II. TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE

Article 13 bis (nouveau)

I. - Le I de l'article 5 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité est ainsi modifié :

1° La dernière phrase du douzième alinéa est supprimée ;

2° Après le douzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À défaut d'un arrêté fixant le montant de la contribution due pour une année donnée avant le 31 décembre de l'année précédente, le montant proposé par la Commission de régulation de l'énergie en application de l'alinéa précédent entre en vigueur le 1er janvier, dans la limite toutefois d'une augmentation de 0,003 €/Kwh par rapport au montant applicable avant cette date. » ;

3° Le treizième alinéa est supprimé.

II. - Le I est applicable à la fixation du montant de la contribution pour l'année 2011.

III. RAPPORT SENAT N° 111 (2010-2011)

Commentaire : le présent article, introduit à l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue Michel Diefenbacher, propose de modifier les modalités de fixation du niveau de la contribution au service public de l'électricité (CSPE). Ainsi, il tend à supprimer la disposition relative à la prorogation automatique de l'arrêté de l'année précédente fixant le montant de la CSPE en cas d'absence de nouvel arrêté et dispose que, en cas de carence du ministre chargé de l'énergie, le montant de la CSPE est revalorisé à hauteur du montant proposé par la commission de régulation de l'énergie (CRE), dans une certaine limite.

I. LA CONTRIBUTION AU SERVICE PUBLIC DE L'ÉLECTRICITÉ : LES PRINCIPES ET LA PRATIQUE

A. LA CSPE, UNE COMPENSATION ENCADRÉE PAR DES PRINCIPES CONTRADICTOIRES

1. La compensation des charges de service public

La contribution au service public de l'électricité (CSPE) a été créée par l'article 5 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

Celle-ci apparaît régie par des principes contradictoires , signes d'une certaine hésitation du législateur au moment de définir la nature même du service public de l'électricité et les conséquences financières qui doivent en découler.

Ainsi, le régime de la CSPE dispose :

- d'une part, que « les charges imputables aux missions de service public assignées aux opérateurs électriques sont intégralement compensées » ;

- d'autre part, que la CSPE est plafonnée , la contribution applicable à chaque kilowattheure ne peut dépasser « 7 % du tarif de vente du kilowattheure, hors abonnement et hors taxes, correspondant à une souscription d'une puissance de 6 kVA sans effacement ni horosaisonnalité ». En outre, le montant de la contribution ne peut excéder 500 000 euros par site de consommation 1 ( * ) . Enfin, le montant total dû au titre de la CSPE par toute société industrielle consommant plus de 7 gigawattheures d'électricité par an est plafonné à 0,5 % de sa valeur ajoutée 2 ( * ) .

Les charges de service public compensées par la CSPE

Aux termes de l'article 5 de la loi n° 2000-108 précité, comprennent :

a) En matière de production d'électricité :

1° Les surcoûts qui résultent, le cas échéant, de la mise en oeuvre de la procédure d'appel d'offres en cas d'insuffisance d'investissements de production par les opérateurs ou des surcoûts résultant du rachat obligatoire à un tarif préférentiel de l'électricité produite par certaines filières (en particulier pour les filières liées au développement durable) par rapport aux coûts évités à Electricité de France (EDF) ou, le cas échéant, à ceux évités aux distributeurs non nationalisés (DNN) qui seraient concernés ;

2° Les surcoûts de production dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental qui, en raison des particularités du parc de production inhérentes à la nature de ces zones, ne sont pas couverts par la part relative à la production dans les tarifs réglementés de vente d'électricité ou par les éventuels plafonds de prix prévus par le I de l'article 4 de la présente loi ;

b) En matière de fourniture d'électricité :

1° Les pertes de recettes et les coûts supportés par les fournisseurs d'électricité en raison de la mise en oeuvre de la tarification spéciale « produit de première nécessité » ;

2° Les coûts supportés par les fournisseurs d'électricité en raison de leur participation au dispositif institué en faveur des personnes en situation de précarité énergétique.

La CSPE doit également couvrir le budget du médiateur de l'énergie et les frais de gestion engagés

Source : loi n° 2000-108 du 10 février 2000

2. La détermination de la CSPE

Sur la base de ces principes, l'article 5 de la loi du 10 février 2000 précitée prévoit que les charges sont calculées sur la base d'une comptabilité appropriée 3 ( * ) tenue par les opérateurs qui les supportent, c'est-à-dire, en pratique, les opérateurs « historiques » (EDF et les DNN).

La compensation de ces charges, au profit des opérateurs qui les supportent, est assurée par la CSPE, due par les consommateurs finals d'électricité installés sur le territoire national, dont le montant est calculé au prorata de la quantité d'électricité consommée (dans la limite, le cas échéant, des plafonds susmentionnés).

Le ministre chargé de l'énergie arrête ce montant sur proposition de la CRE, effectuée annuellement . Le montant de la contribution annuelle, fixé pour une année donnée, est applicable aux exercices suivants à défaut d'entrée en vigueur d'un nouvel arrêté pour l'année considérée.

B. UNE PRATIQUE SYSTÉMATIQUE DE NON COMPENSATION DE L'INTÉGRALITÉ DES CHARGES QUI TEND À DEVENIR INSUPPORTABLE

1. Le mécanisme de report de charges

Du fait de ce fonctionnement, un mécanisme de report de charges figure à l'article 5 de la loi du 10 février 2000.

Ainsi, lorsque le montant des contributions collectées ne correspond pas au montant constaté des charges de l'année, la régularisation intervient l'année suivante au titre des charges dues pour cette année.

De plus, si les sommes dues ne sont pas recouvrées au cours de l'année, elles sont ajoutées au montant des charges de l'année suivante.

2. Ses effets, présents et à venir

C'est ainsi que le déficit s'est creusé d'année en année, le niveau de la CSPE et les plafonnements évoqués précédemment ne permettant pas de faire face aux charges de service public énumérés ci-dessus.

Il est à noter que ce déficit est supporté par le seul groupe EDF , les « petits » opérateurs étant servis en priorité 4 ( * ) .

Selon les éléments transmis à votre rapporteur général, le déficit subi par cette entreprise a évolué, dans la période récente, de la façon suivante :

Source : EDF

Cette situation devrait empirer dans les années à venir , sous l'effet de la très forte croissance prévisible des charges liées aux tarifs de rachat préférentiels dont bénéficie la filière de production d'électricité photovoltaïque . Ainsi, alors que la charge actuelle à compenser à ce titre est de l'ordre de 300 millions d'euros, ce chiffre devrait atteindre 2 milliards d'euros d'ici à 2014 .

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Michel Diefenbacher, avec l'avis favorable de la commission des finances et du Gouvernement, tend à réviser les règles de détermination de la CSPE.

A. L'ÉVOLUTION DE LA CSPE EN CAS DE CARENCE DU MINISTRE CHARGÉ DE L'ÉNERGIE

Il traite, tout d'abord, de l'hypothèse de la carence du ministre chargé de l'énergie relative à la prise de l'arrêté modifiant le niveau de la CSPE en fonction de l'évolution des charges constatées par la CRE.

Ainsi, son 1° du I tend à supprimer la dernière phrase du douzième alinéa de l'article 5 de la loi n° 200-108 précité, aux termes de laquelle le montant de la contribution annuelle, fixé pour une année donnée, est applicable aux exercices suivants à défaut d'entrée en vigueur d'un nouvel arrêté pour l'année considérée.

Son 2° du I insère un alinéa dans ce même article, disposant que si le ministre chargé de l'énergie ne prend pas d'arrêté fixant le montant de la contribution due pour une année donnée avant le 31 décembre de l'année précédente, le montant proposé par la CRE entre en vigueur le 1 er janvier . Il s'agit donc d'un pouvoir administratif par défaut conféré au régulateur, dans une double limite :

- celle du pouvoir du ministre, dont les actes restent d'une force supérieure à celle de la CRE ;

- celle de l'augmentation, limitée à 0,003 euro par Kwh par rapport au montant applicable avant cette date.

B. LA SUPPRESSION D'UN PLAFONNEMENT DE LA CSPE

Le 3° du I propose de supprimer le treizième alinéa du même article, c'est-à-dire le plafonnement de la CSPE à 7 % du prix de vente de l'électricité.

En revanche, les autres plafonnements susmentionnés, de 500 000 euros par site de consommation et de 0, 5 % de la valeur ajoutée, ne sont pas visés par le dispositif.

Enfin, le II du présent article tend à ce que l'ensemble de ces dispositions soient applicables à la fixation du montant de la contribution pour l'année 2011.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. LA NÉCESSAIRE VÉRITÉ DES COÛTS

Tout d'abord, votre rapporteur général ne peut que reconnaître la nécessité que la CSPE reflète au mieux le coût réel des charges de service public qu'elle est censée couvrir intégralement aux termes mêmes de la loi du 10 février 2000.

D'une part, il est anormal qu'une seule entreprise et ses actionnaires (au premier rang desquels figure l'Etat) aient à subir les lourdes conséquences financières de la carence des gouvernements successifs à adapter en temps et en heure le niveau des contributions.

D'autre part, dans un domaine où les prix français sont sous étroite surveillance communautaire, il est clair d'une décorrélation durable et croissante de la CSPE et de ces charges ne renforce pas la position française sur ce dossier.

De ce point de vue, l'initiative de notre collègue député Michel Diefenbacher apparaît bienvenue.

B. D'UTILES GARDE-FOUS POUR ASSURER LA TRANSITION

Malgré ces propos liminaires, le dispositif proposé paraît également pertinent dans sa progressivité . Si le principe du rattrapage est fixé, la trajectoire limite de manière raisonnable la progression annuelle de la CSPE à 0,003 euro par Kwh.

De fait, nos concitoyens et nos industriels, déjà inquiets des conséquences de la libéralisation du marché de l'électricité, dont prend acte et que traduit en droit national le projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité (NOME), ne comprendraient pas une augmentation trop brutale du prix de l'électricité, aussi légitime soit-elle.

Toutefois, si le dispositif proposé supprime le plafond de 7 % du prix de l'électricité applicable à l'ensemble des consommateurs, il ne remet pas en cause les deux autres plafonds, concernant plus particulièrement certains industriels, de 500 000 euros par site de consommation et de 0,5 % de la valeur ajoutée.

Or, si ce dernier plafond paraît proportionné, le plafond de 500 000 euros en valeur absolue, qui n'a pas varié depuis son instauration en 2003, pourrait être revu alors qu'un effort va être demandé à tous 5 ( * ) . Un élargissement de l'assiette de la CSPE au travers de l'augmentation de ce plafond permettrait de limiter l'augmentation qui s'appliquera aux consommateurs plus modestes, professionnels comme particuliers.

C'est pourquoi votre commission propose un amendement tendant à de porter ce plafond à 600 000 euros et à l'indexer, pour l'avenir, sur l'évolution de l'indice des prix hors tabac.

C. LA RESPONSABILITÉ DU POLITIQUE DANS CE NOUVEAU SYSTÈME

Même dans un système donnant en apparence une responsabilité accrue au régulateur, dont les recommandations vaudront décision en cas de carence du ministre, la responsabilité de l'évolution de la CSPE demeurera essentiellement politique .

De ce point de vue, la perception de nos concitoyens rejoint la réalité car les charges que doit compenser la CSPE sont la résultante directe de choix politiques :

- choix sociaux , lorsqu'il s'agit d'assurer l'accès à l'électricité à des tarifs préférentiels pour les plus démunis ;

- choix énergétiques surtout , lorsqu'il s'agit, par exemple, d'assurer la montée en puissance de telle ou telle filière.

Le dispositif actuel était biaisé car il permettait aux pouvoirs publics de lancer des chantiers apparemment populaires en en faisant supporter le coût, non aux consommateurs-électeurs comme il aurait été logique (et même légal) de le faire, mais à une seule entreprise. Aussi solide que soit EDF, ce scénario ne pouvait pas continuer de façon durable.

Désormais, grâce au dispositif proposé, les choix des pouvoirs publics tiendront peut-être davantage compte des coûts qu'il faudra réellement faire supporter aux Français. Cela devrait notamment conduire les gouvernements à se poser plus régulièrement la question de la pertinence des tarifs de rachat imposés dont bénéficient certaines filières de production d'électricité, comme l'éolien ou le photovoltaïque.

* *

*

Examen en commission

Article 13 bis (nouveau)

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Mon amendement n°15 modifie le niveau de la contribution au service public de l'électricité. Il interdit la prorogation automatique de l'arrêté en fixant le plafond en cas d'absence de nouvel arrêté. Le plafonnement de la CSPE, par site industriel, est déjà ancien. Tant qu'il ne sera pas actualisé, ce sont les consommateurs qui, progressivement, seront davantage sollicités pour tenir compte du blocage. Ne rien faire, c'est se livrer à un arbitrage implicite en défaveur du consommateur domestique. Il ne paraît me pas souhaitable de se greffer sur l'article inséré par l'Assemblée nationale pour opérer une revalorisation modeste de ce plafond : la seule évolution monétaire justifierait de le porter au-delà de 600 000 euros.

Mme Nicole Bricq . - Ceci entre-t-il en cohérence avec les mesures sur le photovoltaïque ? Vise-t-on ici les « électrointensifs », qui ont donné lieu à un long débat en commission de l'économie ?

M. Philippe Marini , rapporteur général . - Rester dans les conditions d'arbitrage d'origine, c'est agir au détriment des consommateurs domestiques. Le seul but de l'amendement est de l'éviter.

M. Claude Belot . - Je soutiens le principe de l'amendement. La consommation en cause représente la moitié de la consommation électrique française. Tout le passage aux énergies renouvelables risque d'être supporté par les seuls particuliers.

L'amendement n°15 est adopté.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.


* 1 Selon la modification de cet article opérée par l'article 37 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie.

* 2 Article 67 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique.

* 3 Cette comptabilité, établie selon des règles définies par la CRE, est contrôlée aux frais des opérateurs qui supportent ces charges par leur commissaire aux comptes ou, pour les régies, par leur comptable public

* 4 Article 15 du décret n° 2004-90 du 28 janvier 2004 relatif à la compensation des charges de service public de l'électricité.

* 5 Selon les informations dont dispose votre rapporteur général, en prenant en compte la possible augmentation de la CSPE en 2011, ce sont environ 250 sites qui sont concernés par le plafond de 500 000 euros.