III. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE DU 20 OCTOBRE 2010

M. le président. « Art. 16. I. - Après l'article 235 ter ZD du code général des impôts est inséré un article 235 ter ZE ainsi rédigé :

« Art. 235 ter ZE. - I. 1. Les personnes mentionnées aux 1°, 2°, 3° et 4° du A du I de l'article L. 612-2 du code monétaire et financier, soumises au contrôle de l'Autorité de contrôle prudentiel pour le respect des ratios de couverture ou du niveau de fonds propres adéquat prévus par les articles L. 511-41, L. 522-14 et L. 533-2 du même code sont assujetties à une taxe de risque systémique au titre de leur activité exercée au 1 er janvier de chaque année.

« 2. Toutefois, ne sont pas assujetties à cette taxe :

« 1° les personnes ayant leur siège social dans un autre État partie à l'accord sur l'espace économique européen et exerçant leur activité en France exclusivement par l'établissement d'une succursale ou par voie de libre prestation de services ;

« 2° les personnes auxquelles s'appliquent des exigences minimales en fonds propres permettant d'assurer le respect des ratios de couverture ou du niveau de fonds propres adéquat prévus par les articles L. 511-41, L. 522-14 et L. 533-2 du code monétaire et financier, définies au cours de l'exercice clos l'année civile précédente, inférieures à 500 millions d'euros ;

« 3° l'Agence française de développement ;

« II. L'assiette de la taxe de risque systémique est constituée par les exigences minimales en fonds propres permettant d'assurer le respect des ratios de couverture ou du niveau de fonds propres adéquat prévus par les articles L. 511-41, L. 522-14 et L. 533-2 du code monétaire et financier, définies au cours de l'exercice clos l'année civile précédente. Les exigences minimales en fonds propres sont appréciées sur base consolidée pour les personnes relevant des articles L. 511-41-2, L. 533-4-1, L. 517-5 et L. 517-9 du même code. Aucune contribution additionnelle sur base sociale n'est versée par les personnes mentionnées au I qui appartiennent à un groupe pour lequel une assiette est calculée sur base consolidée. Les autres personnes versent une contribution calculée sur base sociale.

« III. Le taux de la taxe de risque systémique est fixé à 0,25 %.

« IV. La taxe de risque systémique est exigible le 30 avril.

« V. 1. La taxe de risque systémique est liquidée par la personne assujettie au vu des exigences en fonds propres mentionnées dans l'appel à contribution mentionné au 1° du V de l'article L. 612-20 du code monétaire et financier. L'Autorité de contrôle prudentiel communique cet appel au comptable public compétent avant le 30 avril.

« 2. La taxe de risque systémique est acquittée auprès dudit comptable au plus tard le 30 juin. Le paiement est accompagné d'un état conforme au modèle fourni par l'administration faisant apparaître les renseignements nécessaires à l'identification de la personne assujettie et à la détermination du montant dû.

« VI. 1. La personne assujettie, dont le siège ou l'entreprise mère du groupe, au sens de l'article L. 511-20 du code monétaire et financier, est situé dans un autre État ayant instauré une taxe poursuivant un objectif de réduction des risques bancaires équivalent à celui de la taxe de risque systémique, peut bénéficier d'un crédit d'impôt.

« 2. Le montant de ce crédit d'impôt est égal, dans la limite du montant de taxe de risque systémique dû par la personne assujettie, à la fraction de cette autre taxe que l'entreprise mère ou le siège acquitte au titre de la même année à raison de l'existence de cette personne assujettie.

« 3. Le crédit d'impôt peut être utilisé par la personne assujettie au paiement de la taxe de risque systémique de l'année ou lui être remboursé après qu'elle l'a acquittée.

« 4. Les 1 à 3 ne sont pas applicables lorsque la réglementation de cet autre État ne prévoit pas des avantages équivalents au bénéfice des personnes assujetties à la taxe mentionnée au 1, dont le siège ou l'entreprise mère est situé en France. La liste des États et taxes pour lesquels les 1 à 3 sont applicables est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie et du budget.

« VII. Les contestations du montant des exigences en fonds propres sur lequel la taxe de risque systémique est assise suivent le régime applicable aux contestations prévues au 3° du V de l'article L. 612-20 du code monétaire et financier.

« VIII. 1. Lorsque, en application du VII de l'article L. 612-20 du code monétaire et financier, l'Autorité de contrôle prudentiel révise le montant des exigences en fonds propres de la personne assujettie à la taxe de risque systémique, elle communique au comptable public compétent l'appel à contribution rectificatif accompagné de l'avis de réception par la personne assujettie.

« 2. Lorsque le montant des exigences en fonds propres est révisé à la hausse, le complément de taxe de risque systémique qui en résulte est exigible à la date de réception de l'appel à contribution rectificatif. Le complément de taxe est acquitté auprès du comptable public compétent, dans les deux mois de son exigibilité, sous réserve, le cas échéant, d'une révision à la hausse du montant du crédit d'impôt mentionné au VI.

« 3. Lorsque le montant des exigences en fonds propres est révisé à la baisse, la personne assujettie peut adresser au comptable public compétent, dans un délai d'un mois après réception de l'appel à contribution rectificatif, une demande écrite de restitution du montant correspondant. Il est procédé à cette restitution dans un délai d'un mois après réception de ce courrier, sous réserve, le cas échéant, d'une révision à la baisse du montant du crédit d'impôt mentionné au VI.

« IX. À défaut de paiement ou en cas de paiement partiel de la taxe de risque systémique dans le délai de trente jours suivant la date limite de paiement, le comptable public compétent émet un titre exécutoire. La taxe est recouvrée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que les taxes sur le chiffre d'affaires. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe. Toutefois, en cas de révision du montant des exigences en fonds propres dans les conditions du VIII, le délai d'exercice du droit de reprise de l'administration est, pour l'ensemble de la taxe due, décompté de la date d'exigibilité du montant révisé. »

« X. Le présent article est applicable sur l'ensemble du territoire de la République. »

II. - Un rapport sur le produit de la taxe de risque systémique mentionnée au I depuis son établissement est transmis chaque année au Parlement avant le 1 er octobre.

La parole est à M. Yves Vandewalle, inscrit sur l'article 16.

M. Yves Vandewalle. La consolidation des banques européennes est en cours avec les accords de Bâle III, dont la mise en oeuvre progressive devrait permettre aux banques françaises d'augmenter leurs réserves sans dommage. Cette mesure opportune soulève néanmoins quelques interrogations. Tout d'abord, quel en sera l'effet sur les taux d'intérêt ?

Ensuite, n'introduit-on pas un nouvel élément de fragilité en contraignant les banques à emprunter davantage sur les marchés pour satisfaire leurs clients ? En effet, on va immobiliser une part plus importante de leurs fonds propres.

Enfin, ces nouvelles règles ne vont-elles pas favoriser leurs concurrentes nord-américaines ou asiatiques ?

Voilà donc toute une série de questions.

Il faudrait également veiller à la compétitivité des services bancaires, en aidant nos établissements à mieux affronter leurs concurrents étrangers. Leurs meilleures équipes peuvent être débauchées. Ce fut le cas tout récemment, à Londres, pour une équipe spécialisée en dette souveraine, à cause de règles nationales de rémunération qui, assez curieusement, s'appliquent à Hong-Kong comme à Paris, ce qui, à l'heure de la mondialisation, n'a guère de sens.

Il faudrait probablement réfléchir à une évolution de cet encadrement national des rémunérations.

M. Henri Emmanuelli. Ben voyons ! Vive la crise !

M. le président. L'amendement n° 139 présenté par M. Carrez, est ainsi libellé :

À l'alinéa 2, après le mot :

« couverture »,

insérer les mots :

« et de division des risques ».

Cet amendement est rédactionnel.

(L'amendement n° 139, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 509 présenté par M. de Courson, M. Perruchot et M. Vigier et les membres du groupe Nouveau centre, est ainsi libellé :

Supprimer l'alinéa 5.

L'amendement n° 509 de M. Charles de Courson est défendu.

(L'amendement n° 509, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n os 356 rectifié et 511, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement n° 356 rectifié présenté par M. Muet, M. Cahuzac, M. Sapin, Mme Filippetti, M. Eckert, M. Emmanuelli, M. Balligand, M. Baert, M. Bartolone, M. Launay, M. Nayrou, M. Carcenac, M. Bapt, M. Goua, M. Idiart, M. Claeys, M. Jean-Louis Dumont, M. Bourguignon, M. Hollande, M. Moscovici, M. Lurel, M. Habib, M. Vergnier, M. Lemasle, M. Rodet, Mme Girardin et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 6, insérer l'alinéa suivant :

« I bis . - Cette taxe n'est pas déductible pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés. ».

L'amendement n° 511 présenté par M. de Courson, M. Perruchot et M. Vigier et les membres du groupe Nouveau centre, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 6, insérer l'alinéa suivant :

« I bis . - Cette taxe n'est pas déductible au titre de l'impôt sur les sociétés. ».

La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir l'amendement n° 356 rectifié.

M. Pierre-Alain Muet. La taxe instaurée par cet article est déductible de l'impôt sur les sociétés. Or la taxe du même type que nos collègues allemands ont instauré ne l'est pas. La convergence que vous souhaitez sur un certain nombre de sujets devrait vous conduire à faire un choix identique.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 511.

M. Charles de Courson. Vous êtes allé un peu vite sur l'amendement n° 509, monsieur le président, en ne me donnant pas la parole, mais ce n'est pas grave. Il s'agit d'amendements de réflexion.

Au Nouveau Centre, nous sommes beaucoup plus proches des positions allemandes que des propositions du gouvernement français. Pourquoi donc ? Les Allemands ont créé la même taxe que nous, pour un montant - presque trois fois supérieur - d'environ 1,5 milliard d'euros, qu'ils ont affecté à un fonds dédié, lequel pourrait servir en cas de risque systémique. C'est une espèce de prime d'assurance, dont - première différence avec le dispositif qui nous est proposé - ils n'ont pas fait une recette du budget fédéral.

Deuxième point, partiellement lié au premier, la taxe n'est pas déductible car ce fonds est propriété commune des banques et il y sera fait appel en cas de risque systémique, ce qui réduira d'autant le coût supporté, si nécessaire, par les finances publiques.

Il y a, enfin, la suppression de la franchise de 500 millions d'euros, destinée à élargir l'assiette de la taxe. Les Allemands me paraissent plus subtils que nous, puisqu'ils définissent l'assiette comme la différence entre, d'une part, le coût moyen des crédits pondéré par le risque et, d'autre part, les fonds propres. Par conséquent, plus les fonds propres sont importants, plus l'assiette est réduite, ce qui est vertueux. La première assurance, c'est effectivement un niveau élevé de fonds propres ; le fonds systémique n'intervient qu'ensuite.

Nous avons déposé cet amendement parce que le Gouvernement ne propose, à notre avis, qu'un succédané du système allemand, lequel nous paraît plus cohérent et plus efficace pour faire face au risque systémique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté ces amendements, qui soulèvent une question de forme et une question de fond.

Tout d'abord, une taxe doit être déductible. C'est un principe auquel la commission des finances et tous nos collègues ne peuvent qu'être attachés, et auquel il ne faut pas déroger. Certes, vous pourrez m'objecter que telle ou telle bribe de taxe n'est pas totalement déductible, par exemple la taxe sur les véhicules de société, mais le principe est qu'une taxe doit être déductible.

Cela dit, nos collègues entendent peut-être, en rendant cette taxe non déductible, augmenter la charge pesant sur les banques. Faut-il donc augmenter les taxes pesant sur le secteur bancaire ? Pour ma part, je pense que non. Contrairement à ce qui s'est produit en Allemagne, pays cité par M. de Courson - on aurait aussi pu parler du Royaume-Uni -, les banques françaises n'ont pas coûté au contribuable.

M. Charles de Courson. Sauf Dexia !

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Dexia fait certes exception, mais pour un montant limité.

En Allemagne et au Royaume-Uni, ce sont des dizaines de milliards d'euros qui ont été demandés au contribuable.

M. Louis Giscard d'Estaing. C'est vrai !

M. Gilles Carrez, rapporteur général . En outre, nos banques supportent des charges fiscales qui ne sont pas négligeables. On peut notamment citer la taxe sur les salaires, et, dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle, les banques sont l'un des rares secteurs dont la charge globale va augmenter, de l'ordre, si ma mémoire est bonne, d'une centaine de millions d'euros. En outre, le taux facial de l'impôt sur les sociétés est plus élevé qu'au Royaume-Uni ou en Allemagne.

M. Henri Emmanuelli. Oui, le taux facial, comme vous dites !

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Sur la forme, ce serait donc une erreur que de rendre cette taxe non déductible.

Sur le fond, elle me paraît correctement calibrée dans son montant. Il n'y a donc pas lieu de l'alourdir.

Pour répondre au dernier point de votre intervention et à d'autres amendements, l'assiette choisie par le Gouvernement a beaucoup de sens. Elle est en effet composée des actifs pondérés par les facteurs de risque, les actifs étant les prêts consentis par les banques. De ce point de vue, on ne peut donc pas dire que ce sont les fonds propres des banques qui sont pris en compte : ce sont les créances détenues par elles. Sans doute Mme la ministre précisera-t-elle ce point mais, si l'assiette retenue n'est pas la même que celle de la taxe allemande ou que celle proposée par le rapport de M. Lepetit, ce n'en est pas moins une assiette qui a du sens.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement que vient de présenter M. Muet, pour l'essentiel des raisons données par M. le rapporteur général et pour une raison complémentaire : en matière fiscale, la non-déductibilité ne s'applique qu'aux sommes qui ont le caractère de pénalité ou de sanction.

Or, en l'espèce, la taxation que nous proposons de mettre en place n'est pas destinée à pénaliser ou à sanctionner, mais à constituer la contrepartie d'une prise en charge au titre d'un risque comme celui que nous avons pu rencontrer au cours des deux dernières années. Sur la forme, il me paraît donc tout à fait légitime que la taxe soit déductible.

M. le rapporteur général a évoqué toute une série de faits. Je reprends à mon compte ces considérations. En particulier, je ne crois pas légitime de comparer des situations qui ne sont pas comparables. Vous l'avez parfaitement dit, monsieur le rapporteur général : les banques françaises ne se sont pas retrouvées dans la même situation que les banques allemandes, et le montant du plan de soutien allemand était bien plus élevé que celui du plan de soutien et de refinancement que nous avions mis en place pour les banques françaises.

M. Louis Giscard d'Estaing. Absolument !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie. Il n'est donc pas légitime de comparer les deux taxes à ce titre. De même n'est-il pas légitime de tirer argument des remboursements : les banques françaises ont effectivement remboursé, à hauteur de 80 %, les avances et les renforcements dont elles avaient bénéficié au titre de leurs fonds propres,...

M. Louis Giscard d'Estaing. C'est vrai !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie. ...alors que les banques allemandes ont à peine commencé à rembourser.

Par ailleurs, ce plan allemand a constitué un véritable coût pour le contribuable, alors que le plan français, s'il a pu être interprété par certains comme une perte de chances, a surtout été une source de revenus. À ce jour, le plan français a effectivement rapporté 2,4 milliards d'euros au contribuable français. La comparaison n'est donc pas légitime.

Nous avons délibérément choisi de ne pas vous proposer l'affectation de cette taxe à un fonds de résolution particulier car il ne nous paraît pas souhaitable de constituer une espèce de réserve d'assurance, tout simplement au regard de l'aléa moral.

Nous proposons donc de lever une taxe déductible et affectée au budget général de l'État français. Elle est la contrepartie d'un facteur de risque qui tient à la nature de l'activité en question. Nous considérons que l'assiette, qui est bien constituée des fonds propres pondérés par les risques, est effectivement de nature à encourager les banques à développer leur activité, c'est-à-dire le financement de l'économie française, et surtout pas à réduire leur bilan comme elles seraient tentées de le faire si la taxe s'appuyait sur une assiette de passif, telle celle retenue par l'Allemagne. Nous avons, pour notre part, retenu la même assiette que la Grande-Bretagne.

La non-affectation à un fonds spécifique de résolution suit, de même, le modèle britannique, et aussi le modèle suédois.

M. Henri Emmanuelli. Je croyais que nous suivions le modèle allemand !

M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Je ne souhaite pas, madame la ministre, rouvrir, à l'heure qu'il est, un débat que nous avons déjà eu, mais expliquer que cela n'a rien coûté au contribuable, c'est quand même une manière assez particulière de présenter les choses.

L'intervention publique assortie de la non-dilution du capital a représenté, pour les actionnaires, un gain très supérieur aux intérêts que vous évoquez. Comme par hasard, vous oubliez systématiquement de le rappeler !

M. Olivier Carré. Quel a été le coût pour l'État ?

M. Louis Giscard d'Estaing. C'est ainsi que fonctionne le marché !

M. Henri Emmanuelli. On sait comment fonctionne un marché, quand même, et on sait aussi ce qu'est le risque !

Quand un risque se réalise, ce sont donc les contribuables qui sont sollicités contre paiement d'un intérêt à taux fixe. Vous savez bien ce qu'étaient les cours des actions des banques au moment de l'émission des titres de participation et ce qu'ils étaient devenus six mois plus tard, au moment des remboursements. Je ne vois donc pas pourquoi un fonctionnement de marché vaudrait dans certaines circonstances et non dans d'autres.

Je maintiens et j'affirme que nous avons perdu plusieurs milliards d'euros, si l'on considère les montants que nous aurions gagnés grâce à une prise de participation. Je peux vous le démontrer quand vous voulez, et nous l'avions déjà dit au moment même de l'émission des titres. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Si ! Nous avons insisté, en commission des finances, pour que l'on ne choisisse pas les titres finalement retenus, et nous avons expliqué pourquoi. Nous vous l'avons dit : c'était le contribuable qui prenait le risque, tandis que la remontée des cours profiterait aux actionnaires. Relisez donc les comptes rendus des réunions de la commission des finances ! Je ne présente donc pas un raisonnement nouveau.

Tout le monde comprend très bien, dans le pays, ce qui s'est passé, y compris l'opinion publique. Certes, elle n'est pas forcément avertie des questions financières, mais elle n'est pas non plus tout à fait idiote.

Cela dit, je ne comprends pas très bien, madame la ministre, que le produit de la taxe proposée ne soit pas affecté à un fonds mais au budget de l'État. Très franchement, on a l'impression d'une concession faite à l'opinion publique : comme le contribuable a payé, il faut faire quelque chose. Comme si l'on pouvait quantifier aujourd'hui ce qui se passera !

En ce moment, nous menons une enquête sur la spéculation, avec un rapporteur issu des rangs de l'UMP, M. Jean-François Mancel. Eh bien, contrairement à ce qui se dit, nous sommes loin de pouvoir dire que la crise soit derrière nous, mais je n'y insisterai pas, par sens des responsabilités. Je donnerai simplement deux chiffres : il y a 60 000 milliards de dollars de PIB mondial mais 700 000 milliards de dollars d'OTC émises, dont 90 % hors des chambres de compensation. Dans de telles conditions, il faut faire preuve d'un solide optimisme pour nous expliquer que tout va bien ! Pour ma part, je ferais des fonds de précaution pour l'avenir.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Henri Emmanuelli a dit l'essentiel. Il est vrai que, si nous étions intervenus sous la forme de prises de participations, la plus-value aurait été de 5,8 milliards d'euros.

M. Olivier Carré. Mais non !

M. Pierre-Alain Muet. C'est ce que nous dit le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires.

On sait bien, également, que c'est l'intervention publique qui a permis le redressement des banques. On ne peut pas oublier les leçons de la crise ! Il fallait intervenir mais les États, qui se retrouvent dans les situations budgétaires que l'on connaît, ont droit à un juste retour pour leur intervention. Or, nous parlons ici de sommes qui ne sont pas du tout comparables : cette taxe ne rapportera pas 5,8 milliards.

S'agissant de l'argument de selon lequel une taxe ne pourrait être non déductible que s'il s'agit d'une pénalité, faut-il rappeler que la CSG, qui a une composante non déductible, n'est pas une pénalité ? Je ne vois pas au nom de quoi on justifierait que la présente taxe soit déductible.

À cet égard, l'argument avancé par Charles de Courson me paraît parfaitement justifié. Cette taxe a vocation à alimenter un fonds destiné à éviter aux États d'intervenir comme ils ont dû le faire lors de la crise. Il est assez naturel de la considérer comme une couverture assurantielle que l'État impose aux banques. Par conséquent, je ne vois pas pourquoi elle serait déductible.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Je ne souhaite pas revenir sur la déductibilité, car je risquerais de répéter les arguments déjà avancés. En revanche, j'aimerais intervenir sur la nature de l'assiette et appeler l'attention de ceux que ce sujet intéresse - et ils sont nombreux - sur les critiques du rapport Lepetit, qui ne sont pas de nature morale mais économique.

Premièrement, cette taxe exonère les institutions financières qui ne calculent pas d'encours d'actifs pondérés par les risques. Le risque systémique va donc s'accumuler dans certaines institutions sans que la taxation puisse corriger d'éventuels excès puisque ces institutions ne sont pas soumises à la taxe.

Je ne pense pas que l'on puisse écarter cette critique d'un revers de main. Et en tant que président de la commission des finances, je souhaite prendre date : je crois que ces critiques préalables formulées par le rapport Lepetit auraient mérité une lecture plus attentive.

Deuxièmement, le rapport Lepetit met en évidence le manque total de complémentarité de la taxe avec la réglementation prudentielle. Non seulement l'assiette retenue épargne des institutions au sein desquelles vont s'accumuler des risques mais, de surcroît, ces institutions sont très imparfaitement couvertes par cette réglementation.

Troisièmement, cette assiette favorise les banques de marché au détriment des banques universelles, ce qui ne paraît pas cohérent avec le choix opéré par les institutions bancaires de notre pays, et encouragé par les autorités, de ne pas opérer une telle scission.

Ces trois critiques ne sont ni relatives au passé - fallait-il ou non intervenir ? -, ni de nature morale - faut-il ou non punir les banques ? Sont-elles coupables ? -, mais reposent sur des concepts purement économiques et prudentiels. À ce titre, elles ne me semblent pas pouvoir être écartées aussi simplement que cela.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. S'agissant du rapport Lepetit, j'entends bien ce que vient de dire le président de la commission des finances. Retenir les actifs non pondérés par les risques exclurait tous les établissements relevant de Bâle III et de Solvabilité II, c'est-à-dire, par définition, tous les établissements de crédit et toutes les compagnies d'assurance.

Le rapport Lepetit critique en fait toutes les sociétés et quasi-sociétés qui ne sont pas réglementées et qui ne relèvent pas des chambres de compensation. Ce sont elles que vise notamment la directive « AIFM », qui a notamment vu le jour grâce au travail efficace du gouvernement français et de Christine Lagarde pour trouver un compromis.

Les auteurs du rapport Lepetit ont certes raison, mais seulement pour un champ de sociétés dont on a déjà su cerner les contours et pour lequel on a trouvé une solution,...

M. Henri Emmanuelli. Quelle solution ?

M. Jérôme Chartier. ...qui consiste notamment à établir un passeport européen afin de bien les identifier et de pouvoir, le cas échéant, les pointer du doigt. Nous espérons qu'un jour, à travers les chambres de compensation, ces sociétés seront mieux connues et qu'un système de régulation du type Bâle III permettra de les faire passer sous les fourches caudines d'une évaluation des risques liés aux encours.

Le rapport Lepetit est certes de qualité, mais il cerne seulement une partie du problème et exclut l'essentiel.

La nécessité d'une taxe de risque systémique s'est fait sentir en France, mais également dans de nombreux pays d'Europe, dont l'Allemagne. À cet égard, soulignons la différence de taux de l'impôt sur les sociétés entre les deux pays : en France, 33 % ; en Allemagne, 15 % auxquels s'ajoute 5 % du produit de la taxe spéciale pour la réunification, soit 15,88 %. Il s'agit de deux situations radicalement différentes.

Comme le rappelait Gilles Carrez, la tradition française veut que les taxes soient déductibles,...

M. Henri Emmanuelli. Et la CSG ?

M. Jérôme Chartier. ...et je ne vois pas au nom de quoi il serait subitement décidé que cette taxe ne le serait pas.

Je voudrais maintenant revenir sur les propos de M. Emmanuelli.

Charles de Courson a rappelé, comme Christine Lagarde, que le système bancaire français a été suffisamment solide pour résister à la crise. Notre pays l'y a aidé et n'a pas connu de situations désastreuses, exception faite de Dexia. Or l'État était actionnaire de Dexia, monsieur Emmanuelli.

Reportons-nous à la mi-2009, au tout début de la crise financière. La France est dans une situation d'incertitude profonde ; seuls les meilleurs économistes, qui sont presque les cartomanciens d'aujourd'hui,...

M. Henri Emmanuelli. Ça continue !

M. Jérôme Chartier. ...affirment que tout le monde va s'en sortir. Mais, en vérité, personne ne sait ce qu'il va advenir.

Deux solutions se présentent : la première consiste en une prise de capital, avec le risque que l'ensemble des établissements aidés connaissent le même sort que Dexia, ce qui provoquerait une perte abyssale ; la deuxième -celle que le Gouvernement a retenue - consiste à aider les établissements de crédit, par l'intermédiaire de quasi-fonds propres, à recouvrer la confiance des marchés s'agissant des prêts à court et moyen termes, solution qui a rapporté beaucoup d'argent à notre pays, comme Christine Lagarde l'a rappelé.

M. Henri Emmanuelli. Le risque a été pris de toute façon !

M. Jérôme Chartier. Vous n'êtes pas content, monsieur Emmanuelli, je le comprends. Vous ne pouvez pas contester ce qui est incontestable.

M. le président. Monsieur Chartier, veuillez conclure.

M. Jérôme Chartier. Je tenais, monsieur le président, à revenir sur ces quelques points.

Face aux critiques du rapport Lepetit, il faut rappeler que la taxe systémique porte sur les établissements de crédit qui font l'objet d'une évaluation de type Bâle III, et non pas sur les autres. Le rapport enfonce des portes ouvertes, mais nous espérons que ces portes seront utiles un jour.

Il importait d'apporter ces précisions et de saluer la réaction qui fut celle de la France au coeur de la crise financière. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. L'amendement n° 508 présenté par M. de Courson, M. Perruchot et M. Vigier et les membres du groupe Nouveau centre, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi l'alinéa 7 :

« II. - L'assiette de la taxe de risque systémique est constituée par le passif des banques, diminué de leurs fonds propres ainsi que des dépôts de clientèle. ».

La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Compte tenu des propos que vient de tenir M. le président de la commission des finances, j'imagine que notre amendement n° 508, qui vise à modifier l'assiette de la taxe, le satisfera pleinement.

Madame la ministre, vous appelez souvent de vos voeux une convergence avec l'Allemagne, qui est notre premier partenaire. Nous avons examiné de près la situation dans ce pays. Comme vous le savez, il a choisi de taxer le recours à l'endettement des institutions financières. L'assiette de la taxe y correspond à l'ensemble du passif diminué des fonds propres - ressources permanentes dont le remboursement est à la main de l'émetteur - et des dépôts - ressources privées non levées sur les marchés et garanties dans la plupart des pays. Cette assiette couvre donc tous les instruments de dette utilisés comme effet de levier.

Le changement d'assiette que nous proposons a pour effet de lui donner le même objectif qu'en Allemagne : rembourser le coût de la crise pour les pouvoirs publics. Il nous paraît essentiel que les banques participent directement. Nous savons ce que notre pays a dû injecter dans l'économie pour faire face à ce drame. Cette modification nous rapprocherait de notre premier partenaire, irait dans le sens de la convergence, et produirait une recette beaucoup plus importante, comparable à celle de l'Allemagne, qui est de l'ordre de 1,4 milliard d'euros.

M. le président. Nous pouvons considérer que vous avez ainsi défendu l'amendement n° 508, monsieur Vigier.

(L'amendement n° 511 est retiré.)

(L'amendement n° 356 rectifié n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 508, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 140 présenté par M. Carrez, est ainsi libellé :

À la première phrase de l'alinéa 10, après le mot :

« exigences »,

insérer le mot :

« minimales ».

L'amendement n° 141 présenté par M. Carrez, est ainsi libellé :

À la fin de l'alinéa 14, substituer aux mots :

« l'a acquittée »,

les mots :

« a acquitté la taxe de risque systémique ».

L'amendement n° 142 présenté par M. Carrez, est ainsi libellé :

À la dernière phrase de l'alinéa 15, substituer aux mots :

« États et taxes pour lesquels les 1 à 3 sont applicables »,

les mots :

« taxes étrangères dont le paiement peut donner droit à l'application des dispositions des 1 à 3 ».

L'amendement n° 143 présenté par M. Carrez, est ainsi libellé :

À l'alinéa 16, après le mot :

« exigences »,

insérer le mot :

« minimales ».

L'amendement n° 144 présenté par M. Carrez, est ainsi libellé :

À la première phrase de l'alinéa 18, après le mot :

« exigences »,

insérer le mot :

« minimales ».

L'amendement n° 145 présenté par M. Carrez, est ainsi libellé :

À la première phrase de l'alinéa 19, après le mot :

« exigences »,

insérer le mot :

« minimales ».

L'amendement n° 147 présenté par M. Carrez, est ainsi libellé :

Après le mot :

« à »,

rédiger ainsi la fin de la troisième phrase de l'alinéa 20 :

« ces taxes. ».

L'amendement n° 146 présenté par M. Carrez, est ainsi libellé :

À la dernière phrase de l'alinéa 20, après le mot :

« exigences »,

insérer le mot :

« minimales ».

L'amendement n° 150 présenté par M. Carrez, est ainsi libellé :

Après le mot :

« le »,

rédiger ainsi la fin de la dernière phrase de l'alinéa 20 :

« droit de reprise de l'administration s'exerce, pour l'ensemble de la taxe due au titre de l'année concernée, jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la personne assujettie a reçu l'avis à contribution rectificatif. ».

L'amendement n° 138 présenté par M. Carrez, est ainsi libellé :

À l'alinéa 22, substituer aux mots :

« mentionnée au I »,

les mots :

« prévue par l'article 235 ter ZE du code général des impôts ».

Les amendements n os 138 et 140 à 147 de M. le rapporteur général sont rédactionnels, son amendement n° 150 est de précision.

(Les amendements n os 140, 141, 142, 143, 144, 145, 147, 146, 150 et 138, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n os 50 et 510.

L'amendement n° 50 est présenté par M. Carrez, Rapporteur général au nom de la commission des finances, M. de Courson, M. Perruchot et M. Vigier.

Et L'amendement n° 510 est présenté par M. de Courson, M. Perruchot et M. Vigier et les membres du groupe Nouveau centre.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

Compléter cet article par l'alinéa suivant :

« III. - Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d'un an à compter de la création de la présente taxe, un rapport détaillant la possibilité d'en affecter le produit à un fonds pour la prévention des risques systémiques. ».

La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° 50.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Je laisse à M. de Courson le soin de les présenter.

M. Charles de Courson. Ces amendements consistent à demander au Gouvernement de déposer dans un délai d'un an un rapport détaillant la possibilité d'affecter le produit de la taxe à un fonds pour la prévention des risques systémiques, à l'instar du modèle allemand.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie. J'aimerais que M. de Courson retire ces amendements, qui visent à demander un rapport spécifique au Gouvernement.

Je pense qu'un tel rapport n'est pas nécessaire dans la mesure où nous allons présenter à chaque exécution de loi de finances un compte rendu sur la taxe, son prélèvement, son volume, l'évolution des fonds propres des banques en fonction de l'avancée de l'application de Bâle III.

Je souhaite, à ce moment du débat, clarifier un point en ce qui concerne l'assiette, constituée par les fonds propres pondérés par les risques. Cela signifie, compte tenu du ratio de fonds propres exigé des banques d'investissement, que le facteur de majoration pour ces établissements est de trois, ce qui a pour effet d'augmenter l'assiette de la taxe. Par conséquent, les banques dites d'investissement, ou d'affaires, seront davantage taxées que les banques dites traditionnelles, tournées vers le financement classique de l'économie.

Je reconnais bien volontiers qu'il y a une vraie différence avec la taxe allemande. Nous avons souhaité nous aligner plutôt sur le modèle britannique, tant en ce qui concerne l'affectation que l'assiette. Il nous semblerait dommage de donner une image assurantielle à la taxe en l'affectant à un fonds spécifique.

Je ne suis pas certaine qu'un rapport de plus ajouterait quelque chose.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Madame la ministre, ces amendements ont pour seul objet de s'interroger sur la pertinence d'affecter cette taxe à un fonds dédié, selon le modèle allemand.

Au fond, je trouve regrettable que cette taxe, qui est une sorte de prime d'assurance, apparaisse parmi les recettes du budget de l'État. Le jour où un risque systémique se manifestera - espérons qu'il ne viendra jamais -, nous n'aurons pas les fonds nécessaires pour y faire face. Pour nous, le versement de primes implique la capitalisation.

De ce point de vue, je suis Allemand - le président Kennedy a bien déclaré Ich bin ein Berliner - et pas Anglais. D'ailleurs, entre nous, il faut reconnaître que les Anglais et les Américains ont été les grands responsables de la crise financière par leurs excès de toute nature.

(Les amendements identiques n os 50 et 510 ne sont pas adoptés.)

(L'article 16, amendé, est adopté.)