalisations.

Il a donc souhaité que les Français puissent y voir clair. Dans ce but, une définition des délocalisations a été posée, qui permette de rendre compte du phénomène, dans toutes ses dimensions, observant que, considérer la délocalisation comme le « transfert en bloc d'activités existantes du territoire national vers le territoire d'un autre pays », comme le faisaient la plupart des analyses macro-économiques, conduisait à passer à côté d'une mutation beaucoup plus profonde en matière de localisation des activités de production, qu'il s'agisse de l'industrie, des services ou de l'agriculture et qu'il était, d'ailleurs, permis de penser que, si les activités de distribution étaient restées à l'écart de ces phénomènes, un jour viendrait où elles seraient à leur tour atteintes.

Il a déclaré que, sur un plan micro-économique, la délocalisation regroupait tous les arbitrages réalisés par les entreprises dans un sens défavorable à la localisation des activités et des emplois sur le territoire français, toute importation de biens et de services ayant des substituts nationaux devant être considérée comme une délocalisation. Il a précisé que le phénomène prenait trois formes, le transfert d'un site vers un pays étranger (« délocalisation pure »), le regroupement à l'étranger d'activités de services disséminées sur plusieurs sites en France (« délocalisation diffuse ») et la localisation d'activités à l'étranger, alors qu'elles auraient pu l'être en France.

Concernant les pertes d'emplois dans les services, il a signalé que la commission avait commandé, fin 2004, après appel d'offres, une étude au cabinet Katalyse sur les délocalisations d'emplois de services dans les cinq années à venir, présentée devant celle-ci le 9 mars 2005. Il a constaté que cette étude prévoyait, pour la période 2006-2010, la délocalisation de 202.000 emplois pour les seuls services, soit 22 % de la création nette d'emploi salarié au cours des cinq dernières années, et que 80 % de ces pertes d'emplois étaient liées à des non-localisations, la perte d'emplois évaluée par l'étude constituant le passif à inscrire au bilan de la France dans une économie globalisée.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué que la commission avait également commandé, fin 2004, une étude au cabinet Ernst & Young sur la consommation des ménages et son impact sur les délocalisations. Il a souligné que cette étude montrait, de façon convaincante, que le monde de la grande consommation était marqué, d'une part, par un accroissement de l'offre, avec un nombre de magasins en augmentation, une percée du « hard discount » et un allongement des horaires d'ouverture et, d'autre part, par une stagnation de la demande liée au sentiment d'une baisse du pouvoir d'achat des ménages, ce contexte produisant une forte pression sur les prix et une relative indifférence quant à l'origine géographique des produits de la part de consommateurs ne faisant plus de lien entre leurs achats et leur emploi. Il a fait remarquer que ce contexte conduisait à une « hyper-concurrence » entre distributeurs et à une « sur-réaction » des producteurs. Il a précisé que l'étude d'Ernst & Young soulignait, ainsi, que les ruptures de plus en plus fréquentes dans l'environnement de l'entreprise, liées à la fois à des évolutions rapides des conditions des marchés et à une puissance publique modifiant en permanence les « règles du jeu », notamment en matière fiscale, contraignaient les dirigeants à des solutions de court terme, qui prenaient la forme, de plus en plus souvent, de délocalisations. Il a indiqué que, selon cette étude, le fait de ne pas délocaliser pourrait, dans cette situation de « tyrannie du court terme », être perçu comme une erreur de gestion, susceptible de menacer la pérennité de l'entreprise.

M. Jean Arthuis, président, a ensuite indiqué que, pour compléter cette vision, la commission avait organisé l'audition de chefs d'entreprise, de syndicalistes et d'universitaires ainsi que des déplacements « sur le terrain », bénéficiant ainsi d'un « retour sur expériences » au terme de missions menées en Chine au printemps 2004 et en Inde, au printemps 2005, mais aussi au Danemark, à l'automne 2004, afin d'illustrer, dans ce dernier cas, la capacité d'adaptation de pays occidentaux comparables au nôtre, pareillement confrontés à la globalisation de l'économie.

Il a montré que d'autres pays de l'Union européenne, hors zone euro ou au sein de la zone euro, et la plupart des pays de l'OCDE, conjuguaient intégration de leur économie dans des échanges mondialisés et haut niveau d'emploi. Il s'est déclaré persuadé, dès lors, que les délocalisations ne constituaient pas une fatalité et qu'il était possible, pour la France, de réussir face à la globalisation. Il a insisté sur le fait qu'il fallait adopter une attitude résolument offensive et reconnaître que la panne française en matière d'emplois et sa vulnérabilité face aux délocalisations tenaient, avant tout, à ses contradictions internes, au retard pris dans les grandes réformes structurelles et à une obsolescence, sinon de son modèle, du moins de certaines de ses composantes, qui l'empêchaient d'être performant.

Il a ajouté que la force de l'impact des délocalisations en termes d'emplois révélait, avant tout, l'inadaptation du modèle français à la globalisation de l'économie.

Il a jugé que, face au nombre d'emplois détruits par les délocalisations et à la faiblesse des emplois créés en France, le droit du travail, dans ses rigidités en termes d'horaires de travail, dans les protections mises en place dans les procédures de licenciement, par le mécanisme des effets de seuil, jouait aujourd'hui contre l'emploi, précisant que la protection du contrat de travail engendrait, paradoxalement, une exclusion durable des personnes privées d'emploi et qu'elle était directement à l'origine des délocalisations. Il a relevé que les chefs d'entreprise interrogés par le cabinet Katalyse indiquaient que le premier motif de délocalisation était lié, avant le coût du travail, à un besoin de flexibilité impossible à satisfaire en France et que c'était donc à une flexibilité du monde du travail, adaptée à la globalisation de l'économie, que cette étude appelait. Il a ajouté que cette flexibilité « gagnant-gagnant » devait naturellement s'accompagner d'une sécurité pour le travailleur - la flexsécurité - faite d'une profonde modernisation des aides et des administrations dédiées au retour à l'emploi, dont la performance devait être améliorée.

M. Jean Arthuis, président, a souligné que, dans une économie globale, en situation de libre échange, il n'était plus possible de demander aux entreprises de prendre en charge la solidarité édictée par les Etats pour faire vivre la cohésion sociale. Il a souhaité que reviennent aux entreprises la responsabilité de l'activité, et donc de la création d'emplois, et aux citoyens le financement de la solidarité, ce nouveau partage des rôles étant essentiel puisqu'il permettait aux citoyens de se déterminer sur le niveau de prise en charge collective des risques sociaux qu'ils souhaitaient assumer, et de dissiper une illusion. Quel impôt prélever sur les entreprises ? N'était-il pas, in fine, à la charge des consommateurs et des ménages, a-t-il souligné ?

Il a ajouté que l'impôt de production - cotisations sociales, taxe professionnelle, taxe sur les salaires - pesant sur des entreprises pouvant, à tout moment, choisir de se localiser là où elles n'auront plus à subir ces contraintes constituait un danger pour l'emploi et nourrissait les délocalisations. Il a jugé indispensable un changement d'assiette complet pour assurer le financement de la cohésion sociale et préconisé, notamment, une imposition de la consommation plus importante, basculant ainsi le centre de gravité des prélèvements de la production vers les produits. Il a observé que, seule, l'imposition de la consommation, et en particulier la TVA, permettait de taxer aussi bien les biens produits en France que ceux fabriqués à l'étranger et qu'elle exonérait les biens et services destinés à l'export, les exemples étrangers de TVA sociale s'avérant très significatifs. Il a reconnu que la TVA ne pouvait, à elle seule, compenser les impôts et charges sociales dont les entreprises seraient désormais exonérées. Il a affirmé que l'imposition des revenus - CSG et impôt sur le revenu remodelé par suppression des sédimentations de niches et autres mesures dérogatoires - était, dans cette perspective, un complément indispensable.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité également un rééquilibrage des relations entre producteurs et distributeurs, précisant que, face à la pression de ces derniers, à la concentration des centrales d'achats, aux conditions toujours plus exigeantes posées par la grande distribution en matière de référencement des produits, les producteurs devaient pouvoir s'organiser, faisant observer que, pris entre « l'enclume des réglementations » et le « marteau des prix », les producteurs disparaissaient ou délocalisaient. Il a déclaré que les entreprises devaient retrouver en France un avantage objectif à ne pas se détourner de la production pour investir dans la distribution. Il a appelé, dès lors, à un choix stratégique en faveur de la production.

Il a souligné que ces réformes ne pouvaient être menées que dans le cadre d'un nouveau « pacte de confiance » entre les administrations publiques et les entreprises, la multiplication des règles et des normes ayant ouvert la voie à un pouvoir administratif assorti de procédures d'agrément et de contrôle. Il a précisé que la pression en résultant était contraire à l'esprit d'entreprise et neutralisait la créativité, montrant qu'ainsi des entreprises soumises à des autorisations administratives de mises sur le marché, notamment dans le secteur de la chimie, renonçaient à produire en France et choisissaient des pays plus prompts à délivrer les visas nécessaires. Par ailleurs, il a exprimé des craintes à propos de la création prochaine des pôles de compétitivité. En effet, il a noté que les dispositions fiscales et sociales, dont la loi de finances pour 2005 les avait assortis, entraînaient une chaîne d'avis administratifs qui pourraient briser tout à la fois l'espérance et l'élan suscités par ces pôles de compétitivité, dont il s'est félicité de la mise en place prochaine. Il a indiqué qu'une prompte réaction était attendue par les entreprises qui entendaient préserver leurs marges de liberté pour s'investir collectivement dans les actions de recherche-développement, jugeant que des procédures allégées, des délais raccourcis, des contrôles moins « tracassiers » étaient attendus des administrations publiques dans le cadre de la globalisation de l'économie.

Enfin, il a considéré que c'était en matière de gouvernance économique, d'harmonisation fiscale et de politique commerciale que l'Union européenne devait jouer son rôle, les parités monétaires injustifiées comme celle du yuan vis-à-vis de l'euro devant être corrigées. Il a estimé que c'était sans doute au moment de la négociation des accords commerciaux bilatéraux que pouvaient être réglées de telles questions, afin d'éviter que le libre échange, profondément nécessaire, ne soit biaisé par des taux de change inadaptés, soulignant que des barrières tarifaires à des fins strictement environnementales étaient, dans ce cadre, parfaitement concevables. Il a noté qu'il fallait se montrer résolument hostile à un protectionnisme généralisé à l'échelle de l'Union européenne, dont les 24 partenaires européens ne voulaient pas, mais qu'il paraissait souhaitable, néanmoins, et le textile en était un exemple, que des mesures d'urgence et de sauvegarde soient mises en place, ponctuellement, dans certains secteurs, afin de favoriser les adaptations des économies nationales et d'absorber les chocs économiques majeurs.

En conclusion, il a considéré qu'il était urgent de trouver, en France, le chemin de la croissance et du plein-emploi et qu'en matière de délocalisations, il était désormais « minuit plus cinq » et que, de ce fait, les réformes structurelles ne pouvaient plus attendre. Il a rappelé qu'il n'y avait pas de fatalité, mettant en avant les exemples significatifs de relocalisations, mais qu'il y avait, dès maintenant, des actions radicales à engager.

Un vaste débat s'est alors engagé.

M. Philippe Marini, rapporteur général, après s'être félicité de la qualité et de la lucidité de la présentation ainsi faite, a souhaité formuler trois remarques complémentaires, rappelant qu'un arbitrage favorable à la production ne devait pas conduire à négliger les services, jugeant qu'il fallait éviter de succomber à une tentation « industrialiste », s'interrogeant sur la bonne approche en matière de pôles de compétitivité - entre sélection des projets et encouragement de toutes les initiatives - et rappelant enfin le rôle majeur de la fiscalité du patrimoine dans l'attractivité du territoire.

En réponse, M. Jean Arthuis, président, a précisé que l'arbitrage qu'il préconisait en faveur de la production comprenait, bien évidemment les services, mais qu'il craignait que les concentrations des centrales d'achat conduisent à des altérations du marché contraires aux intérêts des entreprises produisant sur le sol français. Il a reconnu le rôle éminent de la fiscalité du patrimoine dans la localisation d'activités et souhaité, au sujet des pôles de compétitivité, que les enthousiasmes légitimes qu'ils avaient suscités, et qu'il avait pu constater au plan local, ne soient pas découragés par la résurgence du « pouvoir administratif ».

Mme Nicole Bricq, saluant la qualité du travail accompli, a souligné qu'elle se trouvait en accord avec certaines analyses, liées à un effort de renouvellement de la définition des délocalisations, à une approche montrant l'influence des modes de consommation des ménages sur les producteurs, ajoutant que, de son point de vue, la « tyrannie de court terme » des marchés financiers était essentielle dans la course actuelle au bas prix, considérant les travailleurs comme une variable d'ajustement. Elle a marqué sa différence, en revanche, en notant que la concurrence n'était pas tant avec les pays émergents qu'avec les autres pays qui investissent dans l'éducation et l'innovation, soulignant les défauts de la spécialisation des exportations de la France par rapport, notamment, à l'exemple allemand, mieux placé sur les marchés chinois, russes, d'Europe centrale et orientale. Elle a appelé à un « réarmement industriel » de la France. Elle a jugé que des solutions de court terme, ayant recours à des emplois aidés, appuyées sur le recours aux services à la personne, étaient par ailleurs nécessaires. Elle a rappelé, enfin, ses réticences quant à l'instauration de la « TVA sociale » et souligné, en ce qui concernait les pôles de compétitivité que, parmi les 105 dossiers présentés, tous n'avaient pas une taille européenne ou mondiale.

En réponse, M. Jean Arthuis, président, a observé que les délocalisations allemandes vers les pays d'Europe centrale et orientale avaient provoqué de fortes synergies entre ces économies, ce qui n'avait pas été le cas des délocalisations françaises « de proximité » avec les pays francophones. Il a relevé par ailleurs que, d'une certaine façon, le  « travail au noir » et l'existence d'une économie souterraine constituaient des formes de délocalisations rampantes. Il a souligné que si la Banque centrale européenne était chargée de la stabilité des prix, aucune institution, faute de régulation au sein de l'Union, n'était chargée de la politique de change européenne.

Mme Marie-France Beaufils a montré que les délocalisations du textile français avaient été initiées, il y a bien longtemps, au Maghreb, par ceux-là mêmes qui dénonçaient aujourd'hui les délocalisations, à savoir les entreprises. Elle a jugé nécessaire de revoir les accords de l'Organisation mondiale du commerce et considéré que les exigences de rentabilité de court terme des capitaux investis avaient des incidences sur l'emploi. Elle s'est déclarée hostile à la TVA sociale et à la flexibilité, soulignant néanmoins qu'un salarié ne ferait plus dorénavant toute sa carrière professionnelle dans la même entreprise et qu'il fallait mettre en oeuvre, comme l'y invitait la CGT, une « sécurité sociale professionnelle » reposant sur le triptyque « sécurité-emploi-formation ». Elle s'est interrogée sur l'efficacité des pôles de compétitivité par rapport aux centres nationaux de recherche technologique existants. Enfin, elle a indiqué que la politique monétaire européenne devait être pilotée par le politique, et non par une Banque centrale européenne.

En réponse, M. Jean Arthuis, président, a souligné que la politique européenne consistait dans l'articulation entre une politique monétaire définie par la Banque centrale européenne et des politiques budgétaires qui demeuraient nationales.

M. Yann Gaillard s'est interrogé pour savoir si l'on mesurait réellement notre impuissance face à la mondialisation. Il a jugé que l'on ne pouvait rien faire face aux marchés financiers. Il a regretté, par ailleurs, le nombre de personnes refusant de travailler alors que des offres étaient disponibles, se demandant si le système pouvait faire l'objet de réformes sans troubles sociaux majeurs. Il a souligné, pour le déplorer, le déclin des universités françaises à l'échelle internationale.

M. Yves Fréville, tout en adhérant aux propos tenus par M. Jean Arthuis, président, a montré l'écart de perception pouvant exister entre l'économiste et le politique. Il a rappelé que, sur un plan économique, les ménages avaient naturellement raison d'acheter « le moins cher possible ». Il a jugé, par ailleurs, que le processus de « création-destruction » en cours dans le commerce international induisait une spécialisation de la France dans les secteurs où elle était la plus compétitive. Il a indiqué, en effet, qu'il ne lui paraissait pas souhaitable, pour l'avenir du pays, de se réfugier dans les seuls services de proximité. Il a entrevu le risque d'une France « vendant du blé à l'Inde, à qui elle achèterait ses logiciels ». S'agissant des pôles de compétitivité, il s'est prononcé pour une concentration des moyens sur quelques projets, faisant valoir la taille limitée du marché de l'emploi scientifique en France. Il a observé que l'adoption d'une « TVA sociale » constituerait, en quelque sorte, un moyen détourné de réaliser une dévaluation.

M. Maurice Blin a considéré que la France faisait face à de graves contradictions qu'il convenait de lever. Il a souligné le contraste d'un pays tout à la fois capable d'exploits technologiques, mais que l'on pouvait, par ailleurs, qualifier de « paralytique économique ». Il a montré les exigences des modèles nordiques en matière d'allocation chômage, le refus répété d'emplois entraînant rapidement une suppression des indemnités. Il a fait remarquer, enfin, que le modèle français « vivait au-dessus de ses moyens ».

M. François Marc a indiqué que les délocalisations constituaient un sujet intéressant où chacun apportait, comme dans une « auberge espagnole », son propre éclairage. Il a apporté des nuances sur le diagnostic présenté par M. Jean Arthuis, président, montrant que la France était le deuxième pays d'accueil en matière d'investissements directs étrangers (IDE). Il a montré que le nombre d'emplois délocalisés en Pologne était très inférieur au nombre d'emplois créés en France par les entreprises exportant et investissant dans ce pays. Il s'est montré favorable à une éventuelle réforme fiscale, à condition que l'effort soit partagé de manière juste et équitable par les contribuables.

En réponse à une interrogation de M. Marc Massion, M. Jean Arthuis, président, a précisé que, comme cela était la règle, toutes les observations formulées lors du débat qui venait de se dérouler en commission, figureraient dans le présent compte rendu qui serait annexé à sa communication.

La commission a ensuite donné acte, à l'unanimité, à M. Jean Arthuis, président, de sa communication et décidé d'en autoriser la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Réforme fiscale - Audition de M. Christian Saint-Etienne, membre du Conseil d'analyse économique (CAE)

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Christian Saint-Etienne, membre du Conseil d'analyse économique (CAE), co-auteur d'un rapport sur la réforme fiscale.

M. Christian Saint-Etienne a indiqué que le rapport du Conseil d'analyse économique intitulé « Croissance équitable et concurrence fiscale » dont il était le co-auteur, avec M. Jacques Le Cacheux, directeur des études à l'OFCE, , qui avait été remis au Premier ministre le 2 juin 2005 et avait fait l'objet de certaines « fuites » dans la presse, n'avait pour l'instant pas été publié : sa présentation au Premier ministre, qui aurait dû avoir lieu le 16 juin 2005 et constituer un préalable à sa publication, avait été reportée sine die après le changement de gouvernement. Pour cette raison, il n'avait pas été autorisé à remettre un document écrit à la commission. Il a ajouté qu'il s'agissait de la seule proposition de réforme globale de la fiscalité directe établie depuis la seconde guerre mondiale. Il a précisé que c'était la première fois que le Premier ministre, en l'occurrence M. Jean-Pierre Raffarin, avait dû lui-même autoriser la réalisation d'un rapport du Conseil d'analyse économique. Ce rapport avait exigé neuf mois de travail, le recours à vingt-cinq économistes extérieurs au CAE, ainsi que d'importantes contributions de l'Insee, de la Commission européenne et de l'OCDE.

M. Jean Arthuis, président, s'est étonné de l'interdiction qui lui avait été faite de remettre un document écrit à la commission, et a déclaré qu'il allait demander communication dudit rapport.

M. Christian Saint-Etienne a indiqué que le rapport avait pour objet de permettre de porter à moyen terme la croissance de l'économie française à 3-3,5 % par an, grâce à une réforme des neuf principales impositions directes, représentant globalement 12 points de PIB, soit essentiellement la cotisation sociale généralisée (CSG), l'impôt sur le revenu (IR), l'impôt sur les sociétés (IS) et l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Cette réforme aurait le double effet de rendre la France plus attractive, et d'instaurer des incitations plus favorables au travail et à la création de richesse. Il a précisé, bien que le rapport n'évoque pas la situation des impôts indirects, que la TVA était, selon lui, le « meilleur impôt » dans le cadre d'une économie globalisée, et réfuté l'idée selon laquelle la TVA serait, par nature, un impôt inégalitaire.

Il a indiqué que, selon une estimation figurant dans le rapport, réalisée par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, le « taux intrinsèque réel » d'imposition, défini comme le rapport entre les recettes fiscales et l'assiette fiscale globale, était en France de seulement 10,5 % hors TVA, soit environ deux fois plus faible que ce à quoi s'attendaient les auteurs du rapport. Un tel décalage révélait donc l'importance des « niches » fiscales. Il a déclaré que si la France, à l'instar de certains des nouveaux Etats membres de l'Union européenne, se dotait d'une « flat tax », c'est-à-dire un impôt proportionnel au revenu, elle aurait la fiscalité la plus compétitive du monde.

Il a cependant souligné que la réforme proposée par le rapport ne consistait pas en la mise en place d'un tel impôt, mais respectait la double contrainte de ne pas alourdir l'imposition des trois déciles inférieurs de revenu, et de ne pas accroître de plus de 5 % les revenus du décile supérieur.

Il a considéré que la France n'était pas tant soumise à la concurrence des pays émergents qu'à celle des autres Etats membres de l'Union européenne, cette dernière étant devenue selon lui une « arène de compétition fiscale et sociale », et qu'il était par conséquent nécessaire de réagir. Il a par ailleurs souligné que la compétitivité fiscale dépendait non du taux de prélèvements obligatoires, mais des taux de l'IR, de l'IS et de la fiscalité de l'épargne. Il a rappelé, à cet égard, que certains des nouveaux Etats membres, comme la Pologne, avaient un taux de prélèvements obligatoires élevé. Il a indiqué que, selon des estimations figurant dans le rapport, les Etats de l'Union européenne allaient converger, d'ici 3 à 5 ans, vers des taux d'imposition de l'ordre de 12 % ou 13 % dans le cas de l'IS et de l'imposition de l'épargne, et de 30 % dans celui de l'imposition marginale du revenu. Il a précisé que, si l'on prenait en compte le fait que les « grands » Etats membres pouvaient, en partie, compenser un manque de compétitivité fiscale par un marché intérieur plus important, ceux-ci devaient se fixer comme objectif des taux de respectivement 18 % ou 19 %, et 36 % pour chacun des types d'imposition évoqués. Il a néanmoins estimé qu'un taux de 18 % pour l'imposition des revenus de l'épargne serait vraisemblablement trop élevé, et qu'il convenait donc de viser un taux de 12 à 13 %.

Il a indiqué qu'en conséquence, le rapport proposait un système fiscal simple, correspondant à un taux intrinsèque réel de 13 %, et reposant essentiellement sur quatre taux :

- 0 % pour les personnes ayant un revenu inférieur à 7.500 euros par part dans le cas de l'IR, et à 600 euros par part dans le cas de la CSG ;

- 13 % pour la CSG et l'IR des personnes ayant un revenu inférieur à 50.000 euros par part, et pour l'imposition des plus-values de long terme ;

- 18 % pour l'impôt sur les sociétés, les prélèvements libératoires sur les revenus de l'épargne et l'imposition des plus-values à court terme ;

- 28 % pour l'IR des personnes ayant des revenus supérieurs à 50.000 euros par part, qui, du fait d'une imposition de 13 % au titre de la CSG, seraient imposées à un taux marginal global de 37 %, contre 56 % actuellement.

Il a indiqué que le rapport prévoyait de remplacer l'ISF par un « impôt sur les revenus de la fortune », auquel seraient assujetties les personnes gagnant plus de 50.000 euros par part, précisant que le produit de ce nouvel impôt serait équivalent à celui de l'ISF.

Il a souligné que cette réforme, conçue pour maintenir inchangé le niveau global des prélèvements obligatoires, diminuerait l'imposition des entreprises à hauteur d'un point de PIB, soit 15 milliards d'euros, et augmenterait d'autant celle des ménages, ce qui susciterait une diminution de l'ordre de 3 % du revenu réel des ménages compris entre les quatrième et neuvième déciles.

Le rapport examinait, en conséquence, un deuxième scénario, dans lequel les personnes seraient assujetties à l'IR et à la CSG à partir d'un revenu de respectivement 10.000 euros et 800 euros (au lieu de respectivement 7.500 euros et 600 euros), ce qui correspondrait à un taux intrinsèque réel de 12 %, permettrait à aucun des centiles de revenu de n'être davantage assujetti qu'aujourd'hui, mais présenterait, toutefois, l'inconvénient de réduire les prélèvements obligatoires.

Le rapport présentait enfin un scénario intermédiaire, correspondant à un taux intrinsèque réel de 12,5 %, dans lequel la stabilité du montant global des prélèvements obligatoires et de l'imposition des classes moyennes serait assurée par un taux d'IS de 18 % sur le premier million d'euros, et de 25 % ensuite, ce dispositif ayant vocation à évoluer vers un taux d'IS de 18 %.

M. Jean Arthuis, président, a remercié M. Christian Saint-Etienne pour la richesse et le caractère novateur du rapport qu'il venait de présenter. Il a estimé que l'interdiction, qui lui avait été faite, de remettre un document écrit à la commission, allait inciter d'autant plus la commission à se procurer le rapport, et à l'étudier avec attention. Il a considéré que la mise en oeuvre des préconisations du rapport susciterait des pertes de revenu pour tous les « professionnels de la défiscalisation », et serait source d'économies pour l'administration fiscale.

Un débat s'est ouvert.

M. Gérard Miquel a exprimé le souhait que le rapport soit transmis à l'ensemble des commissaires, a considéré que la fiscalité locale devait également être réformée, et s'est interrogé sur l'efficacité des « niches » fiscales. Mme Nicole Bricq a souhaité savoir si le quotient familial et la prime pour l'emploi seraient maintenus dans le nouveau système, et a demandé si le rapport préconisait la mise en place d'un impôt négatif, sur le modèle de l'Earned Income Tax Credit (EITC) en vigueur aux Etats-Unis. M. Yves Fréville s'est interrogé sur les modalités de la transition entre les deux systèmes, et a considéré que la taxe d'habitation devait être remplacée par une CSG locale.

En réponse, M. Christian Saint-Etienne a considéré que les « niches » fiscales étaient rendues nécessaires par les taux d'imposition élevés, mais que la réforme proposée, consistant à élargir l'assiette tout en abaissant les taux, ne les rendait plus nécessaires. Il a indiqué que le rapport n'envisageait que le maintien de deux « niches » : le quotient familial, qui semblait correspondre à une exigence constitutionnelle, et la prime pour l'emploi, tant que la croissance n'aurait pas accru l'écart entre revenus d'activité et revenus d'inactivité. Il a indiqué que M. Jacques Le Cacheux, co-auteur du rapport, et lui-même, bien qu'ayant des conceptions économiques différentes, se méfiaient de l'EITC, et d'une manière générale de ce qui se rapproche d'un revenu universel, dès lors que les personnes illégalement présentes sur le territoire en bénéficient, ce qui est habituellement le cas en France pour les prestations sociales, mais ne l'est pas aux Etats-Unis. Il a ainsi observé qu'aux Etats-Unis les frontières étaient ouvertes et l'accès aux prestations sociales était fermé, alors que la situation était exactement inverse en France. Il a jugé que la réforme de la taxe professionnelle ne pouvait pas être conçue indépendamment de celle de l'ensemble du système fiscal, et indiqué que le rapport préconisait la mise en place d'une taxe professionnelle assise sur la seule valeur ajoutée, aux taux de 2 % pour le premier million d'euros, et de 2,75 % au-delà. Il a considéré que la réforme proposée par le rapport pourrait être mise en oeuvre en une année, dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2007.

M. François Marc a souhaité obtenir des précisions sur les scénarios alternatifs, et s'est interrogé sur la possibilité concrète de supprimer les « niches » fiscales. M. Paul Girod a demandé si le rapport prévoyait la possibilité, pour les collectivités territoriales, de moduler localement le taux de taxe professionnelle, et s'est interrogé sur le nombre des niches fiscales ainsi que sur leur coût. Mme Marie-France Beaufils a jugé indispensable que la commission obtienne communication du rapport, a déploré que celui-ci n'évoque pas la question de la TVA, et s'est interrogée, elle aussi, sur l'efficacité des « niches » fiscales.

En réponse, M. Christian Saint-Etienne a confirmé que, selon lui, les « niches » n'existaient que parce que les taux étaient trop élevés. Il a rappelé que la TVA, qui n'entrait pas dans le champ du rapport, était un bon impôt « équitable ». Il s'est déclaré favorable à l'instauration d'une « TVA sociale » préconisée par d'aucuns et qui, dans le contexte d'une économie globalisée, serait équivalente à une dévaluation de 10 %. Il a considéré qu'il convenait, plutôt que de faire passer au taux réduit la partie du secteur de la restauration actuellement soumise au taux normal, de placer l'ensemble du secteur à un même taux, qui pourrait être intermédiaire.

M. Jean Arthuis, président, s'est demandé si, dans une économie mondialisée, la distinction entre des impôts acquittés par les ménages et des impôts payés par les entreprises avait encore du sens et si, par voie de conséquence, il ne convenait pas, dès lors, de taxer les ménages, par nature non délocalisables, plutôt que les entreprises.

En réponse, M. Christian Saint-Etienne a considéré qu'une telle mesure susciterait des transferts de revenu importants au détriment des ménages ne possédant pas une part du capital des entreprises, et qu'en tout état de cause, la mise en oeuvre de la réforme préconisée par le rapport permettrait de rendre la France fiscalement compétitive.

M. Jean Arthuis, président, après avoir remercié l'orateur pour la qualité de son intervention, a confirmé l'intention de la commission de demander communication de ce rapport.

Maintien en condition opérationnelle de la flotte -Communication

La commission a enfin entendu une communication de M. Yves Fréville, rapporteur spécial, sur le maintien en condition opérationnelle de la flotte.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Yves Fréville, rapporteur spécial des crédits de la défense, a présenté une communication sur le maintien en condition opérationnelle des équipements et l'exercice de la fonction logistique au sein de la marine nationale.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a indiqué que la dégradation importante des matériels militaires avait attiré l'attention sur ces questions dès la fin des années 1990. Il a précisé que la publication du rapport particulier de la Cour des comptes en décembre 2004 sur le maintien en condition opérationnelle des matériels des armées avait notamment souligné la réduction préoccupante de la disponibilité des équipements de la marine nationale.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a rappelé qu'en 2004, sur les six sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) dont disposait la France, un seul était opérationnel, alors que ces bâtiments constituaient un élément essentiel du dispositif de défense nationale. Il a donné des indications sur la disponibilité et l'état de fonctionnement d'un certain nombre de systèmes d'arme utilisés par la flotte, rappelant que la situation atteignait parfois de telles extrémités que les équipements étaient réaffectés d'un bâtiment à un autre, en fonction des besoins, afin d'assurer au mieux l'exécution du contrat opérationnel de la marine nationale.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a estimé que la dégradation de la disponibilité des bâtiments de la marine nationale était due à la combinaison de causes financières et structurelles. Il a relevé que la professionnalisation de l'armée française avait induit, par contrecoup, une réduction des crédits alloués aux autres postes de dépense de la défense nationale. Il a précisé que l'achat de constructions neuves avait été préservé autant que possible, et que par conséquent, le financement du maintien en condition opérationnelle des bâtiments avait été réduit et trop souvent utilisé comme variable d'ajustement.

Il a considéré que des problèmes d'organisation et de cohérence des fonctions logistiques au sein de la marine nationale avaient renforcé les effets de la diminution des crédits. Il a précisé que durant la même période, l'outil industriel de la flotte avait été profondément transformé par la création d'une société anonyme de droit privé, DCN-SA et du service de soutien de la flotte (SSF), en lieu et place de l'ancienne direction des constructions navales.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a indiqué qu'il avait diligenté un contrôle sur pièce et sur place de la fonction logistique dans la marine nationale, en application de l'article 57 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), afin d'évaluer l'impact et l'efficacité des réformes structurelles menées.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a rappelé que les équipements militaires de la flotte avaient une longue durée de vie, la période d'utilisation d'un porte-avions étant d'environ 40 ans, auxquels il convenait d'ajouter 10 ans de développement et près de 10 ans de démantèlement.

Il a précisé que l'entretien des bâtiments nécessitait des procédures de maintenance particulières afin de prendre en compte la réalisation du contrat opérationnel de la marine nationale, c'est-à-dire concrètement, la succession de périodes en mer longues. Il a souligné le rôle particulier des équipages dans cette perspective.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a noté que la durée de vie d'un bâtiment était rythmée par la réalisation d'un entretien très poussé tous les six à sept ans : l'indisponibilité périodique pour entretien et réparation (IPER). Il a indiqué que cette période était l'occasion d'une mise à niveau des équipements, voire d'une refonte permettant d'implanter de nouveaux systèmes d'arme.

Il a précisé que la première IPER du porte-avions nucléaire français coûterait près de 230 millions d'euros et durerait quinze mois, le dépassement de cette période d'indisponibilité entraînant la perte de qualification opérationnelle de l'équipage. Il a ajouté que l'IPER d'un sous-marin nucléaire d'attaque entraînait également une longue immobilisation de l'équipement et atteignait 120 millions d'euros ; l'indisponibilité pour entretiens intermédiaires d'une frégate telle que « le Courbet » coûtait 10 millions d'euros, qu'il convenait de majorer de 30 % pour prendre en compte la valeur du travail réalisé par l'équipage du bâtiment.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a observé que le maintien en condition opérationnelle des navires supposait, entre les périodes d'entretien, une gestion efficace des pièces de rechanges, soit près de 500.000 références pour la seule base navale de Toulon.

Il a relevé que le service de soutien de la flotte (SSF) avait été créé en juillet 2000, à la suite d'un long processus de séparation entre les activités étatiques et les activités industrielles exercées par le service à compétence nationale d'une part, et d'évolution de DCN vers le statut de société anonyme, d'autre part.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a remarqué que le SSF, composé de 700 personnes issues de la marine et de la délégation générale pour l'armement (DGA), était chargé du soutien technique et logistique des bâtiments de surface et des sous-marins, et qu'il exerçait, à ce titre, sous l'autorité de l'état-major de la marine, la maîtrise d'ouvrage des activités concourant à la disponibilité technique de la flotte. Il a souligné le fait que le SSF avait également reçu compétence sur des secteurs que personne, ni la DGA, ni DCN-SA, ne souhaitait prendre en charge, en raison de leur poids financier et des risques qu'ils représentaient, tels que la pyrotechnie.

Il a précisé que les fonctions du SSF étaient complexes car elles reposaient sur l'imbrication fonctionnelle des orientations définies par l'état-major d'une part, et les prestations fournies par des partenaires industriels, d'autre part.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a constaté que l'état-major définissait les priorités d'action du SSF en fonction du contrat opérationnel de la marine, et que le « gouverneur de crédit » exerçait ses arbitrages financiers sur la même base.

S'agissant des relations entre le SSF et ses partenaires industriels, il a relevé que la transition se poursuivait entre les contrats internes passés lors de la transformation de DCN en société, et des contrats passés selon les règles du code des marchés publics, exception faite du secteur nucléaire où DCN bénéficiait d'un monopole prévu par le contrat d'entreprise signé avec l'Etat.

Il a indiqué que le SSF mettait désormais en place des contrats globaux forfaitaires d'entretien, prévoyant l'achat de jours de disponibilité des matériels et non le paiement des travaux de réparation. Il a ajouté qu'une note était attribuée, correspondant à l'évaluation de différents points techniques du matériel, afin de mesurer l'état de disponibilité de l'équipement. Il a observé que lorsque cette note, après s'être dégradée, atteignait un certain seuil, la marine nationale ne payait plus DCN. Il a précisé qu'une commission d'arbitrage était prévue pour régler d'éventuels litiges. Il a souligné l'intérêt de l'industriel au bon entretien des équipements afin d'optimiser le paiement qui lui était versé.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a considéré qu'il était difficile de juger de l'efficacité réelle de ces contrats globaux, en l'absence d'un marché dans ce secteur permettant d'effectuer des comparaisons. Il a, toutefois, estimé nécessaire de suivre l'évolution de ces contrats, qui semblaient permettre, à ce jour, d'améliorer la disponibilité des matériels et de réduire leur coût d'entretien, et notamment leur réelle ouverture à la concurrence.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a précisé que l'entretien des navires devait prendre en compte la présence de l'équipage à bord, indispensable pour assurer sa formation et sa capacité à réparer une panne en mer. Il a observé qu'il était difficile, à ce jour, de ne pas réaliser les IPER dans les ports de Toulon ou de Brest, sans mécontenter les équipages, d'une part, ni augmenter les coûts, notamment ceux des primes d'équipage, d'autre part. Toutefois, la diminution drastique des effectifs des équipages depuis cinquante ans réduit la portée de ce problème.

Il a indiqué que l'imbrication des missions du SSF et des autres acteurs du maintien en condition opérationnelle des équipements de la marine se traduisait également sur le plan géographique, la base de Toulon étant un lieu de cohabitation entre l'état-major, le SSF et DCN. Il a relevé que DCN disposait d'autorisations d'occupation temporaire (AOT) et de conventions d'occupation temporaire (COT) sur les terrains de Toulon, lui permettant d'exercer son activité sans être propriétaire des équipements utilisés.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a présenté le rôle du SSF dans la gestion des stocks de pièces de rechange. Il a précisé que le SSF passait des appels d'offre pour acheter les pièces, qui étaient ensuite stockées, gérées et distribuées par le commissariat de la marine. Il a noté que, dans ce domaine, la gestion de l'obsolescence des pièces, du savoir technique des sous-traitants et de la complexification des systèmes d'armes rendait indispensable la mise en oeuvre d'une bonne gestion logistique. Il a ajouté que cette mission, qui n'avait passionné ni les personnels de DCN, ni ceux de la DGA, semblait correctement accomplie par le SSF et le commissariat de la marine.

Il a remarqué, toutefois, que la gestion des pièces de rechange donnait lieu, actuellement, à un important débat, la DGA souhaitant conserver la responsabilité des équipements de la marine, pièces de rechange incluses, jusqu'à la première IPER. Il a souligné, qu'en revanche, l'état-major de la marine désirait assumer la responsabilité de l'équipement, et la gestion des pièces de rechange, par le biais du SSF, dès l'admission en service du bâtiment. Enfin, il a fait valoir que la mise en place de contrats globaux d'entretien, confiant en fait à DCN la gestion d'une partie des pièces de rechange des navires concernés, compliquait encore le problème.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a constaté que la disponibilité de la flotte avait progressé de 33 % entre décembre 2003 et avril 2005. Il a présenté plusieurs documents sur l'indisponibilité des systèmes d'armes et des équipements de la flotte. Il a ensuite rappelé que la disponibilité technique d'un navire ne suffisait pas à garantir l'accomplissement du contrat opérationnel de la marine, tant que l'équipement et son équipage n'avaient pas reçu leur qualification opérationnelle.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité savoir si chaque bateau disposait de son propre équipage, ou si une organisation plus économe en personnel avait été envisagée afin de tenir compte des longues périodes d'indisponibilité pour entretien de la flotte.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a indiqué que les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) et les SNA disposaient de deux équipages chacun, afin d'assurer la rotation du personnel entre les périodes d'immersion et les périodes dites de réoxygénation. Il a noté que les bâtiments de surface disposaient chacun de leur propre équipage qui, durant les périodes d'entretien, assurait près d'un tiers du travail de réparation et de mise à niveau des équipements. Il a constaté, lors du contrôle sur pièces et sur place réalisé à la base navale de Toulon les 18 et 19 mai 2005, que la valeur des travaux réalisés par l'équipage commençait à être évaluée, mais n'était pas encore intégrée dans les coûts globaux d'entretien de la flotte.

Il a présenté, enfin, les nouvelles modalités de suivi des opérations d'équipement de l'armée française. Il s'est félicité de la prise en compte, sur un seul document, de l'ensemble des étapes relatives à la conception, l'utilisation et le démantèlement d'un bâtiment. Il a précisé que la révision des instructions militaires afférentes entraînait la répartition de la responsabilité des coûts de développement d'un matériel entre l'Etat et l'industriel. Il a relevé que la suppression de l'étape de « développement » d'un équipement et sa prise en compte dans l'étape de « conception » et dans celle d'« utilisation » était bienvenue et résolvait un point d'achoppement fréquent des dossiers. Il a constaté que ces fiches de suivi de chaque armement permettraient d'en déterminer le coût de possession, respectant en cela les prescriptions de la LOLF.

M. Jean Arthuis, président, a remercié le rapporteur spécial pour la qualité de sa présentation et la richesse des enseignements tirés de ce contrôle réalisé en application de l'article 57 de la LOLF. Il a souhaité savoir à quel moment et à quel rythme les dépenses d'équipement de l'armée étaient intégrées dans le bilan de l'Etat.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a noté que le système d'avances versées aux industriels, et en l'occurrence à la DCN, pour la réalisation des équipements militaires, permettait à l'entreprise concernée de disposer d'une trésorerie confortable et parfois d'actifs financiers importants. Il a fait valoir que ce système était généralisé à tous les pays européens et à de nombreux autres secteurs d'investissements publics. Il a regretté que les investissements réalisés par l'Etat dans le domaine de la défense ne donnent pas lieu à des amortissements visibles dans le compte général de l'administration des finances.

M. Jean Arthuis, président, s'est inquiété des très médiocres résultats d'activité et de disponibilité des équipements militaires, notamment au sein de l'armée de terre.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a rappelé que la situation s'était dégradée depuis les années 1990, pour atteindre son paroxysme en 2000. Il a estimé que la situation s'améliorait depuis, comme en témoignaient les différents indicateurs opérationnels des services visités à Toulon, notamment ceux du commissariat de la marine.

M. Michel Mercier a souhaité savoir si l'amélioration de la fonction logistique dans la marine n'était liée qu'à l'accroissement des moyens financiers mis à sa disposition. Il a estimé préoccupante la durée pendant laquelle le porte-avions nucléaire Charles-de-Gaulle serait immobilisé pour entretien.

M. Yves Fréville, rapporteur spécial, a observé que, de 1995 à 2000, les crédits d'équipement de la défense avaient diminué, en euros constants, de près de 35 %, et que dans cette perspective la construction neuve avait été épargnée autant que possible, au détriment des crédits alloués au maintien en condition opérationnelle des équipements. Il a considéré, toutefois, que des causes structurelles profondes s'étaient ajoutées aux restrictions budgétaires et avaient conduit à la dégradation préoccupante de la disponibilité de la flotte.

Il a constaté que la durée de l'IPER du Charles-de-Gaulle était évaluée et connue depuis longtemps. La marine nationale en avait tiré les conséquences et s'interrogeait, en fait, sur la seconde IPER du porte-avions, prévue en 2013, et la qualification opérationnelle éventuelle d'un second porte-avions, à cette date. Il a souligné que la réflexion sur de tels équipements devait être engagée très en amont, dans une perspective de très long terme.

La commission a donné acte, à l'unanimité, à M. Yves Fréville, rapporteur spécial, de sa communication et décidé d'en autoriser la publication sous la forme d'un rapport d'information.